Accord de Paris : Quelles leçons tirer du retrait des USA ?

Les réactions consternées qui ont suivi l’annonce du retrait américain de l’accord de Paris sur le climat contrastent avec l’enthousiasme affiché lors de l’adoption de l’accord en décembre 2015 après plusieurs années de négociation. C’est une décision qui aura un impact sur les Etats les plus vulnérables. Mais, ils auraient tort de ne compter que sur le leadership des grandes puissances pour maintenir l’élan de transformations sociaux-économiques et politiques nécessaires à l’adaptation et à l’atténuation des effets du dérèglement climatique.

Le fait qu’au regard des dispositions de l’accord entré en vigueur en novembre 2016, le retrait américain ne pourra être effectif qu’en 2020 ne change en rien à la réalité de celle-ci. Le discours du président Trump est sans équivoque sur sa volonté de cesser immédiatement tous les engagements américains. L’accord de Paris étant non contraignant juridiquement, il ne prévoit pas de sanction contre les pays qui se désengagent. Même si leur crédibilité est entachée, les Etats-Unis ont les moyens de la restaurer à terme et de peser encore sur la scène internationale. Ils peuvent aussi faire face aux effets du changement climatique même si une réorientation de leurs politiques publiques plus tard leur coutera plus cher. D’ailleurs, le débat est loin d’être clos et certains Etats et territoires américains engagés dans l’esprit de l’accord sur le climat ont réaffirmé leur volonté de s’y maintenir et de poursuivre leurs programmes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La décision américaine suscite plutôt les craintes d’un effet domino en faveur du désengagement et une velléité de renégociation de l’accord par d’autres pays tels que la Russie dont les dirigeants bien que signataires ne cachent pas leur scepticisme vis-à-vis de la question du climat. Le premier coup de butoir contre l’accord sur le climat émane donc du plus grand pollueur du XXe siècle et a le mérite d’éclaircir sa position de ne pas assumer sa responsabilité historique. S’étant exclu du cadre dont elle est hostile, la nouvelle administration américaine pourra- t-elle entraver quand même sa mise en œuvre ?

Sans la contribution des Etats-Unis, les objectifs globaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour maintenir les effets du changement climatique dans une fenêtre contrôlable ne seront pas atteints.

 

A court terme, c’est du côté financier que l’arrêt de la contribution des Etats-Unis dans le Fond vert pour le climat aura des impacts sur la mise en œuvre des programmes en cours dont l’échéance est 2025. Les Etats-Unis ne respecteront probablement pas leur engagement de 3 milliard de dollars dont 1 milliard a été débloqué sous l’ère Obama. En l’état actuel, beaucoup des pays en développement, notamment les pays africains, auront du mal à atteindre leurs objectifs sur la période même si tout ne dépend pas de l’apport financier extérieur.

En effet, dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat, les Etats ont pris deux types d’engagements : des engagements conditionnés par l’apport des ressources extérieures issues des plus gros pollueurs et des objectifs inconditionnels de réduction des émissions de gaz à effet de serre à travers la mobilisation de leurs propres ressources.

Or, la réalité des effets du climat sur la population africaine n’est plus à contester. Cette population n’a pas le luxe d’attendre et de tergiverser. Les solutions ponctuelles apportées ne sont pas suffisantes.

Pour les Etats africains, les soubresauts qui toucheront le cadre stable de développement durable tracé par l’accord sur le climat, devraient servir de piqûre de rappel au fait de se tenir mobilisés pour défendre leurs causes mais aussi entreprendre des solutions sans attendre. C’est pourquoi les efforts de mobilisation et de plaidoyer des acteurs civils doivent servir à maintenir la pression sur les décideurs politiques des pays industrialisés à respecter leurs engagements mais aussi sur nos gouvernements afin de mettre en œuvre leurs engagements inconditionnels.

On pourra alors faire que la décision américaine conduise les pays signataires à un resserrement des rangs. Elle a déjà sonné la remobilisation des différents acteurs, ONG, entreprises, villes, territoires et régions qui ont été et qui sont toujours engagés en première ligne. Chacun a un rôle essentiel à jouer pour maintenir la pression sur les décideurs politiques. Car les solutions économiques du XXe siècle qui ont contribué à la pollution généralisée et au dérèglement climatique actuel seront probablement ressassées au gré de changement de régime et d’opportunisme politique.

