Le Rwanda et les ambitieuses politiques en matière de développement durable

Classé parmi les pays les plus vulnérables au changement climatique, le Rwanda a depuis la fin du génocide repensé sa politique environnementale et son développement économique, qui se veut durable et responsable.

Les changements climatiques : des effets dévastateurs pour le pays des mille collines

Petit pays d’environ 26 000km², le Rwanda est particulièrement exposé aux risques environnementaux en raison de sa position géographique. Au centre de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique des Grands Lacs, le pays dit des mille collines est situé dans une zone sismique, en proie aux éboulements et aux inondations du fait de de son relief très accidenté. De manière générale,les pays de la région, s’ils sont très liés économiquement le sont encore plus géologiquement. En témoigne le récent tremblement de terre qui a frappé la Tanzanie en septembre 2016. Les secousses ont été ressenties dans les pays voisins et jusque dans la capitale rwandaise à Kigali.[1]

Les études de l’Alliance Mondiale contre le changement climatique démontrent bien que le changement climatique génère un déséquilibre environnemental mais également une insécurité alimentaire et sanitaire qui touchent directement les populations.  [2]

Au Rwanda, on observe plusieurs cercles vicieux dus à ces perturbations environnementales. Tout d’abord autour de la politique économique du pays : l’agriculture pluviale faisait encore vivre  80% de la population en 2013 et représentait 30% du PIB[3] . Or les effets du changement climatique génèrent dans le pays des anomalies pluviométriques allant de pluies intenses au retard de la deuxième saison des pluies, voire à la sécheresse comme en l’an 2000. L’Etat prend alors conscience qu’il dépend de son agriculture pluviale et que cette dernière dépend elle-même des changements climatiques. Ainsi, à la fin des années 2000, le Rwanda se rend compte qu’il doit faire preuve d’une « adaptation aux changements climatiques ». Selon le Third Assessment Report – IPCC 2001, on entend par adaptation aux changements climatiques, «  les ajustements du système humain ou naturel en réponse aux stimuli actuels ou attendus et leurs effets et qui atténuent les dommages ou exploitent les opportunités favorables au développement. [… Elle est différente de ] l’atténuation [qui] est l’effort d’éviter ou de réduire le changement climatique »[4]. En second lieu, on observe un territoire mis à mal par des phénomènes migratoires importants et un habitat dispersé qui empiète sur les terres agricoles productives[5]. Dans les zones de forte densité de population, les terres sont surexploitées et le couvert végétal fortement endommagé. Ce qui provoque des migrations de populations vers le sud et le sud-est du pays (moins peuplé), où le risque de sécheresse et de désertification y est néanmoins plus élevé[6], mais aussi des politiques de déforestation pour augmenter la capacité productive du pays. En outre, la dégradation de l’environnement a posé le problème de la production énergétique nationale qui s’alimente principalement de la biomasse (combustibles ligneux et résidus végétaux)[7].; source énergétique majoritaire des ménages et l’industrie et l’artisanat, le gouvernement doit alors faire face à cette dépendance environnementale[8]. On perçoit donc bien ici encore le phénomène de vulnérabilité du Rwanda, dont l’économie est directement liée aux ressources naturelles.

Face à la vulnérabilité, l’adaptation au changement climatique se concrétise

Le Rwanda a mis en place depuis les années 2000 des politiques de développement durable pour faire face aux changements climatiques. Les coûts économiques pourraient s’avérer très élevés et atteindre jusqu’à 1% du PIB jusqu’à 2030[9]. Ces changements répondent aux attentes nationales mais aussi à celles des Nations Unies avec les Objectifs de développement durable (ODD). Le pays des mille collines a donc décidé d’associer « développement responsable » et « lutte contre la pauvreté ».

Tout d’abord le Rwanda fut signataire dans les années 90  de l’agenda 21, connu pour être l’un des plans d’action d’envergure pour  le développement durable. La politique engagée semble être plus fructueuse depuis la fin du génocide en 1994 et l’ amorce de la reconstruction du pays. M. Stanislas Kamanzi, Ministre des ressources naturelles du Rwanda, pointe ce renouveau lors du sommet RIO+20 en 2012 : « Le développement durable est placé au coeur de [la] stratégie nationale de développement. Une évaluation récente a montré que les efforts engagés ont contribué à diminuer de 12% le taux de pauvreté jusqu’en 2012. Avec l’appui de ses partenaires, le Gouvernement rwandais a cherché à faire en sorte que les efforts en vue du développement reposent sur des principes promouvant la bonne gouvernance, la participation aux processus de prise de décisions, l’égalité entre les sexes, en insistant sur le rôle clef de l’autonomisation des femmes et le partenariat avec le secteur privé »[10]. Une économie verte est alors prônée au nom de la lutte contre la pauvreté et l’amélioration des conditions de vie. La question du développement durable devient par conséquent une question politique, permettant au Rwanda d’être à la hauteur des exigences des Nations Unies. Pour preuve,  en 2014 le Groupe National de Référence (GNR)[11] du Rwanda a exigé le renforcement les institutions comme gage de rempart face aux changements climatiques[12]. Les participants au GNR ont permis de constituer un « front rwandais contre le réchauffement climatique » en invoquant une meilleure connaissance de la population sur les risques environnementaux, une base de données météorologique fiable ou encore des politiques nationales de qualité[13]. Le Rwanda a alors lancé des projets et des politiques publiques en faveur d’un développement durable et d’une anticipation des changements climatiques.

