Le secteur privé, maillon fort de l’intégration économique du Maroc en Afrique

Les deux chefs d Etat, Mohammed VI et Macky Sall, président le lancement du Groupe d impulsion economique entre le Maroc et le Senegal, le 25 mai 2015.
Le Maroc « est déjà le deuxième investisseur du Continent, mais pour peu de temps encore, avec sa volonté affichée de devenir le premier » déclarait le Roi Mohammed VI dans son Message au 27ème Sommet de l’Union Africaine à Kigali, le 18 juillet 2016. En effet, plus d’1,5 milliard de dollars ont été investis par les entreprises marocaines entre 2003 et 2013 en Afrique de l’Ouest et Centrale, soit la moitié des investissements directs étrangers du Maroc réalisés ces dernières années.

Dès le début des années 2000, plusieurs entreprises marocaines privées sont allées s’installer en Afrique, couvrant un ensemble diversifié de secteurs. A titre d’illustration, l’implantation de filiales bancaires de la Banque Centrale Populaire, de BMCE Bank of Africa et d’Attijariwafa Bank dans une quinzaine de pays africains. Le holding d’assurance Saham est également présent dans une vingtaine de pays du continent, depuis le rachat de l’opérateur nigérian Continental Reinsurance en 2015. Dans les télécommunications, Maroc Télécom a renforcé son emprise dans le continent avec le rachat de 6 filiales africaines de son actionnaire émirati Etisalat. En outre, plusieurs holdings comme Ynna Holding et la Société Nationale d’Investissement (SNI), à travers sa filiale minière Managem interviennent en Afrique. Dans le secteur immobilier, Alliances Développement Immobilier a signé des accords de partenariat avec les gouvernements camerounais et ivoirien pour la construction de milliers de logements sociaux, Palmeraie Développement a lancé des projets de construction au Gabon, en Côte d’Ivoire et récemment au Rwanda. Le Groupe Addoha a également jeté son dévolu sur le continent via ces deux entreprises : Addoha et Ciments de l’Afrique (CIMAF), motivé par les importants investissements en infrastructures (autoroutes, ponts, ports, logements sociaux, universités, etc). Rejoint depuis peu par LafargeHolcim Maroc Afrique (LMHA), filiale détenue à parts égales par le cimentier LafargeHolcim et le holding royal SNI.

Ainsi, le secteur privé joue un rôle primordial dans l’intégration économique régionale. La mobilisation des investissements privés y est essentielle pour la création d’emploi, l’amélioration de la productivité et l’augmentation des exportations. L’intégration économique maroco-africaine dessinée par le Roi Mohammed VI appelle les opérateurs nationaux à partager leurs expériences et à raffermir leurs relations de partenariat avec les pays africains. Le secteur privé marocain aura alors pour rôle de transférer ses connaissances, tout en exploitant le potentiel de production, contribuant ainsi à l’amélioration de sa compétitivité à l’échelle internationale. Pour sa part, le commerce interrégional offre une occasion de dynamiser les échanges commerciaux – encore faibles – et de réduire le déficit structurel de la balance commerciale marocaine. Le potentiel économique étant important. La CEDEAO (Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest) et la CEMAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale) comptent plus de 300 millions de consommateurs, soit un marché 9 fois supérieur à la population marocaine.

Rôle des Groupements d’impulsion économique dans le renforcement des relations économiques bilatérales

A chaque déplacement officiel de Mohammed VI, le Maroc conclut avec les autres pays africains des accords préférentiels prévoyant des facilités douanières et des avantages fiscaux afin de promouvoir les échanges commerciaux et développer les investissements intra-africains. Aujourd’hui, les relations économiques entre le Royaume et les autres pays africains sont régies par un cadre juridique de plus de 500 accords de coopération.

Ceci est tellement important que le Roi Mohammed VI a invité le Gouvernement – lors de la 1ère Conférence des ambassadeurs organisé en août 2013 – à œuvrer en coordination et en concertation avec les différents acteurs économiques des secteur public et privé en vue de saisir les opportunités d’investissements dans les pays à fortes potentialités économiques. Ainsi, les derniers périples royaux ont été marqués par la mise en place de Groupes d’impulsion économique (GIE) entre le Maroc et le Sénégal, d’une part, et le Maroc et la Côte d’Ivoire, d’autre part. Ces instruments, co-présidés par les ministres des Affaires étrangères et les présidents des patronats de chaque pays, visent à promouvoir le partenariat entre les secteurs privés et à booster les échanges commerciaux ainsi que les investissements[1].

