Concours : un moyen de faire évoluer son projet entrepreneurial

En Afrique de l’Ouest, entreprendre de manière ambitieuse n’est pas toujours aisé. L’éco-système permettant aux entrepreneurs de mettre en place leurs projets dans de bonnes conditions n’est pas toujours bien structuré et les porteurs de projet peuvent se sentir seuls et désemparés. Et pourtant, il existe bon nombre d’organisations dont la mission est de soutenir les entrepreneurs et favoriser la mise en place de leurs projets.

Comment identifient-ils les entrepreneurs ? Grâce à des compétitions ou des appels à projets. Voilà pourquoi ces concours sont bel et bien des opportunités pour les entrepreneurs que vous êtes !

L’exercice peut sembler long et fastidieux : certains concours demandent un lourd travail. Formulaires à remplir, vidéos à faire, business plan à rédiger, lettres de motivation à écrire,… Les exigences sont diverses et peuvent être chronophages. Et pourtant, elles représentent un réel intérêt pour les entrepreneurs. Dans le pire des cas, elles les obligent seulement à structurer et formaliser leurs idées. Dans le meilleur des cas, elles leur donnent accès à un large réseau de partenaires et à des financements. Elles sont également l’occasion de rencontrer une myriade d’entrepreneurs auxquels confronter ses idées, ses ambitions et ses difficultés. Un entrepreneur qui souffrait de solitude se retrouve désormais entouré d’une quantité impressionnante d’acteurs !

Qu’en pensent les entrepreneurs ? Retrouvons 4 entrepreneurs, accompagnés par La Fabrique à Ouagadougou.

 

Gérard 1Gérard NIYONDIKO – FASO SOAP – GIST Global Innovation Through Science & Technology

  • Quelles ont été les différentes étapes pour participer au GIST ?

Pour participer dans cette compétition il a fallu d'abord soumettre un « executive summary » du projet en remplissant un formulaire en ligne. Les projets ont ensuite été sélectionnés pour la demi-finale, et ont été remis en ligne pour être soumis aux votes des internautes. Les trente projets avec le plus de votes ont été retenus pour la finale et ont été invités à soumettre leurs plans d'affaires complets.

Enfin, les projets finalistes ont été invités à participer à un atelier sur l'entrepreneuriat et un coaching sur la présentation orale des projets, avant de présenter leur projet devant un jury international, à Kuala Lumpur en Malaisie.

  • Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Je dirais beaucoup de chose mais en quelques mots j'ai eu une formation sur différentes facettes de l'entrepreneuriat lors de l’atelier de deux jours. La qualité de certains formateurs m'a beaucoup inspiré. J'ai également rencontré d'autres entrepreneurs et ai élargi mon réseau.

Enfin, le fait d'arriver en finale dans cette compétition a renforcé ma confiance en moi par rapport à mon projet.

  • Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Oui, certainement ! Lors de l'ouverture du sommet international de l'entrepreneuriat, dans la salle de conférence, sur l'écran géant, il y avait un mot qui apparaissait avec un son qui raisonnait derrière " We are entrepreneurs!" … répété plusieurs fois ! Ce mot continue à résonner toujours en moi, ça me donne de l'énergie d'avancer et de rien de lâcher même si c'est difficile !

 

GildasGildas Zodomé – BioPhytoCollines – Concours de BP de la Banque Islamique de Développement

  • Quelles ont été les différentes étapes pour participer au BP ?

Le concours de BP de la BID est effectué en deux étapes : après soumission, une pré-sélection des 10 meilleurs BP dans la catégorie « idée » et également 10 autres dans la catégorie « croissance ». La deuxième étape est la présentation et défense des BP devant un groupe de jury. Cette étape a lieu à Casablanca où les trois meilleurs de chaque catégorie ont été primés.

  • Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Cette compétition a donné de la valeur à mon entreprise. La BID est un organisme connu de tous. Le trophée reçu de cette structure de renommée montre la qualité de notre projet. Partout où nous présentons ce trophée, nous sommes respectés et bien écoutés. Pour que certaines autorités de mon pays me reçoivent enfin en audience, il a fallu que j’annonce que j’étais vainqueur de ce prestigieux trophée. Il est devenu mon ‘‘passeport’’.

