Les enjeux de l’arachide au Sénégal

Le mot « arachide » provient de « arachidna » une plante originaire du Brésil et du Pérou. Pourtant c’est le terme « cacahuète » qui aurait été plus précis pour designer cette plante oléagineuse mesurant 75 cm au plus et dont le cycle végétatif dure 3 mois environ. L’arachide est la 4ème plante alimentaire mondiale après le riz, le maïs et le blé. Le 1er producteur mondial d’arachide est la Chine, suivi de l’Inde, de l’Argentine et des Etats-Unis. Le Nigéria est le 1er producteur d’arachide en Afrique. Le choix de la filière arachidière au Sénégal s’explique par sa spécificité tant dans son introduction au XIXe par les colonisateurs Français que par son essor et son importance dans l’économie du pays.

L’arachide est introduite au Sénégal vers la fin de la 1ère moitié du XIXe siècle. Son introduction s’explique principalement par des raisons économiques que sont l’abolition de la traite négrière et le déclin de l'exploitation de la gomme arabique. L’exploitation de l'arachide devient une économie de substitution pour les colons Français, qui l'appellent symboliquement « Or du Sénégal » pour la couleur jaune de sa fleur et la richesse qu’elle représente. En moins d’un siècle, la culture de l’arachide va profondément bouleverser l’organisation socio-économique de plus d’un tiers de la population du pays. Le Sénégal est entre autre qualifié de pays de monoculture extrême, au point qu’une autorité du pays laissait un jour entendre que lorsque l’arachide se porte bien tout va bien.

Les dangers de la monoculture

La monoculture entraîne une perte de la biodiversité. Or, cette dernière est fondamentale pour le système du Vivant et son équilibre. Sur 1m² de surface naturelle vivent normalement des bactéries, des insectes, des végétaux, etc. Toutefois, quand l’Homme y plante de l’arachide, par exemple, et traite les sols avec des intrants artificiels, cette bande de sol s’appauvrit à long terme et au final elle ne capte qu’une petite partie de l’ensemble des éléments chimiques qui devraient naturellement y être présents. Le sol s’appauvrit alors. De plus en Afrique, les sols sont qualifiés de « vieux » et se dégradent vite contrairement aux sols en Europe où le climat est tempéré et les terres « jeunes ». Malgré de possibles avantages économique en termes de faciliter d'exploitation et de commercialisation, la monoculture a pour conséquence d'appauvrir les sols, de baisser les rendements et donc d'atrophier les économies des pays africains qui la pratiquent depuis plus d'un siècle.

Les facteurs de crise de la filière arachide au Sénégal

Même si le pays de la Teranga (hospitalité en langue Wolof) ne figure pas parmi les premiers producteurs mondiaux d’arachide, il est tout de même le 1er producteur d’huile d’arachide. Le Sénégal n’en demeure pas moins importateur d’huile de tournesol. "En 2005, plus de 250.000 tonnes de graines récoltées ont été vendues aux industriels locaux qui ont produit plus de 80.000 tonnes d'huile. 95% de cette huile est exportée, ce qui place le Sénégal au rang de premier exportateur mondial d'huile brute et procure un revenu en devises de plus de USD 90 millions" (Site Suneor). Les principaux acteurs de cette filière sont essentiellement les producteurs, les distributeurs et les commerçants. Les transformateurs peuvent aussi être ajoutés, surtout avec la délocalisation au Sénégal de la transformation d'arachide par la firme Lesieur pendant la seconde guerre mondiale. Qu’ils soient paysans, propriétaires terriens, chefs religieux tout simplement saisonniers, les acteurs de la production ont été et demeurent aujourd’hui encore les acteurs les plus faibles de la filière. Victimes et quelquefois coupables, ils souffrent de la spéculation des acheteurs, des prix fixés sans leur consultation, de bons impayés, des fluctuations du marché intérieur et extérieure, des politiques libérales de l’Etat et des mesures prônées dans le cadre des plans d’ajustement structurel des institutions financières internationales : Banque Mondiale et Fond Monétaire Internationale.

Sous le prisme des producteurs, le constat est effrayant : le secteur est en crise. Celle-ci ne date pas d’aujourd’hui. Les maux qui gangrène la filière remontent à ses débuts et pourtant perdurent. En 2001, l’Etat dissout la Sonagraine et libéralise la collecte, alors que l’histoire a déjà montré les limites de cette libéralisation. Bons impayés de la part des intermédiaires ou collecteurs, méfiance et spéculation, prix de la production bradés dans les loumas (marchés hebdomadaires) à des niveaux atteignant parfoit la moitié du prix fixé par l’Etat. La mauvaise gestion des semences et des récoltes des paysans les entraîne dans un cercle infernal de dettes. La culture de l’arachide épuise et appauvrit les sols, poussant les paysans à augmenter les surfaces cultivés. Les sols sont en danger et les terres sont bradées aux étrangers. La surproduction se couple au déficit ou à l'inadaptation des lieux de stockage. Enfin des politiques agricoles incohérentes, parfois soumises au diktat extérieur,  sans oublier la baisse du cours des matières premières depuis 1970, sont à ajouter aux facteurs de crise de la filière arachide au Sénégal. Face à ce constat, que faire ?

