Les NTIC et la problématique de l’éducation en Afrique

tic-en-education-en-afrique-1440x564_cLe développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) a révolutionné le monde entier dans divers domaines de la vie. Parmi ces domaines, on peut citer la médecine où les NTIC ont favorisé les dialyses, les échographies, les radiographies entre autres. Le commerce avec les achats et ventes en ligne, le système bancaire et l’éducation. Cet article s’intéresse à l’apport des NTIC dans le système éducatif en Afrique et propose quelques pistes  pour repenser le système éducatif africain à travers les NTIC seront proposées.

 

Les NTIC, un cadeau pour l’éducation

Les succès des Technologies de l’Information et de la Communication dans le système éducatif sont indénombrables. Tous les acteurs dans ce système liés aux ministères chargés de l’éducation pour les élèves et étudiants en passant par les enseignants et les parents d’élèves, profitent des NTIC. Les étudiants en sont les plus bénéficiaires. Grâce aux NTIC, l’État peut détecter rapidement des problèmes liés à l’éducation tels que la baisse des performances scolaires, le manque du personnel scolaire et d’enseignants dans une localité donnée pour procéder à des solutions rapides. De plus, les technologies favorisent la mise en place des cours en ligne qui peuvent pallier les problèmes d’infrastructures comme le manque d’amphithéâtres. Elles permettent également des projections vidéo pour une bonne visibilité des cours. La préparation des cours, la recherche de nouveaux exercices, devoirs et examens sont de plus en plus facile pour les enseignants grâce à l’internet. Dans cette optique, les NTIC permettent d’alléger la tâche des enseignants. Les parents, depuis la maison ou le lieu du travail, peuvent être au courant des activités de leurs enfants, de leurs performances courantes grâce à une bonne combinaison des NTIC avec les établissements scolaires. Les élèves et étudiants, ont de leur côté, une facilité dans la recherche. L’internet fournit une panoplie d’exercices corrigés et des cours pouvant améliorer la compréhension des leçons. Même si les ressources de l’internet ne peuvent aucunement remplacer les cours reçus en classe, elles peuvent aider les élèves à se mettre au jour. Les élèves n’ayant pas de professeurs disponibles peuvent recevoir des cours à distance grâce aux technologies. Plusieurs forums offrent des réponses et des discussions intéressantes entre étudiants et professeurs afin de trouver des solutions aux leçons non comprises. Les NTIC permettent un réseau plus large aux élèves et étudiants pour des questions réponses sur les incompréhensions et les difficultés.

 

Les NTIC, un piège pour les élèves

Si les Technologies de l’Information et de la Communication offrent beaucoup d’avantages au système éducatif, elles ont néanmoins quelques inconvénients notables sur l’éducation. En effet, elles ont entrainé une dépendance des enfants aux jeux vidéo. Même si ces jeux vidéo ont un effet stimulateur sur l’intelligence et les réflexes des enfants, ils ne peuvent pas remplacer les devoirs à domicile. Pourtant, les enfants consacrent de plus en plus de temps aux jeux vidéo qu’aux études. Certains enfants substituent des heures de sommeil et de repos aux jeux vidéo, ce qui fait que ces enfants arrivent souvent à l’école en étant fatigué. Le développement des ordinateurs, des logiciels et de l’internet n’a pas que des effets positifs à l’éducation ; il pourrait entrainer la baisse de l’effort intellectuel des acteurs du système éducatif, plus particulièrement des élèves et étudiants. La plupart des étudiants se limite aux ressources de l’internet tandis que les bibliothèques sont de plus en plus délaissées. Non seulement, il y’a plusieurs sites internet non fiables, mais aussi certains substituent la réflexion intellectuelle par des données de l’internet. L’effet pervers est le plagiat des travaux réalisés par les pionniers sur un sujet.  Et si les heures d'étude ne sont pas substituées pas par des jeux vidéo chez les jeunes élèves, elles sont substituées par les réseaux sociaux comme Facebook et autres…

 

Quelles pistes d’accélération pour repenser le système éducatif africain à travers les NTIC ?

L’utilisation des NTIC pour repenser l’éducation en Afrique passe par plusieurs niveaux dont l’inclusion de l’informatique au cœur du système éducatif africain, l’amélioration des  programmes télévisés pour l’insertion des enfants, l’adaptation du mobile et d’internet à l’éducation.

 

Mettre l’informatique au cœur du système éducatif africain

Au cours des vingt dernières années, de nombreux gouvernements ont adopté des politiques visant à encadrer l’intégration des NTIC dans l’éducation. Mais dans la mesure où l’intérêt pour l’apprentissage par ordinateur n’a grandi que récemment, il y a une absence totale de politique en matière d’informatisation du système éducatif africain. Si tous les pays africains avaient des politiques orientées vers l’intégration des NTIC à travers la mise en place des salles informatiques dans les établissements publics et privés, cela contribuerait à améliorer le niveau du système éducatif en africain. Il est donc nécessaire de promouvoir l'apprentissage assisté par ordinateur. Des reformes sont indéniablement nécessaires dans ce sens pour inciter les établissements privés secondaires et supérieurs à s’équiper  de salles informatiques. En effet, il est impératif d’insérer dans les programmes au moins deux heures de cours d’informatique par semaine. L’enseignement automatisé dans les programmes permettra de remédier à l’insuffisance de professionnels qualifiés dans différents domaines surtout dans les disciplines scientifiques. En outre, l’envie des élèves à apprendre de nouvelles choses, et leur curiosité de manipuler un ordinateur est une motivation supplémentaire  à leur présence en cours. Cela contribuera également à diminuer le taux d’absentéisme et le taux d’échec scolaire dans les pays africains. Par ailleurs, les États doivent aussi remplir pleinement leur rôle en équipant davantage les écoles publiques du secondaire à l’université, de salles informatiques de qualité. Ces mesures permettront de réduire significativement les incartades entre les programmes scolaires et les besoins réels de l’économie en main d’œuvre qualifiée.

 

Rendre le Mobile plus éducatif

Depuis plus d’une décennie, le marché de la téléphonie mobile a connu une expansion très forte à l’échelle mondiale. La vitesse de diffusion de cette technologie a été particulièrement rapide en Afrique subsaharienne. Dans le même temps, plus de 350 millions de personnes en Afrique subsaharienne sans école ni accès à l’électricité vivent dans des zones couvertes par le réseau mobile. Ce qui signifie que le mobile pourrait être un facteur déterminent dans la nouvelle construction de l’éducation africaine. Dans ce cas, comment le rendre plus éducatif ?

