Ebola, une terreur politico-économique

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Ayant principalement frappé trois pays d’Afrique de l’Ouest, le Libéria, la Guinée et la Sierra Leone, la propagation du virus Ebola depuis mars 2014 bat tous les records. En effet, l’épidémie en date dépasse de loin tous les dégâts qu’Ebola avait pu causer dans le passé. Face à la gravité des faits, une mobilisation internationale a tout naturellement vu le jour avec pour dessein de lutter pour une accalmie voire une totale éradication de cette maladie. Cependant, la fièvre hémorragique Ebola semble manifestement dicter ses propres lois en termes de relations géopolitiques et géoéconomiques.

Des bilans de plus en plus lourds …

La catastrophe sanitaire gagne du terrain. Le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), publié le mercredi 12 novembre, fait état de 5 160 personnes mortes sur 14 098 cas de fièvre hémorragique Ebola enregistrés. On assiste ainsi à l’épidémie la plus grave depuis la découverte du virus en 1976 en Afrique centrale.

Aide internationale et fermeture de frontières

Face à la précarité de la situation et aux signaux de détresse envoyés par les pays touchés, des mesures d’urgence ont été prises parmi les acteurs de la scène internationale. Ainsi, le 16 septembre, le président américain Barack Obama annonçait l’envoi de 3 000 soldats américains au Libéria pour participer à la construction de 17 centres de traitement, offrir une aide logistique et assurer des formations pour le personnel sanitaire, tout en promettant de débloquer des centaines de millions de dollars. Le Libéria possède de faibles moyens pour contrer la propagation de ce virus et que sa capitale, Monrovia, où réside plus de 1,2 million d’habitants, a été frappée de plein fouet. La France a également fourni du matériel médical et versé 9 millions d’euros d’aide à la Guinée. La Sierra Leone, quant à elle, a reçu des soutiens matériel, humain et financier en provenance d’Angleterre, d’Autriche, de Belgique mais aussi de Chine. On pourra ainsi noter l’engagement de nombreux pays du Nord dans la lutte contre cette pandémie et que cela aura eu le mérite de faire quelque peu oublier le manque de réactivité de l’ONU face à cette menace.

Cependant, dans cet élan de solidarité internationale, ce sont surtout les médecins volontaires d’organisations non-gouvernementales qui se sont fait remarquer. Bravant tous les dangers, quitte à se rendre dans les zones rouges, ces médecins ont su redonner de la force et du courage aux populations affectées, en utilisant les techniques et soins de prévention appropriés. Parmi les cas d’Ebola hors d’Afrique, on compte notamment trois aides-soignantes, deux Américaines, une Française rattachée à Médecins Sans Frontières (MSF), ayant montré des symptômes de la maladie à son retour du Libéria ; et une Espagnole ayant été en contact avec deux missionnaires contaminés puis décédés peu de temps après leur retour de Sierra Leone.

A l’inverse, certains pays ont fermé leurs frontières aux pays touchés lorsque certains ont préféré mettre en place des systèmes de mise en quarantaine parfois jugés comme étant exagérés. De telles mesures ont été prises dans le but d’empêcher des personnes infectées de fuir leur pays et propager l’épidémie au-delà des frontières. Au plan régional, la Guinée Equatoriale et le Sénégal ont pris la décision de fermer leurs frontières avec la Guinée. De nombreux vols de la Côte d’Ivoire, du Tchad et de la Gambie vers les pays touchés ont été annulés. De l’autre côté de l’Atlantique, le Canada, suivant l’Australie, a fait le choix de ne plus accorder de visas aux ressortissants des pays principalement contaminés mais aussi aux personnes y ayant séjournés. Ces nouvelles dispositions politiques, mues sans nul doute par un sentiment de peur et un instinct de survie à grande échelle, ne semblent cependant pas politiquement courageuses. Hélas, il demeurera toujours une probabilité, certes fine, que les personnes en provenance du Libéria, de la Sierra Leone ou de Guinée trouvent des moyens de transiter par d’autres pays pour se rendre là où elles considèrent pouvoir retrouver une sécurité sanitaire.

D’autres pays tels que les Etats-Unis ont préféré se lancer dans une procédure de mise en quarantaine systématique des humanitaires de retour d’Afrique de l’Ouest. Devant pourtant être ceux qui méritent d’être traités avec le plus de tact et de respect, les infirmiers sont bel et bien ceux qui pâtissent le plus de cette politique. Kaci Hickox, la première d’entre eux à être passée par ce protocole, s’est exprimée en les termes suivants : « Je ne souhaite à personne une telle situation et j'ai peur pour les gens qui vont être dans mon cas à l'avenir » tout en ajoutant s’être sentie telle une « criminelle ». En effet, ce système semble déshumaniser les personnes suspectées de présenter des symptômes de la maladie. Fortement critiquée, la mise en quarantaine est considérée comme contre-productive car les données scientifiques prouvent que sans symptômes, il n’y a pas lieu de considérer l’éventualité d’une contagion. Il devient alors essentiel de réinstaurer une relation de confiance entre les contrôleurs et les volontaires, en indiquant à ces derniers des mesures précises à suivre les 21 jours suivants leur arrivée mais aussi et surtout, pour les motiver à repartir sur le terrain et contribuer à l’éradication d’Ebola.

