Comment pouvons-nous lutter contre la corruption en changeant notre comportement?

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En tant que jeune marocaine souhaitant m'engager dans la vie publique de mon pays, je me pose quelques questions. Qu'est-ce qui m'empêcherait d'être une politicienne corrompue? Qu'est-ce qui pré-dispose des gens à être des leaders corrompus? Comment faire en sorte que les citoyens n'abusent pas de leur pouvoir à des fins personnelles? Je n'ai pas trouvé de réponse satisfaisante à ces questions mais ma mission de consultante pour le projet Transparency International au Niger* m'a permis d'obtenir quelques éléments de réponse. J'ai eu la chance d'interviewer Mme Salifou Fatima Bayèze qui est une des femmes les plus puissantes de ce pays. En tant que Présidente de la Cour constitutionnelle, son intégrité fait d'elle le symbole de l'état de droit. A la question “qu'est-ce qui vous fait résister à la corruption?”, elle répond: “mes valeurs”.

En effet, la lutte contre la corruption présente plusieurs aspects. Les actions des institutions et la volonté politique ont un rôle important dans cette lutte. Mais on a tendance à sous-estimer l'importance de la culture et des valeurs. Sans traiter des politiques et des mécanismes de lutte contre la corruption menés par les institutions, nous verrons comment le système de valeurs est un outil qui permet de lutter contre ce fléau. L'organisation Transparency International et l'Association Nigérienne pour la lutte contre la corruption (ANLC) ont adopté des pratiques efficaces pour encourager la transparence et le mérite dans le système de valeurs actuel.

L'ANLC: la section de Transparency International au Niger

L'ANLC joue un rôle clé dans la société nigérienne en luttant contre un fléau qui touche tout le pays, la corruption. Depuis sa création en 2001, l'ANLC encourage la mise en oeuvre de réformes pour garantir la transparence dans la gestion privée et publique des transactions aux niveaux national et international. Une autre mission importante de l'ANLC est d'impliquer les citoyens directement dans la dénonciation des actes et la lutte contre la fraude.

En 2010, le Centre d'assistance juridique et d'action citoyenne de l'ANLC a été créé pour rendre la lutte contre la corruption plus efficace en impliquant les citoyens directement dans le processus. En ce sens, l'association a mis en place une série d'activités comme des rencontres, des campagnes de sensibilisation du public, des conférences universitaires, des ateliers de travail et de formation de jeunes, de femmes, de juges et d'élus et la publication d'études et de rapports.

La lutte contre la corruption nécessite des changements de fond au niveau des comportements et des institutions.

L'ANLC tente de lutter contre les corruptions à toutes les échelles, qu'elles soient petites, grandes ou systémiques.

Au niveau local, l'ANLC joue un rôle clé dans la renégociation des contrats avec les entreprises étrangères et dans la mise en place des pétitions et des campagnes de sensibilisation. L'association dirige aussi des missions d'inspection dans les grandes industries. Les citoyens nigériens savent que le corruption fait partie de la structure même du système. La plupart des personnes interrogées ont dit que la corruption est principalement liée à l'industrie extractive. En effet, il y a un grand décalage entre les ressources naturelles extraites au Niger (comme l'uranium, le pétrole, l'or, les ressources agricoles) et le développement humain. Le Niger est classé à la dernière place par l'indicateur de développement humain**. Les Nigériens savent que les grandes sociétés étrangères exploitent les ressources du pays en complicité avec l'élite politique corrompue.

Et pourtant, l'ANLC rejette l'attentisme et met en oeuvre des mesures pour promouvoir des changements au niveau des institutions et de notre comportement. L'association appelle les citoyens à promouvoir le changement et représente les valeurs d'intégrité pour l'avenir du pays. Elle déploie des efforts conséquents pour impliquer les citoyens dans cette démarche en les encourageant à contrôler, condamner et dénoncer toute tentative de corruption à travers un système de valeurs.

5 pratiques pour impliquer les citoyens

L'ANLC adopte 5 principes fondamentaux.

1 – L'Autonomie

Le principe d'autonomie est au coeur du Centre d'assistance juridique et d'action citoyenne (ALAC). Le rôle de cette organisation est d'informer et d'aider les citoyens à lutter contre la corruption. L'objectif n'est pas de remplacer les efforts des citoyens mais de mettre à leur disposition des moyens juridiques pour les guider et les conseiller. L'association a mis en place une ligne d'Assistance Juridique Directe (le 7777) par laquelle les personnes peuvent déposer leur plainte anonymement. En plus de cela, elle reste en contact avec le public à travers les moyens de communication traditionnels et modernes comme les discours sur la place publique, la radio et les annonces télévisuelles. A travers la musique, le théâtre et les arts, elle promeut la transparence auprès des jeunes.

