Pour sa cinquième édition, le Festival International des Films de la Diaspora Africaine (FIFDA), qui aura lieu du 8 au 11 septembre dans plusieurs cinémas parisiens, célèbre la mémoire et l’identité. Mémoire des Africains du continent vue de l’intérieur, mémoire de leur diaspora située entre deux rives : de ces deux faces de l’Histoire découlent les questionnements identitaires que vivent au quotidien les milliers d’Africains, locaux ou immigrés, et d’afro-descendants de la diaspora.
Des mémoires enfouies ou niées
Après Tango Negro, de Dom Pedro de Angola, qui remettait au goût du jour les origines africaines du tango, Gurumbe exhume les traces de la présence d’esclaves en Espagne : les racines profondément africaines de la musique andalouse. Independencia nous envoie vers d’autres mémoires ibériques : celles de la lutte angolaise pour l’indépendance, une des plus longues et des plus éprouvantes de l’Histoire. Des vétérans joignent leur témoignage à des images inédites. Dans le registre de la lutte, le Maroc n’est pas en reste : Fidaa relate le dilemme d’un résistant anti-colonial face à un beau-père collaborateur ayant participé à l’emprisonnement et à la mort de nombreux résistants. Même combat pour les rastafari de la Jamaïque dans The price of memory, qui demandent réparation à la reine Elisabeth II d’Angleterre pour les années d’esclavage qui ont marqué la belle île, s’inscrivant dans la lutte pour la reconnaissance de l’esclavage qui a pris racine dès 1960.
Un présent à réinventer
Pour les protagonistes des Mariannes Noires, il est avant tout question de liberté. Liberté de choisir à quelle(s) culture(s) on appartient, à quels principes on adhère. La question de la liberté d’être est tout aussi prégnante chez les héros de Dites-leur que nous avançons, sur l’histoire des universités noires aux Etats-Unis, de Mohammed le prénom, ou de Medan Vi Lever, où l’on explore la problématique du retour avec un humour salvateur. S’y ajoute l’effet de miroir en rapport avec le regard de l’autre. Stand down Soldier, qui met en scène une femme soldat témoignant de son expérience en Irak, inscrit les parcours de la diaspora dans un destin détaché des carcans identitaires, et pose la question du rôle de chacun dans la destinée universelle. Chez le réalisateur de N.G.O. (Nothing Going On), c’est l’espoir suscité par l’ ailleurs qui ressort, poussé par la représentante américaine d’ une fausse ONG. Avec, en prime, une réalisation teintée d’humour pour évoquer des sujets d’une extrême gravité. Déroutant, le FIFDA, comme chaque année !
Après l’article sur La Négation du Brésil du cinéaste Joao Zito Araujo, j’ai aussi voulu faire communiquer ce film avec (Raça), son deuxième film projeté au FIFDA (Festival International des Films de la Diaspora Africaine). Les deux films ont un lien, celui de la condition noire brésilienne; le second répondant au premier. Joao Zito Araujo est un écrivain, cinéaste, spécialisé dans les documentaires sur la question raciale, notamment sur la représentation des afro-descendants. Métis, il nous livre des films sans concession où le spectateur devient témoin. Lauréat du prix MacArthur, il a été primé de nombreuse fois, et le film Race qui fait ici l'objet de notre article a été clôturé il y a deux ans.
Race de Joao Zito Araujo et de Megan Mylan, est un documentaire qui traite de la condition noire au Brésil, plus clairement des voies d'émancipation de la communauté noire. L'auteur engagé s’intéresse aux parcours de trois brésiliens noirs: Tiny Dos Santos, petite-fille d'esclaves, (appartenant à un groupe dont la caractéristique est qu'il a conservé des habitudes très marquées de l'Afrique comme les traditions religieuses, les chants, y associant le culte des saintes proches du catholicisme) ; Paulo Paim, seul sénateur noir (de l'époque), qui se bat pour le droit des terres; Netinho Paula, chanteur et présentateur de télévision qui a fondé la chaîne de télévision Da Gente, première chaîne dirigée par un Noir et pour des Noirs. Tous ces personnages nous entraînent dans une aventure palpitante où l'on voit les Noirs se battre pour leur droit à la visibilité et au respect.