Avec une population de près de 22 millions d’habitants, la Côte d’Ivoire est la 1ère économie de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine) et est également la 2e puissance économique de la CEDEAO. Et les opportunités d’investissements n’y manquent pas : l’industrie, les infrastructures et BTP, les mines, énergies, etc. Le Sénégal n’est d’ailleurs pas en reste. Il existe de nombreuses raisons qui encouragent les investissements dans le pays tels que la stabilité politique, l’ouverture économique et la modernité des infrastructures. La protection des investisseurs marocains est également assurée grâce notamment aux accords de promotion et de protection réciproque des investissements et des accords de non double imposition. Le protocole d’accord relatif à la création d’une joint-venture entre le groupe marocain « La Voie Express » et la société sénégalaise « Tex Courrier » signé le 9 novembre 2015 lors de la cérémonie de présentation des travaux du GIE maroco-sénégalais – présidé par le Roi Mohammed VI et le Président Macky Sall – témoigne à juste titre du rôle moteur joué par cet instrument pour la dynamisation du partenariat privé-privé[2].

Par ailleurs, les échanges entre le Royaume et le continent africain ont connu une nette augmentation durant la dernière décennie. Sur la période 2004-2014, les échanges globaux du Maroc avec le continent ont quadruplé, passant de 1 milliard de dollars à 4,4 milliards de dollars. L’étude ‘‘Structure des échanges entre le Maroc et l’Afrique : Une analyse de la spécialisation du commerce’’ réalisée par OCP Policy Center en juillet 2016 montre que l’Afrique de l’ouest reste la 1ère destination des exportations marocaines[3]. Cette région a notamment accueilli environ 50,08% de ces exportations en 2014, soit l’équivalent de 1,04 milliard de dollars[4]. Toutefois, l’analyse de la structure des exportations fait ressortir que les exportations marocaines vers le continent sont dominées par les biens intensifs en matières premières et ressources naturelles[5]. Un fort potentiel reste encore à développer pour dynamiser davantage les exportations marocaines. La Direction des études et des prévisions financières (DEPF), rattachée au Ministère de l’Economie et des Finances marocain, soulignait dans son étude ‘‘Relations Maroc-Afrique : l’ambition d’une nouvelle frontière’’ que « les entreprises marocaines, ciblant le marché africain, devraient privilégier une stratégie de pénétration basée sur des considérations de coûts à partir de choix sectoriels ciblés en fonction de l’évolution des besoins actuels et surtout futurs des populations africaines, l’essor démographique, la montée des classes moyennes et l’urbanisation rampante du continent sont autant de facteurs à prendre en considération pour anticiper la configuration ascendante de ces économies en voie d’émergence ». Dans ce sens, les entreprises exportatrices marocaines ont intérêt à anticiper les dynamiques de transformations économiques, sociales et culturelles qui se profilent à l’horizon en Afrique subsaharienne en mettant en place des stratégies d’adaptation afin de capter une part de marché supérieure et combler leur retard sur cette région dynamique.

L’action économique au cœur de la stratégie d’intégration du Maroc en Afrique

L'intégration économique est aussi importante pour le Maroc que pour le continent. La récente tournée royale effectuée au Rwanda, Tanzanie, Sénégal, Ethiopie, Madagascar et Nigéria a vocation à la renforcer. L’Afrique de l’est est la région africaine la plus dynamique. Et le potentiel économique y est encore inexploité. Ainsi, afin que le Maroc puisse renforcer davantage sa présence sur le continent africain, il convient d’explorer un certain nombre de pistes. Tout d’abord, encourager l'internationalisation des entreprises marocaines et leur investissement en terre africaine en mettant à leur disposition une véritable base de données sur les spécificités et le potentiel de chaque économie. Ensuite, favoriser les flux d’exportations vers les pays africains. Les acteurs publics et privés sont tous les deux concernés par la promotion des produits marocains. La nouvelle Agence marocaine de développement des investissements et des exportations mais également l’ASMEX (Association marocaine des exportateurs) devront conduire des missions commerciales dans différents gisements africains et offrir aux entreprises nationales l’accompagnement nécessaire pour développer leurs exportations et/ou réaliser leur projet de développement sur le continent. Enfin, renforcer l’intégration commerciale avec les différents pays africains. Le marché de consommation est en train de se constituer avec l’émergence d’une classe moyenne davantage tournée vers les produits manufacturés et à forte valeur ajoutée. La négociation de partenariats avancés avec la CEDEAO et la CEMAC incluant la mise en place de zones de libre-échange, constitue à son tour une porte d’entrée idéale sur ce grand marché de plus de 300 millions d’âmes.