En initiant des collaborations ou des partenariats entre les États africains et les opérateurs téléphoniques. Les opérateurs téléphoniques peuvent jouer un rôle important dans la promotion du système éducatif africain. Les États africains doivent les inciter à s’impliquer davantage dans le nouveau système de l’éducation par le mobile. Les efforts doivent se concentrer dans les zones urbaines déjà couvertes par le réseau Mobile et s’étendre progressivement vers les zones rurales pas toujours bien couvertes. Pour cela, le ministère de l’éducation en collaboration avec les enseignements, doit élaborer des programmes clairs et détaillés sous forme d’application Mobile. Il s’agit de mettre en place des cours enseignés à l’école via le téléphone Mobile en tenant compte des diversités linguistiques existant dans les pays africains. Par exemple, il est important de réaliser certaines matières en plusieurs langues/dialectes et en fonction des spécificités des territoires. Dans ce cas, l’enfant ne sera plus déconnecté de l’école surtout dans les milieux ruraux où les filles ont tendance à rester à la maison alors que  les garçons eux sont privilégies pour les études.. Ainsi, le Mobile éducatif permettra de contribuer au changement des mentalités que le continent a éperdument besoin pour son développement. Au final, il serait propice à la croissance de la productivité des agriculteurs, la sécurité sanitaire, l’accès à l’éducation pour les personnes qui en étaient jusqu’ici exclues, la formation continue des enseignants en zones rurales, l’inclusion financière, ou encore l’optimisation des infrastructures routières.

 

Rendre l’internet plus éducatif 

L’Afrique enregistre un retard notable dans l’utilisation de l’internet comme outil pour l’amélioration du système éducatif. Selon l’UIT en 2015, seuls 19 % des Africains ont accès à l’internet. Ce faible taux s’accompagne d’une pénétration d’internet dans les ménages de seulement 11 %, contre près de 36 % dans les pays arabes par exemple. Parallèlement, alors qu’en moyenne, 28 % des foyers sont équipés d’un ordinateur (portable/fixe ou tablette) dans les pays en voie de développement, ils ne sont que 8 % en Afrique subsaharienne.

Face à cette situation, les gouvernements africains doivent conjuguer leurs efforts afin d’investir dans les NTIC pour améliorer l’offre  d’internet dans les établissements publics avec un système wifi pour faciliter les déplacements au sein des établissements. Au niveau de l'enseignement supérieur, l’utilisation de l’internet pourrait être le plus efficace grâce à la mise en place des programmes à distance. La formation à distance dans l’enseignement supérieur a plusieurs avantages. Elle est d’abord une alternative à l’enseignement supérieur traditionnel. Elle permet d’améliorer la qualité de l’enseignement dans plusieurs domaines. Cependant, les universités africaines montrent un intérêt significatif pour cette nouvelle méthode d’apprentissage, notamment en raison de l’inefficacité du système éducatif africain. Ainsi, les pays africains doivent mettre en place des campus numériques avec des bibliothèques connectées à la disposition des étudiants. Cela permettra de donner un élan à la promotion de la recherche scientifique dont le continent a éperdument besoin aujourd’hui.

L'enseignement par Internet doit encore faire face dans de nombreux pays africains à des obstacles majeurs, le premier d'entre eux étant la faiblesse des infrastructures antérieures de télécommunication et le coût prohibitif des tarifs d'accès à l'Internet. Par exemple, les responsables pédagogiques au niveau des ministères et des facultés doivent améliorer les outils pédagogiques qui peuvent être adaptés à l'Internet. Les contenus de nos programmes aujourd'hui disponibles en ligne sont pour la plupart établis en occident et ne s’adaptent donc pas nécessairement à des étudiants africains. Nous devons être capables de réaliser des programmes inclusifs à nos valeurs ancestrales, culturelles, sociologiques et tout simplement en cohérence à notre identité. Toutefois, plusieurs universités ont conscience de l’importance de l’Internet dans les programmes et réorientent leurs programmes existants à l’enseignement par Internet. L'enseignement par Internet peut contribuer à oblitérer certaines difficultés auxquelles les pays africains doivent faire face aujourd'hui, c'est-à-dire celles liées à l’inefficacité de l’appareil éducatif.

 

Yedan Ali

Amadou Sy

Quatorze propositions pour repenser le système éducatif au Mali

maliDepuis l’indépendance du Mali le 22 septembre 1960, les différentes autorités successives ont toujours considéré que le système éducatif était un secteur prioritaire. Dès 1962, la première réforme fut adoptée pour rompre avec le système éducatif colonial avec un enseignement de masse et de qualité tout en préservant la culture et les valeurs maliennes. Mais au fil des années, cette réforme a été revue maintes fois, notamment lors des séminaires de 1964 et  1978,  des  Etats  généraux  de l’éducation en 1989, de la Table ronde sur l’éducation de base, du Débat national sur  l’éducation en 1991,…, et plus récemment, le Forum national tenu en octobre-novembre 2008. Aujourd’hui encore, l’État continue à investir dans l’éducation et d’ailleurs plus du tiers du budget national y est consacré. Malgré tous ces efforts, le système éducatif du Mali reste l’un des moins performants dans le monde avec un taux d’alphabétisation estimé à 38,7% pour les enfants qui commencent l'école primaire. Le rôle de l'éducation étant crucial pour le développement d'un pays, le Mali doit penser encore à améliorer son secteur de l'enseignement. C'est pourquoi, Nelson MANDELA disait : « L’éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde ». Cela nous ramène à poser les questions suivantes : Quelle éducation pour un enfant citoyen ? Quel système éducatif pour répondre aux défis du monde actuel et aux défis auxquels fait face la société malienne ? Cet article propose des pistes pour réformer le système éducatif malien en vue de le rendre plus performant et plus adapté aux défis de la société malienne.

