Interview de Robert Sebbag, Vice-président de Sanofi-Aventis

SEBBAG-Robert-M. Sebbag, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs et revenir sur votre parcours, ainsi que votre rôle actuel au sein de Sanofi/Aventis ?

Je suis Docteur en médecine, spécialisé sur les maladies infectieuses comme le paludisme et attaché aux hôpitaux de Paris. Actuellement, je suis Vice-président chargé de problématiques liées à l’accès aux médicaments dans les pays du Sud. Je travaille avec le continent africain, notamment compte-tenu de l’importance des problèmes dont la zone est victime dans ce domaine.

Comment se définissent les actions de Sanofi/Aventis dans la région ?

L’Afrique, comme on le sait tous, fait toujours face à des difficultés quant à l’accès aux médicaments. C’est pourquoi Sanofi, disposant d’une expérience de près de quarante ans, a pris la décision de développer un département dédié intégralement à ce problème afin de participer à la prévention face aux maladies les plus récurrentes tels que le paludisme, la maladie du sommeil ou l’ulcère de buruli.

En dehors des géants de l’industrie pharmaceutique, quels sont les autres acteurs internationaux présents en Afrique ? Leur rôle demeure-t-il majeur par rapport à celui des acteurs locaux ?

La clé vers le sixième objectif du millénaire pour le développement (qui a pour principe de faire reculer des fléaux tels que le VIH/SIDA ou le paludisme ndlr) demeure le partenariat autour duquel différents acteurs du public et du privé se regroupent. Le partenariat fonctionne notamment sur une base de la complémentarité. Nous apportons les ressources nécessaires aux acteurs locaux et eux, en échange, nous apportent le savoir et les connaissances du terrain dont nous avons besoin pour nos diverses actions. C’est un partenariat d’équilibre.

Selon vous, quels facteurs expliquent que l’accès aux médicaments sur le continent africain demeure aujourd’hui un enjeu non encore résolu ?

Le problème de l’accès aux soins sur le continent africain est multifocal. Il existe de nombreux problèmes tels que ceux du prix, des infrastructures, de la formation et des ressources humaines.

Pensez-vous qu’il serait possible de concilier certains aspects de votre intervention avec la médecine traditionnelle ?

Dans un continent tel que l’Afrique il est impossible de faire l’impasse sur la médecine traditionnelle. Elle fait en quelque sorte parti du code génétique des populations africaines, et c’est pour cela qu’il est nécessaire d’établir le contact avec les acteurs de ce type de soins, afin de voir dans quelle mesure on peut concilier la médecine traditionnelle à la médecine occidentale plus sophistiquée.

Au-delà des maladies que l’on connait mieux comme le VIH ou la malaria qui agrègent les taux les plus élevés au monde, il semblerait que l’on assiste à une recrudescence de maladies non-transmissibles. Pourriez-vous nous en dire plus sur le nouvel enjeuque représentent « les maladies invisibles » pour la transition sanitaire en Afrique ?

Pendant longtemps, le travail effectué sur le continent africain a mis en priorité les maladies transmissibles, qui comme on le sait représente le taux le plus important du continent. Néanmoins il s’avère qu’aujourd’hui on tend à se concentrer également sur d’autres maladies chroniques, non transmissibles telles que le diabète, le cancer, les maladies cardiovasculaires ou neurologiques. On essaie d’aborder la santé d’une manière plus globale et d’apporter une réponse plus générale.

Même la santé mentale n’est pas laissée en rade. Vis-à-vis d’elle, il y a une certaine stigmatisation, une réaction d’exclusion face à ce phénomène qui fait peur, paraît irrationnel, voir surnaturel en ce qu’il est lié à l’esprit. Le problème est qu’il existe très peu de spécialistes. Dans certains pays on ne trouve simplement pas de psychiatre, ni de neurologue capable d’apporter des solutions rationnelles. Il faut former des gens afin d’expliquer et de créer une prise de conscience face à ce qui n’est en rien surnaturel mais réellement une maladie.

