Cheikh Anta Diop et l’intégration africaine: interview avec le Pr Youssou Gningue

 

 

Le 7 février 2011, à l’occasion du 26ème anniversaire du décès du penseur Cheikh Anta Diop, un comité dirigé par le Professeur Youssou Gningue organise une journée de réflexion à l’université de Dakar sur le thème des Etats Unis d’Afrique. Youssou Gningue, Professeur de Mathématiques à l’Université Laurentienne (Canada), est l’auteur d’un ouvrage à paraître, intitulé Approche stratégique vers les Etats Unis d’Afrique, dans lequel il préconise une approche pyramidale de l’intégration africaine. Il revient aussi dans cette interview accordée à Terangaweb – l'Afrique des Idées sur les principales idées de Cheikh Anta Diop sur le panafricanisme.

 

Terangaweb : Professeur, vous êtes à la tête d'un comité qui organise le 7 février prochain, en hommage à Cheikh Anta Diop,  une journée de réflexion sur le thème des Etats Unis d’Afrique. Quel est le sens de votre démarche et qu’est-ce que vous proposez au public à l’occasion de cet événement ?

 

Pr Youssou Gningue: En visite sabbatique au département de Mathématiques et Informatique (FST, UCAD), nous avons initié par la supervision de deux thèses de doctorats un projet de recherche intitulé les  Etats Unis d’Afrique. Dans ce cadre, nous organisons le 7 février 2012, en hommage à Cheikh Anta Diop,  une journée de réflexion sur le thème des Etats Unis d’Afrique. En tant que vingt sixième anniversaire de décès, cette date devrait nous permettre de commémorer la disparition de l’illustre professeur Cheikh Anta Diop et discuter sur un thème qui lui tenait à cœur. Des conférences et une exposition seront proposées au public. Une discussion sur le projet des Etats Unis d’Afrique,  la mise  en  place d’une école doctorale sur l’unité africaine et l’avenir de la journée scientifique devrait mieux nous orienter sur les  directions à emprunter.

Terangaweb : Les jeunes générations ne connaissent souvent que très peu le grand penseur qu’a été Cheikh Anta Diop. Quelles sont ses principales idées sur le panafricanisme?

Pr Youssou Gningue: Les recherches de Pr Cheikh Anta Diop ont démontré l’unité culturelle de l’Afrique noire en identifiant sa source pharaonique. Ceci est assez bien reflété par sa célèbre assertion : « Les études africaines ne sortiront pas du cercle vicieux où elles se meuvent  pour retrouver tout leur sens et  toute leur fécondité  qu’en s’orientant  vers la vallée du Nil». Dans ce cadre, il a préconisé la création d’un état d’Afrique noire et dégagé les fondements  de base économiques et culturels du futur état.

Ses recherches ont contribué considérablement au rétablissement et à l’instauration de la Conscience noire.  Son courage, sa persévérance, sa clairvoyance et son humilité devraient servir de référence et d’inspiration aux nouvelles  générations.

A mon humble avis, cet anniversaire de décès devrait être élevé en une journée scientifique nationale en attendant son extension au niveau  continental et ceci dans le cadre du futur état.

Terangaweb : Ces idées sont-elles toujours adaptées à l’évolution des Etats africains ? Quels sont aujourd’hui les enjeux et défis du panafricanisme ?

Pr Youssou Gningue: Ces idées restent en grande partie très adaptées à l’évolution des Etats africains. D’ailleurs, les adeptes de l’idée des deux états, un état d’Afrique du Nord et un état d’Afrique Noire, basent leurs argumentations sur son idée originale de l’état d’Afrique Noire. D’autres penseurs, comme le président sénégalais Abdoulaye Wade, préconisent la création d’un état continental dans toute son entité. A mon avis, ce débat détourne involontairement et innocemment la démarche panafricaniste de Pr Cheikh Anta  Diop. En effet,  la forme de fédération découlant de l’orientation actuelle du panafricanisme par les Etats-Unis et non la fusion des états n’est nullement en contradiction avec la thèse de Diop. 

Terangaweb : Comment appréhendez-vous le processus d’intégration actuellement en cours dans le cadre de l’Union Afrique ? Des intégrations sous régionales comme la CEMAC ou la CEDEAO ne seraient-elles pas socialement et économiquement plus efficaces ?