Par Eloi TRAORE[1]

                                                                          

  1. Ecrire à ses enfants à la « Maison »

L’état des lieux se résumant le plus souvent par : « On ne peut pas leur parler » ; « Je leur parle ou j’essaye de leur parler, mais cela ne marche pas, ils n’écoutent pas » etc. L’adolescent normal dira qu’il n’en a rien à faire ! Mais ce n’est pas parce qu’il dit, qu’il n’en a rien à faire, qu’il n’en a rien à faire, et qu’il ne faut plus lui parler ! Et surtout parce qu’il ne veut pas écouter qu’il ne faut plus lui écrire. C’est justement là qu’il faut lui écrire ! Tenir la famille par le dialogue. Donc l’écriture comme alternative au discours oral. L’éducation, c’est travaillé avec nos enfants au quotidien. En parallèle, il faut redonner à la science, la littérature, l’histoire, leur pouvoir symbolique. La capacité à faire rêver et à faire comprendre l’enfant. Qu’elle renvoie l’enfant aux problèmes qu’il se pose, sans qu’elle ne soit pas un ensemble d’exercices sur un parcours du combattant pour vérifier qu’il peut passer en classe supérieure. Ex : Il n’y a pas un enfant qui ne sera pas animé ou intéressé si on y met un peu d’enthousiasme, de vivacité  devant « les Etoile Sirius des Dogons ou l’Orion des Touaregs», ou du jeu de « wôli » et qui ne dira pas qu’il se joue–là quelque chose qui le concerne directement, parce que c’est de l’humain dont il est question, c’est-à-dire de lui.

  1. Adopter la pratique du « Conseil en Classe »

Le conseil doit être est un moment ritualisé. Il s’agit de motiver d’une part l’enfant à écrire éventuellement sur le cahier de la classe, ou à mettre dans la boîte aux lettres un petit mot pour expliquer qu’il veut que l’on discute d’un sujet  en classe. Mais c’est uniquement au conseil que l’on en parlera, pas tout de suite. On va y réfléchir en se donnant le temps pour en parler. Donc un rituel de prise de parole, qui permet de s’écouter et d’entrer dans une discussion collective qui inclura d’autre part les préoccupations du personnel enseignant. En ce sens que le rituel doit permettre à cet effet à l’enseignant aussi de s’adresser directement et facilement aux différents responsables de l’éducation. Concrètement, il s’agira de rentrer dans un processus de dédramatisation des problèmes en les exposant dans un climat de confiance mutuelle.

  1. La création de « Classes vertes »

« L'abeille qu'on met de force dans une ruche ne fera pas de miel » dit un proverbe malien. En effet, vivre ensemble l’expérience du monde avec les éléments de la nature et évoquer après le vécu par écrit, pour que l’expérience du monde leur permette d’accéder à la littérature. Faire savoir aux enfants ce que c’est « une pirogue, un éclat, une ruche », parce que beaucoup n’ont jamais été en pique-nique au bord d’une rivière. Ce n’est pas parce qu’on ne leur a pas appris à lire le, la, les; ce qu’ils ne voient pas, c’est ce que c’est. Le rapport des enfants par rapport au moment, par rapport au monde étant un rapport questionnant,  « la littérature et les sciences » constituent à titre d’exemple des excipients dans ce principe innovateur que sont les « classes vertes ». Comment se fait-il que des gamins fascinés par la science-fiction tirent la gueule devant la loi de Joule ? Ou par les éléments de la nature (eau, feu, air, lumière) ont du mal à comprendre les propriétés chimiques des CO2 + H2O ? Travailler donc la littérature et les sciences en classes vertes revient á insuffler donc une dynamique aux programmes d’enseignements qui sensibilisent dans le primaire, se consolident dans le secondaire et responsabilisent dans le supérieur.

  1. Ré-institutionnaliser les lieux éducatifs

L’école est complètement dans une logique dans laquelle les intérêts individuels prennent le pas sur la cohérence du collectif. Une école où l’emploi du temps est une tranche napolitaine, qui juxtapose des cours au gré de la fantaisie du chef d’établissement et de ses adjoints, mais aussi des impératifs de l’institution, n’est pas véritablement institutionnalisée. Il s’agit et surtout de construire des institutions centrées autour d’un projet qui est celui de l’apprentissage à travers la prise en compte de la spécificité régionale, c’est-à-dire si le Kénédugu ou le Dogon ou encore le Gourma etc. doit rester à Sikasso, au Pays Dogon, à Gao, Tombouctou ou pas.

  1. La motivation des enfants face au laxisme généralisé 

On dit souvent, les élèves ne réussissent pas parce qu’ils ne sont pas motivés, mais on peut retourner l’affirmation : les élèves ne sont pas motivés parce qu’on ne leur transmet pas assez l’envie de réussir. Et rien ne démotive plus que l’échec. Il faut donc trouver les moyens de motiver les élèves afin de les inciter à donner le meilleur d’eux-mêmes. Et c’est seulement comme cela que l’évaluation aura  une vertu positive et permettra de déceler les véritables capacités des apprenants. Partir de l’évaluation de ce que chacun sait faire et par une exigence au coude à coude l’aider à ce qu’il peut faire le mieux.

 

Par Hermann DIARRA[2]

  1. Prôner une scolarisation massive des filles 

Le Mali est un pays où les femmes comme dans le reste du monde, passent plus de temps que les hommes à s’occuper des enfants. Par conséquent, éduquer les filles dans une conjoncture de plus en plus difficile, serait une solution pour la maîtrise de notre croissance démographique. De plus, l’éducation des femmes apportera certainement la croissance économique car avec peu d’enfants et des femmes professionnellement actives, le revenu par habitant pourrait être plus élevé. Mais avant d’en arriver là, il serait indispensable de changer la vision des parents qui pensent que l’éducation de leurs filles est un investissement moins prometteur que celui des garçons à long terme. En effet, pour ces parents, l’avenir des filles serait réservé au mariage et à la maternité. Pour inciter les familles à envoyer leurs filles à l’école, les autorités pourraient prendre en charge la totalité de la scolarité des filles inscrites dans l'école publique ainsi que leurs soins et nourriture. Par ailleurs, concevoir des programmes de bourses et d’aides financières pour les filles scolarisées est une piste à étudier. Plus de promotion pour les filles !

  1. Une famille responsable dans l'éducation de ses enfants 

La famille doit prendre conscience de sa responsabilité dans l’éducation de leurs enfants. Éduquer ses enfants n’est pas uniquement les nourrir, les vêtir, les soigner et les protéger, mais c’est aussi leur transmettre les valeurs de la vie, notamment le courage, le respect. L'enfant a besoin d'être guidé : nul besoin de rappeler qu’il ignore ce qui est le mieux pour lui. Il incombe à la famille de préparer leurs enfants à être des adultes responsables, car le sens élevé de la responsabilité est une condition sine qua non de toute réussite. Parce qu’un étudiant responsable mis dans des conditions de travail adéquates a sans doute toutes les chances de réussir. Par ailleurs, dans le cadre de l’éducation de leurs enfants, certains foyers qui sont comme de véritables camps militaires où règne la terreur doivent plutôt privilégier la communication au châtiment corporel. Donc concrètement établir un dialogue permanent. L´Education, c’est de tenir le contact au quotidien avec l’enfant pour maintenir intacte la structure familiale. Sinon, l’enfant aura du mal à se confier à ceux qui sont censés être ses protecteurs. Par ailleurs, pour accompagner les parents, les écoles doivent convoquer les parents au moins une fois par an pour un dialogue sur les progrès,  les  difficultés et les efforts de leurs enfants.

