L’environnement dans les relations Chine-Afrique

Alors que s’approche la date du 5ème Forum de Cooperation Chine Afrique, certaines questions essentielles des relations Chine-Afrique méritent d’être abordées, c’est le cas de l’environnement.

Développement et            environnement en Chine

Le développement fulgurant de la Chine depuis la fin des années 1970 est probablement le plus impressionnnant phénomène de rattrapage économique de l’histoire. De par beaucoup de caractéristiques, la Chine d’avant les années 1980 ressemble beaucoup à l’Afrique : une population très importante, et largement rurale, des économies locales très peu reliées entre elles et des climats allant de l’aride au tropical. Toutefois, tous ces éléments que beaucoup considéraient comme des contraintes n’ont pas empêché le pays de multiplier la taille de son économie par 10 en 25 ans et ainsi de tirer plusieurs centaines de millions de Chinois hors de la pauvreté. Il semblerait donc intuitif que les dirigeants africains puissent s’inspirer du modèle de développement chinois afin de sortir leurs propres populations de la pauvreté. D’ailleurs, la Chine invite diplomates et économistes de tout le continent pour des formations courtes et longues sur sa propre histoire.

Aujourd’hui, les investissements Chinois en Afrique tendent à reproduire et à inciter les mêmes trajectoires de développement que celles de la Chine. Ils accordent une place importante au développement des infrastructures et à l’industrie. Toutefois, cette méthode de développement, si elle possède des atouts indéniables, s’est aussi montrée très peu encline à prendre en compte les enjeux environnementaux qui surgissent à tout moment lors des projets. De fait, la Chine est aujourd’hui en proie à une tentative de rééquilibrage de ses politiques économiques et tente de ratttraper les erreurs du passé. La route sera longue : l’eau courante en Chine n’est pas potable, la plupart des rivières sont polluées aux métaux lourds et l’air est irrespirable dans la majorité des villes qui atteignent la taille moyenne. Les taux de cancer augmentent d’ailleurs très vite alors que l’espérance de vie diminue. Aussi, les populations se rebellent de plus en plus envers les gouvernements locaux et provinciaux qui dégradent l’environnement et donc la qualité de vie. On se souviendra de la construction du barrage des Trois-Gorges, pour lequel plusieurs millions d’habitants des provinces alentours furent déplacés. Les tensions sociales tendent à se cristalliser de plus en plus sur des sujets environnementaux.

Questions environnementales en Afrique     

L’Afrique, quant à elle, a beaucoup à perdre de la dégradation de son environnement. La diversité des espèces qui peuplent savanes et forêts, mais aussi les paysages sont en danger. Au-delà même de la valeur intrinsèque des paysages et de la biodiversité, la dégradation environnementale signifie aussi des pertes importantes au niveau du tourisme, qui représente souvent une part très (trop?) importante des budgets des pays africains. Aussi, la dégradation de l’environnement équivaut à une réduction de la qualité de vie des populations, et de leur santé, et à des pertes économiques très importantes. L'on estime que plus d’1% de croissance est perdu en Chine chaque année à cause de la pollution et de la dégradation environnementale…

Le discours que l’on entend bien souvent est que les questions environnementales appartiennnent aux pays riches. Pourtant, l’absence d’une politique environnementale de long terme à coûté très cher à de nombreux pays, qui souffrent désormais de leurs erreurs passées. Il s’agit donc pour les dirigeants africains de trouver un juste équilibre entre la promotion d’un développement économique accéléré et la préservation des écosystèmes.

