La cause de la pauvreté en Afrique est aussi liée à l’absence de droits de propriété

Que l’Afrique soit relativement moins touchée sur le plan sanitaire par la crise de la Covid-19, voilà qui est une évidence empirique. Mais, il est une conséquence de la crise sanitaro-économique en Afrique qui ne devrait échapper à personne : la hausse de la pauvreté. En cela, la crise a été à la fois un révélateur et un booster du niveau de paupérisation des masses. Les mesures de restriction des libertés dans le cadre de la lutte contre la pandémie vont précipiter 40 à 60 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté (vivant avec moins de 1,90 dollar US par jour). Que diable est-il si difficile de renvoyer l’extrême pauvreté dans les lits de l’histoire en Afrique?

Face à la pauvreté, la communauté internationale n’est pas restée les bras croisés. Depuis le milieu des années 80, de nombreux programmes de lutte contre la pauvreté émanant des Etats ou des organismes internationaux ont fait florès. Les pays riches ont transféré au continent africain plus de 1000 milliards de dollars US en 50 ans sous forme d’aide au développement. Malgré le « pognon de dingue » engagé, les taux de pauvreté dans plusieurs pays africains demeurent à deux chiffres et sont les plus élevés du monde. Le nombre de pauvres en Afrique est passé de 278 millions en 1990 à 413 millions en 2015. Le revenu réel par habitant n’a été multiplié que par 1,7 depuis 1990 (depuis 30 ans !). De deux choses l’une : soit le raisonnement linéaire qui consiste à transférer des ressources (souvent, financières) des pays riches vers les pays pauvres n’a pas été poussé à l’extrême pour résoudre la question de la pauvreté, soit la cause du mal est endogène. J’avoue être séduit par le second diagnostic tant le premier ressemble à la situation des médecins de Molière répétant: “Le poumon vous dis-je, le poumon”.

Je veux ici dire qu’il n’y a, en réalité, pas de pauvres, il n’y a que des écosystèmes pauvres. La preuve est donnée par les jeunes africains qui traversent la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Ces jeunes, considérés comme pauvres dans leur pays d’origine, réussissent à s’offrir une vie meilleure en Europe au point de réaliser des transferts d’argent vers leur pays de provenance. La pauvreté, as such, n’est pas une situation de pénuries objectives mais plutôt une absence de conditions et de préalables spécifiques. Elle résulte du fait que les économies africaines ne produisent pas de capital. Le capital est concept intangible qui prend corps à travers un système formel de droits de propriété. Or, dans la plupart des pays africains, il n’est aucun système de droits de propriété efficace et accessible. Selon le laboratoire d’idées The Heritage Foundation, sur les 50 pays les moins notés en matière de droits de propriété, plus de la moitié se trouve en Afrique. Dans les zones rurales de l’Afrique de l’Ouest, moins de 10% des terres sont immatriculées.

En absence de droits de propriété, les individus ne peuvent utiliser leurs biens comme un capital productif par exemple comme collatéral d’un prêt bancaire pour créer une entreprise. Les actifs de la plupart des africains constituent ce que l’économiste Hernando De Soto appelle le “capital mort”.  En 2000, De Soto a souligné que la valeur du “capital mort” détenu sous forme immobilière est de 580 milliards de dollars US. Autant de capital improductif ! Le miracle rwandais, souvent évoqué, a démarré en 2003 par des réformes visant à définir et protéger les droits de propriété avec une simplification des procédures pour créer une entreprise. Résultat, le Rwanda est devenu le 38e pays au monde où il est le plus facile de faire des affaires.

Ceux que nous appelons « pauvres » sont des gens qui possèdent du capital sous forme non-productive et constituent une armée de réserve d’entrepreneurs. Le socle du capitalisme réside dans l’existence d’un système juridique de la propriété (donc un état de droit). Le rendement marginal des politiques économiques en Afrique (nationalisations, monnaie avec régime de change fixe ou flexible, privatisations) restera désespérément décroissant tant qu’il n’y aura pas de régime de propriété efficace et accessible dans les pays africains. C’est l’absence de système juridique de la propriété qui constitue le terreau de la pauvreté en Afrique.

Riche de biens et pauvre de capital !

Soit l’apologue suivant.

Il était un pays, Maskini. Dans ce pays, on trouve des hommes et des femmes habités par le désir d’améliorer leur condition matérielle au moyen de la force de leurs bras. Mkandarasi, un habitant de la capitale de Maskini, a été frappé par une étincelle divine. Il a eu une idée géniale : la manière optimale de fabriquer le produit Bidhaa qui est le produit le plus vendu à Maskini. Comme pour toute entreprise, Mkandarasi a besoin de sous pour se payer les outils de production (machines, etc.) afin de mettre en application son idée. Il va voir le banquier de sa ville et lui dit : Monsieur le banquier, j’ai trouvé la meilleure façon de produire Bidhaa. Daignez me prêter 8000 afin que je puisse démarrer mon activité. Le banquier lui répondit : Monsieur, votre projet m’intéresse mais, le risque étant important, il me faut une hypothèque. Et Mkandarasi s’écria : J’ai une parcelle de 20 hectares dans un village à 30 km d’ici et tous les habitants du village savent que j’en suis le propriétaire. Je vais l’utiliser comme collatéral ! Le banquier répliqua : Apportez-moi les papiers prouvant que vous détenez une telle parcelle et, par suite, je vous prête le montant demandé. Puis Mkandarasi répondit : Monsieur le banquier, je n’ai pas de papiers, de titres de propriété. Mais, je vous assure, tous les habitants du village me connaissent et savent que les 20 hectares, appartenant autrefois à mon défunt père, sont ma propriété. Je peux vous y conduire pour recueillir des témoignages. Le banquier répondit : Désolé, je ne puis vous accorder le prêt demandé. Mkandarasi repartit bilieux de la banque.

Que raconte cet apologue ? Mkandarasi, n’ayant pas obtenu de crédit à la banque, n’a pas pu démarrer son entreprise : ça, c’est ce qu’on voit. Ce qu’on ne voit pas :

  • Ce sont tous les emplois qu’aurait créés Mkandarasi (directement, en employant des ouvriers dans son entreprise, indirectement en achetant des machines-outils auprès d’autres entreprises),
  • C’est le pouvoir d’achat qu’auraient gagné les habitants de Maskini ; le produit Bidhaa coûterait très probablement moins cher car serait produit avec des techniques de production optimisées,
  • C’est le désir de création de Mkandarasi (entrepreneuriat) qui n’est pas encouragé. Il risque de ranger dans les placards les prochaines étincelles divines qu’il recevra,
  • C’est Mkandarasi qui, ne pouvant pas s’enrichir par les fruits de son entreprise, n’enrichit pas non plus l’Etat via le paiement des impôts,
  • C’est l’Etat qui, privé des recettes des impôts qu’aurait payés Mkandarasi, n’est pas assez riche pour financer des secteurs comme l’Éducation, la Santé publique.

Bref, je pourrais dresser à l’infini la liste des conséquences. Quel a été l’élement qui a fait défaut Mkandarasi ? Les droits de propriété. L’absence de droits de propriété a été le point de départ de l’enchaînement des répercussions sus-citées.

Malheureusement, il est, en Afrique, beaucoup de pays à l’image de Maskini. Beaucoup de pays ne détenant pas un régime formel de droits de propriétés. Beaucoup de pays où les règles gouvernant la propriété varient d’une rue, d’un logis à un autre. Selon l’indice International Property Rights Index, sur les 50 pays les moins notés en matière de droits de propriété, la moitié se trouve en Afrique.

Néanmoins, à chaque élection, les candidats chantent : Enrichissement, enrichissement des peuples !

Que de balivernes. Que de billevesées.

Dans ces pays, se trouvent des millions de Mkandarasi, des gens qui sont riches de biens et non de capital. Les africains possèdent des biens mais pas de capital, voilà qui peut surprendre. Ces biens, l’économiste Hernando de Soto, les appelle du « capital mort » ; c’est-à-dire des biens improductifs. Sans un système légal gérant les droits de propriété, pas de capital. La difficulté réside en ce que le capital est mal compris car intangible.

L’homme a inventé l’horloge, le calendrier pour rendre tangible le temps ; la notation musicale pour rendre tangible la musique ; le système juridique de droits de propriété pour donner vie au capital. Ce qui convertit un bien en capital c’est le système légal de droits de propriété.

La croissance économique n’est que le résultat de l’utilisation efficiente (« darwinienne », dirait l’économiste Charles Gave) du stock de capital dont dispose une nation. Donc, pas de croissance économique sans capital et pas de capital, sans système de droits de propriété efficace et accessible (donc un état de droit).

C’est l’inadaptation du système juridique de la propriété qui constitue le terreau de la pauvreté en Afrique.

En Afrique, il n’y pas de pauvres mais des écosystèmes pauvres.

Il est une conséquence de la crise sanitaro-économique (Covid-19) en Afrique qui n’échappe à personne : la hausse de la pauvreté. Les mesures de confinement, l’arrêt des chaînes de valeurs mondiales et la chute des cours de matières premières vont précipiter 40 à 60 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté (vivant avec moins de 1,90 dollar US par jour). C’est donc l’occasion de penser pour « panser » le fléau de la pauvreté dans les pays africains.

Depuis le milieu des années 90, de nombreux programmes de lutte contre la pauvreté émanant des Etats ou des organismes internationaux ont fait florès. L’entreprise de lutte contre la pauvreté a consisté essentiellement à transférer des ressources (monétaires ou matérielles) des endroits riches vers les endroits pauvres. Ainsi, semble-t-il, cela permettra d’éradiquer la pauvreté où elle se situe. Malgré le « pognon de dingue » engagé, les taux de pauvreté dans plusieurs pays africains demeurent à deux chiffres et sont les plus élevés du monde. Pire, le nombre de pauvres en Afrique est passé de 278 millions en 1990 à 413 millions en 2015 ; ce qui compromet grandement la réalisation de l’objectif de développement durable des Nations Unies d’éradication de la pauvreté d’ici 2030. On peut donc dire que, vraisemblablement, les politiques de lutte contre la pauvreté en Afrique n’ont pas eu une grande réussite.