  1. Une éducation civique et patriotique

Dans cette ère de mondialisation, vu la situation, si rien n’est fait, c’est l’âme du Mali qui sera vendu. Pour faire face aux enjeux et défis de la globalisation, le Mali a certes besoin de citoyens compétents mais surtout responsables et engagés. C’est pourquoi Thomas SANKARA disait : « Il faut que l’école nouvelle et l’enseignement nouveau concourent à la naissance de patriotes et non d’apatrides », car un patriote sera pour la justice, contre la corruption et pour un Mali un et indivisible. D’où l’intérêt de la mise en place d’actions concrètes comme l’instauration d’une journée de l’éducation civique et patriotique lors de laquelle, les enfants pourront intérioriser notamment l’amour de la patrie, le respect des biens publics, de la discipline et des aînés. Par ailleurs, les élèves doivent comprendre que les symboles ont un sens et que tout ce qui a un sens est important. C’est pour cela que les autorités doivent tout mettre en œuvre pour que le drapeau du Mali flotte au-dessus ou au centre de chaque école en permanence, et l’hymne national joué avant chaque rentrée de classe. Il faudrait amener les élèves à réfléchir progressivement selon les cycles sur chaque ligne de l’hymne nationale et en débattre…

  1. Le parrainage des enfants de familles pauvres 

L’état devrait réfléchir à la mise en place d’un système de parrainage qui pourrait être un moyen efficace pour permettre aux élèves d’avoir accès à une scolarité souvent difficile, voire impossible pour les enfants de familles pauvres. Concrètement, chaque école aura la mission d’identifier les enfants nécessitant un appui financier pour la  poursuite de leur scolarité ou ceux en très grandes difficultés. Ainsi, la générosité de certains maliens pourra s’exprimer en faveur de cette noble cause nationale. Pour cela, on peut mettre en place de rencontres sous forme de soirées organisées par l’ORTM, ou dîner entre hommes d’affaires sélectionnés/invités pour la bonne cause : aider les familles défavorisées dans la réussite de l’éducation de leurs enfants. Cette soirée profitera à toutes les parties. D’un côté, financer les familles défavorisées et d’un autre, rencontre entre personnalités (tissage de nouvelles opportunités peut être…). Non seulement cette mesure serait un coup de pouce non négligeable à la stimulation de la scolarisation mais elle pourrait également être considéré comme un travail social, qui serait utile à la réduction des inégalités sociales criantes au Mali. Donc solidarité et le suivi de la générosité pour s’assurer que l’investissement a été utilisé à bon escient…

 

Par AMADOU SY[3]

  1. Appliquer le « numerus clausus » dans les facultés maliennes

L’université́ doit être réservée aux candidats ayant le baccalauréat avec la mention 11/20.  Le système de « numerus clausus » ou « nombre fermé » consiste à limiter les effectifs à l’entrée des facultés. Il faut impérativement désengorger les amphithéâtres qui sont pléthoriques. Il faut reconnaitre que tout le monde n’est pas apte à poursuivre des études universitaires. Dans ce cas, il serait plausible de définir les qualifications obligatoires pour tous depuis la dernière année du lycée. Chaque candidat devrait avoir un dossier dans lequel sont détaillés ses motivations et un choix sur 2 ou 3 universités. Selon les résultats de chaque lycéen au Bac, il reviendrait à l’Etat à travers son ministère de l’éducation d’orienter les candidats en fonction de leurs motivations et choix d’universités. Bien sûr, pour certains, cette qualification impliquera une formation universitaire. Pour d'autres, non ! Puisque certains se dirigent vers l'université parce que c'est "la façon" qu'on leur a indiqué de réussir dans la vie, sans autre réflexion… Alors que pour eux, pour les individus qu'ils sont, ce n'est pas le cas, la bonne formation à la bonne personne et non sans l'université, point de salut ! Grâce à ces mesures, les universités recruteront en fonction des besoins, des qualifications, des budgets pouvant assurer un enseignement supérieur de qualité́.

  1. Reformer en profondeur les programmes d’enseignements secondaire et supérieur

Le paysage du système éducatif du Mali montre aujourd’hui un décalage entre les programmes actuels surchargés et sans débouchés professionnels, et des secteurs économiques en carences de personnel qualifié pour aviver leur essor. Il faut dans un premier temps, revaloriser les métiers liés à l’agriculture, l’élevage et l’artisanat. Dans un deuxième temps, insérer des programmes plus adaptés à l’histoire du Mali et créer un programme de culture générale nécessaire afin de préparer les élèves et étudiants à  faire face une fois diplômés, aux exigences de la vie professionnelle malienne. Enfin dans un troisième temps (le plus important ?), il est nécessaire de promouvoir l'apprentissage assisté par ordinateur. Des réformes sont indéniablement nécessaires dans ce sens pour inciter (obliger ?) les établissements privés secondaires et supérieurs à s’équiper au moins d’une salle informatique. Par ailleurs, l’Etat malien doit aussi remplir pleinement son rôle en équipant davantage les écoles publiques du secondaire à l’université, de salles informatiques de qualité. Ces réformes permettront de réduire significativement les incartades entre les programmes scolaires et les besoins réels de l’économie en main d’œuvre qualifiée dans les secteurs de l’agriculture, l’élevage et la pêche.

  1. La création de l’Université de l’agriculture, de l’élevage et de l’artisanat (UAEA)

Nos universités actuelles forment des futurs chômeurs qui basculeront très rapidement dans l’informel. C’est inconcevable de constater que les jeunes diplômés parfois même après un doctorat, sont obligés de travailler dans des métiers qui sont en décalage total avec leur domaine de qualifications. Pour remédier à ce problème majeur, la création de l’Université de l’Agriculture, de l’Elevage et de l’Artisanat (l’UAEA) est nécessaire pour former de véritables agents économiques en parfaite adéquation avec la configuration actuelle de l’économie malienne. L’UAEA permettra de former de nouveaux agents aptes de bien rentabiliser par exemple les terres agricoles, de bien maitriser l’eau, d’accroître la productivité et au final de contribuer significativement à la réduction du chômage surtout dans les zones rurales. D’après Moussa MARA, « la croissance de l’urbanisation du Mali est beaucoup plus rapide que sa croissance démographique. 60% de la population urbaine vie à Bamako ». Dans ce contexte, l’UAEA permettra aussi de baisser les flux d’émigration des zones rurales vers les zones urbaines.