Relations environnementales Chine-Afrique

Alors que la présence chinoise en Afrique se développe, les crises environnementales ont également suivi. Les entreprises chinoises ayant encore très peu d’expérience en dehors de la Chine, et une expérience acquise dans un contexte où la contestation sociale et environnementale était absente, ces dernières mettent du temps à appliquer les standards internationaux en matière de gouvernance environnementale. Toutefois, le gouvernement chinois, soucieux de son image au plan international, en a fait une priorité, et pousse les entreprises publiques et privées chinoises à instaurer des codes de conduite dans leurs opérations en Afrique. Ainsi EXIM Bank, une des banques chinoises investissant beaucoup en Afrique, a mis en place depuis 2007 une charte environnementale à respecter pour les entreprises y empruntant de l’argent pour les projets. On voit aussi apparaître des rapports de responsabilité sociale au sein des entreprises chinoises, incitées par le gouvernement chinois, les organisations internationales, les ONG et les gouvernements africains. Toutefois, il manque encore un suivi rigoureux des politiques environnementales et sociales des entreprises par une entité externe.

Un autre point de tension des relations environnementales Chine-Afrique se situe dans les comportements potentiellement dangereux de certains individus chinois en Afrique. On pense notamment aux réseaux de contrebande de corne de rhinocéros et autres espèces rares qui ont récemment été observés. Ces produits, difficiles à obtenir en Asie, sont très recherchés pour leurs vertus médicinales/magiques, et un laxisme à ce niveau pourrait avoir des conséquences très néfastes.

Au cours des dernières années, plus d’importance a été donnée à la coopération sur les questions environnementales entre l’Afrique et la Chine, notamment à travers le Forum pour la Coopération Chine Afrique (FOCCA), notamment après plusieurs crises médiatiques sur le plan environnemental. En 2009, la Chine s’est engagée à soutenir une centaine initiatives en rapport avec les énergies renouvelables. Néanmoins, la coopération reste encore limitée à des initiatives sectorielles, et le suivi des engagements pris par la Chine n’est pas très efficace, faute de coopération panafricaine. Alors que l’Afrique a beaucoup à apprendre de la Chine, le contraire est aussi vrai, notamment grâce à l’expérience en management des parcs naturels en Afrique, qui pourrait beaucoup bénéficier à la Chine, débutante sur ce plan. Il est donc dans l’intérêt de l’Afrique, pour protéger son environnement, et de la Chine, pour son image et pour apprendre de l’Afrique, de coopérer sur les questions environnementales.

Le prochain sommet du FOCCAC en juillet, ainsi que les conférences de Rio+20 et le dixième anniversaire du sommet de Johannesburg sur le développement durable sont autant d’opportunités de construire un partenariat solide. Espérons que les leaders africains et chinois sauront saisir la bonne occasion.

Babacar Seck

Source : African East Asian Affairs 71 : sustainability as a topic: preparing for FOCAC V

Les relations Chine-Afrique (2) : La stratégie chinoise

On assiste depuis quelques années à une effervescence autour de la présence de plus en plus importante de la Chine en Afrique. Les accusations sont nombreuses, tout autant que les promesses. Du côté de l’Occident, les medias et le milieu politique s’alarment: la Chine, en offrant des prêts sans demander de contreparties en termes de démocratie ou de gouvernance, détruit des décennies de travail de la Banque Mondiale et des agences de développement. On accuse la Chine de tous les maux : voler de la terre aux pauvres paysans, commercer avec des régimes ‘’parias’’. En Chine, on se défend de toute mauvaise intention. Pendant ce temps, la voix des africains se fait peu entendre. Les coeurs balancent. D’un côté, l’approche dynamique de la Chine en Afrique est revigorante et change des processus lents et bureaucratisés des bailleurs de fonds traditionnels. De l’autre côté, les frictions économiques et sociales causées par l’arrivée en masse d’entreprises et de travailleurs chinois inquiètent les populations locales. Il est donc essentiel de décortiquer les dynamiques à l’oeuvre, afin de donner à nos lecteurs les outils nécessaires à une prise de décision éclairée. Il s’agit aussi de dissiper les malentendus sur la question afin d’avancer vers une meilleure compréhension mutuelle des différents acteurs. Dans cette perspective, cet article est le deuxième  d’une longue série portant sur les relations entre la Chine et l’Afrique, qui aborderont des questions tant économiques que politiques et sociales.