A l'ère de la mondialisation et de la concurrence internationale acharnée, la projection accrue des économies émergentes sur le continent africain est empreinte de rivalités : Chine, Inde, France, Japon ou encore l’Allemagne, tous ont dévoilé leurs ambitions africaines. Face à ce contexte international, la diplomatie marocaine se veut plus ambitieuse et agressive. Le Roi Mohammed VI déclarait à l’ouverture du Forum Maroco-Ivoirien du 24 février 2014 : « les relations diplomatiques sont au cœur de nos interactions. Mais, à la faveur des mutations profondes que connaît le monde, leurs mécanismes, leur portée ainsi que leur place même dans l'architecture des relations internationales, sont appelés à s'adapter aux nouvelles réalités. » Dans ce sillage, le Maroc gagnerait à organiser un sommet d’affaires maroco-africain. Ce dernier s’inscrirait dans la continuité de l’Africa Action Summit et porterait sur le potentiel de développement économique du continent. Le Sommet réunirait, ensemble, les gouvernements et entreprises, les secteurs public et privé, autour du développement économique, social, et humain de l’Afrique. L’enjeu étant de réaffirmer la stratégie d’influence du Maroc sur le continent.

Hamza Alami


[1] Les groupements d’impulsion économiques comprennent 10 secteurs d’activités identifiés comme prioritaires : il s’agit des commissions Banque-finances-assurance, agri-business-pêche, immobilier-infrastructures, tourisme, énergie-énergie renouvelables, transport-logistique, industrie-distribution, économie numérique, économie sociale et solidaire-artisanat, capital humain-formation et entreprenariat

[2] Christophe Sidiguitiebe, Quatre nouveaux accords signés entre le Maroc et le Sénégal, Telquel.ma, le 10.11.2016 : www.telquel.ma/2016/11/10/quatre-nouveaux-accords-signes-maroc-senegal_1523082

[3] Quatre des cinq principaux partenaires commerciaux africains (Algérie, Mauritanie, Sénégal, Côte d’Ivoire et Nigéria) font partie de l’Afrique de l’ouest.

[4] En ce qui concerne les importations, le poids de l’Afrique du nord a constitué la source de près de la totalité des importations marocaines, avec une part de 82% en 2014 contre 53% en 2004, en important principalement du gaz naturel, du gaz manufacturé, du pétrole et produits dérivés.

[5] Les exportations marocaines sont constituées essentiellement de produits alimentaires et animaux vivants (25%), les machines et matériels de transport (18,5%), les produits chimiques et produits connexes (18,1%), les articles manufacturés (15,9%) et les combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes (11,7%).

Un contrat social pour financer l’émergence en Côte d’Ivoire

civLes personnes fortunées empruntent pour financer leurs investissements car les banques leur font confiance. Ceux qui ont moins de moyen, et qui ont donc davantage besoin de prêts, n'y ont pourtant pas accès et font souvent appel à la solidarité familiale ou communautaire pour leurs investissements. La même logique peut être faite à l’échelle des pays. Ceux à revenu élevé empruntent, tandis que les pays africains à revenu faible n'ont qu'un accès limité aux marchés de capitaux.

Au cours de ces dernières années, seul un quart des pays subsahariens ont pu accéder aux émissions obligataires internationales, les autres n’ayant d’unique choix que de solliciter l'aide internationale. Si les flux d'investissements direct étrangers, qui comptent pour près de 3 % du PIB de l’Afrique subsaharienne, ne sont pas négligeables, ils sont majoritairement dirigés vers l'extraction de ressources naturelles où 80 % à 90 % de ces montants ressortent presque immédiatement pour financer les importations nécessaires aux projets. Comment un pays comme la Côte d'Ivoire peut-il sortir de cette impasse ?