Tiny se bat afin que les terres de ses ancêtres soient préservées. Cette communauté du Quilombo montre une force sans égale afin de faire reculer les autorités qui veulent toujours plus déboiser leur localité. Plus que la question des territoires, c'est le respect d'un groupe qui est demandé, le respect de pouvoir être différent et de réclamer sa présence en dépit d'une envie de négation de cette dernière par les autorités.
Netinho, ex membre du groupe Negritude Junior, tente l'impossible en fondant sa chaîne de télévision de proximité. Une chaîne de télévision où les Noirs peuvent enfin se voir. Où ils ont l'impression qu'on s'adresse à eux, dans un pays où les plus visibles à la télévision sont les personnes de type caucasien.
Paulo Paim soutient le droit pour les démunis de conserver leurs terres, et veut faire voter une loi sur l’égalité raciale.
Joao Zito Araujo laisse la caméra se balader de l'un à l'autre, sans vraiment s'impliquer par la voix d'un narrateur. Il n' y a pas ce parti pris qui ressortait de La Négation du Brésil , le lecteur est porté par l'émotion à chaque étape du film. Les étapes que chaque membre traverse sont vécues comme des montagnes à chaque fois déplacées, et c'est bien le cas. La montagne pour la naissance d'une chaîne pour les Noirs; la montagne pour faire voter une loi qui rencontre des oppositions évidentes; la montagne face à une politique d'exclusion (?)…
Les défis pour obtenir gain de cause amènent le spectateur à s'interroger sur les réels droits des Noirs au Brésil. On a l'impression qu'il existerait une sorte de bicephalisme où d'un côté il y aurait les avantages des Blancs et les difficultés des Noirs. Ceci ressort du fait que la tonalité même du film se veut assez pathétique, et le ton engagé de ce documentaire ne cache pas les desseins du réalisateur. Race est clairement plus engagé que La Négation du Brésil. Le fait de laisser parler les protagonistes permet une plus grande dénonciation car ceux-ci s'expriment sans filtres.
Race est un film épique au sens presque étymologique. Il est l'histoire d'une communauté noire dans sa lutte pour se faire entendre, dans son droit à la parole. Le documentaire ne laisse pas le spectateur indifférent et réussit à le sensibiliser sur la question même du mot ‘race’, et de son emploi. En regardant le documentaire on se demande comment sont noués les fils du ‘racisme’ (forcément présent, de manière quasi évidente) dans la conscience collective. Le film nous montre que le racisme peut se cacher dans les médias, bref, les instances de pouvoir. Et pour dénouer ces fils, des individus comme les trois protagonistes du documentaire, se sentent obligés de s’impliquer.
Comme dans La Négation Du Brésil, le réalisateur interroge la visibilité noire, qui passe souvent par sa négation ou son oubli. Dans Race, les Noirs sont oubliés dans les médias, la politique. Ceux ci doivent donc créer leurs propres symboles religieux, lieux de culture, lois de vote, afin de gagner en autonomie. Si dans le La Négation Du Brésil les Noirs avaient pu paraître passifs, dans Race, ils sont plutôt offensifs, ils font l'action politique, sociale et musicale. Ils sont aux premières lignes de leurs changements. Point de messie salutaire, dans Race, les Brésiliens noirs retroussent leurs manches et négocient, cherchent leurs propres victoires. Ils refusent le statut de victimes. En nous partageant les tranches de vies de ces trois protagonistes Joao Zito réussit un tour de force en attirant et en captivant les spectateurs. Les combattants de la liberté que sont ces hommes et femmes, nous montrent le prix du changement.
Pénélope Zang Mba
Ce film a été vu dans le cadre du partenariat entre l'Afrique des idées et le FIFDA (5ème édition à Paris)
Depuis quelques années, on assiste à un retour définitif, parfois forcé, des africains établis à l’extérieur, notamment au sein de la jeune diaspora. Si la migration des africains a toujours constitué un défi et une « perte » pour l’Afrique ; il faudrait peut-être voir dans ce phénomène une opportunité pour l’Afrique et créer des conditions incitatives pour que davantage d’africains de la diaspora se décident à revenir sur le continent, encore en proie à quelques maux qui tempèrent la dynamique de son développement.
