TIC et Développement Durable en Afrique

e-governmentTout au long des siècles, les innovations technologiques ont façonné les rapports entre les individus, ainsi que les interactions entre ceux-ci et leur environnement. On pense par exemple à l’imprimerie d’abord pratiquée par les Chinois (depuis le IIème siècle après JC) puis perfectionnée et démocratisée par Gutenberg. Il est dit que l’imprimerie contribua fortement à diffuser la pensée et les idées dès la Renaissance, révolutionnant par ricochet la transmission d’informations et de connaissances entre les individus. L’expansion d’internet dès le début des années 2000 a considérablement modifié nos modes de vie et ouvert la voie à de nouveaux outils et modèles de communication.  A travers ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), le monde est devenu un « village planétaire » : la mondialisation, disait-on ! En révolutionnant nos environnements, nos cadres de vie, nos systèmes d’apprentissage, nos déplacements, nos schémas de réflexion, bref notre quotidien, les TIC ont remanié de fond en comble nos sociétés. Au cœur des transformations de ces dernières, les innovations technologiques apportent des réponses à des problèmes sociaux, économiques et environnementaux. Constat encore plus marqué dans les pays africains : le boom des télécommunications y a créé des conditions idéales pour le développement d’application et de logiciels locaux.

 L’exemple le plus marquant est celui de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne. Le téléphone portable y est actuellement le 1er moyen d’accès à internet. Selon une étude publiée en 2013 par l’Association Mondiale des Opérateurs Télécom (GSMA), le nombre d’abonnés mobile dans cette région du monde a progressé de 18% par an entre 2007 et 2012[1]. En Afrique, la plupart des téléphones portables vendus sont des smartphones sous Androïd, un système d’exploitation pour lequel il est très facile de créer des applications/logiciels mobile. Ceux-ci permettent de créer des synergies entre différents secteurs et contribuent à l’innovation sociale (e-santé, e-learning, etc.), économique (mobile Banking, e-commerce…), environnementale (consommation d’électricité, gestion des déchets urbains etc.)

D’abord cantonnées à un usage privé, les TIC sont aujourd’hui plébiscitées dans la sphère formelle et institutionnalisée: elles sont appréhendées tels de véritables outils de développement, de croissance socio-économique pour des populations en quête d’émergence. Ces innovations technologiques, impactent inégalement les PIB des différentes pays africains : selon une étude du Mc Kinsey Global Institute (MGI) rendue publique en novembre 2015, internet contribue à 3,3% au PIB du Sénégal, 2,9% pour le Kenya, 2,3% pour le Maroc et 1,4% pour l’Afrique du Sud.[2]

Il n’est donc pas surprenant que les TIC soient directement mentionnées dans 4 des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés par l’ONU en septembre 2015. En tant que catalyseurs pour l’éducation, l’égalité homme-femme[3] ou moteur de la construction d'infrastructures résilientes pour une industrialisation durable[4] qui profite à tous, il est largement reconnu que les TIC jouent un rôle fondamental dans l’émergence de l’Afrique. Cet article revient sur le rôle que les TIC peuvent jouer dans l’émergence de l’Afrique ainsi que la manière dont elles participeront à la croissance inclusive sur le continent. 

 

  1. Les TIC comme catalyseurs de développement en Afrique

Tout l’intérêt des TIC en Afrique repose sur leurs usages et les services qu’elles permettent de développer : elles ne sont plus seulement utilisées comme de simples supports de communication (privée ou professionnelle)  mais plutôt comme de véritables instruments à des fins de développement socioéconomique. Le recours aux TIC dans le continent est passé d’un « usage de loisirs » à une « utilisation thérapeutique » : elles apportent des solutions aux besoins de base des populations : éducation, santé, transports, alimentation, accès à l’énergie et à l’eau potable etc.[5] Pourtant ce ne fut pas toujours le cas ; pendant très longtemps les « TIC-Sceptiques » ont vu l’émergence de ces nouveaux moyens de communication comme l’arbre qui cache la forêt ; un miroir aux alouettes qui détournait l’attention des « vrais » problèmes de l’Afrique : la famine,  la malnutrition, l’analphabétisme, l’illettrisme, les épidémies et pandémies, les guerres, les catastrophes naturelles et toute autre calamité collée à la représentation que certains se faisaient ( se font encore !) du continent. Ne dit-on pas que le temps est meilleur juge ? A ce propos, le temps a donné raison aux « TIC-Optimistes ». En effet depuis une dizaine d’années pléthores d’applications mobiles, développées par des start-up innovantes ont prouvé que les TIC ne sont pas superflues, bien au contraire qu’elles sont une des solutions pour résoudre  ces « vrais » problèmes auxquels les pays africains font face.

