Le football est une religion en Afrique. Un coup d’œil dans n’importe quelle ville vous offrira un patchwork des clubs les plus célèbres d’Europe, et des incontournables sélections qui ont fait la fierté du continent. Mais jeunes et amateurs doivent se débrouiller pour jouer.
L’Afrique n’est pas aveugle, le foot–business venu d’Europe lui renvoie l’éclat de sa puissance financière chaque week-end à la télévision. Être footballeur professionnel rapporte plus que docteur ou avocat. Les terrains de foot, qu’ils soient en latérite, en sable, en goudron ou en herbe sont pris d’assaut les soirs et les week-ends. Seules les chaleurs écrasantes du soleil à son zénith ou les trombes d’eau accordent un sursis à ces espaces de jeu. Les plus jeunes rêvent tous de suivre les traces des légendes Samuel Eto’o et Didier Drogba, qui ont mis l’Europe à leurs pieds. Seulement, le football professionnel n’est que la vitrine luisante de la grande boutique que représente ce sport. Pour la rejoindre depuis l’Afrique, le chemin est long et parsemé d’embuches. Le Football n’est pas un métier, c’est un sport qui permet aux meilleurs et aux plus chanceux d’en vivre.
Footballeurs autonomes
Dans de nombreux coins d’Afrique, rien, où presque, n’est mis en place pour la pratique du football amateur et de loisir, celui qui concerne la masse et les jeunes. Ce constat n’empêche pas les gens de jouer : il suffit de peu pour s’organiser en deux équipes et d’occuper son après-midi. Seulement, cette structure anarchique du football « à la base » n’est pas idéale pour son développement. L’intérêt du jeu est réduit au loisir sans compétition, annihilant par là même, un intérêt élémentaire du sport. Heureusement, de petits promoteurs philanthropes ou dans le business de la formation, organisent des tournois à l’échelle d’un quartier, d’une ville ou d’une région. Souvent lors des vacances scolaires, parfois même reconduits d’année en année. A côté de cette organisation informelle généralisée, aucun championnat officiel n’est organisé par les fédérations dans les catégories de jeunes sur le continent, où à de rares exceptions près.
Le système mis en place par la FIFA en Afrique via la Confédération Africaine de Football (CAF) ne s’adapte pas à l’environnement. La gestion financière opaque qui est effectuée ne permet pas une bonne utilisation des fonds. Qu’ils soient débloqués par la FIFA dans le cadre de ses subventions où de ses missions de développement, soutenu par l’état, ou issu du sponsoring de l’équipe nationale. Les montants arrivés à destination sont loin des sommes évoquées au départ, et varient d’une année sur l’autre au gré des besoins des intermédiaires. De ses bureaux à Zurich, la FIFA valide la méthode et vient parader en Afrique avec des valises de dons. Pour financer la construction d’un nouveau siège pour les fédérations souvent, et des terrains pour les joueurs rarement…Aucun organisme de contrôle externe ne veille à ce que ces pratiques douteuses s’arrêtent. Petits arrangements entre amis donc.
Le rôle éducatif et social qui est pourtant à la base du sport, se trouve relégué au second rang des priorités exigées par la CAF, qui elle se soucie principalement de la bonne tenue des compétitions continentales. Que ce soit sur le plan des nations (CAN dans toutes les catégories d’âge et de genre, CHAN) ou des clubs (ligue des champions et coupe de la confédération). L’exigence demandée aux fédérations de chaque pays est la tenue des sélections, l’organisation d’un championnat national et d’une coupe qui suffisent à justifier des subventions obtenues. Beaucoup de présidents de fédération se prennent alors pour des « Bernard Tapie » version Olympique de Marseille 88-93 et bénéficient du soutien des états, qui veulent bien figurer à l’international. Les moyens mis en place pour gagner se font en dépit du bon sens. Les sélections présentent de plus en plus de joueurs binationaux, n’ayant la plupart du temps jamais mis les pied au pays dans un autre contexte que celui du football. Pire, des joueurs étrangers à qui on donne la nationalité. Les primes de matches sont négociées sur la base d’une réalité salariale occidentale. Les entraineurs étrangers touchent des salaires indécents rarement justifiés et bien sûr, l’inévitable corruption des matchs officiels.
Tout cela nuit au développement du football, de la formation des jeunes à la pratique amateur. Mais comme il suffit de faire croire à une boutique bien remplie, la fin des privilèges n’est pas à l’ordre du jour.
Les secteurs publics et privés au service du football
Le football est un sport de masse en Afrique qui compte des millions de pratiquants. Rien n’est mis en place pour organiser des championnats dans toutes les catégories d’âges et de tous les niveaux alors qu’ils permettraient à l'une majorité des joueurs d’évoluer dans un cadre où la motivation et le plaisir monteraient crescendo avec la compétition. Un rôle d’intérêt général qui doit encourager les institutions publiques à investir à la base, et non pas aider et encourager des fédérations frauduleuses. L’argent du peuple, utilisé aux services du peuple.
Dans un tel contexte, les clubs doivent souvent se débrouiller seul. Les mécènes venues du secteur privé sont rares, mais un modèle se détache : celui de Moïse Katumbi au Tout Puissant Mazembe de Lubumbashi en RDC. Il a su doter son club des infrastructures qui lui permettront de survivre et de continuer de performer même au delà de son mandat.
Pour les clubs qui n’ont pas de président milliardaires, ils doivent parvenir à de nouvelles ressources. En Afrique l’argent est dans les poches étrangères. Le sponsoring des entreprises étrangères doit se généraliser. Certains clubs peuvent déjà compter sur le soutien de passionnés et d’anciens joueurs, qui une fois dans le secteur privée n’hésitent pas à effectuer les démarches pour pousser leurs directions à investir. Car sans la présence d’intermédiaire fiable, impossible pour les multinationales de se mêler dans cette « mafia » du football africain bien connue des cercles d’influences.
Pourtant elles seraient nombreuses ces sociétés internationales à pouvoir se servir du sport pour marquer leur contribution au développement des pays où ils s’enrichissent, et de se rapprocher des populations les plus vulnérables : Par effet domino accroitre leur notoriété et susciter la sympathie des supporters et du pays tout entier si les résultats sont probants. Gagnant-gagnant.
Pierre-Marie Gosselin