Au-delà de l’aspect ludique du sport

On ne saurait parler d’activités sportives à l’échelle mondiale sans mentionner l’Afrique, représenté partout dans le monde par les talents de ses sportifs, dans presque toutes les disciplines. Néanmoins le continent n’est lui même qu’est spectateur et un consommateur de toute cette industrie. Il semble impératif pour l’Afrique, qui dispose d’un potentiel énorme en matière de sport, d’inclure ce secteur dans sa stratégie de développement. Il faudrait à cet effet, une dynamique de groupe et s’appuyer sur le secteur privé.


une_sportLe sport est un secteur qui subit plusieurs mutations, qui connaît une croissance assez rapide et qui ne laisse personne indifférent. Cependant son incidence macroéconomique est sous–estimée. Il est selon PricewaterhouseCoopers, le seul secteur qui n’a pas connu la crise et son marché à l’échelle mondiale devrait connaître une croissance annuelle moyenne de 3,7 % d'ici à 2015[1]. Du fait du manque de données sur ce secteur, il serait difficile de chiffrer son poids et son impact dans une économie. Toutefois, s’il intéresse autant de monde c’est qu’il revêt une certaine importance. Sur le plan économique, il peut influencer positivement la valeur ajoutée de certains secteurs et le pouvoir d’achat notamment à travers les grandes manifestations sportives mais aussi être créateur d’emplois (directs et indirects). En effet, la mondialisation, la commercialisation et la professionnalisation du sport ont placé ce secteur au centre même de l’activité économique : la vente de droit de diffusion, les ventes de billets, l’augmentation du mécénat sportif, la construction et l’installation de structures sportives et de loisirs se sont développés un peu partout dans le monde.

Dans cette dynamique, l’Afrique reste en retrait et maintient son statut de « livreur » de matières premières. Un article[2] de Radio France Internationale recensait en 2008 près de 260 joueurs africains évoluant dans des championnats de haut niveau (1ère division) en Europe, sans compter ceux qui se font former et ceux évoluant dans des catégories inférieurs. Nombreux sont ceux qui évoluent en Amérique du Nord (notamment Etats-Unis) et très récemment dans les pays du Golfe (notamment le Qatar et Emirats Arabes Unis). Et là encore, il ne s’agit que du football. Même si des compétitions existent au niveau local, y compris des compétions à l’échelle africain, il n’en demeure pas moins que les sportifs africains sont plus portés par une aventure à l’extérieur quand ils en ont l’opportunité. De fait, le sport est d’abord perçu en Afrique comme une activité ludique et dans une moindre mesure comme une certaine fierté nationale mais très rarement comme une opportunité d’affaires.

Loin d’être le secteur porteur de développement pour l’Afrique, le sport a aussi une partition à jouer dans le concert du développement en Afrique. Si le talent et le potentiel de l’Afrique en matière de sport n’est plus à démontrer, il serait nécessaire de repenser la stratégie africaine concernant ce secteur afin de répondre à ses besoins et de bénéficier de façon effective de ses retombées.

Avoir une meilleure visibilité du secteur : les statistiques

Si le secteur du sport est capable de contribuer aux objectifs de développement, notamment en termes d’emplois, dans les pays africains ; il est nécessaire de rendre explicite cette contribution. Cette visibilité permettrait d’orienter les actions à mettre en œuvre afin de tirer profit de son potentiel. En Afrique, des statistiques sur le secteur du sport sont complètement inexistantes. Il faudrait dès lors identifier des méthodes et des mécanismes pouvant permettre la prise en compte du sport dans la définition des politiques de développement. Ceci devrait être possible sans pour autant avoir à engager des fonds supplémentaires pour créer des structures spéciales ou des mécanismes supplémentaires. Le dispositif pourrait déjà se reposer sur les structures statistiques existant. Autant, il est possible de disposer des informations sur le secteur agricole et touristique, il devrait être possible de disposer d’informations directement et indirectement liées au sport, auprès des services dédiés (Fédérations, Ministère, etc.). Il conviendrait avant toute chose, de considérer le sport comme une activité économique et d’en déterminer une définition qui permettrait de couvrir les activités de base du sport (exploitation d’installation sportive et les services) et les autres acteurs économiques directement ou indirectement touchés par ce secteur (les centres de formation, les sociétés de publicité, les fabricants d’articles, les commerçants, le secteur touristique, le secteur de la santé et etc.).