Pour les plus connues, elles s’appellent Obami en Afrique du Sud (plateforme-web de cours et vidéo éducatives gratuits),  Gifted Mom au Cameroun (santé de la femme enceinte et des nourrissons), M-Pesa au Kenya (paiement mobile), Jumia (e-commerce), W Afate au Togo (imprimante 3D à base de déchets électroniques),  M-Louma au Sénégal (bourse agricole en ligne). Toutes initiatives audacieuses illustrent le rôle incontournable que jouent les TIC dans la lutte contre la pauvreté, l’accès de tous à une éducation de qualité, l’accès aux soins de santé. Comme l’a souligné Alain François LOUKOU[6]  « les TIC ne constituent pas un problème totalement découplé des autres problèmes de développement. Elles sont plutôt en interaction avec eux». De plus l’usage des TIC à travers le développement d’applications mobile revêt une dimension de responsabilité intergénérationnelle, très peu mise en avant dans l’analyse de l’émergence des TIC en Afrique. En effet, en développant une application comme Gifted Mom, ou Obami, les créateurs répondent non seulement à des besoins actuels mais aussi anticipent des besoins futurs des générations suivantes : accès aux soins de santé,   accès à l’éducation etc.

En ce sens les TIC sont bel et bien des instruments qui permettront d’atteindre les Objectifs du Développement Durable tels que définis par les Nations Unies. On peut ainsi paraphraser la définition du Développement Durable en disant que les TIC sont des technologies qui permettent de répondre aux besoins des générations actuelles et à ceux des générations futures.

 

  1. Les TIC comme instruments de croissance inclusive

Il est indéniable que les Technologies de l’Information et de la Communication contribuent à booster le développement pour le continent africain. Il est révolu le temps où on voyait les TIC comme un luxe pour l’Afrique (en proie à de lourds retards structurels et infrastructurels). Aujourd’hui grâce aux TIC de nombreux entrepreneurs africains proposent  à leurs compatriotes des solutions locales aux problèmes locaux.  Mieux, certaines initiatives visent même une portée internationale : on parle de Glocalisation développer des solutions locales qui peuvent aussi bien s’étendre bien au-delà du marché national (notamment au sein de pays partageant des difficultés identiques). C’est le cas notamment des applications de transferts d’argent par mobile dans des sociétés où très peu de particuliers disposent de compte bancaire classique, mais possèdent 2 voire 3 téléphones portables. Aujourd’hui la réflexion ne porte plus sur l’utilité avérée des TIC pour le développement de l’Afrique. La question fondamentale est désormais comment les TIC peuvent-ils contribuer efficacement à la croissance durable et inclusive des pays africains ?

Face à ces bénéfices mentionnés ci-dessus, les gouvernants, les acteurs économiques mettent à pied d’œuvre des stratégies de promotion des TIC via l’émergence de l’économie numérique. Selon The Australian Bureau of Statistics,  l'économie numérique peut être définit comme l’ensemble des activités économiques et sociales génératrices de revenus qui sont activées par des plateformes telles que les réseaux Internet, mobiles et de capteurs, y compris le commerce électronique. Cette nouvelle catégorie d’économie regroupe le secteur des TIC, les secteurs utilisateurs et les secteurs à fort contenu numérique, ces derniers ne pourraient exister sans ces technologies. Le caractère multidimensionnel des innovations technologiques en font un vecteur non négligeable de croissance, de productivité et de compétitivité dans certains divers secteurs comme l’agriculture, la finance, l’accès à l’énergie, la consommation de bien et services etc.

Mais pour que les TIC deviennent de véritables leviers de croissance (inclusive donc qui profitent à tous), les ressources nécessaires doivent être mobilisées.

