Le tropisme africain du Maroc, entre pragmatisme et intégration africaine

JPG_Mohamed VI AfriqueAujourd’hui, l’avenir du Maroc se joue en Afrique au Sud du Sahara. Le tropisme africain du Maroc apparait comme un enjeu des nouvelles formes de diplomaties à l’intérieur des pays du Sud, bâties sur la recherche mutuelle d’intérêts économiques, le sentiment d’appartenance à un même bloc géopolitique et la solidarité entre nations du Sud.

Une place à prendre

Le récent ballet diplomatique du Roi Mohammed VI, en mai 2015, en Afrique règle au moins une question longtemps abordée par les spécialistes de la diplomatie comme une incompréhension géostratégique : l’intégration du Maroc dans l’Union européenne comme Etat-membre. En effet, en 1984, le Maroc du Roi Hassan II avait clairement soumis un projet d’adhésion à la Communauté économique européenne, qui sera rejeté en 1987 pour « non-européanité » du royaume chérifien.

Après les déstabilisations du Maghreb pour cause de « printemps arabes », la perte de vitesse du Nigéria due, entre autres, à l’hydre Boko Haram, l’essoufflement économique et les embarras identitaires de l’Afrique du Sud, l’effacement de l’Algérie en quête de stabilité, le Maroc se découvre un axe diplomatique à défendre : extension de son influence à l’Afrique subsaharienne et organisation de partenariats stratégiques dans une partie du continent à la croissance économique prometteuse.

En réalité, la coopération avec les voisins du Sud n’est pas nouvelle. A la fin du protectorat espagnol au Maroc et à l’avènement des indépendances africaines, le Maroc s’est impliqué dans la diplomatie africaine post-colonisation et  dans la création de la défunte Organisation de l’unité africaine (OUA), qu’il quittera en 1984 à cause de divergences sur la réalité de la République arabe sahraouie démocratique. Aujourd’hui, le Maroc a pour objectif d’être la passerelle entre la Méditerranée et l’Afrique subsaharienne et s’impose comme un acteur des relations internationales au même titre que la France, la Chine, les Etats-Unis, l’Union Européenne sur le continent noir.

Au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Gabon et en Guinée Bissau en mai 2015, le Roi Mohamed VI a réaffirmé à ses interlocuteurs la volonté du royaume : densifier ses partenariats et ériger des coopérations de fond sur les enjeux des sociétés modernes. Maintien de la paix, éducation, solidarité, culture, politique d’investissement sur l’immobilier, eau potable, tous ces secteurs sont à l’agenda des réalisations ou des projets du Maroc.

Ainsi au Sénégal, le Maroc a participé au financement au programme immobilier de la Cité des Fonctionnaires pour loger près de 2 900 ménages. Le Maroc a également fait don, pour la lutte contre le sida, de médicaments et matériel médical. Le Royaume a financé des pèlerinages à la Mecque ou encore proposé son appui technique pour le raccordement électrique de villages sénégalais. En Côte d’Ivoire où le Roi Mohamed VI s’était déjà rendu en 2013 et 2014, le soutien à la reconstruction de ce pays ouest-africain a été l’objet de plusieurs accords signés pour la construction d’infrastructures, mais aussi sur les plans immobilier, bancaire, agricole, touristique et culturel.

Les partenariats proposés reposent sur des projets de développement économique avec l’implication du secteur privé marocain qui cherche à accroitre son développement. En cela, la diplomatie économique du Maroc tient à la fois du pragmatisme et de l’influence politique.

La diplomatie « sud-sud » en action

La contestation des anciennes formes de partenariats entre le Nord et le Sud et la nécessité d’adapter les enjeux dans un monde en mutations géopolitiques jouent en faveur de la diplomatie des pays émergents. Avec l’implantation de la Chine pour ravir les parts de marché, la perte d’influence des grandes puissances et la redéfinition des politiques internationales de développement, plusieurs facteurs confortent le changement de paradigme.