Les solutions de crise

L’Etat comme les producteurs doivent entamer la sortie de la monoculture de rente, valoriser et diversifier les utilisations de l’arachide, produit dont la  plante comme la coque et le fruit peuvent servir de nourriture à l’Homme ou aux bêtes de somme. De plus, il convient de renouer le dialogue social et la coopération entre les producteurs, les intermédiaires, l'Etat et les bailleurs sociaux internationaux. Cela passe par une meilleure protection des marchés locaux  est des revenus des producteurs. Toute solution devra passer par la mobilisation consentante des producteurs locaux. L’épanouissement à partir de la base, voilà le défi que l’Afrique, et l’humanité en général, doit relever pour son progrès, et aujourd’hui sa survie.

 

Enghoungban Séraphin Georges IVANHOE, article initialement paru chez notre partenaire Njaccar

Crise casamançaise au Sénégal: comment gagner définitivement la paix

Le 26 décembre 1982 l’Etat sénégalais commettait l’irréparable en réprimant sévèrement la première manifestation indépendantiste à l’appel du MFDC (Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance). Depuis, une partie de la population issue de la Casamance est entrée en rébellion, faisant ainsi du conflit casamançais un des plus longs d’Afrique contemporaine. Dans la mesure où toute autorité est contestable, il va sans dire que l’idée d’une rébellion casamançaise reste à priori envisageable puisqu’un rebelle n’est en rien un scélérat mais celui qui s’oppose et qui remet en cause une autorité. Dès lors, il convient de s’intéresser aux causes du conflit avant de dresser le bilan des 28 années de cette drôle de guerre pour enfin esquisser les solutions susceptibles d’aboutir à une paix des braves.

Le conflit casamançais, à l’image de tous les irrédentismes africains, n’échappe pas à l’approche déterministe qui fait la part belle à l’économie et à l’ethnicité. En effet, les grilles de lecture dominantes privilégient trois hypothèses. La première est celle ethnico-religieuse qui tente d’opposer des musulmans du nord à des chrétiens Joola du sud. Cette hypothèse semble de plus en plus invalidée puisque 86% des casamançais sont musulmans et que la principale zone pourvoyeuse de rebelles (le Blouf) est musulmane. Par ailleurs, bien que le noyau dur de la rébellion soit joola la rébellion a aussi ses Peulhs, ses Malinkés, ses Manding, ses Manjak…La seconde hypothèse socio-économique souligne l’inégal développement de la Casamance par rapport aux régions du nord du pays. Cette théorie de l’inégal développement entre un centre et sa périphérie reflète une réalité indéniable : la concentration des investissements dans le secteur Dakar-Thiès. Cependant, cela n’explique pas pourquoi la rébellion a éclaté dans la partie la plus riche et la plus développée de la Casamance et non pas en Haute Casamance bien plus pauvre et bien plus déshéritée. La troisième hypothèse purement politique met en évidence des « entrepreneurs politiques » qui instrumentalisent un discours nationaliste et populiste.

Par ailleurs, beaucoup d’eau a coulé sous le pont Emile Badiane de Ziguinchor depuis la marche réprimée de 1982. Sol d’opposition du conflit, la Casamance paie au prix fort cette drôle de guerre avec environ 5000 morts, d’innombrables déplacés, le tout dans une région économiquement exsangue. De plus, la présence d’acteurs protéiformes – ONG, MFDC, Etats (Sénégal, Gambie, Guinée Bissau) et narcotrafiquants – confère à la crise casamançaise une dimension sous-régionale, voire internationale. Cette complexification croissante du conflit a manifestement abouti à son enlisement mais surtout à son singulier paradoxe. En effet, s’il est quasiment certain que le MFDC a perdu la guerre, l’Etat sénégalais n’a pas pour autant gagné la paix. Guérilla acéphale, matériellement affaiblie et populairement désavouée, le MFDC n’a atteint aucun de ses objectifs. Quant au blocage du processus de paix, il est imputable au seul Etat sénégalais qui fait preuve, par son refus d’entamer de véritables négociations avec le mouvement indépendantiste, d’un indéniable autisme politique. Il semble que les autorités compétentes en charge du dossier aient privilégié la « stratégie du pourrissement de l’intérieur ». Cependant, ce choix s’avère irresponsable en témoigne la reprise des combats en 2009 ; combats durant lesquelles quelques centaines de maquisards ont pu tenir tête aux forces gouvernementales.

Par conséquent, les acteurs directs ou indirects de la crise s’accordent sur quelques points afin de conclure une paix des braves :

1- Renforcer les moyens militaires de l’armée régulière

2- Permettre aux cadres casamançais de mettre sur pied les Assises du MFDC afin que ce dernier ne puisse parler que d’une seule et même voix

3- Associer les autochtones (jeunes surtout) et les pays limitrophes (Gambie et Guinée Bissau) au processus de paix

4- Combattre les « fossoyeurs de la paix » qui se nourrissent du sang des sénégalais

5- Investir massivement dans la région pour redynamiser son économie et pour combattre le chômage

Les armes ont parlé. Nous avons tous écouté et tous entendu ce qu’elles avaient à dire. Dorénavant, elles doivent se taire pour laisser place au dialogue car c’est faute d’un véritable espace de débat que le conflit n’a pu être résolu.