  1. Le rôle des Etats

En commençant par une offre éducative et de formation en adéquation avec les besoins du marché de l’emploi. Très peu de structures éducatives proposent des enseignements à l’utilisation des TIC ; très peu d’écoles primaires, de collèges, de lycées en Afrique disposent d’ordinateurs pour l’enseignement de l’informatique. Rares sont les établissements qui proposent des cours ou ateliers d’initiation à internet. L’apprentissage se fait intégralement dans le circuit informel (auprès des amis, de la famille ou dans les cyber café).  Inutile de préciser les dérives que ce manque d’encadrement engendre (utilisation détournée des outils de communication à des fins peu éthiques).  Beaucoup d’apprenants sont des autodidactes ou au mieux ont suivi des enseignements dans des structures d’apprentissage et d’initiation aux TIC[7]. Ces formations arrivent trop tard dans l’offre de formation éducative quand elles n’en sont pas à la marge.  Le secteur de l’économie numérique est un secteur porteur dont les besoins en compétences seront très forts dans l’avenir. Pour ce faire, l’Afrique a besoin de former les futurs codeurs, ingénieurs, développeurs et ne pas s’enfermer dans un état de léthargie qui en fera un désert de compétences.

Par ailleurs du côté des administrations publiques, pendant longtemps celles-ci n’avaient pas investi la sphère digitale ; depuis quelque temps, on note une digitalisation des  structures gouvernementales (site web, compte sur les réseaux sociaux, numéro d’accès via application mobile etc.). Ceci dénote une mobilisation par le geste des pouvoirs publics qui comprennent progressivement l’intérêt des TIC dans la gestion quotidienne des services. La mise en place d’une administration dématérialisée permettrait aux Etats d’être plus performants et mieux servir les citoyens.

  1. Le rôle des entreprises

Rappelons que pour une croissance inclusive des pays Africains, les entreprisses  sur le continent ont également un  rôle primordial à jouer.

Aujourd’hui encore, l’accès à internet s’avère coûteux pour beaucoup de particuliers. L’offre tarifaire (très vaste pour que chaque consommateur trouve chaussure à son pied) reste souvent très élevée pour une consommation en permanence. Il n’est donc pas rare que certains n’aient pas accès à internet pendant plusieurs jours car leur forfait est épuisé. Il faudra alors recharger son téléphone pour avoir internet.  L’accès à internet est certes en hausse mais il est encore insuffisant pour combler la fracture numérique Nord/Sud et atténuer les disparités intrarégionales (zones rurales, péri urbaines et urbaines). Les coûts d’accès élevés sont un corollaire de la faiblesse des infrastructures et de la faible connectivité intracontinentale[8]. La réduction des tarifs des « abonnements » internet est un prérequis majeur pour que l’accès à internet en continu ne soit plus un luxe pour certains.

Pour cela, les entreprises de télécommunication en collaboration avec les Etats et les investisseurs doivent travailler à améliorer les infrastructures de télécommunications. Dans le cadre de leur Responsabilité Sociétale (RSE) ces entreprises gagneraient à déployer des réseaux de télécommunication plus performants et plus modernes : la vétusté des équipements et le faible taux d’électrification du continent sont les principaux handicaps qui affectent la qualité de service des opérateurs.

Le manque de capitaux dans le secteur des télécommunications peut  être résolu par la mise en place de garanties à savoir un climat des affaires plus sain et responsable. Conjointement avec les  Etats,  les entreprises doivent lutter conte la corruption et les pratiques déloyales. C’est ainsi que les pays africains sauront attirer de nouveaux investisseurs, pour palier le faible renouvellement des équipements et l’obsolescence des infrastructures. Les difficultés issues de la vétusté des équipements résultent aussi des défaillances dans la maintenance des infrastructures. Les insuffisances constatées s’expliquent également par l‘absence de ressources humaines hautement qualifiées. Toujours dans le cadre de leur RSE, les entreprises peuvent favoriser le renforcement  de compétences, de capacités en nouant des partenariats avec des centres de formations, afin que ceux-ci forment les apprenants aux métiers dont ont réellement besoin les entreprises. Une fois de plus l’éducation et l’offre de formation se trouvent au cœur de l’impact des TIC sur le développement des pays africains.