Longtemps décriées parce que « vidant » l’Afrique de ces cerveaux et de sa main d’œuvre, les politiques migratoires des pays occidentaux ont souvent constitué une opportunité « financière » pour de nombreuses familles dans les pays africains. Ces africains installés à l’extérieur, transfèrent des fonds importants vers leur pays d’origine pour soutenir la consommation. Selon la Banque Mondiale, les transferts de fonds vers l'Afrique Subsaharienne, sont évalués à 401 milliards de dollars en 2012[i][ii][iii]. Des travaux de la BCEAO pour l’UEMOA indiquent que ces fonds servent essentiellement à satisfaire les besoins de consommation et à l’amélioration des conditions de vie de ménage, à financer la construction des écoles et des districts de santé.[iv][v] Dans ce contexte, l’aspect « connaissance » a été longtemps occulté, n’incitant donc pas à une mise en place de programmes ou outres mesures incitatives pour favoriser le retour des migrants. Cependant, tout porte à croire que le retour physique des africains de la diaspora a beaucoup plus d’impacts sur l’économie du continent que les fonds qu’ils transfèrent.
Beaucoup de formations politiques et syndicales ont été créées grâce aux anciens émigrés une fois de retour dans leur pays d’origine. Ces formations ont été à l’origine d’une amélioration de la bonne gouvernance, d’une amélioration des conditions de vie du travail et des ménages dans beaucoup de pays. Selon Joëlle Paquet (2010)[vi], les migrants de retour, ayant été au contact avec des pratiques démocratiques, stimulent indirectement l’évolution des pratiques politiques dans leur pays d’origine, participant ainsi à la progression des réformes démocratiques. En effet, en Afrique, ce sont des migrants de retour qui ont favorisé l’indépendance de plusieurs pays. En Italie, par exemple, ce sont les ex-italiens de la diapora qui ont facilié la lutte contre le fascisme. Les migrants de retour ont été très actifs dans la démocratisation au Maroc. En effet, la lutte pour la citoyenneté, la démocratie, la liberté, la répartition des richesses et la justice sociale, la dignité, le travail pour tous au Maroc a été l’œuvre du mouvement du 20 février. Ce mouvement a bénéficé du soutien financier, moral et physique des organisations associatives de marocains de la diaspora et certains des jeunes issus de l’émigration ont rejoint les manifestants au niveau national ou provincial.[vii]
Le gain le plus significatif que produit le retour des migrants est le transfert de compétences. En fait, pour avoir passé du temps à l’étranger et ayant été exposés au fonctionnement des entreprises dans d’autres contextes, les migrants acquièrent des expériences significatives et peuvent contribuer à la diffusion des connaissances qu’ils ont pu accumuler. Selon Joëlle Paquet (2010)[viii], les retours, temporaires ou durables des migrants dans leur pays d’origine, de même que les contacts entretenus avec les membres de la famille demeurés au pays, permettent la diffusion de nouvelles idées, compétences et expériences. Ces transferts de connaissances peuvent contribuer à améliorer la productivité des activités traditionnelles, de même que les pratiques sanitaires et la nutrition. Même si grâce aux nouvelles technologies, le transfert des connaissances se fait rapidement, les pays africains ont davantage de bénéfices si les jeunes rentraient dans leur pays d'origine après avoir acquis des compétences à l'étranger. Selon un rapport de l’OCDE (2008), « Ces ressources des migrations de retour peuvent être de trois types. Premièrement, les migrants rapportent avec eux l’éducation et l’expérience professionnelle acquises à l’étranger. Deuxièmement, ils peuvent revenir avec du capital financier, constitué par l’épargne accumulée lors du séjour à l’étranger, et qui peut être rapatriée sous une forme plus ou moins liquide. Enfin, ils disposent d’un capital social spécifique lié à leur expérience migratoire. »
De toute évidence, la migration ne doit plus paraitre comme un obstacle au développement des pays africains mais plutôt comme une opportunité à la mesure où il favorise le transfert de connaissances et des compétences, mais aussi donne accès à des ressources financières externes et influence l’environnement socio-politique. A titre d’exemple, les Pays-Bas s'efforcent de promouvoir l'« afflux des cerveaux » en encourageant les migrants à retourner temporairement dans leurs pays d'origine afin d'y contribuer au développement.[ix] D’autres pays en Afrique comme le Cap Vert ont bénéficié de ces retours. En effet, selon un rapport de l’OCDE (2008), « au Cap-Vert, où jusqu’à récemment il n’y avait pas d’établissement d’éducation supérieure, l’accès à l’éducation est un des motifs de la migration, notamment vers le Portugal. Dans ce cadre, on observe que 16 % des migrants de retour ont un diplôme du supérieur, alors que ce chiffre est de l’ordre de 1 % parmi ceux qui n’ont pas émigré (De La Barre, 2007). Dans ces conditions les migrations de retour génèrent des gains en capital humain pour l’ensemble de l’économie, qui peuvent, dans certains cas, plus que compenser la perte de capital humain initialement imputable à l’émigration (Batista et al., 2007). Pour autant, cette situation est conditionnée à l’existence d’opportunités d’emploi motivant le retour des travailleurs qualifiés. »[x] Dans ce contexte, il conviendrait de mettre en place des mesures incitatives visant à tirer davantage profit de cet externalité, qui semble positive, pour les pays africains.
