Le FIFDA 2017 se place sous le signe de la mémoire et de l’identité

Gurumbe. Copyright

Pour sa cinquième édition, le Festival International des Films de la Diaspora Africaine (FIFDA), qui aura lieu du 8 au 11 septembre dans plusieurs cinémas parisiens, célèbre la mémoire et l’identité. Mémoire des Africains du continent vue de l’intérieur, mémoire de leur diaspora située entre deux rives : de ces deux faces de l’Histoire découlent les questionnements identitaires que vivent au quotidien les milliers d’Africains, locaux ou immigrés, et d’afro-descendants de la diaspora.

Des mémoires enfouies ou niées  

Après Tango Negro, de Dom Pedro de Angola, qui remettait au goût du jour les origines africaines du tango, Gurumbe exhume les traces de la présence d’esclaves en Espagne : les racines profondément africaines de la musique andalouse. Independencia nous envoie vers d’autres mémoires ibériques : celles de la lutte angolaise pour l’indépendance, une des plus longues et des plus éprouvantes de l’Histoire. Des vétérans joignent leur témoignage à des images inédites. Dans le registre de la lutte, le Maroc n’est pas en reste : Fidaa relate le dilemme d’un résistant anti-colonial face à un beau-père collaborateur ayant participé à l’emprisonnement et à la mort de nombreux résistants.  Même combat pour les rastafari de la Jamaïque dans The price of memory, qui demandent réparation à la reine Elisabeth II d’Angleterre pour les années d’esclavage qui ont marqué la belle île, s’inscrivant dans la lutte pour la reconnaissance de l’esclavage qui a pris racine dès 1960.

FIFDA
Mariannes noires, de Mame-Fatou NIANG & Kaytie NIELSEN, à l’affiche du FIFDA 2017.

Un présent à réinventer  

Pour les protagonistes des Mariannes Noires, il est avant tout question de liberté. Liberté de choisir à quelle(s) culture(s) on appartient, à quels principes on adhère. La question de la liberté d’être est tout aussi prégnante chez les héros de Dites-leur que nous avançons, sur l’histoire des universités noires aux Etats-Unis, de Mohammed le prénom, ou de Medan Vi Lever, où l’on explore la problématique du retour avec un humour salvateur. S’y ajoute l’effet de miroir en rapport avec le regard de l’autre. Stand down Soldier, qui met en scène une femme soldat témoignant de son expérience en Irak, inscrit les parcours de la diaspora dans un destin détaché des carcans identitaires, et pose la question du rôle de chacun dans la destinée universelle. Chez le réalisateur de N.G.O. (Nothing Going On), c’est l’espoir suscité par l’ ailleurs qui ressort, poussé par la représentante américaine d’ une fausse ONG. Avec, en prime, une réalisation teintée d’humour pour évoquer des sujets d’une extrême gravité. Déroutant, le FIFDA, comme chaque année !

Voir l’intégralité du programme et les dates de projection

Touhfat Mouhtare

Que peut espérer l’Afrique de la présidence Macron?

 Le 07 mai 2017, la France a élu un nouveau président, en la personne d’Emmanuel MACRON.

Le nouveau président coche toutes les cases de l’atypisme en politique[1].  Il y a environ une année qu’il a créé son mouvement politique. Personne ou presque au sein de la classe politique, ne lui donnait une chance de réussir son pari, celui de remporter les élections présidentielles. Quelques mois après, il est non seulement le 8ème président de la Ve République mais a également obtenu la majorité absolue aux dernières élections législatives. Actant au passage la définitive désintégration du Parti socialiste, le président Macron a également fortement affaibli la droite républicaine.

Affirmer que le succès d’Emmanuel MACRON a modifié l’échiquier politique français n’est qu’un euphémisme. Ses premières sorties sur le plan international sont venues confirmer cette impression. Entre la symbolique poignée de main avec le président Trump et la réception du président russe Vladimir Poutine, le jeune président a pris ses marques et a fait taire les premières critiques visant son inexpérience pour conduire une bonne politique étrangère de la France.  Si pragmatisme et opportunisme peuvent qualifier ses premières sorties face aux géants russe et américain, sa politique africaine reste plus difficile à décrypter. La longue et sulfureuse histoire de la françafrique n’aide pas le nouveau président en ce sens. En effet, durant les dernières décennies, les politiques africaines des exécutifs français se suivent et se ressemblent.  Le président Sarkozy avait, dès son arrivée au pouvoir, affirmé sa volonté de mettre fin à ce réseau d’amis et d’intérêts privés priorisés au détriment des intérêts des populations. Il n’en a pourtant été rien. La présidence Hollande, quant à elle, a très timidement tourné le dos à certains gouvernements africains considérés comme peu enclins à la valorisation de la culture démocratique. Le nouvel homme fort de la France pourra-t-il abonder dans le même sens en incarnant un tout autre postulat des relations entre la France et l’Afrique ? Quelles conséquences pourraient avoir l’élection d’un président, non rompu aux codes des relations France Afrique sur la politique africaine de la France ?

Macron, président d’une autre époque

Emmanuel Macron est né en 1977, 32 ans après la fin de la seconde guerre mondiale. Ce détail a une importance capitale. Il met en exergue sa jeunesse. Mais au-delà de son jeune âge, il est le seul président de la Ve République à ne pas avoir véritablement vécu la guerre froide. Il avait 12 ans lors de la chute du mur du Berlin.  Il ne porte donc pas l’héritage des nébuleuses relations liées à la « françafrique » qui ont brillamment porté leur fruit lors de la période de la guerre froide. Comme le résumait très excellemment Lionel Zinsou lors d’une interview sur les chaines de France 24, « il n’est pas pris dans des héritages liés à d’autres relations entre la France et l’Afrique. Il a dépassé les clivages gauche et droite, la gauche pour la décolonisation, la droite qui assume l’héritage colonial ». L’ancien premier ministre du Bénin poursuivit en affirmant qu’Emmanuel Macron a pris des risques politiques en France en qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité. ».