Ceci ne suppose pas que le secteur du sport n’est pas pris en compte dans l’établissement des gradeurs économiques des pays mais stipule juste que le manque de données spécifiques à ce secteur empêche sa visibilité et d’accéder aux opportunités qu’il offre.

Financer les activités sportives

Afin de profiter au maximum des retombées du secteur du sport, il est impératif d’y investir. Si nous élargissions le champ du sport à tous les secteurs qui de façon direct ou indirect y sont impliqués, il serait impératif aux pays africains de s’imposer un cadre d’investissement dans le secteur du sport. Cela permettrait à ce secteur d’émerger à un niveau de compétitivité économique de classe mondiale. La principale source de financement des organisations sportives en Afrique est constituée des cotisations d’adhésion, des subventions provenant des fédérations sportives internationales (FIFA pour le football, FIBA pour le basket, …) et des Etats, et dans une moindre mesure de partenaires privés très irréguliers, qui se servent occasionnellement des compétitions pour faire de la publicité ; plaçant ainsi le sport en Afrique à un niveau amateur, bien que les clubs sportifs se disent « professionnels ». Pour preuve, pour un match de 1re division de football ou de basket en Afrique, les spectateurs peu nombreux ne sont pas aptes à payer leur ticket et quand l’entrée est payante la contrepartie est insignifiante. Dans certains cas, quand le spectateur doit choisir entre un match d’une ligue européenne et une ligue africaine, le choix est vite fait. Ceci appelle à définir une stratégie devant permettre de professionnaliser le sport afin d’y attirer des investissements novateurs ; et cela nécessitera une forte implication des Etats. 

Si l’on perçoit le sport comme une industrie du divertissement avec comme intrants les sportifs et les structures, les consommateurs ne seront prêts à dépenser que si le produit final (la prestation) est de bonne qualité. Il s’agira alors pour l’Etat de développer les infrastructures, à travers des partenariats public-privé par exemple. Cette approche incitera à la recherche de la rentabilité des sites. Pour ce faire, le rendement des intrants (les sportifs) sera renforcé en leur fournissant des équipements adaptés en plus d’une meilleure rémunération, engendrant de facto une meilleure qualité des prestations. Il s’en suivra le développement de tout un ensemble d’activités connexes, qui elles-mêmes pourront se muter en des entités plus importantes : équipementiers, audiovisuelle, compagnie publicitaire, industrie de l’automobile et secteur du transport, industrie agro-alimentaires, immobilier ; favorables à la création d’emplois. Les pays pourront ainsi se positionner pour organiser des compétitions de classe mondiale, faisant ainsi par le même temps la promotion touristique du pays. En retour, les Etats pourront percevoir des revenus, au travers des mécanismes de taxation et l’exploitation des structures, qui pourront être réinvestis dans d’autres secteurs comme le tourisme.