La France et une grande partie de l’Europe ont recentré leurs priorités vers des enjeux plus nationaux, du fait de la crise économique qui frappe de plein fouet ces aires. Les expansions de marché économique africain sont toutes tournées vers des marchés à la croissance exceptionnelle, qui oscille entre 5  et 6 % en moyenne par an. Les populations sont jeunes, mieux éduquées, plus au fait des capacités de la révolution numérique. Les techniques administratives se professionnalisent, les pouvoirs politiques mieux soumis au contrôle citoyen, les universités sont plus adaptées aux formations de demain.

Tous ces paramètres font non seulement du continent africain, malgré le retard conséquent sur le plan économique et les freins politiques et sécuritaires par endroits, une terra nova pour le business et la construction d’un avenir commun que les Marocains ont réellement perçu.

Avec ou sans l’Union africaine ?

Depuis le départ de l’Organisation de l’Unité Africaine en 1984, le Maroc a multiplié les signes de création d’une intégration africaine tout en niant son appartenance à l’appareil censé incarner ce vœu. Evidemment, la question du Sahara n’est pas totalement vidée de sa substance, mais il faut reconnaitre qu’à part l’Algérie, peu de pays africains, aujourd’hui, clament leur reconnaissance d’un Etat aux Saharaouis. Pour preuve, beaucoup sont revenus sur leur reconnaissance comme le Bénin, Madagascar, le Togo ou encore le Tchad. Pour le moment, la coopération avec les voisins du Sud n’aborde pas clairement le sujet épineux du Sahara mais en diplomatie, le temps est une valeur-refuge.

Ceci étant, avec la coopération universitaire, les politiques d’investissement, le maintien de la paix, le Maroc revient en force et cette nouvelle donne poussera les pays subsahariens à travailler à l’intégration d’un partenaire stratégique au sein d’une Union qui se veut forte et décisive dans le concert des nations. La pression est plutôt du côté des pays africains pour voir comment prochainement intégrer le Maroc au sein de l’institution continentale. Pour le Maroc, son influence a rempli sa mission: être incontournable; la boucle serait bouclée.

Régis Hounkpé

Dar el Makhzen

L’intérêt que suscite Le Roi prédateur, le livre écrit par Eric Laurent et Catherine Graciet, passe à côté des questions essentielles mais enterrées profondément dans le sous-sol de la société marocaine. Mélange d’investigations et de considérations morales, ce livre à quatre mains instruit à charge un dossier – la place du roi dans l’économie marocaine – dont les ressorts sont cependant plus complexes qu’il n’y paraît. De ce que l’histoire, marocaine comme étrangère, enseigne, on retiendra le rôle central que les maisons royales avaient dans les économies des sociétés qu’elles contrôlaient. L’impôt, l’industrie, le travail, le commerce, d’autres entités encore qui font l’économie politique, n’étaient pas distinguées de la gestion d’un domaine privé. Après tout, l’économie – de oïkos et nomos, administration de l’espace privé – s’est construite comme exploitation de l’unité domestique, et la royauté, qu’elle tire ses origines d’un despotisme impérial ou du système féodal, avait tendance à confondre ses sujets avec une force de travail à son service. L’émergence d’une bourgeoisie nationale, l’identification de plus en plus poussée du peuple avec l’Etat plus qu’avec la maison royale, finirent par substituer à cette économie royale une économie nationale. Celle-ci, comme Marx l’a bien notée, n’est pas moins dure et rapace que la précédente, mais elle est cohérente avec l’ensemble du système politique moderne

Deux moteurs pour une seule économie

Au Maroc, de même que le protectorat juxtaposa à la souveraineté chérifienne un système de gouvernement moderne, il créa, à côté de l’économie royale du Dar el Makhzen, une économie moderne. Le dualisme marocain, déjà noté à propos du système politique, qui dédouble mécaniquement le gouvernement élu par un cabinet royal nommé, la loi par le dahir, la souveraineté populaire par la souveraineté dynastique, trouve ainsi, dans l’espace économique, une autre dimension où il déploie cette exception marocaine. C’est dire que la présence du palais dans les affaires économiques n’est pas (seulement) affaire de prévarication, comme cela peut être le cas dans une dictature militaire. L’héritage historique, la légitimité sociale, faite de tradition et de servitude intériorisée… rendaient cette économie royale parfaitement acceptable aux yeux des acteurs économiques. Et au regard des catastrophes économiques des républiques arabes, on pouvait même saluer ce système comme une semi-réussite.