Loin d’une posture à visée électoraliste, les prises de position du président Macron vis-à-vis de la colonisation peuvent être interprétées comme la résultante de son époque. Il s’agit là d’une chance inouïe pour l’Afrique et sa société civile, en quête d’interlocuteurs qui ne les analyseraient ni sous le prisme du néocolonialisme ni sous celui de menaces aux intérêts français en Afrique. Cette lecture des relations franco-africaine a été dominante durant ces trente dernières années. Elle pourra peut-être changer avec la présente mandature.

La jeunesse du président Macron, une chance pour la jeunesse africaine ?

L’Afrique est un continent jeune.  D’après les chiffres de l’Unesco, 70% de la population a moins de 30 ans[2]. Paradoxalement, c’est le continent sur lequel les jeunes sont les moins représentés aux postes de responsabilité.  Ceci s’explique en partie par la longévité au pouvoir de certains chefs d’Etat qui ne créent pas forcément les conditions idoines pouvant permettre à la jeunesse de faire ses preuves.

Ces règnes ont souvent été possible grâce à la bénédiction de gouvernements occidentaux, notamment français. La jeunesse du nouveau président français pourrait radicalement rompre avec cet état de fait. Elle pourrait en conséquence constituer une chance pour une jeunesse africaine qui cherche à prendre en main son destin.

Le président Macron croit en l’avenir de l’Afrique et en à la « créativité » de sa jeunesse. Lors d’une interview au journal Le monde, il a déclaré vouloir être à côté « des ONG, de la diaspora africaine et des entreprises »[3]. En un mot, le président Macron promet de soutenir les sociétés civiles africaines et forcément au détriment des pouvoirs politiques souvent décriés par les populations. L’aide au développement qu’il souhaite doubler devrait donc principalement bénéficier à ces sociétés civiles qui mènent le combat de la bonne gouvernance et de la vulgarisation des bonnes pratiques démocratiques sur le continent.

Les certitudes de sa politique

Pour son premier voyage sur le continent africain, Emmanuel Macron s’est rendu au Mali, pour saluer les troupes françaises de l’opération « Barkhane ». Par ce déplacement, il a donné un signe de ce que constituera l’un des piliers de sa politique africaine. La lutte contre le terrorisme en Afrique de l’ouest sera certainement l’une de ses priorités.

Les intérêts français dans la zone sahélo-sahélienne sont nombreux. L’énergie nucléaire est la principale source d’électricité utilisée en France avec l’uranium en provenance du Niger constituant, à elle seule, un tiers de la production énergétique du pays[4]. C’est dire à quelle point la sécurisation de cette zone peut avoir des conséquences directes sur le quotidien des populations françaises.

Toute la question qui se pose à ce propos est relative à la stratégie politique et militaire qu’adoptera le nouvel exécutif. Si un départ des troupes françaises n’est pas à l’ordre du jour, un renforcement de la présence française n’est pas non plus évoquée. Le nouvel homme fort français espère convaincre l’Allemagne à participer d’une manière plus pérenne à l’effort de guerre dans le Sahel. Le président compte également mettre l’accent sur la formation et l’équipement des troupes africaines.  Alors que l’armée malienne et ses alliés de l’Union Africaine et de la CEDAO[5] peinent à sécuriser le nord du pays, le soutien de la France à la région est plus que jamais nécessaire.

Il faudrait, somme toute, rester prudent quant aux déclarations d’intention du président élu et aux différentes analyses qui peuvent être faites sur la base de son parcours politique. Lorsque les promesses électorales rencontrent la réalité du pouvoir, l’expérience a montré que les déceptions ont assez souvent triomphé.

                                                                                                                                                                 Giani GNASSOUNOU

 


[1] Avant son élection à la magistrature suprême, il n’avait jamais exercé de mandat électoral. Son mouvement politique est devenu le premier parti politique avec seulement une année d’existence. A côté, le parti socialiste a dû attendre 12 années après sa création pour voir son candidat accéder au poste de président de la république.

[2] http://www.unesco.org/new/fr/unesco/events/prizes-and-celebrations/celebrations/international-days/world-radio-day-2013/statistics-on-youth/

[3] http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/04/12/emmanuel-macron-son-programme-afrique-je-veux-mobiliser-plus-de-financements-pour-les-pme-locales_5110340_3212.html

[4] http://www.atlantico.fr/decryptage/combien-couterait-vraiment-prise-stocks-uranium-niger-groupes-islamistes-florent-detroy-614999.html

[5] Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.

 

 

 

Gaspillage des cerveaux au delà de la fuite des cerveaux

fuite_cerveauxBeaucoup de pays Africains investissent dans la formation de leurs élites (en offrant des bourses) sans pourtant obtenir les retours sur investissements escomptés, car rares sont les diplômés africains bénéficiaires  de ces bourses des États qui retournent effectivement exercer dans leur pays d'origine ; la plupart préférant travailler dans leur pays hôte ou ailleurs dans le monde. Ce qu'on appelle communément la "fuite des cerveaux" ou « exode des cerveaux ». On note par exemple qu’entre 1990 et 2000, la migration des diplômés de l'enseignement supérieur a augmenté de 123 % en Afrique de l'Ouest contre 53 % pour les non-qualifiés. Abdeslam Marfouk, chercheur à l'université de Louvain estime que plus de dix pays africains ont plus de 40 % de leur main-d'œuvre hautement qualifiée hors de leur pays : 67 % au Cap-Vert, 63 % en Gambie, 53 % en Sierra Leone, etc. et que près d'un chercheur africain sur deux réside en Europe.[i]

