Le capital-investissement acclimaté à l’Afrique: un modèle en construction

capitalMalgré les taux de croissance élevés de la dernière décennie, le volume des investissements en Afrique est resté modeste comparé aux autres régions du monde. Le continent ne représente que 6.5% des transactions du capital-investissement sur les marchés émergents contre 78% pour les pays émergents d’Asie (1).  Une situation qui résulte de la stratégie des sociétés de capital-investissement ; ces dernières investissent principalement dans les entreprises à forte capitalisation. Les grandes entreprises des secteurs du pétrole, des mines, de la banque, des télécommunications sont privilégiées au détriment des PME, certes peu structurées, mais représentant l’essentiel du tissu économique des pays. La moyenne des tickets d’investissement est d’environ 10 millions de dollars -hors Afrique du Nord- (2) ; des montants que très peu de sociétés ont la capacité d’absorber. Il se pose ainsi la nécessité de repenser le modèle actuel du capital-investissement dans un contexte où, les performances des entreprises des marchés cibles sont affectées par la baisse des cours des matières premières, réduisant davantage les opportunités d’investissement.

 

Le développement de compétences entrepreneuriales : La solution face à l’effet paradigme

L’effet paradigme résulte des divergences entre les méthodes de gouvernance d’entreprise appliquées par les fonds d’investissements et celles souvent moins orthodoxes des PME africaines. Ce qui constitue un frein au développement du capital-investissement.

Il convient de présenter l’entreprise comme un système composé d’éléments en interaction permanente. Envisager une entreprise en tant que système revient à la considérer comme un ensemble organisé composé de différentes fonctions, individus, ayant tous des objectifs, pouvant être contradictoires. C’est cette contrariété en termes d’objectifs qui oblige le manager à adopter un modèle de gestion moderne afin de concilier les buts et assurer une croissance maitrisée. L’entreprise moderne met en place des procédures, établie des organigrammes, définit les responsabilités et les délégations de pouvoirs puis assigne les rôles aux individus. En Afrique, les PME ou les entreprises en début d’activité communément appelées  start-ups,  sont caractérisées par la concentration du pouvoir entre les mains du chef d’entreprise, qui n’est généralement pas prêt à le partager. Une autre caractéristique de ces entreprises est qu’elles sont pour la plupart familiales. On entreprend en famille. Des facteurs socioculturels peuvent expliquer cet état de fait. L’esprit communautaire, le sentiment d’appartenance à un groupe social, souvent  le village, est particulièrement présent dans les sociétés africaines. Zady Kessi, écrivain et Président du Conseil économique et social de Côte d'Ivoire,  disait dans Culture africaine et gestion de l’entreprise moderne (1998), que « L’esprit communautaire constitue la clef de voûte de l’édifice social africain ».

La mise en place d’un système de développement de compétences entrepreneuriales et d’apprentissage de bonnes pratiques, intégrant cette caractéristique indissociable à la culture de « l’entreprise africaine », qu’est l’esprit communautaire, trouve ainsi sens. Pour ce faire, le modèle des incubateurs est une piste. En effet les incubateurs, en plus d’être des lieux d’apprentissage, sont des lieux de socialisation. On apprend à se connaitre, à partager, à collaborer. Le lien de famille n’est plus le seul moteur de collaboration, donc de productivité. Pour l’investisseur, il permet de diffuser les meilleures pratiques en matière de gestion d’entreprise, mais aussi d’aligner ses intérêts avec ceux de l’entrepreneur ou du dirigeant de la PME dans l’optique de favoriser l’entrée au capital et le partenariat à long terme. Le développement du numérique accélère la transition vers ce nouveau modèle. De plus en plus de centres d’innovations se créent sous l’impulsion d’institutionnels et d’investisseurs. Au Ghana, le  « MEST » est un précurseur. Il a été créé en 2008 grâce au soutien de Meltwater, une multinationale spécialisée dans l’analyse de données en ligne. On le voit plus récemment  au Sénégal avec Cofina start-up House l’incubateur du groupe COFINA, une institution de financement. Cette approche qui semble se développer davantage en faveur des start-ups n’est pas exclusive aux entreprises en démarrage. Le capital humain étant le principal accélérateur de croissance ; les dirigeants des PME dans une démarche participative, au cours de périodes d’incubation ou de « camps de formation » organisés au sein de ces lieux, pourraient être invités à travailler ensemble hors du cadre familial. Le changement de génération à la tête des PME facilite la mise en œuvre de tels programmes. Ces moments seraient des occasions pour faire connaitre les règles du financement, en l’occurrence du capital-investissement, et faire apprendre l’orthodoxie en matière de gouvernance d’entreprise ; favorisant ainsi l’entrée au capital des PME.

 

Promouvoir des équipes locales et une nouvelle stratégie de levée de fonds

La particularité de la plupart des fonds d’investissement  intervenant en Afrique est de disposer d’équipes à très hauts potentiels. Ceci entraine des coûts de gestion élevés; ces dernières ayant des niveaux de rémunération identiques ou proches des standards occidentaux. Des équipes qui souvent, ne résident pas dans les pays où s’opèrent leurs investissements. Pour  J-M. Severino, Président d’I&P -un fonds d’investissement dédié aux PME africaines-, « avec les structures de coûts que doivent supporter les professionnels opérant depuis Londres, Paris ou Dubaï, il est quasiment impossible d’imaginer être rentable en investissant seulement 500 000 euros ou 1 million par opération». Une contrainte qui justifie le fait que ces fonds préfèrent participer à des transactions de plusieurs millions. Pour permettre aux structures plus modestes telles que les PME et les start-ups d’avoir accès aux énormes ressources du capital-investissement, il faut nécessairement favoriser la mise en place d’équipes locales. Cela passe par des transferts de compétences via des partenariats-métiers avec des structures ou des professionnels aguerris du capital-investissement. Ces équipes locales présentent l’avantage d’être proches des entreprises bénéficiaires des investissements. Ce qui s’avère primordial pour la réussite de ces dernières pour lesquelles un accompagnement dit « hand-on » ; c'est-à-dire au plus près de l’entrepreneur, est essentiel. Jean-Marc Savi de Tové, ancien de Cauris Management et associé du fonds Adiwale explique que, « La difficulté de ce métier, c’est qu’il faut vivre à moins de 5 Km de l’entreprise dans laquelle on investit, car l’entrepreneur va avoir besoin de vous presqu’en permanence ».  Les exemples de Teranga Capital au Sénégal ou de Sinergi au Burkina, des fonds soutenus par l’investisseur I&P et dirigés par des équipes locales sont illustratifs. Ces fonds investissent en moyenne entre 30  000 et 300 000 euros. Des montants qui correspondent aux besoins des entreprises.

Aussi réorienter la stratégie de levée de fonds s’avère indispensable. Au Sénégal par exemple -pays ayant bénéficié d’un des montants les plus élevés d’investissement d’impact en  Afrique de l’Ouest- ; sur 535 millions de dollars levés sur la période 2005-2015, plus de 80% ont été mobilisés par le biais de transactions de plus de 10 millions de dollars (3). Les investisseurs habituels des fonds d’investissement ont des exigences de rentabilité qui peuvent contraindre les gestionnaires à cibler, les grandes entreprises présentant un profil de risque moins prononcé ou, des transactions dans les projets d’infrastructures, au détriment des entreprises de plus petite taille ne garantissant pas le niveau de rentabilité souhaité. S’orienter vers des investisseurs sociaux à vocation entrepreneuriale, c'est-à-dire privilégiant un impact social par l’accompagnement des entreprises, favoriserait l’accès aux ressources aux PME et aux start-up. Il s’agit entre autres des fondations, des institutions de développement au travers de programmes spécialisés, d’investisseurs privés, etc. Selon la Banque mondiale, les jeunes représentent 60% de l’ensemble des chômeurs africains. Le rapport Perspectives Économiques en Afrique du Groupe de la Banque Africaine de Développement publié en 2012 indiquait que le continent avait la population la plus jeune au monde, avec 200 millions d’habitants âgés de 15 à 24 ans ; un chiffre qui devrait doubler d’ici 2045. Les défis auxquels fait face l’Afrique, en l’espèce la problématique du chômage des jeunes, rendent davantage pertinent cette approche et le choix du continent comme terre d’investissement pour ces investisseurs. Ce capital dit « patient » permet de rallonger la durée des investissements. En moyenne de sept (7) ans dans le modèle classique, la durée des investissements pourrait aller au-delà de dix (10) ans et ainsi garantir une croissance réelle des entreprises financées.

 

Instaurer un cadre législatif et fiscal avantageux et encourager la création d’associations locales du capital-investissement

Disposer  d’un environnement juridique et fiscal incitatif pour le capital-investissement, véritable alternative à l’emprunt bancaire, est essentiel au plein essor de ce mode de financement. Le développement de ce concept a toujours été précédé par l’introduction d’un cadre juridique organisateur. Aux Etats-Unis où est né le capital-investissement, il a fallu la promulgation du décret de la Small Business Investment Act (4) par le gouvernement américain en 1958, pour voir se développer le métier de capital-investisseur. Certains pays africains ont pris la mesure de l’importance du capital-investissement en édifiant des réglementations propres à ce métier ; c’est le cas de l’Afrique du sud et de l’île Maurice -où sont enregistrés la plupart des fonds d’investissement opérant en Afrique-. Dans l’espace UEMOA, une loi Uniforme sur les entreprises d’investissement à capital fixe a été prise et transposée par certains pays. Malgré des avancées sur le plan fiscal de cette loi, elle reste silencieuse sur certains points. S’agissant de la gouvernance des sociétés, elle n’indique pas les modalités de gestion et de contrôle. Par ailleurs, aucun texte ne précise clairement le capital minimum requis. Des améliorations restent à apporter afin de rendre cette loi plus efficace et incitative ; notamment en rendant possible un accompagnement financier par  les Etats, à ces sociétés, avec pour objectif de favoriser le soutien financier aux PME et aux start-ups. Cela passe par l’orientation de l’épargne locale, en l’occurrence celle collectée par les caisses de retraite, vers les fonds dédiés.

Afin de dynamiser le secteur du capital-investissement en Afrique, la mise en place d’associations locales est essentielle. Tel que préconisé par Jean Luc Vovor, – associé de Kusuntu Partners- lors d’une conférence tenue à Lomé sur le sujet ; les associations locales de capital-investissement devraient avoir pour mission d’informer et de promouvoir cette classe d’actif, parfois méconnue, auprès des partenaires que sont les entreprises en l’occurrence les PME et les start-ups, les sociétés d’investissement, les fonds de pension et les Etats.

La diffusion d’informations passe au préalable par le développement de programmes de recherches liés à ce secteur ; avec des recherches sectorielles, des enquêtes, le développement de normes, et aboutissant sur des sessions de formation et d’information. L’association sud-africaine de capital-risque et de capital-investissement (SAVCA), par son action, a favorisé l’instauration et la promotion de la réglementation relative aux fonds de pension en 2011 ; des amendements ont permis auxdits fonds de faire passer à 10% la part du capitalinvestissement géré. Il s’agit là du rôle déterminant que pourraient jouer les associations locales dans le développement du capital-investissement en Afrique.

 

Un écosystème entrepreneurial dynamique est essentiel au développement du capital-investissement en Afrique. Contribuer à l’éclosion de cet écosystème passe par la mise en place de centres de développement de compétences entrepreneuriales, en favorisant l’accès au financement. Les programmes comme celui lancé récemment par la BAD et la Banque européenne d’investissement, Boost Africa, qui ambitionnent de couvrir la totalité du secteur de la création d’entreprise ; en aidant à constituer un portefeuille de 25 à 30 fonds au cours des prochaines années sont à multiplier. Pour croitre et créer des emplois durables, les entreprises à forts potentiels que sont les start-ups et les PME ont besoin d’investisseurs capables de s’adapter à leur niveau de risque. Le capital-investissement en Afrique doit s’inscrire dans un cadre plus global mêlant développement de compétences, promotion d'équipes locales, accès au financement, et implication des pouvoirs publics.