Un environnement économique chamboulé

Il est indubitable que le virus Ebola constitue une menace économique pour les pays d’Afrique de l’Ouest. Il vient malheureusement au moment où l’Afrique connait une belle période en termes d’investissements. Or, selon la Banque mondiale, si l’épidémie continue de se répandre dans les pays les plus touchés et se propage aux pays limitrophes, l’impact financier pourrait atteindre 32,6 milliards de dollars. L’un des secteurs les plus touchés étant le tourisme d’affaires, certaines entreprises étrangères, notamment dans le secteur minier, ont interrompu leurs projets au Libéria, en Sierra Leone et en Guinée. Leurs voisins tels que le Sénégal et la Côte d’Ivoire pâtissent également de cette situation, avec l’annulation de nombreux séminaires et colloques.

Publié au début du mois d’octobre, une analyse de la Banque africaine de développement (BAD) prévoie deux cas de figures dans l’éventualité d’un phénomène de contagion à d’autres pays. Concernant, le scénario « bas », les pertes du PIB de l’Afrique de l’Ouest  pourraient s’élever à 2.2 milliards de dollars en 2014 et 1,6 milliards en 2015. Pour ce qui est du scénario dit « haut », ces pertes pourraient s’élever à 7,4 milliards de dollars en 2014 et atteindre 25,2 milliards en 2015. Ceci explique pourquoi il est plus que nécessaire que l’ONU renforce son aide financière aux pays touchés car leurs activités et échanges économiques risquent peu à peu d’être paralysés, sans compter leur manque grandissant de ressources humaines. Le plus dur sera encore de faire disparaître ce sentiment de rejet et de stigmatisation que nourrissent les acteurs économiques régionaux et internationaux à l’égard des pays directement concernés.

Un fléau mais aussi une stigmatisation

Le terme Ebola suscite une peur à dimension internationale et, dans ce monde que l’on qualifie pourtant d’interconnecté, une nette rupture de sociabilité se fait sentir. Il n’y aurait manifestement que deux groupes désormais : les ressortissants du « triangle » Ebola et les autres. C’est précisément la raison pour laquelle de nombreuses voix, ne pouvant plus supporter cette stigmatisation se sont faites entendre. Parmi elles, la bloggeuse Sierra Léonaise, Hannah Foullah, qui a publié une vidéo où défilent les photos de plusieurs de ses compatriotes, chacune accompagnée d’un message disant « Je suis Sierra Léonais, pas un virus ! » ou encore « Isolez Ebola, pas notre pays ». Elle explique vouloir ouvrir les yeux aux autres en affirmant que de la même façon que son pays a pu se remettre d’une guerre civile, ceci  n’est qu’une mauvaise passe de plus et qu’elle ne définit en rien son peuple. Dans le même registre, une photographe et présentatrice de télévision libérienne a réalisé une vidéo où différentes personnes tiennent une pancarte contenant le message « Je suis Libérien et non un virus ! ». Signalons par ailleurs que le Libéria traverse récemment une phase d’apaisement et que les spécialistes considèrent qu’il y a de bonnes raisons d’être optimistes quant au recul de la pandémie.

Redoublant de créativité, Anthony England, professeur de chimie aux Etats-Unis, a réalisé une carte pour préciser que la fièvre hémorragique Ebola ne concerne principalement que trois pays. Publié sur Twitter, ce schéma a pour objectif de sensibiliser les internautes sur cet amalgame trop fréquent entre le fait d’être Africain et celui de contracter cette maladie. Tout ceci conduit essentiellement à un point vital : les ressortissants des pays où Ebola s’est installé tiennent plus que tout à être traités dignement mais aussi à ne pas être isolés du reste du monde. La réponse la plus concrète serait donc d’envoyer le maximum d’aide médicale possible pour limiter les risques de transmission, encercler le virus, l’exterminer et, par-dessus-tout, faire un pas de plus dans la réinstauration de la paix et de la sécurité internationales.

 Khadidiatou Cissé

Quand la terreur s’appelle Boko Haram

JPG_BokoHaram_110614Effroi, indignation et incompréhension. Tels sont les sentiments qui règnent lorsque le nom du groupe islamiste nigérian Boko Haram est mentionné dans les médias. Considéré comme une secte ou un mouvement terroriste à doctrine essentiellement anti-occidentale, Boko Haram semble aujourd’hui invincible. Ses sévices font trembler le géant économique africain, des régions du nord jusqu’au cœur de la capitale, Abuja. De 2002 à 2014, le nombre de victimes n’a cessé de croître et la fragilité inquiétante de l’armée et du gouvernement nigérians n’en rendent pas la situation moins complexe. 

Là où tout a commencé

Boko Haram n’est certainement pas le premier groupe à s’être inscrit dans la mouvance islamiste au Nigéria. L’islamisme radical au Nigéria a émergé à partir des années 1970, avec notamment le mouvement de Muhammad Marwa (« Maitatsine »),  un jeune prédicateur du nord-est du Nigéria. Cependant, ces groupes, fortement combattus par l’armée nigériane ont été amenés à se dissoudre dans les années 1980, provoquant de ce fait l’éparpillement de leurs adeptes. En 2000, l’un d’entre eux commence à se démarquer des autres et attire tout particulièrement l’attention : Mohammed Yusuf, un théologien formé en Arabie Saoudite. Ce radicaliste pose les bases de Boko Haram et se présentera désormais comme en étant le chef spirituel. Jusqu’ici, niveau idéologique, rien ne change : le groupe prétend combattre l’école occidentale – ce qui renvoie directement à la traduction de Boko Haram en haoussa : « l’école occidentale est un péché » -, la mixité des sexes, l’instruction des femmes, la corruption des valeurs traditionnelles et le relâchement des mœurs. Notons qu’avant tout, le groupe réclame l’instauration d’un Etat islamique dans le Nord du Nigéria. Pour mieux comprendre les conditions de la naissance de Boko Haram, il faudrait encore aller chercher plus loin. Manifestement, le mouvement serait né d’un sentiment de mise à l’écart et de marginalisation vis-à-vis du reste du pays, et surtout du sud (majoritairement chrétien). C’est en dénonçant la corruption et les abus policiers que Boko Haram gagne le plus de fidèles. Au début des années 2000, le groupe recrute de plus en plus de membres, tous estimant avoir été abandonnés par les élites politiques locales et nationales, le pouvoir central et les policiers fédéraux. 