Chine-Afrique: La stratégie chinoise

Quelles sont les raisons de l’implication chinoise en Afrique? Quelle stratégie utilise-t-elle pour atteindre ses objectifs?

Les raisons derrière l’implication de la Chine en Afrique sont tout d’abord pragmatiques. Les deux tiers des exportations africaines en Chine sont des ressources naturelles. En effet, le développement phénoménal de la Chine et les tensions récurrentes dans le Moyen-Orient – qui poussent à la hausse les prix du pétrole – ont poussé les dirigeants chinois à la recherche de nouvelles sources d’approvisionnement. Ils se sont donc tournés vers l’Afrique et ses ressources largement inexploitées, faute d’infrastructures. Ainsi, la Chine se concentre sur la construction d’infrastructures afin de gagner les faveurs des gouvernements africains. Le but de cette démarche est de devenir un partenaire privilégié, notamment dans l’attribution des chantiers nationaux, ce qui est souvent une condition des investissements chinois.

Dans le même temps, le gouvernement chinois incite ses entreprises et entrepreneurs à s’installer en Afrique. Il s’agit de profiter de la bonne dynamique des relations Chine-Afrique pour s’insérer sur les marchés africains à fort potentiel de développement. En Europe et aux Etats-Unis, les entreprises chinoises ont du mal à s’implanter, à cause de la peur des gouvernements et des populations (le retour du « péril jaune »). A l’opposé les gouvernements africains accueillent à bras ouverts les investissements chinois qui créent des emplois et relancent souvent des économies oubliées par l’Occident. Cela permet aux entreprises chinoises de gagner l’expérience internationale qui leur manque pour être plus efficaces dans la compétition globale, mais aussi pour monter dans la chaîne de valeur. De fait, les entreprises chinoises s’attachent à délocaliser des filiales en Afrique et un certain nombre d’activités polluantes et ntensives en main d’oeuvre peu qualifiée. Cela n’est pas sans nous rappeler les délocalisations japonaises en Chine dans les années 1970…

 Finalement, le développement d’activités en Afrique permet aussi à la Chine de réduire sa dépendance économique avec l’Europe et les Etats-Unis, notamment en cette période de crise et de repli sur soi. Plus récemment , la crainte d’un protectionnisme rampant et des pressions politiques occidentales sur les questions de politique étrangère (telles que la Syrie), mais aussi le risque d’un ralentissement brutal de l’économie chinoise en 2012 attisent le désir des dirigeants chinois de diversifier leurs « amis ».

Et c’est bien d’amitié qu’il s’agit quand on parle de l’Afrique en Chine. Il faut comprendre la stratégie africaine de la Chine comme intégrée à un tout, à savoir la stratégie de développement général de la Chine. Celle-ci inclut notamment le développement du soft power chinois, à savoir la capacité d’un pays à obtenir ce qu’il veut non par la coercition mais par son influence. Trois aspects se dessinent. Le plus important est celui de la construction d’un groupe d’amis qui supporte la Chine au plan des relations internationales. Les pays africains représentant plus du quart des membres de l’Assemblée Générale aux Nations-Unies, leurs votes combinés ont souvent permis de protéger la Chine de sanctions au sein de la Commision pour les Droits de l’Homme. Simultanément, la conquête progressive du support des pays africains a permis a la Chine de réduire le nombre total de pays reconnaissant l’autre Chine : Taiwan. Le nombre de pays africains reconnaissant Taiwan est passé de plus de 20 en 1990 à 5 en 2012. Cela permet à la Chine d’isoler Taiwan de plus en plus et de l’empêcher d’intégrer une quelconque institution internationale.