Ndiengoudy Sall

Article initiallement paru chez Le courrier du Visionnaire

L’économie du sorgho et du mil : faits, tendances et perspectives

Le sorgho est la cinquième plus importante céréale dans le monde, qu’il s’agisse du volume de la production ou des superficies cultivées. Le mil se classe au septième rang et regroupe un ensemble de céréales qui ont pour caractéristique commune la petitesse de leurs graines. Environ 90% des superficies cultivées en sorgho et 95% des superficies cultivées en mil se trouvent dans les pays en développement, surtout en Afrique et en Asie. Ces cultures sont généralement pratiquées dans un écosystème où la pluviométrie est faible, donc prédisposé à subir la sécheresse. La plupart de ces régions ne se prêtent pas à la production d’autres céréales, à moins qu’on irrigue les champs. Le sorgho est utilisé en alimentation humaine et animale, alors que le mil est presque exclusivement utilisé en alimentation humaine.

Le sorgho entre cultures intensives et cultures extensives

L’économie mondiale du sorgho regroupe globalement deux systèmes de production et d’utilisation bien différenciés. Un premier système est intensif, commercial et la production est principalement utilisée en alimentation animale. On le trouve dans les pays développés et certaines parties de l’Amérique latine et des Caraïbes. Les hybrides, les engrais et les technologies modernes d’exploitation de l’eau sont largement utilisés; les rendements moyens atteignent 3-5 t/ha. Ce système de production commercial est pratiqué sur moins de 15% des superficies cultivées en sorgho, mais il compte à lui seul pour plus de 40% de la production mondiale. Environ 40% du grain ainsi produit est commercialisés sur les marchés internationaux des aliments du bétail.

Un second système est extensif, à faible apport d’intrants et la production est principalement utilisée en alimentation humaine. On le trouve dans les pays en développement (avec quelques exceptions en Amérique latine et dans les Caraïbes). Des variétés améliorées sont parfois cultivées, surtout en Asie, mais la culture demeure généralement moins intensive que dans le système commercial. Les taux de fertilisation sont bas et l’adoption des technologies de conservation de l’eau reste faible. Dans plusieurs régions, les rendements moyens ne sont encore que de 0,5 à 1,0 t/ha. En Afrique et en Asie, les systèmes de production du mil se caractérisent généralement par des pratiques extensives (plutôt qu’intensives) de production et une faible adoption des variétés améliorées. Les rendements stagnent à 0,3-1,0 t/ha. Des hybrides sont cultivés dans certaines parties de l’Asie, mais les variétés traditionnelles occupent encore la plus grande partie des superficies cultivées en mil. Peu de paysans appliquent des engrais ou des techniques améliorées de conservation de l’eau.

Le sorgho et le mil sont d’une importance vitale dans le monde, car ils contribuent à l’alimentation des familles dans les régions les plus pauvres et où la sécurité alimentaire est la plus précaire. Dans les principales régions productrices d’Afrique et d’Asie, plus de 70% du sorgho et 95% du mil sont consommés par l’homme. Les paysans qui y vivent n’espèrent souvent que produire suffisamment de grain pour satisfaire les besoins alimentaires de leurs familles – et plusieurs n’arrivent même pas à atteindre ce modeste objectif. Dans ces régions, une petite partie seulement de la récolte est vendue, surtout sur les marchés locaux. En Afrique, les facteurs agro-climatiques responsables de l’insécurité alimentaire sont d’autant plus pernicieux qu’ils limitent l’adoption des technologies améliorées. Les paysans, vivant souvent au seuil de la subsistance, trouvent risqué d’investir le peu qu’ils ont dans de nouvelles technologies. L’investissement requis pour changer de semences est minime et de plus en plus de paysans utilisent les nouvelles variétés. Cependant, ils sont moins enclins à investir leurs maigres ressources monétaires dans l’achat de fumier ou d’engrais chimiques. On alloue peu de capital et de temps de travail familial pour la fertilisation et les travaux de conservation de l’eau, car on estime pouvoir obtenir un meilleur rendement en investissant ces ressources dans des activités agricoles autres ou dans des entreprises non agricoles. Par exemple, l’éducation et l’agriculture peuvent être en concurrence directe lorsque vient pour le paysan le temps d’investir le peu qu’il a.