A partir de 2003, le gouvernement nigérian commence une bataille sans merci contre Boko Haram. Ainsi, cette année-là, le fief de Mohammed Yusuf à Maiduguri, dans l’État de Borno, est attaqué par la police d’Etat. La secte se réfugie donc dans l’Etat de Yobe, près de la frontière nigérienne ; son chef spirituel y implante une école qui attire principalement des analphabètes et des élèves coraniques mais aussi des personnes très cultivées. Il faudra attendre six ans, en juillet 2009, pour que le destin de Boko Haram prenne un autre tournant. Le groupe lance une violente campagne contre les quartiers généraux de la police dans plusieurs villes du nord ; de violentes confrontations avec les forces de sécurité nigérianes s’en suivent pendant cinq jours. La répression militaire fait plus de 800 morts dont celle de l’instigateur du mouvement, Mohammed Yusuf (qui aurait été exécuté sommairement dans les bureaux de la police). Dès lors, le groupe se fragmente sur quatre États du Nord et ses militants prennent la fuite. Cette répression, tout en ayant particulièrement affaibli Boko Haram, aura eu pour effet de le rendre encore plus agressif et déterminé.

Effroyable ? Oui mais aussi instable…

Après la répression policière de 2009, Boko Haram tombe dans la clandestinité. Qui plus est, ses objectifs et le profil de ses victimes évoluent considérablement. La visée de ses membres n’est plus tant d’instaurer un Etat islamique dans le Nord que de déstabiliser le pays et défier les autorités locales : alors que ses ennemis avaient tout d’abord été les musulmans ne respectant pas la charia, Boko Haram se tourne vers la terreur indiscriminée contre les civils. Un nouvel homme prend également la tête du mouvement terroriste : Abubakar Shekau, connu pour ses positions extrémistes. Ce dernier, qui faisait notamment partie de l’entourage de Yusuf, s’exprime désormais à travers des vidéos, pour éviter d’être facilement repéré. Nourri par un sentiment de vengeance, Boko Haram peine à trouver une stratégie claire. Par ailleurs, les différentes factions du mouvement islamiste n’arrivent pas aisément à trouver un consensus et ne sont pas forcément animées par les mêmes motivations. Il est aujourd’hui difficile de mettre précisément le doigt sur ce que le mouvement terroriste veut. Ses sévices demeurent infâmes : attentats,  attaques d’églises, incendies, massacres d’étudiants dans leur sommeil,…

En juin 2011, le groupe attaque le siège de la police à Abuja; deux mois plus tard, un attentat est perpétré contre le siège des Nations Unies à Abuja. À la fin de 2011,  Boko Haram commence à cibler les Églises.  Les autorités nigérianes hésitent sur la réponse à adopter devant ces attaques, et tendent à privilégier une réponse militaire faite de répressions mal organisées, entrecoupées de quelques périodes de dialogue. L’armée se met à bombarder des villages suspectés d’héberger des membres de Boko Haram. Puis en mai 2013, un état d’urgence est appelé dans plusieurs Etats du Nord-Est du Nigéria. Quant au mouvement terroriste, il répond en rasant des villages entiers, soupçonnant les civils de tenir main forte à l’armée. La violence n’a donc plus de limites et, sans aucun doute, les civils demeurent les principales victimes de ces confrontations. Le 14 avril 2014, Boko Haram prouve à nouveau son pouvoir de nuisance en organisant un attentat à Abuja, le pire qu’ait connu la capitale fédérale (au moins 88 victimes). Le lendemain, le groupe kidnappe plus de 200 lycéennes dans leur dortoir à Chibok, dans l’État de Borno au nord-est du pays, suscitant une vive émotion au Nigéria et dans la communauté internationale

#BringBackOurGirls : indignation tardive

Autant le kidnapping des lycéennes est inadmissible, autant les circonstances dans lesquelles cet acte a été commis sont horribles. En effet, des hommes armés se sont présentés à l’internat du lycée de Chibok, à Borno et une fois sur place, ils ont mis le feu à plusieurs bâtiments avant de tuer un soldat et un policier. Se faisant passer pour des militaires venus sécuriser l’établissement, ils ont obligé les lycéennes à en sortir, les ont fait monter dans des camions et se sont dirigés directement dans la forêt de Sambisa, connue pour être un terrain abritant des camps de Boko Haram. Dans une vidéo diffusée le 5 mai, Abubakar Shekau reconnaît officiellement l’enlèvement des jeunes filles et déclare qu’il va les « vendre sur le marché ». Puis, dans une nouvelle vidéo, le 12 mai, il affirme les avoir converties et être prêt à les libérer à la seule condition qu’elles soient échangées contre des prisonniers détenus par le gouvernement. Une demande que les autorités nigérianes ont aussitôt refusé.