Une approche communautaire

Compte tenu du caractère variable du sport en fonction des spécificités locales, ce secteur peut constituer un instrument de développement à l’échelle nationale et continentale, s’il s’insère dans une dynamique communautaire. En effet, il existe une synergie assez considérable entre le sport et le tourisme, favorisant la modernisation des infrastructures et suscitant la mise en place de nouveaux mécanismes de financement. Compte tenu de la situation économique actuelle des Etats africains, ils ne pourraient engager seuls à l’échelle nationale le développement des infrastructures sportives. Ainsi, il serait profitable aux pays africains d’engager de façon communautaire au travers de fonds communs, même si l’objectif première n’est pas la promotion du sport. Des projets de nature sportive pourraient être greffés à des projets visant à la promotion du tourisme, à l’urbanisation, à la compétitivité ou encore plus simplement dans des projets de coopération. De plus, certaines actions mis en place ou à mettre en place au niveau régional (libre circulation des personnes et des biens, harmonisation des droits fiscaux, …) peuvent servir dans la préparation et dans la pérennisation de manifestations sportives importantes et peuvent en retour profiter de ces manifestations pour consolider l’intégration. Tel peut être le cas avec la CAN ou l’Afrobasket, où des projets communs peuvent être cofinancés pour assurer le transport des compétiteurs, leur hébergement ou même faciliter leur passage d’un pays à un autre.

Ces dernières années, le secteur du sport s’est magistralement transformé en une industrie qui acquiert de plus en plus d’importance économique un peu partout dans le monde mais l’Afrique semble plutôt désintéressée par ce secteur. Si le secteur est difficilement maitrisable empêchant toute prise de décision, il semble impératif pour l’Afrique, qui dispose d’un potentiel énorme en matière de sport, d’inclure ce secteur dans sa stratégie de développement. Pour ce faire, il faudrait une dynamique de groupe et s’appuyer sur le secteur privé tout prenant soin de définir un cadre réglementaire et d’information afin de circonscrire la pratique du sport mais aussi de mesurer d’autre part, la contribution de ce secteur aux économies africaines.

Foly Ananou

YOUNG AFRICANS – SIMBA SC : le derby qui met en pause Dar-Es-Salaam

Les grandes rivalités tissées au cours de l’histoire sont à l’origine de la passion planétaire que draine le football aujourd’hui. Comme le prouve les audiences record réalisées lors des matchs entre le FC Barcelone et le Real Madrid. Qu’elles soient géographiques, culturelles ou sociales, toutes les raisons sont bonnes pour avoir un meilleur-ennemi.

En Afrique, tous les pays peuvent revendiquer au moins un match qui est plus attendu que les autres. Animés par les Ultras, les derbys nord africains déchaînent toutes les passions dans des ambiances électriques. Mais c’est pourtant en Tanzanie qu’une rivalité toute particulière donne lieu à des moments sulfureux et d’effervescence quelque soit l’enjeu sportif. L’opposition entre les deux équipes historiques de Dar-Es-Salaam : les Young Africans SC et le Simba SC.

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Football 100% local. Imaginé par les swahilis, pour les swahilis

Au milieu des années 30, le club de YANGA (surnom du Young Africans) est né de la fusion de plusieurs équipes dans le quartier de Kariakoo, au centre de Dar-Es-Salaam. Quelques années plus tard, toujours dans le centre-ville, des étudiants se sont associées à une équipe de rue pour former le Simba SC. Rapidement, les  deux clubs ont surpassé leurs rôles d’équipe de foot et sont devenus de véritables communautés ou les supporteurs viennent tisser des liens sociaux. Yanga regroupait majoritairement des Zamaro, alors que Simba rassemblait davantage les tanzaniens aux origines Arabiques ou Indiennes. La rivalité va naitre naturellement. Elle prendra la forme de la satire, dans cet antique comptoir cosmopolite Swahili. Les « ignorants » contre les « étrangers ». Au fil du temps, les deux clubs se dotent d’administration et d’infrastructures solides. Ils réussissent à maintenir l’enthousiasme de leurs supporteurs. Et ceux, malgré l’absence de résultats probant sur la scène continentale. Dès les années 60, les dirigeants n’hésitent pas à recruter des joueurs et des entraineurs étrangers, sud américain et européen. Avec un bilan de 24 titres de champion pour les « Jeunes africains » contre 19 pour les lions (Simba en Swahili). Leurs couleurs, respectivement jaune et verte et rouge et blanche, sont visibles dans toute la ville. La popularité des équipes gagnera ensuite les villes de l’intérieur du pays.