Lors de votre intervention aux journées du Havre organisées par le Nouvel Observateur, vous avez évoqué un problème de formation des médecins sur l’ensemble du continent…

Il ne s’agit pas simplement d’une crise des médecins mais une crise du corps médical et des agents sanitaires en général. Il faut former des médecins en fonction des besoins du pays, assurer qu’il y ait des débouchés…Tout cela dépend plus largement du budget qui existe au niveau des ministères en charge de la santé. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de plaquer des systèmes telles que les systèmes français ou américains, au contraire une prise en compte de la réalité du pays est nécessaire.

L’Afrique, dans certains domaines, se présente comme un continent à deux vitesses. Ce commentaire s’applique-t-il aussi au domaine de la santé et du médical ? Existe-t-il un ou plusieurs pays qui se distinguent par leurs prouesses dans le domaine ?

Il est vrai que dans le domaine de la santé et du médical l’on a l’intention première de considérer l’ensemble comme un tout qui va mal. Cependant globalement, l’Afrique présente aujourd’hui un très fort potentiel, avec, je dois dire, une certaine avancée de l’Afrique anglophone par rapport à l’Afrique francophone. Je suis notamment optimiste face à des cas tels que le Ghana, l’Angola et le Sénégal. Souvent il s’agit d’une question de ressources et de la situation politique du pays. La Côte d’Ivoire, par exemple, semblait bien lancée avant d’être déchirée par un conflit interne.

Pensez vous que le progrès dans le domaine médical en Afrique puisse s’accomplir à une échelle continentale, c'est-à-dire au travers d’une coopération entre les Etats Africains ? Faudrait-il créer une institution supranationale qui se consacre au domaine de la santé ?

Je ne pense pas qu’on ait besoin d’une organisation supranationale de plus, compte-tenu du bon nombre qui sont déjà présentes. Il n’est pas nécessaire de créer une nouvelle machine avec de nouveaux fonctionnaires, cela mettra trop de temps à se mettre en place. Ce qu’il faut, c’est un regard pays par pays afin de se rendre compte de ce qui existe déjà et s’en servir pour faire avancer les choses.

Ndeye Diarra

Les médicaments de rue, symbole de l’échec des politiques de santé

vendeur-medicamentsL’usage rationnel du médicament dans le traitement des maladies est en branle sur le continent africain. L’Afrique est toutefois à la traîne dans la création de ses propres laboratoires pharmaceutiques. Malgré les nombreuses maladies endogènes au continent noir, la majorité des médicaments continuent à être fabriqués dans le Nord pour le Nord. Face à cette situation, de nombreux Etats tentent de réagir. Par exemple, le Burkina Faso a adopté une politique nationale pharmaceutique visant à « mettre à la disposition des populations des médicaments essentiels, sûrs, efficaces, de qualité, disponibles sur l’ensemble du territoire et à moindre coût ». Malgré ce volontarisme apparent, l’Afrique reste la première destination des médicaments illicites. Les médicaments se vendent dans les rues au même titre que les cacahuètes, posant un véritable danger de santé publique. Mais comment en est t’on arrivé là? 

Un trafic juteux et organisé

Le circuit légal du médicament suit un processus à trois niveaux de transactions : entre industriel-grossiste, grossiste-officine et officine-clients. Toute commercialisation pharmaceutique sortant de ce cadre relève d’un circuit illicite. L’importation du médicament dans la plupart des pays africains nécessite plusieurs certifications fournies par les structures compétentes dont la DGPML au Burkina-Faso (Direction Générale de la Pharmacie du Médicament et des Laboratoires). L’authenticité du médicament est garantie à la frontière par les différentes certifications et attestée par les services douaniers. Cependant, des failles dans ce système de contrôle existent, qui favorisent un flux considérable de médicaments illicites sur les marchés africains. L’implication directe de certains douaniers et de certaines autorités dans ce commerce mafieux est indéniable, comme en témoigne le coup de filet de l’Organisation Internationale des Douanes en juillet dernier : en trois jours, 82 millions de médicaments illicites furent saisis dans 16 villes portuaires d’Afrique pour une valeur de 40 millions de dollars. Si ce marché illégal est aussi dynamique, c'est aussi parce qu'il a su se trouver sa clientèle. 