Cette stratégie est aussi un test pour la Chine qui tente de prouver au monde qu’elle peut se développer sans représenter une menace pour l’Occident. On comprend pourquoi la Chine fait tant d’efforts pour maintenir de bonnes relations avec les pays africains, premiers juges des actions chinoises. De plus, cette stratégie s’opère largement par la promotion de la culture chinoise en Afrique à travers la création de centres Confucius. Il y en a désormais 17 qui promeuvent la culture chinoise en Afrique. La Chine offre aussi un grand nombre de bourses très avantageuses aux étudiants africains pour aller y étudier. Ces bons étudiants qui seraient autrefois allé étudier en France, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. La Chine pèse ainsi sur les coeurs et les cervaux des futures générations africaines en les formant elle-même.

Finalement, il serait réducteur de limiter l’implication chinoise en Afrique à une somme d’intérêts égoistes. Il ne faut pas oublier qu’un grand nombre de membres de la bureaucratie et du gouvernement et  chinois sont de l’ancienne école communiste et que le marxisme reste une matière obligatoire tout au long de la scolarité des élèves et des étudiants. Il n’est pas rare d’entendre un banquier, un économiste ou un membre du gouvernement citer la solidarité internationale pour justifier les investissements chinois en Afrique. Bien sûr, il ne faut pas être dupe, mais il faut aussi accorder de l’importance à la compréhension de son partenaire.

Il existe aussi des côtés négatifs à cette relation pour l’Afrique, et ils sont nombreux, à savoir : la délocalisation d’industries polluantes, les pratiques non régulées des entreprises chinoises, le risque de voir les marchés les plus prometteurs aller à des entreprises chinoises. Le plus gros problème de cette relation réside sûrement dans son caractère asymétrique : on parle de relations Chine-Afrique et jamais de relations Afrique-Chine. Les moyens de l’Afrique sont limités mais il est absolument nécessaire de prendre des actions décisives tant qu’il en est encore temps afin de s’assurer de la pérennité de cette relation, qui dépend beaucoup de son équilibre. Nous ne voudrions pas répéter les erreurs du passé.

 Babacar SECK

Crédit photo: http://www.diploweb.com/La-Chine-en-Afrique-une-realite-a.html

Les relations Chine-Afrique (1) : Le discours de Beijing

On assiste depuis quelques années à une effervescence autour de la présence de plus en plus importante de la Chine en Afrique. Les accusations sont nombreuses, tout autant que les promesses. Du côté de l’Occident : Europe et Etats-Unis, les medias et le milieu politique s’alarment: la Chine, en offrant des prêts sans demander de contreparties en termes de démocratie ou de gouvernance, détruit des décennies de travail de la Banque Mondiale et des agences de développement. On accuse la Chine de tous les maux : voler de la terre aux pauvres paysans, commercer avec des régimes ‘’parias’’ (Zimbabwe, Soudan…). En Chine, on se défend de toute mauvaise intention. Pendant ce temps, la voix des africains se fait peu entendre. Les coeurs balancent. D’un côté, l’approche dynamique de la Chine en Afrique est revigorante et change des processus lents et bureaucratisés des bailleurs de fonds traditionnels (France, Royaume-Uni, Etats-Unis). De l’autre côté, les frictions économiques et sociales causées par l’arrivée en masse d’entreprises et de travailleurs chinois inquiètent les populations locales. Il est donc essentiel de décortiquer les dynamiques à l’oeuvre, afin de donner à nos lecteurs les outils nécessaires à une prise de décision éclairée. Il s’agit aussi de dissiper les malentendus sur la question afin d’avancer vers une meilleure compréhension mutuelle des différents acteurs. Dans cette perspective, cet article est le premier d’une longue série portant sur les relations entre la Chine et l’Afrique, qui aborderont des questions tant économiques que politiques et sociales.

                Chine-Afrique: Le discours de  Beijing

Quelles sont les raisons qui expliquent l’intérêt accru de la Chine pour l’Afrique depuis quelques années?  Portrait général de la relation.

