Algérie : la bataille de l’emploi au pays des méga-contrats chinois

Durant la dernière décennie, les entreprises chinoises ont remporté en Algérie des contrats dont le montant total s’élève à 20 milliards de dollars. Dans un pays où 30% de la jeunesse est au chômage, les investissements chinois ont-il  un impact sur l’emploi local ?

On a souvent parlé de la Chinafrique sur Terangaweb : l’impact environnemental de la politique économique étrangère chinoise sur le continent,  et plus généralement l’intérêt croissant du gouvernement chinois pour les ressources exceptionnelles dont dispose l’Afrique font régulièrement l’actualité. A l’occasion des 50 ans de l’indépendance algérienne, nous avons souhaité nous pencher sur le phénomène que certains n’hésitent pas à qualifier de « chinalgérie », autrement dit la présence croissante de la Chine en Algérie et son étonnante capacité à rafler presque tous les grands contrats publics. A l’heure où le pays vit une situation économique explosive, la présence chinoise en Algérie peut-elle faire émerger de nouvelles opportunités d’emplois que les entreprises locales peinent à créer ?

A Alger, difficile d’ignorer la présence chinoise. Les ouvriers chinois se relaient pour construire à vitesse grand V des logements sociaux dont la population a besoin. Le chantier de la troisième plus grande mosquée du monde située dans le grand Alger, d’une valeur d’un milliard de dollars, a été remporté par une entreprise chinoise  et a démarré en mai dernier. Cette main-d’œuvre immigrée est pourtant mal acceptée  par une partie de la population qui ne comprend pas pourquoi le gouvernement algérien accepte et encourage la présence de milliers d’ouvriers chinois alors qu’une grande partie de la jeunesse algérienne est au chômage.

La Chine s’est d’abord intéressée à l’Algérie en raison de ses ressources naturelles exceptionnelles. Progressivement, le gouvernement chinois prenant conscience des réserves de dollars confortables dont disposait le pays, ses investissements en Algérie se sont diversifiés, avec la signature de grands contrats dans le domaine des infrastructures, puis le développement des investissements dans le secteur secondaire : électronique, automobile et textile principalement. L’Algérie a ainsi accordé aux entreprises chinoises des contrats de construction d’une valeur totale de 20 milliards de dollars, qui concernent la construction de logements sociaux, de chemins de fer et de plusieurs tronçons de l’autoroute est-ouest. Ces méga-projets, pourtant fortement consommateurs de main-d’œuvre, n’ont pas puisé dans le réservoir de demandeurs d’emploi algériens. Au contraire, les promoteurs ont décidé de recourir à de la main-d’œuvre chinoise immigrée. Regroupée dans des logements près des chantiers de construction, cette main-d’œuvre est corvéable à merci, faiblement rémunérée et surtout.. très efficace. Il n’est en effet pas rare qu’un projet soit livré bien avant la date prévue de son achèvement. Les 30 000 immigrés chinois représentent aujourd’hui la première communauté étrangère d’Algérie.

Malgré l’indéniable productivité de ces travailleurs étrangers, on peut s’interroger sur l’efficacité de la politique actuelle de l’emploi menée par le gouvernement algérien, qui maintient à l’écart toute une partie de la population, au chômage malgré des études à l’université, et souvent surqualifiée compte tenu des emplois disponibles. Malgré la volonté affichée par le gouvernement de favoriser l’emploi local grâce à une fiscalité favorable, et d’encourager le transfert de connaissances et la formation professionnelle, les entreprises chinoises n’ont pas vraiment joué le jeu. 

Une étude publiée par la Banque africaine de développement et intitulée Investissements chinois et création d’emploi en Algérie et en Egypte analyse l’impact des investissements chinois sur l’emploi local et montre que ce dernier est faible.  En effet, les énormes contrats remportés par les entreprises chinoises publics ont  rarement créé des emplois locaux, les investisseurs chinois préférant faire appel à de la main-d’œuvre chinoise immigrée. Les travailleurs algériens recrutés sont eux peu qualifiés, et les perspectives de promotion sont quasiment inexistantes. La presse algérienne se fait souvent l’écho de faits divers liés au non-versement des salaires par les entreprises chinoises aux ouvriers algériens, ce qui contribue à alimenter le ressentiment d’une partie de la population.  Quant aux Algériens les plus diplômés, ils se heurtent souvent au plafond de verre les empêchant de rejoindre les équipes de direction, uniquement composées de cadres chinois.