L'amélioration de la culture du sorgho et du mil en Afrique et en Asie

Au cours des dernières années, la production du sorgho et du mil a augmenté en Afrique. Ce gain provient essentiellement d’une augmentation des superficies cultivées. Les rendements n’ont pas augmenté; ils ont même diminué, car les cultures ont débordé sur des terres encore plus marginales. Cela, dans des régions déjà prédisposées à subir la sécheresse. Cependant, les paysans devraient commencer à intensifier leurs pratiques, car les contraintes liées à la terre deviennent plus serrées et les coûts de production des déficits alimentaires augmentent. En Asie, l’infrastructure commerciale est relativement bien développée, surtout dans les régions plus densément peuplées. L’adoption des technologies améliorées a été plus rapide et plus généralisée qu’en Afrique. Au cours des trois dernières décennies, l’augmentation des rendements a été sensible. Cependant, dans les régions plus sèches et moins densément peuplées, la situation ressemble à celle trouvée en Afrique (agriculture traditionnelle, faible adoption des technologies nouvelles et améliorées, insécurité alimentaire).

Les débouchés économiques du sorgho et du mil

Les superficies cultivées en sorgho et en mil ont diminué dans les pays asiatiques. L’augmentation lente de la productivité et les bas prix payés aux producteurs ont réduit la compétitivité de ces céréales. Dans plusieurs régions, ces cultures ont été remplacées par d’autres plus rentables, ou déplacées sur des terre marginales où leur adaptation aux conditions sèches et moins fertiles leur donne un avantage comparatif. Presque tout le sorgho transité sur les marchés internationaux est destiné à l’alimentation animale. Le système de production commercial du sorgho des pays développés, de l’Amérique latine et des Caraïbes repose sur ce commerce. L’utilisation du sorgho en alimentation animale a diminué progressivement au cours de la dernière décennie, car cette culture a été particulièrement affectée par des modifications apportées aux politiques agricoles dans plusieurs pays. Cependant, les perspectives de la demande pour le sorgho fourrager sont prometteuses, surtout en Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Cela devrait renforcer l’économie du sorgho dans ces régions.

De petites quantités de sorgho sont utilisées par l’industrie alimentaire pour la production de farine et de bière. Les perspectives d’expansion de ce marché sont bonnes, si les rendements du sorgho augmentent assez rapidement pour rejoindre ceux des céréales concurrentes et si les coûts de commercialisation restent bas. De faibles quantités de mil sont échangées sur le marché international des graines pour les oiseaux. Ce commerce se fait surtout entre pays développés et ses perspectives d’expansion sont limitées. Le commerce du mil comme denrée alimentaire est essentiellement un commerce transfrontalier. L’augmentation de la production du mil servira surtout à résorber des déficits alimentaires localisés.

La sécurité alimentaire est encore le but premier des efforts faits pour améliorer les économies mondiales du sorgho et du mil. Pour la majorité des paysans, une augmentation de la production se traduira directement par une consommation plus grande de ces céréales et une meilleure nutrition. Lorsque les besoins alimentaires des ménages seront satisfaits, une part plus grande de la production sera acheminée vers les marchés régionaux. Une production et une productivité accrues permettront d’augmenter les revenus, ce qui est particulièrement important dans les régions où ces cultures sont produites, car on y trouve les populations les plus pauvres au monde.

Sadio SANGHARE
Sources : www.fao.org

Article initiallement paru sur Njaccaar Visionnaire Africain

It’s time for Africa!

Le 21eme siècle sera résolument africain. Le « Grand jeu » du siècle naissant s’y déroule. En effet,  depuis peu, notre continent fait l’objet d’une attention inhabituelle de la part de la presse occidentale et des essayistes en mal de prospective. Cet attrait soudain ponctue la longue   époque de la  littérature afro pessimiste, alarmiste et catastrophiste. Le temps de l’Afrique semble arrivé. Le continent entame une nouvelle ère qui clôt le trop long chapitre de la décolonisation et du néocolonialisme.

Désendettées et débarrassées de la tutelle des institutions internationales,  les nations africaines reprennent en main leur destin. Longtemps objets de politique extérieure, elles deviennent pleinement sujets des relations internationales. Conséquence plus que cause de ce changement d’époque, le foisonnement d’acteurs géopolitiques présents sur le continent rappelle à qui veut l’entendre que notre terre n’est désormais la chasse gardée, ni le pré carré, de personne. A l’aube de ce siècle naissant, l’Afrique savoure enfin les premiers fruits de son indépendance. Jadis marginalisée, elle redevient une pièce maitresse du grand échiquier mondial.

Objet de convoitise, elle abrite ainsi le sol d’opposition de l’impitoyable affrontement  entre les puissances du monde contemporain. Nul besoin d’évoquer l’importance des ressources géologiques  dont  le capital serait évalué à 50.000 milliards de dollars. L’Afrique des années à venir engendrera des externalités globales. A l’horizon 2030, il s’agira de nourrir,  loger et  construire un vaste espace de près de 2 milliards d’habitants. Notre continent sera courtisé aussi bien comme interlocuteur économique que comme partenaire diplomatique. L’offensive de charme de la chine, qui vacille entre prédation et stratégie gagnant-gagnant, reste représentative de cet attrait soudain et de ce subit regain d’intérêt pour le berceau de l’humanité.