C’est pourquoi la dynamique enclenchée par l’accord sur le climat est à encourager car ce cadre offre les opportunités de solutions adaptées à notre ère. A moyen et long terme, les pays sortant du cadre se retrouveraient de plus en plus isolés. Même si des sanctions ne sont pas prévues dans l’accord sur le climat, il se pourrait que des ripostes économiques se mettent en place contre eux notamment à travers l’instauration des nouvelles normes qui leur seraient défavorables ou des taxes environnementales spécifiques sur leurs exportations.

Djamal HALAWA

Gouvernance et adaptation au changement climatique : rôles et enjeux pour les pays africains

chaIl est admis aujourd’hui que les risques liés au changement climatique constituent une menace sérieuse pour nos sociétés. C’est dans cette optique, que le concept de gouvernance climatique est apparu dans le jargon des experts climatiques. Gouverner le climat ? Cette question peut laisser doublement perplexe. Sur l’objet comme sur l’action ou le verbe qui s’appliquent à cet objet. Pour quelles raisons ? Par quel processus historique ? Selon quelles modalités ? L’objet climat relevant d’abord de la géographie, ensuite des sciences physiques et atmosphériques, est-il devenu un objet de gouvernance à la fin du XX ° siècle ? Mais le climat est-il gouvernable ? Alors que circulent chaque jour sur nos écrans des images de tornades, d’inondations et de dérèglements extrêmes en divers points de la planète.

En effet, la gouvernance s’applique à plusieurs niveaux. Et on peut retenir trois dimensions. Une dimension internationale, nationale ou régionale avant d’avoir une dimension locale. On parle de gouvernance locale, gouvernance territoriale, gouvernance d’entreprise, de l’emploi et mondiale. En plus, le mot gouvernance vient du latin « gubernare » qui traduit gouverné, piloter un navire. Il s’agit donc de l’art ou de la manière de gouverner, en favorisant un modèle de gestion des affaires. Selon Jacques Theys la gouvernance est : « une conception managériale des systèmes publiques et il s’agit essentiellement de trouver des solutions pragmatiques à des défaillances de marchés ou à des défaillances d’intervention publique » (Theys, 2002).

L’objectif de cet article est de déterminer les enjeux climatiques en Afrique et le rôle des Etats africains dans la gouvernance climatique mondiale.

Tout d’abord, l’Afrique est un continent qui consomme peu d’énergie avec 621 millions d’individus n’ayant pas accès à l’électricité. Ensuite, d’un pays à l’autre, les différences sont considérables. Par exemple en RDC l’accès à l’électricité est de 16%, 53% au Botswana et 85% en Afrique du Sud. C’est d’ailleurs en Afrique Subsaharienne, hormis l’Afrique du sud, que la consommation s’élève à hauteur de 139 milliards de KWH avec une population de 860 millions d’habitants, bien moins que l’Espagne qui consomme 243 milliards de KWH avec une population de 47 millions d’habitants (Le Monde, 2016). Ainsi, un tanzanien par exemple, mettra huit ans à consommer autant d’énergie qu’un américain en un mois. Par ailleurs, en Grande Bretagne une bouilloire utilisée par une famille consomme cinq fois plus d’électricité que la consommation moyenne annuelle d’un malien.

 

Cependant, si l’Afrique est le continent qui contribue le moins au réchauffement climatique à l’échelle mondiale, 4 % contre 15 % pour les États-Unis, et 26 % pour la Chine, il faut dire qu’elle subit de plein fouet les effets du changement climatique avec la multiplicité sur ces dernières années d’inondations et de sécheresses sur le continent. Il est donc urgent d’agir pour s’adapter au changement climatique sachant qu’une hausse des températures de deux degrés pourrait occasionner une baisse de la productivité agricole, jusqu’à moins 20 % en 2050 ce qui aggraverait la crise alimentaire. Cette adaptation doit être à la fois politique et environnementale pour se prémunir des risques majeurs du changement climatique. En effet, la définition de l’adaptation des systèmes humains au changement climatique la plus communément utilisée est celle du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), à savoir une « démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences, de manière à en atténuer les effets préjudiciables et à en exploiter les effets bénéfiques ». Cette définition fait référence aussi bien aux conditions climatiques actuelles que futures, et considère tant les changements climatiques d’origine naturelle que ceux anthropiques.

L’Afrique a-t-elle les moyens de s’adapter et de gouverner les risques climatiques ?