Pr Youssou Gningue: Aujourd’hui, il faut dépasser l’étape de l’Union Africaine pour embrasser l’ultime niveau qui est l’état fédéral. C’est dans ce seul cadre que pourrait être atteinte l’intégration monétaire et financière qui induirait une intégration économique et sociale plus pertinente.  Dans mon livre, Approche stratégique vers les Etats Unis d’Afrique, tout juste accepté en vue de publication, le processus proposé est de forme pyramidale. Il est basé sur la création des cinq états régionaux qui fédèrent pour créer l’état continental. En effet, le plancher occupé par tous les états, maintenus dans leurs entités, engendre au deuxième niveau les cinq états régionaux qui par la suite fédèrent pour constituer le sommet de la pyramide.

Dans le cadre de cette structure, nous utilisons la théorie de jeux et la simulation multi-agent pour modéliser les relations entre les différents états. Les résultats de cette recherche devraient nous permettre de créer un objet artificiel singeant  les aspects fédératifs. Nous l’avons baptisé l’État Virtuel d’Afrique (EVA). EVA est un outil d’évaluation quantitative, individuelle et globale de la fédération dans le but de convaincre les états indécis et réfractaires.

Notons que dans ce processus de fédération, l’organisation régionale peut être prioritairement entreprise. Un état régional peut devancer le fédéral et même jouer un rôle important dans la naissance de ce dernier. Par exemple, les pays constituant la CEDEAO peuvent anticiper le processus et créer l’Etat régional de l’Afrique de l’Ouest ce qui pourrait ainsi induire dans le projet de fédération continentale  un effet catalyseur sous la base du principe de démonstration. 

Interview réalisée par Nicolas Simel

 

Histoire de l’Afrique (1) : l’âge primitif

Historiens et idéologues ont longtemps fait de l’Afrique une « exception » dans l’histoire de l’Humanité. Souvent sur un registre dépréciateur, rengaine trop bien connue sur l’inexistence de civilisations africaines, sur le caractère primitif de l’homo africanus. En réaction, les mouvements modernes de revalorisation culturelle ont eu tendance à essentialiser et porter au pinacle une culture et des modes civilisationnels typiquement africains, et donc exceptionnels. Du fait de l’histoire récente qui a été celle du continent (traite négrière, colonialisme, néo-colonialisme), la question de la revalorisation culturelle des Africains ou, sur une thématique assez proche, des Noirs, est particulièrement sensible. Ce sentiment naturel de revalorisation, s’appuyant sur des faits historiques avérés, n’en présente pas moins le défaut de s’arc-bouter sur des références et des valeurs particularisées, magnifiées, essentialisées, de perdre de vue la perspective générale dans laquelle l’Afrique n’a jamais cessé d’être imbriquée, la dynamique qui a impulsé les évènements passés et façonne notre présent. Se voiler les yeux sur la normalité de l’histoire africaine au sein de l’histoire globale, c’est se priver de la compréhension de sa situation actuelle et des potentialités à venir.

L’Humanité primitive

Les premières traces prouvées de vie humaine, qui remontent selon les estimations entre 7 et 5 millions d’années, ont été trouvées en Afrique, dans la région qui va du Tchad actuel à la Corne de l’Afrique. Les premières étapes de l’évolution humaine s’y sont déroulées, qui ont vu la différenciation des hominidés (Australopithecus africanus) avec des familles de singe biologiquement proche, les premiers nommés se distinguant progressivement des autres par la bipédie, l’usage d’outils de pierre rudimentaires (homo habilis, 3 millions d’années), l’accroissement relatif du volume du cerveau et le développement d’une posture debout continue (homo erectus, 1,7 million d’années). Ces hominidés ont vécu pendant des millions d’années en petits groupes humains de quelques dizaines de personnes, nomades vivant de chasse et de cueillette. De grandes migrations ont eu lieu à partir du foyer africain initial durant ces millions d’années, qui ont vu progressivement les différents continents se peupler d’hominidés, l’homo sapiens apparaissant sur plusieurs continents quasiment à la même époque (200 000 ans).

