Nelson Mandela : un Combattant de la Liberté

Nelson Mandela, un leader atypique

Je ne peux ne pas adresser ce billet à la mémoire d’un homme d’exception, ni cacher mon respect et mon admiration envers celui qui, de sa vie, en a fait un chant de lutte, afin que des millions soient libérés. Le 466ème  prisonnier, de 1964, de Robben Island, la désormais tristement célèbre prison. Nelson Mandela est plus qu’un homme, il est devenu le symbole de la lutte pour la liberté, pour le respect des individualités, et la libre conscience. Qu’il me soit permis de rendre hommage à Madiba (son nom de clan), et à Rohlilala, son prénom xhosa, signifiant  "celui qui amène les problèmes".

Les problèmes, Nelson Mandela en a résolu, il a été en cela le type même du leader, en résolvant les problèmes et en apportant des solutions. Partout, sur son chemin, de Ford Hare où il fut exclu avec son ami Oliver Tambo, à la création du Mk (partie de la division armée de l’ANC, dont il fut le fondateur, et une des raisons de sa condamnation), il a su apporter les mesures qui, une fois insufflées, ont imposé le changement.

Mandela était de ceux qui n’aimaient pas la stagnation, et qui, de par leur simple présence apportait des changements positifs. Que l’on ne s’inquiète pas des nuages, des tourments, des problèmes apparents; avec lui, le moment le plus sombre précédait toujours l’aube, et les solutions venaient après les luttes et les souffrances. Des geôles de Robben Island à la présidence, seul le Joseph de l'Ancien Testament a fait mieux.

Que l’on pense à l’homme, un humain, normal, fait de chair et d’os, refusant à plusieurs reprises la liberté offerte par le parti nationaliste sud-africain, refusant par conviction, refusant pour ne pas se compromettre, car il avait compris que la liberté sans les autres n’était pas la liberté. 

Mandela a défié les limites de l’Homme et montré une race d’hommes qui refusait de se compromettre. Il a choisi de se battre contre le système et compris qu’il ne s’agissait pas de se battre contre l’homme. Le système de l’apartheid qui voulait que l’homme noir se sente inférieur, limité, pauvre et ignorant. Il a refusé de se limiter par le langage de l’oppresseur, et a désiré jalousement la liberté qui lui était refusée.

Mandela, c’est aussi « le père de la nation », celui qui, dans son émouvant et captivant livre Un long chemin vers la liberté nous parle avec son cœur et reconnait les choix qui l’ont amené, inexorablement loin des siens. Le cri d’un père qui reconnait avoir fait des choix qui se sont avérés difficiles pour ses enfants, sa femme, Winnie Mandela.

Ce que je retiens de Mandela, c’est le sillage d’un homme qui a brillé pour montrer l’exemple. C’est la capacité à s’oublier pour être un repère pour les générations futures. C’est un homme de paix, qui pourtant, avait toutes les raisons pour haïr, détester, et refuser de pardonner. Mandela nous montre encore aujourd’hui qu’un leader, ce n’est pas ce qui est vu par le phrasé, le charisme ou encore les promesses de campagne, mais le sacrifice réel d’un homme pour les siens, l’exemplarité dans la conduite quelque soient les circonstances, en supportant l’insupportable, en gardant le moral.

Je suis fière que Mandela ait existé, et plus fière encore qu’il ait été AFRICAIN. Fière que l’Afrique ait engendré un tel leader, loin des dictateurs qui nous font souvent mauvaise presse. Mandela ne s’est pas affalé dans un pouvoir éternel. Le cri de ralliement de l’ANC était : « Amandla ! Ngawethu ! », ce qui veut dire « le Pouvoir, nous appartient ! » avec le poing levé. Il aurait pu rester indéfiniment et ‘mourir au pouvoir’ comme bon nombres de faux leaders ont décidé de le faire dans certains pays ; mais non, il a montré jusqu’au bout le chemin de la droiture,  du respect de l’autre.