Aujourd’hui, les deux équipes partagent le grand stade national Benjamin Mkapa. Une enceinte sportive de 60 000 places, moderne, répondant aux nouvelles normes de la FIFA, dans une architecture singulière en Afrique. Preuve d’un engouement sans faille, on retrouve sur les épaules de tous les supporteurs les maillots de leurs équipes. Un fait rare sur un continent envahit par les maillots des équipes Européennes. Le stade s’est naturellement divisé en deux, un côté jaune et l’autre rouge. En fonction de l’endroit où l’on se positionne dans le stade, on affirme son soutien à l’une ou l’autre des équipes.

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Un stade constamment partagé

Il est facile de savoir quand c’est un jour de match à Dar-Es-Salam, les dala dala remplis de fans traversent la ville en direction du stade dans une ambiance de carnaval. Banderoles, drapeaux, vuvuzela, trompette et djembés sont de la partie. Arrivés aux stades, ces groupes de supporteurs organisés par quartiers font une entrée remarquée, dans un défilé qui fait le tour de leur tribune. L’ambiance est donnée. Le virage en face n’est pas en reste. Si c’est Simba SC qui joue, les supporters de Young Africans viendront encourager en nombre son adversaire du jour, quel qu’il soit. Une spécificité Tanzanienne qui place le degré de fanatisme de ses supporters qui sont plus de 20 000 à faire la queue aux billetteries à chaque match. Les équipes étrangères, qui viennent pour les compétitions de la CAF, sont surprises de recevoir un accueil favorable, et un soutien d’une partie du public.  Les jours de derby, Dar-Es-Salaam devient une ville fantôme. Le stade se transforme en cocotte minute prête à siffler pendant plus d’une heure et demi. Dans les tribunes, une frontière imaginaire se trace spontanément au niveau de la ligne médiane. Du jaune dans le virage à droite et du rouge dans celui de gauche. Pas de cordon de sécurité ou de présence militaire exacerbée, bien sûr quelques bagarres éclatent de temps à autre lorsque la frustration ou les railleries deviennent un peu trop véhémentes. Mais les matchs se déroulent dans une très bonne ambiance, et la légende se battit autour des scénarios incroyables qu’elle génère. À la fin du match, ceux qui ne sont pas au stade descendent dans les rues. Le vainqueur amplifie sa joie, il doit profiter au maximum de la suprématie que lui a offerte son équipe… Jusqu’au prochain derby.

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Le spectre du Marketing


Avec un tel enthousiasme, les brasseries nationales se sont précipitées sur une telle opportunité pour promouvoir la bière nationale. La Kilimandjaro, dont le logo est positionné au centre du maillot des deux équipes. Des jeux et opérations marketing sont organisés autour des très nombreux supporters. C’est une première étape vers la professionnalisation de la ligue, dont profite l’ensemble des clubs du pays. Mais qu’importe, supporter Yanga ou Simba est généralement transmis par ses parents, et rien ne pourra mettre un terme à cette passion héréditaire. Si l’on considère le football comme une religion en Afrique, en Tanzanie, les prophètes ne sont pas Messi ou Ronaldo, mais bien Yanga et Simba. Un particularisme qui correspond bien à ce pays qui se développe dans l’anonymat, sans faire de vague. Et tant pis pour les milliers de touristes qui se ruent d’un safari dans le Serengeti à Zanzibar, sans même profiter de cette rivalité sportive unique, sans aucun risque de débordements. Le Superclassio Boca Junior – River Plate est recommandé par les guides de voyage, la rivalité entre Simba SC – Yanga mériterait également d’être reconnue.