Face à cette situation déséquilibrée, le gouvernement algérien a modifié la législation du travail, afin de favoriser l’embauche de travailleurs algériens au sein des entreprises chinoises, en contraignant ces dernières à s’associer à des partenaires locaux. Ces mesures ont une efficacité limitée, car elles n’impactent pas le niveau de qualification auquel les demandeurs d’emploi sont recrutés. 

Les réticences chinoises à embaucher localement sont donc réelles, mais les investisseurs chinois ne peuvent être tenus responsables de la situation de l’emploi en Algérie : ce chômage est structurel, et touche davantage les travailleurs les plus qualifiés, 50 000 diplomés de l’université se retrouvant chaque année sans emploi. Les investissements chinois pourraient dorénavant être redirigés vers le secteur tertiaire, afin de favoriser l’embauche massive d’ une main-d’œuvre qualifiée locale, et d’encourager le transfert de connaissances entre investisseurs étrangers et équipes algériennes. Reste à savoir si ce type de projets sera aussi attractif que les méga-projets payés comptant en dollars par le gouvernement algérien.

Leïla Morghad

Les relations Chine-Afrique (2) : La stratégie chinoise

On assiste depuis quelques années à une effervescence autour de la présence de plus en plus importante de la Chine en Afrique. Les accusations sont nombreuses, tout autant que les promesses. Du côté de l’Occident, les medias et le milieu politique s’alarment: la Chine, en offrant des prêts sans demander de contreparties en termes de démocratie ou de gouvernance, détruit des décennies de travail de la Banque Mondiale et des agences de développement. On accuse la Chine de tous les maux : voler de la terre aux pauvres paysans, commercer avec des régimes ‘’parias’’. En Chine, on se défend de toute mauvaise intention. Pendant ce temps, la voix des africains se fait peu entendre. Les coeurs balancent. D’un côté, l’approche dynamique de la Chine en Afrique est revigorante et change des processus lents et bureaucratisés des bailleurs de fonds traditionnels. De l’autre côté, les frictions économiques et sociales causées par l’arrivée en masse d’entreprises et de travailleurs chinois inquiètent les populations locales. Il est donc essentiel de décortiquer les dynamiques à l’oeuvre, afin de donner à nos lecteurs les outils nécessaires à une prise de décision éclairée. Il s’agit aussi de dissiper les malentendus sur la question afin d’avancer vers une meilleure compréhension mutuelle des différents acteurs. Dans cette perspective, cet article est le deuxième  d’une longue série portant sur les relations entre la Chine et l’Afrique, qui aborderont des questions tant économiques que politiques et sociales.

Chine-Afrique: La stratégie chinoise

Quelles sont les raisons de l’implication chinoise en Afrique? Quelle stratégie utilise-t-elle pour atteindre ses objectifs?

Les raisons derrière l’implication de la Chine en Afrique sont tout d’abord pragmatiques. Les deux tiers des exportations africaines en Chine sont des ressources naturelles. En effet, le développement phénoménal de la Chine et les tensions récurrentes dans le Moyen-Orient – qui poussent à la hausse les prix du pétrole – ont poussé les dirigeants chinois à la recherche de nouvelles sources d’approvisionnement. Ils se sont donc tournés vers l’Afrique et ses ressources largement inexploitées, faute d’infrastructures. Ainsi, la Chine se concentre sur la construction d’infrastructures afin de gagner les faveurs des gouvernements africains. Le but de cette démarche est de devenir un partenaire privilégié, notamment dans l’attribution des chantiers nationaux, ce qui est souvent une condition des investissements chinois.