  1. Mettre en place le système de l’alternance dans les formations techniques et professionnelles

En tenant compte des besoins de l’économie du pays, la réussite de l’éducation nationale passera aussi par le système d’alternance dans les formations techniques et professionnelles. Il s’agit d’établir un contrat tripartite entre l’élève, l’école professionnelle et l’entreprise. L’accès au monde du travail de l’élève se fait tout d'abord par une phase d'apprentissage dans l’entreprise d’une à deux semaines par mois. Cette phase est complétée par une formation parallèle d'une à deux semaines par mois dans une école technique ou professionnelle. Ce caractère dual de la formation professionnelle composée d'une phase en entreprise et d'une phase scolaire, est l’une des solutions pour redonner de l’élan au système éducatif malien. Grâce à l’alternance, les jeunes pourront faire le bilan sur leurs atouts et points faibles, et acquérir des aptitudes professionnelles complètes, directement axées sur l'entreprise et un métier précis bénéficiant à toutes les parties prenantes.

  1. Mettre les collectivités au cœur du système éducatif

Dans un contexte de décentralisation au Mali, l’objectif est de donner plus de pouvoir aux collectivités territoriales. Dans ce sens, la place de l’éducation est primordiale pour la réussite de cette décentralisation. Les collectivités territoriales à travers les communes, les cercles et les régions ont un rôle important à jouer. L’Etat malien doit privilégier des opérations de décentralisation des compétences qui exalteront le poids des collectivités territoriales pour le bon fonctionnement du système éducatif. Il faut la mise en place des lois pour définir et préciser la répartition des rôles et des compétences des collectivités locales en matière d’éducation. Pour les communes, l’accent doit être mis sur l'implantation, la construction, l'équipement, le fonctionnement et l'entretien des écoles maternelles et élémentaires. Elles sont responsables du personnel non enseignant (accueil, restauration, etc). Pour les cercles, l’accent doit être mis sur la construction et les travaux dans les écoles de l’enseignement secondaire. Enfin, les régions doivent se consacrer à la fois sur la définition de la politique régionale d’éducation et la bonne gestion de l’UAEA. Grâce aux collectivités, la décentralisation du système éducatif permettra d’apporter de l’authenticité et de l’efficacité dans le développement des territoires en impliquant l’élève à la fois au cœur du système éducatif et dans le développement de la collectivité.

 

L’école doit faire son auto critique, c’est-à-dire apprendre autre chose que ce qu’elle apprend actuellement, en permettant d’apprendre un certain nombre de valeurs comme le « civisme » sans tomber dans le discours politique. Par exemple la morale c’est l’enseignement de l’autre, d’autrui, donc on n’est pas tout seul. La morale, ce n’est pas de dire c’est ceci le bien ou le mal. Mais « autrui existe ».

 

Eloi TRAORE, Hermann DIARRA & AMADOU SY

 

 


[1] Conseiller Pédagogique Office de la Migration des Jeunes et Prof. des Universités Populaires Gießen / Lahn-Dill-Kreis Allemagne

 

[2] Membre du Centre d’études et de Réflexion du Mali (CERM), de L'Afrique des Idées, il est sympathisant de l’Union des fédéralistes africains (UFA). Titulaire d'un master en Réseaux et Télécommunications, il est aussi diplômé en management des systèmes d'information

 

[3] Consultant en Diagnostic Economique et Financier auprès des Comités d’Entreprise/Comité de Groupe Européen, membre du Centre d’Etudes et de Réflexion du Mali (CERM) et membre de l’Association des Jeunes pour les Nations Unies à Genève (ADJNU). Il a publié de nombreux articles sur le développement de l’Afrique en général et le Mali en particulier notamment sur le champ de l’éducation

 

Crise à l’université sénégalaise : les réformes nécessitent de la pédagogie

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La survenance d’une crise lors de la mise en œuvre de réformes publiques augmente toujours les difficultés qui justifient les réformes. Les réformes introduites dans le système de l’enseignement supérieur sénégalais étaient destinées à résoudre de façon déterminante les problèmes du secteur. La réforme L-M-D devait permettre d’échelonner la progression académique selon une démarche qui vise à doter les étudiants de qualifications en adéquation avec les exigences du monde du travail. Elle s’est déclinée dans l’octroi de crédits à chaque année d’étude, elle-même divisée en deux semestres.

Le système LMD est construit dans une logique d’améliorer la qualité de l’enseignement supérieur. Dans le même esprit, l’octroi de bourses qui allient des critères d’excellence et des critères sociaux s’est fait dans le souci du respect de l’équité et de la transparence dans le milieu universitaire. Il a donc été question de revenir sur le caractère généralisé et inconditionnel de la bourse, en plaçant le mérite au cœur de l’attribution des allocations d’études. Mais comme pour toute réforme, ces mesures du gouvernement sénégalais qui visaient à assainir le milieu universitaire, proposées par la Commission nationale de réflexion sur l’avenir de l’enseignement supérieur (CNRAES), ont heurté sur des résistances, du conservatisme, et quelques difficultés liées à leur mise en œuvre.

Parmi elles il y a eu en particulier la présence de forces de l’ordre dans l’espace universitaire, qui a longtemps été décriée. Les réformes prévoyaient la création d’une police universitaire pour sécuriser les universités publiques qui connaissent un phénomène de no man’s land indicible par endroits. Des activités qui échappent à toute régulation sont développées dans l’enceinte universitaire malgré leur caractère très dangereux. C’est le cas de plusieurs commerces non déclarés ou non autorisés, d’activités de groupes culturels, politiques ou autres qui y sont menées et qui sont susceptibles de causer des troubles à l’ordre public. Il y a également la récurrence de manifestations violentes d’étudiants réclamant bourses ou cours. Autant de risques de violences qui ont justifié aux yeux du gouvernement la présence de la police.  Même si elle répondait à un besoin de sécurisation, notamment à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, elle a finalement produit l’effet inverse car elle y a installé la psychose, la peur, et la révolte.  

