Rentrée du cinéma 2016 : la sélection ambitieuse du FIFDA

Le Festival International des Films de la Diaspora Africaine (FIFDA) déballe ses valises dans les cinémas parisiens du 9 au 11 septembre, à l'occasion de la rentrée du cinéma. Nous vous invitons à l'édition 2016, qui, fidèle à la philosophie du festival, comprend cette année des perles de réalisation francophones et anglophones, où la profondeur et les relations humaines occupent le haut du pavé. Diarah Ndaw-Spech, organisatrice du festival, a bien voulu répondre à nos questions. 

 

Selon vous, quel film nous transportera, cette année ? 

Il y en aura plusieurs:

La première mondiale du documentaire de la réalisatrice Keria Maamei « Nos Plumes » qui explore le travail d’une "nouvelle vague" littéraire hétéroclite française issue des banlieues.

«Image» un thriller à propos des relations entre  le monde des média  et les quartiers populaires de Bruxelles. Le film a fait la une des salles en Belgique pendant plus de 10 semaines.

« Supremacy » un thriller avec Danny Glover basé sur une histoire vraie qui illustre vivement les tensions raciales constantes aux Etats Unis aujourd’hui.

« Héros Invisibles : Afro-Américains Dans La Guerre Civile Espagnole » une page de l’histoire de la solidarité entre les peuples devant un ennemi commun.

Pensez-vous que le cinéma est plus à même de faire passer certains messages mieux que d'autres médias comme le livre par exemple ? 

Déjà, en 1960, celui qui est considéré par beaucoup comme le père de Cinéma Africain, Ousmane Sembène, a choisi de passer de l’écriture au cinéma pour mieux faire passer ses messages. Il avait compris, déjà à son époque, la force de l’image pour communiquer plus facilement et à plus large échelle. L’impact de l’image est plus important que jamais aujourd’hui. Pas juste en Afrique, dans le monde entier !  C’est pour ça que le cinéma a un grand potentiel pour aider à faire évoluer les idées et les sociétés.

Quels sont les grands thèmes abordés cette année ? 

La grande turbulence dans nos sociétés contemporaines.  Les tensions montent, l’intolérance s’installe, l’abus de pouvoir et la corruption abondent, et les gens se révoltent contre les injustices.  Ces thèmes sont présents dans Image, Supremacy, Insoumise, Hogtown et Dzaomalaza Et Les Mille Soucis.

Les questions identitaires d’appartenance et d’acceptation sont abordées dans Nos Plumes, Ben & Ara, et la Belle Vie. 

Diriez-vous que nous allons vers un cinéma plus international, plus porté vers l'innovation ? 

Avec la globalisation, l’information circule plus que jamais. Cela peut avoir un effet de standardisation à travers les cultures.  Beaucoup de jeunes réalisateurs partout dans le monde prennent comme modèle le cinéma fait à Hollywood. Cela peut limiter les initiatives novatrices. D’un autre côté, la technologie a démocratisé cette forme d’art.  Cela permet à de nouvelles voix de s’exprimer sans dépendre d’un système qui a le pouvoir de la censure et de l'argent.  Des films indépendants comme Nos Plumes, Hogtown ou Ben & Ara sont des films d’auteurs où sont abordés des thèmes  qui les concernent les créateurs. Ces films n’auraient probablement pas pu exister sans les nouvelles technologies.  Un cinéma plus international ? Certainement. Plus porté vers l’innovation ? C’est encore à débattre.

Rendez-vous aux Cinémas La Clef (Paris 5ème, 34 rue Daubenton, métro Censier-Daubenton), et Etoile Lilas (Paris 20ème, Place du Maquis du Vercors, métro Porte des Lilas).  

Pour aller plus loin : Rendez-vous sur le site du FIFDA (www.fifda.org). 

Vue panoramique sur le 4ème FIFDA, Paris

Pour sa rentrée, l'Afrique des idées vous propose de revenir sur quelques unes de ses réalisations de l’été.

5588755031_1d8cfef16e_bPartenaire de la 4ème   édition du Festival International de Film de la Diaspora Africaine, l'Afrique des idées a déployé un petit dispositif pour couvrir l’événement qui s’est tenue à Paris du 05 au 07 septembre dernier. Le temps d’un week-end plusieurs lieux ont accueilli des films que l’on ne voit pas forcément, des productions qui, sans ce genre d’organisation auront beaucoup de mal à rencontrer un public. Un week-end de voyage, de rencontre, de débat pour donner à voir d’autres univers et à entendre un autre discours.

