En relisant le Hors-série L’état de l’Afrique 2011 publié par le magazine Jeune Afrique, une question qui me taraude l’esprit depuis quelque temps refit surface: nous, jeunes étudiants africains en France, au Afrique ou ailleurs, anticipons-nous suffisamment l’émergence (surtout économique) de l’Afrique dans les années à venir? Est-ce que notre projet professionnel est en adéquation avec les besoins dans les moyen et long termes du continent africain et/ou de nos pays respectifs ? Deux raisons principales guident mon interrogation à ce propos.
Comme on peut le constater dans le magazine, les grandes multinationales ont bien compris l’adage selon lequel « c’est en temps de paix qu’on prépare la guerre ». Cela se manifeste par leurs grands investissements dans presque tous les pans de l’économie africaine. De la grande distribution avec l’acquisition récente du sud-africain Massmart par le géant américain Wallmart, dans le BTP avec le français Eiffage au Sénégal, dans les mines avec l’australien BHP- Billiton en Guinée et dernièrement au Gabon, en passant dans l’alimentaire avec Nestlé, Danone et Coca-Cola pour terminer dans la finance avec l’implantation future de la banque américaine JP Morgan au Ghana.
On constate ainsi que le savoir-faire africain, à quelques exceptions près, manque largement à l’appel de la construction de notre continent même s’il est évident que le renforcement de ces multinationales a aussi un petit côté positif avec la création d’emplois locaux sous la tutelle éventuelle de managers occidentaux expatriés.
La deuxième raison est l’apparition progressive d’«une nouvelle classe moyenne» en Afrique avec certes une certaine disparité mais suffisante à y attirer beaucoup d’IDE (Investissements Directs Etrangers). Selon le magazine, «cette catégorie considérée comme solvable a dépensé plus de 400 milliards de dollars l’an passé et ce montant sera multiplié par six en 2030». Au vu de cette évolution, l’on ne peut que se réjouir des perspectives de notre continent.
Aux étudiants africains de tout horizon, dans les universités et à ceux qui sont dans « les Grandes Ecoles » en France, je dirai: ne tombons point dans le piège du « j’ai réussi à intégrer telle école ou telle formation et ça me suffit…. » Je paraphraserai Jacques Séguéla en disant : si à cinquante ans, on se targue juste d’avoir fait une bonne université ou une grande école, quelle qu’elle soit, cela veut dire qu’on a raté sa vie!
A ce jour, le plus important pour un jeune étudiant africain est de savoir comment être utile à son pays tout en l’étant pour lui-même. Cela peut passer par un retour au bercail mais pas forcément car un sénégalais d’Oulang-Bator par exemple peut être mieux au fait de l’actualité sénégalaise qu’un dakarois! Notre continent a besoin de jeunes innovateurs et d’entrepreneurs, de futurs Mark Zuckerberg (chaque minute que nous passons sur son réseau social le rend encore plus riche) et Steve Jobs africains pour remplacer nos Balla Gaye 2 et Modou Lo (actuels gladiateurs stars de la lutte sénégalaise). Et cela est possible aujourd’hui ou demain à la condition sine qua non que le sens de l’entreprenariat, de la prise d’initiative et surtout celui de l’anticipation économique soient imbus en chacun de nous. L’avantage de notre continent et de nos pays respectifs est justement que tout ou presque y est à (re)faire!
Et cela passe par une vraie prise de conscience de cette réalité par les fils de l’Afrique!
Moustapha Sène, ancien Président de l'Association des Etdutiants Sénégalais des Grandes Ecoles