Selon l’ONU, le coût d’adaptation de l’Afrique au changement climatique s’élève à 45 millions d’euros par an d’ici 2050. La question de la finance climatique des pays du Nord au bénéfice des pays du sud était un des enjeux de la COP21. En effet, un fond de soutien permettrait de trouver par exemple des alternatives au charbon de bois qui est très utilisé en Afrique, 4 africains sur 5 en utilisent pour la cuisine.  Les conséquences de cette utilisation sont écologiques mais aussi sanitaires. Chaque année, 600.000 africains meurent de l’inhalation de ce combustible, c’est presque autant que le paludisme et autant que le VIH.  Les énergies renouvelables sont une nouvelle alternative, c’est pour cela que de plus en plus de pays africains misent sur les énergies vertes. C’est ainsi qu’un pays comme l’Ethiopie a décidé de développer les énergies renouvelables de manière à réduire les risques climatiques.

Résoudre les problèmes liés au changement climatique, c’est aussi initier une gouvernance à l’échelle mondiale et locale qui permettra de trouver des solutions adaptées aux risques climatiques. Quel est le rôle de l’Afrique dans la gouvernance climatique mondiale ? La conférence de Paris sur le climat en décembre 2015 a démontré une nouvelle fois encore, la place dérisoire du continent africain dans les différents enjeux de négociations autour du climat. Ceci peut s’expliquer par le fait que pour les pays africains, le principal objectif est le développement économique. Mais, un développement économique sans préoccupations environnementales, est-il soutenable ?  La question du changement climatique est donc considérée comme aspect secondaire dans la hiérarchie des besoins en Afrique. Assez pour qu’on ne retienne qu’un seul point sur les différentes préoccupations climatiques africaines, l’aide aux pays pauvres pour s’adapter au changement climatique et réallouer 1000 milliards de dollars d’investissements privés vers l’économie de bas carbone.

Tout compte fait, le continent africain reste fragile face aux différentes menaces liées au changement climatique. Même si d’importantes initiatives autour d’une économie verte s’érigent dans certains pays qui sont en avance dans les politiques énergétiques comme le Maroc avec le plus grand parc solaire mondial. Il faudra également faire un travail au niveau local. Pour propulser une véritable dynamique dans la lutte contre les changements environnementaux. Et cela commence par une émancipation des consciences citoyennes locales et régionales. Cette vulgarisation des consciences citoyennes écologiques en vers la nature permettra une meilleure considération des préoccupations environnementales dans les préoccupations africaines. Cela ouvrira la voie à une meilleure valorisation des initiatives locales et régionales africaines dans l’élaboration des programmes environnementaux à l’échelle mondiale. Car jusqu’ici l’influence de l’Afrique dans cette géopolitique climatique est très limitée.  

L’Afrique dans les négociations climatiques : enjeux, stratégies et perspectives

sécheresseDepuis 1990, les différents rapports du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur le Climat apportent non seulement plus de certitudes sur l’origine anthropique du dérèglement climatique observé mais aussi plus de précisions sur ses impacts actuels et futurs. Fruit de la première phase des négociations climatiques et actuellement mis en œuvre, le protocole de Kyoto est l’instrument juridique contraignant duquel ont découlé des mécanismes de régulation dont l’Afrique a très peu bénéficié. Et ce, en dépit du fait que, bien que responsable de seulement 4,5% du total des émissions de gaz à effet de serre, elle reste le continent le plus vulnérable.

Les négociations sur le cadre post-Kyoto (post 2020) ont abouti à un premier accord universel obtenu lors de la 21ème conférence des parties (COP21) en décembre 2015. Profondément conscients de l’enjeu, les Etats africains se sont distingués en  s’engageant sur des objectifs ambitieux en matière de réduction de gaz à effet de serre d’ici 2030, réaffirmant  leur volonté d’atténuer et de s’adapter au changement climatique. Ils doivent cependant continuer à travailler pour la  sécurisation des ressources financières dédiées  et un appui technique conséquent afin que leurs objectifs puissent être atteints sans entraver leur développement. Pour obtenir un accord juste et équitable à la COP21, ces Etats ont réussi le pari de tenir un langage commun. Mais il faudrait qu’ils associent davantage  la société civile et les acteurs économiques africains particulièrement dans la mise en œuvre de ces accords.        

La forte implication de la société civile dans la mobilisation contre le changement climatique et les diverses actions qu’elle a pu engager ont d’ailleurs montré sa capacité à être porteuse d’améliorations positives. Ainsi, en se positionnant comme partie prenante d’une gouvernance responsable, pilier du développement durable, cette dernière offre de réelles opportunités de changement aux Etats africains. Lisez l'intégralité de ce Policy Brief.