2- L'Intégration

L'ANLC organise régulièrement des campagnes de sensibilisation dans les zones rurales. J'ai eu l'opportunité de participer à 6 missions de terrain dans les communes rurales et je pense que ce sont les activités les plus intenses et les plus puissantes de l'organisation. Ces visites sont très importantes car elles allient participation et intégration.

L'ANLC fait participer les acteurs traditionnels comme les chefs religieux qui ont une influence sur l'éducation. Les chefs de village ont un rôle majeur dans la mobilisation des habitants. Les chefs religieux utilisent les principes religieux (Hadiths, Coran et Sunna) pour soutenir l'ANLC et promouvoir l'honnêteté, la transparence et la justice. De plus, ils encouragent les citoyens à dénoncer, rejeter et condamner des actes de corruption sur la base des principes religieux.

En outre, les campagnes de sensibilisation ciblent particulièrement les femmes et les jeunes. L'ALAC a mené à bien ses stratégies de communication en se basant sur des considérations de genre et de classes sociales. En effet, les femmes sont directement impliquées dans ces campagnes. Les femmes arrivent à bien s'organiser dans ces structures et relaient ce qu'elles apprennent au sein de leur famille. Elles sont “les enseignantes morales” de leur famille.

Les campagnes de sensibilisation ne sont pas organisées de manière unilatérale. Au contraire, les citoyens s'engagent dans des échanges interactifs. Ils sont encouragés à définir la corruption, à donner des exemples, partager leur expérience, identifier les causes des problèmes et chercher des solutions. Leurs témoignages sont d'une importance cruciale pour les participants. Ils sont encouragés à parler ouvertement de la corruption en donnant des exemples concrets.

3- La Responsabilité

Transparency International encourage les citoyens à prendre conscience de leur rôle et de leur responsabilité et à ne pas être des victimes passives de la corruption. Les animateurs ciblent directement les pratiques néfastes des citoyens: “Vous voulez que l'Etat fasse quelque chose. Mais qu'avez-vous fait pour l'Etat?” (facilitateur de Transparency International lors d'une campagne de sensibilisation). Ils soutiennent que les petits actes de corruption profitent aux personnes et appauvrissent l'Etat qui, en conséquence, ne peut pas agir en faveur des citoyens.

De ce fait, les nigériens doivent prendre conscience de leur statut de citoyen qui implique des devoirs dont le respect de la loi. Par exemple, les faciliateurs de l'ANLC ont souligné que le fait de vendre ses votes pendant les élections libèrent les leaders politique de toute forme de redevabilité. De ce fait, le changement doit commencer au niveau des citoyens eux-mêmes.

4- Un Modèle Positif

Les facilitateurs ont donné des exemples de personnes qui ont dénoncé et lutté contre la corruption. Ces exemples positifs permettent de rejeter l'attitude défaitiste et les contre-modèles qui réussissent par des moyens déloyaux. Le parcours de Mme Salifou Fatimata, ancienne présidente de la cour constitutionnelle qui a résisté à la corruption et l'intimidation est vu comme un symbole de réussite. Selon M. Nouhou, secrétaire de Transparency International au Niger, “au début de sa carrière, un homme a tenté de la corrompre. Mais elle l'a mis en prison et après cela, personne n'a osé la corrompre. Donc, cela prouve que c'est possible.” L'ANLC insiste qu'il faut saluer les bons exemples.

5- Délégation

L'ANLC termine ses campagnes de sensibilisation en créant un club anti-corruption qui sont des antennes locales de l'ANLC permettant d'assurer la pérennité de la sensibilisation.

Le bureau des clubs anti-corruption est élu par les participants locaux le jour de la campagne de sensibilisation. Ils sont formés ultérieurement à informer et aider les habitants à dénoncer et lutter contre la corruption. Il est intéressant de constater que la majorité des membres du bureau de ces clubs sont des femmes, contrairement aux idées reçues que l'on peut avoir du Niger et d'autres pays de la région.

Je ne cherche pas ici, à sous-estimer l'importance cruciale des politiques et des mécanismes de lutte contre la corruption déployées par les institutions. J'ai voulu traiter la question à travers une perspective locale. J'estime que les leaders et les habitants que j'ai interviewés apportent des réponses que nous ne pouvons ignorer. La “crise des valeurs” est un des facteurs du développement de la corruption. Mais les lois seules ne pourront pas arrêter la corruption. Il faut éveiller les consciences et promouvoir des normes positives au sein de la société.

Traduit par Bushra Kadir

* Je faisais partie des six étudiants de l'Ecole des Affaires Publiques et Internationales de l'Université de Columbia qui ont été choisis pour travailler sur le projet Genres et Corruption. La mission a duré 7 mois (de novembre 2013 à mai 2014) avec des missions au Niger et au Zimbabwe.

** Le Niger a l'Indice de Développement Humain le plus bas dans le monde (0,337).

 

How can behavioral change support the fight against corruption?