 

 

Larisse Adewui

 

  1. Source : EMPA, Fundraising & Investment Analysis, Q4 2014
  2. Source : EMPA, Fundraising & Investment Analysis, Q4 2014
  3. Source : Le Marché de l’investissement d’impact en Afrique de l’Ouest : Etat des lieux, tendances, opportunités et enjeux actuels, Pages 12-17
  4. La Small Business Act est une loi du congrès des Etats-Unis votée en 1958,  visant à favoriser le développement des PME.

L’Afrique, fer de lance d’une révolution financière ?

Partout dans le monde, on assiste à un bouleversement du paysage financier[1]. Les banques traditionnelles sont prises de vitesse par des acteurs nouveaux, dits barbarement fintech et/ou opérateurs de mobile banking (MNO ou MVNO)[2], optimisant l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). En Afrique, cette tendance est croissante. Ce continent peut-il mener la voie d’une nouvelle ère financière ? 

L’Afrique, épicentre technologique des services financiers

Le phénomène de digitalisation financière est plus aigu sur le continent africain pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, les startups étiquetées « fintech » grouillent. Ce constat est sans équivoque et ce, dans la plupart des pays africains, notamment en Afrique de l’Est et en Afrique du Sud. Certaines se sont même fait remarquées sur la scène internationale, attirant investisseurs étrangers en quête de solides retours et/ou d’impact social. Ainsi, sur l’ensemble des investissements alloués aux jeunes entreprises africaines dans les NTIC en 2015, 30% concernaient les fintech[3]. Soutenues par un écosystème favorisant le développement de ces entreprises – avec une offre croissante d’accompagnement par des incubateurs et des concours entrepreneuriaux – ces pépites jouissent d’un environnement de plus en plus favorable à leur éclosion.

L’Afrique peut se targuer d’être le continent du mobile money et banking (ou m-paiement). La majorité des services de mobile money s’opérant à l’échelle planétaire ont lieu en Afrique (52%)[4]. Leur développement est exponentiel avec, en 2015, trois fois plus d’utilisateurs de portefeuille mobile et numérique qu’aux Etats-Unis et avec un rythme de croissance trois fois supérieur[5]. Cependant, certaines précisions s’imposent. D’une part, parler de rupture technologique en Afrique revient à négliger la situation actuelle. Contrairement aux pays occidentaux où l’offre bancaire est bien ancrée auprès une clientèle large, l’Afrique – avec des nuances pour l’Afrique du Sud – ne dispose pas de banques jouissant d’une telle base clientèle (9 Africains sur 10 n’ont pas accès aux services bancaires). Dès lors, ces acteurs créent des infrastructures et des services là où l’existant est quasi nul. D’autre part, la révolution en question n’est pas brutale mais par phases. Le déferlement du mobile money appartient à une première tendance, certes non achevée mais déjà talonnée par une seconde vague d’innovation menés par les fameuses fintechs. Alors que les services de mobile money, sont, dans l’ensemble, pilotés par de grands groupes de télécommunications et basés sur le téléphone portable, les fintechs sont surtout le fait d’entrepreneurs innovants en solo et axées sur l’usage d’internet[6].

Pionnière ou retardataire ?

Cette distinction permet de mieux apprécier si l’Afrique fait figure de pionner à l’échelle internationale ou si elle ne fait que rattraper un fort retard de bancarisation, avec des moyens qui lui sont propres. La réponse n’est pas binaire : l’Afrique crée de zéro des solutions répondant à des besoins basiques, pour combler le déficit de réponse adaptée des acteurs traditionnels. Cependant, la forme prise par ces solutions introduit un paradigme nouveau que les pays développés sont en train de copier, prenant dès lors l’Afrique pour modèle. Ainsi, on assiste à un bourgeonnement d’offres bancaires à distance en France (exemples de Soon, Hello Bank pour n’en citer que certaines) ; encore embryonnaires au Nord, elles font en revanche partie intégrante du paysage au Sud. En revanche, le focus sur le Nigeria du dernier rapport du cabinet KPMG sur les services financiers en Afrique souligne que les banques traditionnelles africaines semblent connaître les mêmes problématiques que leurs consœurs occidentales en ce qui concerne le passage au numérique. La conversion de leurs clients – qui utilisent déjà les plateformes numériques mais pour d’autres usages – à des services bancaires en ligne ne va pas de soi et la facilité d’utilisation reste un défi pour nombre de banques africaines.

Pourquoi un positionnement d’avant-garde ?         

Tout problème appelle une solution. C’est cette raison simple qui explique principalement l’ébullition constatée en matière de services financiers innovants. Elle se vérifie magistralement dans la problématique cruciale du financement des PME. Délaissées des banques – qui, peu flexibles, requièrent un nombre faramineux de garanties et comprennent mal leurs capacités de crédit – respectivement trop petites et trop grandes pour la plupart des fonds d’investissement et les institutions de microfinance – avec un ticket d’entrée trop élevé/petit pour ce segment – les PME reçoivent un meilleur accueil auprès de plateformes telles que Merchant Capital ou Rainfin en Afrique du Sud qui ont une connaissance fine de leurs besoins avec une proposition de valeur adaptée et flexible.

Similairement, alors que des institutions de la place existent pour répondre à des problématiques du quotidien, l’utilisation du numérique permet à d’autres acteurs de proposer des solutions plus adaptées, en accord avec les préférences des consommateurs africains[7]. Ainsi, en matière de transferts d’argent, face aux mastodontes occidentaux, l’opérateur de mobile money QuickCash cible les populations non desservies en brousse, reliant en particulier les planteurs de cacao en Côte d’Ivoire et leur famille dans les pays frontaliers. De même, la fintech WorldRemit a su s’imposer en se montrant plus réactive et moins chère pour répondre aux requêtes majeures de la diaspora. Ces exemples soulignent que, l’agilité et l’innovation, au-delà même de la technologie, sont les clés expliquant le succès des fintechs en Afrique. Dans le même registre, l’histoire de M’Pesa confirme cette hypothèse : c’est en saisissant que la population utilisait le temps de communication comme une monnaie d’échange, que Safaricom a eu l’idée de lancer l’opérateur de mobile banking kenyan.

Une tendance en plein essor

Premièrement, le marché est encore très peu desservi et ne demande qu’à croitre. Les chiffres sont cités à tour de bras mais leur effet demeure significatif : sur près de 330 millions d’adultes, 80% manquent d’accès aux services bancaires formalisés. Deuxièmement, une intégration est en cours, à la fois de manière organisationnelle et sectorielle. D’une part, banques et opérateurs de services virtuels tendent de plus en plus à s’associer pour renforcer leur service client et accroitre leur couverture. On peut ainsi citer les unions entre la Commercial Bank of Africa (CBA) et Safaricom au Kenya, créant M-shwari, ou entre des institutions de microfinance et M-Birr en Ethiopie. Multipliant les services, l’intégration entre MTN avec une division de la Standard Bank en Afrique du Sud, entre Airtel et Equity Bank au Kenya ou entre les opérateurs télécom et la Société Tunisienne de Banque ont favorisé des offres nouvelles, telles que la consultation des comptes, le transfert d'argent d'un compte bancaire à un autre via le mobile, le paiement de factures, le prêt bancaire, etc. En Afrique de l’Ouest, cette tendance a favorisé la forte croissance enregistrée depuis 2013 dans le mobile-money[8].

D’autre part, l’innovation est dynamisée par une intégration sectorielle. Cette caractéristique positionne sans conteste l’Afrique comme pionnière. L’utilisation des technologies déployées par les fintechs ouvre la voie à l’inclusion d’autres services financiers (e-santé, e-assurance, e-éducation, etc.). Ainsi, à l’instar de M’Kopa, des fintechs se sont mises à offrir à leurs clients des services divers et variés étoffant leur modèle économique et leur part de marché. C’est dans cette perspective que peut se comprendre la dernière annonce par Jumia de se doter se son propre système de financement par mobile.

Les raisons foisonnent pour que cette tendance se maintienne à vive allure. Jusqu’à présent, contrairement à leurs analogues américains, les fintechs africaines n’ont pas ou peu tiré profit de la masse de données qu’elles drainent quotidiennement. C’est pourtant une mine d’or ! L’analyse de ces informations permettraient entre autres de mieux cibler leur clientèle, avec des offres plus adaptées, de réduire les risques, etc. Une autre opportunité vient de l’adaptation du marché du travail aux problématiques émergeant à mesure que se constitue une classe moyenne à l’aise avec les technologies numériques. De nouveaux métiers et de nouveaux modèles apparaissent. Au Rwanda, les entreprises Rwanda Online et Pivot Access se sont alignées avec la vision nationale de devenir un hub numérique en Afrique en se positionnant comme des plateformes de services intégrés facilitant la vie au quotidien de la population (visa, enregistrement d’entreprise, paiement des impôts, etc. … le tout en ligne). Enfin, et non des moindres, la bonne marche des fintechs va de pair avec la nécessité de répondre urgemment à des enjeux sociaux : leur développement favorise l’inclusion financière, l’entrepreneuriat, l’égalité financière pour les deux sexes et la réduction de la corruption.

Les freins et nuances de ce développement

Si la vague des fintechs est excitante à plus d’un titre en raison de son impact socio-économique majeur pour le continent, elle doit toutefois être nuancée. Tout d’abord, elle s’inscrit dans une mode pour les startups en NTIC. Etre un entrepreneur en Afrique est branché, être un entrepreneur fintech, ça l’est doublement. Le revers de cette clinquante médaille est l’illusion qui peut s’ensuivre. Alors que les fintechs pullulent, bon nombre d’entre elles ont une vie très courte. Le taux d’échec, comme partout, est très élevé, tandis que le discours ambiant semble faire fi des difficultés inhérentes à ce secteur. En Afrique, ces dernières s’expliquent par un manque de capacités techniques. Les diplômés rechignent souvent à rejoindre des startups face à des propositions bien plus alléchantes de grandes entreprises[i]. L’autre écueil tient à la stratégie de distribution. M’Pesa a trébuché sur cet obstacle de taille en Afrique du Sud, en copiant son modèle kenyan et en négligeant l’effet de réseau indispensable pour réussir dans ce marché.

Sur le plan macroéconomique, deux enjeux majeurs pourraient entraver l’expansion des fintechs africaines. D’une part, l’absence ou le patchwork de cadres règlementaires pose un risque à la fois pour les usagers et les acteurs financiers. Comment s’assurer de la viabilité du système ? Comment prévenir toute bulle financière dans un marché faiblement/mal régulé ? Des codes tels que le The GSMA Mobile Money Code of Conduct, the SMART Campaign et the UN Principles for Responsible Investment, ont commencé à voir le jour mais ils restent embryonnaires face à un écosystème fourmillant et peu discipliné. D’autre part, si l’Afrique peut se constituer en modèle, son offre reste limitée à l’intérieur de ses frontières. Selon le rapport de l’UNCTAD, l’exportation des services technologiques africains est marginal, représentant seulement 0,3% des exportations mondiales en technologie de pointe[9], amoindrissant toute idée de positionnement pionner.

En conclusion, le trait le plus inspirant des fintechs africaines, mais qui ne leur est pas propre, est certainement leur agilité. Moins que la technicité, c’est leur spontanéité qui fait pâlir les banques occidentales, ou les poussent à les accompagner pour mieux s’en inspirer[10].