Une clientèle désemparée ?

Les raisons avancées par cette clientèle sont entre autre liées au coût exorbitant des médicaments dans les pharmacies, inaccessibles pour une majorité de la population. De ce fait, les consommateurs se rabattent vers le marché noir où les prix des médicaments, vendus au détail, leur sont plus accessibles. L’inaccessibilité géographique des pharmacies, surtout en zone rurale, comparée à la proximité des vendeurs ambulants est un élément à prendre en compte pour expliquer le succès de ce commerce illicite et dangereux. De plus, l’acquisition de médicaments en pharmacie nécessite un processus long et coûteux. Il faut d’abord consulter un médecin, avec les frais que cela exige, avant de pouvoir aller à la pharmacie qui occasionnera des dépenses supplémentaires. Pour toutes ces raisons, les consommateurs se rabattent vers « les pharmaciens de la rue ». Ce choix comporte toutefois plusieurs risques.  

medica-1d7e6Outre les répercussions économiques dues à la fraude et à la concurrence déloyale pour la profession des pharmaciens, le véritable danger demeure le risque que ces médicaments font peser sur la santé publique. Le principal danger à court terme est l’intoxication aigüe. La méconnaissance des prescriptions d’utilisation des médicaments par les usagers peut conduire à des overdoses entraînant vomissements, convulsions, douleurs abdominales, coma, ou même la mort, dans le pire des cas. A plus long terme, l’usage intempestif de médicaments de la rue facilement accessibles entraîne une accumulation lente d’effets toxiques sur l’organisme. C’est ce qui arrive aux consommateurs réguliers de l’Ibuprofène pour les douleurs musculaires et articulaires. L’usage répété de cet anti-inflammatoire occasionne des lésions digestives qui peuvent conduire à de l’ulcère gastrique.

Les « médicaments de la rue », vendus sans prescription médicale alors même que les usagers ignorent les traitements adaptés à leur mal, ou encore se laissent prescrire par « les pharmaciens de la rue », conduisent régulièrement à des échecs thérapeutiques. Au vue de toutes les complications que peuvent causer ces médicaments, dangers permanents qui sillonnent nos rues, des solutions doivent impérativement être trouvées pour une éradication définitive de ce fléau.

Quelles solutions ?

Ce trafic, comme tous les trafics illégaux, est entretenu et protégé par tous ceux qui en tirent bénéfice, de près ou de loin. Ce fléau est à ranger dans la longue liste des priorités en suspens par manque de volonté politique, alors même qu’il s’agit d’une question de santé publique cruciale. Pour plus d’efficacité dans la lutte contre ce commerce mafieux, les Etats Africains doivent aller au-delà des discours incantatoires, des incinérations médiatiques de quelques kilogrammes de médicaments illicites saisis aux mains des petits détaillants et combattre le mal courageusement à sa source. 

Les contrôles douaniers doivent être plus sévères surtout quand il s’agit d’exportation de médicaments et les législations pharmaceutiques en vigueur dans nos différents pays appliquées à la lettre. Tout comme dans la grande majorité des pays africains, la douane Burkinabè occupe une bonne place dans le classement des services les plus corrompus du pays. Des enquêtes panafricaines, indépendantes et discrètes, sont donc primordiales pour lutter efficacement contre les trafiquants et leurs complices cupides et avides.