 

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As a young Moroccan woman who aspires to participate in the management of public affairs in my own country, I often wondered: what would prevent me from becoming a corrupt political leader? What pre-disposes so many transparent young individuals to become corruptible decision-makers? How to ensure that citizens will not abuse entrusted power for private gain? I could not obtain a complete and satisfying answer to these questions. However, my engagement in a consultancy project with Transparency International[1] gave me some elements of answer. It is particularly during my visit to Niger that I got the most insightful perspective. Indeed, I got the chance to interview Mrs. Salifou Fatimata Bazèye; one of the most powerful women in the country. In addition to her achievements as the president of the Constitutional Court, her integrity made her an icon for the promotion of rule of law. When I asked her: What made you resist to corruption? She answered: My values.

Indeed, the fight against corruption is a multidimensional process. If institutional capacity and political will are indispensable to prevent and combat corruption, we often tend to underestimate the role of culture and values. In this post, I have decided to bypass -indispensable- institution-building mechanisms and anti- corruption policies, and rather shed light on system of values as both an asset and a tool in the fight against corruption. Therefore, I will share some of the best practices adopted by Transparency International (TI) and its Nigerien chapter, the Nigerian Association for the Fight against Corruption (ANLC), in its effort to highlight transparency and merit within the existing system of values.

The ALNC: the Transparency International chapter in Niger

The ANLC plays a key role in the Nigerian civil society. It is the driving force behind national efforts to fight corruption, which is endemic in the country. Ever since its creation in 2001, the ANLC promotes reforms in favor of transparency in public and private management as well as transparency in national and international transactions. However, one of the most important dimensions of the ALNC is its activities that directly engage citizens to report and fight fraud.

In 2010, the Advocacy and Legal Advice Center within the ALNC was established with the rationale that the fight against corruption would be more effective if ordinary citizens were engaged in reporting. In that sense, the association has conducted panoply of activities including meeting and exchanges; public awareness campaigns; conferences in universities; workshops and trainings targeting youth, women, judges and elected officials; as well as the publication of studies and reports.

The fight against corruption requires both institutional and behavioral change

Hence, the ANLC attempts to tackle corruption at all scales; thereby addressing petty, grand, and systemic corruptions.

At the macro-level, it plays a key role in supporting national efforts to renegotiate exploitation contracts with foreign companies. It initiated petitions and campaigns. It also spearheads inspection missions in major industries. Even Nigerien citizens are well aware that corruption is intrinsically structural and mainly linked to systemic causes. The majority of locals I interviewed emphasized that the heart of corruption lies in the extractive industry. Referring to the big gap between Niger's natural endowment (uranium, oil, gold, vast land) and its poor human development (ranked at the bottom of the Human Development Index[2]), most Nigeriens are aware that the  terms of exploitation by foreign companies and the complicit acceptance of a corrupt political elite are the root causes that shape corruption in the country.

Nonetheless, the ANLC rejects “the wait and see attitude”, and undertakes measures that promote both institutional and behavioral change. It calls for citizens to promote change, but also to embody the values of integrity that they foresee for their country. The association deploys considerable effort to involve citizens. It aims to activate a system of values that encourages the people to control, condemn, and reject corrupt acts in all aspects of life.

Five best practices in engaging citizens

In that sense, the ALNC adopts five key principles:

1- Autonomy

The ALAC embraces the principle of “autonomization”. Its role is to inform, assist, and build citizens’ capacity to counter corruption. It does not aim to create a relation of dependency and refuses to substitute for the individuals. It rather provides citizens with juridical tools, instruments, and guidance. That includes Direct Juridical Assistance through a hot line “7777” (to foster anonymity) and through in-person complaint reception.

In addition, it mobilizes traditional and modern media such as public speak-outs, radio and television commercials to reach out to the public. It also relies on music, theater, and arts to appeal to youth and promote transparent behavior among them.

2- Inclusiveness

Furthermore, the ALNC staff organizes regular awareness campaigns in rural areas. I had the chance to participate in six field missions in rural communes, and I personally think that these are the most intense and powerful activities for the organization. In fact, these visits are impactful because they are both participatory and inclusive.

First, the ANLC integrates traditional actors and capitalizes on their educational influence. For instance, religious and traditional leaders are integrated as partners. On the one hand, chiefs of villages often play a key role in mobilizing the locals and maximizing their attendance. On the other hand, religious leaders use religious references (such as Hadiths, Quran, and Sunna) to support the ALNC’s promotion of honesty, transparency, and justice; and do even encourage citizens to report, reject, and condemn corrupt acts; as part of religious practices.

Moreover, sensitization campaigns particularly target women’s groups and youth. The ALAC's outreach strategies have been effective thanks to its gender and social considerations. Indeed, women are included –and often the major targets- of the campaign. Not only do women tend to be well organized in these structures, but they also have a spillover effect. Women’s educational role within families is leveraged by the organization; thereby aiming to capitalize on their role of “moral teachers”.