 

Pierre-Marie Gosselin

 

Historique des clubs : Tadasu Tsuruta, Simba or Yanga ? Football and urbanization in Dar-Es-Salaam. Dar-Es-Salam History from an emmerging metropolis, Mkukina Nyota 2007
Source illustrations : Page facebook officielle kilimandjaro premium lager et Simba SC Fans vs Yanga SC Fans

 

Ultras, Les sentinelles des manifestations Nord-Africaines (2)

Un mouvement qui fait des adeptes

L’Afrique du Nord occupe une place stratégique dans le bassin méditerranéen, c’est un carrefour de civilisations frontalier de l’Europe et de l’Asie où la religion musulmane s’est culturellement installée. Dans l’agitation des grandes villes, l’étalement des richesses et l’occidentalisation des mœurs désorientent une partie de la jeunesse qui ne sait plus où se situer entre mondialisation et traditions. Les études scolaires voire universitaires ne conduisent que très peu souvent à des emplois ou des rémunérations espérées. Beaucoup doivent se résoudre à rejoindre un travail avec peu de perspectives ou apprendre à se débrouiller par soi-même. 

Encadrées par les codes du mouvement ultra, les tribunes sont devenues un endroit privilégié par des milliers de jeunes de cette génération pour s’exprimer. L’effet de masse désinhibe et l’esprit de famille véhiculé rassure.

En traversant la Méditerranée, le mouvement Ultra a subi une évolution qui symbolise bien son adaptation dans la région. Chaque nouvelle saison de football est marquée par la sortie des albums regroupant les nouveaux chants des différents groupes de supporters. Comme si les jeunes, ici, avaient beaucoup de choses à dire… Ils chantent à la gloire de leurs clubs et de leurs couleurs et moquent leurs rivaux, bien sûr. Mais ils font aussi l’éloge de leur style de vie et dénoncent les agissements répressifs des forces de l’ordre. Des chants qui rassemblent et dans lesquels peuvent s’identifier les jeunes. Disponible en libre écoute sur Internet, le phénomène viral accroît la propagation de « l’esprit » Ultra. Bien au-delà des stades. Bien au-delà des traditionnels magazine « fanzines » de la culture ultras européenne.

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Un mouvement qui dérange… et dérape

En encourageant son équipe avec fanatisme au sein d’un groupe associatif organisé, que ce soit pour les matches à domicile, ou lors des déplacements, les ultras se placent souvent aux frontières de la loi. Dans des affrontements avec les groupes adverses, les forces de l’ordre, ou les deux. Les agissements ont lieu au sein du stade parfois et dans la rue souvent. Les policiers sont obligés de réagir par anticipation et amplifient le phénomène d’opposition et de rébellion. 

Quand les médias locaux parlent des ultras, c’est pour aborder des faits divers de débordements. C’était le cas lors du match de championnat marocain de botola pro, entre les l’AS FAR et le DHJ, le 19 octobre dernier au stade du centre de Rabat. L’arbitre a dû interrompre le match suite à une altercation en tribune entre Ultras de l’AS FAR. En direct à la télévision, les forces de l’ordre n’ont pas su tenir leurs positions. Pire, en voulant intervenir, cela dégénère et un policier finit par se fait tabasser sur le terrain. Les interpellations et les condamnations interviendront rapidement après le match, mais la démonstration de force est faite, sous les chants de la tribune. Ces actualités  font la « une » et sont à chaque fois abordées avec beaucoup de véhémence. Elles peuvent pourtant trouver un écho favorable pour toute une génération de jeunes qui ne trouvent pas leurs places dans le système. Dans des pays aux régimes autoritaires où la classe moyenne tarde à émerger, le mouvement ultra se marque comme un courant contestataire qui rassemble. Il devient même omniprésent dans certains quartiers où les Fresques et Tags marquent les territoires. Les jeunes viennent chercher leurs doses de liberté hebdomadaire au stade, et alimentent leurs combats dans une ambiance de fête. Des joints de haschich circulent lors des différents rassemblements tout comme l’alcool et des pilules de drogue. Ajouté aux frissons des matchs et aux déplacements en camionnette à travers le pays, cette vie de rebelle fait beaucoup d’adeptes. 