La raison de cet échec réside dans l’approche du problème de la pauvreté. Le raisonnement qui soutient les campagnes de lutte contre la pauvreté est le suivant : en apportant de l’aide (souvent financière) au pauvre, l’on résoudra et tirera le pauvre de sa condition qui est, précisément, un manque de moyens. Cette « logique » est un raisonnement linéaire. Elle présente le pauvre avec l’attitude du personnage Oblomov de l’écrivain russe Ivan Gontcharov : l’aide (souvent financière) rendra le temps irrésistiblement splendide pour que Oblomov décide d’abandonner son lit bien-aimé. Ce raisonnement linéaire déconsidère la complexité de la question de la pauvreté et ses racines profondes.

Je veux ici dire qu’il n’y a, en réalité, pas de pauvres, il n’y a que des écosystèmes pauvres. La pauvreté, as such, n’est pas une situation de pénuries objectives mais plutôt une absence de conditions et de préalables spécifiques. La preuve est donnée par les jeunes africains qui traversent la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Ces jeunes, considérés comme pauvres dans leur pays d’origine, réussissent à s’offrir une vie meilleure en Europe au point de réaliser des transferts d’argent vers leur pays de provenance. Donc, le principal sujet est d’élucider les raisons pour lesquelles ces jeunes n’ont pas exercé leur esprit entrepreneurial dans leur pays d’origine. Tous les pays qui ont renvoyé l’extrême pauvreté dans les lits de l’Histoire sont ceux où l’on répond par l’affirmative à la question suivante: Est-il facile, ici, de créer, gérer et fermer une entreprise?

La question ci-dessus concentre les principes sur lesquels reposent une société prospère qui éradique la pauvreté : la liberté individuelle, l’Etat de droit et la liberté économique. Sans respect des droits de propriétés, la prospérité économique, tant désirée dans les pays africains, n’aura pas lieu. Rappelons le cas du jeune tunisien Mohamed Bouazizi, marchand ambulant de fruits et légumes qui, étant incapable de verser des pots-de-vin à l’administration, s’est vu confisquer arbitrairement son outil de travail. Il s’est immolé par le feu juste après cette phrase interrogative et pleine de désespoir : “Comment voulez-vous que je gagne ma vie ?”

Certains ajustements structurels sont nécessaires pour favoriser l’éradication de la pauvreté. Il faut supprimer les barrières tarifaires et non-tarifaires à la création d’entreprise, permettre aux populations de disposer de titres de propriété et favoriser la concurrence dans tous les secteurs où cela est nécessaire. Les politiques publiques doivent avoir une seule ambition: celle de créer des incitations, un environnement où peut prospérer une grande diversité d’activités de production. A ce titre, l’indice Doing Business de la Banque Mondiale, bien qu’imparfait, peut servir de boussole pour renseigner sur l’amélioration des conditions favorables à l’esprit d’entreprise.

Ceux que nous appelons « pauvres » constituent, à bien des égards, une armée de réserve d’entrepreneurs. En supprimant les barrières à la liberté économique, l’Afrique pourra sortir les masses de leur condition de pauvreté.

Le PIB du Bénin en hausse : Bonne nouvelle ou artifice ?

Il est une phrase de la Sagesse populaire béninoise que je paraphrase comme suit : Quand un vodoun (entité transcendante) requiert du sang d’agneau et que tu lui donnes du jus d’hibiscus, ta mort est prochaine. 

Qu’apprend nous cette sagesse à propos d’une des actualités du Bénin?

La Banque mondiale répartit les économies du monde en quatre groupes : faible revenu, revenu intermédiaire de la tranche inférieure, revenu intermédiaire de la tranche supérieure et revenu élevé et publie cette classification le 1er Juillet de chaque année. Pour cette année, la Banque mondiale annonce que le Bénin fait partie désormais du groupe des « pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure » pour la première fois de son Histoire. En effet, au Bénin, le revenu national brut (RNB) par tête est passé de 870 $US par an à 1250 $US par an soit une augmentation de 30% ! 

Qu’est-ce qui explique cette belle performance? Essentiellement, une mise à jour de la comptabilité nationale. L’Institut National de la Statistique et de l’Analyse Economique (INSAE) a procédé à une révision des comptes nationaux en délaissant le Système de comptabilité nationale (SCN) 1993 pour le SCN 2008 développé par les Nations Unies. De plus, il a retenu l’année 2015 comme nouvelle base des comptes nationaux (l’année 2007 était l’année de reference d’usage); c’est que l’on appelle “rebasage” dans le jargon des économistes.

Déchiffrer la tambouille statistique

Suite à ces révisions statistiques, le PIB réel du Bénin a bondi de 36%. Pour information, la différence entre le PIB (Produit intérieur brut) et le RNB (Revenu national brut) réside en ceci que le premier comptabilise l’ensemble des valeurs ajoutées des entreprises domiciliées dans un pays tandis que le second compile les revenus perçus par les agents économiques nationaux, soit les citoyens et les entreprises ayant la nationalité dudit pays.

L’effet du rebasage est une augmentation sensible du PIB. De quoi s’agit-il ?

Supposons une économie lambda qui fabrique 1000 Kg de tomates et 2 ordinateurs. Admettons l’année 2000 comme année de référence et supposons que les tomates de cette année-là coûtent 2 $/Kg alors qu’un ordinateur coûte 2 000 $. Dans ce cas, le PIB réel de cette économie, libellé en dollars de 2000, serait de 6 000 $ . Imaginons qu’en 2001, cette économie  se développe en produisant un ordinateur portable supplémentaire. Cette augmentation signifie que le PIB réel en 2001, exprimé en prix de l’année 2000, est de 8 000 $. Par rapport à l’année 2000, le PIB réel a augmenté de 33,3 % . Il y a une croissance matérielle (un ordinateur produit de plus) qui est sous-jacente à la croissance du PIB réel.

Maintenant, au lieu d’utiliser l’année 2000 comme année de référence, utilisons 2001 (on procède à un rebasage). Les niveaux de production restent inchangés : 1 000 Kg tomates et 2 ordinateurs portables en 2000 et 1 000 Kg de tomates et 3 ordinateurs portables en 2001. Les prix de l’année de base ne sont cependant plus les mêmes : supposons qu’en 2001, notre nouvelle année de base, le prix des tomates a doublé pour atteindre 4 $/Kg tandis que le prix des ordinateurs portables a été réduit de moitié pour atteindre 1 000 $. Dans ces nouvelles conditions, le PIB réel pour l’année 2000, cette fois-ci libellé en dollars de 2001, est de 6 000 $, tandis que le PIB réel pour l’année 2001, également en dollars de 2001, est de 7 000 $. Contrairement à la situation antérieure, la croissance du PIB n’est que de 17 %. (L’on pourrait choisir les prix de la nouvelle année de base de sorte à avoir une croissance plus forte que dans le premier cas).

La leçon de cet exemple pédagogique est la suivante: le PIB réel est affecté non seulement par les quantités réelles produites, mais aussi par notre choix de l’année de référence. Et comme il existe de nombreuses années de reference possibles, le même PIB réel peut se retrouver avec des valeurs très différentes ! 

Quels bénéfices pour l’économie réelle?

Revenons au cas du Bénin. Après le rebasage et autres révisions statistiques, le Bénin a connu une croissance “mathématique” de son PIB réel de 36%. D’abord, il faut saluer la volonté de modernisation de l’appareil statistique béninois des autorités. Ensuite, il faut relever les implications de cette tambouille statistique. Comme le PIB réel a connu une forte croissance grâce au rebasage, la dette béninoise qui était d’environ 60% du PIB est descendue à 40% du PIB. Le Bénin devient un bon élève en ce qui concerne les critères de convergence de l’Uemoa concernant le déficit budgétaire fixé à 3 %. Les marchés financiers réinterprèteront aussi les performances du Bénin. 

Mais, derrière les statistiques se trouve un peuple. La croissance annoncée n’est pas synonyme de “plus de tomates et d’ordinateurs” (cf. l’exemple pédagogique). Des micro-trottoirs réalisés à Cotonou, la capitale économique du Bénin, révèlent un sentiment d’indifférence (au mieux) des citoyens qui ne « ressentent » pas la croissance. Selon la Banque Mondiale, le taux de pauvreté à l’échelle nationale ressortait à 38,2% en 2020 (sans prise en compte de l’impact de la crise de la Covid-19).

Reprenons la sagesse populaire indiquée en début de ce billet. Le vodoun c’est la croissance, le sang d’agneau c’est le progrès matériel et le jus d’hibiscus représente les tambouilles statistiques.

Puisse la proposition subordonnée de la paraphrase de cette sagesse n’être le sort réservé au Bénin. 

Afrique: La croissance démographique comme une aubaine?

 

 

Selon le rapport Perspectives de la population dans le monde de l’ONU publié le 17 juin 2019, la population d’Afrique subsaharienne devrait doubler d’ici 2050 passant de 1,06 milliard d’habitants en 2019 à 2,2 milliards d’habitants en 2050. Ainsi, le Nigeria, avec une population de 191 millions de personnes aujourd’hui atteindra plus de 410 millions d’âmes en 2050, faisant alors de ce pays le troisième le plus peuplé de la planète après l’Inde et la Chine. Le Niger passera de 22 millions d’habitants en 2019 à 69 millions de personnes en 2050. Cette transition démographique rapide est présentée comme le défi majeur du continent ; on parle parfois de “bombe démographique”. Les leaders africains et occidentaux montrent très clairement leur inquiétude face à cette “explosion” démographique.
En premier lieu, remarquons que les démographes préfèrent parler de “projections” (ou de “perspectives”) démographiques que de prévisions démographiques ; c’est un détail de vocabulaire mais qui a son importance. Il s’agit en effet de déterminer une évolution possible de la population sous les conditions imposées à la mortalité, à la fécondité et aux migrations. Ces conditions sont de deux types: soit elles sont choisies comme semblant les plus raisonnables, compte tenu des évolutions antérieures et de celles d’autres pays; soit elles sont du type “Et si …”, destinées à illustrer des hypothèses alternatives, parfois extrêmes ou irréalistes. Pour faire des projections, on part de quelques conditions initiales. Il faut donc disposer de données fiables sur la population initiale, par sexe et âge (recensements) et les niveaux initiaux de la mortalité, de la fécondité et migrations (état civil, enquêtes etc). Il est par ailleurs admis qu’à tout instant, la population d’un pays est connue au mieux avec une précision de l’ordre de 2% ; ce qui n’est pas anecdotique ! Si l’on reprend les travaux de l’ONU en 1994, ils prévoyaient 170 millions d’habitants en Iran en 2050. Ceux de 2014 tablent sur 90 millions. Prenons l’Insee. En 1994, la prévision s’établit à 60 millions de Français en 2050. En 2010, on table sur 73 millions. L’incertitude sur l’évolution des paramètres utilisés en entrée de la projection démographique rend l’exercice prospectif délicat avec des résultats plus ou moins probants. Néanmoins, je prendrai, dans la suite de l’article, pour argent comptant la projection démographique africaine à l’horizon 2050 de l’ONU.