Nous pourrions en citer un bon nombre tant les programmes sont multiples et dénotent un véritable engagement du pays. Par exemple, dans le cadre de la politique de la vision 2020,  le gouvernement s’efforce de réduire l’utilisation du bois dans le bilan énergétique national de 94 à 60%[14]. Pour cela, il est aussi engagé conjointement avec les Nations Unies à travers un projet d’adaptation aux changements climatiques (PNUE)[15] sur la réduction de la vulnérabilité du secteur énergétique aux impacts du changement climatique au Rwanda[16]. C’est ainsi qu’en 2015 la politique forestière du Rwanda a été récompensée par l’ONU pour « sa gestion locale, autonome et durable »[17]. Le gouvernement a en oûtre mis en place plusieurs grands programmes nationaux renouvelés et renouvelables comme le PANA-RWANDA ou encore le Plan National de Gestion des Catastrophes (2003). Enfin, nous pouvons noter que dans les années 2000, le Ministère de l’Agriculture et des Ressources Animales (MINAGRI) a adopté l’agriculture irriguée et l’a rendue prioritaire dans la région du Bugesera, particulièrement touchée par les changements climatiques[18]

En plus de cela, nombreuses sont les mesures visant à mettre en place un véritable développement durable qui ont été prises. C’est le cas, par exemple, de l’interdiction de l’utilisation des sacs en plastique (2004, pionnier avec l’Afrique du sud), la loi des 3R (Reduce-Reuse-Recycle), ou encore des usines de transformation des déchets plastiques[19]. A Kigali, la capitale se démarque par une architecture urbaine innovante grâce -entre autres- à deux cabinets spécialisés dans la conception de solution durable des espaces urbains à croissance rapide : MASS Design Group et Light Earth Design. Ces deux groupes privilégient la construction basée sur des matériaux rwandais afin de réduire la dépendance du pays aux importations coûteuses[20]. On estime que la population urbaine va doubler d’ici à 2030. Ces projets pilotes tentent alors de montrer que des zones à forte densité de population n’engendrent pas nécessairement naissance de «  bidonvilles ». Enfin, le pays s’est engagé dans l’énergie solaire afin de réduire sa dépendance aux hydrocarbures et permettre un accès plus généralisé à l’électricité (Programme de déploiement de l’électricité, EARP)[21].

Néanmoins, il est vrai que le Rwanda doit relever de nombreux défis pour faire de ses programmes de véritables succès écologiques (manque d’infrastructures ou de financements par exemple). C’est pour cette raison que le gouvernement Rwandais a participé à une demande d’aide internationale conjointe avec les autres dirigeants africains à la COP21 et a mis en place divers fonds nationaux. A titre  illustratif,: le FONERWA, le fond pour l’environnement et le changement climatique qui vise à « mobiliser et canaliser les fonds domestique et international, financer les projets de l’environnement et du changement climatique public et privé, et travailler avec les projets qui aident l’engagement fort et prospère de l’économie verte du pays »[22]. En 2013, la somme collectée atteignait près de 60 milliards de francs rwandais. Le fond avait attiré une vingtaine de projets et avait contribué pour 4 milliards de francs rwandais à la Banque Rwandaise de Développement.

En dépit des persistantes  difficultés, les avancées sont  somme toute nombreuses et cela permet de dire aujourd’hui que le pays trouve la voie de l’économie verte avec une véritable politique d’adaptation aux changements climatiques. Le Rwanda est en passe de devenir un véritable modèle écologique pour l’Afrique. Le pays des mille collines  n’est cependant pas un cas isolé et doit s’intégrer dans  la dynamique régionale, traversée par des phénomènes semblables. Ainsi, en 2015, une étude informative sur le commerce, le changement climatique et la sécurité alimentaire a été effectuée dans l’East African Community (EAC) afin de lier agriculture-commerce-climat dans la région orientale. Il en a été de même avec la SADC (Communauté de développement d’Afrique Australe) ou le COMESA  (marché commun de l’Afrique australe et orientale) afin de lancer des programmes de développement durable et de renforcer l’unité diplomatique sur la thématique des changements climatiques.

Clémence Lepape

 


[1] « Tanzanie: séisme meurtrier dans le nord-ouest du pays », rfi.fr, septembre 2016 http://www.rfi.fr/afrique/20160910-tanzanie-seisme-meurtrier-le-nord-ouest-pays

 

 

[2] Programme d'adaptation et d'atténuation des changements climatiques en Afrique australe et orientale (COMESA-EAC-SADC), Alliance mondiale contre le changement climatique, 2012

 

 

[3] Alexandre Taithe, Le réchauffement climatique dans la région des Grands Lacs, Observatoire des Grands Lacs, Note N°8, novembre 2013

 

 

[4] PROGRAMMES D’ACTION NATIONAUX D’ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES (PANA-RWANDA), Ministère des terres, de l’environnement, des forêts, de l’eau et des mines, décembre 2006

 

 

[5] PROGRAMMES D’ACTION NATIONAUX D’ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES (PANA-RWANDA), op. cit

 

 

[6] Ibid.

 

 

[7] Ibid.

 

 

[8] Ibid.

 

 

[9] « Rwanda: Au-delà des chiffres de croissance économique (3ème partie) », op. cit.

 

 

[10] Florent Breuil, « Le Rwanda à Rio+20 : Résolument engagé en faveur du développement durable », Médiaterre, juin 2012 http://www.mediaterre.org/international/actu,20120626132712.html

 

 

[11] Think tank national qui existe dans de nombreux pays

 

 

[12] Le front Rwandais contre le réchauffement climatique, Ambassade du Rwanda en Belgique, septembre 2014

 

 

[13] Le front Rwandais contre le réchauffement climatique, op. cit

 

 

[14] PROGRAMMES D’ACTION NATIONAUX D’ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES (PANA-RWANDA), op. cit

 

 

[15] Programme des Nations Unies pour l’environnement

 

 

[16] Ibid.

 

 

[17] Emmanuelle Lecomte, « Saviez-vous que l’Afrique bouge en matière d’écologie ? », consoGlobe, septembre 2015 http://www.consoglobe.com/afrique-rwanda-ecologie-cg

 

 

[18] Ibid.

 

 

[19] Emmanuelle Lecomte, op. cit

 

 

[20] David Thomas, « Kigali, un modèle pour construire une ville respectueuse du climat », Les affaires, novembre 2015 http://www.lesaffaires.com/dossier/changements-climatiques-40-solutions-business/kigali-un-modele-pour-construire-une-ville-respectueuse-du-climat/583416

 

 

[21] Thomas Livingstone, « Le Rwanda mise sur l’énergie solaire », L’Energeek, décembre 2015 http://lenergeek.com/2015/12/01/le-rwanda-mise-sur-lenergie-solaire/

 

 

[22] « Rwanda : Mise en place d’un fond « FONERWA » pour l’Environnement et le changement climatique », Ibidukikije, octobre 2013 http://www.ibidukikije.com/2014/10/rwanda-mise-en-place-dun-fond-fonerwa-pour-lenvironnement-et-le-changement-climatique/

 

 

 

 

Comment concilier industrialisation et changements climatiques?