Second, awareness campaigns are not organized in a unilateral and one-way conversation. On the contrary, the locals are engaged in interactive discussions.  They are invited to define corruption, give examples, share their experiences, identify causes and find potential solutions. There personal testimonies and analyses are eye opening for participants. They are encouraged to think of corruption and directly identify with concrete examples.

3- Responsibility

TI staff encourages consciousness of the role and responsibility of the citizens. Breaking away from the discourse of passive victims, the facilitators directly point to the harmful practices of citizens: “You want the state to deliver, but what do you do for the state?” (TI facilitator, during sensitization campaign). They stress that petty corruption benefits to individuals and impoverishes the state; which consequently is less able to deliver for the citizens.

Hence, Nigeriens—women and men—are called to understand themselves as real citizens; thereby, comply with the law and respect their obligations. As an example, the ANLC facilitators highlight how the act of selling one's votes during political elections frees political leaders from any accountability. Thus, they call for a commitment of citizens at the grass-root. The power of change is put within the citizens.

4- Role Modeling

The facilitators also give positive examples of people who denounce and fight corruption. These successful cases are emphasized in order to fight defeatism and reject counter-models of people who succeed through dishonest means. For instance, the case of Mrs. Salifou Fatimata, ex-president of the constitutional court, who resisted to corruption and intimidation, is raised as a success story:  “At the beginning of her career, a man attempted to corrupt her. She sent him to jail. After that no one approached her and attempted to corrupt her. So, it is possible! “(Mr. Nouhou, secretary of TI in Niger). The ALNC asserts the need to celebrate the right examples.

5- Delegation

Last but not least, the ALNC ends every sensitization campaign with the creation of local anti-corruption clubs. These are community-based entities and local branches of the ALNC that ensures the durability of the sensitization campaign.

The boards of the anti-corruption clubs are elected by the local participants the day of the sensitization campaign. Later, they are trained to inform and assist locals in their reporting and fight against corruption. Interestingly, women do often dominate in terms of seats, which might challenge many assumptions with regard to Niger and other countries in the region.

Conclusion

To conclude, this short post does not aim to undermine the crucial importance of policies and institutional anti-corruption mechanisms. It rather aims to voice a local perspective on the question. Indeed, I consider that the leaders and locals I interviewed are pointing to a direction we should not neglect. What they refer to as “a crisis of values” is a deep factor in the spread of corruption. Thus the fight against corruption cannot be won through laws alone, it requires us to raise awareness and re-activate positive norms within society.

Lamia Bazir


[1]    I was one of the six students from the School of International and Public Affairs (Columbia University) who were selected to work on a project on Gender and Corruption. The consultancy lasted for a period of seven months (Nov. 2013 to May 2014). It involved field visits in Niger and Zimbabwe.

 

[2]    Niger was the country with the lowest Human Development Index in the world  in 2014 (0,337) 

 

Maroc : défis et opportunités d’une nouvelle Constitution

Le Maroc n'a pas fait l'exception de ce printemps arabe, mais il s'est clairement distingué des autres pays. Si les monarchies ont été largement épargnées par les révolutions et les instabilités, elles ont tout de même été touchées par le vent de reformes. Ce printemps arabe a été l'occasion de repenser les systèmes politiques, cerner les pouvoirs monarchiques, et redéfinir les relations entre peuples et gouvernants. Ce processus de définition, de conditionnement, et de renouvellement s'est particulièrement bien déroulé au Maroc. Il s'est non seulement fait dans un dialogue globalement pacifique, mais il a aboutit à des réformes plus avancées que les autres monarchies.
La constitutionnalisation de la monarchie marocaine est une avancée en soi. Mais il faudra que les partis politiques s'inscrivent également dans ce processus de questionnement, de réformes, et de renouvellement àfin d'être à la hauteur des défis qu'impose la constitution et des opportunités qu'elle offre.

La Réforme sera vidée de son sens s'il n'y a pas de Révolution au sein des partis

La nouvelle Constitution du Maroc (approuvée par 98.5% des votants au referendum national tenu le 1er juillet) n'en fait pas un modèle de monarchie parlementaire tel qu'on le voit en Europe où "le roi règne mais ne gouverne pas". Le roi a gardé son poids dans tous les pouvoirs, mais ses prérogatives ont été constitutionnalisées, définies, et donc limitées. Le renforcement du rôle du Parlement et des prérogatives du chef de gouvernement consacre un espace essentiel à la volonté populaire. Je considère globalement que cette sixième constitution est une avancée pour la simple raison qu'il y a un potentiel et que cela dépend à la fois des partis politiques et des citoyens: jusqu'à quel degré pourront-ils assurer une autonomie de la vie politique?