Les Etats Unis, par l’intermédiaire de l’administration Obama, procèdent à une refonte de leur politique en Afrique dans le cadre d’une stratégie d’endiguement du fondamentalisme  islamiste. Quant à l’Europe, elle se fait tailler des croupières. Empêtrée dans l’impasse institutionnelle de la construction européenne, elle peine à croire aux bouleversements qui s’annoncent à ses portes. Le vieux monde perclus de conservatisme semble incapable de remettre en cause les schémas du passé et  de s’émanciper de sa posture charitable et paternaliste face à des nations africaines qui avancent à toute vitesse et qui ne l’attendront pas. Les vieux démons du continent, potentats adoubés par l’occident, sont tour à tour renversés par la force du ciel ou par celle des peuples, emportant avec eux la nébuleuse Françafrique.

Cependant, s’il appartient aux partenaires de l’Afrique de prendre conscience des opportunités de l’émergence stratégique du sous-continent, il revient aux africains de les saisir. Cette Afrique nouvelle, émancipée et convoitée, devenue  sujet et maitre de son propre destin, n’a d’autre choix que de se doter des capacités institutionnelles qui lui permettront de défendre ses intérêts et d’exercer  ses  responsabilités collectives. Cette atomisation  des nations africaines  doit laisser place à l’unité afin de nous faire entendre dans le concert des nations. Les échecs du panafricanisme ont certes produit un certain désenchantement  exacerbé par les prophètes du cauchemar africain mais elle ne doit en aucun cas menacer  notre  engagement.

Ce texte est un appel renouvelé à tous les panafricanistes dans ce long combat qu’est celui de la fédération des forces vives. A elle seules revient l’immense tache de déjouer les pronostics fatalistes sur l’avenir de l’Afrique, comme ont pu le faire, avant nous, les élites asiatiques face à la condamnation sans appel du rapport Pearson. L’Afrique est en marche.

Ndiengoudy Sall

Article initiallement paru sur Njaccaar Le courrier du Visionnaire

Quelle maîtrise de la hausse mondiale des prix alimentaires en Afrique de l’Ouest ?

La réaction des autorités gouvernementales en Afrique de l'Ouest suite à la flambée des prix alimentaires mondiaux en 2007-08, a été prompte et immédiate du fait des manifestations de mécontentement des consommateurs urbains. Les décideurs de la sous-région ont apporté des réponses variées dans le court terme, en mettant en œuvre des mesures d’urgence comme la suspension des droits de douane et/ou de la TVA, la fixation et le contrôle des prix de produits de première nécessité, les subventions à la consommation, ou l’interdiction d’exporter des denrées alimentaires.

Cet article examine ces mesures, analyse leur répercussion sur les marchés intérieurs et évalue leur efficacité par rapport aux objectifs qui leur ont été assignés. Il s’inscrit dans le cadre d’une étude réalisée par les systèmes d’information sur les marchés (SIMs),sous la supervision technique de PROMISAM/Michigan State University, réalisée en janvier 2010 avec le financement de « la Fondation Syngenta pour une Agriculture Durable ». L’étude a couvert le Burkina, la Guinée-Conakry, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger et le Sénégal. Ces pays sont pour la plupart très dépendants des importations de riz.

Impact des exonérations de taxes sur les importations

Au Mali, les exonérations de taxes sur les importations ont porté sur le riz avec la suppression de la TVA et des droits de douanes en 2008 et 2009. Ces mesures ont eu un effet sur les prix à la consommation du riz importé, peu d’impact sur celui du riz local et un effet stabilisateur sur le prix à la consommation des céréales sèches (Cf. Efficacité des politiques de stabilisation des prix alimentaires en Afrique de l’ouest, Galtier, 2009). Au Niger, la détaxation sur le riz et le sucre s’est soldée par un manque à gagner d’environ 12 milliards de Fcfa en 2008, sans grand effet sur le niveau des prix. Au Burkina, de février à mars 2008, le gouvernement a pris des mesures de suspension des droits de douane à l’importation du riz, du sel, des produits à base de lait ainsi que la suspension de la TVA sur le blé dur. Mais l’inflation générale n’a pas été combattue pour autant. En Côte d'Ivoire, des allègements fiscaux significatifs ont été consentis sur le riz, la viande, le lait, l’huile de palme raffinée, la tomate, le sucre, la farine et le poisson. Au Sénégal, la suspension des droits de douane de 10 % sur le prix du riz à partir de 2007 a été insignifiante pour juguler une hausse de prix de 60% et a engendré un manque à gagner de l’ordre de 30 milliards de Fcfa sur la période allant de juillet 2007 à mars 2008. En Guinée, ce sont environ 22 milliards de FG de manque à gagner enregistrés sur les droits de douane sur les importations de riz.

En résumé, bien qu’adaptées à la situation d’inflation «importée », les exonérations sur les importations ont eu peu d'impact sur le niveau des prix domestiques. De plus, la charge a pesé lourdement sur les finances publiques. Ces résultats militent en faveur de la mise en place de filets de sécurité ciblés dont l’objectif est d’apporter une réponse pérenne à l’instabilité des prix alimentaires.