1172609_cop21-les-entreprises-face-au-defi-du-changement-climatique-web-tete-021458152988« Aucun pays ni aucune région du monde n’a atteint la prospérité et une vie socio-économique décente pour ses citoyens sans le développement d’un secteur industriel robuste » soutiennent les chefs d’État et de gouvernement africains lorsqu’ils adoptent le Plan d’action pour le développement industriel accéléré de l’Afrique (AIDA) lors de la dixième Conférence de l’Union africaine en janvier 2008 consacrée à l’industrialisation de l’Afrique. Or l’industrialisation rime avec exploitation intensive des ressources naturelles sans réel souci de durabilité. Comment les pays africains réussiront-t-ils à harmoniser le développement industriel avec la préservation de l’environnement et une gestion durable des ressources ?

Affronter les défis

Les économies des Etats africains subsahariens reposent essentiellement sur les secteurs d’extraction pétrolière, miniers et agricoles. Les principaux défis consistent à concilier les obligations en matière d’adaptation et  d’atténuation du changement climatique avec l’objectif d’atteindre « la prospérité et une vie socio-économique décente» à travers l’industrialisation au regard des moyens dont dispose ces pays. Contraints par les normes environnementales, ces Etats ne disposeront pas de beaucoup de marge de manœuvre pour construire un système industriel compétitif.

Un des principaux freins est le déficit d’infrastructures d’énergie et de communication qui entrave la compétitivité en augmentant les coûts de production et de transport. Ces déficits sont en partie entretenus par des difficultés liées à l’accès aux financements qui demeurent essentiels pour le développement industriel. En effet, beaucoup d’incertitudes et des risques perçus ou réels sont associés à la situation des pays subsahariens. Ils sont souvent associés à l’instabilité politique, la corruption endémique, l’absence de cadre légal, une relative fragilité institutionnelle et un manque de débouchés.

La faiblesse des systèmes financiers du continent empêchant l’éclosion d’un écosystème capable d’engendrer des champions industriels dans les pays subsahariens, le cercle est vicieux. En plus de ces éléments, l’absence d’intégration régionale effective limite la croissance d’un marché régional qui stimulerait un investissement massif dans le secteur industriel.

Par ailleurs, les grandes multinationales qui possèdent les concessions des principales mines des pays africains et contrôlent de fait des pans entiers de ces secteurs ne sont pas africaines. Ce sont des capitaux étrangers dont la vocation principale n’est pas d’offrir d’emplois aux africains ou de se soucier particulièrement de leur bien-être. Cette responsabilité qui incombe aux gouvernements doit les inciter à s’approprier le contrôle de leurs ressources en prenant une plus grande participation dans ces entreprises ou en favorisant la création des champions locaux. Les gouvernements africains sont déjà passés par toutes les phases de désillusion. Alors qu’ils n’ont pas consolidé leurs systèmes industriels naissants à l’époque post-indépendance, ils sont passés aux ajustements structurels des années 80-90 les amenant dans une dynamique de desintrustrialisation massive. Ils ont enfin le recul nécessaire pour prendre les décisions à même d’apporter plus de bien-être à leurs populations.

L’insuffisance des capacités techniques et le retard technologique ont limité la compétitivité industrielle du continent. L’une des contraintes actuelles est la nécessité de répondre aux normes internationales tant sur le plan environnemental que sur la qualité des produits. L’incapacité de certains pays africains à répondre aux normes qualitatives fixées par les pays développés le réflexe protectionniste de ces derniers qui imposent toujours plus de normes, parfois de manières déraisonnée pour protéger leurs produits sont des véritables freins au « made in Africa ».

Ces contraintes peuvent être allégées, notamment en concentrant l’effort – d’industrialisation sur des segments de valeur où le potentiel existe déjà et en consolidant un véritable marché intérieur.

Libérer le potentiel local par des approches novatrices

La voie vers un développement économique passe par un système industriel non polluant, peu générateur de carbone et basé sur des énergies renouvelables. Il est nécessaire de prendre en main les ressources naturelles et de ne plus les exporter sous forme brute mais après transformation locale. La chute actuelle des cours de matières premières qui a entrainé beaucoup de pays subsahariens dans des difficultés budgétaires accrues rappelle l’urgence de diversifier les économies africaines en captant une plus grande valeur de leurs ressources minières et agro-industrielle. Cette occasion, jusque-là manquée, peut être saisie  en tirant parti du dérèglement climatique actuel grâce à l’économie verte. Elle appelle à des transformations structurelles importantes au niveau des Etats : une transformation économique en adaptant des technologies rationnelles, écologiques aux conditions locales et en associant les savoirs-faire autochtones. Chaque pays peut, en fonction de ses ressources naturelles et humaines et dans un cadre régional harmonisé, concevoir une stratégie centrée sur leur utilisation durable et efficace. Les pays qui s’y sont déjà engagés seront fortement encouragés. Les efforts de l’Union Africaine et des institutions sous-régionales doivent être pris à bras le corps par chaque Etat et les dispositions telles que les suppressions des barrières douanières dans le marché commun correctement appliquées.

C’est en concevant des stratégies de développement durable et en orientant les actions publiques dans ce sens, que le défi de créer un système industriel robuste à même d’apporter la prospérité aux populations africaines pourra être atteint. Pour cela, il faudra innover dans les approches de réflexion tout comme celle de fonctionnement. Une meilleure approche consiste à privilégier le financement du développement industriel par un apport de sources intérieures aux pays ou au continent car cela conduirait à une meilleure appropriation locale du processus avec une meilleure chance d’atteindre efficacement les résultats escomptés.

L’investissement dans les énergies renouvelables, l’éducation et la technologie est à la base de la transformation réclamée. Il ne s’agit pas forcement de développer une industrie à forte valeur ajoutée mais de se concentrer pour chaque pays et chaque sous-région sur  des secteurs clés où les ressources existantes peuvent permettre le lancement d’un processus industriel capable de peser positivement sur le balance commercial. Le travail consiste à se réapproprier des secteurs prioritaires tels que les mines et les bois et encourager la transformation agricole locale. Il exige de se débarrasser des investissements non écologiques car les externalités négatives qu’ils engendrent annihilent tout l’effort consenti.