En plus, les 25 000 dollars reçus ont changé l’image de mon entreprise. Elle est devenue plus visible et plus convaincante. Mon personnel est plus rassuré !!!

De manière générale, les compétitions de création d’entreprise ont d’importants intérêts pour nous, promoteurs, surtout nous qui sommes des débutants. En Afrique particulièrement au Bénin, il est très difficile pour une Start Up de bénéficier d’un financement d’une structure de crédit, d’un investisseur ou même d’un parent. Le moyen le plus simple et le plus rapide qui permet aujourd’hui de financer les Start Up c’est la compétition de création d’entreprise. On y gagne beaucoup, non seulement des moyens financiers gratuits, mais aussi des connaissances techniques utiles pour développer son entreprise à zéro franc.

Personnellement, les compétitions m’ont apporté beaucoup : un encadrement de qualité qui m’a permis d’avoir mon business plan, des notions pratiques pour mieux gérer mon entreprise, j’ai eu beaucoup de relations d’affaires et des opportunités, j’ai fait des découvertes.

  • Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Cette compétition m’a laissé de très beaux souvenirs ! L’ambiance qu’il y avait, le grand suspens … Dans les discussions entre promoteurs, j’ai trouvé la solution à certains de mes problèmes.

 

ClaudeClaude Tayo – Eco Co – Global Social Venture Competition

  • Quelles ont été les différentes étapes de la GSVC ?

La compétition a commencé pour nous à la fin du mois d'octobre 2014. Il était question de fournir une candidature qui tienne la route avant le 1er décembre. Nous nous sommes alors lancés dans la rédaction de notre business plan avec toutes ses composantes. Nous ne l’avions jamais fait jusque-là !

Le plus difficile lors de cette préparation aura été de fournir les différents interviews des parties prenantes que la compétition demande (jusqu’à 30 interviews) mais finalement, on y est arrivé. Et c'est avec plaisir qu'on a appris la bonne nouvelle : le projet Eco-Co est en finale francophone de la GSVC. Nous avons fait un véritable marathon pour pouvoir affiner tous les résultats, préparer la présentation et autres afin d'être prêts pour la finale régionale à Paris. Nous y sommes allés et la finale s'est bien passée, nous permettant d'avoir une place pour la finale mondiale à Berkeley. Le voyage aux Etats Unis a été une très grande expérience pour nous, même si nous n’avons pas décroché de prix. Nous avons eu de nombreuses tables rondes, des mini-séminaires présentés par des entrepreneurs à succès.

  • Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Sans aucune hésitation je dirais UN CARNET D'ADRESSE. Pour tout entrepreneur, c'est sans doute la chose la plus importante : avoir des contacts de divers horizons et de divers domaines.

Ensuite, participer à une telle compétition vous met en face de personnes de grand talent : que ce soit les autres participants qui vous feront voir votre projet sous un autre angle ou encore réaliser à quel point les personnes de génie sont légion dans ce monde, mais aussi rencontrer tous ceux qui participent à l'organisation de ces compétitions, des personnes vraiment dévouées qui vous poussent vers l’excellence en vous demandant de donner toujours plus, d’améliorer toujours plus, pour qu'à la fin on ait l'impression de s'être rapprochés au maximum de la perfection.

  • Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Mon meilleur souvenir reste la phrase de Laura D'Andrea Tyson : « la GSVC n'est qu'une compétition, la gagner ne garantit pas que vous allez être un entrepreneur à succès. La GSVC est un processus et être en finale de cette compétition vous garantit que vous avez accompli ce processus avec succès, que vous avez franchi une autre étape dans votre accomplissement personnel et dans celui de votre entreprise. »

 

redim venteKahitouo Hien – FasoPro – Grand Challenge Canada

  • Quelles ont été les différentes étapes de ce Challenge ?

(1) J'ai dû soumettre un dossier de candidature en ligne suivant le canevas proposée par Grand Challenge Canada. Une des conditions dans mon cas était qu'une institution de recherche connue accepte d’héberger FasoPro et se porter garant pour une bonne gestion du financement : ce fut 2iE où le projet était déjà en incubation

(2) il a eu une phase de présélection,

(3) Il a eu des entretiens avec les personnes référencées dans le dossier pour vérifier les informations fournies dans le dossier

(4) Sélection définitive avec la signature d'une convention d'accord de subvention entre Grand Challenge et 2iE

(5) enfin, une annonce officielle des bénéficiaires dans des médias sélectionnés par GCC.

  • Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Un financement pour développer certains aspects du projet liés à la recherche donc pas évidents à financer directement par FasoPro. Après, on gagne toujours un plus en participant à une compétition : les exigences sont différentes et même quand ça ne marche pas, on gagne toujours en maturité dans la rigueur qu'impose ce genre de compétitions.

  • Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Pour être honnête à chaque fois que je remporte une compétition, le sentiment de joie fait aussitôt place à une pression énorme car ça sonne pour moi le top départ pour relever les défis, et c'est stressant ! Heureusement que j'aime ça : relever les défis :).

Pour connaitre ces compétitions, il faut être bien connecté à l’actualité entrepreneuriale de votre pays, mais également au-delà de vos frontières. Pour cela, rejoignez les réseaux de professionnels : les chambres de commerce, les incubateurs, les couveuses d’entreprises … Toutes ces organisations existent pour diffuser ce genre d’informations et vous faciliter l’accès à ces opportunités.


Lisa Barutel

FESPACO : la biennale du cinéma africain en marche

fespaco 2013Le premier « Festival de Cinéma Africain de Ouagadougou » vit le jour en 1969 grâce à la volonté et à l’engagement d’amoureux du 7ème art, parmi lesquels Alimata Salembéré, François Bassolet, Claude Prieux et un certain nombre d'illustres anonymes. Rebaptisé FESPACO (Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou) en 1972, le FESPACO s'est très vite hissé au rang du plus grand rendez-vous du cinéma d'Afrique francophone. Trois objectifs sous-tendent cette manifestation : 1/ Favoriser la diffusion de toutes les œuvres du cinéma africain ; 2/ Permettre les contacts et les échanges entre professionnels du cinéma et de l'audiovisuel ; 3/ Contribuer à l'essor, au développement et à la sauvegarde du cinéma africain, en tant que moyen d'expression, d'éducation et de conscientisation. En vingt-trois éditions réalisées en 44 ans, le FESPACO n’a cessé de grandir et de gravir les échelons avec au moins une innovation à chaque nouvelle édition. Il a grandi en quantité avec l’augmentation du nombre de films dans les compétitions officielles et du nombre de festivaliers ; il a grandi aussi en qualité avec l’émergence d’une génération « caméra» faisant de cet art une véritable vitrine d’exposition de tout le savoir-être et le savoir-faire africain.

Cette 23ème édition s’est inscrite dans la dynamique des précédentes bien que marquée par une crispation sécuritaire et l’hésitation de certains festivaliers, du fait du conflit voisin au Nord Mali. Tenu sous le thème de « Cinéma africain et politiques publiques en Afrique » le FESPACO à attribué 6200 accréditations et a présenté 101 films provenant de 35 pays d’Afrique et de sa diaspora dans la compétition officielle et 68 films hors compétition. Dans la catégorie « fiction-long métrage », où est décerné l’Etalon d’or de yennenga, la plus haute distinction, 20 films étaient en compétition.

cérémonie ouverture fespacoLa cérémonie d'ouverture 

Samedi 23 février 2013, dans un stade du 04 août loin de ses grands jours, le public a assisté à une cérémonie d’ouverture très sobre. La soirée avait pris pour thème « Wakatt (le temps) ». A travers une représentation chorégraphique bien enlevé, les spectateurs ont pu voyager dans le temps à la découverte du patrimoine culturelle antique et contemporain de l’Afrique. Les artistes musiciens n’étaient pas en reste. Flavour du Nigéria a le plus égaillé le public avec son « ashao». Il a pu faire bouger les premières dames Chantal Compaoré du Burkina et Sylvia Bongo du Gabon (pays invité d’honneur à cette édition) présentes dans les tribunes. Des artistes nationaux tels que Grèg et Sana Bob on également apporté leur touche à la soirée.