Comme de nombreux sympathisants du mouvement du 20 février, je suis sceptique. Mais je reste plutôt optimiste. Si certains craignent que la monarchie monopolise le système politique et les pouvoirs, je pense qu'elle peut se contenir au rôle d'arbitrage, sous certaines conditions. Le jeu d’équilibre peut être maintenu si la classe politique relève le défi. Et cela inclut la nécessité d'avoir une véritable opposition, un contre-pouvoir, et des citoyens engagés dans la vie politique pour pouvoir jouer pleinement des cartes en leur faveur. Si les partis se renouvellent, gagnent en indépendance en audace et en vision, ils auront plus de chance d'autonomiser la vie politique. S'ils se contentent d’être des exécutants, vieillissants, sans proposition ni innovation, ils continueront alors à porter le titre de « gouvernants » de la façon insatisfaisante avec laquelle ils le font. Dans ce cas, les réformes n'auront rien résolu. Elles détruiront au contraire tout espoir démocratique, toute confiance en la politique et ses hommes.

Impulsion populaire: Changement de paradigme

La nouvelle constitution a un potentiel. C'est, selon moi, de la base et donc du peuple que doit venir l'impulsion pour activer ces réformes et leur donner leur sens démocratique. Cette impulsion populaire devra effectuer une première rupture avec l'attentisme. Il faudra passer du statut de passif à actif, transformer le front d'opposition en force de proposition et d'action. Si le mouvement du 20 février continuait à perdre du souffle, je souhaiterais que les choses ne redeviennent plus jamais ce qu'elles étaient, que le citoyen prenne conscience de ses devoirs mais aussi de ses droits et de son pouvoir, et comme ce mouvement l'a fait à l’échelle national, je souhaite que tous nos citoyens aient le courage de dénoncer la corruption, les détournements de fonds, et le clientélisme au niveau local.

Ce travail de contestation est nécessaire, mais encore faut-il ne pas aliéner et abstraire le citoyen du système. Le citoyen devra non seulement reconnaître son pouvoir à mettre fin à de telles défaillances, mais devra aussi s'identifier en tant que cause à la survivance de ces pratiques archaïques. Si les élections ont porté au pouvoir local ou national des personnes corrompues, il faut rendre compte de la responsabilité des électeurs qui les ont élus. C'est tout le processus -avec tous ses acteurs- qu'il faut interroger, et non pas se réduire à ses effets. Il y a deux attitudes qui tuent tout espoir démocratique et qui font perdre aux Marocains confiance dans le jeu démocratique. La corruption en est l'effet ressortant, le clientélisme et l'abstention en sont les causes mortelles. Si une grande partie des Marocains continue à croire qu' ils ne sont pas prêts pour la démocratie, c'est parce qu'ils ne font pas confiance à ceux qui sont censés les représenter, ceux qu'ils considèrent -souvent à juste titre- comme des incompétents corrompus et portés par l’intérêt personnel et l'insouciance pour la chose publique. Ce qu'ils oublient pourtant, c'est que ces « incompétents » ce sont eux qui les ont- directement ou indirectement -élu soit en votant pour eux soit en s'abstenant et favorisant leur passage aux conseils locaux ou au Parlement.

C'est donc un problème de l'ordre de la conscience politique et de la responsabilité. Je n'exclus pas que certains s'abstiennent consciemment au processus électoral par perte de confiance ou non adhésion au système. Mais cette abstention consciente nous coûte très cher. C'est pour cela que j'ai parlé de conscience politique mais aussi de responsabilité, l'abstention ayant des répercussions graves il faudrait aussi que ceux qui s’abstiennent consciemment prennent conscience des effets de la dite abstention. Prendre ses responsabilités de citoyens revient non seulement à porter de l’intérêt à la gestion de nos affaires publiques, mais à y avoir un poids. Et cela commence par s'inscrire aux listes électorales, voter aux élections, rompre avec des pratiques inefficaces et nuisibles -notamment vendre ses voix le jour du vote-, s'engager et se réapproprier des partis politiques qui ont perdu leur crédibilité et leur rôle existentiel. Ce sont les conditions sinéquanones qui pourront nous assurer que nos parlementaires sont compétents progressistes et audacieux, que le premier ministre a l'envergure politique requise, qu'une véritable opposition s'affirme.. et que la page de contestation ne tourne pas.

Le « Makhzen » c'est nous…

Nous devons donc rompre avec l'attentisme, changer de paradigme, et faire du citoyen le sujet actif du changement . Tout l'effort, tout le changement ne doit pas venir que du régime, ce que certains appellent « le Makhzen » parce que le Makhzen c'est nous, nous qui le faisons, nous qui l'asseyons. Nous assumons une part de responsabilité dans ce qui nous arrive, et si nous voulons nous démocratiser c'est a nous de le faire. Je le répète, je ne soustrais pas le citoyen du système. Ce ne sont ni le "régime" ni des "illuminés" qui feront ce travail pour les citoyens, ils devront eux mêmes aller à son encontre en jouant des variables dont ils disposent, à savoir un Parlement.  