Pour faciliter le retour des migrants et leur insertion dans leur société d’origine, les États doivent toujours garantir un emploi aux migrants diplômés après leur retour à l’instar de certains pays asiatiques et latino-américains. En effet, « depuis ces dernières années, plusieurs pays d'Asie font concurrence au reste du monde pour attirer le talent et les travailleurs qualifiés. L'Inde et la Chine ont consacré des ressources financières importantes pour inciter le retour de certains de leurs plus grands talents à l'étranger en offrant des incitatifs, des emplois bien rémunérés, un statut socio-économique élevé et des possibilités de développement personnel. La Chine a établi une politique nationale de développement des ressources humaines, qui comprend des initiatives comme le Programme des 1000 talents. Lancé en 2008 pour attirer 2000 professeurs d'universités et d'instituts de recherche étrangers sur une période de dix ans, le programme a jusqu'à présent réussi à en recruter 4000. D'autres pays tels que le Japon, la Corée du Sud, les Philippines et le Vietnam, commencent eux aussi à investir de manière significative dans de nouvelles politiques visant à attirer les expatriés et les travailleurs qualifiés. Le Vietnam, par exemple, aurait dépensé plus de 7 millions de dollars à cette fin. Les différents changements politiques comprennent des incitatifs fiscaux, des compensations financières, l'augmentation du nombre d'écoles internationales, ainsi que la réforme des critères d'obtention de visa et de résidence permanente. La tendance migratoire en sens inverse sera sans doute complémentaire aux efforts de l'Asie pour recruter et conserver le talent. »[xi] « Au Chili, au Costa Rica et au Brésil, les migrants de retour sont clairement surreprésentés dans les professions les plus qualifiées et sous-représentés dans les métiers les moins qualifiés. »[xii] Ainsi, les États doivent commencer à faire la "cours" à leurs "enfants", vivant à l'extérieur. La course pour trouver les talents porteurs de développement est déjà lancé et l'Afrique semble encore à la traine, alors qu'elle dispose d'avantages comparatifs en la matière.
[vi] Joëlle Paquet (2010), Favoriser le développement économique des pays d’origine des immigrants : une responsabilité partagée, L’impact de la mondialisation sur l’économie au Québec – Rapport 8, Août 2010
[viii] Joëlle Paquet (2010), Favoriser le développement économique des pays d’origine des immigrants : une responsabilité partagée, L’impact de la mondialisation sur l’économie au Québec – Rapport 8, Août 2010
Pour sa rentrée, l'Afrique des idées vous propose de revenir sur quelques unes de ses réalisations de l’été.
Partenaire de la 4ème édition du Festival International de Film de la Diaspora Africaine, l'Afrique des idées a déployé un petit dispositif pour couvrir l’événement qui s’est tenue à Paris du 05 au 07 septembre dernier. Le temps d’un week-end plusieurs lieux ont accueilli des films que l’on ne voit pas forcément, des productions qui, sans ce genre d’organisation auront beaucoup de mal à rencontrer un public. Un week-end de voyage, de rencontre, de débat pour donner à voir d’autres univers et à entendre un autre discours.