Le MICA (Marché International du Cinéma et de la Télévision Africains)

Le MICA est sans doute l’espace le plus stratégique et le plus intéressant pour les spécialistes du 7ème art. Il s'agit d'un espace professionnel de vente et d’achat des œuvres cinématographiques et vidéographique. Mais c'est avant tout un cadre de rencontres, de promotions et d’échanges ouvert aux aux professionnel du cinéma du monde entier. Installé à l’hôtel Azalai, ce marché a permis à des centaines de réalisateurs, de comédiens, de techniciens de la télévisions, de producteurs, de promoteurs et d’administrateurs du cinéma…de se rencontrer, de se parler, de partager leurs expériences et de faire de bonnes affaires.

Les espaces de rencontre

Initier pour la première fois à l’édition de 1973, les espaces de rencontres du FESPACO sont une véritable tribune d’expression pour les professionnels du cinéma. Organisés sous forme de colloque, ils permettent de mener des réflexions approfondies sur le thème du festival et sur d’autres thèmes parallèles. Pour cette année, c’est le Comptoir Burkinabè des Chargeurs (CBC), qui a accueilli les 26 et 27 février derniers les spécialistes du cinéma africains autours du thème central « cinéma africain et politique publique ». Quatre table-rondes ont détaillé cette thématique : « état des lieux des politiques publiques d’aide aux productions cinématographiques et audiovisuelles dans les pays africains » ; « Du constat à l’action : la contribution au niveau communautaire et des institutions » ; « Du constat à l’action : les solutions au niveau des Etats» ; « Du constat à l’action : la contribution des institutions financières/l’axe juridique ». Ces table-rondes ont été l'occasion de scruter à la loupe les maux qui minent le cinéma africain. Le constat phare qui en est ressorti est que les Etats Africains ne s’impliquent pas assez dans l’émergence et le développement du 7ème art. Pour plus de visibilité et de compétitivité sur le marché mondial, l’industrie du cinéma doit donc être renforcée en qualité et en quantité, à l’image de ce qui se fait en Afrique du sud et au Nigéria, pays qui ont un train d'avance en Afrique sur ce sujet. Comme à chaque clôture des colloques du FESPACO, des doléances ont été formulées pour qu’en ambassadeur du cinéma, chaque participant en soit le relais dans son pays.

etalondorL’Etalon d’or de Yennenga

De la première édition à la présente, les pays africains se sont succédés sur la plus haute marche du podium à la conquête de l’étalon d’or de Yennenga, la plus prestigieuse des récompenses. Crée en 1972, ce prix reste la convoitise de tous les cinéastes. Le premier trophée fut remporté par le célèbre réalisateur Nigérien Oumarou Ganda avec son film « Le Wazzou polygame ». « PEGASE » du réalisateur Marocain Mohamed MOUFTAKIR avait suscité en son temps bien des frissons et conquit le cœur du jury à la 22ème édition. Pour cette année l’Etalon en galopant a pris la direction du pays de la Téranga. Alain Gomis vient d’inscrire son nom au panthéon des plus grands cinéastes d’Afrique avec son film « Tey » (aujourd'hui) sacré Etalon d’or de Yennenga. Il empoche la coquette somme de dix millions de franc CFA plus le trophée remis des mains du président Blaise Compaoré. Pour sa première, le Sénégal rentre dans le palmarès de l’Etalon de Yennenga avec la manière puisque « La pirogue » de Moussa Touré a remporté l’Etalon de bronze. Le FESPACO 2013 aurait donc été très fructueux pour le Sénégal. Quant à l’Etalon d’argent, il a pris le chemin de l’Algérie avec le film « Yema » de Djamila Sahraoui.

