L’électrification rurale en Afrique: comment déployer des solutions décentralisées ?

A peine plus de 30% de la population d’Afrique subsaharienne dispose d’un accès à l’électricité, souvent précaire. Cette proportion chute à moins de 20% en milieu rural. Alors que l’extension du réseau électrique est souvent privilégiée pour pallier ce déficit, cette étude démontre que les solutions décentralisées sont particulièrement efficaces en milieu rural. En effet, l’électrification décentralisée fera partie de la solution pour nombre d’Africains, au moins pour un temps.

Cependant, soutenir son développement implique d’ajuster les politiques publiques et de créer de nouveaux modèles d’affaires, qui n’intègrent pas encore cette nouvelle conception de l’électrification. A l’aide d’études de cas, l’auteure décrit comment la technologie hors-réseau et les micro-réseaux ont été déployés avec succès au Sénégal, au Maroc et au Kenya. Les enseignements qui en résultent peuvent être utiles aux autorités en charge de l’électrification rurale en Afrique. Lisez l’intégralité de ce Policy Brief.

La Revue de L’Afrique des Idées – numero 1

L’Afrique des Idées a le plaisir de vous présenter le premier numéro de sa RevueCette publication pluridisciplinaire réunit les analyses menées par nos experts. Elle a pour but de vous donner des outils pour approfondir votre compréhension des défis auxquels fait face le continent africain. Dans ce premier numéro, vous retrouverez des propositions concrètes en matière d’électrification, de démocratie, d’implication de la société civile mais aussi de gouvernance fiscale en Afrique. Aussi diverses soient les thématiques abordées, ces analyses s’inscrivent dans une seule et même démarche. La Revue de L’Afrique des Idées est la concrétisation de ce en quoi croient tous les hommes et femmes qui s’engagent pour L’Afrique des Idées : la pertinence et la portée du concept d’Afro-responsabilité.

Vous pouvez télécharger l’intégralité de la Revue en cliquant sur ce lien : La Revue de L’Afrique des Idées n°1 – Mai 2017

Très bonne lecture !

Olivia  GANDZION

Experts :

AURORE BONARDIN, Chargée d’études à la Direction du développement culturel de la municipalité de Saint Denis (La Réunion) et Doctorante contractuelle a liée à l’équipe Déplacements Identités Regards Ecritures (DIRE) de l’Université de La Réunion.

CHRISTELLE CAZABAT, Docteure de l’Université Paris-Sorbonne et Chargée d’études, Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), New York.

GABRIELLE DESARNAUD, Chercheure, Institut Français des Relations Internationales (IFRI), Paris.

JAMES ALIC GARANG, Senior researcher, Ebony Center for Strategic Studies & Upper Nile University, South Sudan.

 

L’Afrique refuserait t’elle de s’auto-électrifier?

Pour ceux qui vivent actuellement sur l’axe Côte d’Ivoire-Ghana-Lomé-Bénin-Nigéria, il n’est plus nécessaire de rappeler la forte résilience développée par les populations à l’égard des délestages récurrents.

electricitéAvec une consommation en pleine croissance (au Bénin, la Société d’Énergie Électrique estime à 11 % l’évolution pour les années futures), le manque d’investissement dans le secteur de l’énergie accentué par les pertes en ligne lors de la distribution et du transport (de l’ordre de 18-30 %) sont les principales causes de l’état actuel du secteur de l’énergie électrique en Afrique Occidentale. Dans les zones rurales, le taux d’électrification est inférieur à 10 %, étant donné que les modèles économiques pour l’extension du réseau ne sont pas viables du fait de la faible valeur ajoutée économique et densité. Face à ce constat mitigé, plusieurs projets ont vu le jour, comme l’interconnexion ouest-africaine, ou le financement d’infrastructures thermiques dans plusieurs pays.

Ces initiatives sont louables, à l’exception près, qu’elles dépendent toutes ou pour la plupart de bailleurs de fonds internationaux en quête de placements rentables, dans une Afrique berceau des opportunités. Quel est donc le surplus socio-économique de ces contrats souvent négociés en Built-Operate-Transfer (BOT) sur le consommateur africain qui subira le coût de maintenance et d’approvisionnement en combustibles ? C’est pour répondre à cette double interrogation que je propose une analyse technico-stratégique sur la filière du photovoltaïque.