Il y a environ 50 000 ans, un « grand bond en avant » vient accélérer ce mouvement évolutionniste, jusque-là extrêmement lent, car essentiellement biologique. Les travaux des archéologues mettent à jour sur des sites est-africains des outils de pierre standardisés ainsi que des bijoux, signes d’une systématisation plus poussée des modes d’organisation de ces petites communautés humaines et d’une complexité avancée des relations sociales. 10 000 ans plus tard, la présence d’outils standardisés et de bijoux est également avérée au Proche Orient et en Europe du Sud, soit par un mouvement endogène de découvertes congruentes entre ces différents groupes éloignés géographiquement, soit par transmission de connaissance du fait des migrations.

Les débuts de la domestication de la nature par l'homme

Le second « grand bond en avant », lié à l’usage de l’agriculture et de l’élevage, est encore plus déterminant pour la suite de l’évolution de l’Humanité. Il a lieu vers 11 000 av J.-C., époque correspondant à la fin du dernier âge glaciaire. L’agriculture et l’élevage marquent le début de la domestication de la nature par l’homme. Le biologiste américain Jared Diamond remarque : « L’essentiel de la biomasse (matière biologique vivante) de la terre est constituée de bois et de feuilles, en majeure partie indigestes. En sélectionnant et en cultivant les rares espèces de plantes et d’animaux comestibles, en sorte qu’ils forment non plus 0,1%, mais 90% de la biomasse sur un arpent de terre, nous obtenons beaucoup plus de calories et pouvons donc nourrir bien plus de pasteurs et de paysans – de dix à cent fois plus – que des chasseurs-cueilleurs. La force numérique brute a été le premier des multiples avantages militaires acquis par les tribus productrices de vivres sur les tribus de chasseurs-cueilleurs. » (Jared Diamond, De l’inégalité parmi les sociétés, 1997).

Avec l’agriculture et l’élevage, les hommes se sédentarisent, les communautés humaines s’agrandissent, se complexifient avec le début d’une division sociale du travail, et les premières organisations pré-étatiques (tribus, chefferies) se développent. L’agriculture offre un bon exemple d’un processus catalytique, qui alimente d’autres dynamiques qui se renforcent mutuellement dans un cycle de rétroactions positives et produisent ainsi une réalité nouvelle. Grâce à une meilleure alimentation, la population augmente, la division du travail au sein de communautés élargies renforce les capacités techniques (irrigation, outils agricoles et d’élevage, commerce de troc), qui améliorent la productivité de l’agriculture, laquelle impacte de nouveau la démographie, et ainsi de suite. Les estimations démographiques du passé font ainsi état d’une population mondiale de 10 millions d’habitants en 10000 av J.-C., qui s’élève ensuite à 200 millions d’habitants au début de l’ère chrétienne, puis à 1 milliard au début de la révolution industrielle, en 1800. Les principales limites au processus catalytique agricole ont sans doute été liées à l’aléa climatique (les sécheresses causant régulièrement des famines meurtrières), biologique (bactéries, maladies) et à la frontière technologique des techniques agricoles primitives et antiques, qui a rapidement limité la productivité agricole. A petite échelle géographique, la loi de Malthus, selon laquelle l’expansion de la population et donc des besoins alimentaires conduit à l’exploitation de terres agricoles de moins en moins bonne qualité, aux rendements décroissants, a également limité le processus de catalyse agricole. Si la croissance démographique est supérieure à la croissance des capacités de production agricole, vient un moment où une partie de la population meurt de faim ou est obligée de migrer au loin.

L’agriculture serait initialement apparue dans l’Asie du Sud-Ouest, dans ce qui sera appelé plus tard le Croissant fertile ou le Proche-Orient. Il semblerait qu’en Afrique, notamment dans la région du Sahara, l’une des régions d’Afrique les plus habitées au Néolithique, verdoyante et irriguée par des lacs importants, les hommes aient d’abord domestiqué des animaux avant de domestiquer des plantes. Au Néolithique, ces « chasseurs négroïdes du Sahara néolithique », selon l’expression de Cheikh Anta Diop, sont parvenus à domestiquer certains animaux, et développent un mode de vie pastoral. La désertification progressive du Sahara les aurait poussés à migrer vers le bassin du Nil, où ont été découvertes les premières traces de sédentarisation de communautés humaines élargies et la preuve d’une production agricole en Afrique. En 6000 av J.-C., on retrouve en Egypte et dans la région de l’actuelle Ethiopie des cultures agricoles du Croissant fertile (blé, orge), mais aussi des traces de légumes locaux comme le chuffa, preuves de l’imbrication de l’Afrique aux grandes dynamiques globales de l’évolution humaine. A la même période, des communautés du Sud-Est de l’Europe et de l’Asie du Sud-Est adoptent également la production agricole.