Installé à Paris en 2009, prolongement d'une expérience qui se poursuit aux Etats-Unis, le Fifda est un espace de visibilité pour des productions cinématographiques en lien avec l’Afrique et ses diasporas. C’est un domaine d’intervention très large dans lequel se croisent des sensibilités différentes, plusieurs esthétiques et une diversité de public. Sous la direction de Diarah N’daw-Spech et Reinaldo Barroso-Spech, au fil des années le festival prend ses galons. L’évolution se lit à la fois par les nombres des films et des lieux proposés. Chaque année, la programmation s’élargit autant qu’elle gagne un nouveau bastion, un nouveau territoire. Au cinéma la Clef (75005) qui était le seul à « ouvrir » ses portes au FIFDA en 2012, se sont progressivement ajoutées les salles Etoiles Lilas, Le Brady, Le Comptoir général, et Le Lucernaire. Ce développement dans l’espace permet de créer plusieurs spots qui mettent en lumière la très riche activité cinématographique des Afriques. Croissance également pour le festival lui-même qui, selon la codirectrice Diarah N’daw-Spech, intéresse un public plus important, bénéficie d’une bonne couverture médiatique et arrive à fédérer plus de partenaires. Ainsi, le parcours de cette 4 è édition, traversant presque Paris, nous a mené dans 4 lieux à la découverte d’un cinéma vivant, ambitieux et très contemporain.
La soirée de lancement a eu lieu au Cinéma Etoile le vendredi 05 septembre. En ouverture, la première européenne de Freedom summer, le dernier film de Stanley Nelson, un réalisateur connu du Fifda. En 2012, sa précédente réalisation et pendante de l’actuelle, était déjà dans la programmation du Festival. Cette soirée co-organisée en partenariat avec l’Observatoire de la diversité et l’Ambassade des Etats-Unis en France a connu une participation active de l’Afrique des idées, dans le débat après la projection. Stanley Nelson (réalisateur) et Lareus Gangoueus (Afrique des idées) ont conversé avec Fulvio Caccia (modérateur/ Observatoire de la diversité) sur l’historique du film, son contenu et surtout son importance pour la jeunesse actuelle, pour les minorités en France et ailleurs. Dans ces prolongements, Awa Sacko publiera très prochainement un entretien avec Stanley Nelson dont le film (une présentation dans le dossier) a enthousiasmé le public venu nombreux.
Ce départ réussi augurait de la bonne tenue d’un festival qui, en dépit de la diversité des films proposés, gardait une grande cohérence. Le cycle migration-transmigration autour duquel gravitaient plusieurs films, pas forcément récents, était le noyau de la programmation. Le fait de faire se côtoyer des œuvres de différents âges est bien méritoire à plusieurs égards. Il permet de (re)découvrir des pièces du patrimoine cinématographique d’Afrique et de sa diaspora rappelle la trajectoire du septième art dans ces contrées tout en soulignant la permanence de certains questionnements. Tout ce qui a trait au départ, à l’exil, à la vie ailleurs est alors appréhendé dans un dynamisme entre le présent et le passé. Dynamique est aussi le changement de prisme : les allers retours entre la fiction et le documentaire sont un double éclairage qui permettent de saisir la complexité des phénomènes. Dans ce sens, Home again de Sudz Sutherland et Expulsés de Rachèle Magloire et Chantal Regnault sont deux faces de la même pièce. Ces films qui passaient pour la première fois en France, traitent autant de la difficulté du retour que de la citoyenneté instable de la diaspora africaine dans plusieurs pays occidentaux. L’un comme l’autre met l’accent sur l’absurdité des systèmes judicaires à l’égard des ces « migrants de l’intérieur » qui, pour la plus part, ont toujours vécu dans les pays qui les expulse, après qu’ils aient purgé une peine de prison pour un délit mineur.
Mais le Fifda c’est surtout l’Afrique avec laquelle l’équipe entretient des liens de travail à travers les festivals : elle se rend régulièrement au Fespaco et Diarah N’daw Spech a participé en tant que membre du jury au dernier festival de Durban. C’est aussi l’Afrique à l’écran dans toute sa diversité, dans sa contemporanéité. Et quoi de plus contemporain que les rues, celle de Douala ou celles encore plus tumultueuses de Kinshasa ? Trois films, trois regards (dynamisme et multiplicité de point de vue) nous ont fait vivre la pulsation kinoise à travers sa musique, ses contradictions. De la figure de Papa Wendo, l’immortel interprète de Marie-Louise, chanson récemment samplée par le jeune rappeur Alex Finkelstein, à Kinshasa la pieuvre du sculpteur Freddy Tsimba, nous avons ici aussi l’idée de transmission, la recherche de ce lien entre le passé, le présent et l’avenir.