Il y a eu une spirale de réforme-révolte-répression qui a débouché sur des faits malheureux : la mort par balle de l’étudiant Bassirou Faye (inscrit au Département de mathématiques) le 14 août 2014 lors d’affrontements entre étudiants et forces de l’ordre, la mise à sac de chambres et outils appartenant aux étudiants (livres, cahiers, ordinateurs…) et des coups et blessures injustifiés sur les étudiants.  Cette situation déplorable a résulté d’un long acharnement des forces de l’ordre sur les étudiants.

Il convient dès lors de reconsidérer la nécessité de la présence des forces de l’ordre dans l’espace universitaire qui bénéficie, depuis l’origine, de franchises qui interdisent une telle présence. Cela ne signifiera nullement la remise en cause du besoin d’assainir l’espace universitaire qui a justifié les réformes en cours. Cependant, une réforme, quelle qu’elle soit, doit prendre en compte l’avis de ses destinataires ultimes, et celles qui concernent le système éducatif sénégalais doivent également le faire.

Il serait donc judicieux de consulter les étudiants, les enseignants, les parents, ainsi que tous les personnels du système éducatif pour mieux identifier les besoins de réformes dont celui-ci a besoin. A l’image de la commission sur l’éducation dirigée par le Pr Abdou Salam Sall, ces consultations devraient aboutir à une véritable refonte du système éducatif. Les maux qui bloquent ce système sont nombreux (sureffectif, déficit en infrastructures et en personnel enseignant, insuffisance de moyens financiers, manque de formation de certains enseignants, offre de formation obsolète, retard dans le paiement des bourses d’études, non-respect du calendrier pédagogique…). C’est un ensemble de problèmes nés et aggravés par une gestion  inadéquate par le passé (installation d’abris provisoires, véritables leurres face au déficit en infrastructures, recrutements basés sur la corruption à certains niveaux du système, leur corollaire : baisse du niveau des élèves/étudiants due au manque de formation, échec scolaire etc.) Cette gestion négligente a causé beaucoup de tort à des milliers d’enfants en âge de scolarisation.

Les maux du système éducatif sont autant de dangers pour le développement socio-économique du pays. Pour les adresser, il faudra éviter d’adopter des recettes  sans les confronter avec les réalités économiques du Sénégal (pauvreté des ménages, rareté de l’emploi, précarité et pression sociales…). C’est pourquoi la pédagogie est nécessaire pour la réussite des réformes publiques en général, et dans le système universitaire en particulier, afin d’éviter des confrontations inutiles qui les bloquent. Il faut espérer qu’après les Assises de l’éducation, et des outils comme le Programme d’amélioration de la qualité de l’enseignement proposé aux écoles, qui ont pris en compte cette dimension inclusive, notamment par la gestion communautaire et des fonds nouveaux, le système éducatif se portera mieux. 

Mouhamadou Moustapha Mbengue

 

Au coeur des manifestations étudiantes à Ouagadougou

Répondant à l’appel de l’ANEB-Ouagadougou (l’Association Nationale des Etudiants du Burkina), élèves, étudiants ainsi que plusieurs militants d’autres couches sociales se sont réunis le vendredi 11 mars 2011 au terrain Dabo Boukary [1] de l’université de Ouagadougou pour une marche pacifique de protestation s’inscrivant dans la droite ligne de l’affaire de Koudougou. La direction générale de la police était la destination finale de la marche, où une lettre de protestation devrait être remise. Un meeting devait ensuite être organisé sur le campus au retour de la marche.
La marche débuta aux environs de 8h45 avec une participation de plusieurs centaines de manifestants. Les chants, slogans et pancartes anti-impérialistes accompagnaient les manifestants. Chacun exprimait, à sa manière, son ras-le-bol continu vis à vis des forfaits commis par ceux qui sont censés protéger le peuple et de l’impunité galopante qui caractérise le pays. A 400 mètres de l’université, au rond-point de la Paix, deux grandes murailles d’« hommes en tenue » bloquaient l’itinéraire prévu par les manifestants. La marche se voulant pacifique, l’itinéraire étant bien tracé et dûment communiqué aux autorités, les manifestants refusèrent catégoriquement de rebrousser chemin.
Les esprits s’échauffèrent progressivement. Ne sachant que faire pour disperser cette masse homogène, motivée et impatiente de poursuivre son chemin, sous l’œil innocent de la «rue de la Paix », ces « hommes en tenue » chargèrent à coups de bombes lacrymogènes tirées à bout portant. Les manifestants qui n’avaient pour seule arme que leur bouche pour revendiquer, ont été confrontés à ces actes de barbarie. Une chasse à l’homme s’ensuivit : ce fut le sauve-qui-peut du côté des manifestants qui se replièrent sur l’université.
Frustrés et blessés dans leur amour propre, les étudiants se réorganisèrent en cinq grands fronts pour mener la résistance contre les « forces de l’ordre ». Les CRS, la gendarmerie, l’armée de terre et de l’air, tous étaient mobilisés avec un véritable arsenal de combat face aux étudiants armés de pierres ramassées à la va-vite pour se défendre et résister sur le campus. La bataille fut rude et enragée.
Au bout de cinq heures d’intenses affrontements, les blessés se multiplièrent et le manque criard des moyens de résistance des étudiants se fit sentir. C’est ainsi que le campus fut assiégé et maîtrisé aux environs de 14h. Mais le combat se poursuivit sur d’autres fronts non loin de l’université (Zogona et Wemtenga). Vers 17h30, tous les manifestants furent cependant maîtrisés, vue la brutalité et les moyens mis en oeuvre pour réprimer la manifestation. Bilan : plusieurs blessés par bastonnades, gaz lacrymogènes, balles à blanc et même balles réelles [2]…et près de 19 étudiants arrêtés et détenus. Malgré cela, un autre meeting était annoncé pour le mardi 15 mars, toujours à l’université.