La réussite des pays émergents montre la voie à suivre. Si l'aide internationale peut financer l'impulsion initiale, les pays en quête d'émergence doivent avant tout compter sur eux-mêmes. Cela signifie qu'ils doivent mobiliser leurs propres ressources pour financer leur développement. Et c'est peut-être aussi là une définition de l'émergence.

Pour la Côte d'Ivoire, une telle option devrait se traduire par une augmentation de l’épargne domestique pour que celle-ci puisse financer les besoins du pays. Située à environ 20 % du PIB en Côte d’Ivoire, elle est pourtant au-dessus de la moyenne africaine et de celle des pays à bas revenu, mais reste éloigné du niveau des pays émergents d'Asie, où elle dépasse 30 %.

Le véritable problème de la Côte d'Ivoire en matière de financement domestique se situe sur un autre plan,  à deux niveaux. D'abord, l'État ne démontre pas de capacité à générer une épargne publique suffisante. La pression fiscale du pays s’établit à 16 % du PIB, soit en deçà des objectifs des décideurs politiques ivoiriens et de la région UEMOA (20 %), pourtant inférieurs aux taux observés au Maroc ou en Afrique du Sud (25 %).  Les autorités ivoiriennes ne mobilisent en outre que 25 % des recettes potentielles de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui pourraient être perçues sur l’ensemble des transactions internes du pays. À titre de comparaison, un pays émergent comme l'Ile Maurice affiche un taux de recouvrement équivalent à 75 % de son potentiel de TVA.

Le deuxième problème est lié à l'épargne privée. Le défi n'est pas tant d'augmenter son montant mais d'améliorer son affectation. Aujourd'hui, seuls 15 % des épargnants ivoiriens placent leurs économies dans le système financier local, un taux deux fois inférieur à la moyenne africaine. Ce choix ne permet pas de profiter du formidable effet de levier que pourrait générer le multiplicateur de crédit sur l'ensemble de l'économie. Par voie de conséquence, les montants de crédits octroyés par le système financier ivoirien s’élèvent à 30 % du PIB, alors que ceux-ci atteignent plus de 100 % dans des pays comme le Maroc, l'Afrique du Sud et l'Ile Maurice. Ce taux est par ailleurs inférieur aux montants recensés au Ghana, Sénégal et au Togo.

Imaginons que la Côte d'Ivoire puisse agir à la fois sur la mobilisation de son épargne publique et la capacité de crédit de son système financier. Imaginons encore que le recouvrement des impôts atteigne 20 % du PIB et que le taux de crédits augmente jusqu'à 80 % du PIB. Au taux de change actuel et en utilisant le revenu du pays en 2015, ces sources de financement s’établiraient à 40 milliards de dollars ou une hausse de 21 milliards de dollars par rapport aux montants déclarés fin 2015.

Les montants ainsi générés par les sources domestiques permettraient de compléter les engagements financiers extérieurs d’environ 25 milliards de dollars. Compte-tenu des annonces sur la période 2016-20 tenues par le Groupe Consultatif en mai dernier à Paris l'ensemble des financements intérieurs et extérieurs serait amplement suffisant pour couvrir les investissements identifiés par le Plan national de développement sur la période 2016-20, et pour ouvrir la voie vers l'émergence.

La question qui demeure est la suivante : comment parvenir à accroître la mobilisation et l'utilisation de l'épargne domestique tant du côté du secteur public que privé ?  La réponse est éminemment complexe  mais une chose est sûre : elle devra inclure un contrat social à travers lequel les différents acteurs se feront mutuellement confiance et qui possèdera des règles claires et transparentes qui chercheront à optimiser le bien-être collectif du pays et non pas les intérêts pécuniaires de certains groupes particuliers. Les contribuables devront pouvoir compter sur la bonne utilisation de leurs paiements par les pouvoirs publics. De même, les épargnants devront avoir confiance en leurs banques, lesquelles devront en retour avoir suffisamment d’assurances quant à l’effectivité du remboursement de leurs prêts.

Pour en savoir plus, consultez le dernier rapport sur la situation économique en Côte d'Ivoire.