Une protestation mondiale, Bring Back Our Girls (« Ramenez nos filles ») a ainsi vu le jour sur les réseaux sociaux mais aussi à la télévision ou dans les rues. Le principe est assez enfantin : il suffit de se photographier avec une pancarte sur laquelle ce même message est inscrit et de poster la photo sur Facebook, Twitter, Instagram … Cette innovation a de nombreux partisans : de Michelle Obama, en passant par des acteurs américains à la petite amie du footballeur Cristiano Ronaldo ou de simples inconnus. Et pourtant : rien de nouveau sous le soleil. Boko Haram n’en est certainement pas à sa première attaque et des femmes kidnappées et/vendues, ce n’est pas ce qui manque dans l’histoire de l’humanité… D’où vient donc cet émoi tardif ? Et à qui peut-il bien s’adresser ? Il serait insensé de croire que les membres de Boko Haram puissent se laisser amadouer par ces photos, que le gouvernement nigérian puisse miraculeusement trouver une stratégie efficace pour retrouver ces filles ou encore que les fidèles à ce mouvement de masse entendent la récupération des lycéennes au moyen d’une mission sanglante, conduite par des forces secrètes. Il est certes indubitable que le geste est louable. Cependant, peut-il vraiment apporter une solution au calvaire des victimes ? Peut-on aujourd’hui se satisfaire d’aider son prochain en un clic ? La cause est grave et le réveil de l’opinion internationale rassurant, toutefois, une réflexion commune sur une issue pratique à cette situation semblerait plus à même de faire la différence.

Et maintenant ?

Des efforts ont été consentis par le gouvernement nigérian, après qu’il ait été fortement critiqué pour son inaction aux niveaux local et international. En effet, suite au refus d’échanger des otages contre des prisonniers, le président nigérian, Goodluck Jonathan, a appelé les familles ainsi que les forces de sécurité à une « coopération maximale » afin de retrouver au plus vite les victimes. La fédération a ainsi annoncé l’envoi de renforts militaires dans la zone de l’extrême Nord-Est pour lutter contre le groupe extrémiste. Cette mesure n’a pas pour autant freiné la multiplication des attentats au cours des dernières semaines, dont certains dans des villes bien plus au sud que le bastion traditionnel de Boko Haram au nord-est ; on pourra notamment citer ceux de Jos, Kano et Gamboru Ngala au cours des dernières semaines. On pourrait aussi se questionner sur le niet catégorique affiché par  le gouvernement nigérian vis-à-vis de potentielles négociations  mais ceci nous dirigerait inéluctablement vers une plus grande question : peut-on négocier avec des terroristes ? L’enjeu est de taille : refuser, c’est allonger le calvaire des otages, tandis qu’accepter, c’est accorder à ces individus une légitimité politique dont ils ne sont pas dignes.  Le fait est que les acteurs sont partagés, au sein même de la fédération. Celle-ci est sujette à de nombreuses tensions et une course féroce pour le pouvoir, vu la richesse en ressources naturelles et tout particulièrement pétrolifères du pays. Ceci implique une désunion or, pour combattre leur ennemi commun, Boko Haram en l’occurrence, une seule et même direction est impérative.

A l’échelle internationale, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni mais aussi Israël et la Chine ont offert leur aide, dépêchant leurs experts sur les lieux. La porte-parole de la diplomatie américaine, Marie Harf, a néanmoins déclaré que « beaucoup d’entre elles ont probablement été déplacées hors du pays, vers des pays voisins ». Le sommet de Paris, convoqué par le président français François Hollande, s’est donc parfaitement inscrit dans le cadre de cette coopération internationale, invitant les pays voisins à y participer dans le but de trouver une solution sur le plan régional. Les jeunes filles étant toujours difficiles à localiser, malgré les déclarations du chef de l’armée de l’air faites le 26 mai 2014, un dialogue s’impose bel et bien pour les retrouver. Répressions violentes et brutales dirigées par l’armée nigériane n’auront pour effet que d’attiser la haine de Boko Haram ; or, il s’agit ici de la vie de lycéennes innocentes. Selon le think-tank International Crisis Group, le gouvernement nigérian, pour relever ce défi, doit absolument développer et adopter des stratégies plus complètes pour réinstaller la sécurité dans le pays mais surtout dans le but d’une réelle réconciliation. Ainsi, par l’intermédiaire de l’ancien président, Olusegun Obasanjo, des contacts ont été établis entre Boko Haram et les autorités nigérianes. On peut imaginer que le pire cauchemar d’un otage puisse être de voir le lien de communication entre ses bourreaux et les autorités de son pays rompu. Comme le disait le religieux anglican de nationalité britannique et ancien otage au Liban, Terry Waite, « aucun soulèvement ou mouvement terroriste n’a été vaincu par la guerre ou la violence ». Pour agir ensemble et plus efficacement, les acteurs concernés, aux niveaux fédéral ou étatique, doivent prendre conscience que ce problème a plusieurs dimensions, toutes aussi délicates les unes que les autres : politique, sociale et économique. Il s’agira de prouver que le Nigéria, ce géant aux pieds d’argile, au-delà de sauver ces filles, est capable de restaurer le respect de la loi et de l’ordre par lui-même.