AS FAR DHJ vol de bache - Version 2

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En Égypte, autour d’un championnat de football historique avec des clubs datant de l’époque coloniale, certaines équipes ont des identités fortes et des rivalités prononcées. Une aubaine pour les Ultras du Al Ahly SC, dont la popularité et l’image de « club du peuple » de leur équipe a permis l’ouverture de section de supporteur dans de nombreuses villes du pays. Partout où joue le club, les Ultras Ahlawy sont présents. Ils dérangent et sont confrontés aux forces de sécurité dans toutes les villes du pays, car où qu’ils aillent, on redoute leurs présences. Après la révolution du printemps arabe, les généraux militaires du SCAF ont rapidement mis à profit le temps qu’ils passent au pouvoir pour faire payer aux UA 07 leurs investissements dans les manifestations de la place Tahrir. Ils savaient très bien que la révolution n’était pas une finalité pour eux, et que la menace se représentera lors des prochaines grandes manifestations civiles. Les ultras n’ont jamais cessé de pousser des chants contestataires et de se frotter à la loi. En plus des 74 victimes, la tragédie de Port-Saïd a provoqué l’arrêt du championnat pour 2 années. En guise d’avertissement et d’ultimatum. Mais dès que cela a été possible, notamment lors des compétitions continentales de la CAF, les Ultras cairotes ont montré qu’ils sont toujours là, plus solidaires et soudés que jamais. Pourtant, les matchs étaient organisés loin de l’agitation du Caire, à El Gouna, station balnéaire plus connue pour son spot de kitesurf que son stade de football. La volonté de ne pas voir de supporter était affichée. Manqué ! Plus de 5000 personnes se sont déplacées à plusieurs reprises, en reprenant leurs chants et leurs nombreuses animations derrière leur bâche et leurs drapeaux. À la vie, à la mort. 

Même contre sa propre équipe

Banderole JSK EBossé 2 - Version 2

Illustration 3

Les Ultras ont besoin de leurs clubs pour exister. Lorsque l’intérêt sportif est faible, il est toujours plus difficile de rassembler du monde et de s’enthousiasmer. L’effet de masse est important pour affirmer la force du groupe. La frustration grandissante, les supporteurs n’hésitent pas à reprendre avec ardeur leurs équipes s’ils estiment qu’elles ne donnent pas leurs maximums. Ils ne tolèrent pas que des joueurs, qui ne sont que de passage dans leurs clubs, puissent mettre en péril la raison de leurs combats. Parfois cela dégénère. Vient alors la fâcheuse habitude, prise sur tout le continent, de jeter sur le terrain ce qu’il est possible de lancer. Dans les stades généralement vétustes, on trouve toutes sortes de débris. Ce qui a conduit au fait-divers tragique de Tizi Ouzou où le jeune joueur camerounais Albert Ébossé est victime d’un jet de pierre fratricide. Un geste qu’il faut condamner sévèrement, mais pas au détriment du mouvement Ultra. Lui, il n’est pas le coupable. Au contraire, il est le fruit de la négligence du système, dans la faillite de son éducation, la faillite de sa répression, la faillite de son entretien des lieux publics… Le stade est un reflet de la société.

Pierre-Marie Gosselin

 

Illustration 1 : Plaquette de présentation de l’album 2013 des ultras Helala Boys HB07 du KAC de Kenitra au Nord du Maroc.  Lien 

Illustration 2 : Photo illustrant les affrontements du 20/10/2014 entre les Ultras et la police. Lien vidéo

Illustration 3 et 4 : Photos  publiée sur la page facebook officiel des Ultras Samba Boys , groupe de la zone amazigh de la JSK Kabylie après la mort d’Albert Ebossé :  lien