Cet article est issu des Blogs publiés par la Banque Mondiale et soumis par JACQUES MORISSET.

A quoi peuvent bien servir des marchés financiers en Afrique ?

Y a-t-il des marchés financiers[1] en Afrique ? Si oui, à quoi servent-ils ? Relèvent-ils le défi daider le continent dans son processus de développement ? Quelles mesures doivent être prises pour que ces marchés se développent sainement ? La série darticles sur les marchés financiers dont voici le deuxième volet, répond à ces questions.

La valeur du crédit accordée par lensemble des institutions financières africaines au secteur privé représente 18% du PIB contre plus de 100% pour les pays développés. Les systèmes financiers africains sont encore largement dominés par les banques qui sont en moyenne petites et dont le taux de pénétration dans l’économie reste faible. Les marchés financiers ont donc toute leur place dans ce contexte. Ils  offrent aux entreprises une bonne alternative pour lever des fonds et financer leur stratégie de développement et donnent aux petits investisseurs de nouvelles solutions pour rentabiliser leur épargne. Ils peuvent également favoriser ladhésion populaire à la réussite de grands groupes africains.

148877329Une incitation à l’épargne, une solution dinvestissement et de financement

Quant ils sont efficaces et régulés, les marchés financiers font le lien entre les épargnants qui ont des capitaux et les entrepreneurs les plus productifs qui en ont besoin. Des marchés financiers matures mettent en relation ces acteurs de façon fluide et transparente. Ces marchés permettent également aux investisseurs de gérer et de diversifier les risques.

Ils fournissent une alternative à de l’épargne africaine bloquée sur des actifs à faible taux de rendement, par manque d’opportunités, ou investie à l’étranger pour essentiellement la même raison. En effet, les actifs de qualité sont rares sur le continent et se limitent souvent à l’immobilier et aux titres publics tels que les bons du trésor.

D’autre part, de nombreux investisseurs institutionnels tels que les fonds de pension et les sociétés d’assurances n’ont pas le droit d’investir à l’étranger, ils ont donc des liquidités importantes souvent piégées sur des actifs à faible rendement. La présence de marchés financiers plus actifs donne désormais une solution d’investissement à ces institutions.

La promotion de lactionnariat populaire : une bonne nouvelle pour les petits épargnants et pour les entreprises

Les marchés financiers africains permettent à des programmes de privatisation nécessitant des fonds conséquents de se dérouler avec l’aval, la participation et l’appui de la population locale à travers l’actionnariat populaire. L’introduction en bourse de l’ONATEL, l’entreprise nationale de Télécommunications du Burkina Faso, en 2009 en est un exemple éloquent. L’Etat Burkinabé a ainsi pu céder 20% de son capital via la participation de plus de 3300 particuliers à l’actionnariat de cette entreprise. Quant on sait que le taux de souscription pour l’entrée au capital de cette entreprise a été de 140% et que seulement 200 000 personnes sont recensées comme détenant un emploi formel dans le pays, on se rend compte aisément du niveau de popularité de l’opération. L’ONATEL qui avait été partiellement cédée en 2006 à Maroc Télécom est redevenue dans l’esprit des Burkinabé une société vraiment nationale. Chez de nombreux citoyens du pays, un sentiment de fierté de se sentir associé au succès de cette entreprise, doublé de la satisfaction de trouver une bonne solution d’investissement, prévaut.

L’instrument boursier peut également permettre la participation des salariés d’une entreprise à sa privatisation. C’est le cas de la Société Nationale des Télécommunications du Sénégal (SONATEL) qui a été privatisée en 1999 avec une participation active des salariés à l’achat d’actions. Non seulement des abattements ont été consentis sur le prix des actions permettant à prés de 1500 salariés de l’entreprise d’y trouver leur compte (acquérant ainsi 10% du capital alors valorisé à 32 millions d’Euro, soit 20.8 milliards de FCFA)  mais le paiement a été étalé dans le temps permettant aux actionnaires salariés d’utiliser leurs dividendes à cet effet. Cette participation représente aujourd’hui bien plus de 40 000 euros par salarié c’est-à-dire 26 millions de FCFA dans un pays où le salaire minimum est d’environ 50 000 FCFA et le PIB par habitant d’un peu plus de 500 000 FCFA. Cet actionnariat a permis de mettre en place en 2004 un fonds commun de placement d’entreprise en y basculant quasiment tous les titres, une nouveauté au Sénégal. L’entreprise a ainsi réglé le problème des retraites avec l’aval des syndicats et l’accord des salariés.