L’effet pervers de cette fuite de cerveau est le « brain waste » ou « gaspillage de cerveaux ». Il s’agit des compétences qui sont sous-appréciées et sous-utilisées. Cela est fréquent dans tous les pays, mais les immigrés dans les pays développés sont les plus touchés. Selon Joëlle Paquet (2010)[ii], s’il est vrai que les travailleurs immigrés qualifiés peuvent  théoriquement améliorer leurs revenus et leur bien-être dans leur pays d’accueil ; cette augmentation est cependant limitée par les problèmes d’intégration auxquels font face certains immigrants. Caglar Ozden, économiste à la Banque Mondiale, constate qu’aux Etats-Unis, les migrants qualifiés ne parviennent pas souvent à trouver des emplois correspondant à leur niveau d’instruction.[iii]

 

«Brain Waste » absolu et « Brain Waste » relatif

En général, à niveau d’instruction égal, les immigrants dans les pays développés occupent des emplois moins compétitifs que les « autochtones ». Cependant, il faut distinguer le «Brain Waste » absolu et le « Brain Waste » relatif. Le «Brain Waste » absolu correspond aux travailleurs qualifiés exerçant le métier d’ouvrier ou d’autres métiers non qualifiés. Selon Souhila Benali, 6% des immigrés algériens « qualifiés » exercent le métier d’ouvrier en France. Le « Brain Waste » relatif, c’est la situation qui équivaut à la déqualification des diplômés, en les affectant à des postes de niveaux inférieurs à leurs qualifications. Un nombre important non mesurable d’immigrés serait dans ce cas.[iv]

 

Pourquoi les immigrants sont affectés par le gaspillage des cerveaux ?

Beaucoup de pays comme le Canada exigent une compétence élevée afin d’obtenir une immigration. Le programme de travailleurs qualifiés se base sur un système de points. Le candidat à l’immigration doit satisfaire une certaine compétence basée sur les diplômes, les expériences de travail, les spécialités qui procurent des points. Cependant, le pays d’accueil ne dispose pas toujours ou pas assez des métiers correspondant aux compétences des immigrés. En outre, les diplômes et les qualifications professionnelles de nombreux migrants ne sont pas reconnus. Joëlle Paquet (2010)[v] explique le gaspillage des cerveaux par le fait que les diplômes et les qualifications professionnelles de nombreux migrants ne sont pas reconnus, en particulier lorsque ceux-ci proviennent de pays en développement. Certains immigrants sont obligés de refaire une formation dans le pays d’accueil afin d’espérer un métier correspondant à leurs compétences.

La langue constitue, dans bien de cas, un facteur entrainant ce gaspillage des cerveaux. Selon Maurice Schiff, économiste à la Banque mondiale, il ressort des données relatives aux États-Unis que les migrants scolarisés venant de l’Inde ou du Royaume-Uni ont plus de chances de trouver des emplois correspondant à leur niveau de compétence aux États-Unis. « L’une des principales raisons qui expliquent cette situation est la langue. Les diplômés d’université de l’Inde et du Royaume-Uni s’expriment en anglais, ce qui leur confère bien entendu un grand avantage lorsqu’ils arrivent aux États-Unis », précise Maurice Shiff.[vi]

Aussi, faut-il signaler que certains emplois qualifiés sont réservés exclusivement aux  citoyens : ces emplois excluent les immigrants non citoyens et pour d’autres emplois, la priorité est accordée aux citoyens. Il est admis qu’il y’a une grande concurrence pour l’obtention des travaux qualifiés. Cette grande concurrence conjuguée avec la non priorité dans les emplois peut entraîner un gaspillage des cerveaux des immigrants dans les pays développés.

 

Que faire avant de s’engager pour une immigration ?

Il faut cependant noter que le gaspillage des cerveaux n’est pas seulement l’apanage des immigrants dans les pays développés. Le gaspillage des cerveaux existe même dans les pays en développement, les pays d’origine des immigrants et serait l’une des causes de l’immigration et qui décourage le retour de certains immigrants vers leur pays d’origine. L’une des causes majeures du gaspillage des cerveaux des immigrants est le manque d’informations. Beaucoup de travailleurs qualifiés s’engagent dans le processus d’immigration sans réellement connaître l’environnement du point de chute. Il est du devoir de tout candidat qualifié à l’immigration de bien observer l’environnement du point d’accueil avant de s’engager.

Les candidats à l’immigration doivent se renseigner des possibilités d’emplois qualifiés dans les pays d’accueil potentiels. Ils pourront se renseigner auprès de plusieurs immigrants déjà installés pour diversifier les sources de renseignement. Il est conseillé également aux candidats qualifiés à l’immigration, une fois engagés, de prendre une disponibilité de service si possible au lieu d’une démission afin de ne pas fermer la porte pour un retour potentiel. Ainsi, une fois installé dans le pays d’accueil,  à la fin du délai de la disponibilité de service, le candidat pourra arbitrer entre sa situation actuelle et sa situation précédente afin d’éviter le gaspillage des cerveaux.

 

Que doivent faire les pays pour empêcher des gaspillages de cerveaux de leurs émigrants ?