La rectitude de son caractère, était sa marque de fabrique :

« Tout homme ou toute institution qui essaieront de me voler ma dignité perdront. »

Mandela a refusé tout compromis et pris sur lui de montrer le chemin de la liberté. Voilà pourquoi il n’est pas qu’aux Sud-Africains, mais au monde entier, car sa vie inspire chacun d’entre nous et nous sert de repère.

Pour ne pas conclure, je cite ici, la célèbre déclaration de Nelson Mandela, lorsqu’il devait recevoir la sentence pour le procès de Rivonia :

« Au cours de ma vie, je me suis entièrement consacré à la lutte du peuple africain. J'ai lutté contre la domination blanche et j'ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d'une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances égales. J'espère vivre assez pour l'atteindre. Mais si cela est nécessaire, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. »

 Une citation que l’on entend ou lit et qui résonne longuement en nous : Et nous ? Sommes-nous prêts à dire de même ?

Pénélope Zang Mba

Un long chemin vers la liberté, Editions Fayard, 1994

Nelson Mandela-2008 (edit)" by South Africa The Good News / www.sagoodnews.co.za. Licensed under CC BY 2.0 via Wikimedia Commons – 

« Man with a plan » : les défis du président Buhari

buhari-2015-mesageVoilà maintenant six semaines que Muhammadu Buhari a officiellement pris le pouvoir au Nigéria, après une élection historique. Le Major-Général a d’ores et déjà relevé un premier défi, et non pas des moindres : mettre fin à la domination du People’s Democratic Party (PDP), sans rival depuis l’instauration de la Quatrième République en 1999, et défaire un candidat au portefeuille largement mieux fourni pour conduire le Nigéria vers la première alternance démocratique de son histoire.

Six semaines, c’est bien peu pour juger de l’action de Buhari, au regard de l’ampleur de la tâche. Buhari a cependant déjà envoyé un nombre de signaux intéressants, et fixé sans doute possible sa première priorité : éradiquer Boko Haram. Conscient de l’embarras que représente la secte islamiste pour l’image internationale du Nigéria, le président y a consacré ses premières visites diplomatiques au Niger et au Tchad (qui s’étaient souvent plaints de l’attentisme de son prédécesseur) et au G7 en Allemagne, afin de mobiliser la communauté internationale. Le Cameroun, pourtant rarement en bons termes avec son voisin nigérian, devrait prochainement faire l’objet d’une visite de Buhari après la fin du Ramadan.

Aux efforts pour améliorer la collaboration régionale s’ajoutent ceux, tout aussi essentiels, pour améliorer l’efficacité de l’armée nigériane. Là aussi, les premiers signaux envoyés par Buhari sont prometteurs. Le commandement de l’armée devrait être déplacé dans les prochaines semaines d’Abuja à Maiduguri, plus près de la ligne de front ; la hiérarchie militaire vient d'être épurée des généraux incompétents mis en place par Goodluck Jonathan, remplacés par des officiers respectés par les troupes ; et les checkpoints militaires installés à travers le pays sans grande efficacité vont être démantelés pour libérer des effectifs supplémentaires. D’ici quelques mois, une fois la réorganisation de l’armée en marche, on peut s’attendre à ce que la lutte contre Boko Haram connaisse des avancées significatives.

Au-delà de Boko Haram, qui concentre l’attention des médias internationaux, Buhari aura fort à faire face à l’immensité des défis qui l’attendent. Morceaux choisis :

  • Relever les finances publiques, laissées dans un état déplorable par quinze années de gabegie.
  • S’attaquer à la corruption, généralisée à tous les échelons de l’État
  • Apporter l’électricité à un peuple habitué à vivre dans l’obscurité ou  le bruit des générateurs (pour ceux qui en ont les moyens).
  • Mettre fin au paradoxe qui fait que le plus gros producteur de pétrole du continent puisse régulièrement connaître de longues pénuries d’essence
  • Diversifier l’économie et s’extraire d’une dépendance au pétrole qui a montré ses dangers depuis la fin de l’année dernière, avec l’effondrement des cours du baril.