Moins de répression policière, plus de prédation économique ?

Que s’est-il donc passé pour que cette économie royale, jusque-là discrète, devienne un sujet litigieux ? Deux changements. Le premier, d’échelle. L’économie royale restait discrète sous Hassan II. Elle offrait d’occasionnels moyens de corruption à un souverain qui s’intéressait d’abord aux rapports de force purement politiques. Le nouveau règne, enfant de son temps, a fait de l’appareil économique un levier central. A mesure que police et torture, enlèvement et répression diminuaient, les monopoles économiques, les opérations d’achat inamicales, les délits d’initié et la spéculation immobilière contrôlée par des acteurs proches du palais, s’emballaient. Le second changement est international. La fluidité accélérée du capital, jointe à la démocratisation en cours dans les pays arabes, rendent et rendront à l’avenir les acteurs économiques marocains moins dociles. Ceux qui pourront partiront – le grand capital – et ceux qui ne le pourront pas auront tendance à résister – la petite bourgeoisie urbaine. Un réaménagement des rapports entre économie royale et économie nationale est désormais urgent. Une série de questions, que peu d’observateurs posent, doivent être mises en débat, et aucune réponse dogmatique n’existe : le Maroc a-t-il besoin de deux moteurs économiques, l’un royal et l’autre national ? Où se fixent les frontières, et quelle instance contrôle, le passage d’une économie sultanienne autonome à un système de prédation ? Dans le monde contemporain, où les économies nationales sont en crise, et où la mondialisation pousse à la multiplication d’acteurs transversaux et supranationaux, comment faire pour que l’économie royale devienne un instrument d’expansion international, plutôt qu’une tumeur intérieure fragilisant les organes économiques ?

 

Omar Saghi, article initialement paru sur son blog

Ces chefs d’Etat à qui il faut dire « Dégage! »

Blaise Compaoré, sous ses airs de médiateur et de faiseur de paix dans les crises africaines, est un assassin de grand chemin. Au palmarès de son régime, le Président burkinabé compte Thomas Sankara, Henri Zongo et Jean Baptiste Boukary Lingani, mais aussi le journaliste Norbert Zongo et tout dernièrement le jeune Justin Zongo. Cet ancien parrain politique de Charles Taylor a aussi soutenu l’Unita en Angola et la rébellion ivoirienne. Son pays est une base arrière pour tous les conflits d’Afrique de l’Ouest et ce fourbe fait office de sage en Afrique. Quel triste sort que celui de ce continent ! Arrivé au pouvoir par coup d’état en octobre 1987, ce militaire a réussi à se faire élire à 4 reprises avec des scores de 80%, à coups d’intimidations, de fraudes massives et de tripatouillages constitutionnels. Il fait aujourd’hui face à des mutineries, y compris au sein de sa propre garde personnelle, et à de vives protestations de la part des étudiants et d’autres couches de la société. Il ne faudrait pas que son régime y survive. Blaise dégage !

Paul Biya dirige de main de fer son pays depuis 1982 et l’essentiel des 19 millions de Camerounais n’ont connu que lui. Il a réussi la prouesse de faire passer le Cameroun du statut de pays à revenu intermédiaire à celui de pays très pauvre et son régime a institutionnalisé la corruption en mode de gouvernance. Mais c’est surtout au plan politique que Paul Biya donne toute la mesure de son autoritarisme. Au début des années 1990, l’homme n’a concédé un semblant d’ouverture démocratique qu’au prix d’un massacre de plusieurs centaines de personnes. A la suite de sa volonté de supprimer la limitation des mandats présidentiels telle qu’initialement prévue par l’article 6.2, le roi fainéant a encore autorisé l’armée à tirer à balles réelles sur ses propres concitoyens fin février 2008. Depuis cette constitutionnalisation unilatérale d’une présidence à vie, ce catholique formé à Louis-le-Grand, à la Sorbonne et à Sciences Po Paris est devenu Biya l’Eternel. 2011 est une année d’élection présidentielle au Cameroun et il faut que Biya aussi dégage !