Les défis à relever

La maturité du FESPACO dans le circuit des plus grands festivals de films africains est avérée. Mais des défis énormes restent à surmonter. Ainsi par exemple de la question épineuse du site siège de l'évènement, dont les travaux peinent à s’achever. Le 15 janvier dernier un incendie dévastateur a réduit en cendre la cinémathèque en construction. Des décisions concrètes et définitives doivent être prises pour que cette infrastructure soit livrée dans sa totalité avant l’édition prochaine. Il en va de la crédibilité de la manifestation. Aussi les Etats africains manquent de politique réelle de cinéma laissant les réalisateurs et tous ceux exerçants dans ce domaine face à eux même et obligés de se battre doublement pour faire valoir leurs idées. Des orientations dans ce sens sont donc très attendues par tous. C’est ce que semble comprendre les responsables culturels africains, d’où le thème de la présente édition «Cinéma africain et politiques publiques ». La Cote d’Ivoire, fortement représentée à Ouagadougou, a décrété 2013 comme année du cinéma et le Gabon invité d’honneur a annoncé une panoplie de mesures pour le cinéma Gabonais. Il faut espérer que ces initiatives aideront à répondre à la première des préoccupations des réalisateurs et des producteurs, le financement. Le FESPACO doit enfin constituer un tremplin, une couverture pour tous les acteurs du cinéma. Il est panafricain, comme son nom l’indique, mais la dénomination doit être à la hauteur des ambitions. Soutenir, former, motiver…tous les acteurs du cinéma africains doit devenir le leitmotiv central de la manifestation. Bon vent au FESPACO et vive le cinéma africain. 

Ismaël  Compaoré

Au coeur des manifestations étudiantes à Ouagadougou

Répondant à l’appel de l’ANEB-Ouagadougou (l’Association Nationale des Etudiants du Burkina), élèves, étudiants ainsi que plusieurs militants d’autres couches sociales se sont réunis le vendredi 11 mars 2011 au terrain Dabo Boukary [1] de l’université de Ouagadougou pour une marche pacifique de protestation s’inscrivant dans la droite ligne de l’affaire de Koudougou. La direction générale de la police était la destination finale de la marche, où une lettre de protestation devrait être remise. Un meeting devait ensuite être organisé sur le campus au retour de la marche.
La marche débuta aux environs de 8h45 avec une participation de plusieurs centaines de manifestants. Les chants, slogans et pancartes anti-impérialistes accompagnaient les manifestants. Chacun exprimait, à sa manière, son ras-le-bol continu vis à vis des forfaits commis par ceux qui sont censés protéger le peuple et de l’impunité galopante qui caractérise le pays. A 400 mètres de l’université, au rond-point de la Paix, deux grandes murailles d’« hommes en tenue » bloquaient l’itinéraire prévu par les manifestants. La marche se voulant pacifique, l’itinéraire étant bien tracé et dûment communiqué aux autorités, les manifestants refusèrent catégoriquement de rebrousser chemin.
Les esprits s’échauffèrent progressivement. Ne sachant que faire pour disperser cette masse homogène, motivée et impatiente de poursuivre son chemin, sous l’œil innocent de la «rue de la Paix », ces « hommes en tenue » chargèrent à coups de bombes lacrymogènes tirées à bout portant. Les manifestants qui n’avaient pour seule arme que leur bouche pour revendiquer, ont été confrontés à ces actes de barbarie. Une chasse à l’homme s’ensuivit : ce fut le sauve-qui-peut du côté des manifestants qui se replièrent sur l’université.
Frustrés et blessés dans leur amour propre, les étudiants se réorganisèrent en cinq grands fronts pour mener la résistance contre les « forces de l’ordre ». Les CRS, la gendarmerie, l’armée de terre et de l’air, tous étaient mobilisés avec un véritable arsenal de combat face aux étudiants armés de pierres ramassées à la va-vite pour se défendre et résister sur le campus. La bataille fut rude et enragée.
Au bout de cinq heures d’intenses affrontements, les blessés se multiplièrent et le manque criard des moyens de résistance des étudiants se fit sentir. C’est ainsi que le campus fut assiégé et maîtrisé aux environs de 14h. Mais le combat se poursuivit sur d’autres fronts non loin de l’université (Zogona et Wemtenga). Vers 17h30, tous les manifestants furent cependant maîtrisés, vue la brutalité et les moyens mis en oeuvre pour réprimer la manifestation. Bilan : plusieurs blessés par bastonnades, gaz lacrymogènes, balles à blanc et même balles réelles [2]…et près de 19 étudiants arrêtés et détenus. Malgré cela, un autre meeting était annoncé pour le mardi 15 mars, toujours à l’université.