Mentionnons avant de clore cet article un élément peu traité dans la réflexion sur les TIC en Afrique : la gestion des déchets électriques et électroniques (DEE). Dans un contexte où la communication entre 2 opérateurs concurrents coûte excessivement chers, les consommateurs ont pris l’habitude d’avoir plusieurs téléphones (un pour chaque opérateur) ou un téléphone à 2 ou 3 puces. A cela s’ajoutent les tablettes et ordinateurs (portable ou fixe). Si on considère que chaque individu change de téléphone portable tous les 18-24 mois, tout cela représente une tonne de déchets non ou mal recyclés. Un certain nombre de précaution (par exemple porter des équipements de protection) sont à prendre dans le traitement de ces déchets.  En effet tous ces appareils sont composés d’éléments toxiques pour la santé des personnes et l’environnement s’ils ne sont pas correctement recyclés. En l’absence de réglementations, le marché du recyclage et de la revalorisation des DEE est principalement informel donc sujet à de graves manquement dans le respect des mesures de sécurité.  Dans le cadre de la RSE, les entreprises de télécommunication seront appelées à trouver des solutions à la gestion des « e-déchets ». Ces derniers, s’ils sont négligés entraineraient de graves dommages de santé aux recycleurs (cancers, problèmes respiratoires), et d’importants dommages environnementaux (pollution des nappes phréatiques et des sols à proximité des centres sauvages de tri et recyclage)[9].

 

Les TIC sont effectivement des instruments au service du développement durable de l’Afrique mais en poussant la réflexion plus loin, on peut affirmer qu’avec un certain nombre de prérequis remplis, les TIC peuvent être des catalyseurs de la croissance soutenable et inclusive des pays africains. Nous avons énuméré quelques points d’amélioration à l’égard des Etats et des entreprises en tant que principaux acteurs du développement du continent ; sans toutefois nier l’importance de la société civile dans cette marche vers l’émergence. Les TIC sont aujourd’hui un maillon fort de l’économie de beaucoup de pays africains dont la contribution d’internet pourrait atteindre 5 à 6% du PIB des pays africains d’ici 2025. Ce qui montre que le secteur est hautement dynamique. À cela, il faut ajouter un secteur informel dont les données par essence « informelles » échappent à toutes statistiques officielles.  Le secteur informel génère des  milliers (voire des millions) de petits emplois et des revenus substantiels aux personnes de tous âges et de tous sexes qui l’exercent partout où les réseaux sont disponibles.

Pour confirmer ces faits, il serait nécessaire que soient mis en place de solides indicateurs d’appréciation de l’impact réel des TIC sur le développement des sociétés africaines. Pour cela deux pistes : d’une part quantifier la part de l’économie numérique aux PIB des pays africains (à travers par exemple le nombre d’emplois décents et pérennes crées dans les secteurs liés aux TIC.). On parle d’approche comptable car elles s’expriment uniquement en termes financiers ou création d’emplois. D’autre part quantifier le manque à gagner des pays africains en cas de « privation » des TIC ; on évaluerait ainsi les conséquences organisationnelles sur les entreprises, les particuliers, les administrations de  la non utilisation des TIC.

 

Rafaela ESSAMBA


[3] 5.b  Renforcer l’utilisation des technologies clefs, en particulier l’informatique et les communications, pour promouvoir l’autonomisation des femmes

[4] 9.c  Accroître nettement l’accès aux technologies de l’information et de la communication et faire en sorte que tous les habitants des pays les moins avancés aient accès à Internet à un coût abordable d’ici à 2020

[5] Besoins qu’on peut assimiler aux 2 premières bases de la pyramide de Maslow à savoir les besoins physiologiques et ceux de sécurité/protection

[6] Alain François Loukou, « Les TIC au service du développement en Afrique : simple slogan, illusion ou réalité ? »

[7] Signe d’un fort engouement pour l’économie numérique et les TIC, des espaces d’innovation digitale (hub, pépinières, espace de co-travail, incubateurs..) voient de plus en plus le jour en Afrique.

[8] La plupart des pays africains utilisent la largeur de bande passante internationale pour un partage de données au  niveau local ; opération extrêmement chère.