Denis Sassou Nguesso occupe les devants de la scène politique congolaise depuis…1979. Il n’a donné de répit à son peuple que pendant un intermède de 5 ans, juste le temps de perdre les élections de 1992 et de revenir en 1997, par les armes et avec le soutien de l’Angola, à la suite d’une guerre civile post-électorale extrêmement violente. C’est dire à quel point cet homme est obnubilé par le pouvoir. Que 70% de sa population vivent avec moins d’un dollar par jour alors que la manne pétrolière est captée par une petite minorité, cet homme n’en a cure. Il préfère organiser des simulacres d’élections et dilapider à New York ou à Paris l’argent de son peuple. Il est l’un des principaux chefs d’Etat impliqués dans l’affaire des biens mal acquis. Après la mort de son beau fils Omar Bongo, Sassou Ngesso est devenu le symbole vivant et dégoutant de plusieurs décennies de Françafrique. Sassou Ngesso dégage !

Eduardo Dos Santos est sans doute le plus grand voleur d’Afrique, en concurrence avec son homologue Obiang Nguema. Il a érigé un détournement systématique de la manne pétrolière de l’Angola à son profit. Un rapport de l’ONU a ainsi prouvé que plus de 4,5 milliards de dollars de recettes liées aux ventes de pétrole n’étaient pas déclarées dans le budget de l’Etat. La clique du MPLA au pouvoir et de leurs affidés est une véritable mafia, un tique qui suce le sang du peuple angolais. Malgré les richesses minières et pétrolières du pays, 60% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Malgré les immeubles haut-standing qui se construisent à Luanda, la majeure partie de la population de la capitale angolaise vit dans des bidonvilles indignes. L’Angola mérite mieux que cette classe politique qui a gardé ses réflexes prédateurs du temps de la guerre civile. Pour toutes ces raisons, Dos Santos dégage !

Teodoro Obiang Nguéma : Cet homme est une caricature ambulante. L’incarnation de l’Afrique bananière des bande-dessinées. Le fantôme contemporain des Bokassa et autres Mobutu Sesse Seko, en plus intelligent peut-être. Arrivé au pouvoir en 1979 par un coup d’Etat contre son oncle dont il était le chef d’Etat-major, Teodoro n’a eu de cesse depuis de faire de son pays sa propre ferme, des puits de pétrole équato-guinéens ses propres vaches à lait. Ses fils jouent les stars américaines à Hollywood tandis que les à peine 650 000 d’habitants de la Guinée-Equatoriale vivent privés de tout confort et manquant pour beaucoup du minimum vital. La Guinée Equatoriale est un eldorado pour quelques privilégiés et investisseurs étrangers, un enfer pour tous les autres. C’est peut-être le plus gros gâchis d’Afrique en rapport à son potentiel. Pour le bien du peuple équato-guinéen, Teodoro dégage !