 

 

Pauline Deschryver


[1] http://cdn.resources.getsmarter.ac/wp-content/uploads/2016/08/mit_digital_bank_manifesto_report.pdf

[2] Par Fintech, on entend des innovations techniques appliquées aux services financiers classiques et des services financiers modifiant le paradigme financier ; MNO est l’acronyme anglais pour les opérateurs de réseau mobile virtuel

[3] Disrupt Africa African Tech Startups Funding Report 2015

[4] State of the Industry Report Mobile Money, GSMA 2015

[5] Source : VC4 Africa

[6] White Paper « The powerful rise of the 2nd generation of mobile banking in Africa », FINTECH Circle Innovate & Bankin Reports

[7] Selon le dernier rapport de KPMG sur le secteur bancaire en Afrique, le service client est le premier critère d’évaluation pour une banque

[8] On peut citer les associations entre les groupes Ecobank, BNP Paribas, Société générale et BIAO qui se sont associés à travers leurs filiales d'Afrique de l'Ouest avec Orange, MTN et Airtel.

[9] UNCTAD Technology and Innovation Report

[10] A l’instar d’institutions comme Barclays, qui a mis en place une communauté promouvant les fintechs africaines, Barclays Rise.


Iroko project : pionnier du crowdlending en Afrique de l’ouest

untitlediroko project est la première plateforme de financement participatif en dette rémunérée (crowdlending) en Afrique de l’ouest. L'objectif est de permettre aux particuliers de prêter directement leur épargne à des PME en Afrique de l'ouest, pour une durée et à un taux d'intérêt fixés à l'avance. 

Présentation du projet

Ce projet a été crée par deux anciens étudiants d’HEC Paris (diplômés en juin 2016) et passionnés par les dynamiques et les enjeux qui traversent le continent africain, et notamment l’Afrique de l’ouest. Leur travail est parti d’un triple constat : dans les décennies à venir, la création de millions d’emplois représente le défi majeur de cette région, or ce sont les PME qui sont les principaux leviers de la création d’emplois. Cependant, ces entreprises manquent souvent du financement nécessaire à leur développement, c’est le fameux « missing middle » ou « chainon manquant » du financement.

Depuis septembre 2015, ils ont travaillé sur l’opportunité du financement participatif pour les PME de la zone et ont notamment réalisé une étude de faisabilité, en avril-mai 2016, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Cette étude a été l’occasion de nouer différents partenariats, notamment avec le Groupe Cofina et Lendopolis (du groupe KissKissBankBank)[1].

L'objectif était triple : développer un modèle légal opérationnel dans le cadre juridique ouest-africain (qui ne possède pas encore de régulation propre au crowdlending), tester l’intérêt des PME et des prêteurs pour le service et nouer des partenariats stratégiques avec des institutions locales. Ils ont ensuite soutenu et publié leur rapport (qui est disponible sur leur site) et sont revenus en octobre pour démarrer l’activité. L’objectif de la phase pilote (octobre-mars) est de réaliser les trois premiers crédits, d’environ 30 millions FCFA chacun.

La première collecte débutera après la présentation du premier projet, lors de l'événement de lancement le 15 novembre à Dakar. Dans ce contexte, ils ont également rejoint l’incubateur du Groupe Cofina à Dakar.

Fonctionnement et modèle économique

Le pivot de leur modèle est leur partenariat avec des agences d’accompagnement de PME, comme le Bureau de Mise à Niveau ou l’ADEPME au Sénégal. L’intégralité des PME financées sur leur plateforme sont en effet suivies par ces agences depuis au minimum un an. Celles-ci  fournissent une information quantitative et qualitative sur les entreprises qu’elles accompagnement et agissent comme des tiers de confiance. Les dossiers transmis par ces agences sont ensuite étudiés par les équipes d'iroko project et, pour ceux retenus, présentés à la communauté de prêteurs. Les besoins des projets financés sur la plateforme varient entre 10 et 100 millions de FCFA. Si les besoins sont plus conséquents, ils peuvent également arriver en complément d’un crédit bancaire traditionnel.

Une fois le projet présenté en ligne, les prêteurs choisissent individuellement s’ils veulent y contribuer, en fonction des informations quantitatives et qualitatives disponibles sur l’entreprise et son équipe. Ils décident également du montant qu’ils souhaitent prêter : entre 100 000 FCFA et 2 millions FCFA. Lors de cette phase, les prêteurs ont la possibilité de communiquer avec le dirigeant de la PME et de questionner son activité. Egalement, sont mis en avant des données sur les impacts sociaux et environnementaux attendus suite à la mise en place du crédit : nombre d’emplois créés, réduction de l’usage d’énergies fossiles, impact sur la production locale, etc.

Une fois la collecte complétée, le crédit est décaissé et les remboursements débutent. La rémunération proposée aux prêteurs est égale au taux d’intérêt du crédit et se situe entre 9 et 14% par an.

Le service propose donc une source complémentaire de financement pour les PME et un produit d’épargne performant et accessible pour les particuliers.

Une fois les crédits mis en place, les équipes d'iroko project se chargent de suivre les remboursements et de réaliser d’éventuels recouvrements, en partenariat avec les agences d’accompagnement. En ce qui concerne le risque de défaut, il est, en dernier recours, porté par les prêteurs, qui sont donc rémunérés pour le risque qu’ils prennent.

Le modèle économique repose sur une commission prélevée à la mise en place du crédit, supportée par la PME et qui s’élève à 4,5% du montant du crédit.

Pour les prêteurs, le service est gratuit et rejoindre la communauté de prêteurs est simple : iroko project est ouvert à tous les résidents possédant un compte bancaire en FCFA. Les seules pièces démandés sont un document d’identité valide et un RIB.

Conclusion

L'objectif est de créer un réseau dynamique où prêteurs et emprunteurs mutualisent leurs fonds mais également leurs expertises et savoir-faire pour favoriser le développement du tissu économique ouest-africain.

L'équipe a conscience que leur service s’adresse encore à une partie privilégiée de la population ouest-africaine, bancarisée et possédant une capacité d’épargne importante. Développer des canaux de paiement innovants et populaires, comme le mobile money, est une de leurs priorités. Néanmoins, ces solutions restent encore trop onéreuses et difficilement supportables pour les parties en présence (la PME, les prêteurs ou iroko project).

Enfin, l'équipe souhaite que leur initiative permette de favoriser la mise en place d’une régulation propre au financement participatif dans la région. C’est pourquoi ils sont en discussion avec les autorités du Sénégal et de la zone UEMOA pour accompagner la réflexion dans ce sens.

 

Le lancement officiel du projet est prévu pour le 15 novembre 2016, à Dakar. N’hésitez pas à contacter les équipes d’iroko project à contact@iroko-project ou sur Facebook et Twitter


[1]  L’un des leaders du crowdlending en France

 

 

 

 

 

L’entrepreneuriat en Afrique de l’Ouest … So cool ?

entrepVous avez sans doute, vous aussi, appris l’existence de tel ou tel concours de business plans, de tel incubateur ou d’espace de co-working. Autant d’anglicismes à la mode qui fourmillent sur les panneaux publicitaires et les encarts Facebook. Quelle est la portée de ces évènements ? Quelle est la réelle importance de l’entrepreneuriat sur le développement et l’économie des pays ? Cet article brosse les actions initiées pour impulser le développement de l’entrepreneuriat en Afrique de l’Ouest et les limites de leurs portées.

 

Dans la myriade des initiatives en Afrique de l’Ouest, quel est le bilan des actions favorisant l’émergence et la croissance d’un écosystème entrepreneurial solide ? Les concours entrepreneuriaux organisés par des multinationales se multiplient. De même, des acteurs dédiés s’emparent de cette tendance pour organiser des évènements le temps d’un weekend, au niveau national ou panafricain. Les réseaux pullulent, centrés autour des NTIC ou des femmes. Enfin, les espaces de co-corking sont aussi à la mode, entre inspiration de la Silicon Valley et adaptation à la sauce africaine.

 

Des résultats encore très mitigés …

Néanmoins, au milieu de cette fièvre entrepreneuriale, le bilan est en demi-teinte. Peu d’organisations sont opérationnelles et peuvent présenter des résultats durables d’accompagnement. Nombreuses sont les structures à avoir joué d’effets d’annonce sans que leurs portes n’aient été foulées par des porteurs de projets. Tout comme sont pléthores les acteurs vendant de la poudre d’entrepreneur sans savoir vraiment de quoi il retourne.

Pour ceux pouvant se targuer d’une certaine expérience, beaucoup se contentent d’un copié-collé de présentations trouvées sur internet ou glanées d’incubateurs étrangers sans vraiment prendre en compte les besoins et enjeux locaux. Enfin, et non des moindres, rares sont les concours et évènements suivis d’un accompagnement de long-terme, à même de créer un véritable renforcement des capacités et de constituer un tremplin qualitatif pour ces jeunes entreprises. Or, ce sont pourtant ces ingrédients qui sont capables de fournir un terreau fertile pour ces pousses entrepreneuriales. Rien ne sert de conter fleurette aux porteurs de projets, il faut les accompagner, les comprendre et leur offrir des outils spécifiques.

 

… qui ne doivent pas inciter à renoncer mais plutôt favoriser un meilleur suivi !

A l’inverse, on assiste à une certaine course aux concours parmi les entrepreneurs. Qui les blâmera ? Le chômage demeure majeur, avec une jeunesse qui compte pour 60% de l’ensemble des chômeurs en Afrique Subsaharienne. L’entrepreneuriat apparaît alors comme une voie de survie. L’Afrique présentant un record dans le domaine avec la plus forte proportion mondiale de potentiels jeunes créateurs d’entreprise (60%)[1]. L’engouement actuel alimente cette frénésie où, aux dires d’un entrepreneur ivoirien, « écument toujours les mêmes à courir après les prix ». Gros chèque, notoriété, réseau, les carottes sont affriolantes tandis que peu de concours proposent une formation à la clef.

Or, en Afrique plus qu’ailleurs, les jeunes entreprises ont besoin de formation technique. Elles sont les premières à le reconnaître et à  le réclamer. Alors que la Côte d'Ivoire a inscrit l’entrepreneuriat au programme scolaire, il faut plaider pour que la sensibilisation dès le plus jeune âge se concilie à la fois avec un enseignement technique et professionnel et avec une offre d’assistance technique (AT) accessibles et de qualité. Là encore, des efforts sont à poursuivre : l’éducation professionnelle est marginale, et les fournisseurs d’AT sont encore trop peu visibles, et souvent trop peu outillés pour fournir un appui efficient. De même, l’offre en financement manque la cible qui en requiert le plus. Le paysage est compartimenté entre micro-finance, banque et quelques fonds d’investissement avec des taux d’intérêt et des demandes de garanties trop élevés et des tickets inadaptés aux besoins, tandis que les PME africaines ne disposent bien souvent pas d’une éducation financière suffisante pour construire un solide dossier de financement.

On ne citera personne mais il faut cependant conclure en reconnaissant que se construit, doucement mais sûrement, une communauté entrepreneuriale engagée et expérimentée et que des entreprises championnes émergent, portées par de jeunes leaders ambitieux pour leur pays et leur continent. Les partenaires de développement l’ont compris également, en cherchant à mieux connaître ces pépites encore embryonnaires pour mieux y investir. Ainsi, la Société Financière Internationale entend participer à hauteur de 20 à 25% dans un programme d'investissement de 250 millions de dollars dans des fonds de capital-risque dédiés aux PME en Afrique.

Ainsi, la donne a changé. Rangez votre cravate, le fonctionnariat est en train de passer de mode. Au milieu de la fièvre, l’engouement est réel. Reste à ne pas perdre de vue que l’entrepreneuriat, même sans patron, est un travail à part entière.

 

Pauline Deschryver

 


[1] Global Entrepreneurship Monitor, Youth Business International (GEM/YBI) sur l’entrepreneuriat chez les jeunes, Rapport 2013

Immersion au CTIC Dakar, premier incubateur TIC en Afrique Francophone

37584cdAu cours d’un cours séjour au Sénégal, j’ai eu la chance de pouvoir plonger au cœur de CTIC Dakar, le premier incubateur TIC en Afrique Francophone. Aussi, je vous propose une série d’articles pour découvrir CTIC Dakar, ses facteurs clés de succès, ses défis et enfin ses entrepreneurs.