Le caractère indéniable de l’importance de l’Afrique pour la Chine est primordial afin de comprendre l’approche de l’Afrique qu'ont les dirigeants chinois. En effet,  ces derniers du plus haut niveau, de Zhou Enlai à Hu Jintao et maintenant Xi Jinping, ont tous effectué des voyages très réguliers dans un grand nombre de pays d’Afrique. De plus, ces visites ne se sont jamais limité aux pays riches en ressources naturelles. lI est important de le souligner, car au-delà des ressources naturelles, ce que cherche la Chine, c’est développer son image au plan international et tisser un réseau d’amis qui lui apportent du soutien dans ses confrontations avec l’Occident ou avec Taiwan. Ces visites sont d’autant plus représentatives de l’intérêt que la Chine porte à l’Afrique si l’on prend en compte l’importance de la symbolique dans la culture chinoise. Celle-ci indique que si quelqu’un vous rend visite, et non le contraire, c’est qu’il vous accorde beaucoup d’importance. Vu le nombre de visites de dirigeants chinois en Afrique, nous pouvons donc en déduire que la Chine considère l’Afrique comme un des enjeux essentiels de sa politique étrangère au 21e siècle.

Le discours officiel de la Chine met en avant le caractère ancien et continu de la présence chinoise en Afrique. Plus particulièrement, les diplomates chinois s’attachent à citer l’implication de la Chine en Afrique depuis les années 1950. En effet, dès la naissance de la République Populaire de Chine, les dirigeants de la Chine, inspirés par des idées socialistes et motivés par la recherche de reconnaissance pour leur nouvel Etat, se sont tournés vers l’Afrique. Les chercheurs chinois proches du pouvoir, tels que He Wenping, de l’Académie Chinoise des Sciences Sociales, et Li Anshan, de l’Université de Pékin, insistent sur l’ancienneté de cette relation. En effet, depuis la naissance de la République Populaire de Chine, la relation sino-africaine autant dans le domaine des infrastructures que dans celui de la santé et de l’éducation, a été continue bien qu’irrégulière (notamment pendant les périodes de tumultes internes en Chine).

D’autre part, la Chine insiste sur le caractère nouveau de son approche par rapport à celle des acteurs habituels du développement en Afrique. Tout d’abord, la Chine se positionne en tant que leader des pays en développement.  Elle est  le plus grand et le plus peuplé des pays en voie de développement. Depuis 1950, la taille de l’économie chinoise a été multipliée par 40, sortant plusieurs centaines de millions de chinois de la pauvreté extrême. Les dirigeants chinois qui vont en Afrique disent comprendre les défis que rencontrent les populations et les dirigeants africains. Toutefois, ils insistent sur le fait qu’ils ne se posent pas en donneurs de leçons, contrairement à l’Occident. Plutôt, ils mettent en avant le principe de non-ingérance dans les affaires internes des Etats africains. Ceci implique que les accords passés avec la Chine et les entreprises chinoises sont uniquement commerciaux et ne contiennent pas de contreparties politiques (bonne gouvernance, transparence…). Finalement, la Chine se présente comme offrant des partenariats gagnant-gagnant à ses partenaires africains, selon les principes confucéens prônés par Zhongnanhai (l’équivalent de l’Elysée) d’harmonie des civilisations et de développement pacifique de la Chine.

Ainsi se structure le discours de Beijing sur son implication en Afrique. Notre prochain article présentera les raisons qui expliquent cette implication, tout en décortiquant la stratégie mise en place par la Chine.

Babacar SECK

Crédit photo: come4news.com

 

La Chine-Afrique version 2011

La Chine a joué un rôle prépondérant sur le plan économique, dans les événements que le continent africain a dû affronter durant l’année écoulée. De la crise économique mondiale, à la sècheresse en Afrique de l’Est, en passant par les préparatifs de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations 2012 ; retour sur les contributions de l’Empire du Milieu en Afrique.

Il y a un an, les investissements cumulés de la Chine en Afrique représentaient 40 milliards de dollars. En 2011, la Chine a intensifié sa coopération avec le continent noir, sur le plan économique.