Impact des prohibitions des exportations

La prohibition systématique des exportations a été une politique assez couramment utilisée en Afrique dans les situations de crise alimentaire. Bien que plusieurs pays de la sous-région aient eu recours formellement ou informellement à cette forme de restriction, peu de pays ont en réalité réussi à réduire les prix domestiques et à garantir un accès aisé aux denrées de première nécessité à leurs populations. Au Mali, un des pays ayant officiellement reconnu avoir utilisé cette politique, l’effet de la prohibition a eu un effet mitigé sur le prix à la consommation du riz et des céréales sèches. En effet, cette mesure a été contournée par certains opérateurs et des taxes informelles ont été perçues au détriment des caisses de l’Etat. De même, les périodes de prohibition de juillet à septembre 2007 et de janvier à novembre 2008 n’ont pas empêché les prix à la consommation en général de grimper au niveau de la plupart des marchés transfrontaliers avec un effet dépressif sur les prix à la production.

Selon Diarra et Dembélé [Cf. Reconnaissance rapide sur l’impact des restrictions à l’exportation des céréales en 2008 au Mali, 2008), cette mesure a entrainé une hausse des stocks de l’ordre de 10000 tonnes de maïs à Sikasso et Koutiala et 200 tonnes de mil à Niono en partance pour la Mauritanie. Paradoxalement, la mesure n’a également pas empêché un accroissement des transactions de céréales entre le Mali et le Niger d’une part et le Mali et le Sénégal d’autre part. Les flux de maïs du Mali et de la Côte d’Ivoire sont passés de 8384 tonnes à 10810 tonnes. Selon la plupart des analystes, les restrictions aux exportations n’empêchent pas en réalité la sortie de céréales aussi longtemps que les écarts de prix entre pays voisins incitent au commerce. L’expérience vécue au Mali en est une parfaite illustration.

Impact du soutien à la production

L’idée du soutien à la production repose sur l’hypothèse qu’un meilleur accès aux intrants augmentera la production qui à son tour fera baisser les prix. Pour faire face à la crise alimentaire mondiale, la plupart des pays ont invoqué l'objectif d’autosuffisance alimentaire afin de réduire leur dépendance aux importations. Au Sénégal, la grande offensive pour la nourriture et l’abondance (GOANA) a visé la production de 2 millions de tonnes de maïs, 3 millions de manioc, 500000 tonnes de riz, 2 millions de céréales sèches… pour un coût estimé à environ 344 milliards Fcfa. Au Mali, le gouvernement a fixé un objectif de production de 1 million de tonnes de riz marchand pour un coût évalué à environ 42, 6 milliards Fcfa pour rendre disponible à des coûts abordables les intrants (vente d'engrais à crédit, semences subventionnées à 60%) et les équipements agricoles. Au Burkina, durant la campagne 2009-2010, environ 100000 ha de riz ont été emblavés pour une production estimée de 300000 tonnes, soit 20% de hausse par rapport à l’année précédente. L’objectif est de faire baisser les prix au consommateur tout en évitant une trop forte baisse des prix au producteur.

Mais, l’expérience a souvent démontré que cette politique s’avère difficile à mettre en œuvre (retard dans l’approvisionnement, qualité des intrants, faible accompagnement par la vulgarisation). Au Mali, l’initiative riz a entrainé une augmentation significative de la production et de l’offre de riz sur les marchés mais malgré cette offensive, les prix à la consommation du riz, du mil et du sorgho ont connu une relative hausse entre mai et septembre 2009. Seul le prix du maïs a connu une certaine stabilité durant la période. Au niveau de la plupart des pays étudiés, la politique des subventions aux intrants a été coûteuse et les technologies utilisées peu performantes. Dans certains cas, les problèmes de gouvernance dans la fourniture des intrants ont plutôt servi à entretenir des réseaux clientélistes (Galtier, 2009) au détriment des effets de stabilisation recherchés.

Effets des stocks publics et privés

Les stocks publics consistent à gérer les excédents et les déficits. Une bonne récolte ou succession de bonnes récoltes génère des excédents, qui font chuter les prix et si on veut empêcher ceux-ci de descendre trop bas, il est nécessaire de retirer des excédents du marché. Réciproquement, en cas de mauvaises récoltes, il sera nécessaire d’alimenter le marché pour empêcher les prix de monter trop haut. Suite à la flambée des prix, la plupart des pays ont réagi en relevant les prix minimum afin de reconstituer les stocks publics et stabiliser en temps opportun les prix intérieurs. Le niveau des stocks nationaux de sécurité alimentaire (SNS) de 50000, 35000, 45000 tonnes respectivement au Niger, Mali et Burkina, n’ont hélas pas toujours permis de réduire significativement la vulnérabilité des populations ou d’éviter les pics de prix pendant les périodes de soudure dus à la faiblesse des stockages interannuels. Dans la réalité, ce sont les stocks privés plutôt que les stocks publics qui, en année normale, amortissent la saisonnalité des prix à la consommation des céréales.

La forte saisonnalité des prix à la production est en général expliquée par la faiblesse des stocks-producteurs. Bien que les stocks publics se soient avérés utiles, leur achat et leur entreposage imposent inévitablement d’importants coûts budgétaires et leur efficacité est limité dans le temps. Cependant, leur influence est réelle par les effets d’annonce. Pour résumer, les effets des stocks publics sont importants mais la régulation de l’offre ne peut se faire sans une intensification des échanges internes, sans l’amélioration des conditions du stockage privé et sans le recours au marché international (Galtier, 2009).