Pour éviter les gaspillages de cerveaux, les États africains doivent procurer des bourses conditionnelles, mais aussi combattre les gaspillages des cerveaux dans leur propre pays. Ces bourses conditionnelles doivent être effectives et accessibles à tout le monde. Ainsi, les États doivent non seulement garantir des emplois pour les diplômés, mais aussi créer une situation favorable pour le retour des diplômés. En même temps qu'on investit dans le capital humain, il faudra investir aussi en capital physique pouvant favoriser l’accueil des diplômés. Aussi, pour faciliter le retour des migrants et leur insertion dans leur société d’origine, les États doivent tout faire pour garantir un emploi aux migrants diplômés après leur retour à l’instar de certains pays asiatiques et latino-américains.

 

 

Ali Yedan

 


[ii] PAQUET, Joëlle. Favoriser le développement économique des pays d’origine des immigrants : une responsabilité partagée. Québec, Laboratoire d’étude sur les politiques publiques et la mondialisation, ENAP, 2010, 16 p. (Rapport évolutif. Analyse des impacts de la mondialisation sur l’économie au Québec; Rapport 8)

 

[v] PAQUET, Joëlle. Favoriser le développement économique des pays d’origine des immigrants : une responsabilité partagée. Québec, Laboratoire d’étude sur les politiques publiques et la mondialisation, ENAP, 2010, 16 p. (Rapport évolutif. Analyse des impacts de la mondialisation sur l’économie au Québec; Rapport 8)

 

Les secrets d’une réussite dans les TIC en Afrique 

ImageLe 11 septembre dernier était organisé à la Gaité Lyrique (Paris) l’AfriqueITNews forum sur le thème « Les secrets d’une réussite dans les TIC en Afrique ». 

Cet évènement, qui a réuni une centaine de professionnels, a permis d’échanger sur les expériences entrepreneuriales et les opportunités offertes à la diaspora africaine en plein cœur de la révolution numérique que nous connaissons. 

Dans cette nouvelle économie, les TIC donnent l'opportunité, avec des ressources limitées, d’avoir des solutions scalables et d'obtenir également, via des méthodes de management de type « lean », des retours  utilisateurs  permettant ainsi d'améliorer le produit. 

Mais qui peut bien nous accompagner dans la formalisation de notre projet ? 

En Afrique francophone, les incubateurs tels que le CTIC Dakar ou le CIPMEN à Niamey sont nés d’un partenariat public/privé et ont pour but d’accompagner les porteurs de projet à développer leur business. Cela se traduit principalement par du mentoring, de la formation et une mise en relation avec des partenaires  (investisseurs, juristes, développeurs). 

En ce qui concerne le modèle économique, une bonne partie est liée à des subventions de partenaires privés. Les autres rentrées financières correspondent à du consulting et à un pourcentage sur le chiffre d’affaire entre l’entrée et la sortie des entreprises incubées. 

On voit également se développer de nouveaux modèles telles que la plateforme collaborative en ligne CONCREE développée par Baobab Entrepreneurship ou Ampion qui permettent, au travers d’un voyage en bus de 5 jours, de s’imprégner des problèmes rencontrés sur le continent et monter sa startup aussitôt ! 

En fonction de la localisation géographique, le business model de ces incubateurs version Africaine est en constante réadaptation avec une nouvelle mouvance associant numérique et culture.  

De plus, pour tout nouveau projet, il y a un impact indéniable du numérique. C’est pourquoi on voit se développer de nouvelles initiatives sur le continent Africain dont le but est d’apprendre les bases de programmation (Dev academie, Objis, Tech Republic Africa, Africa code week). L’un des buts intrinsèques étant de démystifier les concepts du coding.  

Quel modèle d’investissement est le plus adapté aux startups ? 

Au démarrage, le financement sur fonds propres ou toutes autres ressources externes (crowfunding, prix, subventions) sont les meilleures options. 

Pour les PME/TPE qui ont des besoins inférieurs à 300 K € et ayant dépassées le stade de proof-of-concept, il existe un gap de financement des banques africaines en raison d’un risque trop important. Afin de combler ce gap, des fonds de capital-risque tel que TERANGA CAPITAL ont été mis en place. Ces venture capitalist (VC) accompagnent les startups en rentrant dans leur capital, s’indexent à leur performance et par conséquent partagent le leadership.  

Ces VC étant très sélectifs sur les dossiers, la transparence des projections financières réalistes et la connaissance du marché sont les clés pour les convaincre. 

Comment se prémunir des risques juridiques ? 

L’impact du numérique force les pays africains francophones à innover en termes de droit des affaires. OHADA regroupant 17 états membres a donc été mis en place afin d’harmoniser le système juridique et judiciaire. En parallèle avec cela, des associations tels que l’African Business Lawyers' Club ou le cabinet d’avocats VAUGHAN peuvent servir de relais pour formaliser la structure juridique de votre entreprise. 

Entreprendre en Afrique depuis l’Europe 

Pour la diaspora africaine la meilleure solution est l’innovation frugale. Etant donné l’impossibilité d’être constamment en Afrique, les solutions à mettre en œuvre doivent tirer maximum avantage du numérique. 

Cela peut se faire de plusieurs manières : en proposant une banque d’images sur l’Afrique (Yeelenpix), en créant un label (L'Afrique c'est chic) ou encore via des solutions de e-commerce à partir d’Europe pour l’Afrique (Ouicarry, PassCourses, LAfricaMobile). 

Mis à part les contraintes personnelles, être en Europe offre une proximité par rapport aux partenaires et à la clientèle visés. Il est ainsi plus facile de nouer une confiance avec un cadre juridique clairement défini. 

Entreprendre en Afrique depuis l’Afrique 

Pour les entrepreneurs proposant des services à forte composante digitale (By Filling, Kouaba), le retour en Afrique est plus aisé. En général, il est plus simple de débuter par du B2B du simple fait de la facturation et de l’adresse physique. 

