L’ambiance des tribunes de foot africaines peut prendre une dimension incroyable, lorsque les événements concourent dans ce sens. Un rugissement qui donne des ailes aux joueurs sur le terrain et permet des matchs incroyables, une sorte de turbo qui augmente l’intensité de la fête. Le fameux rôle du « douzième homme » qui permet de réaliser les plus grands exploits. Ici, les spectateurs sont rares, on ne retrouve que des supporteurs. Aux joueurs de provoquer la pulsion nécessaire à leurs réveils.
Supporteur n°1, au service de l’exploit sportif
La musique et la danse sont présentes en tribune, elles se sont naturellement imposées comme un excellent moyen d’encourager les joueurs sur le terrain, et mobiliser le public. Les sélections nationales d’Afrique de l’ouest et centrale peuvent compter sur des groupes de supporteurs, composés d’hommes, de femmes, dévoués pour encourager l’équipe chérie pendant 90 minutes, Parmi eux, ils s’en distinguent toujours quelques-uns qui revêtissent des couvre-chefs ou qui ont leurs corps recouverts de peinture. Ils ravissent les photographes et les caméras des journalistes qui s’en servent souvent pour illustrer le public. Pas étonnant, ils sont uniques dans la planète football. Ce sont des mascottes indépendantes, qui remplissent ce rôle de manière quasi professionnelle, et sont de véritables supporteurs « numéro un ». Ils ont la reconnaissance de tous pour ce rôle.
Ces fameux supporteurs, des hommes en grande majorité, possèdent un attachement particulier à leurs équipes et un don pour pouvoir continuer à encourager sans fin, quelque soit la tournure du match. Ils accompagnent les joueurs ou qu’ils aillent, et sont capables de voyager plusieurs jours dans des conditions difficiles pour leur donner le soutien qu’ils méritent. Ils peuvent percevoir une rémunération, mais celle-ci est dépendante du bon vouloir des autorités compétentes, quelle que soit du football ou du gouvernement. Mais il n’est pas rare de les voir sollicités pour des événements sportifs, et pas uniquement autour des stades de foot, même s'ils sont leurs terrains de jeu favori. Ces quelques supporteurs à plein temps vivent ainsi au rythme des compétitions sportives et des grands matchs de foot. Ils accompagnent les délégations lors des Coupe d’Afrique des Nations ou des compétitions régionales. Une forme d’emploi modeste mais qui permet de voyager, un luxe pour beaucoup de monde en Afrique. Ils sont devenus des artistes des tribunes, jamais en manque d’inspiration pour transmettre au public l’énergie du terrain, et permettre d’atteindre ce fameux rugissement du stade, qui fait voler les dribbleurs et décomplexe les attaquants. Une transe footballistique que seule l’Afrique peut créer.
Pas de motivations Marketing
Présentes en Europe autour de quelques équipes, les mascottes sont arrivées via les sports US que ce soit à l’université, ou dans les ligues majeures (NBA, NFL, MLB). Des personnes déguisées en animaux ou personnages représentatifs du surnom de l’équipe. Elles sont devenues rapidement un argument marketing pour cibler les plus jeunes, et une partie prenante de ces shows du sport business. Certains sont bénévoles, d’autres perçoivent une rémunération directe ou indirecte. En Afrique, la considération économique n’est pas à prendre en compte, les mascottes se sont imposées d’elles-mêmes dans la vie de ces gens, qui n’ont pas hésité à se jeter dans l’arène et adosser cette fonction de troubadour des temps modernes.
Le Bénin a perdu ses deux mascottes ces dernières années. Papa Boyayé puis Bernard Tapie ont quitté ce monde dans un émoi national. Ils ont été nombreux à les accompagner pour leurs derniers voyages. Car ils ont laissé les écureuils de la sélection Béninoise orphelins de leurs ambianceurs. Car, depuis leur départ, ces messieurs qui font « le spectacle dans le spectacle », selon Anselme Houenoukpo, journaliste Béninois à l’événement précis, n’ont pas encore eu des successeurs avérés. «Papa Boyayé faisait des tours de magie et quelques mouvements gymnastiques pour donner du sourire aux spectateurs. Il en profitait pour se faire un peu de sous aussi», il nous dit aussi que pour la relève, « ce sont deux jeunes, un qui supporte l'AS Police et l'autre Energie FC. Ils tentent à leurs manières de soutenir les équipes. Eux, ils n'ont pas les accoutrements de Bernard Tapie, mais ils feront de bons supporteurs ». En effet, il est difficile de succéder à ces mascottes qui étaient devenus des membres à part entière de la grande famille du mouvement sportif. Il est difficile de revêtir un costume de supporteur n°1 et de s’imposer aux yeux de tous. À l’image d’un super-héros.
Le Bénin peut compter sur la détermination et le talent de sa jeunesse, sur les rêves que provoque le football dans le Royaume du Dahomey. Seulement, il faut que les résultats des sportifs nationaux progressent, car si à l’image du football, en perpétuelle reconstruction, les participations à la CAN sont de plus en plus rares, des affluences faibles seraient un vrai préjudice dans cette période de transition de ces chefs de file du supporterisme local. Car cette vie n’a pas beaucoup d’avantages, outre le fait de pouvoir vivre sa passion à outrance, et de participer aux compétitions internationales en voyageant avec les délégations officielles. Il est difficile d’obtenir une rémunération décente, l’on devient cependant un personnage public, de grande notoriété. Ce qui n’est pas anodin dans une vie, mais suffisant pour éveiller de nouvelles vocations qui demeurent précaires? L’avenir nous le dira, le développement de la fédération aussi.
Pierre-Marie Gosselin
Source Photos – hommage à Bernard Tapie, le supporter / Perez Lekotan, journaliste béninois
Papa Boyayé et son vélo. Source BJfoot. Découvrir aussi l'interview de ce supporter mascotte aujourd'hui disparu
Couverture : Supporter des Etalons du Burkina Faso, équipe nationale de ce pays – Reuters