Eduquer au Développement Durable : l’importance des synergies multipartites!

developpement-durableDéfini de façon consensuelle comme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs[1], le développement durable est aujourd’hui au cœur des réflexions et des prises de décisions. Les nombreuses crises économiques, sociales et environnementales de par le monde soulèvent des inquiétudes pour notre avenir commun. Il est primordial qu’interviennent des mutations fondamentales et structurelles à long terme de nos systèmes socioéconomiques, ainsi que des changements de comportements, notamment individuels. L’éducation – dans son sens le plus large en tant qu’action de former, développer et faire grandir l’individu, non seulement pour lui-même, mais aussi pour qu’il puisse participer à la construction de la société[2] a un rôle prépondérant à jouer. L'éducation en tant qu’outil de transmission d’une génération à l'autre est l’un des instruments les plus puissants pour réaliser ce changement structurel et façonner un avenir viable pour tous.

De ce fait, il faut repenser l’éducation[3] en termes de durabilité afin qu’elle serve d’appui et de catalyseur pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) tels qu’énoncés par les Nations Unies en septembre 2015. En ligne avec un proverbe africain « un seul bras ne peut faire le tour d’un baobab » pour signifier la nécessité de l’union pour réussir un défi aussi colossal, les partenariats rassemblant plusieurs acteurs sont l’une des  clés pour atteindre ces ODD. Les acteurs privés, publics doivent œuvrer individuellement et surtout collectivement pour relever les défis auxquels nous faisons face.

Qu’est-ce-que l’Éducation au Développement Durable ?

Selon l’Unesco (en charge de coordonner la mise en œuvre du Programme d'action mondial pour l'EDD), l’éducation au développement durable consiste à intégrer dans l'enseignement et l'apprentissage les thèmes clés du développement durable. Il s’agit par exemple d’aborder le changement climatique, la prévention des catastrophes, la biodiversité, la réduction de la pauvreté ou la consommation durable. Elle est intrinsèque et transversale : elle fait corps avec les disciplines déjà enseignées et simultanément se pense dans l’interaction entre les différents champs disciplinaires. L’EDD ne doit pas être perçue ou traitée comme une nouvelle discipline d’apprentissage. Elle se construit et s’adapte au niveau scolaire et au public en apprentissage. De ce fait, l’EDD débute dès les premiers cycles de l’éducation (maternelle) et se poursuit dans les dernières années de l’éducation formelle (enseignement supérieur).

EDD : de la nécessité de réformer les systèmes éducatifs !

Une Éducation au Développement Durable demande de transformer de fond en comble l’environnement éducatif de chaque pays. Elle doit être spécifique à chaque pays selon les enjeux et ambitions de celui-ci en matière d’éducation, d’environnement, d’économie etc.  Développer une EDD demande d’intervenir sur différents volets dont les plus importants sont :

  • Le contenu de l’apprentissage > intégrer les enjeux du Développement Durable aux programmes éducatifs et concevoir des outils d’apprentissage innovants et interactifs. Définir un plan d’action, une stratégie et des indicateurs de suivi…
  • La pédagogie et la méthodologie d’apprentissage > renforcer les compétences des personnels éducatifs. La faiblesse et le manque de compétences des éducateurs est l’un des premiers obstacles à l’Éducation au Développement Durable[4]
  • L’action et la mise en pratique > encourager la réflexion critique, la prise de décision des apprenants sur des problèmes de leur quotidien. Planifier et réaliser des projets individuels et collectifs en réfléchissant aux liens entre les actions et leurs impacts.

Quels acteurs pour une EDD efficace ?

Dans la réflexion et l’application des chacun de ces volets, il est nécessaire d’inclure des acteurs externes (à la classe et au milieu scolaire) : instaurer le dialogue et la collaboration entre tous les acteurs de la société. En matière d’EDD, il est nécessaire que toutes les parties prenantes travaillent en synergie. Par parties prenantes ici on entend toute structure (publique, privée) impliquée de près ou de loin par l’éducation. On peut citer de manière non exhaustive, les pouvoirs publics, les organisations de la société civile, les entreprises, les apprenants, les médias…