Toutefois réussir son projet entrepreneurial nécessite beaucoup de sacrifices. Il faut donc savoir gérer le risque, responsabiliser, fidéliser ses équipes et adopter un style de management favorisant l’esprit d’équipe pour la défense d’une cause commune. 

L’imprégnation de la culture africaine doit être le fer lance pour garantir la réussite de votre projet. Alors n’attendez plus et lancez vous ! 

 

Omar SIDIKOU 

 

La diaspora, le Saint-Graal de l’Afrique

Le défi du retour

Nombreux sont les esprits brillants qui ont quitté le continent africain à la recherche d'une meilleure éducation ou de meilleures opportunités professionnelles. Il n'est guère difficile de comprendre ce choix et il est tout à fait normal et acceptable lorsque le but final est d’acquérir un savoir solide et utile pour revenir l'appliquer dans son pays et au service du développement économique de celui-ci. Il est cependant très fréquent de constater parmi les étudiants allés poursuivre leurs études à l’étranger, un complexe avéré, une hésitation, lorsqu'il s'agit de retourner dans leur pays d’origine au terme d'études achevées avec succès. Pourtant, peu importe ce que l'on puisse dire, le moyen le plus certain de développer l'Afrique est par le biais de ses fils et filles qui sont allés acquérir un savoir à l’étranger mais qui, ensuite, osent relever le défi du retour pour créer et développer leur pays. Le continent africain a besoin de sa diaspora-qui-revient.

Pour faciliter son retour et ainsi accélérer sa participation à la création de richesses, il est important de favoriser l’émergence d’opportunités véritablement attirantes. Il est impératif d'insister sur l'aspect «création de nouvelles richesses», car la dernière chose dont l'Afrique a besoin est un afflux de personnes sur-qualifiées dont la seule motivation de retour serait de trouver facilement un emploi sécurisé, stable, et qui s'y accrocheraient dur comme fer, contre vent et marrées. Un tel état d'esprit ne résoudra certainement pas les problèmes auxquels l'Afrique fait face aujourd'hui.

 

Insuffler l’esprit d’entreprendre

Ce dont le continent a réellement besoin pour son développement est sans aucun doute l'innovation et la créativité : la capacité à repérer un problème important dans la société et trouver une solution pour le résoudre. En Afrique, des idées considérées comme simples dans des écosystèmes plus matures peuvent devenir de véritables innovations dans la mesure où elles arrivent à être adaptées au contexte local et à prendre en compte les besoins de base des communautés.

Dans cette optique, l'entrepreneuriat serait la voie la plus évidente vers une explosion de la croissance économique du continent. Il n'y a rien de tel que la création d'entreprises et de start-up innovantes pour améliorer le quotidien des populations et par la même occasion créer des emplois sur le continent. Ceci, non seulement réduit le chômage, mais amène également d'autres membres de la diaspora à constater qu'en Afrique aussi, il est tout à fait possible de faire la différence avec un peu de consistance et un brin de créativité. Fort heureusement, il semblerait qu'il y ait progressivement une prise de conscience au sein des diasporas africaines. Bien que le mouvement soit encore plutôt timide, nous assistons à une augmentation considérable des initiatives entrepreneuriales mises en place par des jeunes diplômés de la diaspora: nous ne pouvons qu'en être fiers, et encourager au mieux ces comportements qui serviront de modèles à ceux qui hésitent encore à rentrer au pays pour se lancer.

 

Des entrepreneurs issus de la diaspora-qui-revient

Abdoulaye Touré, jeune ingénieur sénégalais diplômé de l'école Polytechnique – France en expertise énergétique a fondé, avec six autres jeunes diplômés pour la plupart sénégalais, diplômés de diverses institutions françaises, la startup Baobab Entrepreneurship; une jeune startup qui a pour mission de promouvoir l'entrepreneuriat au Sénégal à travers les TICs. Il confie que l'avantage indéniable dont dispose l'Afrique réside dans le fait que le continent présente beaucoup de problèmes à résoudre et de besoins non satisfaits faisant de ce dernier une terre d’opportunités pour tout entrepreneur. Par lui, le fait d’être ancré dans des standards professionnels occidentaux représente le frein majeur pour le retour de la diaspora en Afrique. Il dit aussi que cela pourrait être réglé en rendant beaucoup plus accessibles les opportunités de carrières et d'entrepreneuriat, depuis la France.

 

 

Olabissi_AdjoviOlabissi Adjovi est d’origine béninoise. C’est un autre entrepreneur de la diaspora, basé en France mais faisant des affaires au Sénégal. Il a fondé, avec des associés sénégalais, OuiCarry, une startup qui permet d’envoyer et de réceptionner des colis entre Paris et Dakar. D’après lui, l’énorme potentiel qu’offre l’Afrique en termes de croissance constitue son principal avantage. Il avance également que l’un des facteurs qui stoppent considérablement le retour de la diaspora dans leur pays respectif, est, la plupart du temps le fait que ces jeunes quittent leur pays sans une ferme intention d'y retourner au terme de leurs études à l’étranger. Il est convaincu que plus de jeunes montreront l’exemple, plus  ceux qui hésitent sauteront enfin le pas.

 

Malick DioufMalick Diouf, un autre entrepreneur sénégalais, est le Co-fondateur de la startup LafricaMobile qui offre des solutions de communication entre les entreprises africaines et la diaspora à travers le monde. D’après lui, la flexibilité des clients, fournisseurs, employés etc. est l’avantage le plus saillant lorsque l’on décide d’entreprendre en Afrique, parallèlement à une main d’œuvre de plus en plus qualifiée et embauchable à prix compétitif. En revanche, il pense que le facteur principal de frein au retour de la diaspora est sans nul doute le manque d’infrastructure. Il nous confie également que pour les inciter à rentrer, il faudrait challenger les jeunes de la diaspora et clairement leur signifier le rôle qu’ils ont à jouer pour le développement économique de leur pays. Enfin, il est persuadé que l’Afrique ne se développera que par les africains eux-mêmes, d’où l’importance pour lui d’apporter sa pierre à l’édifice.