Lamia Bazir

« Il faut passer du paradigme de l’étudiant assisté à celui de l’étudiant engagé : c’est cela l’avenir de l’Afrique. » Interview avec le Professeur Bonaventure MVE ONDO

Le Professeur Bonaventure MVE-ONDO est  né en 1951 au Gabon. Philosophe, il est actuellement l'un des Vice-recteurs de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF). Depuis 2009, cet ancien Recteur de l’université de Libreville, particulièrement engagé pour le développement de l’enseignement supérieur en Afrique, dirige l’Institut Panafricain de la Gouvernance Universitaire (IPAGU). Le Professeur Bonaventure MVE-ONDO a reçu les rédacteurs de Terangaweb, Nicolas Simel Ndiaye et Lamia Bazir, dans son bureau parisien pour cette interview.

Vous êtes Vice-recteur de l’Agence Universitaire de la Francophonie, pouvez-vous nous présenter le long parcours qui vous a mené jusqu’à ce poste ?

Cela a été un parcours long et difficile car il s'agit au fond du parcours de toute une vie d'études, de recherche, d'enseignement et de gestion d'institutions d'enseignement supérieur. Après avoir fait mes études en Afrique, notamment à Oyem et à Libreville au Gabon, j’ai ensuite poursuivi ma formation à l’université de Bordeaux 3 où j’ai passé tous mes diplômes universitaires, dont une thèse pour le doctorat de 3ème cycle en philosophie et une thèse pour le doctorat ès Lettres. Parallèlement, j’ai été assistant en philosophie à la faculté de Bordeaux avant d'enseigner pendant 15 ans à la faculté des lettres et sciences humaines de Libreville la logique mathématique, l’histoire de la philosophie et la métaphysique.

Tout en assumant cette mission, j’ai été appelé à diriger l’Institut de recherche en sciences humaines du Gabon. J’ai ensuite été nommé doyen de la faculté des Lettres de l’université de Libreville, puis vice-recteur de l’université, avant de diriger l’université en tant que recteur au début des années 1990. Cette période était du reste particulièrement difficile pour l’enseignement supérieur en Afrique pour trois raisons principales. D'abord, nous vivions les années de la démocratisation politique, marquées par le passage d’une logique de parti unique à celle de multipartisme avec une culture de la démocratie qui n’était pas encore vraiment implantée chez les différents acteurs de la vie universitaire. Ensuite, l’enseignement supérieur subissait le choc des plans d’ajustement structurel imposés alors par les bailleurs de fonds. Enfin, les universités traversaient une crise de croissance et d'identité. Elles commençaient à s'interroger sur leurs missions et leur rôle dans la société.

A la fin de mon mandat de recteur qui a duré quatre ans, j’ai été nommé conseiller de Président de la république du Gabon avant d’aller diriger à Dakar, à partir d’octobre 1994, le bureau régional d’Afrique de l’Ouest de l’Agence Universitaire de la Francophonie.

Quelles ont été vos principales lignes d’action en tant que Directeur du bureau régional d’Afrique de l’Ouest ?

Arrivé à Dakar, le constat était simple: plus on s’éloignait de Dakar, siège du Bureau régional pour toute l'Afrique, moins la présence de l'AUF était perceptible. Nous avons donc appuyé la création d’autres bureaux régionaux et c’est ainsi que, dès 1995, l'Agence a ouvert le bureau de Yaoundé. Le but était notamment de se rapprocher davantage de l'ensemble des universités membres d’autant que cette période constituait une phase majeure durant laquelle les Etats ont commencé à créer de plus en plus d’universités. En 1993 par exemple, au Cameroun l’Etat a créé cinq nouvelles universités pour faire face à l'explosion de la démographie étudiante. Tout cela sans compter le début de création des établissements d'enseignement supérieur privés.

Nous avons ensuite déployé les programmes de l’Agence dont notamment celui des campus numériques francophones qui sont des plateaux techniques localisés au sein des universités et équipés d’une centaine d’ordinateurs. Ces centres constituent des bibliothèques virtuelles avec l'accès à des bases de données scientifiques constamment réactualisées qui permettent de faire face aux difficultés d’accès aux informations scientifiques et techniques auxquels sont souvent confrontés étudiants et enseignants. Ces plateformes permettent également de mettre en place des e-formations à distance entre des universités partenaires du réseau alors même que les universités en Afrique n’offraient pour l’essentiel que des formations classiques et pas toujours innovantes. Les campus numériques constituent aussi des lieux dans lesquels les enseignants peuvent produire du savoir scientifique et des connaissances (revues virtuelles) accessibles à des étudiants du monde entier. On peut également y effectuer des soutenances de mémoire ou de thèse à distance. Ces campus numériques sont donc de véritables outils de décloisonnement de l’enseignement supérieur.