La sècheresse de la Corne

En 2011, la terrible sècheresse qui s’est abattue sur toute la corne de l’Afrique et tout particulièrement en Somalie, a poussé la Chine à agir. Tout d’abord, une aide immédiate et urgente en denrées : pas moins de 69,58 millions de dollars en céréales ont été donnés aux pays concernés, faisant de ce don, le plus important de la République Populaire de Chine. Puis, au-delà de l’aide immédiate, c’est bien tout un programme de transfert de technologies qui a été mis en œuvre à l’occasion de cette catastrophe. Des centres de développement de techniques agricoles ont été créés cette année dans l’est de l’Afrique et sur le reste du continent, permettant ainsi un partage des méthodes d’intensification de la production agricole. La démarche, visant à une plus grande maîtrise des ressources et une diversification des cultures, pour se rendre moins dépendant des aléas du climat et par là même, éviter la répétition de tels événements.

Une CAN ça se prépare !

Le 21 janvier 2012, débutera la 28e édition de la Coupe d’Afrique des Nations de football au Gabon et en Guinée équatoriale. Tout comme l’Afrique du Sud pour sa Coupe du Monde, en 2010, le Gabon a dû aménager son territoire et renouveler ses infrastructures. Comme un symbole –ou opération de communication- la coopération avec la Chine, dans ce domaine, s’est effectuée dans la construction du stade le plus important de la compétition. Le stade qui accueillera la finale de l’épreuve, le 12 février prochain. Un véritable monument de 40 000 places, construit en un temps record (19 mois), à la pointe de la modernité qu’exige le ‘Sportainment ‘. Inauguré sous le nom de Stade d’Angondjé, le 28 novembre dernier, il a depuis été rebaptisé : Stade de l’Amitié Sino-Gabonaise

Face à un monde en crise

L’événement économique de l’année 2011 reste sans aucun doute la crise de la dette des pays de l’Union Européenne. Et cette crise n’a pas été sans effets sur le continent africain. Si la croissance moyenne des pays africains tournera autour des 5% comme prévu initialement, il n’en reste pas moins que la crise européenne a affecté l’économie africaine. Pour exemple, l’Afrique du Sud a connu un ralentissement fort de sa croissance au cours de l’année. Ralentissement essentiellement dû a l’incapacité du pays à trouver de nouveaux débouchés dans l’exportation de minerais dont l’Union Européenne est le premier acheteur.

De manière plus générale, les fluctuations des grandes monnaies, que sont l’euro et le dollar, ont provoqué une inflation en Afrique entraînant elle-même une forte hausse des prix dans les domaines énergétiques et alimentaires.

Face à cette dépendance vis-à-vis des pays européens, dans le commerce international, la Chine, via son ministre du Commerce, Chen Deming, incite l’Afrique à une diversification plus intense de ses partenaires économiques à l’échelle internationale.

Les arguments avancés et appuyés par la Commission des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) résident dans l’adéquation des biens échangés. Alors que les termes de l’échange semblent encore déséquilibrés entre l’Europe et l’Afrique (produits manufacturés contre matières premières), la CEA explique qu’une intensification des échanges avec l’Asie serait plus adéquate, la demande en matières premières venant essentiellement des pays émergents d’Extrême Orient.

Jusqu’à présent, les investissements directs de la Chine en Afrique représentent 13 milliards de dollars, répartis sur plus de 2000 entreprises, dans 50 pays différents. Si d’aucuns doutaient encore de l’influence de la Chine sur le continent, l’année 2011 les aura définitivement convaincus.

Reste à savoir dans quelles mesures ces échanges et cette aide s’effectue, sachant, par exemple, qu’il est très difficile aujourd’hui pour un autochtone de gagner un poste à responsabilités dans une entreprise chinoise implantée en Afrique.