 

En somme, il est vraiment encourageant de voir autant d’initiatives mises en place par des d’entrepreneurs de la diaspora africaine qui daignent regarder au-delà des difficultés logistiques présupposées de l’Afrique et lancer leurs activités malgré les conditions du Doing Business parfois très contraignantes. On ose espérer que cette génération d’entrepreneurs inspirera un grand mouvement d’innovation à travers tout le continent.

 

Ibrahima Gabriel Mall, Sénégal

 

Cette diaspora qui vote

Terangaweb_Vote DiasporaLe terme « diaspora » définit une communauté constituée par la dispersion d’individus ayant le même pays d’origine. Ceux-ci peuvent être des réfugiés, ayant été poussés à quitter leur pays en raison d’une guerre civile, d’une instabilité économique ou d’un environnement socio-politique précaire. Dans d’autres cas, ces individus ont tout simplement plié bagages pour leurs études ou leur travail et ont décidé de rester à l’étranger. Sans nul doute, la globalisation a aussi favorisé l’évolution exponentielle de cette communauté à travers le monde. Aussi réduit que leur nombre puisse être, ces personnes jouent toutefois un rôle non-négligeable dans la vie économique de leur pays d’origine et réclament de plus en plus à ce qu’on leur accorde le droit de vote dans les élections qui se tiennent chez eux. En Afrique, ce continent qui détient un fort pourcentage d’émigrés, la question du droit de vote à l’étranger a été soulevée à de nombreuses reprises. Aujourd’hui, c’est plus de 28 pays africains qui accordent ce droit universel à leurs ressortissants vivant à l’extérieur de la nation. Il semble manifestement qu’un changement soit en marche.

Petite histoire du droit de vote de la diaspora

Le droit de vote pour la diaspora semblerait avoir été introduit pour la première fois par l’empereur romain Auguste afin que les membres du Sénat, alors répartis dans 28 colonies différentes, puissent donner leurs voix durant les élections des bureaux de la cité de Rome. Ainsi, leurs votes avaient été scellés et envoyés sous forme de cachets. Plus récemment, en 1862, l’Etat du Wisconsin aux Etats-Unis, a été le premier en Amérique à permettre aux soldats engagés dans la Guerre de Sécession de voter à l’extérieur. En 1902, l’Australie adoptait aussi une clause accordant le droit de vote à ses ressortissants à l’étranger. Concernant le milieu francophone, la France a introduit une loi pour le vote à l’extérieur, en 1924. Cependant, il a été interdit, en 1975, de le faire sous forme postale, pour cause de suspicion de fraude.

Le système législatif relatif au droit de vote à l’étranger a souvent été transmis d’une puissance coloniale à ses colonies ayant nouvellement gagné leur indépendance. C’est l’exemple notamment du Gabon et de la Guinée-Conakry qui ont adopté les mêmes réglementations que celle de la France. Notons que cette dernière  autorise ses ressortissants à voter dans ses principaux lieux de représentation diplomatique, à savoir les ambassades et les consulats, lors d’élections présidentielles ou référendums.

Au Mali, c’est la Conférence Nationale de 1991 qui a mené à l’autorisation du vote de la diaspora. Il s’agissait non seulement de mettre un trait sur les 25 ans de dictature du régime du Général Moussa Traoré, mais aussi de rétablir la démocratie en s'appuyant sur le pluralisme politique et d’intégrer les Maliens de l’extérieur dans les processus électoraux. La majorité d’entre eux s’étaient réfugiés en Côte d’Ivoire, en France ou au Sénégal. La création d’un Ministère des Affaires Etrangères et des Maliens de l’Extérieur a donc été très bien reçue et cette même année-là, une loi autorisant le vote de la diaspora parachevait la transition.

Qui plus est, l’inclusion de citoyens vivant à l’étranger était souvent considérée comme un élément clé dans la construction d’une nation. Ceci fut le cas de la Namibie, en 1989, et de l’Afrique du Sud, en 1994. En outre, pour inciter leurs ressortissants à investir, les Etats développent de plus en plus des outils institutionnels spéciaux.

Quels enjeux ?

Le vote de la diaspora a évidemment des enjeux différents, en fonction du contexte et du pays où on se situe. Tout d’abord, il faut considérer un fait important : bien que présenté comme une question de principe, l’adoption d’une loi pour le droit de vote à l’étranger est souvent née d’intérêts politiques qui ont suscité la controverse et/ou ont été jugés de partisans. Cependant, le concept même de vote est étroitement lié à celui de la citoyenneté et chaque Etat est libre de mettre en place la législation de son choix pour en réguler les mécanismes. De plus, le droit de vote à l’étranger s’est inscrit dans un processus mondial de renforcement de la démocratie, comme il l’a été pour la globalisation culturelle, économique et sociale. Pour mieux cerner les enjeux du vote de la diaspora, il convient d’examiner plusieurs volets.

L’exercice du vote est essentiellement un droit civil et politique. En partant de cette idée, on peut comprendre qu’ôter ce droit à un citoyen reviendrait à le considérer comme ne faisant pas partie de la société. Aussi, permettre à ces citoyens de participer aux élections qui ont lieu dans leur pays, même s’ils n’y résident pas, inspirera la confiance. En effet, ceci prouvera la légitimité du régime au pouvoir et élèvera le niveau de démocratie du pays. Ils auront ainsi le droit de jouer leur rôle et de poser leur pierre dans la construction du futur de leur nation. On peut ici prendre l’exemple du référendum qui s’est tenu au Soudan en 2011. La diaspora soudanaise avait été autorisée à effectuer un vote pour trouver une solution adéquate concernant le conflit du Darfour.