 

Boubacar Diallo, Nango Dembélé, John Staatz, article initialement paru sur Njaccar

 


Thiat, rappeur et porte-parole du mouvement « Y en a marre »

Notre nouveau partenaire, Njàccaar, est allé à la rencontre de Thiat du groupe de rap Keurgui, les initiateurs du mouvement « Y’en a marre ». Ce mouvement a réussi à catalyser la contestation de la jeunesse sénégalaise face aux difficultés de la vie quotidienne et des dérives du pouvoir du président Abdoulaye Wade.

Parlez-nous de la naissance du groupe KEUR GUI.

Thiat : Le groupe a été créé pendant l’année scolaire 96-97. C’était l’année scolaire où il y avait une grève générale et où nous sommes restés 3, voire 4 mois, sans pratiquement faire cours. J’ai été gréviste, je faisais partie du noyau dur. Au temps, nous faisions sortir les écoles privées. J’étais dans une école privée, j’avais rien demandé, comme ceux qui étaient dans le public. Donc, je me suis dit que c’était pas normal que nous qui étions dans le privé fassions cours tout simplement parce que nos parents avaient les moyens alors que les autres étaient sacrifiés, c’était pas juste. C’est pour ça que je faisais partie du noyau dur. Kilifa et moi, on a toujours habité le même quartier. Lui-même était gréviste et on faisait ensemble les plateformes de revendication et autres; ça nous a plus rapprochés et à un moment donné, nous nous sommes dit : « pourquoi ne pas élargir notre champ, parler à une échelle supérieure? ». On a commencé à écrire les textes, et la seule musique qui collait, c’était le rap. Voilà un peu la genèse de Keur gui !

Parlez-nous du parcours du groupe.

Thiat : Nous avons commencé en 98. Nous avons eu des problèmes avec le maire de l’époque, Abdoulaye DIACK, qui nous a fait mettre en prison, qui nous a fait tabasser, sans compter les nombreuses tentatives de corruption qui n’ont pas marché, évidemment. En 99, nous avons failli sortir notre premier album après qu’on ait gagné la "semaine de la jeunesse" à Dakar, mais l’album a été censuré : 4 morceaux ont fait l’objet d’une motion de censure, donc l’album n’a pas vu le jour. C’est seulement en 2002 que nous avons sorti notre album intitulé « Ken bouguoul » (personne n’en veut). C’était quand même un album plutôt régional qui parlait plus des problèmes de Kaolack. En 2004, nous avons sorti « Li rame » c’est l’album qui nous a vraiment lancés sur le plan national. En 2008, nous avons sorti « Nos Connes Doléances ». Et de 2008 jusqu’à ce jour, il s’est passé beaucoup de choses.

Comment s'est fait le choix de vos noms ?

Thiat : Dans les années 90, les noms des rappeurs commençaient toujours par « DJ » , « MC », avec des noms américains ou français en sus. Mais comme nous, déjà, nous étions une famille, il fallait rester dans le même contexte avec des noms qui nous parlaient et nous correspondaient, d’où le nom du groupe « Keur gui » qui signifie "la maison", Kilifa qui signifie "le chef de famille", il y avait « Taw » qui est l’aîné de la maison et « Thiat » qui est le cadet de la maison. La maison, c’est la société en miniature. Tout sort de la maison : le bon et le mauvais; c’est le monde en échelle réduite, le principe de la macro/micro.

Vous êtes les précurseurs du mouvement « Y EN A MARRE ». Quelles sont les motivations de ce mouvement et pourquoi l'avoir lancé  ?

Thiat : L'idée initiale est née d'un mécontentement après une énième coupure d'électricité, alors qu'on savait que les factures allaient être encore plus lourdes que les précédentes et qu'il faudrait les payer. Des amis journalistes, notamment Fadel Barro et Alioune Sané, nous ont dit : « Mais vous êtes trop laxistes ! Vous vous dites engagés et tout, mais il faut faire quelque chose ». Cela était d'autant plus vrai que les imams avaient déjà appelé la société sénégalaise à boycotter les factures d'électricité pour protester contre les coupures. C’est une honte de voir que même le 3e âge s’y met plus que nous, les jeunes. On s’est dit que le rap est bien un moyen de communiquer, un instrument pour conscientiser l’opinion publique, mais qu'au point où en sont les choses, le rap ne serait pas suffisant puisque tout le monde ne l’écoute pas. Donc, nos amis avaient bien raison de nous rappeler que c’est lâche, en tant que jeunes, de ne rien faire dans la situation où nous sommes. Ecrire des textes engagés, dénoncer, c’est bien ! Mais ça ne suffisait plus. Alors, nous avons longuement discuté pour pouvoir mettre en place quelque chose. Au début, nous nous sommes dit qu’il fallait lancer un slogan, mais avec un concept tout de même derrière. Nous avons commencé par « ras-le-bol », «ça suffit », « une goutte de trop » et finalement nous avons opté pour « Y EN A MARRE » car le peuple en a vraiment marre.