Cet article est une interview d’Eva Sow Ebion, Responsable Communication de CTIC Dakar, qui nous donne un aperçu général de l’incubateur.

ADI : Pourriez-vous nous présenter votre parcours ainsi que le CTIC Dakar ?

ESE : Je suis Eva Sow Ebion, je suis responsable communication et événementiel au niveau de CTIC Dakar depuis maintenant trois ans, peu après le démarrage de l’incubateur. CTIC a été créé en avril 2011, à l’initiative de la fondatrice des incubateurs TIC en partenariat avec OPTIC qui est l’organisme des professionnels des TIC.

Pour ma part, je suis diplômée en communication et ressources humaines. Je suis aussi journaliste de formation, j’ai eu à travailler pour Diplomat Investissement, un magazine économique canadien. Rentrée au Sénégal depuis trois ans, j’ai pu me créer un réseau rapidement grâce à quelques expériences dans des entreprises d’import-export. Il faut dire que le réseau est une des clés du succès au Sénégal. J’ai ensuite rejoint des associations dans la santé publique, mis en place quelques campagnes de développement durable et apporté conseil en qualité de consultante auprès d’entreprises privées avant de rejoindre l’équipe de CTIC Dakar.

Pour présenter le CTIC, nous sommes un incubateur issu d’un partenariat PPP (partenariat public-privé). L’objectif était d’être à la fois le premier incubateur en Afrique Francophone, et un projet pilote qui pourrait se déployer dans d’autres pays. L’idée pour nous était également d’avoir des partenaires locaux tels que l’ARTP (Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes). Nous sommes sous la tutelle du Ministère de la Communication et du Ministère des Finances (on parle d’économie numérique). Nos autres partenaires sont l’ADIE (Agence de l’Informatique de l’Etat) qui nous met à disposition les bâtiments, Orange qui établit la connectivité, IFC de la Banque Mondiale, Infodev et le CDE – Consortium d’entreprises.

Il était important que le CTIC soit créé car le contexte s’y prêtait; 350 entreprises privées TIC, un bon taux de pénétration du mobile – environ 95%. Le seul problème est que le contexte était peu favorable, il n’y avait pas de fonds d’investissement à la base, il n’y avait pas de fonds d’amorçage prévu pour les entrepreneurs. Certains sont ici confrontés aux problématiques de l’accès à l’internet  haut débit. Les entreprises ont des soucis pour payer les salaires donc il est hors de question pour elles de faire de la recherche-développement. Il y avait ainsi de nombreuses problématiques qui se posaient et on avait matière à pouvoir y apporter des réponses.Selfie avec Eva Sow Ebion

Pour entrer dans le vif du sujet, notre cœur d’activité c’est l’accompagnement. On le fait à travers deux grands programmes. Un premier programme qui dure 3 ans est l’incubation proprement dit, période durant laquelle les entreprises évoluent au sein de la pépinière avec un suivi administratif, comptable et fiscal. Nous apportons également beaucoup de soutien en termes de communication et d’organisation d’événements. Notre grande valeur ajoutée se trouve au niveau du business development. Dans ce cadre, nous allons avec les entrepreneurs en rendez-vous, nous les aidons à gagner des parts de marché, et cela passe nécessairement par la mise à disposition d’un fort réseau ; un réseau personnel pour chacun des membres de l’équipe mais aussi un réseau institutionnel avec les partenaires de CTIC Dakar qui permettent d’ouvrir les portes plus facilement. Le dernier élément est le coaching, toujours dans le cadre de l’incubation, où là, non seulement nous aidons au recrutement des équipes, mais nous les faisons également monter en compétences via des formations, en finance, webmarketing, leadership, etc.

Le second programme que nous proposons est un programme d’accélération qui s’appelle « Buntu Tekki » et qui signifie « la porte du succès » en wolof. Ce programme d’accélération dure 6 mois et se tourne davantage vers les porteurs de projet pas encore établis en tant qu’entreprise. Les deux principaux objectifs de ce programme sont de leur permettre de se formaliser puis de capturer leur premier client, et d’avoir une plateforme réellement fonctionnelle en termes de développement technique.

Il arrive par ailleurs que des entreprises bien établies se rapprochent de nous sans passer par ces deux programmes d’accompagnement. Nous pouvons être amenés à leur apporter un soutien sur certains points bien déterminés. Par exemple, nous faisons du business development pour certains, nous organisons des événements spécifiques pour d’autres. Il peut aussi nous arriver de faire des offres de soft landing, nous l’avons déjà fait pour une entreprise française, une entreprise américaine et deux entreprises canadiennes. En effet, nous avons été quelque peu obligés de développer, en parallèle, des prestations de service car notre principale activité est l’incubation et il faut être conscient du fait que les incubateurs en Afrique ne fonctionnent pas (dans le sens où ils ne sont pas autonomes). Pour nous, le grand challenge était de faire de CTIC Dakar un incubateur viable et autonome.

Photo_Event_TEKKI_48ADI : Etes-vous focalisés sur les activités TIC ou avez-vous une visée plus large ?

ESE : Je trouve qu’il y a beaucoup d’a priori et que les gens ont tendance à penser que le secteur des TIC ne concerne que les nouvelles technologies. En réalité, les TIC ne sont pas faites pour aller toutes seules, le plus souvent elles sont là pour servir les autres secteurs d’activité. Donc même si nous ciblons les TIC nous avons beaucoup de lien avec les autres secteurs. Par exemple, nous avons déroulé un programme TIC pour l’agriculture, un autre pour la santé, dernièrement nous en avons conduit un pour la bonne gouvernance, actuellement nous réfléchissons à un programme TIC pour l’export, il y en aussi eu un pour le tourisme. Le but étant de faire comprendre aux entreprises et aux populations que les TIC ne sont pas là pour changer leur mode de fonctionnement mais pour faciliter leurs pratiques par un usage intégré.

ADI : Concernant les entreprises incubées, quel est le taux de réussite ? Sont-elles soumises à un processus de sélection ? Leur succès est-il lié à la motivation de l’entrepreneur où dépend-t-il d’autres facteurs ?

ESE : Mon avis est partagé car on peut avoir un porteur de projet extrêmement motivé, qui a tout pour réussir et qui ne va pas y arriver. Nous le constatons parfois malheureusement. D’autres fois, des porteurs de projets dont le profil ne nous semble pas idéal réussissent. Donc je pense qu’il y a aussi des paramètres qui ne sont pas professionnels et qui doivent être pris en compte du fait de la société dans laquelle nous nous trouvons.

Sur trois ans, nous avons connu de belles success stories, la plus belle étant People Input qui est aujourd’hui connue à l’échelle continentale. Le fait qu’ils aient été les premiers à se positionner clairement sur le digital a joué un rôle déterminant dans leur ascension fulgurante. Aujourd’hui par contre, la concurrence est rude dans ce secteur. Nous avons d’autres belles histoires à raconter comme celles de Nelam ou Seysoo.

Pour donner une idée, sur les trois premières années d’incubation, sur la totalité des entreprises, une seule a arrêté le programme, et ce pour des raisons personnelles. En 2013, nous étions à 1 milliard de FCFA de chiffre d’affaires cumulé sur toutes nos entreprises, avec environ une cinquantaine d’emplois créés.

De façon générale, les entrepreneurs de CTIC Dakar réussissent au moins à mettre en place une entreprise viable, un modèle économique viable. Il y a un processus de sélection pas facile et ceux qui le réussissent ont forcément un potentiel de réussite. La première sélection se fait au niveau de CTIC Dakar et la seconde avec le comité de sélection composé des parties prenantes de CTIC Dakar (parmi eux sont représentés des Ministères, IFC, Orange, OPTIC, l’ADIE, des experts sectoriels, la Banque Régionale de Solidarité, des entreprises privées, etc.).

ADI : Que pensez-vous du niveau de formation et des compétences des entrepreneurs ? Les ont-ils acquises au Sénégal ou à l’étranger ?

ESE : Il faut dire qu’au départ j’étais très axée diaspora et je me suis rendue compte par la suite qu’il y a une très bonne technicité au niveau local. Nos entrepreneurs Sénégalais sont de très bons techniciens et de très bons ingénieurs. Je les trouve meilleurs que ceux qui viennent de l’étranger, notamment ceux qui ont étudié à l’ESP. Le problème pour eux se trouve davantage dans la diction, le marketing, la communication, le développement commercial. Les Sénégalais de la diaspora sont meilleurs dans le relationnel et savent mettre en avant leur projet. Ils sont également plus exigeants au niveau des ressources humaines mais les « produits sénégalais » n’ont rien à envier aux sénégalais de l’extérieur.

Photo_Event_TEKKI_48_2ADI : L’Afrique anglophone est très en avance dans le développement des TIC (notamment le Kenya, le Nigéria ou encore le Ghana). Quel est de votre point de vue le positionnement de CTIC Dakar et du Sénégal dans ce secteur en Afrique ?

ESE : Je répondrai en trois points à cette question.  En mettant de côté l’Afrique du Sud, pour moi les pays anglophones font beaucoup. Il suffit de voir le nombre d’incubateurs au Nigéria, au Ghana, même au Libéria. Il est donc certain qu’ils sont très en avance mais ils n’ont pas encore trouvé de viabilité financière. Donc je pense que si un incubateur ne fonctionne pas très bien financièrement, cela signifie que les entreprises incubées ne fonctionnent pas nécessairement bien, ou du moins ne font pas suffisamment de chiffre pour porter l’incubateur.

Chez nous, c’est le même principe, on se rémunère sur le chiffre d’affaires des entreprises incubées. Mais nous avons pensé qu’il était important que nous continuions à grandir afin de donner plus d’élan à nos entreprises. C’est pour cela que nous avons tenté de trouver un modèle qui nous était propre et qui permettait qu’on devienne viable en tant qu’incubateur. Ce modèle nous l’avons trouvé à travers des services annexes que nous proposons à des entreprises. Ce sont surtout des évènements Tech. Le second point est la langue et aussi l’instabilité politique qu’il y a eu dans certains pays. Ces deux facteurs ont fait que nous avons pris du retard en Afrique francophone. Il y a dix ans, les sociétés anglophones ont commencé à sensibiliser leurs populations, contrairement à nous. Enfin, il y avait le problème de la connexion et du haut débit.

Notre volonté aujourd’hui est de répliquer notre modèle. Nous l’avons fait en appuyant la création du CIPMEN , centre d’incubation des PME du Niger et nous avons été mandatés dernièrement par la Banque Mondiale pour étudier le potentiel de la Mauritanie. Nous souhaitons répliquer au maximum notre modèle en Afrique francophone subsaharienne. Au niveau national, nous poussons également à la mise en place d’incubateurs régionaux à Thiès, Saint Louis et Ziguinchor.

Interview réalisée par Awa SACKO

Challenge entrepreneurial au Congo : rencontre des lauréats à N+1

Le Réseau international des Congolais de l’extérieur (RICE) a organisé  à Brazzaville du 21 au 23 novembre 2014 le « Challenge entrepreneurial du bassin du Congo », une manifestation destinée à inciter les Congolais à entreprendre. Rose-Marie Bouboutou, journaliste aux Dépêches de Brazzaville, a souhaité envisager l’impact du concours sur les quatre entrepreneurs lauréats un an après. Un premier article publié dans la rubrique est revenu sur l’organisation d’un challenge entrepreneurial dans un pays classé parmi les derniers dans le rapport Doing Business de la Banque mondiale. Ici, nous partons à la rencontre des quatre lauréats, pour envisager leur développement depuis le Challenge.

A son échelle, le Challenge a permis de souligner que le Congo est prêt pour l’entrepreneuriat et qu’une fois les moyens de base donnés, les entrepreneurs congolais sont capables de changer rapidement d’échelle. Un format d’accompagnement à dupliquer ?