Robert Mugabe est un Nelson Mandela qui a très, très mal tourné. Secrétaire Général de la Zimbabwe African National Union au début des années 60, alors que le pays est sous le joug d’une minorité blanche dirigée par Ian Smith, Robert Mugabe sera emprisonné pendant dix ans, de 1964 à 1974. Libéré en 1975, il rejoint le Mozambique d’où il participe à la lutte de libération du pays. La guerre terminée, Mugabe l’ancien prisonnier, le héros est élu Premier Ministre en 1980. Il opte pour la réconciliation nationale et forme un gouvernement d’union auquel participent toutes les fractions/partis rivaux y compris l’ancienne minorité blanche. Et puis, il y aura l’exacerbation des rivalités entre la ZANU et la Zimbabwe African Peoples Union, autre mouvement de résistance. Puis la Gukurahundi, la répression sanglante dès 1982 par les troupes de Mugabe des partisans de la ZAPU, quelques milliers de morts, beaucoup lors d’exécutions publiques. Et puis la fusion des deux mouvements en 1987. Puis la réforme agraire ratée, l’échec de la socialisation de l’économie, l’invasion du Congo, la catastrophe économique, sociale, alimentaire. Après viendront parachever le désastre, le tripatouillage des élections législatives et présidentielles en 2008. La répression des partisans de Tsvangirai. Et enfin le Robert Mugabe, autocrate sanguinaire, despote spoliateur, que l’on connaît aujourd’hui. Vraiment, Robert Mugabe doit dégager !

Mswati III. Sa majesté Mswati III. Ingwenyama. Le Lion. Chef de la tribu des Dlamini. 43 ans. 14 épouses. 24 Enfants. 200 frères et sœurs. Mswati, troisième du nom. Roi du Swaziland. Monarque absolu, dirige par décret et nomme le Premier Ministre et les Juges. 10% de la population swazi – essentiellement, la très large famille royale, ses alliés et obligés – concentre 60% de la richesse du pays. 69% des sujets du bon Roi Mswati III vivent avec moins d’un dollar par jour. 300.000 d’entre eux ne survivent que grâce à l’aide alimentaire mondiale. Les heureux habitants du royaume de Swaziland meurent en moyenne à 38 ans, à cause du fort taux de prévalence du VIH. Mswati III, né Prince Makhosetive (« Roi des Nations ») Dlamini, 67e fils du Roi Sobhuza II, a une fortune personnelle estimée à 100 millions de dollars et s’est alloué 13 millions d’euros, en 2004, sur les fonds publics, pour la construction d’une résidence pour ses épouses. Mswati III réprime aujourd’hui dans le sang les opposants et simples citoyens protestant contre la cérémonie prévue pour célébrer, toujours dans le faste le plus abject, les vingt-cinq ans de son arrivée au pouvoir. Faut-il encore préciser que Mswati III doit dégager ?

Le Makhzen. Nous ne serons pas plus royaliste que le roi. Dans leur grande majorité, les manifestants marocains ne demandent pas tant le départ du roi Mohamed VI que la fin du système monarchique archaïque qui a fait de l’arbitraire et des passe-droits la règle, des Marocains des sujets passifs et non des citoyens responsables. Le mouvement du 20 février, mouvement des citoyens qui appellent au changement, veut la fin de ce système, le makhzen. Ils veulent faire du Maroc non pas un pays qu’il fait bon visiter, mais un pays où il fait bon vivre. Ils devront faire face aux pesanteurs du système, dont le personnel politique, à commencer par le roi lui-même, compte bien rester en place. Ils devront donner tort à la célèbre formule du Guépard : « tout changer pour que rien ne change ». Il faut que le makhzen dégage !

Abdellaziz Bouteflika : Ce n’est pas insulter le rôle historique qu’a pu jouer Bouteflika dans l’histoire contemporaine de l’Algérie que de dire que son troisième mandat est le mandat de trop. Un vieillard retranché dans son palais ne peut pas diriger un pays jeune, dynamique, sous tension économico-sociale, en pleine mutation. Il faut quelqu’un auquel les jeunes générations puissent s’identifier, quelqu’un qui soit au centre de l’action et au milieu de son peuple, quelqu’un qui insuffle de l’énergie. Bouteflika est un dinosaure d’un autre temps. Il aurait dû quitter la scène au bon moment. Réformer le système avant qu’il n’y soit contraint par le peuple. Un système sclérosé, gérontocratique, élitiste, militariste, corrompu, auquel il faudra s’attaquer et réformer de fond en comble pour améliorer la redistribution des richesses au-delà des seuls investissements en infrastructures. Pour que la nouvelle Algérie puisse prendre son envol, Bouteflika dégage !