Face à ces défis, Buhari a pour instant opté pour une approche méthodique, prudente et sans précipitation. Le président consulte, écoute, lit beaucoup, et surtout prend soin de constituer une équipe plus compétente et intègre que ses prédécesseurs. Si la barre n’est certainement pas très haute, la tâche n’en est pas moins difficile, et révélateur des travers de la classe politique nigériane dans son ensemble. Selon certaines sources, seule une petite dizaine de « ministrables » auraient survécu aux enquêtes imposées par Buhari sur leur passé et l’origine de leur patrimoine, sur plus d’une cinquantaine de dossiers examinés. Séparer le bon grain de l’ivraie d’une manière aussi exigeante et méthodique est certainement chose nouvelle au Nigéria, plus habitué aux nominations imposées par certains parrains politiques ou dictées par des considérations ethniques ou régionales. L’exercice est de fait appelé à se prolonger encore quelques semaines : la composition du gouvernement n’est pas attendue avant septembre, soit quatre mois avant l’entrée en fonction du président.

Pendant ce temps, cependant, l’opinion publique s’impatiente. Déjà, certains commentateurs de la presse nigériane ont affublé au président un nouveau surnom, « Baba-Go-Slow » ; déjà, commencent à se propager des rumeurs sur son état de santé fragile, ses capacités intellectuelles limitées ou ses trous de mémoire supposés. C’est peut-être là le principal faux-pas de Buhari : maintenir les Nigérians dans l’expectative et donner libre cours aux spéculations. Que Buhari souhaite ancrer son régime sur des bases solides avant de lancer son programme de réformes est tout à fait louable ; mais à trop peu communiquer sur ces travaux préparatoires, il risque de donner l’impression d’un président sans repères et en manque d’initiative.

La bataille de l’opinion publique risque de ne pas être de tout repos, tant les attentes sont grandes. Améliorer la gouvernance et réformer les institutions apporte rarement des progrès visibles à court terme, et fait généralement se lever une armée de détracteurs qui avaient tout à gagner au statu quo. La comparaison avec le président guinéen Alpha Condé est instructive : si Condé a probablement fait plus pour son pays en cinq ans pour tous ses prédécesseurs réunis, le citoyen lambda n’a guère vu l’impact de ces réformes sur son portefeuille, et sa présidence s’est heurtée à une vague quasi-ininterrompue de mécontentement social nourri par des espoirs déçus.

Désireux tel qu’il est de faire bouger le système, Buhari va probablement connaître un scénario par moments similaire. Comment le président, ancien dictateur devenu démocrate, saura faire face à ces probables remous reste aujourd’hui une inconnue. Une chose est sûre : le Nigéria que Buhari s’apprête à gouverner est bien différent de celui qu’il avait dirigé d’une main de fer lors de son premier passage au pouvoir, entre 1983 et 1985. Entreprenant, ouvert aux médias, las de ses souffrances et  impatient de changement, ce Nigéria-là ne se laissera pas dompter. Goodluck, Mister Buhari !

Faut-il des chefs d’Etats plus instruits en Afrique ?

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Les chefs d’Etats sont très souvent désignés comme responsables des performances économiques de leurs pays, car ce sont eux qui fixent les priorités en matière de politiques publiques et d’allocation des ressources financières publiques. Ce sont aussi eux qui signent les traités internationaux qui affectent la position relative de leurs pays par rapport au reste du monde. Une des raisons qui pourrait expliquer un lien entre le leadership politique d’un chef d’Etat et la performance économique de son pays pourrait être son niveau d’éducation. Si cela était vrai, alors l’Afrique serait le continent le mieux indiqué pour promouvoir l’accession au pouvoir de chefs d’Etats plus instruits. Cela tient du fait que jusqu’à une période très récente, c’est en Afrique qu’on trouve les chefs d’Etats les moins instruits, d’après le site internet Skyrill, qui recense le niveau d’éducation des leaders politiques à travers le monde. Mais comment sait-on si les performances économiques d’un pays dépendent de son chef d’État et plus particulièrement de son niveau d’éducation ?