Véra Kempf, responsable de la Rubrique Entrepreneuriat

Le regard des organisateurs sur la réussite des lauréats

« Les subventions dédiées au paiement  des dotations ont été libérées plus tardivement que prévu. De ce fait, les primes n’ont été versées aux gagnants qu’en août 2014. Les sommes sont versées par tranche, selon un échéancier, en fonction de l’avancement du projet, par le trésorier de l’association, sur factures et devis afin de veiller à la bonne gestion des différents projets », explique Edwige-Laure Mombouli.

Malgré  le retard consécutif dans la mise en œuvre de leurs projets, l’expérience demeure positive pour les vainqueurs du challenge. « Les retours sont très positifs pour les candidats de Pointe-Noire qui font la transition vers le secteur formel. Ils se développent, ils gagnent des marchés, leur comptabilité se rationalise, leurs compte-rendu sont de plus en plus cadrés », défend Ambroise Loemba.

La plus grande réussite de l’équipe du RICE est Parfait Kissita. « De mon point de vue, il est le lauréat qui a le mieux saisi l’opportunité que représentait le Challenge entrepreneurial. Il a formalisé son entreprise, recruté un nouvel actionnaire, investi dans une nouvelle usine et des machines à outils, changé son outil commercial et publicitaire vers l’Angola et augmenté son chiffre d’affaires de plus de 100% depuis l’an dernier. Il a vraiment une attitude d’entrepreneur au sens où il a utilisé tout ce qui lui a été donné sous forme de prime pour augmenter son outil de travail », s’enthousiasme Frédéric Nze.

À l’autre extrémité, certains lauréats ont plus de mal dans leur apprentissage « à comprendre les réalités commerciales » ou bien « mélangent la formalisation avec les signes extérieurs montrant socialement le statut de patron ». Or, pour Frédéric Nze : « Toute somme qui rentre dans l’entreprise doit créer de la valeur. Embaucher du personnel non productif, avoir des engins coûteux sous utilisés ou des beaux bureaux est valorisant mais ce sont des poids morts dans le développement d’une entreprise. » Tout une initiation à la culture d’entreprise, avec l’idée que les lauréats d’aujourd’hui puissent devenir à leur tour les mentors des lauréats d’un prochain Challenge entrepreneurial.

A la rencontre des lauréats du RICE, leur introspection à N+1

Parfait-Anicet Kissita, dirigeant de Cuba Libre
Il a réussi le passage de l'informel au formel dans le secteur de la transformation des fruits et légumes locaux en jus de fruits, confitures, légumes marinés et épices moulues.


Les Dépêches de Brazzaville : Où en êtes-vous de votre projet ?
Il nous manquait des équipements, notamment des cuves pour pouvoir transformer tous types de fruits et légumes, un local répondant aux normes d’hygiène et un fond de roulement afin de travailler de façon continue. Aujourd’hui, c’est chose faite ! Nous pouvons envisager de passer au stade semi-industriel. Notre chiffre d’affaires a augmenté de 50% mais nous voudrions atteindre les 100% en produisant 200 casiers supplémentaires.

Qu’avez-vous retiré du Challenge ?

Cette initiative nous a "sortis de la boue". Au Congo, on a l’image que l’entrepreneuriat est une activité réservée aux "Blancs". Je me battais depuis de nombreuses années mais aujourd’hui mon entreprise se développe.

Est-ce que cela a changé votre image de l’entrepreneuriat au Congo ?

Je suis devenu comme une star. Cela me motive à prouver que le Challenge avait sa raison d’être.


Quels conseils donneriez-vous à d’autres porteurs de projets ?
C’est le secteur privé qui fait la richesse d’un pays. Il faut enlever de la tête le système socialiste qui prévalait avant 1992 dans lequel l’État prenait tout en charge. Il revient à chacun de se prendre courage pour que ses rêves se réalisent et que le chômage puisse diminuer.

Jean-Christian Diakanou-Matongo, dirigeant d'Apis Congo
Il a fait le passage de l'informel au formel dans la production de miel


Où en êtes vous avec votre projet ?
J’ai reçu le Prix du meilleur produit issu de l’économie informelle. La première tranche de la dotation m’a permis d’obtenir tous les papiers officiels nécessaires pour formaliser mon activité. J’ai pu acquérir une soixantaine de ruches. Ce qui s’est traduit par une hausse de la capacité de production. Nous attendons de percevoir la seconde tranche pour faire la logistique : améliorer les conditions d’hygiène de production, commander les emballages, aménager la mièlerie pour avoir un miel de qualité.

Qu’avez-vous retiré du Challenge ?
Beaucoup de choses ! Les contacts avec des Congolais de la diaspora qui ont réussi à créer des entreprises à l’étranger : échanger au téléphone ou par mail avec eux m’a permis de pouvoir me revêtir du costume de l’entrepreneur qui a la maîtrise de toute la chaîne de production. Le challenge a révélé au grand jour que le Congo a des gens compétents, porteurs de projets qui peuvent être réalisés avec succès.  Avant le challenge, cela faisait 15 ans que je cherchais des financements ! Grâce au Challenge, j’ai pu être connu et par exemple participer à la semaine agricole avec la Chambre de commerce Pointe-Noire.

Est-ce que cela a changé votre image de l’entreprenariat au Congo ?
Je ne me représentais pas ce que voulait dire notre mauvais classement au Doing business et  la notion d’environnement des affaires. Aujourd’hui je le vis : quand une banque prend un mois pour exécuter un virement, on ne peut pas entreprendre avec ce genre de problèmes ! Il y a de nombreux aspects à prendre en ligne de compte lorsque l’on passe dans le secteur formel : la qualité du produit pour assurer sa compétitivité, les questions d’hygiène, de santé, de sécurité, d’environnement…Il n’y a pas de contrôles quand on vend sur un marché populaire. De même, l’on n’est pas soumis à l’impôt, il n’y a pas de règlementation… le passage au formel soulève des problèmes que l’on n’avait pas au départ.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres porteurs de projets ?
Grâce à l’expérience que j’ai vécue à travers le Challenge, je me suis rendu compte qu’il y a de nombreuses personnes qui ont de très bons projets au Congo. Mais pour leur concrétisation, il faut faire des efforts au quotidien. Dans mon cas, je dois préparer les documents nécessaires pour convaincre le RICE que l’argent va être utilisé dans l’avancement de l’entreprise. Je suis issu d’une famille d’enseignants et je sais ce qu’est la rigueur, mais c’est vraiment très dur !

Chris Mabiala, jeune ingénieur de la diaspora, co-créateur de la start-up de motorisation électrique de pousse-pousse, "Pousselec"

Où en êtes vous de votre projet ?
Nous venons de finaliser l’étape du prototype après avoir réalisé tous les tests en condition de production à Brazzaville : tests à charge, à vide, de freinage, de guidage. Aujourd’hui nous sommes à la recherche d’un investisseur qui puisse nous permettre d’industrialiser ce produit afin de le fabriquer en série. Cela nous permettrait de pouvoir créer des emplois.

Qu’avez-vous retiré du Challenge ?
C’est une bonne aventure et je suggèrerais d’organiser souvent ce genre d’initiative. Nous avons appris à réaliser nos rêves. Mais j’aurais préféré que l’intégralité des fonds de la dotation soit gérée directement par l’équipe afin de gagner en flexibilité.

Est-ce que cela a changé votre image de l’entrepreneuriat au Congo ?
En tant qu’ingénieur notre métier est d’avoir des idées. Mais nous n'imaginions pas tout ce que l’on peut avoir comme soucis dans la gestion d’une entreprise. La simple ouverture d’un compte bancaire par exemple nous a pris quatre mois, d'août à décembre, alors même que nous avions à nos côtés dans nos démarches un notaire !

Quels conseils donneriez-vous à d’autres porteurs de projets ?
Il est indispensable d’avoir un bon réseau au niveau local pour entreprendre et savoir où passer pour débloquer des situations. Il faut être disponible à 100% et présent sur le terrain car gérer un projet de loin n’est pas évident, surtout lorsqu’il faut concilier avec une occupation professionnelle à l’étranger en parallèle. Avec le décalage dans le versement des dotations tous les porteurs du projet ont désormais un emploi salarié et il nous faudrait un gérant sur place au Congo, une personne de confiance qui puisse nous représenter totalement.

Sandy Mbaya Mayetela, entrepreneur, directeur d'Africa Solaire


Où en êtes vous de votre projet ?
Nous allons lancer les travaux du local que nous avons choisi à Bacongo  afin d'accueillir l’unité de production ainsi que les premières commandes d’équipements.

Qu’avez-vous retiré du Challenge ?
Que des gens apprécient le projet et le financement, nous a rassuré sur la valeur de ce que nous entreprenons, cela donne envie d’aller de l’avant ! En Afrique il n’y a pas de catalyseur pour concrétiser un projet alors qu’il existe beaucoup de potentiel humain. Le Challenge RICE permet de donner la possibilité aux jeunes de croire en leurs rêves. Ce qui est vraiment génial avec le Challenge RICE, c’est que nous bénéficions d’un accompagnement à la concrétisation de notre projet. On nous donne une méthodologie, un cadre de travail.

Est-ce que cela a changé votre image de l’entrepreneuriat au Congo ?
Être entrepreneur au Congo, c’est un peu abstrait car tout le monde est plus ou moins entrepreneur. Mais remporter le challenge, fait de nous des entrepreneurs au vrai sens du terme, cela a été un plus.


Rose-Marie Bouboutou, article initialement paru dans les Dépêches de Brazzaville du 7 février 2015

Le capital-investissement, une solution pour financer les entreprises africaines ?

185075466Avec un taux de croissance du PIB qui ferait rêver de nombreux pays et atteignant même 2 chiffres pour les vedettes de la région, l’Afrique subsaharienne a aujourd’hui toutes les cartes en main pour instaurer une croissance économique durable et réduire significativement le taux de pauvreté sur le continent. Le développement du secteur financier sera d’ailleurs un des facteurs déterminants dans l’expansion de son tissu économique.

Dans toute économie, l’établissement d’un secteur privé solide et dynamique est primordial afin de (i) stimuler l’entrepreneuriat et l’innovation et (ii) favoriser la concurrence entre les entreprises, les incitant à être plus productives. Bien que plusieurs pays africains possèdent aujourd’hui un secteur privé actif, leur contribution à l’activité économique demeure très faible. D’après un rapport de la Banque Mondiale sur les PME d’Afrique subsaharienne, les investissements privés en part du PIB ne représentent que 13%, ce qui est significativement plus bas que dans d’autres régions telles que l’Asie du Sud par exemple. Cette faible contribution du secteur privé constitue un terme manquant dans l’équation du développement de cette région. En fait, c’est le secteur public qui génère la plus grande partie de l’activité économique et les investissements directs étrangers, bien qu’importants, ne peuvent se substituer à l’existence d’entreprises locales productives et rentables.       
 

En Afrique subsaharienne, le secteur privé est composé d’un petit nombre d’entreprises formelles. Si les données sur le secteur informel sont difficiles à obtenir, l’on sait néanmoins qu’il représentait 54,7% du PIB de l‘Afrique subsaharienne en 2000 (OCDE, 2008) et l’OCDE estime qu’il pouvait représenter jusqu’à 75% de ce PIB 2008. Ces entreprises informelles constituent un manque considérable à gagner car elles sont, entre autre, une source potentielle d’emploi, de diffusion des connaissances et d’amélioration des compétences. Les entreprises formelles sont principalement de grandes entreprises, souvent étrangères, peu nombreuses en quantité mais pour autant, à l’origine de l’essentiel de la production du secteur privé.