Avec un coût de production du Watt actuellement inférieur à $1 grâce au marché chinois (Suntech-Trina Solar- Yingli,etc…) qui contrôle environ 80 % du marché mondial, la filière du photovoltaïque est devenue aussi bien rentable qu’accessible. D’après l’ÉPIA qui est le syndicat européen des énergies renouvelables, le coût de revient se décompose entre : le coût des modules (50 %), le régulateur et convertisseur (10 %), les câblages et accessoires (10 %), l’installation et la main d’œuvre (30 %). En Afrique, le coût des modules tient compte du stockage, mais d’une façon générale, avec un coût d’installation et de main-d’œuvre largement inférieur que dans le monde compte tenu du coût de capital humain et du niveau de vie. (facteur 2 voire 3). La filière a ainsi une meilleure opportunité à saisir sur le continent, car avec le coût des modules qui est à la baisse, le coût de revient final est nettement inférieur à la tendance mondiale hors stockage. D’autre part, le développement de la filière peut être générateur de multiples emplois avec la mise en place de formations en alternance aussi bien pour les jeunes diplômés en quête de spécialisation que pour les jeunes non diplômés en quête d’une reconversion. En moyenne, le Watt installé revient environ à 2000 FCFA, comparé au thermique, environ 250 FCFA (source du Ministère de l’Énergie du Bénin) qui ne prend pas en compte le coût de la maintenance, des externalités environnementales, et surtout du combustible. D’un point de vue économique, le photovoltaïque s’aligne comme le nucléaire, avec un coût fixe (ou coût moyen) plus important, mais qui se récupère dans le temps compte tenu du coût marginal quasi nul à la différence du thermique dont le coût marginal, actuellement escompté, ne définit aucune trajectoire claire du coût des combustibles et des charges d’exploitation. Pour les pays non producteurs de pétrole, l’importation de produits pétroliers peut peser entre 3 et 15 % de leur PIB.

D’autre part, la bataille que se livrent l’Occident et l’Asie a entrainé une fonte des coûts de production comme énoncé ci-dessus. Afin de développer leur filière nationale, les pays du Nord ont mis en place les tarifs d’achat qui sont un tarif préférentiel et surestimé d’achat de l’énergie électrique photovoltaïque afin de soutenir leurs entreprises nationales exerçant dans la R&D et la production. Mais face à la rude concurrence chinoise et à la conjoncture économique, ces tarifs ont plus ou moins fondu entrainant un mal aise dans la filière. C’est ainsi que les USA ont instauré une taxe douanière de 30 % sur tous les modules chinois, et l’UE a récemment porté plainte auprès de l’OMC pour dumping. L’Afrique quant à elle, spectatrice n’a développé aucune politique favorable pour se tailler une place. À mon avis, un des problèmes de la sous-région est le manque de stratégie dans nos actions. Nous faisons très peu de nos faiblesses des atouts pour mieux nous adapter. En effet, l’Afrique ne fait pas partie des principaux producteurs et n’a donc aucun intérêt à intervenir dans cette guerre de géants commerciaux.  De plus, je pense que les tarifs d’achat sont inappropriés au contexte africain, car ils supposeraient de lourdement subventionner le coût de l’énergie solaire, sachant que bien de gouvernements ont déjà du mal avec l’énergie conventionnelle. En Afrique, le développement des énergies nouvelles devrait normalement supposer davantage l’intervention du secteur privé. Le rôle de l’État pour aider la filière serait d’exonérer par exemple pour une période donnée les importations pour aider à l’accroissement de l’électrification et la mise en place d’un secteur privé dynamique.

Les pays africains profiteront aisément de cette guerre de prix afin d’acheter des modules « bradés » pour satisfaire un besoin concret et développer une filière continentale. Pour les plus futés, à l’exemple du secteur pétrolifère, il serait même judicieux de faire des approvisionnements stratégiques pour les moments de pénuries afin de revendre les modules à un coût beaucoup plus élevé, synonyme d’une rente importante. Mais malheureusement, ce n’est pas le cas, car en prenant le cas du Bénin, l’importation de matériel photovoltaïque est soumise à des frais et taxes de l’ordre de 50 % de la valeur marchande et du transport. Ainsi, avec une filière qui est embryonnaire pour le moment, on étouffe tout espoir d’expansion. Le constant est plus alarmant quand nous savons que les groupes électrogènes, pollueurs et consommateurs de combustibles sont totalement exonérés.

Somme toute, l’objectif de cet article est d’apporter une autre vision sur le modèle de développement de l’énergie photovoltaïque en Afrique Subsaharienne qui est actuellement la région dont le secteur de l’électricité est le plus atteint. Au lieu de faire appel aux lourds financements internationaux dont les retombées s’observent très peu sur le consommateur final et sur le secteur privé local, il vaut mieux œuvrer à dynamiser nos propres structures souvent capables de lever aussi des capitaux importants, mais qui ne sont malheureusement pas toujours suivis par les gouvernements. Quand bien même le solaire ne pourra permettre d’électrifier toute la région, il serait judicieux de penser à un mix énergétique pour réduire notre dépendance vis-à-vis du thermique. Dans les prochains articles, je tâcherais d’apporter les arguments en faveur ainsi que les inconvénients au développement du photovoltaïque. Car après tout, l’énergie est à l’image de l’éducation : Pour garantir son avenir, il faut très tôt prendre les bonnes décisions et poser les fondations nécessaires.