En ce qui concerne le commerce légal de médicaments, la rareté ou même l’absence de pharmacies ou des petits dépôts pharmaceutiques légaux dans certaines zones rurales, ne laisse parfois pas le choix aux populations. Face à une douleur accablante et à un manque de pharmacies, le « pharmacien ambulant » entrant jusque dans les domiciles fait souvent figure d’homme providentiel. Des efforts doivent donc être faits à ce niveau pour une couverture complète de nos régions en pharmacies ou en dépôts légaux. Les subventions publiques de couverture médicale doivent être mises en place ou renforcées. Ce n’est qu’ainsi que la sensibilisation aux dangers des médicaments de la rue pourra être entendue et suivie d’effet.

 

Ismaël Compaoré et Kobéané Siaka 

Interview avec Ndèye Dagué DIEYE sur la situation des personnes handicapées au Sénégal

Actuellement responsable de la division Promotion Sociale des Personnes Handicapées au sein du ministère de la santé et de l’action sociale du Sénégal, Mme DIEYE milite depuis 30 ans en faveur de l’amélioration des conditions de vie des personnes en situation de handicap. En 2002, cette militante de cœur, Présidente du Comité des Femmes de la Fédération Sénégalaise des Associations de Personnes Handicapées, a été nommée innovatrice ASHOKA pour l’intérêt public. Mme DIEYE répond aux questions de Terangaweb sur son parcours, la situation des personnes handicapées, le regard que porte sur elles la société sénégalaise ainsi que les politiques publiques les concernant.

Terangaweb : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous parler de votre parcours ?

Mme DIEYE : Je suis membre de l’Association Nationale des Handicapés Moteurs du Sénégal depuis 1984 et présidente de la première section féminine de cette association. Enseignante de formation, je suis sortie de l’école normale des jeunes Filles Germaine Le Goff de Thiès. Durant ma première année de service, je fus affectée à Mbour ma ville natale, où j’ai adhéré à l’association nationale des handicapés moteurs du Sénégal. J’ai ainsi beaucoup milité à travers des actions de terrain telles que la sensibilisation au niveau des villes et villages du département de Mbour. Avec l’appui des partenaires, nous avons eu beaucoup de réalisations au profit des personnes handicapées (siège fonctionnel avec internat, maternelle, habitations pour certains leaders). Nous avons notamment beaucoup travaillé au rapprochement des enfants handicapés de leur habitation, à la dérogation de l’âge scolaire, à l’octroi de fournitures scolaires, de bourses d’études, etc. C’est après dix années de militantisme à Mbour que j’ai rejoint mon mari à Dakar où j’ai continué mes activités au sein de l’association.

Avec le comité national, nous avons aussi réalisé d’importants projets, aussi bien sur le plan national (élaboration de plans d’action, séances de sensibilisation, de lobbying, de plaidoyer, renforcement des capacités, participation active à l’élaboration des textes en faveur de personnes handicapées) qu’international (participation à des forums, séminaires sur les personnes atteintes de handicap en général et les femmes handicapées en particulier).

Après avoir servi au niveau du centre Talibou Dabo (un centre pour enfants handicapés physiques-NDLR), j’ai été affectée, en 2009, à la direction de l’action sociale, au sein de la division promotion sociale des personnes handicapées pour être non seulement plus proche de la cible mais aussi pour avoir plus de possibilités d’action par rapport à leurs dossiers de prise en charge et participer à l’élaboration de politiques et programmes les concernant. Au sein du ministère de la santé et de l’action sociale, je suis aujourd’hui responsable de la division Promotion Sociale des Personnes Handicapées, tout en étant par ailleurs Présidente du Comité des Femmes de la Fédération Sénégalaise des Associations de Personnes Handicapées.

Terangaweb : Quelles sont les raisons qui ont motivé votre engagement et quelles sont aujourd’hui les principales actions que vous menez au sein de votre association ?

Mme DIEYE : Lorsque j’ai été admise à l’Ecole normale des Jeunes Filles à Thiès, on a voulu m’exclure de l’école, soit disant parce que j’étais inapte à enseigner du fait de mon handicap. Et c’est après une lutte acharnée – avec notamment l’aide de mon père adoptif – que j’ai pu exercer. Cette expérience a véritablement constitué un moment fort de ma vie. Mon adhésion à l’association nationale des handicapés moteurs du Sénégal m’a confortée dans cette position : les personnes handicapées ne sont pas des citoyens à part mais des citoyens à part entière, avec donc des droits et des devoirs.