Au niveau économique, il est indéniable que la diaspora tient une fonction essentielle. De l’étranger à leurs pays d’origine, des millions de citoyens transfèrent de l’argent à leur famille, contribuant ainsi au développement économique de leur nation. Ainsi, accorder à ces citoyens le droit de vote aura pour conséquence de les intégrer dans les affaires publiques de leurs pays. Qui plus est, s’ils participent activement au bien-être socio-économique de leur nation, ils devraient logiquement bénéficier des mêmes droits que leurs concitoyens résidents dans le pays d'origine. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2011, la diaspora kenyane a participé à plus de 5% dans le PIB kenyan. La même année, l’argent envoyé dans leur pays par les Ghanéens vivant à l’étranger s’élevait à 14,5 millions de dollars US et pour ce qui est de la diaspora sierra-léonaise, cette contribution atteint 148 millions de dollars US.

Au niveau social, on ne s’en rend peut-être pas compte mais les citoyens résidant à l’étranger ont une réelle influence sur leurs familles et ceci peut donc avoir des conséquences décisives. D’ailleurs, ce fut la raison pour laquelle, lors des élections présidentielles au Mali, en 2007, certains leaders politiques avaient entrepris une tournée dans les pays voisins où résident des ressortissants maliens. Notons que l’ensemble de la diaspora malienne représentait alors l’équivalent d’une région au Mali. De plus, en France, les militants de partis maliens s’étaient également activés à sensibiliser le plus possible leurs compatriotes, allant jusqu’à mettre des affiches et posters dans les rues de la banlieue parisienne. D’un autre côté, il faut aussi considérer que si les Etats accordent le droit de vote à leurs citoyens vivant à l’extérieur, et spécialement les étudiants et professionnels, c’est aussi et surtout pour éviter qu’ils abandonnent définitivement leur pays d’origine et pallier le phénomène de la fuite des cerveaux.

Mais, au fait, comment ça se passe ?

L’exercice du vote à l’étranger peut s’organiser de diverses manières. Certains pays n’en utilisent qu’une seule, tandis que d’autres en combinent plusieurs. Elles sont régulièrement divisées ainsi :

  • Le vote personnel : il se fait par la personne elle-même, c’est-à-dire, qu’elle doit se déplacer. Concernant le lieu, il s’agit généralement des ambassades et consulats, ou rarement, de bureaux de votes aménagés par les autorités compétentes.
  • Le vote postal : il est effectué dans un endroit désigné au préalable ou que le votant a lui-même choisi. Le vote se fait en présence d’un témoin capable de confirmer l’identité du votant et que ce dernier a exercé son droit sans aucune contrainte ni ingérence. Naturellement, la dernière démarche consiste à envoyer, par mail simple ou diplomatique, le bulletin de vote.
  • Le vote par procuration : comme son nom l’indique, dans ce cas-ci, le votant désigne un citoyen résidant dans son pays d’origine pour effectuer un vote en son nom le jour des élections.
  • Le vote par voie électronique ou e-voting : cette forme nouvellement utilisée, grâce à l’expansion des technologies de  l’information et de la communication, est sûrement l’avenir du vote de la diaspora car elle ne requiert aucun déplacement vers un bureau de vote. Bien que cette démarche ne soit pas encore pratiquée en Afrique, des pays comme l’Estonie et la Hollande l’applique déjà. Les votants ont tout simplement besoin d’un ordinateur, d’un téléphone portable ou de n’importe quel autre support digital personnel.

Qui peut exercer ce droit ?

L’Organisation Internationale de la Migration (OIM) nous apprenait en 2005 qu’environ 190 millions de personnes vivent dans un pays différent de celui dont ils sont originaires. Ceci équivaut à 3% de la population mondiale. Ce chiffre frappant reflète le niveau d’importance et d’influence qui caractérise la diaspora. Selon l’Institut International pour la Démocratie et l’Assistance Electorale, 115 pays dans le monde entier accordent le droit de vote à leurs ressortissants résidant à l’étranger. Et pourtant, seulement une trentaine de ceux-ci sont africains. Il s’agit entre autres de la Guinée, du Sénégal, du Tchad, de l’Ile Maurice, du Cap-Vert, du Ghana, du Lesotho, de l’Afrique du Sud, du Zimbabwe, du Mozambique, de la Namibie, de la Centrafrique, du Botswana, du Togo, du Cameroun… Certains pays accordent ce droit à leurs citoyens en fonction de l’activité qu’ils pratiquent. Par exemple, au sein de la diaspora lesothane, seuls les citoyens devant remplir une mission officielle d’ordre diplomatique ou militaire ont le droit de voter. D’autres pays mettent plutôt l’accent sur le nombre d’années vécues à l’étranger. Nous pouvons ici nous intéresser au cas des Namibiens car il leur faut avoir passé au moins un an hors de leur pays avant de pouvoir s’inscrire comme électeur externe. Il est évident que toutes ces conditions donneront peu envie aux acteurs de la diaspora de s’engager dans la vie sociale, économique et politique de leurs nations respectives. En outre, il faut aussi insister sur le fait que tous les citoyens vivant à l’extérieur de leurs pays devraient être officiellement répertoriés afin de pouvoir mieux évaluer leur dimension et le degré de leur participation.