Dans le même temps, le gouvernement chinois incite ses entreprises et entrepreneurs à s’installer en Afrique. Il s’agit de profiter de la bonne dynamique des relations Chine-Afrique pour s’insérer sur les marchés africains à fort potentiel de développement. En Europe et aux Etats-Unis, les entreprises chinoises ont du mal à s’implanter, à cause de la peur des gouvernements et des populations (le retour du « péril jaune »). A l’opposé les gouvernements africains accueillent à bras ouverts les investissements chinois qui créent des emplois et relancent souvent des économies oubliées par l’Occident. Cela permet aux entreprises chinoises de gagner l’expérience internationale qui leur manque pour être plus efficaces dans la compétition globale, mais aussi pour monter dans la chaîne de valeur. De fait, les entreprises chinoises s’attachent à délocaliser des filiales en Afrique et un certain nombre d’activités polluantes et ntensives en main d’oeuvre peu qualifiée. Cela n’est pas sans nous rappeler les délocalisations japonaises en Chine dans les années 1970…

 Finalement, le développement d’activités en Afrique permet aussi à la Chine de réduire sa dépendance économique avec l’Europe et les Etats-Unis, notamment en cette période de crise et de repli sur soi. Plus récemment , la crainte d’un protectionnisme rampant et des pressions politiques occidentales sur les questions de politique étrangère (telles que la Syrie), mais aussi le risque d’un ralentissement brutal de l’économie chinoise en 2012 attisent le désir des dirigeants chinois de diversifier leurs « amis ».

Et c’est bien d’amitié qu’il s’agit quand on parle de l’Afrique en Chine. Il faut comprendre la stratégie africaine de la Chine comme intégrée à un tout, à savoir la stratégie de développement général de la Chine. Celle-ci inclut notamment le développement du soft power chinois, à savoir la capacité d’un pays à obtenir ce qu’il veut non par la coercition mais par son influence. Trois aspects se dessinent. Le plus important est celui de la construction d’un groupe d’amis qui supporte la Chine au plan des relations internationales. Les pays africains représentant plus du quart des membres de l’Assemblée Générale aux Nations-Unies, leurs votes combinés ont souvent permis de protéger la Chine de sanctions au sein de la Commision pour les Droits de l’Homme. Simultanément, la conquête progressive du support des pays africains a permis a la Chine de réduire le nombre total de pays reconnaissant l’autre Chine : Taiwan. Le nombre de pays africains reconnaissant Taiwan est passé de plus de 20 en 1990 à 5 en 2012. Cela permet à la Chine d’isoler Taiwan de plus en plus et de l’empêcher d’intégrer une quelconque institution internationale.

Cette stratégie est aussi un test pour la Chine qui tente de prouver au monde qu’elle peut se développer sans représenter une menace pour l’Occident. On comprend pourquoi la Chine fait tant d’efforts pour maintenir de bonnes relations avec les pays africains, premiers juges des actions chinoises. De plus, cette stratégie s’opère largement par la promotion de la culture chinoise en Afrique à travers la création de centres Confucius. Il y en a désormais 17 qui promeuvent la culture chinoise en Afrique. La Chine offre aussi un grand nombre de bourses très avantageuses aux étudiants africains pour aller y étudier. Ces bons étudiants qui seraient autrefois allé étudier en France, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. La Chine pèse ainsi sur les coeurs et les cervaux des futures générations africaines en les formant elle-même.

Finalement, il serait réducteur de limiter l’implication chinoise en Afrique à une somme d’intérêts égoistes. Il ne faut pas oublier qu’un grand nombre de membres de la bureaucratie et du gouvernement et  chinois sont de l’ancienne école communiste et que le marxisme reste une matière obligatoire tout au long de la scolarité des élèves et des étudiants. Il n’est pas rare d’entendre un banquier, un économiste ou un membre du gouvernement citer la solidarité internationale pour justifier les investissements chinois en Afrique. Bien sûr, il ne faut pas être dupe, mais il faut aussi accorder de l’importance à la compréhension de son partenaire.

Il existe aussi des côtés négatifs à cette relation pour l’Afrique, et ils sont nombreux, à savoir : la délocalisation d’industries polluantes, les pratiques non régulées des entreprises chinoises, le risque de voir les marchés les plus prometteurs aller à des entreprises chinoises. Le plus gros problème de cette relation réside sûrement dans son caractère asymétrique : on parle de relations Chine-Afrique et jamais de relations Afrique-Chine. Les moyens de l’Afrique sont limités mais il est absolument nécessaire de prendre des actions décisives tant qu’il en est encore temps afin de s’assurer de la pérennité de cette relation, qui dépend beaucoup de son équilibre. Nous ne voudrions pas répéter les erreurs du passé.