 

 

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Source: Banque Mondiale (2011). Industrial Clusters and Micro and Small Enterprises in Africa

La corrélation entre la taille des entreprises et leur performance sur le continent a beaucoup été traitée dans la littérature et il en ressort que les entreprises étrangères ont tendance à employer plus de salariés, à être plus productives et ainsi croitre plus rapidement que les entreprises locales. La taille de l’entreprise est également un facteur déterminant en ce qui concerne l’accès aux marchés. En effet, les grandes entreprises peuvent plus facilement accéder à l’ensemble des marchés nationaux et aux marchés étrangers car elles profitent d’économies d’échelle leur permettant d’étaler les coûts fixes sur des quantités plus importantes. Paul Krugman a d’ailleurs démontré que lors de la pénétration de nouveaux marchés, seules les entreprises les plus grandes et les plus compétitives arrivent à faire face à la concurrence accrue et aux différentes barrières à l’entrée. Par voie de conséquence, les petites et micro entreprises sont spécialisées dans le commerce de proximité (à l’intérieur d’un même quartier où d’une même ville).

Ce sont également les PME et les entreprises locales qui sont les plus affectées par l’insuffisance de capitaux nécessaires au financement de leur activité. Cette difficulté à trouver des financements est d’ailleurs l’une des contraintes les plus citées par les entreprises d’Afrique subsaharienne: plus de 25% des entreprises considèrent l’accès et le coût du financement comme les principaux obstacles à l’expansion de leur activité (Beck et Cull, 2014). De fait, les systèmes financiers dans cette région sont, pour la plupart, peu développés et onéreux d’où les difficultés éprouvées par les entreprises à accéder à des financements adaptés à leurs besoins.

L’accès au crédit bancaire étant significativement limité en Afrique subsaharienne, les entreprises africaines ont moins de chances d’obtenir des emprunts que les entreprises situées dans d’autres régions du monde. Quant aux marchés financiers, ils sont relativement peu développés dans cette région et les places boursières, quand elles existent, sont de petites tailles. La bourse de Johannesburg (Johannesburg Stock Exchange) qui est la plus grande bourse d’Afrique, compte 400 entreprises cotées mais la plupart des bourses africaines possèdent moins de 50 entreprises à leur cote officielle. En réalité, il n’y a qu’environ 2 000 sociétés cotées sur l’ensemble du continent.

Face à des marchés financiers sous-développés ainsi qu’un secteur bancaire peu propice à l’épanouissement des entreprises, les PME africaines se retrouvent confrontées à une pénurie de financement. Au regard de ces difficultés, le capital investissement pourrait offrir une nouvelle alternative propice à l’éclosion d’un secteur privé dynamique.

Le capital investissement désigne la prise de participation dans le capital de PME généralement non cotées en bourse. Les gestionnaires de fonds s’impliquent également dans la gestion des entreprises financées, leur permettant ainsi de bénéficier de leur expertise, réseau et savoir-faire, en plus d’un apport en fonds propres. Ce type de financement est plus « flexible » que la dette et très adapté pour les start-ups et les entreprises les plus risquées car il permet à l’entreprise de se consacrer au développement de l’activité en lui permettant de réinvestir l’intégralité des flux de trésorerie générés par l’exploitation dans l’entreprise, contrairement à la dette qui nécessite qu’une partie de ces flux soient utilisés pour le paiement des intérêts et le remboursement l’emprunt. 

Malgré l’existence de sucess stories mettant en vedette des entreprises africaines qui après avoir bénéficiées d’apports en capital, ont pu développer leur activité, accéder à de nouveaux marchés où encore devenir plus rentables, il demeure beaucoup à faire afin de développer cette classe d’actifs en Afrique subsaharienne. Qu’ils s’agissent de fonds généralistes tels que Investisseurs & Partenaires et Aureos Africa Fund, où de fonds spécialisés tels que Harith General Partners qui finance des projets d’infrastructures où encore Injaro en charge du développement de l’agriculture en Afrique, ils n’étaient que 158 sur l’ensemble du continent en 2012.

En somme, c’est un secteur financier favorable au développement des entreprises qui leur donne les moyens d’investir et d’atteindre plus facilement une taille d’équilibre. Face aux difficultés de financement rencontrées par les PME, l’Afrique aurait tout intérêt à exploiter cette nouvelle piste qu’est le capital investissement en instaurant des cadres réglementaires régissant cette activité et en encourageant les investisseurs institutionnels (fonds de pension, sociétés d’assurance, etc.) à investir leurs ressources à long terme dans cette classe d’actif. Ceci pourrait apporter un certain nombre de solutions (financement, expertise et conseils) à ces entreprises dans le besoin, et ainsi propulser le développement économique de ce continent où tout reste encore à faire.

Journal d’un apprenti entrepreneur

Je m’appelle Emmanuel Leroueil. Je suis consultant en stratégie et travaille actuellement au Gabon, à partir duquel j’interviens dans plusieurs autres pays africains. J’ai participé à la création il y a quelque années de Terangaweb – l’Afrique des idées. Depuis un an et demi, date d’un déménagement et du début d’une nouvelle expérience professionnelle, je n’ai plus beaucoup contribué au site et à la vie de l’association, ce que je regrette. Certains camarades me l’ont reproché à juste titre. Ma réponse était que je n’arrivais pas à concilier le « faire » et le « dire » : il m’était plus facile d’écrire et de parler de l’Afrique quand je n’y étais pas ; maintenant que j’y suis revenu, je suis absorbé par toutes les activités dans lesquelles je m’implique et n’ai quasiment plus l’énergie pour participer au débat d’idées. Ce « journal d’un apprenti entrepreneur » est ma tentative de réconciliation du « faire » et du « dire ». Je le dédie à Réassi Ouabonzi, pour son exigence constante.

 

Ma vision de l’entrepreneuriat en Afrique

Comme un certain nombre de professionnels (banquiers, consultants, avocats d’affaires), je suis régulièrement amené à étudier des business plan de grandes, moyennes, et petites entreprises. Si ma profession me conduit plus à fréquenter des entreprises matures, dont l’activité est déjà pérenne et qui font face à des problématiques de croissance, la particularité du tissu économique africain fait que la question de la création d’entreprise est centrale à toute réflexion sur le développement de filières économiques, voire d’économie-pays tout simplement.

A cela j’ajouterai que j’ai moi-même la fibre entrepreneuriale et que, pour quelqu’un qui souhaite aider à répondre aux défis que rencontre l’Afrique (créer des emplois dans le contexte de boom démographique – créer des richesses et les redistribuer), la création d’entreprises dynamiques en Afrique est une préoccupation majeure. Je me suis construit des convictions sur le sujet que je souhaite partager ici.

Conviction 1 : Mieux vaut se concentrer sur des entreprises simples, qui répondent à des besoins basiques des populations (ex : maraîchage, boulangerie, élevage de poulet, cuisine, etc.), sur des marchés qui existent déjà, et sur lesquels il est possible d'apporter une petite amélioration dans le cycle production/vente. 

Cela peut paraître relever du bon sens, et pourtant cela se distingue de deux tendances fortes que j’observe.

La première, la plus courante, est que les petits investisseurs africains privilégient quasi systématiquement des petits business connus qu’ils copient à 100% et sur lesquels ils n’apportent aucune amélioration. Exemple : s’acheter un taxi. 

 

taxi redim

Tout le monde connaît le prix d’une voiture standard pour faire un taxi (entre 2 à 3 millions F CFA achetée d’occasion au Gabon) ; tout le monde sait comment marche le business model de la taxi-industrie (on fait payer au taximan une sorte de loyer : il doit rendre tous les jours un niveau de gain fixé ; le surplus lui appartient, le déficit sera payé de sa poche). Les gains sont connus même si la rentabilité est limitée (environ 75 000 F CFA/semaine au Gabon), les risques sont relativement faibles. En dix mois, un investisseur peut rentabiliser sa mise sur un marché qui continue à absorber l’augmentation de l’offre. Cet exemple est duplicable à merci : la mode des télécentres (téléphones publics payants, dans les années 1990), puis celle des cybercafés, etc. La majorité des investissements immobiliers se rapprochent également de ce modèle. Ces petits business créent certes de la richesse supplémentaire, mais ils n’ont quasiment aucun effet d’entraînement sur le reste de l’économie (pas de hausse de productivité).

La seconde tendance, plus récente en Afrique, est celle suivie par la plupart des incubateurs de start-up, qui privilégient les entreprises sur des segments très innovants et souvent inexistants : services liés aux télécoms ou à internet, énergies renouvelables, voire création d’appareils technologiques. Certains de ces business model peuvent évidemment marcher et sont utiles à l’économie et à la société. Ils  présentent cependant beaucoup plus de risques pour le porteur de projet/investisseur : il faut souvent créer la demande, acquérir la souplesse nécessaire pour faire évoluer son produit vers une demande solvable, trouver l’équilibre économique et opérationnel qui permettra de développer l’entreprise sans toutefois pouvoir s’inspirer de quelque chose qui existe déjà…Le taux d’échec de ces jeunes pousses est logiquement très élevé.

Klab

En Afrique, il y a toujours un océan d’opportunités à saisir dans les secteurs les plus simples où une demande de consommateurs existe déjà pour qui souhaite apporter de petites améliorations à l’existant et professionnaliser son organisation, ses compétiteurs étant souvent dans l’informel, ou tout simplement sous-productifs. Pour rapidement trouver un rendement, il faut se distinguer de l’offre existante par de petites innovations. Les leviers de changement sont multiples : avoir un outil de production un peu plus performant que les autres ; avoir des circuits de distribution/vente différents et plus proches des consommateurs ; avoir une exigence qualité supérieure ; améliorer le marketing de ses produits… De petites innovations qui apportent de la valeur ajoutée aux consommateurs et, in fine, à la société. Toutefois, l’intérêt majeur de ces business est de pouvoir ensuite changer très rapidement d’échelle, et donc d’avoir un modèle réplicable facilement.

Conviction 2 : Dès le début, il convient de porter son choix d’entreprenariat sur des projets duplicables et industrialisables.

Concrètement, cela veut dire que si l’on souhaite créer une boulangerie, il faut dès le début avoir l’intention de créer un « projet pilote » avec pour objectif d’en créer ensuite deux, puis trois, puis cinq…en s’inspirant du premier business créé, de ce qui a marché et de ce qui n’a pas marché. Cette ambition est le meilleur moyen de contourner le problème d’accès au financement, déterminant pour les entrepreneurs africains (http://www.omidyar.com/insights/accelerating-entrepreneurship-africa-report). L’idéal est d’abord de commencer le pilote sur fonds propres, ce qui nécessite de privilégier des affaires où l’investissement initial n’est pas trop important et où on peut commencer petit. Les flux de revenus du pilote doivent permettre de financer en partie la seconde vague d’investissement (nécessité de business avec des cycles de revenus courts et cash-flow positif), ils doivent surtout permettre de produire les données comptables sur la pertinence du modèle économique du projet et l’historique de l’activité, qui permettront d’attirer soit des investisseurs (private equity), soit de convaincre des banquiers pour accéder au crédit.

Bien entendu, la duplication du pilote ne sera pas évidente, puisque de nouveaux problèmes peuvent se poser : comment stocker une production plus importante ? Comment distribuer une production plus importante ? Comment répliquer le modèle sur de nouveaux marchés géographiques ? Comment faire face aux risques de malversation/détournement avec des équipes autonomisées et un contrôle plus faible du créateur/investisseur ? Si les difficultés sont réelles, ce sont les écueils du chemin de la croissance pour toutes les entreprises actuelles et à venir en Afrique. Des écueils surmontables.

Fort de ces convictions, je me suis lancé moi-même dans un projet de création d’entreprise il y a un mois. Je souhaite faire de la production maraîchère  intensive sous serre, aux alentours de Kigali, au Rwanda. Ce Journal d’un apprenti entrepreneur me donnera l’occasion de partager cette expérience et les leçons pratiques que j’en tirerai avec les lecteurs qui s’intéressent à la création d’entreprise dans des pays africains. Le prochain billet détaillera l’investissement que j’ai réalisé pour ce projet, et précisera en quoi il répond aux convictions détaillées ici.

 

Emmanuel Leroueil

Faut-il un fonds souverain en Côte d’Ivoire ?