Les frayeurs engendrées par l’accroissement démographique sont généralement de trois ordres. Le premier est celui de la pénurie de ressources comme corollaire de l’abondance d’êtres humains sur une planète à ressources limitées. Le deuxième est celui qui postule sur le ralentissement du développement du continent africain car ce dernier, qui peine déjà à nourrir ses habitants, ne pourra pas amortir un choc démographique. Le dernier est essentiellement occidental et est lié à la problématique de migrations des africains vers les pays du Nord. Si ces frayeurs sont parfois justifiées, nous verrons par la suite qu’un accroissement de population est une bonne nouvelle pour l’Afrique.

L’accroissement démographique, synonyme de pénurie des ressources?

Dans l’histoire, plusieurs scénarios apocalyptiques sur la pénurie de ressources ont prospéré. En 1798, Malthus publie son célèbre ouvrage Essai sur le principe de la population dans lequel il explique que les rendements d’un champ agricole sont décroissants au fur à mesure que l’on y ajoute des travailleurs. Il croyait que les hausses de surplus de nourriture qui accroissent géométriquement la population devraient faire retomber celle-ci dans la disette et la misère. Il a échoué dans sa prévision. En 1968, le biologiste américain Paul Ehrlich, connu pour ses engagements néomalthusianistes, a publié son livre intitulé La Bombe P dans lequel il s’inquiétait des famines que connaîtrait le monde dans les années 70 en raison d’un accroissement démographique. Ses prévisions se sont révélées fausses. Les prévisions techniques du néomalthusianisme sont très souvent mal fondées pour deux raisons principales. La première est relative au fait que la quantité physique d’une ressource dans la terre, si étroite que soit la définition, n’est jamais parfaitement connue, puisqu’on ne cherche des matières premières qu’au fur et à mesure que le besoin se fait sentir; une illustration de ce phénomène est l’augmentation des réserves connues d’une ressource telle que le cuivre. La seconde fait écho à la capacité de l’homme à développer de nouvelles méthodes pour satisfaire ses besoins. L’Homme serait ainsi l’ultime ressource pour reprendre le titre du livre du célèbre économiste Julian Simon publié en 1981. Le think tank Human Progress a développé le Simon Abundance Index pour rendre hommage à l’économiste Julian Simon qui a prit le contre pied des thèses néomalthusianistes. Cet indicateur mesure l’évolution de l’accessibilité des ressources pour l’humanité en calculant l’évolution du temps de travail moyen nécessaire à l’achat d’une unité de ressource particulière à l’échelle mondiale. Il en ressort qu’un individu peut, en 2019, s’offrir 3,6 fois plus d’unités de ressources qu’en 1980 pour une même quantité de travail. La croissance économique va donc de paire avec la croissance démographique.

L’accroissement démographique comme facteur limitant du développement économique de l’Afrique?

Dans la théorie du développement économique, il est largement admis que l’accroissement démographique est un frein au développement car l’objectif du développement qui est la hausse du revenu par tête est la maximisation d’une expression ayant au dénominateur la variable population. L’économiste Hans Singer utilise l’image de la montée d’un escalator dans le sens de la descente pour décrire le caractère nuisible d’un accroissement démographique dans les pays sous développés (Voir Singer: “Economic progress in underdeveloped countries” p.7). Joseph Schumpeter, dans “The creative response in economic history” à la page 149, est moins tranché. Il dit: “Parfois, un accroissement de population ne produit vraiment pas d’autres effets que celui prévu par la théorie classique: une chute de revenu réel par tête ; mais parfois il peut avoir un effet énergétique, qui provoque de nouveaux développements aboutissant à des hausses du revenu par tête”. Cette phrase de Schumpeter laisse évidemment les choses dans un état d’indétermination.
Partons du “postulat psychologique” de James Duesenberry dans son ouvrage Income, Saving and the Theory of Consumer Behavior qui est le suivant: Les individus, en période de dépression économique, opposeront une résistance à un abaissement de leur niveau de vie. Pourquoi, les africains ne réagiraient-ils pas ainsi afin d’empêcher la chute de leur revenu? En effet, la pression exercée sur les revenus par une surpopulation engendre une pression inverse ; une activité visant à maintenir ou restaurer le niveau de vie traditionnel de la communauté (Voir The Strategy of economic development, Albert Hirschman). Cette activité déployée par la communauté pour empêcher la chute de sa richesse la rend potentiellement plus capable de contrôler son environnement et de s’organiser pour le développement. En reprenant l’image donnée par Hans Singer, monter des escalator dans le sens de la descente est un excellent entraînement pour ceux qui ont besoin d’améliorer leurs performances en matière de course.
L’approbation la plus nette donnée en faveur de l’accroissement démographique est celle du sociologue belge Eugène Dupréel dans son essai Population et progrès publié en 1928. Il y retrace les mécanismes engendrés par une croissance démographique qui, in fine, conduisent à une meilleure gestion des affaires administratives, politiques et culturelles. Il y démontre comment l’accroissement démographique a des effets positifs directs sur les motivations individuelles. Le biais des raisonnements pessimistes sur l’avenir de l’Afrique est l’incapacité à prendre en compte la capacité d’innovation et de contribution positive des africains. A court terme, des enfants additionnels impliquent des coûts supplémentaires, quoique les coûts imposés aux personnes autres que les parents soient relativement faibles. Sur une période plus longue, cependant, le revenu par habitant croîtra vraisemblablement plus vite dans le cas d’une population en croissance que dans celui d’une population stationnaire, aussi bien dans les pays développés que dans les pays africains.
Je reconnais que mon analyse souffre d’empiricité. Néanmoins, j’ai un point d’échantillonnage dans l’histoire. L’accroissement démographique a fait partie intégrante du processus de développement dans les pays aujourd’hui économiquement avancés. Il serait malhonnête de considérer la croissance démographique de l’Europe au 19e siècle comme ayant eu une influence déprimante sur le développement économique de ce dernier.

Quid des migrations de demain?

La transition démographique de l’Afrique représente un sujet d’inquiétude chez les leaders occidentaux. Le problème migratoire est en partie une construction médiatique. Les thèses comme celle de la “ruée de l’Afrique vers l’Europe” de Stephen Smith manquent cruellement de fondement scientifique (Voir L’Urgence Africaine de Kako Nubukpo). La migration est plutôt sud-sud que sud-nord. La Banque Mondiale (2016) estime à 67% la migration sud-sud en Afrique. La migration est donc essentiellement dans les pays voisins. La migration de demain sera encore nettement atténuée car l’accroissement démographique de l’Afrique s’accompagnera d’une croissance économique soutenue.

 

 

Afrique : L’heure de la conjugaison du développement et de l’écologie

Le réchauffement climatique fait planer une menace globale sur notre planète. Une prise de conscience au niveau international est en cours depuis trois décennies à travers une pléthore de déclarations et accords internationaux. Du premier rapport du club de Rome en 1972, Les limites de la croissance – qui a attiré l’attention sur le conflit inhérent à une croissance démographique- à la COP21, accord international pour contenir le réchauffement climatique en dessous des 2°C, en passant par le protocole de Kyoto qui visait à réduire, entre 2008 et 2012, d’au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 les émissions de certains gaz à effet de serre, on peut dire sans se tromper que le sujet du réchauffement climatique est une préoccupation mondiale. Si le climat constitue un enjeu global, les écosystèmes étant interconnectés, les causes et les conséquences du changement climatique ne sont pas uniformément réparties sur la planète. Dit autrement, la Terre est Une mais le monde ne l’est pas (pour reprendre la célèbre phrase d’ouverture du rapport de la commission Brundtland en 1987). Les pays du Nord présentent toujours le problème du changement climatique comme global dans sa genèse alors que la plupart des pays du Sud le regardent comme un problème de surconsommation dans les pays du Nord. 

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L’Afrique et le mythe de la démocratie

Le voyage du navire économique du continent africain se poursuit péniblement. On ne sait si le navire domine les eaux ou s’il est plutôt porté par les courants et les vagues. S’il est incontestable que les agrégats macroéconomiques écartent l’hypothèse de la navigation à vue, il est aussi vrai que la croissance économique du continent est purement scripturale. Dit autrement, la croissance du continent africain est visible dans les statistiques plus que dans la réalité quotidienne des africains. L’une des hypothèses les plus partagées est celle qui impute le sous-développement de l’Afrique à un déficit de “démocratie”.

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Pour une refonte des politiques énergétiques et minières en Afrique

Le continent africain est très riche en ressources minières et énergétiques. Les réserves prouvées de pétrole du continent constituent 8% du stock mondial soit plus de 130 millions de barils et celles de gaz naturel à 7%. Environ 30% de toutes les réserves mondiales de minéraux se trouvent en Afrique. Grâce à cette “richesse du sous-sol”, l’Afrique a connu une croissance économique vigoureuse au cours des deux dernières décennies même si cette croissance ne s’est pas traduite en avantages correspondants sous forme de diversification économique, d’emplois stables et non précaires et de développement social rapide.

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ECO, future monnaie unique ouest-africaine, est un pharmakon

L’idée de la création d’une monnaie unique ouest-africaine a été l’un des principes fondateurs de la CEDEAO (Communauté Economique des États d’Afrique de l’Ouest). Elle a été ensuite reléguée au second plan des priorités. Son lancement a été repoussé au moins trois fois depuis 1983. La prochaine tentative de lancement est fixée en 2020. Cette échéance sera vraisemblablement respectée.[pdfjs-viewer url= »http%3A%2F%2Fwww.lafriquedesidees.org%2Fwp-content%2Fuploads%2F2019%2F07%2FECO-Parti-pris-2.pdf » viewer_width=100% viewer_height=1360px fullscreen=true download=true print=true]

Nous devrions plutôt lutter pour la modération des richesses!