Quels sont les objectifs du mouvement ?

Thiat : C’est un mouvement apolitique, pacifique, qui n’a aucune appartenance politique ni religieuse, mais qui reste au milieu et qui joue le rôle de sentinelle. Nous l’avons créé le 16 janvier et lancé le 18 janvier 2011. Le mouvement catalyse des réflexions, des perspectives, et des idées que nous voulons apporter pour le développement socio-culturel et politique. Nous avons remarqué que les jeunes ne s’intéressent pas trop à la politique, ce qui est très dangereux car les affaires politiques sont les affaires de tout le monde, les affaires de tout le monde sont des affaires politiques. La politique, c’est l’art de gérer la société et de toute façon, quand on s’occupe pas de la politique, c’est elle qui s’occupe de nous. Alors, il faut que les jeunes ne se laissent pas enfermer dans les caricatures du genre « la politique, c’est l’affaires des plus âgés ». " Y en a marre ", c’est une façon de faire ce qu’on appelle l’éveil des consciences, l’éveil des masses populaires, c’est faire savoir aux jeunes que le pouvoir c’est le peuple et redonner ainsi au peuple sa voix car y en a marre de voir que plus rien n’est pour le peuple, ni fait par le peuple, alors qu’on prétend être une démocratie. La devise du Sénégal qui était « un peuple-un but-une foi » est devenue aujourd’hui « une famille-un but-s’enrichir ».

Dans notre pays, nous avons deux forces : l’élite politique et l’élite religieuse. Et, il faut le dire, ces deux élites se sont alliées contre le peuple. Il faut donc une autre force pour les contrer, une force qui appartienne à la société civile. C’est vrai que le forum social est là, mais il faut reconnaitre qu’il n’accroche pas trop. Ce sont des hommes en costard qui se permettent de parler un français académicien en oubliant que ce n’est pas à la portée de tout le monde et qu‘ils sont en Afrique.

« Yen a marre » a un discours très clair qui accroche tout simplement parce qu’il correspond aux attentes des populations : « Nous avons faim, nous voulons manger ! Nous payons cher nos factures d’électricité, donc nous voulons qu‘elle nous soit fournie dans nos foyers en quantité suffisante ! Je suis un bachelier, je suis pas orienté alors que je veux étudier ! Je suis étudiant, il me faut une chambre ! Je suis une maman, je vais au marché et mon panier est de plus en plus vide car tout est devenu cher ! Je suis un parent qui trime dur pour l’éducation de mes enfants et qui les voient toujours revenir à la maison à 9h car étant en grève, j’exige que mes enfants étudient normalement comme tous les autres enfants qui sont dans les institutions privées ! Je suis marchand ambulant, je veux avoir un endroit abrité à moi pour gagner ma vie honnêtement sans qu’on me persécute ! Je suis malade, je réclame les soins les plus élémentaires en allant à l’hôpital…» Juste des revendications légitimes ! Nous n’avons plus besoin de personnes qui sont là à jouer les grands intellectuels, qui sont là à réciter des livres ou faire de grandes citations. Le peuple est là avec ses problèmes ! Pas besoin de faire de grands discours !

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

Thiat : Depuis que le mouvement est créé, nous ne passons que par des difficultés, des interdictions de rassemblement, des intimidations. Certains nous appellent pour nous dire : « Vous voulez la guerre, vous allez voir de quel bois on se chauffe ! » Mais ce qui me choque le plus, ce sont les tentatives de corruption. J’aurais jamais pensé que des gens pouvaient être indignes au point de proposer des centaines de millions à des jeunes qui demandent juste à leur concitoyens de prendre conscience sur ce qui se passe. Je vais pas donner des noms, mais je peux t’assurer que l’argent que nous proposent ces renards, je peux te dire qu’il peut régler un certain nombre de problèmes des Sénégalais. C’est une autre preuve que ces gens-là n’ont aucune volonté de s’occuper des problèmes du peuple, ils veulent juste se la couler douce sur le dos du peuple sans se faire déranger.

Comment faites-vous pour faire face aux pressions ?

Thiat : Nous avons des convictions. Un être humain doit avant tout être intègre, digne, savoir qui il est, ce qu’il veut, où il va…Si on était achetable, Keurgui serait une histoire ancienne depuis longtemps car ce n’est pas la première fois que ces crétins essaient de nous acheter. Les intimidations, nous avons l’habitude d’en recevoir. Alors, ils perdent leur temps ! Nous avons une ligne directrice et nous allons la suivre. Nous nous sommes engagés sur un chemin et quelque soit alpha, nous allons le mener jusqu’au bout. Il y a une chose qu’ils ne comprennent pas, ce n’est pas le combat de Thiat ou de Kilifa ou de Fadel … mais celui du peuple, et le peuple n’a pas de prix, il n’est pas achetable. On ne peut monnayer le combat d’un peuple.

 

Interview réalisée par Fatou Niang Sow