 Babacar SECK

Crédit photo: http://www.diploweb.com/La-Chine-en-Afrique-une-realite-a.html

Les relations Chine-Afrique (1) : Le discours de Beijing

On assiste depuis quelques années à une effervescence autour de la présence de plus en plus importante de la Chine en Afrique. Les accusations sont nombreuses, tout autant que les promesses. Du côté de l’Occident : Europe et Etats-Unis, les medias et le milieu politique s’alarment: la Chine, en offrant des prêts sans demander de contreparties en termes de démocratie ou de gouvernance, détruit des décennies de travail de la Banque Mondiale et des agences de développement. On accuse la Chine de tous les maux : voler de la terre aux pauvres paysans, commercer avec des régimes ‘’parias’’ (Zimbabwe, Soudan…). En Chine, on se défend de toute mauvaise intention. Pendant ce temps, la voix des africains se fait peu entendre. Les coeurs balancent. D’un côté, l’approche dynamique de la Chine en Afrique est revigorante et change des processus lents et bureaucratisés des bailleurs de fonds traditionnels (France, Royaume-Uni, Etats-Unis). De l’autre côté, les frictions économiques et sociales causées par l’arrivée en masse d’entreprises et de travailleurs chinois inquiètent les populations locales. Il est donc essentiel de décortiquer les dynamiques à l’oeuvre, afin de donner à nos lecteurs les outils nécessaires à une prise de décision éclairée. Il s’agit aussi de dissiper les malentendus sur la question afin d’avancer vers une meilleure compréhension mutuelle des différents acteurs. Dans cette perspective, cet article est le premier d’une longue série portant sur les relations entre la Chine et l’Afrique, qui aborderont des questions tant économiques que politiques et sociales.

                Chine-Afrique: Le discours de  Beijing

Quelles sont les raisons qui expliquent l’intérêt accru de la Chine pour l’Afrique depuis quelques années?  Portrait général de la relation.

Le caractère indéniable de l’importance de l’Afrique pour la Chine est primordial afin de comprendre l’approche de l’Afrique qu'ont les dirigeants chinois. En effet,  ces derniers du plus haut niveau, de Zhou Enlai à Hu Jintao et maintenant Xi Jinping, ont tous effectué des voyages très réguliers dans un grand nombre de pays d’Afrique. De plus, ces visites ne se sont jamais limité aux pays riches en ressources naturelles. lI est important de le souligner, car au-delà des ressources naturelles, ce que cherche la Chine, c’est développer son image au plan international et tisser un réseau d’amis qui lui apportent du soutien dans ses confrontations avec l’Occident ou avec Taiwan. Ces visites sont d’autant plus représentatives de l’intérêt que la Chine porte à l’Afrique si l’on prend en compte l’importance de la symbolique dans la culture chinoise. Celle-ci indique que si quelqu’un vous rend visite, et non le contraire, c’est qu’il vous accorde beaucoup d’importance. Vu le nombre de visites de dirigeants chinois en Afrique, nous pouvons donc en déduire que la Chine considère l’Afrique comme un des enjeux essentiels de sa politique étrangère au 21e siècle.

Le discours officiel de la Chine met en avant le caractère ancien et continu de la présence chinoise en Afrique. Plus particulièrement, les diplomates chinois s’attachent à citer l’implication de la Chine en Afrique depuis les années 1950. En effet, dès la naissance de la République Populaire de Chine, les dirigeants de la Chine, inspirés par des idées socialistes et motivés par la recherche de reconnaissance pour leur nouvel Etat, se sont tournés vers l’Afrique. Les chercheurs chinois proches du pouvoir, tels que He Wenping, de l’Académie Chinoise des Sciences Sociales, et Li Anshan, de l’Université de Pékin, insistent sur l’ancienneté de cette relation. En effet, depuis la naissance de la République Populaire de Chine, la relation sino-africaine autant dans le domaine des infrastructures que dans celui de la santé et de l’éducation, a été continue bien qu’irrégulière (notamment pendant les périodes de tumultes internes en Chine).