Les Nations Unies ont inscrit dans leur agenda pour le développement durable « la Lutte contre la pauvreté » en reconnaissant le défi et l’impact global pour l’humanité. La pauvreté est une préoccupation de longue date à laquelle beaucoup de héros civilisateurs se sont attelés pour essayer de la rendre supportable. Le IESU (Incarnation de l’Esprit de Sainteté Universel) a déclaré: « Vous aurez toujours les pauvres parmi vous, mais vous ne m’avez pas toujours. » (Jn 12: 8) et le 3ème calife de l’Islam Seydina Uthman (RA) a déclaré que la pauvreté à un endroit est sans nul doute due à un excès de richesse ailleurs. Certains vont peut-être sentir de la gêne à lire des citations de Classiques et Éternels Livres saints ou d’un dirigeant musulman, tant les paroles de Dieu semblent, à notre époque, moins « hot » que les pensées d’un Deepak Chopra ou d’une Oprah. Cependant, ces deux citations nous donnent une orientation sage et simple dans notre lutte actuelle pour améliorer les conditions de vie des pauvres. Nous devons reconnaître que la pauvreté a longtemps été décrite du point de vue de Nations « très riches et puissantes » qui considèrent les pays pauvres comme une malformation économique pour le marché. Cela a toujours été un paradigme irrévocable de rendre les pauvres riches et développés depuis que le monde de la finance et du capitalisme, qui sont la référence sociale et économique actuelle, guident la croissance voulue et continue de la consommation par l’innovation de contenu. Ainsi, tout entrepreneur ou toute entreprise aura pour but de maximiser les profits, de créer de la richesse et de créer de la valeur. Nous avons été gouvernés par cette cupidité depuis trop longtemps maintenant. Et les peuples des pays du Sud (dans une perspective d’économie informelle), ceux en particulier de la Terre mère originelle (dans une perspective d’écologie d’urgence) et ceux de l’extrême Nord (dans une perspective d’humanité éthique) revendiquent à présent le droit à une plus grande éthique d’équité et à une justice socioéconomique.

La nouvelle donne de cette époque consiste à trouver dans la pauvreté la solution de nos problèmes socioéconomiques et écologiques. Le modèle économique informel prend en compte l’interdépendance de chacun de ses acteurs (on ne rivalise pas entre nous et ne s’entre-assassine d’aucune façon pour survivre), la relation à la Nature et sa préservation en tant que Source de durabilité et de nourriture de l’âme et enfin et surtout de la reddition et dédicace à Dieu et aux règles cosmiques. En effet, le problème n’est pas et n’a jamais été de réduire la pauvreté et de lutter pour le développement des pays du Sud, qui possèdent la plupart des ressources de la Terre, mais de réduire le rythme de consommation frénétique et faussement avalisée du reste de la planète. Les habitants de cette « plats nets » étant une minorité de morts-vivants endettés affectivement (individualité) et financièrement (insolvabilité). La solution consiste donc principalement à modérer les richesses et à partager les revenus. Nous pouvons examiner deux faits saillants différents pour connaître la vision des pays du Sud sur lequel je veux attirer votre attention. Si vous lisez les statistiques et l’analyse sur la pénétration des technologies de l’information en Afrique, par exemple, les investisseurs seront convaincus que les Africains sont des acheteurs d’appareils mobiles, de puces, de crédits de communication, etc., mais ne parlent jamais du faible investissement réalisé pour améliorer la qualité de la communication ou de l’offre de services des fournisseurs, principalement de gros joueurs qui peuvent se le permettre. Eux qui comptent honteusement sur l’abnégation des devoirs et l’ignorance des droits de ces personnes qui leur servent d’usagers. L’accent est toujours mis sur la consommation de biens et non sur le confort d’utilisation, comme dans les pays occidentaux. Pendant ce temps, dans les pays occidentaux, le gaspillage des ressources est courant car on aime y acheter plus d’aliments qu’une bouche ne peut avaler raisonnablement ou changer fréquemment d’appareils mobiles ou électroniques pour suivre les tendances et les objectifs sans être objectif. Rien que dans une ville de Montréal et peut-être aussi ailleurs, il semble que la même route ou le même trottoir fassent l’objet de fréquentes réparations suspectes, car l’usage courant amène le public ou les administrateurs municipaux à brûler tout le budget alloué (le monde de la construction demeurant juteux et d’Anges heureux en jeux) afin d’éviter de renvoyer un montant substantiel de subvention aux contribuables  ce qui pourrait le réduire pour la reconduction de son attribution de l’année suivante. Secret de polichinelle et de police fidèle.

Pendant ce temps, le Peuple (migrants de diaspora et résidant de perfora) des pays du Sud, principalement avec une organisation de vie ethnique, s’adaptent et font face à ce système factice. Les membres les plus riches des communautés ont souvent la responsabilité implicite d’aider les plus démunis lorsque ces derniers ont des problèmes à se maintenir en vie socioéconomique : collectif et solvable. Ce, avant même d’avoir de meilleures conditions dites de bien-être (sécurité) et de devenir plus forts (confiance) avec leurs propres efforts socioéconomiques, canevas, capital, capacités, qualité et karma. La plupart des gouvernements de pays ou d’Etats ont leurs limites d’intervention socioéconomique. De plus, les actions de solidarité ethnique doivent se faire idéalement sans la déplorable intention lâche de réaliser un profit ou de voler en arrière-plan ou de prendre un avantage à long terme dans le cadre d’un agenda caché ou de cachets. C’est l’attitude et la foi du modèle de la Civilisation africaine qui doivent être conservées, régénérées et étendues pour l’Afrique d’abord et l’affirmation économique de tous les pays du Sud, en dépit de la grande angoisse de l’ère qui est manifeste dans la philosophie occidentale de l’occupation stressante. Quant au Communisme, qui était l’alternative avant ce modèle informel africain renaissant, il a échoué car il prétendait répondre aux différents besoins de toute la population; même avec une identification de classe socioéconomique réduite. La Providence est un attribut de Dieu et personne ne joue ce rôle de Dieu sur Terre, en particulier lorsque vous en niez l’existence et la majesté dans votre système de société. Cette philosophie informelle incluant l’approche d’économie de communauté donne une utilité importante en raison d’un autre parti pris dans l’appel naturel et divin et le rappel de « Partage » des opportunités et des ressources économiques, par le biais du marché et du travail, et respectivement dans les débouchés et l’ouvrage. Comme nous le voyons, l’Économie Informelle et sa forte Identité d’être et d’Organisation de Vie ethnique constituent de nos jours plus une solution qu’un inconvénient face au changement climatique ultime dans les environnements social, économique, naturel et cosmique.

Panafricanisme et intégration africaine : Un état des Lieux

Puls de  60 ans après les indépendances, le panafricanisme rêvé par les pères fondateurs du jeune continent, tarde à devenir une réalité. Pourtant, lorsqu’en 2002 l’Union Africaine (UA) succède à l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), les états membres voyaient en la nouvelle organisation l’incarnation d’une intégration régionale aboutie.

Cette gouvernance, bien que remaniée, continue de  faire face à des écueils majeurs qui freinent son efficacité et sa force opérationnelle.  A l’instar de tout ce que l’Afrique compte comme instances continentales et sous régionales (CEDEAO, UEMOA, CEMAC etc.), l’UA est mal outillée et trop procédurière pour faire face aux défis politiques, socioéconomiques et sécuritaires auxquels le continent africain est confronté.  Le manque de volonté politique, l’absence de moyens financiers des états membres et le peu de clarté dans le mandat octroyé aux institutions régionales et sous régionales, sont autant de contraintes qui ralentissent le processus d’intégration continentale.

L’Union Africaine : deux visions du panafricanisme qui s’affrontent

L’UA vit en réalité une dualité entre le panafricanisme politique, dont les partisans rêvent de constituer les Etats Unis d’Afrique sur le modèle des Etats Unis d’Amérique (USA) et une vision beaucoup plus réaliste qui vise la mise en place d’un modèle d’unité continentale reposant sur les organisations sous régionales et les spécificités nationales.

Au final, c’est l’unité continentale qui en sort perdante.  Bien que l’Union Africaine professe vouloir développer des politiques communes dans les domaines de la sécurité, de l’énergie et de la paix et se pose en champion de l’intégration économique, le mandat conféré à ses organes reste bien trop théorique pour avoir un réel impact.

La mise en place d’une union de 55 pays requiert des prérogatives clairement définies pour chaque instance et à ce jour, les politiques ne sont pas systématiquement harmonisées entre l’union africaine et les communautés économiques régionales et le parlement panafricain n’est doté que d’un rôle consultatif.

Intégration régionale : raisons d’un échec

L’échec apparent de l’intégration régionale s’explique principalement par le manque de  volonté politique des chefs d’états africains de prendre des décisions communes face aux nombreux maux qui frappent aujourd’hui le continent tels que le retour des crises politiques (Togo, Guinée, Zimbabwe, etc.) , le recul de la démocratie, les mauvaises performances économiques et la recrudescence des actes terroristes dans certaines parties du continent qui très souvent nécessitent des réponses transnationales.

La force du G5 Sahel constituée pour lutter contre les djihadistes qui sévissent dans la zone sahéelienne, en est l’exemple parfait. Des puissances économiques et militaires régionales telles que le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou encore le Nigéria, qui à terme peuvent à leur tour être menacés se font remarquer par leur absence du théâtre des opérations, préférant laisser aux forces onusiennes (MINUSMA) et Françaises (Barkhane) le soin d’accompagner leurs voisins.

On retrouve ce manque d’enthousiasme dans d’autres secteurs et dans d’autres régions du continent où les états concernés gagneraient à développer des politiques communes.

Ceci s’explique également par l’absence de pays moteurs, à l’instar du couple Franco-Allemand sans lequel aucune intégration supplémentaire de l’UE n’est possible. En Afrique, on voit que les pays susceptibles d’assumer ce rôle de « leader » tels que le Nigéria ou l’Afrique du Sud ont des problèmes majeurs de sécurité, de gouvernance et de crédibilité des institutions ce qui explique leur manque d’appétit pour porter le processus d’intégration Africaine.

Le manque de financement des états membres constitue également un réel frein pour une suprématie politique de l’UA. Jusqu’en 2017, 70% du budget de l’UA était financé par l’UE, les Etats Unis et la Chine.  Même si en 2018, cette part de financements extérieurs a été réduite à 58%, il en demeure néanmoins que les 55 états membres de l’UA devront faire plus pour donner à l’institution les moyens de leurs ambitions.

Réformes de l’UA : vers un nouveau modèle de gouvernance institutionnelle ?

Le Président Rwandais, Paul Kagamé, a dessiné une réforme de l’UA qui préconise l’autofinancement(basée notamment sur une taxe sur les importations africaines) afin d’accroitre l’indépendance de l’institution et une gouvernance institutionnelle qui reposerait sur une répartition plus équitable des responsabilités.