Khadidiatou Cissé

Cette diaspora qui vote

Terangaweb_Vote DiasporaLe terme « diaspora » définit une communauté constituée par la dispersion d’individus ayant le même pays d’origine. Ceux-ci peuvent être des réfugiés, ayant été poussés à quitter leur pays en raison d’une guerre civile, d’une instabilité économique ou d’un environnement socio-politique précaire. Dans d’autres cas, ces individus ont tout simplement plié bagages pour leurs études ou leur travail et ont décidé de rester à l’étranger. Sans nul doute, la globalisation a aussi favorisé l’évolution exponentielle de cette communauté à travers le monde. Aussi réduit que leur nombre puisse être, ces personnes jouent toutefois un rôle non-négligeable dans la vie économique de leur pays d’origine et réclament de plus en plus à ce qu’on leur accorde le droit de vote dans les élections qui se tiennent chez eux. En Afrique, ce continent qui détient un fort pourcentage d’émigrés, la question du droit de vote à l’étranger a été soulevée à de nombreuses reprises. Aujourd’hui, c’est plus de 28 pays africains qui accordent ce droit universel à leurs ressortissants vivant à l’extérieur de la nation. Il semble manifestement qu’un changement soit en marche.

Petite histoire du droit de vote de la diaspora

Le droit de vote pour la diaspora semblerait avoir été introduit pour la première fois par l’empereur romain Auguste afin que les membres du Sénat, alors répartis dans 28 colonies différentes, puissent donner leurs voix durant les élections des bureaux de la cité de Rome. Ainsi, leurs votes avaient été scellés et envoyés sous forme de cachets. Plus récemment, en 1862, l’Etat du Wisconsin aux Etats-Unis, a été le premier en Amérique à permettre aux soldats engagés dans la Guerre de Sécession de voter à l’extérieur. En 1902, l’Australie adoptait aussi une clause accordant le droit de vote à ses ressortissants à l’étranger. Concernant le milieu francophone, la France a introduit une loi pour le vote à l’extérieur, en 1924. Cependant, il a été interdit, en 1975, de le faire sous forme postale, pour cause de suspicion de fraude.

Le système législatif relatif au droit de vote à l’étranger a souvent été transmis d’une puissance coloniale à ses colonies ayant nouvellement gagné leur indépendance. C’est l’exemple notamment du Gabon et de la Guinée-Conakry qui ont adopté les mêmes réglementations que celle de la France. Notons que cette dernière  autorise ses ressortissants à voter dans ses principaux lieux de représentation diplomatique, à savoir les ambassades et les consulats, lors d’élections présidentielles ou référendums.

Au Mali, c’est la Conférence Nationale de 1991 qui a mené à l’autorisation du vote de la diaspora. Il s’agissait non seulement de mettre un trait sur les 25 ans de dictature du régime du Général Moussa Traoré, mais aussi de rétablir la démocratie en s'appuyant sur le pluralisme politique et d’intégrer les Maliens de l’extérieur dans les processus électoraux. La majorité d’entre eux s’étaient réfugiés en Côte d’Ivoire, en France ou au Sénégal. La création d’un Ministère des Affaires Etrangères et des Maliens de l’Extérieur a donc été très bien reçue et cette même année-là, une loi autorisant le vote de la diaspora parachevait la transition.

Qui plus est, l’inclusion de citoyens vivant à l’étranger était souvent considérée comme un élément clé dans la construction d’une nation. Ceci fut le cas de la Namibie, en 1989, et de l’Afrique du Sud, en 1994. En outre, pour inciter leurs ressortissants à investir, les Etats développent de plus en plus des outils institutionnels spéciaux.

Quels enjeux ?

Le vote de la diaspora a évidemment des enjeux différents, en fonction du contexte et du pays où on se situe. Tout d’abord, il faut considérer un fait important : bien que présenté comme une question de principe, l’adoption d’une loi pour le droit de vote à l’étranger est souvent née d’intérêts politiques qui ont suscité la controverse et/ou ont été jugés de partisans. Cependant, le concept même de vote est étroitement lié à celui de la citoyenneté et chaque Etat est libre de mettre en place la législation de son choix pour en réguler les mécanismes. De plus, le droit de vote à l’étranger s’est inscrit dans un processus mondial de renforcement de la démocratie, comme il l’a été pour la globalisation culturelle, économique et sociale. Pour mieux cerner les enjeux du vote de la diaspora, il convient d’examiner plusieurs volets.

L’exercice du vote est essentiellement un droit civil et politique. En partant de cette idée, on peut comprendre qu’ôter ce droit à un citoyen reviendrait à le considérer comme ne faisant pas partie de la société. Aussi, permettre à ces citoyens de participer aux élections qui ont lieu dans leur pays, même s’ils n’y résident pas, inspirera la confiance. En effet, ceci prouvera la légitimité du régime au pouvoir et élèvera le niveau de démocratie du pays. Ils auront ainsi le droit de jouer leur rôle et de poser leur pierre dans la construction du futur de leur nation. On peut ici prendre l’exemple du référendum qui s’est tenu au Soudan en 2011. La diaspora soudanaise avait été autorisée à effectuer un vote pour trouver une solution adéquate concernant le conflit du Darfour.

Au niveau économique, il est indéniable que la diaspora tient une fonction essentielle. De l’étranger à leurs pays d’origine, des millions de citoyens transfèrent de l’argent à leur famille, contribuant ainsi au développement économique de leur nation. Ainsi, accorder à ces citoyens le droit de vote aura pour conséquence de les intégrer dans les affaires publiques de leurs pays. Qui plus est, s’ils participent activement au bien-être socio-économique de leur nation, ils devraient logiquement bénéficier des mêmes droits que leurs concitoyens résidents dans le pays d'origine. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2011, la diaspora kenyane a participé à plus de 5% dans le PIB kenyan. La même année, l’argent envoyé dans leur pays par les Ghanéens vivant à l’étranger s’élevait à 14,5 millions de dollars US et pour ce qui est de la diaspora sierra-léonaise, cette contribution atteint 148 millions de dollars US.