L'Agence a mis en place des pôles d’excellence en Afrique de l’ouest pour réduire l’isolement des étudiants et enseignants d’une part et d’autre part pour consolider les équipes de recherche, leur donner une dimension régionale en leur apportant des moyens complémentaires. Il existe ainsi à Dakar un pôle d’excellence sur l’esclavage où convergent  toutes les études et qui est devenu une référence internationale dans  ce domaine. A Bamako se trouve également un pole d’excellence sur le paludisme réunissant près de 130 chercheurs dont la moitié issus de pays d’Afrique et l’autre moitié des meilleures universités du monde comme Harvard. Les chercheurs de ce pôle d’excellence publient chaque année une trentaine d’articles de qualité dans les revues scientifiques de tout premier plan tels que Science et Nature. L'Agence a aussi déployé des projets de coopération scientifique interuniversitaire qui ont permis d'aider des générations de chercheurs, de valoriser leurs compétences dans une dynamique régionale et internationale.

Il est évident que ces partenariats du savoir ont changé le regard des bailleurs de fonds sur l’enseignement supérieur en Afrique, ce qui a permis à l’AUF de renforcer sa notoriété et sa légitimité à être un acteur majeur dans le développement de l'enseignement supérieur en Afrique.

Après 10 ans à Dakar, vous avez été promu à votre poste actuel de Vice-recteur de l’AUF. Quels sont les missions de l’AUF et les principaux axes sur lesquels l’Agence travaille aujourd’hui?

L’AUF est à la fois une association et un opérateur de la Francophonie. Dans sa nature associative, elle a été fondée à Montréal le 13 septembre 1961. Elle fête cette année ses 50 ans. A l'époque de sa création, le contexte de décolonisation organisait la coopération autour des relations nord sud. L'AUF, dans sa construction, n'est jamais apparue comme une association néocoloniale ou une association d'universités riches contre les universités pauvres. Elle a été créée et organisée, aussi bien dans sa gouvernance que dans sa logique d’actions, autour des principes de solidarité et d'excellence. Elle s'est engagée à créer des liens entre ses universités membres, à les structurer et à les aider en prenant en compte leurs complémentarités.

La plupart des universités africaines ont été créées dans les années 1970 avec des corps enseignants en nombre insuffisant. L’AUF a donc encouragé une logique de mutualisation dans laquelle les universités dont le corps enseignant était suffisamment étoffé partageaient des enseignants avec celles qui en étaient moins pourvues. Cette mutualisation n’était pas une relation d’assistance mais plutôt une relation de coopération tripartite dans laquelle aussi bien l’AUF, l’université demandeuse que celle qui fournissait le professeur participaient financièrement au projet. Cela donne un autre état de coopération qui ne s’inscrit pas dans une logique d’assistance ou de subordination et dont l’intérêt est d’amener tous les acteurs à s’engager dans un processus commun.

L’AUF travaille aussi à l’amélioration de la gouvernance dans les universités ?

Oui, et dans ce domaine, on comprendra que les enjeux sont là aussi très importants pour les universités africaines. Aujourd’hui gouverner une université est devenu un métier complexe auquel aucun enseignant n'est préparé. On s'aperçoit de plus en plus aujourd'hui que le métier ne prépare pas à celui de dirigeant d'un établissement d'enseignement supérieur. Il s’agit de métiers complètement différents et le fait d’être un bon professeur ne signifie pas qu’on sera un bon recteur. Le travail qu’on demande aujourd’hui à un Président d’université consiste à diriger une communauté, à engager son université dans le développement local, à discuter avec des organismes internationaux, des bailleurs de fond et enfin à conseiller les responsables politiques sur les politiques à adopter pour l’enseignement supérieur. A cela s’ajoute aussi la prise en compte des changements inhérents à tout établissement d'enseignement supérieur. On se rend donc bien compte que les attentes des autorités universitaires sont complètement différentes de celles qu’on pouvait avoir dans le passé. Depuis 2001, les acteurs de la gouvernance universitaire ont demandé à l’AUF et à ses autres instances, des actions de formations spécifiques adaptées pour des jeunes recteurs.

A ce propos, depuis juillet 2009, vous dirigez pour l’AUF l’Institut Panafricain de la Gouvernance Universitaire basée à Yaoundé? De quoi s’agit-il exactement ?