A ces réformes vient s’ajouter la création récente de la Zone de Libre Echange Continentale (ZLEC) qui devrait à terme assurer la libre circulation des biens et des personnes sur le territoire africain.

Ces actes posés illustrent bien la prise de conscience des Africains que le panafricanisme, qu’il soit politique ou autre, ne deviendra une réalité qu’une fois que les prises de décisions au sein de l’UA seront mieux harmonisées, indépendantes financièrement des bailleurs étrangers et que l’intégration africaine tiendra compte des spécificités régionales et nationales.

Les réformes Kagamé sont un début intéressant particulièrement en matière de financement et de mandat des institutions, mais une intégration africaine effective aura besoin de plus de réformes et surtout de la volonté politique des états membres.

Intangibilité des frontières en Afrique et panafricanisme : Une équation quasi-irréductible ?

La règle de l’intangibilité des frontières est un principe de droit international très important dans la définition actuelle des frontières des Etats africains. C’est le principe par  lequel des États nouvellement indépendants conservent leurs possessions pour l’avenir, indépendamment des conditions de traités antérieurs. Cette règle, issue du droit romain, encore appelé uti possidetis juris était largement appliquée pour la définition des frontières américaines et est intervenue au lendemain des indépendances des Etats africains pour fixer l’établissement des frontières. Sa version africaine est l’intangibilité des frontières. Elle ne s’est toutefois pas seulement appliquée à l’Afrique des indépendances. Elle s’était aussi appliquée en Asie lors du retrait des puissances coloniales européennes.

En ce qui concerne l’Afrique, ce principe a trouvé son droit de cité à l’issue du sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (actuelle Union Africaine) qui s’est tenue au Caire en juillet 1964. Il a trouvé naissance dans la résolution A.H.G./16-1 du 21 juillet 1964 qui proclamait « que tous les Etats membres (de l’OUA) s’engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l’indépendance ». Cette résolution mettait fin à toute question relative aux revendications territoriales qui pouvaient surgir à la fin de l’ère coloniale. Guidée par des motivations pacifiques, la survenance de ce principe n’a toutefois pas empêché des lancées belliqueuses variées sur la question du territoire. Et des affaires africaines portées devant la Cour internationale de Justice, celles portant sur les revendications territoriales sont les plus nombreuses. On est donc en droit de se demander si la règle de l’Uti possidetis a tenu ses promesses.

Une règle établie au prix du compromis

Le droit international africain, dès sa genèse a toujours attaché un prix fort à l’intégration africaine, manifestée par la théorie du panafricanisme. Cette aspiration était portée par une poignée de leaders postindépendances à l’instar de Kwame Nkrumah. L’idée était de faire de l’Organisation de l’Unité Africaine un gouvernement central (même si cette idée ne fut pas retenue par la Charte). Les nouveaux chefs d’Etats pro-fédéralistes trouvèrent toutefois leur compensation dans l’affirmation par la charte de l’Organisation de l’Unité africaine de l’intégration africaine. L’élaboration de la Charte de l’OUA a été le carrefour de deux grandes théories divergentes. Les partisans du fédéralisme s’opposaient aux partisans d’une « Afrique des Etats ». Les partisans de la première thèse,  les « révolutionnaires » du groupe de Casablanca, plaident avec le Guinéen Sékou Touré et le Ghanéen Kwame Nkrumah pour la création d’un État fédéral africain doté d’un gouvernement, d’un budget et d’une armée, alors que les partisans de la seconde thèse, les « réformistes » du groupe de Monrovia, de l’Ivoirien Houphouët et du Malgache Tsiranana prêtent la main à Senghor pour maintenir le cap sur une Afrique des patries coopérant avec ses anciens colonisateurs.

L’opposition entre les sectateurs du panafricanisme et de l’unité aux sectateurs du micro nationalisme et de la souveraineté nationale, héritée du congrès de Berlin, va monter progressivement en intensité pour finalement donner naissance à une organisation politique africaine matérialisée par l’OUA.

La règle de l’Uti possidetis, un principe bien établi

Si le principe de l’intangibilité des frontières fut retenue, c’est qu’elle fut bien le fruit d’un compromis entre les nouveaux Etats souverains. Par ce principe, naquit en Afrique des Nations dont la qualité n’est pas redevable de l’homogénéité linguistique ni culturelle mais de l’appartenance au même territoire régi par une même structure politique. Cela a contribué à geler un certain nombre de problèmes liés aux territoires qui s’étaient fait jour dès la veille de l’indépendance, notamment le problème de l’Eweland au Togo.  En réalité, c’était un problème qui en cachait un autre, le premier était celui de l’émergence d’une nation éwé, qui faisait écran à celle du rattachement du Togo britannique au Togo sous tutelle française. L’indépendance des nations frontalières, des tractations à l’échelle internationale et une consultation populaire ont fini par rattacher définitivement le territoire du Togo sous tutelle britannique au Ghana, solution confirmée par l’Uti possidetis. A ce jour, la frontière Togo-Ghana est considérée avec nostalgie par ce peuple séparé.

La règle de l’int angibilité des frontières, les pieds d’argile de l’Union Africaine

Les problèmes frontaliers qui ont été traités par la Cour Internationale de Justice sont nombreux, donnant à l’Afrique le record du continent du plus grand nombre de contentieux. On peut citer de façon non-exhaustive le différend entre le Tchad et la Libye à propos de la bande d’Aouzou (décision CIJ 03 janvier 1994), le différend entre le Mali et le Burkina Faso  avec un verdict de la CIJ accepté par les parties datant du 26 décembre 1986 et attribuant les « quatre villages » au Mali et la zone d’Agacher au Burkina Faso.

La jeune Organisation de l’Unité Africaine a été tôt confrontée à des oppositions internes. Les lignes de fracture ne manquaient pas. La première était historique et séparait les Arabes blancs des noirs. La deuxième était un résidu de la colonisation et opposait les francophones aux anglophones. La troisième opposait les souverainistes aux fédéralistes.

Mais l’opposition qui a porté un premier coup à l’institution est le désaccord du royaume marocain quant à la reconnaissance de l’Etat mauritanien puis de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD). Le problème du Sahara Occidental tire sa source du fait que le Maroc considère ce territoire comme faisant partie intégrante de ses Provinces du Sud. Ce territoire est le support de l’Etat Sahraoui autoproclamé. Ces oppositions se sont vu décupler par la reconnaissance par l’OUA de la République Arabe Sahraouie, Etat autoproclamé par le Front Polisario et ont abouti à la sortie fracassante du Maroc de l’OUA le 12 novembre 1984. Le problème du Sahara occidental perdure jusqu’à ce jour, faute d’entente entre les parties et malgré la décision de la Cour Internationale de justice. Cela met en cause la capacité du droit international à faire face aux problèmes suscités par la mise en œuvre de la règle de l’Uti possidetis.

Même si le Maroc est retourné l’Union africaine et qu’il accepte de siéger avec ce qu’il doit considérer de mauvaise grâce comme ses pairs (la RASD compris), le différend perdure jusqu’à ce jour. Sur ce différend, deux courants s’affrontent toujours, les Etats  qui reconnaissent la RASD et ceux qui ne la reconnaissent pas.

Une Afrique toujours secouée par les conséquences de la règle de l’Uti possidetis : un echec du droit international ?

Si le principe de l’intangibilité des frontières est bien établi et sa mise en œuvre sans cesse peaufiné par l’Union Africaine, les remises en cause ne manquent pas.

L’Organisation de l’Unité Africaine puis l’Union africaine ont été confrontés à la résolution de crises dont les portées sont territoriales. Et jusqu’à ce jour, certains d’entre eux durent toujours et consacrent l’inefficacité du droit international. Le Nord-Mali est déchiré par des conflits aux teintes terroristes et aux allures sécessionnistes. Récemment, des voix discordantes se sont fait entendre depuis le Cameroun sur fond de revendication d’indépendance d’une communauté linguistique.

Le Soudan reste menacé par les mouvements centrifuges de la rébellion du Darfour sur son front ouest. Les espaces sahéliens échappent aux contrôles des Etats centraux. Une bande de terre entre le Niger et le Nigeria n’a plus de réalité en tant que frontière. La frontière entre l’Erythrée et Djibouti reste un sujet sensible dans la région de Ras Doumeira. Celle entre l’Erythrée et l’Ethiopie est restée longtemps délicate jusqu’à la récente résolution du Conseil de Sécurité du 14 novembre 2018. La Casamance connaît des violences sur fond d’aspirations indépendantistes. Le problème malien qui mobilise l’attention des Nations Unies et du G5 Sahel n’est pas à négliger.

Dès 2017, les relations entre l’Egypte et le Soudan se sont à nouveau tendues à propos du triangle de Halayeb, zone autrefois cogérée mais militairement occupée et développée par l’Egypte depuis que le Soudan a accordé des droits d’exploitation de pétrole à une compagnie canadienne. Ce territoire revendiqué par les deux parties a été défini  en tant que frontière par le condominium anglo-égyptien en 1899 (ce à quoi l’Egypte souhaiterait s’en tenir) mais une décision des Britanniques datant de 1902 définissait une nouvelle frontière administrative (ce dont les Soudanais se prévalent). Enfin, jusqu’à ce jour l’énigme du Sahara occidental reste entier (malgré l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur le Sahara occidental), tant pour les protagonistes que pour les internationalistes.

Problèmes territoriaux, suites sur l’économie et la géopolitique africaine

Si la question des frontières reste une grande équation dont l’Union africaine doit s’atteler à la résolution, sa portée ne doit pas être négligée, en raison des défis importants. Il est bien constant que les conséquences ne peuvent qu’être importantes, à l’échelle des Etats membres de l’Union Africaine. L’enjeu est donc économique, juridique et même politique.

Les problèmes de définition et de redéfinition des frontières entraînent bien souvent des gelées préjudiciables aux échanges économiques inter frontaliers. Les revendications territoriales et les aspirations sécessionnistes entrainent bien souvent des incertitudes et des relents d’insécurité, non propices aux échanges économiques inter frontaliers. Les violences nées de mouvements d’aspiration sécessionnistes entraînent de nombreuses pertes humaines et matérielles, qui ne contribuent pas au rayonnement économique. Les problèmes frontaliers favorisent parfois des insécurités, bien propices au développement d’activités illicites, aux trafics prohibés et au terrorisme.