Installé à Paris en 2009, prolongement d'une expérience qui se poursuit aux Etats-Unis, le Fifda est un espace de visibilité pour des productions cinématographiques en lien avec l’Afrique et ses diasporas. C’est un domaine d’intervention très large dans lequel se croisent des sensibilités différentes, plusieurs esthétiques et une diversité de public. Sous la direction de Diarah N’daw-Spech et Reinaldo Barroso-Spech, au fil des années le festival prend ses galons. L’évolution se lit à la fois par les nombres des films et des lieux proposés. Chaque année, la programmation s’élargit autant qu’elle gagne un nouveau bastion, un nouveau territoire. Au cinéma  la Clef (75005) qui était le seul à « ouvrir » ses portes au FIFDA en 2012, se sont progressivement ajoutées les salles Etoiles Lilas, Le Brady, Le Comptoir général, et Le Lucernaire. Ce développement dans l’espace permet de créer plusieurs spots qui mettent en lumière la très riche activité cinématographique des Afriques. Croissance également pour le festival lui-même qui, selon la codirectrice Diarah N’daw-Spech, intéresse un public plus important, bénéficie d’une bonne couverture médiatique et arrive à fédérer plus de partenaires. Ainsi, le parcours de cette 4 è édition, traversant presque Paris, nous a mené dans 4 lieux à la découverte d’un cinéma vivant, ambitieux et très contemporain.

La soirée de lancement a eu lieu au Cinéma Etoile le vendredi 05 septembre. En ouverture, la première européenne de Freedom summer, le dernier film de Stanley Nelson, un réalisateur connu du Fifda. En 2012, sa précédente réalisation et pendante de l’actuelle, était déjà dans la programmation du Festival. Cette soirée co-organisée en partenariat avec l’Observatoire de la diversité et l’Ambassade des Etats-Unis en France a connu une participation active de l’Afrique des idées, dans le débat après la projection. Stanley Nelson (réalisateur) et Lareus Gangoueus (Afrique des idées) ont conversé avec Fulvio Caccia (modérateur/ Observatoire de la diversité) sur l’historique du film, son contenu et surtout son importance pour la jeunesse actuelle, pour les minorités en France et ailleurs. Dans ces prolongements, Awa Sacko publiera très prochainement un entretien avec Stanley Nelson dont le film (une présentation dans le dossier) a enthousiasmé le public venu nombreux.

Ce départ réussi augurait de la bonne tenue d’un festival qui, en dépit de la diversité des films proposés, gardait une grande cohérenceHomeAgain. Le cycle migration-transmigration autour duquel gravitaient plusieurs films, pas forcément récents, était le noyau de la programmation. Le fait de faire se côtoyer des œuvres de différents âges est bien méritoire à plusieurs égards. Il permet de (re)découvrir des pièces du patrimoine cinématographique d’Afrique et  de sa diaspora rappelle la trajectoire du septième art dans ces contrées tout en soulignant la permanence de certains questionnements. Tout ce qui a trait au départ, à l’exil, à la vie ailleurs est alors appréhendé dans un dynamisme entre le présent et le passé. Dynamique est aussi le changement de prisme : les allers retours entre la fiction et le documentaire sont un double éclairage qui permettent de saisir la complexité des phénomènes. Dans ce sens, Home again de Sudz Sutherland et Expulsés de Rachèle Magloire et Chantal Regnault sont deux faces de la même pièce. Ces films qui passaient pour la première fois en France, traitent autant de la difficulté du retour que de la citoyenneté instable de la diaspora africaine dans plusieurs pays occidentaux. L’un comme l’autre met l’accent sur l’absurdité des systèmes judicaires à l’égard des ces « migrants de l’intérieur » qui, pour la plus part, ont toujours vécu dans les pays qui les expulse, après qu’ils aient purgé une peine de prison pour un délit mineur.