Le centre névralgique de l’humanité, le moteur de l’évolution globale, se trouve alors au niveau du Croissant fertile avec pour prolongement la vallée du Nil. C’est dans cette région qu’apparaissent les premières chefferies, organisations rationalisées de sociétés humaines complexes de plusieurs milliers d’habitants. Le processus de catalyse précédemment décrit se prolonge en rétroactions positives entre d’une part des méthodes d’organisations ainsi rationalisées (irrigation, développement des techniques agricoles, diversification et amélioration de la qualité des plants, division du travail au sein de la communauté, capacités guerrières renforcées), la productivité alimentaire et la démographie. Ces sociétés humaines se complexifient et se développent, passant du stade de tribus à celui de chefferies, pour ensuite atteindre celui d’Etats. La Mésopotamie aurait donné à l’histoire la première forme constituée d’un Etat autour de 3700 av J.-C. Peu de temps après, les « populations négroïdes » du bassin du Nil fondent l’Egypte antique, la première dynastie de l’Ancien Empire étant historiquement située à 3500 av J.-C. Il faudra encore attendre 1500 ans pour que des Etats apparaissent dans les Andes, en Chine et en Asie du Sud-Est, et quasiment 2000 ans pour qu’ils s’implantent en Afrique de l’Ouest.

 

Emmanuel Leroueil

Cheikh Anta Diop : leçon non sue

Un quart de siècle après sa mort, celui que d’aucuns ont surnommé le dernier pharaon continue à être méconnu par une bonne partie des jeunes Africains. Son œuvre immense n’est toujours pas enseignée dans les programmes scolaires du continent noir. Cheikh Anta Diop nous a par exemple démontré, par des preuves irréfutables, bien qu’il y ait encore quelques résistances, que les anciens Egyptiens auteurs de la première des civilisations qui par la suite engendra toutes les autres, étaient noirs et Africains. Qu’en avons-nous fait ?

Ce qui aurait dû être une évidence pour au moins toute personne qui est allée à l’école continue à ne l’être que pour une élite extrêmement minoritaire du fait que l’accent n’est pas suffisamment mis dessus dans l’éducation et la formation des jeunes. En effet, dans les livres d’histoire les plus disponibles chez nous, il est fréquent de voir des illustrations d’anciens Egyptiens sous des traits d’hommes et de femmes blancs. Il en est de même au cinéma, dans les dessins animés ainsi que les livres pour enfant. La seule fois où mes camarades et moi avons vu la représentation d’un pharaon noir, dans notre enfance, beaucoup de jeunes de notre génération sont sans doute dans le même cas, a été le clip de la chanson «Remember the Time» de Michael Jackson avec Eddy Murphy dans ce rôle. Cet état de fait qui consiste à présenter l’Egypte antique comme blanche est tout bonnement une falsification de l’Histoire dont l’Afrique est, n’ayons pas peur des mots, complice car la subissant sans réagir. On imagine d’ici la réaction des Occidentaux si l’on se hasardait à représenter Jules César ou Byzas sous des traits négroïdes.

Lorsqu’on nous demande où est née la Philosophie, on cite automatiquement la Grèce parce que c’est cela que l’on nous a enseigné. Lorsqu’il est question de l’origine de l’algèbre ou de la géométrie, on pense tout de suite à Pythagore ou à Thalès parce que c’est cela que l’on nous a enseigné. Or à un moment donné une relecture de l’Histoire par nos Etats s’imposait puisqu’il a été établi par Cheikh Anta notamment qu’Hérodote lui-même traitait Pythagore de simple plagiaire des Egyptiens. Que Jamblique son biographe écrit que tous les théorèmes des lignes, c'est-à-dire la géométrie, viennent d’Egypte. Que Prochus affirme que Thalès est le premier élève grec des Egyptiens et que c’est lui qui avait introduit la science en Grèce à son retour, en particulier la géométrie. Que Diodiore de Sicile rapporte qu’un prêtre égyptien lui a dit que les savants grecs réputés pour leurs prétendues découvertes, les avaient bien apprises en Egypte, même s’ils se sont attribué la paternité, une fois rentrés chez eux. L’Egypte qui, est-il besoin de le rappeler, était nègre. De plus en plus d’intellectuels tiennent des thèses allant dans le sens d’affirmer que la question de l’apport du nègre et donc de l’Africain à la civilisation est dépassée, que le temps serait venu de «déracialiser» l’Afrique.