Pris un à un, les pays africains ne pourraient être compétitifs. C’est l’intégration régionale qui favorisera le développement d’un secteur industriel compétitif. L’industrialisation de l’Afrique dont les chefs d’Etat appellent de leur vœu passe par une approche économique verte portée par une politique de concertation régionale misant sur les ressources locales et le marché intérieur.

Djamal Halawa

Gouvernance et adaptation au changement climatique : rôles et enjeux pour les pays africains

chaIl est admis aujourd’hui que les risques liés au changement climatique constituent une menace sérieuse pour nos sociétés. C’est dans cette optique, que le concept de gouvernance climatique est apparu dans le jargon des experts climatiques. Gouverner le climat ? Cette question peut laisser doublement perplexe. Sur l’objet comme sur l’action ou le verbe qui s’appliquent à cet objet. Pour quelles raisons ? Par quel processus historique ? Selon quelles modalités ? L’objet climat relevant d’abord de la géographie, ensuite des sciences physiques et atmosphériques, est-il devenu un objet de gouvernance à la fin du XX ° siècle ? Mais le climat est-il gouvernable ? Alors que circulent chaque jour sur nos écrans des images de tornades, d’inondations et de dérèglements extrêmes en divers points de la planète.

En effet, la gouvernance s’applique à plusieurs niveaux. Et on peut retenir trois dimensions. Une dimension internationale, nationale ou régionale avant d’avoir une dimension locale. On parle de gouvernance locale, gouvernance territoriale, gouvernance d’entreprise, de l’emploi et mondiale. En plus, le mot gouvernance vient du latin « gubernare » qui traduit gouverné, piloter un navire. Il s’agit donc de l’art ou de la manière de gouverner, en favorisant un modèle de gestion des affaires. Selon Jacques Theys la gouvernance est : « une conception managériale des systèmes publiques et il s’agit essentiellement de trouver des solutions pragmatiques à des défaillances de marchés ou à des défaillances d’intervention publique » (Theys, 2002).

L’objectif de cet article est de déterminer les enjeux climatiques en Afrique et le rôle des Etats africains dans la gouvernance climatique mondiale.

Tout d’abord, l’Afrique est un continent qui consomme peu d’énergie avec 621 millions d’individus n’ayant pas accès à l’électricité. Ensuite, d’un pays à l’autre, les différences sont considérables. Par exemple en RDC l’accès à l’électricité est de 16%, 53% au Botswana et 85% en Afrique du Sud. C’est d’ailleurs en Afrique Subsaharienne, hormis l’Afrique du sud, que la consommation s’élève à hauteur de 139 milliards de KWH avec une population de 860 millions d’habitants, bien moins que l’Espagne qui consomme 243 milliards de KWH avec une population de 47 millions d’habitants (Le Monde, 2016). Ainsi, un tanzanien par exemple, mettra huit ans à consommer autant d’énergie qu’un américain en un mois. Par ailleurs, en Grande Bretagne une bouilloire utilisée par une famille consomme cinq fois plus d’électricité que la consommation moyenne annuelle d’un malien.

 

Cependant, si l’Afrique est le continent qui contribue le moins au réchauffement climatique à l’échelle mondiale, 4 % contre 15 % pour les États-Unis, et 26 % pour la Chine, il faut dire qu’elle subit de plein fouet les effets du changement climatique avec la multiplicité sur ces dernières années d’inondations et de sécheresses sur le continent. Il est donc urgent d’agir pour s’adapter au changement climatique sachant qu’une hausse des températures de deux degrés pourrait occasionner une baisse de la productivité agricole, jusqu’à moins 20 % en 2050 ce qui aggraverait la crise alimentaire. Cette adaptation doit être à la fois politique et environnementale pour se prémunir des risques majeurs du changement climatique. En effet, la définition de l’adaptation des systèmes humains au changement climatique la plus communément utilisée est celle du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), à savoir une « démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences, de manière à en atténuer les effets préjudiciables et à en exploiter les effets bénéfiques ». Cette définition fait référence aussi bien aux conditions climatiques actuelles que futures, et considère tant les changements climatiques d’origine naturelle que ceux anthropiques.

L’Afrique a-t-elle les moyens de s’adapter et de gouverner les risques climatiques ?

Selon l’ONU, le coût d’adaptation de l’Afrique au changement climatique s’élève à 45 millions d’euros par an d’ici 2050. La question de la finance climatique des pays du Nord au bénéfice des pays du sud était un des enjeux de la COP21. En effet, un fond de soutien permettrait de trouver par exemple des alternatives au charbon de bois qui est très utilisé en Afrique, 4 africains sur 5 en utilisent pour la cuisine.  Les conséquences de cette utilisation sont écologiques mais aussi sanitaires. Chaque année, 600.000 africains meurent de l’inhalation de ce combustible, c’est presque autant que le paludisme et autant que le VIH.  Les énergies renouvelables sont une nouvelle alternative, c’est pour cela que de plus en plus de pays africains misent sur les énergies vertes. C’est ainsi qu’un pays comme l’Ethiopie a décidé de développer les énergies renouvelables de manière à réduire les risques climatiques.

Résoudre les problèmes liés au changement climatique, c’est aussi initier une gouvernance à l’échelle mondiale et locale qui permettra de trouver des solutions adaptées aux risques climatiques. Quel est le rôle de l’Afrique dans la gouvernance climatique mondiale ? La conférence de Paris sur le climat en décembre 2015 a démontré une nouvelle fois encore, la place dérisoire du continent africain dans les différents enjeux de négociations autour du climat. Ceci peut s’expliquer par le fait que pour les pays africains, le principal objectif est le développement économique. Mais, un développement économique sans préoccupations environnementales, est-il soutenable ?  La question du changement climatique est donc considérée comme aspect secondaire dans la hiérarchie des besoins en Afrique. Assez pour qu’on ne retienne qu’un seul point sur les différentes préoccupations climatiques africaines, l’aide aux pays pauvres pour s’adapter au changement climatique et réallouer 1000 milliards de dollars d’investissements privés vers l’économie de bas carbone.