Avec ces exemples de privatisation soutenue par la souscription populaire, l’outil boursier permet d’atteindre plusieurs objectifs à la fois : favoriser l’adhésion de la population à un projet de privatisation, l’intéresser à la réussite de l’entreprise en question (un objectif encore plus important quand les personnes qui souscrivent à l’achat des parts sont des salariés), développer un produit d’épargne dans un environnement où les investisseurs locaux et petits épargnants manquent souvent d’actifs de qualité pour investir.

Des entreprises qui gagnent en crédibilité  et dont le potentiel dexpansion saccroit

L’introduction en bourse permet également aux entreprises d’avoir plus de visibilité et d’améliorer leur crédibilité. Cela renforce la confiance des investisseurs dans l’entreprise et multiplie ses opportunités commerciales surtout lorsque les fournisseurs et clients sont eux-mêmes actionnaires de l’entreprise. Le cas de TPSEA (Tourism Promotion Services), un groupe hôtelier leader du marché du tourisme est africain en est un bon exemple. Du fait de son prestige et de sa belle image, tous renforcés par sa cotation en bourse, elle attire et fidélise non seulement ses partenaires commerciaux mais aussi des ressources humaines de grande qualité qui deviennent rapidement des actionnaires. De plus, la cotation de TPSEA à la bourse Kenyane (Nairobi Securities Exchange) lui a permis d’intégrer de nombreux investisseurs a son actionnariat, ce qui en plus d’associer et d’intéresser de nombreux citoyens Kenyans à son succès lui offre d’énormes facilités quand le groupe a besoin de lever des fonds pour s’agrandir.

Cette meilleure visibilité et cette crédibilité renforcée, obtenues sur les marchés financiers, ont pour corollaire une vraie reconnaissance des institutions financières qui sont alors prêtes à octroyer à de telles entreprises un financement relativement peu coûteux, avec des taux d’intérêts bas.

Enfin, Ecobank qui a réalisé en 2006 la première opération de cotation multiple en Afrique  a ainsi pu avoir accès à plusieurs marchés de capitaux et par conséquent a  un pool d’investisseurs plus important et plus diversifié. Les exigences connues de tous de publications de résultats et d’informations capitales des marchés financiers ont donné au groupe une renommée et une crédibilité qui ne se démentent pas et qui lui facilitent l’expansion, les acquisitions et les opérations de recapitalisation.

Mais la cotation multiple n’a pas que des avantages pour l’entreprise ou le groupe qui émet des titres. Elle renforce également la liquidité des titres et donne plus de possibilités aux investisseurs souvent à la recherche de diversification et d’opportunités à l’étranger. En éliminant les opportunités d’arbitrage[2] entre différents marchés, la cotation multiple renforce l’efficience des marchés et en réduit les imperfections.

Cependant, les marchés financiers n’ont pas que des avantages car ils peuvent également déstabiliser l’économie et les entreprises. Le prochain article de cette série abordera les inconvénients et les risques liés au développement des marchés de capitaux sur le continent.

 

Sources :

Secteur Privé & Développement, la revue de PROPARCO, Numéro 5. Mars 2010. Les marchés financiers en Afrique : véritable outil de développement ?

http://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/ao%C3%BBt-2012/promouvoir-la-croissance-gr%C3%A2ce-aux-march%C3%A9s-financiers-africains

 

TIte Yokossi                                                                                                                                       


[1] Les marchés financiers souvent appelés bourses sont des lieux où s’échangent des instruments financiers tels que les actions et les obligations. Ces lieux sont de plus en plus virtuels car les marchés financiers murs agrègent les offres et les demandes des acteurs, déterminant ainsi un prix ou une cotation qui est transmise en temps réel, grâce aux révolutions des TIC à tous les acteurs sans plus nécessiter la présence physique de ces derniers dans une même salle.

 

 

 

 

 

[2] Il s’agit des possibilités de réaliser un profit sûr en utilisant le fait qu’un même actif est côté à un prix différent d’un marché à l’autre