Les incidences politiques et géopolitiques des revendications territoriales ne sont pas à négliger. La question du Sahara occidental entraîne nécessairement l’apparition de deux courants. Le premier courant est celui qui reconnaît l’Etat sahraoui et le second courant préférant s’accorder avec la voix marocaine. Depuis le retour du Maroc dans l’institution panafricaine, la question se pose avec une toute nouvelle acuité. Quelle sera la qualité des relations du Maroc avec les Etats qui n’épousent pas ses vues ? La réponse ne sera pas difficile à trouver. Cela ramène encore à la question économique. Sur la question du Sahara occidental, l’Algérie et le Maroc se boudent depuis 1994. Les frontières sont fermées. Alors que les échanges de ces deux pays avec leurs voisins et l’Europe sont importants, leurs échanges commerciaux inter frontaliers sont pratiquement minuscules. Par la fermeture de la frontière, les acteurs économiques marocains et algériens perdent tout simplement les opportunités de commerce et d’investissement. En outre, ces désaccords creusent une tombe de plus en plus profonde pour l’Union du Maghreb arabe (UMA) qui est dans un état végétatif.

L’arlésienne d’une Afrique aux problèmes frontaliers résolus

Le problème des frontières en Afrique trouvait ses justifications dans l’accusation portée aux conférenciers de Berlin de n’avoir pas tenu compte des Nations et ethnies dans le tracé des frontières. Même si certains auteurs, tels que Catherine Coquery-Vidrovitch pensent que « Les fonctionnaires coloniaux n’étaient pas des imbéciles » et qu’ils auraient, «dans la mesure du possible (c’est-à-dire en fonction des ambitions des concurrences européennes), tenu compte des espaces politiques antérieurs », il a bien été évident que ces définitions de frontières n’étaient pas parfaites. L’intangibilité des frontières, même si elle était la solution la plus simple à mettre en œuvre, n’a pas empêché aux revendications de se produire, ni aux violences de se perpétrer.

La justification majeure des tendances sécessionnistes reste liée aux allégations de mauvaise gouvernance, de pauvreté et de marginalisation d’une région d’un pays. C’est le soubassement des conflits internes observés au Nord-Mali, au Cameroun anglophone, en Casamance. L’autre source de dissensions est liée à la religion, telle qu’on a pu le constater dans les événements qui ont conduit à la naissance du Sud-Soudan.

Les problèmes territoriaux ont des dimensions diverses et la communauté africaine des Etats s’emploie avec force solutions à en venir à bout. C’est par exemple le cas du le programme de frontières de l’Union africaine. Toutefois, même si ce programme de l’Union africaine est un grand effort afin de favoriser la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération, le problème ne sera résolu qu’avec le consensus des parties prenantes, les problèmes du continent étant aussi particuliers les uns que les autres.

L’autre option pour une Afrique stabilisée où toutes les entités territoriales se sentent bien malgré les frontières dans lesquelles elles sont entourées est la bonne gouvernance et la culture du vivre-ensemble. L’inclusion est le défi d’une Afrique sans revendications identitaires. Les Etats africains devraient travailler à la réalisation de véritables nations qui font ne sont pas fragilisées par les différences ethniques, religieuses, linguistiques ou culturelles, mais qui s’en enrichissent.

Faut-il se plaindre pour autant ?

Les actes de la Conférence de Berlin ont été happés par le principe de la loi postérieure du fait de l’adoption de la résolution de l’Organisation de l’Unité Africaine instituant l’intangibilité des frontières. La tentation d’un retour au statu quo ante n’est qu’un mirage. Les problèmes de frontières, malgré toutes les approches, gardent leurs proportions. Si le panafricanisme est un idéal, il tend à se réaliser autrement que par la mise en commun des territoires. Il se réalise par la tentative réussie d’une Union Africaine mais aussi par la réussite relative des communautés économiques régionales africaines. Les gestions des Etats laissant encore à désirer dans les micro-Etats, qu’adviendrait-il si cette gestion devait s’étendre à une Afrique fédéralisée ? L’Afrique fédérale des rêves de Kwame Nkrumah ne reste toujours qu’un rêve. Cette fédération ne peut se réaliser en supprimant les frontières. L’Afrique n’est pas encore prête pour cela.

Le développement global de l’Afrique doit nécessairement passer par la résolution des équations frontalières réputées insolvables. Les différences sanctionnées par les frontières sont une opportunité de développement sur laquelle on peut encore parier.

Le monde à dos d’Afrique

Les villes africaines, trace de modernité...La Modernité pourrait se définir par la distinction épistémologique fondatrice sujet / objet et découlant de celle-ci la production de l’opposition structurante nature / culture.  Ce rapport au Monde, détachant l’Homme de la Nature et le plaçant en surplomb, permit l’élaboration et le développement de technologies d’exploitation des ressources de la nature, pensées alors comme illimitées, au profit de l’espèce humaine (anthropocène), ou plutôt de l’échantillon d’elle qui s’était érigé en étalon de l’humanité (capitalocène ou occidentalocène).

Cette ontologie moderne aura en fait été le principal moteur de l’imperium européen dans son projet de domestication et d’exploitation de la Nature mais aussi de toute autre forme d’altérité culturelle.

Aujourd’hui, cette modalité culturellement située de représentation des interactions entre les activités humaines et le reste des entités du vivant, humain et non humain pour le dire dans des termes latouriens, se heurte aux signes alarmants révélant l’infinie complexité des actions et des rétroactions des différents êtres composant le système Terre.

L’Homme, occupant désormais l’espace d’une force géologique, influe globalement sur l’histoire récente du système Terre. Mais, comme Marx le faisait déjà remarquer pour l’histoire des sociétés humaines : « l’Homme fait l’histoire mais il ne sait pas l’histoire qu’il fait ». Ainsi la puissance acquise par l’espèce humaine, désormais capable de modifier la trajectoire du climat, l’acidité des océans, la biodiversité, etc. révèle, paradoxalement, une impuissance tout aussi vertigineuse.

Et il est tout à fait troublant de constater que la perturbation des équilibres qui ont permis jusqu’à présent le maintien, dans des conditions de relative stabilité, de l’espèce humaine trouve son origine la plus immédiate dans les excès du capitalisme et sa sécrétion d’inégalités et d’injustices.

Le projet désormais impératif de déconstruction de la modernité, afin notamment d’essayer de proposer des alternatives politiques crédibles et des institutions démocratiques ad hoc destinées à réduire l’empreinte écologique de l’espèce humaine sur Gaia, doit se nourrir de la multiplicité des discours critiques portés par la cohorte de corps5  que l’effectuation de la modernité, sur ces quelques trois siècles écoulés, aura marginalisé ou marchandisé (critique féministe, critique post-coloniale, critique queer, etc.).

Cette réflexion se propose de poser les pistes de la spécificité d’une contribution africaine, pensée à partir de son historicité propre, pour appréhender les nouveaux enjeux globaux, en formulant la question suivante :

L’Afrique est-t-elle parmi les lieux que l’on puisse privilégier pour penser l’effectuation moderne du Monde afin de mieux comprendre et déjouer le réseau d’asymétries tendues qu’elle a tracé, au cours des derniers siècles, dans la valeur de la vie et du vivant?

L’Afrique au cœur des marges de la Modernité

De part et d’autre de la science, les spécialistes ne cessent plus de tirer la sonnette d’alarme et de s’interroger: l’Homme serait rentré dans une course poursuite contre lui-même. Comment donc sortir de cette effectuation moderne prédatrice qui nous mène vers notre extinction ?

Peut-être, conviendrait-il de prendre pour point de départ des espaces en résistance contre le projet moderne. En résistance, justement parce que le projet moderne a, d’une certaine manière, contribué à les exclure d’un sanctuaire des privilèges qu’il travaillait à faire advenir et auquel il assujettissait tout le reste, ou presque. C’est donc qu’à partir de ces lieux sujets, de ces marges, que nous souhaiterions penser ce qui pourrait être un enversde la Modernité. Non pas qu’il s’agisse, dans la fièvre d’une pureté toute révolutionnaire de détruire la Modernité et l’ensemble de ses édifices, mais davantage qu’il faille la penser avec ses contraires et ses en-dehors. Et là, force est de constater que certains lieux à la margerecèlent un pouvoir de dévoilement plus important que d’autres (et c’est l’objet de cette réflexion).

Le concept de marge pourrait être défini comme cet espace où le discours du pouvoir sur lui-même se heurte à son mensonge et donne à voir l’ampleur réelle d’une politique sur l’ensemble du vivant. C’est à ce titre un concept d’une grande fécondité heuristique et, pour ce qui nous concerne, un outil conceptuel précieux pour la déconstruction de la Modernité, à partir d’une certaine perspective. En cela, nous nous inscrivons dans la continuité des efforts de Michel Foucault pour lequel, selon Lautier Bruno :

« L’objectif […] n’était pas de « parler des exclus » ; il l’a d’ailleurs fort peu fait dans ses écrits théoriques, il réservait ça à son activité militante. Son objectif était un objectif de méthode : montrer qu’on comprend une société non pas en en faisant une analyse de l’intérieur, mais depuis les marges : les fous, les malades, les criminels, les pervers, ne nous apprennent pas grand-chose sur eux-mêmes, mais beaucoup sur nous. »

Nous proposons ainsi l’hypothèse que l’Afrique constitue cette marge à partir de laquelle la Modernité, comme projet biopolitique, se révèle pour ce qu’elle est véritablement : Lumièrestout autant que Ténèbres.

Afrique, pivot d’un universel de la circulation et du mouvement

Sur un plan méthodologique, à ce premier temps qui est un arrêt sur l’Afrique (conçue comme une margestratégique de la Modernité) doit être agrégé un second temps ancré dans le mouvement. Un mouvement circulaire constant, passant sans cesse d’une expérience historico-culturelle à une autre, d’un mode d’être à un autre. Le mouvement comme fondement et éthique, expression, pour le dire comme Bachir Diagne, d’un universalisme latéral révélé par le processus même de la traduction; mais une traduction élargie permettant tout aussi bien de passer d’une expérience culturelle à une autre (d’une langue à une autre) que d’un mode d’être à un autre (une ontologie à une autre).

A l’évidence,une telle d’approche a vocation à s’écarter de toute logique du ressentiment, portée par un afro-centrisme d’arrière-garde, tout autant que d’une logique de la pitié, même dans ses expressions les plus distinguées, réduisant toujours au final l’Afrique à un manque qu’elle ne saurait, par nature, combler d’elle-même.