Tout compte fait, le continent africain reste fragile face aux différentes menaces liées au changement climatique. Même si d’importantes initiatives autour d’une économie verte s’érigent dans certains pays qui sont en avance dans les politiques énergétiques comme le Maroc avec le plus grand parc solaire mondial. Il faudra également faire un travail au niveau local. Pour propulser une véritable dynamique dans la lutte contre les changements environnementaux. Et cela commence par une émancipation des consciences citoyennes locales et régionales. Cette vulgarisation des consciences citoyennes écologiques en vers la nature permettra une meilleure considération des préoccupations environnementales dans les préoccupations africaines. Cela ouvrira la voie à une meilleure valorisation des initiatives locales et régionales africaines dans l’élaboration des programmes environnementaux à l’échelle mondiale. Car jusqu’ici l’influence de l’Afrique dans cette géopolitique climatique est très limitée.  

Le pari éthiopien d’une économie verte : vers l’émergence d’un modèle africain?

 L’accord survenu lors de la conférence de Paris en décembre 2015 marque, une avancée positive quant aux menaces  et aux défis liés aux modifications météorologiques de notre planète. En effet, le texte adopté est le premier accord universel sur le dérèglement climatique car celui-ci a été signé par les 195 pays ayant participé à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUC) de 1992. De plus, ils se sont engagés à limiter le réchauffement de la terre à 2°C, voire même à 1,5°C, à partir de 2020.  En revanche, des zones d’ombre subsistent, notamment sur comment atteindre ce but. Toutefois, certaines nations n’ont pas attendu un accord au niveau international  pour s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique en mettant en place des plans cherchant à limiter l’impact de leurs activités économiques sur l’environnement au niveau national. À cet égard, un état mérite certainement que l’on s’y attarde.

Alors qu’il y a encore une génération, l’Ethiopie, qui subissait entre autres la guerre et une forte mortalité infantile, a connu une métamorphose impressionnante au cours des 30 dernières années. À l’instar de sa capitale Addis-Ababa qui se projette dans le 21ème siècle à coups de grands chantiers,  immobiliers, routiers et même ferroviaires –  deux lignes de tramways ont récemment vu le jour dans cette ville, fait très rare en Afrique sub-saharienne -, ce pays de plus de 96 millions d’habitants a vu son économie croître de manière substantielle avec un taux de croissance d’approximativement 10 % en moyenne par an depuis 2006 (ce qui lui vaut d’être considéré aujourd’hui comme l’une des 5 économies les plus dynamiques du monde par le Fonds monétaire internationale (FMI).  De plus, beaucoup de secteurs clés ont enregistré des résultats remarquables, comme l’industrie (14% du PIB) qui a affiché une croissance annuelle de 18,5% en 2013 et 21,2% en 2014. Mais, il y a aussi l’agriculture (40.2 % du PIB) ou le secteur des services (46.2 % du PIB) qui ont suivi une voie similaire avec une hausse de 5.4% et 11.9% respectivement. Cette mise en orbite économique s’est accompagnée d’une demande en énergie qui ne cesse d’augmenter. Selon les analyses publiées par le Ministère de l’énergie de l’Ethiopie, ce pays d’Afrique de l’Est a actuellement besoin d’accroître sa production électrique de 20 à 25% par an pour se développer. Cette croissance a aussi provoqué une augmentation de la pollution. À l’heure actuelle, elle émet 150 millions de tonnes de CO2 par an. Les experts estiment que ses émissions pourraient plus que doubler, pour monter jusqu’à 400 millions de tonnes, au cours des 15 prochaines années. Dans ce contexte, les autorités éthiopiennes   ont conçu, en 2011,  une stratégie pour une économie verte résistante aux changements climatiques (CRGE) qui favorise le développement durable. Son principal objectif consiste à faire de l’Ethiopie un pays à revenu intermédiaire, dont le revenu national brut  (RNB) par habitant s’élève entre 1035 et 4085 dollars par an, en 2025 tout en limitant le taux national des émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau actuel. Celui-ci s’appuie sur plusieurs piliers comme l’agriculture, la foresterie, les transports et l’énergie, pour lesquels une profonde transformation est prévue afin d’éviter une augmentation de 250 millions de tonnes des émissions de CO2 d’ici à 2030. Mais, quelles sont les raisons derrière ce choix et comment seront menés les changements ?

D’un côté, cette décision répond à une logique financière. En effet, bien qu’un gisement de gaz ait été récemment découvert dans le bassin de l’Ogaden, cette nation possède très peu de réserves liées aux énergies fossiles. Cette situation l’oblige à les importer, notamment le pétrole, pour répondre aux besoins de son essor économique, avec un impact conséquent sur les dépenses publiques.  Selon l’Observatoire de la complexité économique du  Massachussetts Institute of Technology (MIT),  l’Ethiopie a importé pour 1.6 milliards de dollars de pétrole raffiné en 2013, ce qui place ce produit à la première place dans ses importations. De l’autre, son choix est aussi dicté par des raisons climatiques car elle doit faire face à de longues périodes de sécheresse alternées avec des fortes précipitations. Récemment, elle a même rejoint le club des dix pays les plus exposés aux périls climatiques selon un rapport publié par le cabinet de conseil, Maplecroft. Face à ces circonstances, les autorités éthiopiennes se sont tournées vers les technologies vertes à commencer par l’hydroélectricité car leur territoire dispose d’un potentiel parmi les plus grands d’Afrique qui s’élève à 40.000 mégawatts et est aussi la source de plusieurs fleuves, notamment le Nil. C’est donc sans surprise que des barrages hydrauliques ont vu le jour et ceux-ci assurent actuellement plus de 98% de la production électrique. Néanmoins, ces immenses édifices sont dépendants du débit de l’eau et en période sèche, lorsque ses cours d’eau sont à des niveaux bas, les turbines ne peuvent fonctionner à plein régime. Afin d’atténuer les risques liés au problème de l’eau dû au déficit de pluviométrie, Addis-Ababa a aussi misé sur l’énergie éolienne. En effet, les périodes de vent dans ce pays coïncident avec les saisons sèches, ce qui permet aux éoliennes de compenser les pertes liées à l’activité hydraulique. Cette complémentarité n’est pas passée inaperçue aux yeux des hommes politiques, lesquels ont jugé bon  d’investir massivement  dans cette filière en bâtissant, notamment, l’une des plus grandes fermes éoliennes d’Afrique,  Adama II.  Le pays dispose également d’importantes ressources d’énergie géothermique et solaire.