La fermeture des universités publiques et des services sociaux aux étudiants

Dès le vendredi 11 mars, des accusations étaient émises à la télévision nationale et sur des chaînes de radio par certaines autorités à l'encontre des étudiants et de l’Association Nationale des Etudiants du Burkina,  qui auraient été manipulés par l’opposition et l’extérieur. De retour du panel des chefs d’Etats africains à Addis-Abeba sur le conflit ivoirien, le président Compaoré est enfin sorti de son mutisme pour se prononcer sur les évènements du 22 février. Dans son discours, il n’a eu aucun mot pour les familles des victimes et ne s’est intéressé qu’à son fauteuil et aux édifices publics en évoquant des "actes de vandalisme". Un communiqué du gouvernement du 14 mars est venu rajouter au déni des autorités quant à la  réalité de la situation. Un congé anticipé fut donné aux élèves pour la période du 14 au 28 mars. Les universités publiques, restaurants et infirmeries universitaires comprises, ont été fermées jusqu’à nouvel ordre. C’est ainsi que les étudiants ont été mis à la porte des cités universitaires par les gendarmes, les laissant face à eux-mêmes.
Il s’agit là d’un véritable crime ! La majorité de ceux qui résident en cité viennent d’autres localités du pays et parfois de l’extérieur (notamment de la Côte d’Ivoire) et sont dans des situations sociales difficiles. L’infirmerie a été fermée en dépit des malades en cours de traitement. Heureusement, la solidarité estudiantine et le soutien d’âmes généreuses au sein de la population ont permis à beaucoup d’étudiants d’avoir un toit et de quoi se mettre sous la dent.
Mais fort malheureusement, certains ont été acculés à d’autres pratiques pour pouvoir s’en sortir. C’est le cas de certaines étudiantes qui se sont adonnées à la prostitution rien que pour avoir le transport retour pour rejoindre leurs parents. Cela confirme le mépris de nos autorités, prêtes à sacrifier la catégorie la plus fragile de la population pour assurer son maintien au pouvoir. Attitude d'autant plus aisée que leur progéniture se trouve le plus souvent à l'extérieur, dans les grandes universités européennes, américaines. Ils se soucient d’autant moins de l’avenir des étudiants au Burkina.

Le meeting avorté du 15 mars 2011

Le mardi 15 fut également une date décisive. Le meeting était prévu à l'université de Ouagadougou à 8h. Les étudiants sont arrivés pour constater la transformation de leur université en camp militaire. Un avion survolait  l’université. Face à cette situation, les étudiants s’organisent et bloquent les routes. Un affrontement de quelques heures les opposera aux « hommes en tenue ». Une rencontre entre autorités et étudiants a finalement eu lieu le vendredi 25 mars dernier et a abouti à la réouverture des universités publiques ainsi que des œuvres sociales au profit des étudiants, à partir du mardi 29 mars 2011.
A l’université de Ouagadougou, les activités ont aujourd’hui bien repris mais au ralenti. Du fait des nombreuses interruptions, certains n’ont toujours pas terminé leur année académique 2009-2010…
Toutes les exigences des étudiants n’ont pas encore été satisfaites, et des élèves ainsi que des étudiants croupissent toujours à la maison d’arrêt et de corrections de Ouagadougou. Le problème demeure donc et des solutions définitives de sortie de crise ne sont toujours pas trouvées. Les élèves de Koudougou (ville ou Justin Zongo a été assassiné) ont encore lancé un ultimatum en refusant l’accès des classes le 28 mars (date de réouverture des écoles primaires et secondaires), et ce jusqu’à ce que justice soit rendue et leurs camarades libérés. Risquons-nous encore une reprise de ces manifestations ? L’étudiant doit il avoir foi aux autorités et ne compter uniquement que sur les œuvres sociales ? N’a-t-il pas d’autres choix ou ne peut-il pas se créer lui-même d’autres alternatives ? Ces questions méritent d’êtres posées.
 

De notre correspondant à Ouagadougou, Ismael Compaoré
 

[1] : Ce terrain rend hommage à Dabo Boukary, étudiant en 7ème année de médecine assassiné en 1990.

[2]: Cette accusation d’utilisation de balles réelles est également corroborée par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) : http://www.fidh.org/Burkina-Faso-Les-autorites-doivent-mettre-un

 

« Au Burkina, la pauvreté et le chômage s’accroissent alors que les immeubles poussent et les belles voitures circulent ».

  Interview avec Ismaël Compaoré, étudiant à l’université de Ouagadougou, écrivain en herbe et futur journaliste d’investigation.

Bonjour Ismaël, pourrais-tu te présenter aux lecteurs de Terangaweb ?

Je me nomme Ismaël Compaoré, je suis étudiant en deuxième année d’études  philosophiques à l’université de Ouagadougou .Je suis également écrivain en herbe. J’ai vingt-trois ans et j’habite à Ouagadougou. Je suis par ailleurs militant dans une association de la société civile Burkinabé  dénommée le « Mouvement des Sans Voix – Burkina Faso ».

Pourrais-tu nous parler plus précisément de cette association ?

Le Mouvement des Sans Voix est une association de lutte de base qui mène concrètement des luttes sur le terrain pour l’émancipation des masses et surtout des laissés-pour-compte au Burkina. Avec comme devise «  Rien que les droits des peuples », le MSV-BF repose sur quatre principes fondamentaux :

 Informer et former les citoyens sur leurs droits et devoirs pour une prise de conscience collective et participative ;

 Défendre et faire réaliser les droits légitimes du citoyen ;

 Dénoncer et combattre les pratiques antihumanistes de la mondialisation, de la globalisation, du capital financier international et du néocolonialisme ;

 Contribuer au développement socio-économique national à travers des actions concrètes et visibles.

Concernant nos activités concrètes, on peut citer entre autre les thés-débats, les ciné-débats sur des thèmes engagés et participatifs du genre « jeunesse et militantisme », «  quelles stratégies de luttes contre le capitalisme et l’impérialisme? », etc. Nous organisons également des conférences de presse et publiques, des marches et des meetings, etc. Nous travaillons aussi sur l’œuvre historique des résistants et des  martyrs Africains et de la diaspora tels que Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Samory Touré, Babemba Traoré, Martin Luther King, etc… et leur  héritage que nous essayons de faire connaître. Nous avons en outre organisé un colloque international en  2009 et un forum en 2010 et il ya la participation du MSV-BF à plusieurs forums nationaux, sous-régionaux et internationaux dont le plus récent fut le forum social mondial de Dakar.

Est-ce que tu pourrais nous parler de la vie étudiante à Ouagadougou ?