Au niveau de l’association, j’ai pu constaté à quel point de nombreuses personnes handicapées sont laissées à elles mêmes, souvent victimes de marginalisation avec une forte exposition à la pauvreté sous toutes ses dimensions. Au fur et mesure qu’on les amenait à se structurer à travers la sensibilisation, la formation à certains métiers et l’insertion professionnelle, on a pu noter des résultats positifs.

D’autre part, nous octroyons des fournitures et cadeaux aux enfants handicapés et autres enfants vulnérables tout en sensibilisant fortement les parents sur la nécessité de les envoyer à l’école. En outre, des causeries sont organisées sur la santé de la reproduction des femmes handicapées (planning familial, visites prénatales, etc.), sur la lutte contre le SIDA. Des activités génératrices de revenus ont aussi été mises en place pour les femmes handicapées (salon de coiffure, de couture, restaurants, petits commerces).

Par ailleurs, nous avons effectué du lobbying et organisé de nombreux plaidoyers ainsi que des campagnes de sensibilisation et d’information. Nous participons également aux grandes journées nationales telles que celles dédiées à la lutte contre la poliomyélite et à la lèpre. Dans le cadre de ce travail de mise en exergue de la question du handicap, nous avons aussi mis sur pied des ateliers pour l’appropriation des lois concernant les personnes handicapées (loi d’orientation sociale, convention internationale sur les droits des personnes handicapées).

Terangaweb : Existe-t-il au Sénégal des politiques publiques en faveur des personnes en situation de handicap (prise en charge de soins, insertion professionnelles, etc.) ?

Mme DIEYE : En matière de santé, une lettre de garantie est délivrée aux personnes handicapées pour leur prise en charge médicale (soins, analyses, hospitalisations, interventions) au niveau des hôpitaux agréés par l’Etat dans ce domaine.
Pour ce qui est de l’emploi, il existe un quota spécial de 15% pour le recrutement des personnes handicapées dans la fonction publique.
De façon plus générale, il existe un programme national de réadaptation à base communautaire qui s’articule autour de quatre volets : l’appareillage, le financement d’activités génératrices de revenus, le renforcement de capacités, les études et recherches sur le handicap. L’Etat attribue aussi des subventions aux organisations de personnes handicapées et aux structures d’encadrement.
Enfin, en ce qui concerne la législation, le Sénégal a ratifié la Convention Internationale sur les droits des personnes handicapées. Sur le plan national, le Sénégal a élaboré la loi d’orientation sociale en faveur des personnes handicapées. Cette loi nationale a pris en compte toutes les préoccupations des personnes handicapées (santé, éducation, formation, emploi, transport, accessibilité…). Trois décrets d’applications sont déjà élaborés et attendent d’être signés.

Terangaweb : Au delà des mesures que peuvent prendre les pouvoirs publics, les populations n’ont-elles pas un rôle primordial à jouer dans la prise en charge des personnes handicapées, à commencer par le regard que la société peut porter sur elles ?

Mme DIEYE : Les populations ont un rôle important à jouer en faveur de l’intégration des personnes handicapées. Cela doit d’abord passer par la famille qui, très souvent, tombe dans deux travers qui portent préjudice à la personne atteinte de handicap: soit elle délaisse l’enfant handicapé pensant qu’il ne peut rien faire, soit il le surprotège.
Le regard de l’autre vient encore accentuer ces préjugés qui ne font que freiner le processus d’intégration des personnes en situation de handicap et créer davantage de marginalisation. Plutôt que de mettre l’accent sur les incapacités des personnes handicapées, la société devrait privilégier leurs capacités et les accompagner.
S’il est vrai que la mise en œuvre de la loi d’orientation sociale élaborée pour les personnes handicapées nécessite un apport considérable de l’Etat, il faut aussi, de la part de l’ensemble de la société, une forte implication accompagnée d’un changement de mentalité pour vaincre les préjugés.