Ces différents investissements permettent déjà aux autorités fédérales d’exporter de l’électricité vers les pays limitrophes tel que le Djibouti. Toutefois, l’énergie ne représente que 3% des émissions totales éthiopiennes. En effet, ce sont surtout l’agriculture et la foresterie qui prennent une grande part dans la pollution de l’atmosphère. Elles représentent à elles seules plus de 85% des émissions GES. La pratique de l’agriculture sur brûlis ou l’utilisation de combustibles biomasses telle que le charbon pour la préparation des aliments sont autant d’éléments qui contribuent à la dégradation environnementale. C’est pourquoi, il est prévu qu’une reforestation massive à hauteur de 15 millions d’hectares ainsi que l’introduction de nouvelles technologies dans les milieux ruraux soient effectuées. Toutefois, dans cette bataille face au dérèglement climatique, un facteur important est à prendre en compte : l’argent, nerf de beaucoup de guerres dans le domaine du développement. Effectivement, le CRGE nécessitera la mobilisation de 150 milliards de dollars (80 milliards pour les investissements et 70 milliards pour les dépenses liées au fonctionnement) pour sa réalisation. En termes d’investissements, la plus grande part devra être réservée au développement de l’électricité et de l’infrastructure énergétique, dont le coût avoisine les 38 milliards de dollars. Bien que l’état éthiopien s’est engagé à couvrir une tranche de ce montant et qu’une partie du peuple, dont le revenu national brut (RNB) par habitant s’élève à 550 dollars[i], ait été sollicitée, notamment pour le financement du barrage de la « Renaissance », la vision du feu Président Melenes Zenawi ne pourra être menée à terme sans aides financières extérieures, qu’elles soient publiques ou privées. Selon les estimations, les ressources financières, locales et internationales, s’élèvent à 18 milliards de dollars, ce qui sous-entend que plus de 50% doivent être encore trouvés  pour pouvoir développer l’électricité. De ce fait, une partie des 100 milliards de dollars que les pays industrialisés ont promis de mobiliser par an à partir de 2020 pour aider les pays en développement à combattre le réchauffement climatique, pourrait certainement contribuer à aider de manière significative cet état d’Afrique de l’Est. De plus, la probabilité que cet argent soit perdu est faible car, comme le démontrent les différents ouvrages déjà réalisés tels que les fermes éoliennes Adama I et II ou les barrages Gibe I et II, il fait partie des pays en développement ayant mené à bien des grands projets d'infrastructures. 

Depuis 1960, la température moyenne a augmenté entre 0.5 et 1,3 degré[ii] en Ethiopie, engendrant une érosion et une dégradation importante des sols, notamment dans le nord du pays. Les spécialistes prévoient aussi que ce pays pourrait connaître une hausse supplémentaire de 1,2 degré d’ici à 2020, ce qui allongerait les périodes de sécheresse et augmenterait le risque de famine pour des millions de personnes. Conscient de cette menace, l’état éthiopien s’est engagé à transformer sa politique énergétique en investissant dans les énergies renouvelables pour favoriser une croissance verte. Bien qu’il soit encore trop tôt pour prédire les résultats que produira le CGRE,  celui-ci inspire déjà d’autres pays comme le Mali ou le Nigéria qui se sont renseignés sur son processus. Mais fait plus important, si les objectifs mentionnés dans ce projet titanesque peuvent être atteints, cette nation, qui devrait compter 120 millions d’habitants en 2030[iii], pourrait émettre presque autant de CO2 que l’ensemble des pays scandinaves aujourd’hui dont les émissions de CO2 s’élèvent à 135 millions de tonnes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


[i] “Ethiopia’s Economic Overview.” Rapport de la Banque Ethiopia’s Economic Overview mondiale. 23 septembre 2015.

 

 

 

 

 

 

 

[ii]Climate Trends in Ethiopia.” Rapport de l’Africa Climate Change Resilience Alliace 5ACCRA). 2011.

 

 

 

 

 

 

 

L’Afrique dans les négociations climatiques : enjeux, stratégies et perspectives

sécheresseDepuis 1990, les différents rapports du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur le Climat apportent non seulement plus de certitudes sur l’origine anthropique du dérèglement climatique observé mais aussi plus de précisions sur ses impacts actuels et futurs. Fruit de la première phase des négociations climatiques et actuellement mis en œuvre, le protocole de Kyoto est l’instrument juridique contraignant duquel ont découlé des mécanismes de régulation dont l’Afrique a très peu bénéficié. Et ce, en dépit du fait que, bien que responsable de seulement 4,5% du total des émissions de gaz à effet de serre, elle reste le continent le plus vulnérable.

Les négociations sur le cadre post-Kyoto (post 2020) ont abouti à un premier accord universel obtenu lors de la 21ème conférence des parties (COP21) en décembre 2015. Profondément conscients de l’enjeu, les Etats africains se sont distingués en  s’engageant sur des objectifs ambitieux en matière de réduction de gaz à effet de serre d’ici 2030, réaffirmant  leur volonté d’atténuer et de s’adapter au changement climatique. Ils doivent cependant continuer à travailler pour la  sécurisation des ressources financières dédiées  et un appui technique conséquent afin que leurs objectifs puissent être atteints sans entraver leur développement. Pour obtenir un accord juste et équitable à la COP21, ces Etats ont réussi le pari de tenir un langage commun. Mais il faudrait qu’ils associent davantage  la société civile et les acteurs économiques africains particulièrement dans la mise en œuvre de ces accords.        

La forte implication de la société civile dans la mobilisation contre le changement climatique et les diverses actions qu’elle a pu engager ont d’ailleurs montré sa capacité à être porteuse d’améliorations positives. Ainsi, en se positionnant comme partie prenante d’une gouvernance responsable, pilier du développement durable, cette dernière offre de réelles opportunités de changement aux Etats africains. Lisez l'intégralité de ce Policy Brief.