L’effort vers ce mouvement circulatoire, questionnant la modernité à partir de tous ses en-dehors, est le prix de l’écriture d’un récit partagé du devenir. Et l’Afrique peut réellement, à partir de son expérience propre (c’est-à-dire celle d’une vulnérabilitédans l’ère moderne), ouvrir de nouveaux possibles sur les enjeux globaux qui traversent les débats intellectuels et politiques contemporains, couvrant d’une extrémité à une autre la question de la survie de l’Homme (pour les plus pessimistes) ou plus simplement celle de la vie bonne (pour moins alarmistes).

Le souci d’une politique globale du vivant apparait aujourd’hui comme une des dimensions fondamentales d’une pensée critique qui aurait vocation à proposer des mécanismes de partage équitable des ressources et de sauvegarde de la vie humaine sur Terre. Partant de la perspective des Amérindiens d’Amazonie, un auteur comme Philippe Descola en appelle à l’abandon de ce qu’il appelle une vision naturaliste du mondequi a conduit le monde occidental à réduire l’ensemble des entités naturelles (dans lequel les Africains ont souvent été rangés d’ailleurs) à une réserve inépuisable de biens et d’énergie.

Et lorsque l’on aborde de manière anthropocentrée la question de la vie, de la variabilité de ses formes, de ses conditions de possibilité biopolitique et de ses limites (jusqu’à quel point peut-on décemment rester vivant), l’Afrique se présente effectivement comme une masse colossale dont l’occultation risquerait de masquer la partie immergée de l’iceberg.

Dans une telle perspective, l’Afrique apparait comme un espace singulier qui donne à voir, sans fard, ce que le pouvoir peut faire de la vie et, plus particulièrement, ce que l’exposition prolongée à la brutalité des systèmes d’exploitation née de la Modernité a fait des différentes formes de vie sur ce vaste territoire.

Ce que penser l’Afrique veut dire

Achille Mbembe invite toute réflexion sur l’Afrique à se projeter vers quatre directions, de manière disjointe ou articulée. Penser l’Afrique, c’est :

1 Rétablir un nom. Combattre des préjugés séculiers nés de la pensée coloniale et impériale.

2 Ramener à la vie ce qui avait été abandonné aux puissances de la négation et du travestissement

3 Rouvrir l’accès au gisement du futur pour tous.

4 Contribuer à l’avènement d’un monde habitable.

Cette invitation appelle donc à tracer les contours d’un champ, certes déjà arpenté, mais pas encore totalement balisé. La présente proposition s’inscrit indubitablement dans les perspectives ainsi ouvertes, tout en gardant la dynamique propre qui la fonde :

  • Symétrisation des formes du vivant
  • Saisissement du devenir monde du monde dans un mouvement circulatoire

Ce qui importe donc, c’est que l’Afrique partage le Monde avec les autres, y compris cet agrégat abstrait que l’on appelle l’Occident. L’objectif de telles approches, tel qu’initiées par des intellectuels africains comme Valentin Yves Mudimbe, Souleymane Bachir Diagne ou Achille Mbembe, pourrait donc être la mise en exergue, l’amélioration et surtout la création de mécanismes de partage équitable du monde. C’est à ce prix seulement que le monde deviendra monde.

Ce n’est donc pas l’irréductibilité d’une expérience intérieure proprement africaine (quoique nous ne cherchons pas non plus à nier cela, ou du moins, les effets des récits différentialistes) qui structure cette discussion mais plutôt l’expérience fragmentée de la Modernité et la manière dont certaines de ces expériences peuvent nous informer davantage sur le visage de celle-ci, particulièrement lorsqu’elle se confronte au dissemblable. Cette méthodologie permet d’en faire le diagnostic le plus fidèle, à la fois pour la vie humaine que l’ensemble des entités du vivant.

L’Afrique, le Nègre et les Autres

D’emblée il faut également préciser que l’Afrique dont il est question ici ne se limite pas aux frontières de la géographie statique. En effet, l’Afrique et le Nègre constituent les deux mêmes faces d’une imagerie complexe construite par la Modernité comme différence de la différence, reflet inversé de la raison, située dans une sorte d’espace intermédiaire entre culture et nature.

Peut-être faut-il rappeler également que, sous le règne de la Modernité, certains phénomènes d’oppression d’ampleur subis par les Africains et/ou les personnes d’ascendance africaine ont également frappé d’autres communautés dont les traits physiologiques ne pouvaient pourtant être totalement capturés par la figure du Nègre, du fait de sa teneur en mélanine. Mais sans doute était-il encore possible à celles-ci de sortir de cet épiderme social et d’abandonner, dans le jeu des échelles sociales, cette peau sociale infâme.

Le Nègre est donc aussi cette assignation dont, certains, ont pu besogneusement se défaire. Les Africains et leurs descendants, moule dans lequel avait été produit cette figure monstrueuse, n’ont, en dehors de l’Afrique elle-même, aucune possibilité définitive de réellement s’extraire de cette clôture. Ainsi, plus de trois siècles après la fin de l’esclavage transatlantique, la possibilité pour eux d’échapper à cette figure reste dépendant de procédures socio-économiques complexes à l’issue incertaine et in fine fragilisées par une opposabilité toujours ouvertes. Qui que soit l’Africain ou l’Afro-descendant, l’interpellation de « sale nègre » au coin d’une rue reste toujours de l’ordre du possible et du plausible.

Le Devenir Nègre du Monde

L’une des spécificités de l’action de la Modernité sur l’Afrique, c’est cette opération à la fois pratique et intellectuelle qui a consisté à transformer des êtres humains en chose et à les réduire drastiquement en combustible pour la machine économique. Ce processus miraculeux par lequel un homme devient un bien meuble, pour le dire comme le Code Noir, marque durablement le rapport du corps noir à soi et sa circulation dans l’espace globalisé.

En cela, le Nègre aurait, selon Achille Mbembe, devançait le monde. En effet pour lui, les dernières formes du capitalisme financier ne tendraient qu’à élargir le plus possible ce geste de réduction miraculeux à l’ensemble du globe, y compris au monde occidental lui-même.

La modernité a produit une véritable métaphysique de la race, celle-ci naissant et venant alimenter d’abord la structure morale et discursive de légitimation de la traite de l’esclave atlantique puis ensuite le désir colonial tout autant que sa justification.

Césaire nous dévoile ainsi la véritable nature de la relation dans l’économie morale de la colonisation :

« Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l’homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote et l’homme indigène en instrument de production »

Ce devenir Nègre du monde pourrait bien faire de l’Afrique un des rouages essentiels de tout nouveau chantier significatif d’une pensée matérialiste ayant pour projet une émancipation ouverte à tous les vivants. Ce repositionnement inattendue de l’Afrique n’est en aucun cas celle annoncée par les nouvelles forces carnassières du capitalisme financier. Celles-là ne jurent désormais que par ce qu’elles ont appelé « l’émergence » économique de l’Afrique, laquelle, si les responsables africains n’y prennent garde, pourrait bien ressembler à s’y méprendre à une recolonisation du continent, non plus par la forme classique des trois M (missionnaires, militaires, marchands) mais par du pur capital. Bis repetita.Ce qui nous intéresse ici est certainement plus fondamental, plus grand que l’Afrique elle-même d’ailleurs; c’est l’Afrique comme structure d’émancipation du seul monde souhaitable pour tous, c’est-à-dire un monde devenu monde.

Tabué NGUMA

Mahamadou ISSOUFOU, le Président de l’Etat d’urgence ?

La vie politique nigérienne n’a jamais été un long fleuve tranquille. Alors que l’actualité du pays est marquée par de vives tensions sur plusieurs fronts[1], l’élection présidentielle de 2021 cristallise les rivalités et les ambitions notamment au sein du parti du Président sortant, que la constitution empêche de se représenter.

Une forte implication face à une situation sécuritaire régionale sous tension …

Dans ce contexte, le positionnement du Président Mahamadou ISSOUFOU est donc particulièrement scruté et interprété.

Taxée de dérive autoritaire, sa ligne politique est actuellement critiquée pour être trop proche des occidentaux et en particulier des français et des américains. L’implantation de bases militaires sur le sol nigérien et l’autorisation de survol du pays par des drones armés américains, ainsi que l’adoption  d’une loi de finance favorisant l’implantation de sociétés étrangères tout en créant dans le même temps de nouveaux impôts pour les nigériens, lui ont définitivement collé cette image et celle « d’ami de la France ».

Sans chercher à s’en défaire, au contraire le Président ISSOUFOU revendique et met en avant son rôle central face à la menace terroriste, cerné par le Mali en partie occupé par les hommes du GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) et de l’EIGS (État islamique dans le Grand Sahara), le Nigéria où sévi Boko Haram et au nord par une frontière notamment avec la Libye, très difficilement contrôlable.

A ceux qui lui reprochent de jouer le jeu du néo-colonialisme, le Président nigérien oppose la gravité de la situation et une nécessaire mobilisation internationale pour empêcher l’implantation d’un « Etat islamique au Niger ».

Rempart face au terrorisme ou relais des occidentaux, le Président nigérien n’en demeure pas moins un allié de premier plan pour la France. En attestent les relations entretenues avec Emmanuel MACRON et l’aide apportée par ce dernier pour les 23 milliards de dollars de promesses de financement, obtenus à Paris auprès des bailleurs internationaux, pour financer le « plan de renaissance » en faveur de l’industrie agroalimentaire nigérienne.

A l’échelle sous régionale, sa désignation à la tête du G5 Sahel en février 2018 pour un mandat d’un an, donne au Président ISSOUFOU une position stratégique.

Composée de la Mauritanie, du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad, cette organisation créée en 2014 ayant justement pour mission principale d’œuvrer en faveur de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité.

Enfin, le lancement de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECA), lors d’un Sommet Extraordinaire de l’Union Africaine (UA) à Kigali en mars 2018 est venu couronner de succès l’investissement du Président nigérien, en charge de l’ambitieux projet depuis janvier 2016.

… Au détriment  d’une politique intérieure en demi-teinte ?

Seulement, si Mahamadou ISSOUFOU est courtisé sur le plan régional et international, il semble en revanche faire face à une défiance de plus en plus importante sur le plan intérieur.

Qu’elle semble lointaine sa réélection triomphale en 2016 avec 92,4% des voix. Porteur de grands espoirs lors de son arrivée au pouvoir en 2011, Mahamadou ISSOUFOU n’a manifestement pas encore fait de miracles et sorti le pays de sa situation d’extrême pauvreté.