La vie de l’étudiant burkinabé n’est pas facile et est surtout parsemée d’obstacles. Mais on se débrouille tant bien que mal pour pouvoir joindre les deux bouts et survivre normalement. Nous faisons face à beaucoup de problèmes : il y a l’instabilité et la durée de l’année académique, le manque et/ou la saturation des amphithéâtres… et on caresse le secret espoir de voir l’université de Ouaga2 – actuellement en construction – s’ouvrir et  recevoir ses premiers étudiants et d’autres universités ouvertes dans d’autres régions du pays pour désengorger ceux déjà existant. Concernant les  allocations de l’Etat, les étudiants sont classés par catégories et par âge. Il ya les boursiers et les non-boursiers. Les bacheliers boursiers de moins de 24 ans bénéficient d’une aide de L’Etat de 150 000 mille francs CFA l’année. Les frais d’inscriptions à l’université s’élèvent à 15 000 francs CFA et il est très difficile pour les étudiants qui n’ont pas accès à cette aide de s’en sortir financièrement, et même pour ceux qui en reçoivent mais qui n’ont plus le soutien des parents. Il y a également des prêts de 200.000 FCFA l’année qui sont octroyés aux étudiants de plus de 24 ans.

Qu’est ce que tu aimerais faire plus tard ?

Passionné d’écriture, j’aimerai un jour en faire un métier. J’ai actuellement à mon actif deux manuscrits, un recueil de poèmes et un recueil de nouvelles, toujours en quête d’édition. Après mes études philosophiques, si tout va bien, j’aimerai faire des études en journalisme et plus particulièrement en journalisme d’investigation. Je pense qu’il y a  plein de dessous-de-table à faire apparaître au grand jour, pour que les vérités cachées soient enfin divulguées afin que la justice sociale ne soit plus un rêve. C’est cela qui m’inspire surtout dans le journalisme : tenter de rendre justice à travers les écrits, rendre le coupable coupable afin que chacun réponde à la hauteur de ses actes et apprenne à s’assumer. J’ai de l’estime et surtout beaucoup de considération pour un journaliste d’investigation Burkinabé très connu de part son engagement, sa dignité et son intégrité, assassiné le 13 décembre 1998 pour ce qu’il écrivait. J’ai nommé Norbert Zongo, qui disait dans une de ses phrases restée célèbre : « quand on a le courage de dire : tuer le ! Ayez le courage de dire : c’est moi qui ai dit de le tuer. »

Comment analyses-tu la situation de ton pays aujourd’hui ?

Concernant la situation politique au Burkina Faso, on a un vrai problème d’alternance politique. La pauvreté et le chômage s’accroissent alors que les immeubles poussent et les belles voitures circulent. Et pourtant,  le développement d’une nation doit se mesurer tant  au niveau social  qu’au niveau infrastructurel. S’il y a plus d’infrastructures luxueuses et que la population à la base dispose encore moins du minimum vital, tellement leur pouvoir d’achat est faible, on ne peut pas parler de développement. Le Burkina Faso figure parmi les pays les plus pauvres et les plus endettés de la planète. Mais des alternatives existent pour changer cet ordre des choses s’il ya une volonté politique. J’ai foi en ce que cela puisse changer un jour pour l’épanouissement et le bonheur  de tous. La situation de l’emploi est très compliquée, même si des efforts sont en train d’être faits et on espère que cela va continuer. Actuellement, pour un Burkinabé et surtout pour un jeune Burkinabé, il n’est pas chose facile de décrocher un emploi. La majorité des diplômés se focalise sur les concours de la fonction publique puisque c’est ce secteur qui recrute le plus. Mais avec les fraudes constatées presque chaque année lors du déroulement de ces concours et l’arrestation de quelques malfaiteurs, cela nous amène à nous poser de plus en plus de questions sur l’avenir de la jeunesse et sur l’emploi particulièrement. Le secteur privé comme dans la majorité des pays africains, recrute peu et le plus souvent on a des difficultés d’accès à l’information.  Le favoritisme existe aussi dans ce secteur, ce qui complique encore la tâche aux diplômés méritants.

Est-ce que tu es confiant en l’avenir ; ton avenir personnel et celui de ton pays ?

Ce dont je suis sûr, c’est que je ne peux plus vivre des situations psychologiques pires que les précédentes, car je pense avoir acquis une certaine maturité. Je suis un optimiste convaincu et je suis certain que l’avenir nous réserve plein de surprises agréables, si on sait bien sûr les distinguer et les saisir. Surtout si on fait usage de l’intégrité, du courage et de la détermination dont dispose chaque homme, on pourra déplacer des montagnes pour un développement exemplaire.

Quelles seraient tes solutions ou tes propositions pour le développement de l’Afrique ?

L’Afrique a besoin de gouvernements et de sociétés civiles intègres, dignes et responsables. Elle souffre surtout d’une  ingérence étrangère et de la balkanisation de ses frontières. Un affranchissement mental et une responsabilité collective sont donc nécessaires. L’Afrique doit savoir prendre le développement à sa source en commençant par  la mise en valeur du secteur agricole. On doit apprendre à exploiter nos marchés et pour les exploiter on doit encourager et subventionner les agriculteurs locaux, construire des usines pour favoriser la transformation sur place et enfin consommer ce que nous produisons. Comme le disait si bien Thomas Sankara «  produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons  ». L’exploitation des ressources naturelles africaines doit être assurée par des Africains pour que chacun puissent bénéficier d’une manière ou d’une autre de ces richesses. Il faut aussi favoriser l’émergence d’un marché africain et d’une Union africaine véritable. Cette  union naîtra des cendres de la désunion actuelles. L’Afrique reprendra sa  place tant attendue et pourra bercer à nouveau ses enfants et reprendre véritablement sa place de mère de l’humanité.

 Interview réalisée par Emmanuel Leroueil

L’enfer de nos universités

L’éducation nationale souffre de véritables maux. Depuis belle lurette déjà les grèves deviennent le lot quotidien de la maison du «  petit Nicolas ». La crainte d’une année blanche, le risque d’un taux d’échec élevé aux examens planent comme une épée de Damoclès. Cette instabilité constante dans le temple du savoir interpelle tout citoyen et ce à bien des égards.

Le monisme universitaire, symbolisé par l’existence d’une seule université, la fameuse Cheikh  Anta Diop, est certes en partie du passé, mais les problèmes universitaires n’en sont pas moins cruciaux. Pis ils tendent à croitre, malheureusement au summum de l’impénétrable. Les amphithéâtres accueillent toujours du monde, les mets du restaurant universitaire  n’ont rien encore de gastronomique (on se souvient de l’épisode de la fameuse viande avariée), les bourses tardent toujours à arriver, la cohorte des professeurs politiciens ne cessent de croitre Continue reading « L’enfer de nos universités »