Omar el-Béchir : Le président soudanais est accusé de crimes contre l’humanité par le Tribunal Pénal International. Sous sa présidence, son pays a connu des massacres terribles au Darfour et une guerre civile meurtrière au Sud-Soudan. Qu’il les ait personnellement guidés ou non, Omar el-Béchir est responsable. Responsable de la division interne au Soudan ; de la haine attisée entre les différentes composantes de sa population. Héritier d’une autre époque, celle de l’islamisme d’Etat triomphant, Béchir s’est reconverti depuis dans le développement à coups de pétrodollars chinois. Paria de la communauté internationale, acteur central des intrigues et exactions des années sombres du Soudan, il est aujourd’hui un boulet pour son pays qui cherche à aller de l’avant et à tourner la page. Suffisant pour dire, Omar dégage !

Isayas Afewerki. Le parcours d’Isayas Afewerki est typique du « Père » de l’indépendance Africain, lorsque celle-ci a été acquise par la voie des armes. Après une guerre de trente ans contre l’Éthiopie, en 1991, l’Érythrée obtient son indépendance (de facto, l’accession officielle se fera deux ans plus tard). Afewerki à la tête de l’Eritrean People's Liberation Front, accède au pouvoir. Son armée devient le People's Front for Democracy and Justice, parti unique. La constitution rédigée en 1998 n’a jamais été implémentée. Afewerki dirige seul, emprisonne les dissidents (chaque fois plus nombreux et plus proches de lui), interdit la presse indépendante, a chassé les ONG internationales du pays et se livre depuis une dizaine d’années à un aventurisme militaire dans la région. Isayas Afewerki déclarait en mai 2008 : « les élections polarisent la société ». C’est pour cette raison qu’il a décidé de les « repousser » de trois ou quatre décennies. Isayas Afewerki… Dégage !

Yoweri Museveni dirige l’Ouganda depuis 1986. Il fit partie, dans les années 1990, avec Paul Kagamé, Meles Zenawi et Isayas Afewerki de la… « Nouvelle génération de Leaders Africains ». Tous quatre sont arrivés au pouvoir par les armes. Museveni avait pourtant bien commencé. Hormis une première période marxiste-léniniste, sa première décennie au pouvoir le voit organiser un système politique avec restriction de la représentation politique – les partis politique sont autorisés, mais les candidats se présentent en tant qu’individus, hors parti – certes, mais un gouvernement élargi et à composante multiethnique et une relative restructuration de l’économie. Puis, dans cette région troublée des Grands Lacs, il y eut la seconde Guerre du Congo – 5 millions de morts – la répression des mouvements rebelles – dont la sinistre Armée de Libération du Seigneur – la réforme constitutionnelle suspendant la limite de deux mandats, l’intimidation et l’emprisonnement des opposants. Yoweri Museveni est au pouvoir depuis vingt-cinq ans. Les fleurs de la « nouvelle génération » ont fané. Museveni doit dégager !

Abdoulaye Wade, au pouvoir depuis 2000 (seulement !), est un octogénaire sénile que sa mégalomanie a perdu. Après avoir fait rêver le Sénégal, il s’est attelé avec zèle à la dégradation de toutes les institutions publiques. Il a préféré humilier tous ceux que le pays comptait de compétents pour s’entourer d’ignares et de roublards de tous bords devenus les thuriféraires du régime. Il a ensuite confié la conduite du pays à son fils Karim pressenti pour lui succéder dans le cadre d’une dévolution monarchique du pouvoir. Au nom du père, du fils et du saint esprit ambiant, l’alternance politique est devenue une alternoce, cette course avide à qui s’enrichit le plus en un temps record. Malgré ses grandes idées pour l’Afrique, au Sénégal, sa stratégie de croissance accélérée est un échec patent. Ne pas arrêter ce vieillard et le clan qui l’entoure est un crime de non assistance à un pays en voie de sous-développement et de recul démocratique. Wade dégage !
 

Joel Té Léssia, Emmanuel Leroueil, Nicolas Simel Ndiaye