La fermeture des universités publiques et des services sociaux aux étudiants

Dès le vendredi 11 mars, des accusations étaient émises à la télévision nationale et sur des chaînes de radio par certaines autorités à l'encontre des étudiants et de l’Association Nationale des Etudiants du Burkina,  qui auraient été manipulés par l’opposition et l’extérieur. De retour du panel des chefs d’Etats africains à Addis-Abeba sur le conflit ivoirien, le président Compaoré est enfin sorti de son mutisme pour se prononcer sur les évènements du 22 février. Dans son discours, il n’a eu aucun mot pour les familles des victimes et ne s’est intéressé qu’à son fauteuil et aux édifices publics en évoquant des "actes de vandalisme". Un communiqué du gouvernement du 14 mars est venu rajouter au déni des autorités quant à la  réalité de la situation. Un congé anticipé fut donné aux élèves pour la période du 14 au 28 mars. Les universités publiques, restaurants et infirmeries universitaires comprises, ont été fermées jusqu’à nouvel ordre. C’est ainsi que les étudiants ont été mis à la porte des cités universitaires par les gendarmes, les laissant face à eux-mêmes.
Il s’agit là d’un véritable crime ! La majorité de ceux qui résident en cité viennent d’autres localités du pays et parfois de l’extérieur (notamment de la Côte d’Ivoire) et sont dans des situations sociales difficiles. L’infirmerie a été fermée en dépit des malades en cours de traitement. Heureusement, la solidarité estudiantine et le soutien d’âmes généreuses au sein de la population ont permis à beaucoup d’étudiants d’avoir un toit et de quoi se mettre sous la dent.
Mais fort malheureusement, certains ont été acculés à d’autres pratiques pour pouvoir s’en sortir. C’est le cas de certaines étudiantes qui se sont adonnées à la prostitution rien que pour avoir le transport retour pour rejoindre leurs parents. Cela confirme le mépris de nos autorités, prêtes à sacrifier la catégorie la plus fragile de la population pour assurer son maintien au pouvoir. Attitude d'autant plus aisée que leur progéniture se trouve le plus souvent à l'extérieur, dans les grandes universités européennes, américaines. Ils se soucient d’autant moins de l’avenir des étudiants au Burkina.

Le meeting avorté du 15 mars 2011

Le mardi 15 fut également une date décisive. Le meeting était prévu à l'université de Ouagadougou à 8h. Les étudiants sont arrivés pour constater la transformation de leur université en camp militaire. Un avion survolait  l’université. Face à cette situation, les étudiants s’organisent et bloquent les routes. Un affrontement de quelques heures les opposera aux « hommes en tenue ». Une rencontre entre autorités et étudiants a finalement eu lieu le vendredi 25 mars dernier et a abouti à la réouverture des universités publiques ainsi que des œuvres sociales au profit des étudiants, à partir du mardi 29 mars 2011.
A l’université de Ouagadougou, les activités ont aujourd’hui bien repris mais au ralenti. Du fait des nombreuses interruptions, certains n’ont toujours pas terminé leur année académique 2009-2010…
Toutes les exigences des étudiants n’ont pas encore été satisfaites, et des élèves ainsi que des étudiants croupissent toujours à la maison d’arrêt et de corrections de Ouagadougou. Le problème demeure donc et des solutions définitives de sortie de crise ne sont toujours pas trouvées. Les élèves de Koudougou (ville ou Justin Zongo a été assassiné) ont encore lancé un ultimatum en refusant l’accès des classes le 28 mars (date de réouverture des écoles primaires et secondaires), et ce jusqu’à ce que justice soit rendue et leurs camarades libérés. Risquons-nous encore une reprise de ces manifestations ? L’étudiant doit il avoir foi aux autorités et ne compter uniquement que sur les œuvres sociales ? N’a-t-il pas d’autres choix ou ne peut-il pas se créer lui-même d’autres alternatives ? Ces questions méritent d’êtres posées.
 

De notre correspondant à Ouagadougou, Ismael Compaoré
 

[1] : Ce terrain rend hommage à Dabo Boukary, étudiant en 7ème année de médecine assassiné en 1990.

[2]: Cette accusation d’utilisation de balles réelles est également corroborée par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) : http://www.fidh.org/Burkina-Faso-Les-autorites-doivent-mettre-un