Giovanni C.Djossou

Sources :

·         Next-Afrique.com

·         News.cn

La Chine-Afrique : entre nouvelle opportunité et nouvelle exploitation

 Le texte à venir est une compilation des réflexions sur la Chine-Afrique, issue d’une correspondance avec mon professeur d’histoire de khâgne. Ces réflexions se fondent sur mon expérience au sein de l’Ambassade de la République de Côte-d’Ivoire en République Populaire de Chine (Beijing) dans le courant de l’année 2009. Evoluant dans le département économique dont le travail tourne essentiellement sur la prospection et la veille, je fus aux premières loges pour observer et tenter d’analyser les relations entre ces deux entités. 

Bien que je connaisse déjà le phénomène, mon stage dans le service économique de l’ambassade de Côte d’Ivoire à Beijing (Pékin) m’a encore plus éclairé sur ce sujet : la Chine en Afrique. Aujourd’hui beaucoup d’entreprises chinoises sont implantées en Afrique et notamment Afrique de l’Ouest. Dans les nombreuses lettres d’entreprises chinoises que nous recevons tous les matins, beaucoup nous expliquent qu’elles aimeraient faire profiter la Côte-d’Ivoire de la croissance chinoise. Elles nous affirment également à quel point elles seraient fières de pouvoir contribuer au développement de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique en général. Ces entreprises sont de toutes sortes : petits, moyennes, grandes, et dans tous les domaines : l’électricité (beaucoup), le bâtiment, les services etc. Figurez-vous que certaines font même référence dans leur lettre à l’Histoire et plus précisément à celle de l’Afroasiatisme et son point d’orgue : Bandung où les principes de l’entraide entre deux continents étaient érigés.

A première vue, ces initiatives pourraient être louables. En effet, une telle coopération économique pourrait faire naître une sorte de développement mutuel par le biais de transfert de technologies, par les emplois créés sur place etc. La réalité est bien différente de tout cela. Par exemple, une entreprise, quelle qu’elle soit, pour construire ses bâtiments, va faire appel à des travailleurs chinois. Pire encore, les entreprises de construction chinoises, font appel elles-mêmes à des travailleurs chinois pour construire des infrastructures ivoiriennes. Conséquences de tout cela : on observe bien un développement rapide des infrastructures en Afrique, mais avec une population toujours aussi pauvre. Cette politique des grands travaux entamée dans toute l’Afrique de l’Ouest depuis quelques années pourrait grandement servir au développement des pays concernés et l’amélioration du niveau de vie de leurs populations. Au lieu de cela, l’Afrique est une nouvelle fois en train de manquer le coche! Par exemple, le développement actuel de la Côte d’Ivoire est un leurre : c’est un pays en permanente construction, et les infrastructures sont plus massives, plus impressionnantes, plus belles (après plusieurs années d’abandon de projets d’urbanisation). Mais face à cela, on a une population de plus en plus pauvre.

Le problème de la Chine avec l’Afrique est, je pense, le déséquilibre qu’il existe entre le pays et le continent en termes de croissance certes, mais également en terme de mœurs et cultures. Le responsable du service économique de l’ambassade m’expliquait que si les Chinois font appel à leurs ouvriers, c’est avant tout pour la docilité de ces derniers. Par exemple, les travailleurs chinois en Côte-d’Ivoire sont tout à fait prêts à travailler de nuit. Les équipes se relaient de telle sorte que les chantiers sont en branle 24h/24 ce qui permet de les terminer beaucoup plus vite. Un essai avait été effectué avec des travailleurs autochtones mais, ces-derniers ne voulant pas travailler au-delà de 19h, les dirigeants de ces entreprises s’en étaient remis à des ouvriers dont ils connaissaient le mode de fonctionnement : des ouvriers chinois. Peut-on le leur reprocher ? Bien sûr que non. On ne peut que constater ce décalage dans les méthodes qui provoque lui-même un recul des pays d’Afrique dans lesquels les entreprises chinoises se trouvent en grand nombre.