3h1e8fovA l’instar de la plupart des économies africaines, la question du difficile accès des PME au financement s’est toujours présentée en Côte d’Ivoire comme un défi auquel les décideurs politiques et économiques peinent à trouver des solutions efficaces et durables. En effet, les conditionnalités actuelles d’accès au crédit restent quasi impossibles à franchir par les PME ivoiriennes, qui occupent pourtant une place primordiale dans le tissu industriel du pays : selon le ministère du commerce, les PME représentent 80% des entreprises et contribuent pour près de 20% au PIB et emploient environ 23% de la population active. C’est à juste titre qu’à l’occasion de la cérémonie d’inauguration du siège du patronat ivoirien baptisé« la Maison des entreprises »  qui s’est tenue à Abidjan le 19 septembre 2014, le Chef de l’Etat AlassaneOuattara a fait cet appel de pieds aux institutions financières implantées dans le pays :«En Côte d’Ivoire le constat est clair: le secteur financier ivoirien ne contribue pas encore suffisamment au financement de l’économie nationale ».

Des raisons complexes à la base du difficile accès des PME au financement…

Une analyse profonde de la question permet de réaliser que la problématique du difficile accès des PME au financement est plus complexe qu’elle ne parait. En effet, s’il est vrai que de nombreuses institutions financières, guidées par leur logique purement capitaliste, ne jouent pas pleinement leur rôle de financement de l’économie, la réalité du terrain nous impose néanmoins, de constater que la plupart des PME présentent un profil de risque élevé en raison du manque de visibilité de leurs activités dû à un environnement politico-économique fragile ; ce qui contribue à les rendre insolvables. Ainsi, le mécanisme traditionnel de financement par prêt bancaire s’avère inefficace puisque le risque de non remboursement est réel.

…qui nécessitent une intervention de l’Etat à travers la mise en place d’un fonds souverain

Dans ce contexte d’impasse, l’Etat de Côte d’Ivoire ne doit pas se contenter de dénoncer l’inaction des banques. Il doit prendre ses responsabilités en se positionnant clairement comme un partenaire financier privilégié des porteurs de projet. Pour parvenir à jouer efficacement ce rôle de partenaire financier,  une solution idoine s’offre à notre pays : la création d’un fonds souverain.  En effet, la Côte d’Ivoire peut capitaliser sur son énorme potentiel en ressources naturelles pour constituer une manne financière importante en vue de mettre en place son fonds souverain. De fait, le secteur primaire qui représente plus de 29% du PIB en 2013 (BAD, African Economic Outlook) est dominé par l’exploitation forestière et les cultures industrielles d’exportation (café, cacao, palmier à huile, hévéa etc.). En plus de cela, le secteur minier qui a contribué en 2013 à hauteur de 4.6% au PIB (BAD, African Economic Outlook) prend progressivement de l’ampleur dans l’économie du pays. En Avril 2014 par exemple, le groupe français TOTAL a fait l’une de ses plus grandes découvertes  de pétrole en Afrique de l’Ouest  au large de San Pedro, dans le sud-ouest de la Côte d'Ivoire.

Le gouvernement de Côte d’Ivoire peut réaménager l’utilisation des recettes issues de l’exploitation de ses ressources naturelles pour consacrer une partie au financement d’un fonds souverain dont le but sera de soutenir le développement des PME. En effet, à condition d’être rigoureusement géré, les fonds souverains se présentent comme un puissant levier pour répondre efficacement au défi de financement des PME.

Ainsi, face à la stratégie d’investissement des partenaires financiers privés qui repose essentiellement sur la recherche de rentabilités élevés à court terme, le fonds souverain devra proposer aux PME, un package de solutions de financements moins exigeants qui privilégientleur développement sur le long terme. Il s’agit pour le fonds souverain, d’adopter la posture d’un allié dont le but est d’abord et avant tout d’aider les PME à transformer leurs faiblesses en force pour devenir à moyen ou long terme, des champions nationaux qui porteront l’économie du pays.

Un recours croissant aux fonds souverains à travers le monde.

En plus d’offrir des opportunités de financement pour les entreprises, l’une des raisons qui pousse les pays à créer des fonds souverains est qu’ils favorisent la gestion optimale des revenus issues des ressources naturelles afin d’éviter la fameuse «malédiction des ressources naturelle». Les exemples de réussite de fonds souverains à travers le monde sont légions. Grâce à ses revenus pétroliers, la Norvège a réussi à bâtir le plus gros fonds souverain au monde qui est aujourd’hui une structure clé dans l’architecture économique du pays. La plupart des pays du golf arabe producteurs de pétrole disposent de fonds souverains qui jouent un rôle de premier plan dans le financement de leurs économies.

En Afrique subsaharienne, l’Angola et le Nigeria sont en tête du classement des plus gros fonds d’investissement. D’autres pays tels que le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Ghana ont également mis en place des fonds souverains. Tout récemment, le Sénégal qui dispose pourtant de très peu de ressources naturelles a lancé son fonds souverain pour apporter une réponse appropriée à la question du manque de financement des PME.

Des conditions préalables à respecter pour le succès du fonds souverain

Bien que les fonds souverains soient un levier capable d’apporter une réponse à l’épineux problème du financement des entreprises, il convient de noter que leur existence en soi n’est pas une panacée.Pour éviter de créer un effet de massue, les fonds souverains doivent être utilisés à bon escient. Ainsi, le succès de tout fonds souverain est subordonné entre autres aux préalables suivants :

  • Diversifier les sources de revenus destinées à alimenter le fonds : La Côte d’Ivoire dispose de diverses ressources naturellesqui peuvent servir de base de collecte des revenus (taxes, prime d’exploitation etc.) pour alimenter les fonds souverains.Le fonds se présentera comme une caisse unique qui centralise l’ensemble des revenus de l’Etat non destinés directement au financement du budget.
  • Transparence et rigueur dans la gestion des ressources : Le manque de transparence et de rigueur sont lesprincipales causes de l’échec des fonds souverains. Il est donc crucial de créer les conditions d’une gestionrigoureuse qui s’inscrit dans une vision claire et ambitieuse
  • Mécanisme d’investissement : Le fonds souverain devra apporter des capitaux sous forme de fonds propres pour prendre des parts dans le capital des PME. Ceci permet à la fois de bénéficier des dividendes généréset d’avoir un regard sur la gouvernance afin de contribuer à améliorer la gestion de la société pour l’inscrire sur la voie de la croissance.
  • Définir une stratégie d’investissement efficace : La ligne directrice du fonds doit être clairement établie. Il s’agit de définir entre autres : les secteurs cibles prioritaires, le montant des tickets de financement, la durée moyenne de l’investissement, la nature de la prise de participation (minoritaire vs majoritaire) etc.Pour ce faire, l’équipe dirigeante devra être composée de professionnels confirmés rompus au métier de la finance et de l’investissement

La Côte d’Ivoire devrait s’inspirer de ces success stories pour lancer son fonds souverain avec pour objectif spécifique de contribuer au financement des PME qui seront des champions nationaux capables de porter l’émergence du pays.  Avec son énorme potentiel en ressource naturelles et le dynamisme de son économie, les conditions sont favorables à la réussite d’un fonds souverain en Côte d’Ivoire.

Lagassane Ouattara

Pourquoi les banques africaines s’intéressent-elles désormais aux PME ?

africa-business-7Les PME du continent ont du mal à se financer auprès du système bancaire. Ces difficultés que rencontrent les PME du continent quant à l’accès au financement bancaire, constituent un frein à leur développement et empêchent dans une certaine mesure une croissance inclusive des économies, en limitant entre autres, la création d'emplois, problématique fondamentale de nos Etats. La crise financière de 2008-2009 a par ailleurs, accentuée cette aversion des banques aux PME. Toutefois, ces dernières années, on constate une volonté manifeste des banques à financer ces entreprises, qui représentent en moyenne 90% du secteur privé africain. En effet, le ratio crédit au secteur privé sur PIB a sensiblement évolué, en passant de 10% en moyenne dans les années 1990 à 47.2% en 2012 dans des pays comme la Namibie (sources : Banque Mondiale). Même si ce taux demeure encore faible dans certains pays, la tendance haussière constatée devrait se confirmer dans les années à venir, du fait d’importantes évolutions dans le secteur bancaire africain. Cet article se propose d’analyser ces facteurs qui pourraient contribuer à cette hausse.

La concurrence accrue dans le secteur bancaire

 La démocratisation du secteur bancaire africain, qui pendant longtemps était la chasse gardée de grands groupes bancaires occidentaux, couplée à l’émergence de marchés régionaux a favorisé le développement de banques africaines à statures régionales, avec un large réseau de filiales. En veut pour preuve, l’augmentation du nombre de banques dans l’UEMOA. En effet dans cette partie du continent, 106 banques ont été recensées en 2012 contre 64 en 2000, selon la Commission bancaire de l’UEMOA. Ces filiales des grands groupes qui se multiplient, se livrent sur leur marché local une concurrence acharnée. Ce qui oblige les protagonistes, que sont ces banques, à élaborer des stratégies de développement reposant en particulier sur la diversification de leur clientèle. Pour se développer, elles sont contraintes de pénétrer des marchés plus risqués, tel que celui des PME, qui constituent de véritable relais de croissance. Au Mali par exemple, la BOA a institué un département spécialisé dans le traitement des dossiers de crédits des PME, d’autres banques lui ont par la suite emboité le pas. Ceci, dénote de l’intérêt croissant pour ce segment. Un intérêt qui se justifie. En effet, les PME représentent un fort potentiel, du fait de leur prédominance dans le paysage économique africain, et du fort niveau de rentabilité lié à leur nature risquée. In fine, plus il y aura de concurrence dans le secteur bancaire plus les PME seront gagnantes.

Le développement de stratégies innovantes de gestion des risques de crédits

Qui dit crédit, dit implicitement risque de défaut de paiement. Selon DID (2005), ce risque est le risque de pertes financières, résultant de l'incapacité de l'emprunteur pour quelque raison que ce soit, de s'acquitter entièrement de ses obligations financières à l'endroit de l'institution prêteuse. La sécurisation des crédits est donc un point essentiel, dans le développement de l’offre de prêts aux PME. Les banques africaines l’ont comprise, et ne se limitent plus à évaluer simplement le crédit et à le laisser s’amortir. Elles mettent dorénavant en place des outils de suivi permanent de ce risque de crédit, et de son impact dans le cadre de leur politique de gestion en introduisant des systèmes de contrôle, qui réduisent le risque de perte. A partir de reportings périodiques de l’état des engagements, elles arrivent à tirer la sonnette d’alarme, en cas d’impayés répétés. Mécanisme qui dans bien des cas, leur permettent d’élaborer des plans afin d’éviter ces impayés à répétition, qui conduisent à terme au déclassement en créances douteuses des crédits, la hantise des banquiers. Il est par ailleurs admis que, le partage de l’information permet de réduire les risques. La vulgarisation des outils tels que la centralisation de risques, permet donc de lutter contre l’asymétrie informationnelle et de réduire sensiblement l’aversion aux PME. Au Bénin par exemple, une entreprise en collaboration avec l’association des banques a créé dernièrement un système facilitant le partage de l’information.
Quant à la question des « collateral », c'est-à-dire des garanties, des solutions simples tels que les cautions personnelles ou les reconnaissances de dettes (billets à ordre) sont de véritables alternatives au recueil de garanties réelles, plus difficiles à fournir par les PME.
Des innovations sont également à noter, dans le processus d’octroie de crédit. Grâce à la maîtrise démontrée de leurs marchés locaux, les banques obtiennent de leur maison mère des pouvoirs étendus de validation. Ce qui favorise une sélection des contreparties basée sur la connaissance du potentiel des entreprises, en l’occurrence les PME.