Force est de constater qu’en 7 ans le Niger reste l’un des cinq derniers pays dans le classement mondial du PIB par habitant, que son taux de fécondité demeure le plus élevé au monde avec 7,6 enfants par femme en moyenne, que l’accès aux biens essentiels, à la santé, à l’eau, à l’électricité des nigériens reste dramatique, que le taux d’analphabétisation y est encore l’un des trois plus élevés du monde.

Alors que le Président ISSOUFOU était présenté par Paris Match en 2013 comme « Le nouveau visage de l’Afrique », son pays n’a quant à lui pas changé de visage depuis et demeure en 2018 extrêmement pauvre, fragile et oublié.

Le drame du Niger est également démographique puisque la population a quadruplé depuis les années 1960, doublé depuis 1980, pour dépasser à présent les 20 millions d’habitants. Un nigérien sur cinq à moins de 5 ans et l’espérance de vie au Niger est l’un des plus faible du monde.

L’économie quant à elle repose toujours essentiellement sur l’élevage et l’exploitation de l’Uranium.

S’il est effectivement moins affecté par l’insécurité et le terrorisme que plusieurs de ses voisins, le Niger semble également ne pas évoluer et rester bloquer avec ses mêmes maux et ses mêmes difficultés.

Certes, la croissance économique est toujours forte, mais les promesses d’embellie liées au développement des industries extractives se font toujours attendre.

Autre signe encourageant, le pays renforce ses relations de coopération avec la Turquie, l’Iran, le Maroc, la Chine ou encore l’Inde, qui investissent dans les domaines économique, touristique et culturel, ainsi que ceux de la santé, ou encore des transports.

Néanmoins les inaugurations comme celle, en grande pompe d’un nouveau centre hospitalier moderne construit par les chinois en 2016, semblent encore surtout symboliques et être l’arbre qui cache le désert. Pendant ce temps, la population s’impatiente de plus en plus.

De la difficulté de gouverner une démocratie fragile et fébrile.

Les élections présidentielles de 2021 et l’impossibilité pour le Président Mahamadou ISSOUFOU de se représenter pour un troisième mandat, font donc gonfler les spéculations, exacerbent les ambitions et renforcent le sentiment d’attente et d’exaspération.

Néanmoins, dans l’un des pays les plus jeunes du monde, où la moyenne d’âge est de 15 ans seulement, ce sont les mêmes visages qui accaparent la scène politique et s’affrontent depuis les années 1990.

En outre, les scrutins sont très marqués par l’ethnicisation des votes. Chaque candidat mobilise avant tout sa région et les siens.

Enfin, la démocratie nigérienne reste fragile, le pays ayant cette caractéristique d’avoir été frappé par quatre coups d’Etat depuis 1960, dont le dernier en 2010.

A 46 ans, après une candidature aux élections présidentielles en 2016, où il était arrivé 5ème avec 4,3%, ex Ministre des transports (2012-2013) et à présent ex Ministre des Affaires étrangères (2016-2018), Ibrahim YACOUBA fait figure de nouveau de la politique nigérienne.

Officiellement poussé vers la sortie en raison de son désaccord sur la réforme du code électorale, l’énarque nigérien, jugé « trop ambitieux » par les proches du Président a préféré annoncer sa démission avant de se la voir notifier et se positionne clairement pour la présidentielle 2021. Ancien militant altermondialiste, Ibrahim YACOUBA réussira-t-il à faire bouger les lignes d’ici là, s’appuyer sur la contestation sociale et la jeunesse, tout en prouvant qu’il en a déjà l’envergure et ainsi menacer le successeur désigné par le Président sortant ?

Alors que l’on ne connait pas encore sa position pour les prochaines échéances, Mahamadou ISSOUFOU semble affronter des manifestations et des opposants de plus en plus véhéments et prend le risque de quitter bientôt la scène politique nigérienne en laissant son pays sensiblement au moins point que celui dans lequel il l’avait trouvé en arrivant au pouvoir en 2011.

En misant sur une posture internationale intransigeante vis-à-vis de la menace terroriste, quitte à en faire sa priorité, Mahamadou ISSOUFOU peut-il prendre de la hauteur et se construire l’image de protecteur et garant de la sécurité des nigériens et ceux-là lui en seront-ils reconnaissants ?

[1] Entre  autres, manifestations à répétition, l’arrestation de leaders de la société civile, d’importants mouvements étudiants, le limogeage médiatique du Ministre des Affaires étrangères, une situation sécuritaire précaire ponctuée d’attaques sporadiques par des groupes djihadistes.

La Chine en Afrique : un loup dans la bergerie ?

Le 03 septembre, le président chinois, Xi Jinping, annonçait au profit de l’Afrique une enveloppe de 60 Mds USD (15 en dons ou prêts sans intérêt ou concessionnels, 20 en crédits, 10 pour l’aide au développement et 5 pour supporter les importations chinoises en provenance d’Afrique ; le reste devrait être porté par le secteur privé) pour les trois prochaines années. Pour les occidentaux, c’est un cadeau empoisonné[1] alors que les autorités africaines voient en la Chine, ce partenaire qui va les aider à atteindre « l’émergence », tant souhaité.

La Chine est prédatrice ; ce n’est pas nouveau ! Depuis 2013, avec le lancement du projet de « nouvelles routes de la soie » (la Belt and Road Initiative – BRI), les intentions des autorités chinoises sont plutôt claires. Le pays veut s’imposer comme la première puissance économique mondiale. La BRI n’est qu’une déclinaison de cette volonté. Et l’Afrique n’est pas le seul continent au cœur de cette stratégie. Se positionnant comme l’usine du monde, la démarche chinoise apparait évidente : acheter les matières premières en Afrique (et aussi en Amérique Latine), les transformer chez elle et inonder le marché occidental. Pour atteindre cet objectif, la Chine use de toutes les armes dont elle dispose. Et en Afrique, c’est la puissance financière qui est de rigueur. Elle offre aux autorités africaines une alternative réelle par rapport aux partenaires traditionnels, dont les actions en Afrique n’ont pas permis « l’émergence » du continent, un demi-siècle après les indépendances.

Chine ou Occident, les intentions et les regards portés sur l’Afrique restent les mêmes : l’Afrique est un marché de matières premières et de consommation de produits finis ; alors chacun essaie de se tailler sa part. Les méthodes ne divergent pas non plus grandement. Tout passe par la puissance financière. Seulement, alors que l’Occident dont les moyens financiers sont limités usent de conditionnalités relatives aux conditions socio-politiques et économiques pour rationner ses aides ; la Chine se soucie peu ou pas de leur solvabilité[2] ou des conditions socio-politiques et ses actions en Afrique sont visibles. Elle apporte une réponse aux défis du continent en matière d’infrastructures[3]. Son influence s’accroît et dépasse même les aspects économiques. On va progressivement vers l’installation de bases militaires chinoises sur le continent ; une existe déjà à Djibouti. Aujourd’hui la plupart des pays africains, à l’exception du Swaziland, ont rompu leurs relations diplomatiques avec Taïwan pour s’attirer les faveurs de Pékin. Par extension, il serait difficile pour l’Occident aujourd’hui d’user de voix africaines pour faire voter des décisions contre la Chine à l’échelle internationale.  En bref, la Chine ne fait pas pire, ni mieux que les occidentaux. Elle dispose seulement d’une assise financière plus robuste, évite de s’ingérer dans les questions politiques (ce que la jeunesse africaine reproche de plus en plus aux occidentaux) et faire preuve de pragmatisme en s’assurant de rendre très « concrète » son action en Afrique, de sorte à s’imposer sur les marchés que les occidentaux leur croyaient acquis. En fait, les accusations de néocolonialisme formulées à l’encontre de la Chine par les occidentaux s’apparentent aux pleurs du renard qui voit le loup entrer dans son garde-manger.

L’acharnement médiatique vis-à-vis de la Chine quant à ses actions financières en Afrique n’a pas lieu d’être. Certes les risques liés à la dette chinoise, et à l’évolution rapide de la dette des pays africains en général, nécessite d’être discutée, pour identifier les goulots d’étranglement et proposer des solutions, au lieu de rester dans une forme de dénonciation. La Chine adopte aujourd’hui une démarche qui permet de financer et de réaliser des projets, en s’affranchissant des multiples procédures et règles souvent de rigueurs avec les partenaires traditionnels des pays africains. Cette démarche est à parfaire pour inclure davantage l’expertise locale avec une stratégie d’endettement cohérente, afin de paver la voie pour une transformation structurelle des économies africaines.

Une chose est certaine, c’est que l’Afrique appartient aux africains et à ce titre, ils feront à travers leur dirigeants les choix qui leur conviennent le mieux pour atteindre leurs objectifs. Il convient pour ce faire de tirer les leçons d’un demi-siècle de partenariat avec l’Occident pour améliorer le cadre des partenariats avec le reste du monde et d’en minimiser les risques potentiels. « Tout est bon mais tout n’est pas utile ».

Mais au-delà de tous ces discours experts sur la relation sino-africaine, une question devrait retenir toute l’attention. Que pensent réellement les africains de la présence chinoise ? Ce partenariat change-t-il pour le mieux leurs conditions de vie ?

[1] Voir ces articles de Telegraph, de BBC ou du Monde.

[2] L’évolution de la dette des pays africain reste quand même un facteur d’inquiétudes. Les analyses de viabilité de la dette (AVD) réalisées par le FMI et la Banque Mondiale, montrent que le profil de risque d’endettement des pays africains a rapidement évolué entre 2012 et 2015. Sur les 39 pays bénéficiaires de l’IPPTE, ont déjà atteint un risque élevé d’endettement (contre 5 en 2012), 18 sont classés en risque modéré (13 en 2012) et 5 sont classés en risque faible (contre 11 en 2012). Les emprunts auprès de la Chine y contribue considérablement. En 2016, les prêts chinois aux gouvernements africains atteignaient 30 Mds USD.

[3] Même si les conditions d’octroi et d’exécution des projets restent fortement discutables. Ces financements créent sur le sol africain des marchés pour les entreprises chinoises, qui empêchent le développement d’une expertise locale. Aussi en ne s’intéressant pas aux conditions socio-politiques, la Chine favorise le maintien d’un environnement socio-politique délétère. Toutefois, la démarche occidentale n’a pas résolu la question ; elle pourrait même être à l’origine de cette situation. Les récentes discussions sur les activités de Bolloré en Afrique constituent une preuve en la matière.

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