D’autre part, la Chine insiste sur le caractère nouveau de son approche par rapport à celle des acteurs habituels du développement en Afrique. Tout d’abord, la Chine se positionne en tant que leader des pays en développement.  Elle est  le plus grand et le plus peuplé des pays en voie de développement. Depuis 1950, la taille de l’économie chinoise a été multipliée par 40, sortant plusieurs centaines de millions de chinois de la pauvreté extrême. Les dirigeants chinois qui vont en Afrique disent comprendre les défis que rencontrent les populations et les dirigeants africains. Toutefois, ils insistent sur le fait qu’ils ne se posent pas en donneurs de leçons, contrairement à l’Occident. Plutôt, ils mettent en avant le principe de non-ingérance dans les affaires internes des Etats africains. Ceci implique que les accords passés avec la Chine et les entreprises chinoises sont uniquement commerciaux et ne contiennent pas de contreparties politiques (bonne gouvernance, transparence…). Finalement, la Chine se présente comme offrant des partenariats gagnant-gagnant à ses partenaires africains, selon les principes confucéens prônés par Zhongnanhai (l’équivalent de l’Elysée) d’harmonie des civilisations et de développement pacifique de la Chine.

Ainsi se structure le discours de Beijing sur son implication en Afrique. Notre prochain article présentera les raisons qui expliquent cette implication, tout en décortiquant la stratégie mise en place par la Chine.

Babacar SECK

Crédit photo: come4news.com

 

La Chine-Afrique version 2011

La Chine a joué un rôle prépondérant sur le plan économique, dans les événements que le continent africain a dû affronter durant l’année écoulée. De la crise économique mondiale, à la sècheresse en Afrique de l’Est, en passant par les préparatifs de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations 2012 ; retour sur les contributions de l’Empire du Milieu en Afrique.

Il y a un an, les investissements cumulés de la Chine en Afrique représentaient 40 milliards de dollars. En 2011, la Chine a intensifié sa coopération avec le continent noir, sur le plan économique.

La sècheresse de la Corne

En 2011, la terrible sècheresse qui s’est abattue sur toute la corne de l’Afrique et tout particulièrement en Somalie, a poussé la Chine à agir. Tout d’abord, une aide immédiate et urgente en denrées : pas moins de 69,58 millions de dollars en céréales ont été donnés aux pays concernés, faisant de ce don, le plus important de la République Populaire de Chine. Puis, au-delà de l’aide immédiate, c’est bien tout un programme de transfert de technologies qui a été mis en œuvre à l’occasion de cette catastrophe. Des centres de développement de techniques agricoles ont été créés cette année dans l’est de l’Afrique et sur le reste du continent, permettant ainsi un partage des méthodes d’intensification de la production agricole. La démarche, visant à une plus grande maîtrise des ressources et une diversification des cultures, pour se rendre moins dépendant des aléas du climat et par là même, éviter la répétition de tels événements.

Une CAN ça se prépare !

Le 21 janvier 2012, débutera la 28e édition de la Coupe d’Afrique des Nations de football au Gabon et en Guinée équatoriale. Tout comme l’Afrique du Sud pour sa Coupe du Monde, en 2010, le Gabon a dû aménager son territoire et renouveler ses infrastructures. Comme un symbole –ou opération de communication- la coopération avec la Chine, dans ce domaine, s’est effectuée dans la construction du stade le plus important de la compétition. Le stade qui accueillera la finale de l’épreuve, le 12 février prochain. Un véritable monument de 40 000 places, construit en un temps record (19 mois), à la pointe de la modernité qu’exige le ‘Sportainment ‘. Inauguré sous le nom de Stade d’Angondjé, le 28 novembre dernier, il a depuis été rebaptisé : Stade de l’Amitié Sino-Gabonaise

Face à un monde en crise

L’événement économique de l’année 2011 reste sans aucun doute la crise de la dette des pays de l’Union Européenne. Et cette crise n’a pas été sans effets sur le continent africain. Si la croissance moyenne des pays africains tournera autour des 5% comme prévu initialement, il n’en reste pas moins que la crise européenne a affecté l’économie africaine. Pour exemple, l’Afrique du Sud a connu un ralentissement fort de sa croissance au cours de l’année. Ralentissement essentiellement dû a l’incapacité du pays à trouver de nouveaux débouchés dans l’exportation de minerais dont l’Union Européenne est le premier acheteur.

De manière plus générale, les fluctuations des grandes monnaies, que sont l’euro et le dollar, ont provoqué une inflation en Afrique entraînant elle-même une forte hausse des prix dans les domaines énergétiques et alimentaires.