La pollution de l’air en milieu urbain: une ménace sous-estimée?

pha030000067Dans un récent rapport, l'OMS a indiqué que la pollution de l’air extérieur est une des premières causes environnementales de décès liés au cancer. Dans le contexte d’urbanisation galopante en Afrique et du changement climatique global, comment faudrait-il gérer un problème environnemental et sanitaire d'une si grande ampleur ?


L’une de principales sources de pollution atmosphérique urbaine en Afrique est l’émission des particules liées au trafic automobile : camions, voitures, moto, il suffit observer les tuyaux d’échappement de ces engins parfois cabossés dans les artères poussiéreuses de nos villes. Les fumées de cuisines mais surtout celles des usines dans les villes industrielles ont aussi un impact local très fort. Enfin le soulèvement de poussières par le vent est aussi une source de pollution de l’air.


L'impact de cette pollution sur la santé est très néfaste comme l’a noté l’OMS d’autant plus qu’en Afrique, la rue demeure un principal lieu de vie. Les effets sur la santé peuvent aller de simples problèmes pulmonaires à des maladies plus graves comme le cancer. On peut noter aussi les allergies ou d’autres maladies de peau. Le centre international de la recherche sur le cancer estime qu’en 2010 jusqu’à 223.000 décès liés au cancer du poumon sont attribuables à la pollution de l'air. Toutefois dans plusieurs pays du continent,  la mesure et l’analyse des donnés restent très problématiques.


Le problème de la pollution atmosphérique en milieu urbain etait connu depuis longtemps. Face à l’ampleur d’une urbanisation rapide et non maitrisée, les autorités municipales ont vite été dépassées, reléguant ces questions environnementales qui touchent quand même à la santé au banc des priorités. Elles règlementent tout de même et multiplient les mesures malgré l'insuffisance de moyens éfficaces. Au niveau des Etats, des avancés ont été constatées ces dernières années notamment par la mise en place de cadres règlementaires plus stricts en matière d’importation des véhicules d'occasion. Reste à évaluer l’impact réel de ces mesures. Les populations qui n'ont pas un grand pouvoir d'achats sont tentées de les contourner d'autant plus qu'elles ont été prises sans réelle compensation. Ainsi des véhicules de plus de cinq ans continuent d'etre importé et des vieux engins circulent encore.


Un des thèmes du sommet France-Afrique de l’Elysée portait sur le changement climatique. Les recommandations d’ordre global doivent se suivre d’un déploiement à tous les niveaux. Plus d’un milliard d’africains seront citadins en 2050 contre 20 millions en 1950. Penser la ville et sa gestion environnementale sont une nécessité. Associé au contexte actuel dominé par le débat sur le changement climatique, il serait utile de mettre au premier plan les enjeux liés aux problèmes environnementaux urbains. La dégradation de la qualité de l’air urbain, même s'il s'agit d'un phénomène local, touche plus de la moitié de la population mondiale et doit se retrouver au cœur des enjeux d’atténuation des effets du changement climatique. 

Djamal Halawa

 

Sujets similaires :

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Quelle évolution des habitudes de consommation en Afrique ?

                                               "Le moteur principal de l'empreinte écologique de l'Afrique est l’augmentation de la consommation, soutenue par la croissance démographique et la forte expansion de l'économie régionale".

Avant-propos, Rapport de l'empreinte écologique de l’Afrique (2012, p.4)

une_bad2Récemment, le Programme des Nations Unies pour l'environnement a organisé un banquet avec des produits que des chaînes internationales de supermarchés avaient rejetés parce qu’ils ne répondaient pas aux critères réglementaires en termes de calibre, de forme et autres caractéristiques. En bref, le produit n'avait pas l'air bon, il était « laid ». Mais, du point de vue du goût, était-il savoureux ?

Avec l'augmentation des revenus, la tendance est au changement des modes de vie et des habitudes alimentaires. Désormais, il y a plus de choix, qu’il s’agisse de l’alimentaire ou de biens plus chers, tels que des véhicules, des logements et d'autres biens. Et quand on a plus d'argent à dépenser, on a tendance à intégrer plus de variétés et plus d'aliments coûteux à son régime alimentaire. Toutefois, les réponses diffèrent selon qu’il s’agisse de pays en développement ou de pays développés. Selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), on a tendance, dans les pays en développement, à délaisser les denrées de base comme les céréales, les racines, tubercules et légumineuses, pour adopter plus de produits issus de l'élevage (viande et produits laitiers), d’huiles végétales et de fruits et légumes. Alors que dans les pays développés, la majorité des consommateurs peuvent déjà s’offrir ce qu'ils préfèrent, et quand leurs revenus augmentent, les changements dans leurs habitudes et leurs achats alimentaires sont relativement modestes. Mais leurs attentes, quant à ce qui est mis à leur disposition, changent-elles ?

Alors que nous sommes de plus en plus nombreux à pouvoir se permettre de n’acheter à manger que ce que l’on aime, va-t-on se montrer plus difficile ? Va-t-on exiger que notre alimentation apparaisse plus attrayante ? Et dans quelle mesure cette tendance s'étendra-t-elle à d’autres domaines de notre vie?

Imaginez l'ampleur du gaspillage en termes de terres, d’eau, de ressources minérales et d’énergie, qui entre en ligne de compte dans la production, la transformation et la distribution des marchandises qui, aujourd’hui, font partie de nos modes de vie, et la facilité avec laquelle nous les rejetons, les éliminons et les remplaçons.

Le Rapport de l'empreinte écologique de l’Afrique estime ainsi que nous avons utilisé l'équivalent de 1,5 planète Terre en 2008 pour satisfaire nos modes de consommation. En d'autres termes, un an et demi environ serait nécessaire à notre Terre pour régénérer les ressources que l'humanité a englouties cette année-là. La spirale de la consommation non viable est lancée.