C’est à cette question qu’ont répondu le chercheur Timothy Besley et ses coauteurs dans une étude publiée en 2011. De manière générale, les résultats de leurs travaux montrent qu’une partie de la croissance économique d’un pays est déterminé par le profil du chef d’État en exercice. Pour éviter que des chefs d’Etat spécifiques soient élus dans des conditions économiques particulières, ils étudient l’évolution de la croissance économique cinq années après le décès soudain d’un chef d’Etat dans plusieurs pays du monde. Ainsi, ils trouvent que la croissance économique est plus faible pendant les cinq années qui suivent la  mort inattendue d’un chef d’Etat.

Plus spécifiquement, cette baisse de la croissance économique diffère selon le profil du chef d’Etat, notamment son niveau d’éducation. En effet, Timothy Besley et ses coauteurs constatent que la baisse du taux de croissance suivant la mort d’un chef d’Etat est plus forte lorsque son niveau d’éducation est plus élevé, que ce soit un Master ou un Baccalauréat. Ainsi, le niveau d’éducation des chefs d’Etat est déterminant dans les performances économiques de leur pays. En particulier, l’étude montre que le passage d’un chef d’Etat ayant au moins un Master à un autre qui n’en possède pas fait baisser la croissance économique de 2.1 points en moyenne pendant les cinq années qui suivent cette transition.

Pour expliquer les mécanismes à la base d’un tel impact, d’autres chercheurs, notamment Luis Diaz-Serrano et Jessica Pérez ont examiné dans une étude publiée en 2013 le canal reliant le niveau d’éducation du chef de l’Etat à celui de la population. Comme on pouvait s’y attendre, l’exercice du pouvoir par un président plus instruit conduit à une nette augmentation du niveau d’éducation de la population. D’autres résultats indiquent que les dirigeants politiques ont tendance à mettre en place des politiques publiques qui correspondent à leurs propres préférences. C’est ainsi par exemple qu’en Inde, Chattopadhyay et Duflo trouvent que les élues féminines ont tendance à investir dans les infrastructures plus favorables aux femmes. De même, d’autres chercheurs trouvent que la mise en œuvre de réformes économiques favorables à la croissance et la maîtrise du taux d’inflation dépendent du niveau d’éducation des dirigeants politiques. Dès lors, l’impact du chef de l’Etat sur la croissance économique passe par l’alignement de ses choix de politiques publiques sur ses propres préférences qui dépendent en partie de son niveau d’éducation. Dans le cas de l’étude de Besley, c’est probablement la mise en œuvre de politiques efficaces qui est en jeu, car la période de cinq ans est assez courte pour que des investissements dans l’éducation puissent avoir un effet sur la croissance économique.

Dans le cas particulier de l’Afrique, les données ne permettent pas de vérifier si ces résultats s’appliquent effectivement au continent. D’un point de vue empirique, la situation est assez contrastée pour permettre de dégager des conclusions sans craindre que d’autres effets n’interagissent avec les observations. Dans certains pays par exemple, des docteurs en économie ou des professionnelles des questions de développement ont dirigés des Etats sans pour autant que les performances économiques n’aient été remarquables. Peut-être que la situation économique aurait été pire en leur absence ; nous en savons rien. Toutefois, les résultats de recherche présentés ci-dessous tiennent compte des différences entre les pays pour être applicables à l’Afrique.

Par conséquent, il faudra mettre en place des règles pour promouvoir l’exercice du pouvoir politique par des dirigeants bien instruits, idéalement ayant au moins un diplôme de Master ou équivalent. Une telle règle pourrait être par exemple que les candidats aux élections présidentielles, voire aux élections législatives, soient issus d’une primaire au sein de leurs partis politiques qui permettra d’abord de sélectionner le candidat le plus adapté aux attentes des populations avant même qu’il ne concoure à l’élection proprement dite. Si l’on considère le fait que l’Afrique a actuellement besoin d’augmenter sa croissance économique de 2 points pour doubler son PIB par tête en dix ans et réduire significativement la pauvreté, alors il importe surtout d’éviter le passage à des chefs d’Etats moins instruits que leurs prédécesseurs.

Georges Vivien Houngbonon