En 2003, l’AUF a monté un programme qui permet d’amener les acteurs de la gouvernance universitaire en Afrique à réfléchir sur les grandes questions liées à l’évolution de leur métier. Ces questions devenant de plus en plus techniques et stratégiques, nous avons ensuite jugé opportun de créer l’Institut Panafricain de la Gouvernance Universitaire (IPAGU), officiellement inauguré le 15 juin 2010. Il a été créé en 2009 en partenariat avec l'ACU. Cet institut est panafricain dans la mesure où il ne réunit pas seulement les universités francophones mais inclut aussi des universités anglophones. Il est localisé au Cameroun – pays qui a la particularité d’être bilingue – au sein de l’université de Yaoundé 2, dans les locaux de l’Atrium Senghor.

Dès sa création, l’Institut a commencé par lancer une large enquête auprès des 260 établissements d’enseignement supérieur d’Afrique afin de mieux comprendre les schémas et pratiques de gouvernance dans l’ensemble de leurs institutions universitaires. Les résultats sont à la fois pertinents et pratiques. Cette enquête a montré que globalement la gouvernance universitaire en Afrique a une histoire qu’il était facile d’appréhender en fonction du système des anciens pays colonisateurs. Aujourd’hui en revanche, la pratique de gouvernance s’est localisée géographiquement, c'est-à-dire que les universités d’Afrique de l’ouest ont quasiment les mêmes modes qui sont différents de ceux d’Afrique centrale, eux mêmes différents de ceux d’Afrique australe. Il est donc particulièrement important de comprendre et de définir la gouvernance de l’enseignement supérieur qui touche le cadre juridique, les formations, l’organisation, les acteurs, les missions de l’université, son rôle par rapport au développement de la société avant d'apporter des moyens et des appuis.

Et sur quoi repose essentiellement cette nouvelle gouvernance que vous cherchez à promouvoir ?

L'IPAGU n'a pas de posture idéologique. Il s’agit maintenant de donner à l’université un autre souffle en s’appuyant sur deux concepts : la responsabilité et l’imputabilité. Il faut que l’université et l’ensemble de ces acteurs soient plus responsables, que les enseignants et les étudiants changent de posture. Tout est possible même si en même temps les choses évoluent et que les établissements souhaitent bénéficier de plus d'autonomie, de plus de responsabilité et soient capables de rendre des comptes à la société. Il faut qu'elles acceptent d'évoluer de la formation pour la formation à des formations professionnelles et tournées sur le développement concret.

Il s’agit aussi d’inscrire la culture d’évaluation au cœur de l’université. Notre Institut va mettre en place deux produits particulièrement utiles : le guide de présidents, recteurs et doyens d’université ainsi que le manuel d’évaluation qui constitue une sorte de check up. Pour nous, le plus implorant est d’amener les universités à s’inscrire dans ce processus.

Par ailleurs l’Institut réalise, à la demande des Etats et des universités, des études d’évaluation de la gouvernance universitaire et d’accompagnement pour une amélioration des pratiques de gouvernance. C’est ainsi que nous en avons réalisé une étude d’évaluation de la gouvernance universitaire au  Mali.

Dans le cadre de ce projet, un de vos principaux défis consiste à faire des universités africaines de vrais acteurs de développement. Comment vous y prenez vous concrètement ?

Au sortir des indépendances, les pays africains avaient besoin de former des agents administratifs et des cadres techniciens scientifiques. Aujourd’hui, on demande aux universités de se moderniser et de devenir des lieux d’innovation et de création qui constituent des leviers majeurs. Il faut donc créer des logiques qui permettent d’aller dans ce sens alors même que de telles réformes ne sont ni populaires ni affichables au maximum. C’est cela qui explique que les universités soient écartelées entre deux tendances : donner aux étudiants l’ensemble des outils pour s’adapter à l’innovation et donner à ceux qui le souhaitent des structures qui les aident à concrétiser leurs projets. Il faut convaincre les acteurs à faire confiance aux jeunes qui présentent des projets innovants et adaptés aux besoins locaux. C’est aussi pour cela que le nouveau talent demandé aux recteurs inclut aussi l’aptitude à convaincre les autres acteurs car l’université n’est pas seulement un client mais un partenaire.

Et en matière de perspectives, comment appréhendez-vous l’avenir de l’éducation supérieure en Afrique ?

Nous sommes aujourd’hui dans une phase dans laquelle les universités africaines ont parfaitement compris tous ces enjeux. On constate de plus en plus que les états d’esprit ont changé et pas seulement au niveau des responsables des universités mais aussi au niveau des étudiants qui s’engagent dans leur rôle social et il faut que cet engagement soit valorisé par les responsables universitaires. En guise de viatique pour l'avenir, je souhaite que l'on passe du paradigme de l’étudiant assisté à celui de l’étudiant engagé : c’est cela l’avenir de l’Afrique. Nos étudiants doivent être responsables, engagés et fiers d’être au service du développement de leurs pays. C'est cela que je souhaite ardemment pour notre système d'enseignement supérieur. L'université doit plus que jamais devenir un lieu où l'intelligence attire l'intelligence.

Interview réalisée par Nicolas Simel Ndiaye et Lamia Bazir