Mais le Fifda c’est surtout l’Afrique avec laquelle l’équipe entretient des liens de travail à travers les festivals : elle se rend régulièrement au Fespaco et Diarah N’daw Spech a participé en tant que membre du jury au dernier festival de Durban. C’est aussi l’Afrique à l’écran dans toute sa diversité, dans sa contemporanéité. Et quoi de plus contemporain que les rues, celle de Douala ou celles encore plus tumultueuses de Kinshasa ? Trois films, trois regards (dynamisme et multiplicité de point de vue) nous ont fait vivre la pulsation kinoise à travers sa musique, ses contradictions. De la figure de Papa Wendo, l’immortel interprète de Marie-Louise, chanson récemment samplée par le jeune rappeur Alex Finkelstein, à Kinshasa la pieuvre du sculpteur Freddy Tsimba, nous avons ici aussi l’idée de transmission, la recherche de ce lien entre le passé, le présent et l’avenir.

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Le festival s’est achevé avec la projection du documentaire de Dom Pedro dans lequel  le cinéaste effectue une plongée dans les profondeurs du Tango et remonte à la surface l’africanité de cette musique.

Pour ceux qui auront raté l’un ou l’autre de ces films, le fifda assure travailler de concert avec les salles pour qu’ils soient reprogrammés tout en essayant de les rendre disponibles en DVD. En session rattrapage, il y a les ciné-clubs à Paris tout au long de l’année mais aussi l’équipe d’Afrique des idées. Claudia Soppo Ekambi, analysera pour nous le film W.A.K.A. de Françoise Ellong et Touhfat Mouhtare, en amatrice des (mé)tissages entreprendra une conversation avec Dom Pedro autour de son film, Les racines africaine du Tango.

Ramcy Kabuya

Notes sur l’ouverture du 3ème festival international des films de la diaspora africaine

Le festival international des films de la diaspora noire a été initié en 1997 à New York. GANGOUEUS a participé à la 3ème édition, dans sa version française, organisée le week-end du 7 au 9 septembre 2013 avec plus d’une dizaine de courts et de longs métrages présentés. Cet article, produit dans le cadre du partenariat entre Terangaweb et ce festival, revient sur ses impressions.
 


 
Portes fermées
J’ai été invité au démarrage du 3ème Festival International des Films de la Diaspora Africaine le samedi 07 septembre dans un très beau cinéma indépendant aux portes de Paris. Sortant d’une semaine laborieuse, quoi de plus sympathique que de retrouver des animateurs du 7ème art, refaisant le monde autour de samousas et autres amuse-bouches. A vrai dire, je me suis embarqué dans une discussion passionnante et quasiment exclusive avec un cinéaste centrafricain dont un court métrage allait être présenté en compétition.
 
 
Discussions d’apéro : "Ma famille" en question?
 
Notre échange porta sur des considérations aussi basiques que savoir à quoi sert le cinéma aujourd’hui en Afrique ? Quel type de public touche-t-il ? Comment expliquer le gap entre certaines séries populaires du type « Ma famille » dont la qualité technique et le piètre jeu d’acteurs horripilent les amoureux du 7ème art, là où le plus grand public exulte pour ces séries « Z ». Est-il envisageable de penser des collaborations entre ces deux mondes afin que la technique des uns améliore l’esthétique et le discours des autres ? Naturellement, les choses ne sont pas aussi simples et on peut comprendre dans le discours de ce cinéaste que sa vision, ses objectifs, sa cible ne sont pas les mêmes que les producteurs de ces divertissements populaires. Toucher l’universel pour les uns. Oui, peut-être. Entretenir les particularismes pour les autres. Un abîme sépare ces deux mondes.
 
Soutiens américains
 
Sans suivre la chronologie des événements durant l’apéro, j’ai eu également un trop bref échange avec une représentante de l’Ambassade des Etats Unis. L’occasion de voir de nouveau le soutien de l’ambassade américaine à des projets de ce type dans la capitale française. Il y a deux ans, avec le Club-Efficience, j’avais déjà eu le plaisir d’assister à un passionnant colloque parrainé par l’US Embassy sur le sujet Diversité et performances
 
Bon, l’apéro c’est cool, mais on est venu au cinoche pour voir des films. Dans la très belle et confortable salle du cinéma Etoile, Thibaut Willette de l’Observatoire  de la Diversité Culturelle introduit ce festival dans un lieu de la diversité par excellence à la lisière de Paris et du fameux 9-3. Quelques mots de remerciement  de Reinaldo Spech, président du festival et les hostilités sont lancées avec le court-métrage de Meriem Amari, intitulé Mon enfant.
 