Au niveau social, on ne s’en rend peut-être pas compte mais les citoyens résidant à l’étranger ont une réelle influence sur leurs familles et ceci peut donc avoir des conséquences décisives. D’ailleurs, ce fut la raison pour laquelle, lors des élections présidentielles au Mali, en 2007, certains leaders politiques avaient entrepris une tournée dans les pays voisins où résident des ressortissants maliens. Notons que l’ensemble de la diaspora malienne représentait alors l’équivalent d’une région au Mali. De plus, en France, les militants de partis maliens s’étaient également activés à sensibiliser le plus possible leurs compatriotes, allant jusqu’à mettre des affiches et posters dans les rues de la banlieue parisienne. D’un autre côté, il faut aussi considérer que si les Etats accordent le droit de vote à leurs citoyens vivant à l’extérieur, et spécialement les étudiants et professionnels, c’est aussi et surtout pour éviter qu’ils abandonnent définitivement leur pays d’origine et pallier le phénomène de la fuite des cerveaux.

Mais, au fait, comment ça se passe ?

L’exercice du vote à l’étranger peut s’organiser de diverses manières. Certains pays n’en utilisent qu’une seule, tandis que d’autres en combinent plusieurs. Elles sont régulièrement divisées ainsi :

  • Le vote personnel : il se fait par la personne elle-même, c’est-à-dire, qu’elle doit se déplacer. Concernant le lieu, il s’agit généralement des ambassades et consulats, ou rarement, de bureaux de votes aménagés par les autorités compétentes.
  • Le vote postal : il est effectué dans un endroit désigné au préalable ou que le votant a lui-même choisi. Le vote se fait en présence d’un témoin capable de confirmer l’identité du votant et que ce dernier a exercé son droit sans aucune contrainte ni ingérence. Naturellement, la dernière démarche consiste à envoyer, par mail simple ou diplomatique, le bulletin de vote.
  • Le vote par procuration : comme son nom l’indique, dans ce cas-ci, le votant désigne un citoyen résidant dans son pays d’origine pour effectuer un vote en son nom le jour des élections.
  • Le vote par voie électronique ou e-voting : cette forme nouvellement utilisée, grâce à l’expansion des technologies de  l’information et de la communication, est sûrement l’avenir du vote de la diaspora car elle ne requiert aucun déplacement vers un bureau de vote. Bien que cette démarche ne soit pas encore pratiquée en Afrique, des pays comme l’Estonie et la Hollande l’applique déjà. Les votants ont tout simplement besoin d’un ordinateur, d’un téléphone portable ou de n’importe quel autre support digital personnel.

Qui peut exercer ce droit ?

L’Organisation Internationale de la Migration (OIM) nous apprenait en 2005 qu’environ 190 millions de personnes vivent dans un pays différent de celui dont ils sont originaires. Ceci équivaut à 3% de la population mondiale. Ce chiffre frappant reflète le niveau d’importance et d’influence qui caractérise la diaspora. Selon l’Institut International pour la Démocratie et l’Assistance Electorale, 115 pays dans le monde entier accordent le droit de vote à leurs ressortissants résidant à l’étranger. Et pourtant, seulement une trentaine de ceux-ci sont africains. Il s’agit entre autres de la Guinée, du Sénégal, du Tchad, de l’Ile Maurice, du Cap-Vert, du Ghana, du Lesotho, de l’Afrique du Sud, du Zimbabwe, du Mozambique, de la Namibie, de la Centrafrique, du Botswana, du Togo, du Cameroun… Certains pays accordent ce droit à leurs citoyens en fonction de l’activité qu’ils pratiquent. Par exemple, au sein de la diaspora lesothane, seuls les citoyens devant remplir une mission officielle d’ordre diplomatique ou militaire ont le droit de voter. D’autres pays mettent plutôt l’accent sur le nombre d’années vécues à l’étranger. Nous pouvons ici nous intéresser au cas des Namibiens car il leur faut avoir passé au moins un an hors de leur pays avant de pouvoir s’inscrire comme électeur externe. Il est évident que toutes ces conditions donneront peu envie aux acteurs de la diaspora de s’engager dans la vie sociale, économique et politique de leurs nations respectives. En outre, il faut aussi insister sur le fait que tous les citoyens vivant à l’extérieur de leurs pays devraient être officiellement répertoriés afin de pouvoir mieux évaluer leur dimension et le degré de leur participation.

Même si certains Etats africains présentent de bons résultats concernant l’intégration de leurs citoyens résidant à l’étranger, il semble encore qu’il y en ait d’autres qui peinent à dépasser ce cap. Souhaiter que la diaspora participe économiquement au développement de son pays tout en la privant d’un de ses droits les plus légitimes est un non-sens révoltant. D’ailleurs, on parviendra difficilement à oublier les propos du président Mugabe, après avoir refusé de permettre à la diaspora zimbabwéenne de s’impliquer dans les élections de 2000 : « rentrez chez vous et votez ».  Il ne fait toutefois aucun doute que mettre en place un tel projet nécessiterait une réflexion collective et approfondie sur plusieurs facteurs tels que la faisabilité, la relation bilatérale entre le pays d’origine et le pays d’accueil ou la structure légale à adopter. Quoi qu’il en soit, le combat n’en est qu’à son début et le dynamisme du Nigéria ou du Kenya en ce sens annoncent clairement la donne : la diaspora africaine compte clairement se faire entendre !