Cheikh Anta Diop avait en son temps répondu en disant que tant que le Noir était censé n’avoir rien fait, il restait noir. Mais dès qu’il s’est agi de soutenir que la première civilisation était noire, on nous a dit qu’il n’est pas important d’être noir. Dans la même lancée, nous ferons humblement remarquer à ces intellectuels qu’une question ne peut être dépassée si elle n’est pas au préalable réglée. En effet, chez nous, force est de constater que dans l’imaginaire populaire, souvent inconsciemment d’ailleurs et faute d’une meilleure connaissance de l’histoire, la civilisation est encore associée à l’occidental, au blanc. «Dafa silwiisé» rime avec «Dafa tubaabe» (1). Chez les jeunes, même instruits, il est fréquent d’entendre des discours qui soutiennent que de toute façon, cela tiendrait de la fatalité, l’Africain n’a jamais rien créé, que l’inventivité à toujours été l’apanage du blanc et que le seul choix qui s’offre à nous est de continuer à subir cet état de fait. Ce discours est, il est vrai, souvent tenu sous forme de plaisanterie ou d’autodérision, mais qui cache un profond complexe d’infériorité. Cela semble relever de la psychologie. Les idées reçues, une fois sournoisement ancrées, sont difficiles à combattre. Pour s’en convaincre, prenons deux anecdotes racontées par Nelson Mandela et Desmond Tutu.

Le premier révèle dans son autobiographie (2) qu’après avoir quitté clandestinement l’Afrique du Sud afin de parcourir les autres pays africains à la recherche de moyens financiers et d’armes pour pouvoir faire face au pouvoir de l’apartheid, il a dû, à un moment de son périple, voyager sur un vol où à sa grande surprise le pilote était noir. N’ayant jamais vu de noir occuper un tel poste de responsabilité dans son pays, il s’est surpris à se demander si un pilote noir pouvait être compétent. Le second a déclaré que lors d’un voyage durant lequel son avion est entré dans une zone de turbulences, il s’est lui aussi surpris à prier pour que le pilote soit un blanc.  Si ces deux icônes de la lutte pour la dignité de l’homme noir admettent avoir été psychologiquement atteints par des idées reçues au point de développer ce type de réflexes, qu’en est-il de ces millions d’enfants, de jeunes Africains dont l’essentiel de l’éducation consiste à leur laisser entendre, voire à leur affirmer tout bonnement que le blanc est à l’origine de toute science, de toute invention, alors même que le contraire a été démontré depuis un bon bout de temps ?

Aujourd’hui, il ne serait donc pas superflu de s’atteler à gommer chez le jeune Africain, ce qui ne sera pas chose aisée, toutes ces idées reçues, en commençant par revoir les programmes enseignés. Car comme l’a dit Cheikh Anta : «Le nègre ignore que ses ancêtres qui se sont adaptés aux conditions matérielles de la vallée du Nil sont les plus anciens guides de l’humanité dans la voie de la civilisation, que ce sont eux qui ont créé les arts, la religion (en particulier le monothéisme), la littérature, les premiers systèmes philosophiques, l’écriture, les sciences exactes (physique, mathématiques, mécanique, astronomie, calendrier…), la médecine, l’architecture, l’agriculture, etc. à une époque où le reste de la terre (Europe, Asie, Grèce, Rome) était plongé dans la barbarie». il est temps de remédier à cette ignorance non pas pour se complaire dans ce riche passé mais pour retrouver des bases historiques qui nous permettent d’avoir plus confiance en nous, en nos capacités, donc en notre avenir.

(1) «Dafa silwiisé… Dafa tubaabe» pourrait se traduire par «Il est civilisé… il se comporte comme un blanc» ; (2) Nelson Mandela : [Un long chemin vers la liberté].

 

Racine Assane DEMBA Etudiant en droit professionnel à l’université Cheikh Anta DIOP