Le développement de critères d’analyse de risques tenant compte des spécificités des PME

Les critères classiques d’analyse du risque de crédits sont : la solvabilité, la capacité de remboursement (qui se mesure par les flux de trésorerie générés par les entreprises), la liquidité, la rentabilité. Ces ratios s’obtiennent à partir des états financiers fournis par les entreprises. Il s’avère que, très peu de PME disposent d’Etats financiers certifiés. Face à cette situation, les banques ont développées des critères de mesure de risque que d’aucun peuvent juger subjectifs, mais qui s’avèrent être efficaces.
Ces critères prennent davantage en compte l’activité des entreprises et les règlements attendus par ces derniers, que les critères précités et communément admis par la chaire des analystes. Par ailleurs les relations qu’entretiennent les banques avec ces PME, dans la durée, créent un climat de confiance qui favorise généralement l’octroi des crédits. Un client qui a pris l’habitude de respecter ses engagements, obtiendra plus facilement un crédit de son banquier, même s’il ne remplit pas les critères orthodoxes de mesure du risque. La relation établie dans la durée se révèle donc être un outil efficace de mesure du risque de la contrepartie PME.

Le partage du risque avec d’autres institutions spécialisées

Des fonds spécialisés ont vu le jour en Afrique, avec pour objectif de faciliter l’accès au financement bancaire des PME ; Il s’agit des fonds de garantie. Ils se sont multipliés ces dernières années ; les majors du secteur sont, le FAGACE, le fonds GARI en Afrique de l’Ouest, l’African Guarantee Fund ou de la garantie ARIZ (une garantie spécifique aux zones d’intervention de l’AFD). Ces fonds de garantie sont donc amenés, à signer des partenariats avec des banques africaines. La dernière en date est la signature par la Banque Atlantique et l’African Guarantee Fund (AGF), d’un partenariat portant sur une ligne de 15 millions de dollars destinée à garantir le financement des PME, dans les différents pays africains où opère la Banque Atlantique.
La garantie offerte par ces fonds permet aux banques, de se couvrir du risque de perte à hauteur parfois de 50% de l’encours de crédit. Il existe deux types de garanties, la garantie individuelle et la garantie de portefeuille. Dans le premier cas de figure, les dossiers sont soumis par les banques aux fonds de garantie qui les étudient au cas par cas. Cette forme de garantie est peu favorable aux PME, ne respectant pas les critères minima requis par ces fonds de garantie et demeure donc très sélective. Le deuxième cas de figure consiste à utiliser des lignes de garantie de portefeuille ; accordées pour un montant donné, elles peuvent être affectées à des PME librement choisies par les banques. Ici donc, les banques disposent du libre arbitre quant à la décision d’octroi des crédits, ce qui présente un avantage certain pour les PME à forts risques apparents, mais à forts potentiels.

L’action des pouvoirs publics en faveur des PME

Les PME prennent une place de plus en plus importante, dans les politiques publiques des Etats africains. En effet l’émergence tant voulue ne pourra être atteinte, sans la prise en compte des préoccupations de ces entreprises. En vue donc d’améliorer l’environnement de l’entreprise dans les différents pays, des Guichets uniques ont été créé. C’est le cas au Gabon ou au Sénégal ; pays dans lequel le Guichet unique du Bureau d’Appui à la Création d’Entreprise (BCE) a permis de ramener le délai de création d’une entreprise de 58 jours à 48 heures , un délai qui est réduit à seulement 6h au Rwanda. Au Sénégal, l’Etat a créé récemment une banque, la BNDE (Banque Nationale pour le Développement Economique), dont la vocation première est de financer les PME. Par ailleurs, les nouvelles dispositions de l’Acte uniforme révisé de  l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) et adoptées par déjà quatre pays dont le Togo, où, une SARL pourra être créée par acte notarié ou par acte sous seing privé avec un capital social de 100.000 FCFA contre 1 000.000 de FCFA auparavant, sont de nature à réduire le nombre de PME du secteur informel et par ricochet augmenter le volume de PME éligibles au financement bancaire.
Néanmoins malgré ces avancées notables, des efforts supplémentaires restent à faire pour améliorer l’environnement des affaires, notamment en ce qui concerne la question du foncier. En effet, l’obtention d’un titre foncier dans la plupart des pays relève toujours d’un exploit.

Au regard de la place qu’occupent les PME dans le paysage économique africain, il ne fait aucun doute que l’accès au financement, plus précisément  bancaire, des PME s’améliorera. En effet, malgré le risque pesant sur ce segment, des solutions de plus en plus  innovantes voient le jour, afin de faciliter leurs accès au crédit. Des institutions naissent par ailleurs, pour être de véritables alternatives aux banques : c’est le cas de Cofina, l’institution du banquier reconverti Jean Luc Konan, qui a récemment lancé ses activités au Sénégal et en Guinée Conakry. Cependant le défi à venir pour ces institutions au premier rang desquels les banques, qui demeurent les principaux intermédiaires financiers en Afrique, sera celui de l’octroie de ressources longues à ces PME. Ce dont ont besoin les PME, ce ne sont pas simplement de crédits mais surtout de crédits longs, c'est-à-dire des montants relativement conséquents et amortissables sur des périodes suffisamment longues, pour ne pas affecter leur pérennité. Pour cela, tous les acteurs à savoir ; les banques, les PME et les pouvoirs publics devront fortement s’impliquer, en vue de résoudre de manière efficace cette problématique de l’accès au crédit bancaire des PME, afin que ces dernières puissent pleinement jouer le rôle qui est le leur dans la croissance des économies africaines.

Larisse Adewui

Le financement des PME : En quoi la phase de « participation active » des fonds de private equity peut- elle être un frein ?

incentivesCes dernières années, on constate un engouement des fonds de private equity  pour l’Afrique. Des millions de dollars sont ainsi levés pour être injectés dans les économies des pays du continent.  En 2013, ces fonds ont investis plus de 1,6 milliard de dollars en Afrique subsaharienne, montant record des cinq dernières années, selon une étude de l'Association du capital-investissement pour les marchés émergents (Emerging Markets Private Equity Association/ EMPEA). Malheureusement, très peu d’entreprises en réalité bénéficient de ces ressources. En effet les fonds choisissent d’investir dans les grandes entreprises à forte notoriété, au détriment des PME, qui sont porteurs de croissance du fait qu’ils représentent l’essentiel du tissu économique des pays africains.

Le private equity est défini comme étant un investissement en fonds propres dans les entreprises récentes ou plus âgées, mais amorçant une nouvelle étape significative de croissance, de préférence dans les secteurs où les perspectives de développement sont importantes. Le but de cette opération étant la réalisation d’une plus-value, dans un cadre de collaboration active. Cette définition du private equity implique des interventions en amont et en aval. Elle se caractérise donc par : une participation au capital social, l’apport d’une valeur ajoutée au capital investi par une participation active et l’orientation à long terme variant entre cinq (5) et dix(10) ans ; ceci  afin que l’investissement fournisse un rendement suffisant.

UntitledIl trouve ses fondements aux Etats Unis, où il est apparu au lendemain de la seconde guerre mondiale avec la création du premier fonds d’investissement « American Research & Development Corporation» (ARD) en 1946. Des sociétés telles que Microsoft, Macintosh, Intel, Yahoo et Amazon pour ne citer que ceux-là étaient soutenues dès leur démarrage par des sociétés de private equity. Les premières initiatives dans ce domaine en Afrique datent des années 90 avec la création de FIARO (Financière d’investissement ARO)  à Madagascar ainsi que de la SPPI (Société de Participation et de Promotion des Investissements) en Tunisie. Depuis lors, le private equity a connu une croissance mitigée. En effet si d’aucun saluent l’engouement actuel des fonds de private equity pour l’Afrique, une situation qui se justifie en partie par les forts taux de croissance actuels enregistrés par les économies du continent ; il est  évident que le niveau d’investissement dans les PME, véritable moteur de croissance des économies africaines, et qui à l’ origine étaient les principales cibles de ce mode de financement, demeure toujours très faible.

Cet état de fait  pourrait se justifier par les implications de la deuxième étape de ce mode de financement, à savoir « la participation active à la gestion de l’entreprise ». Pour les investisseurs en private equity, leur métier consiste en une combinaison entre « Financement et assistance au management », ils mettent ainsi en avant l’expression de partenaire actif de l’entreprise. Avec leur savoir-faire, les investisseurs en private equity assistent les entreprises financées dans la détermination de la politique à long terme, dans l’évaluation financière, dans le recrutement du personnel, etc. C’est de cette manière qu’ils ajoutent de la valeur à leurs investissements. Cette ingérence dans la gestion de l’entreprise peut poser problème, notamment quand il s’agit des PME africaines, car le mode de gouvernance de la plupart de ces sociétés contraste avec celui plus orthodoxe des fonds de private equity.

En effet  le  capitalisme moderne, qui est l’essence du private equity, articule sa démarche autour du modèle de « la gouvernance d’entreprise ». Ce modèle se défini comme,  l’ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire (Charreaux, 1997). Or la PME africaine étant extrêmement personnalisée, on  assimile cette dernière à la personne même du chef d’entreprise. Cette personnification s’inscrit dans une interaction spécifique, entre le pouvoir de gestion et la propriété du capital. En effet, la PME africaine peut être considérée comme un système d’organisation du pouvoir presque toujours concentré dans les mains d’une seule personne: le chef d’entreprise. Celui-ci exerce son pouvoir de gestion et de contrôle, de sorte que les objectifs de l’entreprise sont fortement déterminés par ses objectifs personnels. Ce dernier demeure la clef de voûte de tout le système stratégique. Dans le fonctionnement, il est avant tout celui qui imagine, développe, et réalise sa vision. A cette personnification, s’ajoute une gestion opaque des affaires ; la plupart ne disposant pas d’états financiers fiables et sincères.

SanstitreL’opposition entre ces deux modèles de gouvernance crée un « effet paradigme », à l’origine du faible niveau d’investissement des fonds de private equity dans les PME du continent. Néanmoins, malgré cet effet paradigme certains fonds ont fait le pari d’investir, avec succès, dans les PME africaines. Il s’agit notamment de l’investisseur I&P, actif en Afrique Subsaharienne et qui a choisi d’investir exclusivement dans les PME de cette partie du continent. Ce fonds accompagne donc avec brio, des PME gérées par des entrepreneurs locaux ; les entreprises Biotropical au Cameroun et la Laiterie du Berger (Dolima) au Sénégal sont des exemples concrets de sa réussite. D’autres, tel que XSML à partir de son véhicule dédié aux PME d’Afrique centrale, « Central Africa SME Fund » se positionne également sur ce segment. Ces fonds ont donc su s’adapter aux difficultés apparentes, qu’il y a à investir dans les PME du continent et sont ainsi récompensés par des taux de rentabilité forts intéressants.

En définitive, il apparait que le modèle actuel du private equity tel qu’il est mis en œuvre par la plupart des fonds présents sur le continent, n’est pas adapté au fonctionnement des PME. Cependant, certains exemples de réussite prouvent que le risque pesant sur les PME du continent, du fait de leur personnification et de leur opacité peut être jugulé, si l’on élabore des stratégies adéquates. Il faudrait donc penser à un modèle qui intègrerait une quatrième phase en amont des trois phases identifiées ; que l’on pourrait appeler « phase de réorganisation ». L’objectif de cette phase serait principalement, de faciliter une réorganisation de la PME dans tous ses aspects et aboutirait à la signature d’un pacte d’actionnaires, qui sera dans ce cadre plus un contrat de gré à gré qu’un contrat d’adhésion, comme s’est généralement le cas. Ce modèle « acclimaté », tenant compte des réalités des PME africaines ; devrait ainsi permettre à un plus grand nombre de PME de bénéficier des ressources énormes des fonds de private equity et de ce fait générer par leur performances, une croissance inclusive des économies du continent.

                                                                                                                                                   Larisse M. Adewui           

Sources :

STEVENOT Anne (2006). L’influence des Capital Investisseurs sur la gestion des ressources humaines des entreprises financées : dimensions, enjeux et limites, FARGO – Centre de recherche en Finance, Architecture et Gouvernance des Organisations.