Terangaweb : Le Président de la République Macky Sall a placé au cœur de son programme la santé avec notamment la mise en place d’une couverture médicale universelle. Avez-vous un espoir de voir les problématiques liées au handicap être mieux prises en charge par les pouvoirs publics ?

Mme DIEYE : La mise en place d’une couverture médicale universelle est une décision bien accueillie par les personnes handicapées car la santé demeure un besoin essentiel et certaines personnes handicapées éprouvent d’énormes difficultés dans ce domaine.

Il reste cependant judicieux de noter que la question du handicap constitue une problématique transversale : les personnes handicapées ont certes des problèmes de santé, mais elles ont aussi des difficultés d’emploi, de formation, de transport, d’habitat. En d’autres termes, elles ont tous les problèmes que rencontrent les êtres humains mais que vient accentuer leur situation de handicap. C’est pourquoi la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées et la loi d’orientation sociale en faveur des personnes handicapées constituent des instruments juridiques conçus en tenant compte de toute la transversalité de la question. Donc ce que nous demandons pour une égalisation des chances pour les personnes handicapées, c’est leur application. En avant pour la signature des décrets d’application et la mise en œuvre effective de la loi.

Interview réalisée par Khady Marième

Le secteur de la santé en Afrique, un nouvel eldorado pour les investisseurs privés

Avec le taux de mortalité infantile le plus élevé au monde et 65% des personnes atteintes du SIDA qui s’y trouvent, l’Afrique est un continent où la santé est un enjeu encore plus crucial qu’ailleurs. Cela, les investisseurs privés l’ont bien compris.
Michel Pauron pour Jeune Afrique nous montre que selon une étude de Merrill Lynch, les investissements privés dans la santé sont les plus lucratifs après les infrastructures et les télécommunications. Pour exemple en Inde, la part du privé représente 80% des soins ambulatoires et 60% des soins en hospitalisation.
Aujourd’hui, on estime à un peu plus de 50% la part du privé dans le secteur sanitaire dans l’Afrique subsaharienne. Dans les prévisions à moyen terme, effectuées par la Société Financière Internationale, les besoins d’investissement dans la santé en Afrique, d’ici à 2016, seront supérieurs à 30 milliards de dollars. Les deux tiers seront assurés par le secteur privé. L’administration Obama a d’ores et déjà pris ses dispositions : « étendre son soutien à l’implication du secteur privé dans la prise en charge médicale en Afrique […] encourager les investissements dans la santé et élargir les programmes de santé internationaux du gouvernement. »

Cette nouvelle donne peut être observée sous deux angles différents : une opportunité formidable pour l’Afrique d’obtenir les moyens nécessaires au développement du domaine sanitaire, domaine clé dont dépend, en partie, le développement plus général de tout le continent ; ou une grande menace générée par ces grands groupes dont les visées sont avant tout lucratives, et qui seraient susceptibles de créer une Afrique à deux vitesses dans le domaine sanitaire.
La santé sur le continent noir s’avère être, en effet, un débouché très intéressant pour des investisseurs potentiels. Aujourd’hui, un centre haut de gamme peut générer 10 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel pour un investissement initial à peine supérieur à 3 millions de dollars. Pour Philippe Renault, chargé de mission au département santé de l’Agence française du Développement, le meilleur moyen de résoudre ce dilemme est de faire en sorte que le secteur privé se développe davantage en concertation avec le secteur public afin d’être mieux régulé et que la recherche du profit ne prenne pas le pas sur l’intérêt public.

http://www.jeuneafrique.com/Articles/Dossier/ARTJAJA2588p111-112.xml0/investissementla-sante-un-marche-comme-un-autre.html
 

Giovanni C. DJOSSOU