Face à cette dépendance vis-à-vis des pays européens, dans le commerce international, la Chine, via son ministre du Commerce, Chen Deming, incite l’Afrique à une diversification plus intense de ses partenaires économiques à l’échelle internationale.

Les arguments avancés et appuyés par la Commission des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) résident dans l’adéquation des biens échangés. Alors que les termes de l’échange semblent encore déséquilibrés entre l’Europe et l’Afrique (produits manufacturés contre matières premières), la CEA explique qu’une intensification des échanges avec l’Asie serait plus adéquate, la demande en matières premières venant essentiellement des pays émergents d’Extrême Orient.

Jusqu’à présent, les investissements directs de la Chine en Afrique représentent 13 milliards de dollars, répartis sur plus de 2000 entreprises, dans 50 pays différents. Si d’aucuns doutaient encore de l’influence de la Chine sur le continent, l’année 2011 les aura définitivement convaincus.

Reste à savoir dans quelles mesures ces échanges et cette aide s’effectue, sachant, par exemple, qu’il est très difficile aujourd’hui pour un autochtone de gagner un poste à responsabilités dans une entreprise chinoise implantée en Afrique.

Giovanni C.Djossou

Sources :

·         Next-Afrique.com

·         News.cn

La Chinafrique, ou De l’intérêt bien entendu

 

A l’heure où la coopération Sud-Sud semble être la panacée selon les dirigeants africains, il est un pays émergent qui allie intérêts stratégiques et aide au développement sur le continent : la Chine. Le pays a en effet développé une stratégie d’intervention très efficace dans de nombreux pays d’Afrique, en sécurisant son accès à des ressources naturelles vitales pour sa croissance, mais également en contribuant au développement du continent à travers des financements à des projets que les banques traditionnelles hésitent à soutenir.

Le rapport de l’ONU intitulé La coopération de l’Afrique avec les partenaires de développement nouveaux et émergents : options pour le développement en Afrique  paru en 2010 analyse les intérêts chinois en Afrique, qui relèvent à la fois d’impératifs économiques et  d’un pragmatisme politique incontestable. La Chine a en effet multiplié  les investissements dans le secteur de l’énergie (pétrole, minéraux) et a redoublé d’efforts pour maintenir  de fortes relations commerciales sur le continent afin de s’assurer d’un accès privilégié aux matières premières et de  garantir des débouchés à ses exportations, principalement des technologies  à bas niveau ou intermédiaire. L’essentiel de la politique de coopération chinoise se concentre sur les pays riches en ressources naturelles (Angola, Nigéria, Afrique du Sud), et le modèle de développement intègre à la fois l’importation de matières premières et une coopération technique diversifiée (infrastructures, logements).  Le rapport montre que l’Afrique profite elle aussi de l’intérêt de la Chine pour ses richesses naturelles, le montant de l’aide au développement chinoise étant en constante augmentation depuis vingt ans.

Toutefois l’idée d’un pillage des ressources naturelles par la Chine est souvent évoquée par les médias occidentaux, affirmation remise en question dans un papier publié par la Banque africaine de développement en mai dernier, intitulé China’s engagement and aid effectiveness in Africa . L’auteur note ainsi que contrairement aux idées reçues, la coopération chinoise a joué un rôle globalement positif dans le développement du continent africain, en intervenant dans des secteurs où les acteurs du développement étaient peu présents, tels que les transports ou les NTIC. Il est pourtant difficle de faire la part entre aide et IDE et de schématiser le modèle de l’aide chinoise, compte tenu de ses composantes très diverses, allant de l’assistance technique à des allègements de dette.  Les tests économétriques publiés dans le rapport montrent une forte corrélation entre l’aide chinoise et deux autres facteurs, à savoir le montant de l’investissement direct à l’étranger chinois et la nature des relations diplomatiques avec le pays bénéficiaire.  En revanche, le montant du PIB par tête ou même les insuffisances en matière de gouvernance ne constituent pas des facteurs déterminants pour  l’attribution  de l’aide.

Les publications de recherche divergentes montrent qu’il  est encore tôt pour mesurer l’impact de la Chinafrique sur le développement en Afrique.  Face à la progression chinoise dans le pré carré des acteurs traditionnels du développement , un autre enjeu de long terme se dessine : la coordination entre les donneurs occidentaux et la Chine en matière d’aide au développement sur le continent .

 

Leïla Morghad