 

Khadidiatou Cissé

L’homophobie africaine

Terangaweb_Homosexualité Afrique

Jeudi 27 juin 2013, date cruciale dans la tournée de Barack Obama sur le continent africain. Lors d’une conférence de presse à Dakar, où il a à ses côtés son homologue sénégalais, Macky Sall, de nombreuses questions touchant notamment les domaines économique et politique sont abordées. Cependant, le président le plus puissant au monde mettra le doigt sur un sujet tout particulièrement délicat sur le continent tout entier : l’homosexualité.  Ainsi, le sujet s’invite encore sur la table et il devient de plus en plus épineux de déterminer quel sera le futur de la communauté LGBTI en Afrique.

L’homosexualité ne peut être africaine ? Balivernes !

Cet argument est soulevé sans relâche par une majorité de pays africains et pourtant, la vérité est loin de s’y trouver. Avant d’aller plus loin, il convient de s’accorder sur un point : l’homosexualité n’est propre à aucun territoire. Elle s’est manifestée à travers le monde à des échelles différentes et dans des contextes variés. Il est donc incongru d’accuser les Occidentaux d’être à l’origine de l’arrivée de cette « perversion » en Afrique.  Et plutôt que de le fuir, les Africains devraient mieux se pencher sur leur passé. Le concept trouve certes ses origines en Grèce et en Rome antiques mais ceci constituerait un argument peu pertinent dans cette analyse. En effet, si on s’intéresse aux différentes langues parlées autrefois ou présentement sur le continent, on remarquera que le concept d’homosexualité y était présent depuis bien avant l’arrivée des missionnaires et colonisateurs. Les rites initiatiques et pratiques ethniques n’en sont que plus démonstratifs. Dans son article intitulé « L'homosexualité en Afrique : sens et variations d'hier à nos jours », le sociologue Camerounais, Charles Guebogo nous apprend que les pratiques homosexuelles étaient courantes au sein de l’ethnie des Quimbandas, en Angola et que les individus de même sexe qui entretenaient des rapports sexuels étaient également désignés sous ce nom. Toujours en Angola, dans la tribu des Wawihé, l’homosexualité et la bisexualité se traduisaient par « omututa » et le terme « okulikoweka », signifiant littéralement les actes sexuels entre femme-femme et homme-homme, continue encore  d’être utilisé. Au Nord du Nigéria, les Hausa désignent l’homosexualité masculine par le terme « dan kashili » et une autre appellation populaire, « dan daudu », veut dire « les hommes qui agissent comme des femmes et couchent avec des hommes ». En outre, en Afrique de l’Est, le « basha », en kiswahili, est considéré comme « l’homme qui rentre dans ses partenaires/amis » tandis que le terme « haji » désigne le vrai homme, l’homme puissant. Qui plus est, en Tanzanie, il a été découvert qu’à Zanzibar, les pratiques lesbiennes étaient désignées par le terme « kulamba » ou « kulambana » et qu’elles traduisaient la pratique du cunnilingus. Une autre appellation dite « kusagana » était considérée comme le fait de se frotter les parties intimes. Et la liste est longue. Comment ignorer ces preuves linguistiques ? Du Nigéria, en passant par le Cameroun, l’Afrique de l’Est et l’Afrique du Sud, l’histoire elle-même et le langage ne trompent pas. Ces deux reflets de l’identité d’une communauté nous prouvent que l’homosexualité a bel et bien un vécu sur le continent et, ce qui est plus frappant est qu’elle a fait partie intégrante des coutumes de plusieurs tribus présentes sur ces terres. Alors pourquoi afficher un tel rejet aujourd’hui ?

Après leur prise d’indépendance, de nombreux pays africains adoptèrent des textes de lois copiant ceux des puissances coloniales. Ces textes condamnaient toutes les pratiques sexuelles entre individus de même sexe, les considérant comme des crimes passibles d’emprisonnement (et pourtant les prisons sont un lieu privilégié pour les homosexuels en Afrique) ou d’une lourde amende. Sans mentionner les pressions sociales qui mettent les homosexuels au pied du mur : un homosexuel doit désormais se cacher.

Le combat persiste …

Ainsi, une véritable chasse aux homosexuels a débuté en Afrique. Aujourd’hui, ce sont 38 pays sur 53 qui condamnent cette orientation sexuelle. Les peines vont d’une forte amende, à un emprisonnement ou encore à la peine capitale.  Le procès de deux Camerounais avait notamment défrayé les chroniques en 2012. Ces derniers avaient dénoncé les conditions de détention et les examens rectaux humiliants auxquels ils devaient faire face mais ils avaient finalement été acquittés, après une forte mobilisation internationale. En Ouganda, un pays fortement influencé par les évangélistes américains ayant échoué à obtenir gain de cause chez eux face aux nombreuses lois en faveur de la communauté LGBTI, le chemin des homosexuels est tout particulièrement semé d’embûches. Les parlementaires s’acharnent à instaurer des lois plus draconiennes à l’encontre de cette communauté et le gouvernement a indiqué à ONUSIDA que les programmes d’éducation destinés aux homosexuels seraient considérés comme une infraction pénale, tout en menaçant d’expulser l’organisme. Par ailleurs, un Ougandais étant au courant des faits et actes d’un homosexuel sans pour autant le dénoncer peut aussi faire face à une condamnation. Pour protéger ce qu’ils appellent la morale publique, certains gouvernements sont prêts à tout. Ainsi, dans des pays comme la Mauritanie, le Soudan ou la Somalie, une personne  ayant des rapports sexuels avec une autre de même sexe doit être exécutée sans préavis. Cependant, quelques espoirs naissent tout de même dans certaines parties du continent.