Mon enfant, Meriem Amari
 
Le court métrage. L’exercice est difficile et je dois reconnaitre que j’ai rarement été convaincu par ce format de film. Une femme occupe l’espace. En noir et blanc. Elle porte une robe berbère. Elle est tatouée à l’henné. Elle est seule. Les plans sont rapprochés. On sent une certaine maîtrise de la technique par la réalisatrice et la qualité du matos. L’esthétique de la représentation contraste avec la noirceur de ce que cette femme, cette épouse, cette mère de famille, la cinquantaine passée exprime. La beauté pour décrire l’abject ou la douleur de violences longtemps ignorées. Une mère décrit un projet mortifère à l’endroit de ses enfants. Choc.
 
 
Derrière les portes fermées, Mohamed BenSouda
 
L’équipe de la rubrique Culture ayant fait une interview de Mohamed Ahed Bensouda en ligne sur Terangaweb depuis une semaine, je suis un peu au fait du sujet du long métrage qui ouvre le 3ème festival international des films de la diaspora africaine. Le harcèlement sexuel est le sujet du film Derrière les portes fermées qui a pour cadre le Maroc. Il s’agit d’une première projection en Europe.  Un poil parano, je suis avec attention le générique d’entrée pour identifier la nature du financement de ce projet. Maroc et OIF. Bon point.
 
Chacun de nous regarde un film avec son background et ses traumatismes parfois encore purulents quand il s’agit d’une histoire parfois proche de soi, quand on paie à regret une séance pour contempler de lourds clichés dont le cinéma africain subventionné est assurément le meilleur vecteur, le pouvoir immédiat de l’image étant désastreux. Aussi, suis-je séduit par les images de la ville moderne que ce film marocain me renvoie, loin des représentations classiques qu’on nous sert à longueur de film quand il s’agit du Maghreb : le souk, les Montagnes, le désert, le chameau et le folklore. Là, on a droit à un dépaysement total avec ce beau tramway en direction de Mohamed VI (et oui, la dédicace s’incruste dans le film).
 
Un sujet plus lourd
Mohamed Ahed Bensouda met en scène des belles cartes postales et affiche un patriotisme comme l’imposant drapeau marocain dans l’openspace qui va servir de cadre à l’intrigue du film.
 
J’ai parlé de harcèlement sexuel. Tout le monde a vu le face à face sulfureux entre l’entreprenante Demi Moore et Michael Douglas, il y a quelques années, sur un film affichant la même thématique. La prétention du réalisateur de Derrière les portes fermées n’est pas d’émoustiller le spectateur avec des scènes torrides. Il brosse un cadre professionnel, très aseptisé. Un open space. Le sujet est beaucoup plus lourd. Un parvenu est parachuté à la direction d'une boîte importante, en raison de ses relations avec un ponte du pouvoir marocain. Assez rapidement, il se prend d’intérêt pour une de ses employées, Samira. Une obsession dans laquelle ce bon père de famille, ce mari « aimant », n’entend pas qu’on lui résiste.
 
Un regard tendre et nuancé
 
Le réalisateur porte un regard tendre sur le combat que la jeune femme va mener dans une société marocaine en mutation. Elle est belle, elle aime ce qu’elle fait et n’entend pas céder au bon vouloir du goujat. Au risque de détruire son propre foyer. Le regard est tendre car, il est panoramique, nuancé et chargé de tolérance quand on observe cette plateforme de travail où les femmes sont en nombre, certaines voilées, d’autres pas du tout. Tendre en raison de l’impasse dans laquelle l’héroïne s’enferme. La question qui taraude le spectateur est celle de savoir : pourquoi ne quitte-t-elle pas cette entreprise ?
 
L’emploi est précieux. Surtout pour une femme. Ce qui augmente d’autant plus le pouvoir oppresseur du dirigeant. Un cul-de-sac qui révèle la nécessité de faire évoluer certaines lois sur ces questions dans le royaume chérifien. C’est l’enjeu un peu marqué du film.

 

Avec Karim Doukkali, Zineb Odeib, Ahmed Saguia, Omar Azzouzi
Réalisation de Mohamed Ahed Bensouda
En salle au cinéma Etoiles aux Lilas depuis le 6 Septembre 2013