Varsovie: sur le chemin d’un accord sur le climat

Du 11 au 22 novembre, Varsovie accueille le 19ème sommet international sur le climat (COP19). L’objectif de ce sommet est de trouver un accord sur les engagements de réduction de gaz à effet de serre par pays.

Depuis 1992 la ‘crise climatique’ fait l’objet de négociations internationales sous l’égide de l’ONU au sein de la Convention Cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Chaque année, une conférence des parties est organisée dans différents pays hôtes afin de s’accorder sur les mesures à prendre en matière de lutte contre les effets du changement climatique. Le protocole de Kyoto, signé en 1997 et entrée en vigueur en 2005 fut l’accord le plus contraignant ratifié par la plupart des pays développés et visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Sa première période arrivait à échéance en 2012. Dans ce contexte et celui de la crise économique, le très médiatisé sommet de Copenhague (COP15) en 2009, fut un échec retentissant. Les perspectives d’un accord mondial sur le climat semblaient alors incertaines.

Mais l’ambition des pays en matière de lutte contre le changement climatique peut être appréciée au regard des éléments tels que le processus mis en place pour négocier un futur accord mondial, la nécessité de revoir à la hausse les objectifs de réduction d’émissions de l’ensemble des pays et la poursuite du Protocole de Kyoto dans le cadre d’une deuxième période. Ainsi, les conférences de Cancùn en 2010 et Durban en 2011, puis Doha en 2012, ont permis de remettre sur les rails le processus et aboutir à un certain nombre de décisions liés aux enjeux suivants :

– création d’un Fonds vert pour le climat;

– prolongement du protocole de Kyoto sur 2013-2020;

– préparation du nouvel accord universel pour la période post-2020 prévu en 2015;

cadre pour l’adaptation, permettant d’améliorer la définition, la mise en œuvre et le financement d’actions dans les pays;

– accord sur la mise en place d’un mécanisme de réduction des Émissions résultant du Déboisement et de la Dégradation des forêts (REDD+);

-inclusion de l’agriculture dans les négociations.

chgt clim

Le nouveau cycle des négociations lancé concrètement à Durban a pour objectif d’arriver à un accord international durable, engageant juridiquement tous les pays, à la COP 21 en 2015. Varsovie (COP 19) en est donc une étape essentielle. Elle devrait permettre au moins d’avancer sur deux points : d’une part arriver à déterminer des règles communes pour mesurer et chiffrer les efforts de chacun des pays en matière de réduction de gaz à effet de serre ; d’autre part, il s’agit de décider des premiers ‘abondements financiers’ du Fonds vert en 2014. Ce Fonds, en impliquant toutes les parties concernées, va élargir les capacités d’action et la mobilisation de toute la finance internationale et nationale.

Plus de vingt ans de processus montrent que les négociations sur le climat sont d’une extrême complexité tant elles touchent au modèle de développement des Etats, à leur souveraineté qu’aux modes de vies de leur population. Les intérêts sont divergents, les situations très variées.

Les pays africains sont presque tous réunis au sein du Groupe Afrique. A l’instar des petits Etats insulaires, ils font partie des pays les plus vulnérables en matière de changement climatique et appellent de tous leurs vœux à l’application concrète des mesures prises et à la mobilisation du Fonds vert pour soutenir leurs efforts de lutte et d’adaptation au changement climatique. Les pays émergents tels que la Chine et l’inde qui étaient traités dans l’esprit de Kyoto I aux mêmes titres que les pays africains ont désormais un impact de plus en plus important sur l’environnement et le climat. Leur rôle sur l’échiquier mondial a évolué. Défendent-ils encore les mêmes intérêts que nous ou défendons-nous les mêmes intérêts qu’eux? La question mérite d’être posé tant il n’est pas évident de voir les positions africaines qui s’imposent dans ces négociations. Mais dans cette affaire il y va de l’intérêt de tout le monde de s’accorder.

Le changement climatique poursuit inexorablement son bout de chemin…à pas de chameau. Varsovie ne devrait pas accoucher d’une souris pour espérer le rattraper.  

 

Djamal Halawa

 

Sur ce sujet: http://terangaweb.com/introduction-au-changement-climatique/

http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php

http://www.coordinationsud.org/plaidoyer/climat/negociations/

http://www.afd.fr/changement_climatique?actuCtnId=104074

http://www.coordinationsud.org/plaidoyer/climat/negociations/

http://www.ipcc.ch/

Du régime « post-2012 » au régime « post-2020 » : une route longue et sinueuse pour le climat, Coordination Sud