Le festival s’est achevé avec la projection du documentaire de Dom Pedro dans lequel le cinéaste effectue une plongée dans les profondeurs du Tango et remonte à la surface l’africanité de cette musique.
Pour ceux qui auront raté l’un ou l’autre de ces films, le fifda assure travailler de concert avec les salles pour qu’ils soient reprogrammés tout en essayant de les rendre disponibles en DVD. En session rattrapage, il y a les ciné-clubs à Paris tout au long de l’année mais aussi l’équipe d’Afrique des idées. Claudia Soppo Ekambi, analysera pour nous le film W.A.K.A. de Françoise Ellong et Touhfat Mouhtare, en amatrice des (mé)tissages entreprendra une conversation avec Dom Pedro autour de son film, Les racines africaine du Tango.
L’Association Festival des Films de la Diaspora Africaine (FIFDA) a été établie à Paris en 2009 comme association de la loi de 1901. Elle a pour mission de présenter au plus grand nombre des films issus de l’Afrique et de sa diaspora et de renforcer le rôle des réalisateurs africains et d’origine africaine dans le cinéma mondial contemporain.
On pourra retrouver une présentation du FIFDA sur son site internet dédié. Mais si nous devions en parler, au niveau de l'Afrique des idées, nous vous encouragerions à parcourir les bandes-annonces des films à l'affiche de ce festival, de vous faire ainsi votre petite idée sur cette programmation, puis ensuite d'investire les salles sombres. La programmation offre des films très différents dans leurs formats, passant du documentaire à la fiction, du court-métrage au long-métrage. L'écclectisme de ces films s'exprime également par la diversité des lieux d'observation de cette diaspora : La RDC, le Cameroun, Haïti, la Jamaïque, les Etats Unis, l'Argentine, l'Allemagne, la France. La liste n'est pas exhaustive. Un thème : Migration – Transmigration. Une histoire revisitée aussi tel que le film de Stanley Nelson : Freedom summer qui revient sur l'été 1962, point culminant de la lutte des afro-américains pour leurs droits civiques.
L'occasion sera donnée au public de pouvoir échanger avec le réalisateur de ce film. Une oeuvre qui permet de mesurer les pas de géant que les Etats Unis ont réalisé en plaçant à la tête de cette fédération Barack Obama.
Les combats des africains-américains sont une illustration intéressante d'une communauté qui a survécu de multiples péripéties, tragédies et qui par des moyens culturels souvent à sû tenir la tête haute.
Et quand, parfois, la disparition de cette population déportée semble avoir été atteinte, les traces de l'Afrique dans le tango, par exemple, nous rappellent ces survivances si fortes d'une population hier exploitée, ostracisée et aujourd'hui disparue en Argentine.
Cependant, comme ce fut le cas l'an dernier, le FIFDA n'a pas pour vocation de faire dans le pathos et le misérabilisme. Ce sont des Afriques modernes qui sont proposées au regard du cinéphile, des films qui traitent de sujets souvent méconnus, d'êtres humains en mouvement constant confrontés aux problématiques de l'exil, celle de la clandestinité, celle du rapatriement forcé mais surtout, à la réalité des points de départ à la fois violente et ancrée dans une joie de vivre simplement.
Le crédo de ce festival est contenu dans les deux sentences des organisateurs :
Ouvrir la réflexion sur le vécu des personnes d’Afrique et d’origine africaine partout dans le monde
Diarah N'daw-Spech
Bâtir un pont avec une production audiovisuelle riche et variée pour enrichir le dialogue des cultures
Reinaldo Spech-Barroso
Toutes les informations sont disponibles sur le site du festival qui aura lieu sur Paris du vendredi 5 au dimanche 7 septembre 2014. Vous êtes attendus nombreux pour le film d'ouverture Freedom Summer ce vendredi 5 septembre 2014 à 20h, au cinéma Etoiles des Lilas.