… des deux côtés !

Sans aucun doute, l’Afrique du Sud est une étoile montante en termes de tolérance et de respect de l’identité sexuelle des LGBTI. Malgré les « viols correctifs » relevés de certaines lesbiennes, il faut considérer le fait que le pays fournit des efforts colossaux pour soutenir cette minorité. Ainsi, c’est en 2002 que la loi sud-africaine ouvre l’adoption aux couples homosexuels et en 2006, elle ouvre le mariage aux couples de même sexe. Dans cette lancée, l’Afrique du Sud est suivie par le Cap-Vert, Sao Tomé et Principe, l’Ile Maurice et les Seychelles qui se sont engagés à abandonner toute peine à l’encontre des LGBTI. Aussi, des pays tels que le Botswana et le Mozambique ont supprimé leurs textes de lois discriminatoires relatifs au droit du travail et fondés sur l’orientation sexuelle des individus. En outre, il faut noter que de nombreux pays d’Afrique subsaharienne n’ont encore instauré aucune disposition législative officielle par rapport aux homosexuels. Il est donc difficile de déterminer s’ils y sont les bienvenus ou non et si leur identité y est reconnue. Il s’agit de la République Démocratique du Congo, de la République Centrafricaine, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, de Madagascar, du Burkina Faso, du Niger, du Tchad et du Rwanda. Une très faible lueur se fait donc voir pour la communauté LGBTI mais leur lutte n’est évidemment pas près de finir.

L’Afrique n’est pas encore prête à accepter les LGBTI

Considérés comme étant foncièrement pervers dans la majorité des pays africains, les homosexuels ne peuvent pas s’afficher au grand jour. Quand bien même, il y aurait des textes de lois les protégeant, c’est parfois la police elle-même qui les transgresse. Les individus ayant des rapports sexuels avec d’autres de même sexe font face à des menaces ou de nombreux chantages et ne bénéficient d’aucune autonomie financière ni d’accès aux soins médicaux. Beaucoup de LGBTI africains ont ainsi décidé d’émigrer, clandestinement ou non. Laissant derrière eux leurs familles et leurs amis les ayant reniés, ils courent se réfugier dans les pays occidentaux, dans la majorité des cas. Ces pays, où l’émancipation et le respect des droits des homosexuels sont en train d’évoluer, représentent un havre de paix pour eux. Cependant, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a décrété qu’à moins d’être victime d’une persécution grave dans leur pays d’origine ou qu’une condamnation soit effectivement appliquée à leur encontre, les homosexuels africains ne bénéficieraient pas du statut de réfugié dans l’Union. Cette décision a été fortement déplorée par l’organisation Amnesty International, luttant farouchement pour le respect des droits des personnes LGBTI. Ainsi, les homosexuels africains sont obligés de fuir constamment même si certains d’entre eux bénéficient toutefois d’aide et de soutien provenant d’associations de protection des droits de l’homme, de lobbyings, de groupements gays locaux et de certains proches tenant leur identité secrète. Par ailleurs, de nombreuses voix se sont élevées au sein de la communauté internationale, particulièrement dans les pays du Nord comme la France ou les Etats-Unis, incitant les Etats africains à remettre en question leur jugement et le statut juridique de cette minorité.

Mais alors, quel avenir pour les homosexuels africains ?

Donner une réponse à cette question serait impossible face à l’incertitude et la précarité de la situation actuelle. Néanmoins, les Etats africains devraient cesser de considérer l’homosexualité tel un « héritage occidental » et accepter le fait que la présence de cette identité sexuelle sur le continent a précédé l’avènement des lois coloniales. Avant tout, il est important d’admettre que les textes juridiques discriminatoires vis-à-vis des LGBTI africains trahissent la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) et il est déplacé et illogique de prétendre le contraire. Cependant, chaque pays a certes un héritage culturel – et religieux, concernant par exemple, les pays influencés par la charia ou les autorités religieuses – ce qui implique forcément que chaque Etat ne peut qu’évoluer à son propre rythme. Des discussions doivent donc nécessairement avoir lieu afin de respecter les droits fondamentaux de chacun tout en essayant de pérenniser les relations au sein de la société civile africaine. Bien évidemment, aucun choix n’est facile à prendre dans un cas pareil et les enjeux non-négligeables ne facilitent pas la tâche aux Etats de ce continent. L’Afrique doit néanmoins sortir de son coin et tenter de parvenir à un point d’accord satisfaisant pour chaque partie. Le ciel semble tout de même se dégager peu à peu, lorsque des pays comme le Kenya se mettent lentement à réévaluer leurs textes juridiques et réfléchir à une nouvelle approche pour mieux intégrer les LGBTI. Il serait fort prématuré de prononcer un futur favorable à cette communauté en Afrique, spécialement au Maghreb, en Mauritanie, ou au Soudan du Sud, mais le processus de tolérance et de respect de ces « nouveaux » genres et identités sexuels est définitivement en marche. C’est une autre étape que l’Afrique doit affronter et tous les yeux sont rivés sur elle.