  • Les pouvoirs publics: pour atteindre les Objectifs de Développement Durable dont l’objectif numéro  4 est l’accès à une éducation de qualité intégrant les enjeux de Développement Durable, il est primordial d’instaurer un leadership politique fort. Celui-ci favorise un climat organisationnel nécessaire au changement, mobilise les ressources adéquates. Ainsi le renforcement des politiques d’éducation en ligne avec les engagements mondiaux, régionaux, nationaux et locaux en est la pierre angulaire.
  • Les organisations de la société civile œuvrent sur le terrain et pour beaucoup ont un rôle de lanceurs d’alerte (notamment en ce qui concerne la préservation de l’environnement). Elles ont un rôle non-négligeable à jouer : d’une part à travers leur participation à la refonte des ouvrages pédagogiques, en développant des programmes éducatifs extrascolaires qui complèteraient les enseignements théoriques. Il est essentiel d’intégrer davantage de contenus et de pratiques d’apprentissage axés sur l’EDD afin de s’assurer que tous les apprenants aient les connaissances, les attitudes et les compétences nécessaires pour répondre aux défis du développement durable tout au long de leur vie et d’autre part, dans le renforcement de compétences des équipes éducatives. En effet, le déficit de compétences en éducation au développement durable des éducateurs, reste encore un obstacle majeur à surmonter.
  • Les entreprises en tant que structures de création de valeur économique ont été les 1ères à intégrer les enjeux de Développement Durable. À travers leurs engagements de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) elles doivent trouver des réponses aux problèmes auxquels elles font face tous les jours. Elles doivent ainsi participer à la refonte des programmes scolaires (surtout dans l’enseignement supérieur et la formation technique). Il convient de faire évoluer les profils et les compétences professionnels pour les adapter aux métiers dont les entreprises ont besoin ; de développer l’offre de stage, mentorat et autres moyens d’accompagnement et d’insertion professionnelle
  • Les apprenants doivent jouer un rôle de premier plan en tant qu’agents du changement : ils sont des ambassadeurs de choix auprès de leurs parents et du reste de la communauté. En tant que partie prenante (beaucoup ignorée), ils doivent activement et davantage être impliqués aux discussions relatives à leur avenir. La mise sur pied de club ou comité développement durable dans les établissements scolaires est une piste pour intégrer les apprenants dans cette démarche.
  • Les médias (presse écrite, radios, télévisions etc.) peuvent contribuer à l’EDD à travers la vulgarisation des enjeux de Développement Durable. Ceci peut prendre plusieurs formats : article de presse, émission-débat TV ou radio, diverses campagnes de sensibilisation et d’information. Mais ceci toujours en collaboration avec les autres parties prenantes.

En septembre 2015, les Nations Unies ont adopté de nouveaux objectifs (pour mettre fin à la pauvreté, lutte contre les inégalités et l'injustice et faire face au changement climatique d'ici à 2030) afin de parvenir à un Développement Durable. Pour autant ces 17 objectifs ne pourraient être atteints sans un changement de paradigme notamment un ajustement des systèmes éducatifs. D’où l’importance de la mise en place d’une approche intégrant l’Éducation au Développement Durable au sein des diverses structures de formation, d’apprentissage. Après avoir précisé ce qu’est l’Éducation au développement durable, nous avons pu présenter des actions prioritaires pour l’EDD :

  • Aligner les politiques de formation et d’apprentissage aux enjeux de Développement Durable
  • Renforcer les compétences des personnels éducatifs.
  • Mettre en place des projets structurants

Les principaux obstacles observés sont l’absence ou la faiblesse des stratégies/politiques d’éducation au développement durable. À cela s’ajoute le manque / la faiblesse des compétences des équipes éducatives. Cet article se veut un plaidoyer pour la mise en commun des forces vives de toutes les parties prenantes car les partenariats multipartites sont une solution pour pallier les obstacles ci-dessus énoncés. L’éducation au Développement Durable est un vrai défi à relever en Afrique mais certains pays en ont pris la mesure et prennent des initiatives dans ce sens que nous devons valoriser.

 

Rafaela ESSAMBA


[1] Selon le rapport « Notre avenir à tous » publié à l’issue de la Commission des Nations Unies sur l’Environnement en 1987. Plus connu sous le nom Rapport Brundtland du nom de la Ministre Norvégienne, Gro Harlem Brundtland qui dirigea les travaux de ladite commission. Rapport téléchargeable ici.

[3] Nous évoquons ici l’éducation formelle fournie dans le cadre des études scolaires (de la maternelle à l’enseignement supérieure)

[4] Selon le Rapport Final « Façonner l’avenir que nous voulons » de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation au service du développement durable (2005-2014) http://unesdoc.unesco.org/images/0023/002303/230302f.pdf