Même si certains Etats africains présentent de bons résultats concernant l’intégration de leurs citoyens résidant à l’étranger, il semble encore qu’il y en ait d’autres qui peinent à dépasser ce cap. Souhaiter que la diaspora participe économiquement au développement de son pays tout en la privant d’un de ses droits les plus légitimes est un non-sens révoltant. D’ailleurs, on parviendra difficilement à oublier les propos du président Mugabe, après avoir refusé de permettre à la diaspora zimbabwéenne de s’impliquer dans les élections de 2000 : « rentrez chez vous et votez ».  Il ne fait toutefois aucun doute que mettre en place un tel projet nécessiterait une réflexion collective et approfondie sur plusieurs facteurs tels que la faisabilité, la relation bilatérale entre le pays d’origine et le pays d’accueil ou la structure légale à adopter. Quoi qu’il en soit, le combat n’en est qu’à son début et le dynamisme du Nigéria ou du Kenya en ce sens annoncent clairement la donne : la diaspora africaine compte clairement se faire entendre !

 

Khadidiatou Cissé

Quand la diaspora sénégalaise en France se mobilise contre le Président Wade

Pour des raisons historiques et culturelles, Paris est sans doute la ville où la présence de la diaspora sénégalaise est la plus forte. C’est aussi à Paris que celle-ci est l’une des plus diversifiées : entre les vendeurs à la sauvette sous la Tour Eiffel et les brillants avocats et consultants des plus prestigieux cabinets de la capitale, en passant par les centaines d’étudiants et les milliers d’immigrés de longue date. Il n’est donc guère surprenant que la crise politique et sociale du pays, qui s’est notamment cristallisée avec les événements des 23 et 27 juin, y ait eu un écho particulièrement retentissant. En réalité, plus qu’un simple écho, la diaspora sénégalaise à Paris est un des acteurs majeurs de la mobilisation contre le projet de réforme constitutionnel du Président Abdoulaye Wade et pour le départ de ce dernier du pouvoir.

Le 22 juin en début d’après-midi, la veille du vote prévu du projet de loi par l’Assemblée Nationale, une trentaine de membres de la coalition Benno Siggil Sénégal, pour l’essentiel composée de jeunes, a réussi une opération inédite. Ils ont réussi à pénétrer dans l’enceinte du Consulat général du Sénégal à Paris et à y manifester leur vive protestation en taggant l’ensemble des locaux. Leur arrestation par la police française sur demande du Consul du Sénégal et leur garde à vue n’auront en rien entamé la mobilisation de la diaspora sénégalaise à Paris. Le lendemain 23 juin, jour prévu du vote du projet de loi à Dakar, et en même temps que la forte mobilisation des populations du Sénégal, plusieurs dizaines de personnes se sont encore réunis cette fois-ci devant l’Ambassade du Sénégal à Paris pour exprimer leur vive opposition au projet du régime en place. Tous ont été arrêtés par la police française pour quelques heures. Ils sont partis en promettant de revenir ; le 06 juillet, ils étaient encore nombreux à manifester cette fois-ci devant les grilles de l’Assemblée Nationale française ; c’est dire le combat sans relâche que mène la diaspora sénégalaise en France.

Au-delà des raisons classiques communes à nombre de Sénégalais, qu’est ce qui justifie une si forte mobilisation ?

Premièrement, la France est un partenaire politique et économique stratégique du Sénégal avec tout au moins un regard attentif sur l’évolution de la situation du pays. S’il revient certes aux Sénégalais le devoir et l’honneur de mener leur révolution, il importe de donner un écho aux mouvements de protestation au sein de l’opinion publique française. Cela constitue également une façon de mettre la pression sur les dirigeants français pour qu’ils ne soient pas tentés de prêter mains fortes à une éventuelle dévolution monarchique du pouvoir. Les images du Président Sarkozy présentant Karim Wade au Président Obama lors des derniers sommets du G8 et du G20 à Deauville en France ont fait le tour du monde et choqué beaucoup de sénégalais. A contrario les propos de Robert Bourgi, l’un des barons de la françafrique contre Karim Wade et ceux du ministre français des affaires étrangères Alain Juppé allant dans le même sens suscitent l’espoir d’un lâchage de la Famille Wade par Nicolas Sarkozy.

Deuxièmement, la diaspora sénégalaise à Paris est un des principaux pourvoyeurs de fonds du Sénégal, à travers les envois d’argent à leurs familles. Cette diaspora en tire donc un droit de regard sur la situation économique du pays d’autant plus que dans tous les domaines où l’Etat ne réussit pas à assurer des prestations satisfaisantes, en matière de santé, d’éducation, de denrées alimentaires, de transport, d’emploi des jeunes, etc. la diaspora tente de le suppléer. De ce fait, plus le gouvernement en place est économiquement défaillant, plus s’alourdissent les charges de la diaspora. A cet égard, chaque membre de la diaspora se considère comme un relais auprès de sa famille locale, les incite à s’inscrire sur les listes électorales et à contribuer au changement politique dont le Sénégal a besoin pour se mettre résolument sur le chemin du développement économique.

Troisièmement, et dans le sillage de la raison précédente, il existe au sein de cette diaspora une réelle volonté de revenir au Sénégal contribuer au développement économique. Toutefois, cela ne peut se faire que s’il y a un cadre politique et économique un tant soit peu favorable. Et la conviction est que le pouvoir en place a donné toute la mesure de son incapacité à mettre le Sénégal sur la voie du développement économique. Surtout, la diaspora souhaite aujourd’hui un pouvoir avec une véritable vision d’avenir pour le Sénégal et sa jeunesse, une mise en œuvre concrète de solides programmes de développement économique. La diaspora veut que ce changement soit amorcé et elle entend en être un acteur majeur.

Nicolas Simel