De mon point de vue, les véritables personnes à blâmer dans cette affaire sont les autorités ivoiriennes (et africaines en général) qui acceptent ce genre de deal. Finalement qu’est-ce que l’Afrique a-t-elle à gagner dans cette histoire à part des produits chinois non taxés à disposition, et quelques perceptions de taxes pour les collectivités locales ? L’Afrique est perdante, à nouveau. Mon supérieur m’expliquait que pour l’instant, le rapport de force était si inégal que les dirigeants ivoiriens ne pouvaient pas se permettre d’imposer, aux entreprises chinoises implantées dans le pays, d’embaucher des autochtones. Il espère néanmoins qu’ « avec le temps la situation changera ». Cela dit, dans ce contexte bien précis, je ne vois pas comment le temps fera pour améliorer les choses. Bien au contraire, il les aggravera. La Chine sera plus riche demain, et la Côte-d’Ivoire plus pauvre encore. Puis viendra le jour où la Chine n’aura plus besoin de l’Afrique pour se développer et la laissera tomber. Et l’Afrique se retrouvera une nouvelle fois face à elle-même sans savoir que faire, comme à la fin des années 60.

Mon supérieur m’explique que si on ne fait pas confiance aux travailleurs africains c’est parce qu’ils n’ont aucun réel savoir faire. Ils ne savent pas construire ; les nouvelles technologies leur sont étrangères. A partir de cette réflexion je me suis dit que nous étions dans un cercle vicieux car si l’Afrique n’a rien, on ne commerce pas avec elle. Et lorsqu’on décide de travailler « avec l’Afrique » c’est sans lui permettre de connaître les techniques actuelles qui pourraient la rendre plus performante demain. L’Afrique ne profite pas du possible transfert de savoir et de technologies qui pourrait s’opérer avec la Chine actuellement et c’est dommage. On ne peut pas obliger les Chinois à faire travailler des Ivoiriens sur les chantiers ivoiriens. Le mieux serait que les Chinois prennent d’eux-mêmes ces initiatives. Pour qu’ils prennent ces initiatives, il faudrait peut-être que les populations africaines changent quelque peu l’approche qu’elles ont du commerce, des échanges. L’Afrique a peut-être avec la Chine, une chance de devenir sujet de la mondialisation et non plus seulement l’objet de cette-dernière. Car c’est bien comme cela que je vois la situation pour l’instant. Les rapports entre la Chine et les pays africains, selon moi, ne sont qu’une nouvelle forme d’exploitation. Et je vois se substituer à la France-Afrique une Chine-Afrique bien que les rapports seraient d’un tout autre ordre. Vous comprendrez donc à quel point les cris « On veut les Chinois » me révulsent.

Alors, oui, on peut toujours affirmer que c’est là la faute des chinois etc. mais si cette nouvelle exploitation est possible, elle est avant tout due à l’apathie des dirigeants africains, leur incapacité également, à transformer les schèmes des sociétés qu’ils gouvernent. C’est une preuve d’ignorance que d’affirmer que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire comme le pensent certains… cela dit, je reste persuadé que l’Afrique est entrée dans le monde économique par la mauvaise porte, qu’elle en paie le prix et pire, qu’elle ne fait rien pour s’en sortir. Les dirigeants africains sont responsables, alors, finalement, peut-on réellement reprocher aux populations de crier « On veut les Chinois » ou « On veut les Américains. » ?

L’Afrique cherche ailleurs des modèles qu’elle est incapable de trouver chez elle. Nous n’avons pas de capitaines d’industries, nous n’avons pas de grandes entreprises, ni mêmes des PME (pourtant solides pour certaines) qui prennent le risque de se développer à l’international. L’Afrique se nourrit de l’agriculture (sans mauvais jeu de mot), c’est un mets bien maigre à l’heure des Ipods, micro-PC, et autres gadgets en tous genres de la nouvelle ère informationnelle.

Giovanni C. DJOSSOU