A l’occasion d'un séminaire sur ce que signifiait la croissance verte pour l’Afrique pour le personnel de la BAD, en janvier 2013, l’Institute for Global Environmental Strategies (IGES) a avancé une proposition intéressante pour intégrer la consommation durable : le cadre de l’Attitude Facilitator Infrastructure (AFI) (Akenji, 2012). Ce dispositif, qui a été présenté lors du sommet Rio+20, suggère que, pour engager une consommation durable à grande échelle, trois volets sont nécessaires et doivent fonctionner de concert : la bonne volonté des parties prenantes (par exemple une prédisposition à être un consommateur “durable”, une volonté politique) ; des initiateurs qui fassent en sorte que les actes reflètent bien les attitudes (par exemple, des incitations encourageant les comportements vertueux, et des contraintes dissuadant les effets indésirables – telles que des variables juridiques, administratives, culturelles ou liées aux marchés) ; et des infrastructures adaptées, grâce auxquelles les modes de vie durables deviendraient la solution de facilité (aménagement urbain “intelligent”, notamment).

Autrement dit, ce dispositif offre une approche qui ouvre, à long terme et à un niveau systémique, sur un environnement où les alternatives durables deviennent un choix par défaut.

Nous sommes conscients du danger imminent que représente le consumérisme effréné, tandis que la classe moyenne urbaine en Afrique ne cesse de croître – il s’agit là d’aspirations “légitimes”. Quel type de modèle ou d’approche pourrait être appliqué au contexte africain afin de maintenir une consommation durable ?

Un bon point de départ serait d’inclure les denrées de formes irrégulières, qui sont de plus en plus absent des étals de nos supermarchés locaux (voire de nos échoppes traditionnelles) en Afrique, qui eux aussi font en sorte, de plus en plus, de nous fournir des fruits et légumes « parfaits ».

 

Un article de Musole M. Musumali initialement paru sur le blog de la Banque Africaine de Développement.

Varsovie: sur le chemin d’un accord sur le climat

Du 11 au 22 novembre, Varsovie accueille le 19ème sommet international sur le climat (COP19). L’objectif de ce sommet est de trouver un accord sur les engagements de réduction de gaz à effet de serre par pays.

Depuis 1992 la ‘crise climatique’ fait l’objet de négociations internationales sous l’égide de l’ONU au sein de la Convention Cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Chaque année, une conférence des parties est organisée dans différents pays hôtes afin de s’accorder sur les mesures à prendre en matière de lutte contre les effets du changement climatique. Le protocole de Kyoto, signé en 1997 et entrée en vigueur en 2005 fut l’accord le plus contraignant ratifié par la plupart des pays développés et visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Sa première période arrivait à échéance en 2012. Dans ce contexte et celui de la crise économique, le très médiatisé sommet de Copenhague (COP15) en 2009, fut un échec retentissant. Les perspectives d’un accord mondial sur le climat semblaient alors incertaines.

Mais l’ambition des pays en matière de lutte contre le changement climatique peut être appréciée au regard des éléments tels que le processus mis en place pour négocier un futur accord mondial, la nécessité de revoir à la hausse les objectifs de réduction d’émissions de l’ensemble des pays et la poursuite du Protocole de Kyoto dans le cadre d’une deuxième période. Ainsi, les conférences de Cancùn en 2010 et Durban en 2011, puis Doha en 2012, ont permis de remettre sur les rails le processus et aboutir à un certain nombre de décisions liés aux enjeux suivants :

– création d’un Fonds vert pour le climat;

– prolongement du protocole de Kyoto sur 2013-2020;

– préparation du nouvel accord universel pour la période post-2020 prévu en 2015;

cadre pour l’adaptation, permettant d’améliorer la définition, la mise en œuvre et le financement d’actions dans les pays;

– accord sur la mise en place d’un mécanisme de réduction des Émissions résultant du Déboisement et de la Dégradation des forêts (REDD+);

-inclusion de l’agriculture dans les négociations.

chgt clim

Le nouveau cycle des négociations lancé concrètement à Durban a pour objectif d’arriver à un accord international durable, engageant juridiquement tous les pays, à la COP 21 en 2015. Varsovie (COP 19) en est donc une étape essentielle. Elle devrait permettre au moins d’avancer sur deux points : d’une part arriver à déterminer des règles communes pour mesurer et chiffrer les efforts de chacun des pays en matière de réduction de gaz à effet de serre ; d’autre part, il s’agit de décider des premiers ‘abondements financiers’ du Fonds vert en 2014. Ce Fonds, en impliquant toutes les parties concernées, va élargir les capacités d’action et la mobilisation de toute la finance internationale et nationale.

Plus de vingt ans de processus montrent que les négociations sur le climat sont d’une extrême complexité tant elles touchent au modèle de développement des Etats, à leur souveraineté qu’aux modes de vies de leur population. Les intérêts sont divergents, les situations très variées.

Les pays africains sont presque tous réunis au sein du Groupe Afrique. A l’instar des petits Etats insulaires, ils font partie des pays les plus vulnérables en matière de changement climatique et appellent de tous leurs vœux à l’application concrète des mesures prises et à la mobilisation du Fonds vert pour soutenir leurs efforts de lutte et d’adaptation au changement climatique. Les pays émergents tels que la Chine et l’inde qui étaient traités dans l’esprit de Kyoto I aux mêmes titres que les pays africains ont désormais un impact de plus en plus important sur l’environnement et le climat. Leur rôle sur l’échiquier mondial a évolué. Défendent-ils encore les mêmes intérêts que nous ou défendons-nous les mêmes intérêts qu’eux? La question mérite d’être posé tant il n’est pas évident de voir les positions africaines qui s’imposent dans ces négociations. Mais dans cette affaire il y va de l’intérêt de tout le monde de s’accorder.

Le changement climatique poursuit inexorablement son bout de chemin…à pas de chameau. Varsovie ne devrait pas accoucher d’une souris pour espérer le rattraper.  

 

Djamal Halawa

 

Sur ce sujet: http://terangaweb.com/introduction-au-changement-climatique/

http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php

http://www.coordinationsud.org/plaidoyer/climat/negociations/

http://www.afd.fr/changement_climatique?actuCtnId=104074

http://www.coordinationsud.org/plaidoyer/climat/negociations/

http://www.ipcc.ch/

Du régime « post-2012 » au régime « post-2020 » : une route longue et sinueuse pour le climat, Coordination Sud