Peut-on parler d’une instrumentalisation du droit à l’éducation en Afrique ?

educ1Indéniablement reconnu par la communauté internationale comme un droit de l’homme, le droit à l’éducation soulève, malgré tout, une multitude de questionnements. Loin d’être un droit absolu, l’éducation est un outil fortement dépendant des intentions de l’acteur qui le détient.  L’étude de la complexité et de la malléabilité de l’éducation permet de prendre conscience de l’ambivalence des rôles qu’elle peut jouer. L’instrumentalisation de l’éducation est aussi bien porteuse d’obstacles sérieux à la réalisation de l’Objectif mondial du développement qu’est « l’Education pour tous » (EPT), que d’éléments clés à la dissémination d’une culture de la paix. Si l’éducation peut servir la cause de la domination et de l’oppression, il ne faut pas oublier qu’elle peut, de la même manière servir celle de la libération et de la liberté.[1] Lisez l’intégralité de cette Note d’Analyse.


[1] TAWIL Sobhi, Rapport final et étude de cas de l’atelier sur la destruction et la reconstruction de l’éducation dans les sociétés perturbées. 15-16 mai 1997, Genève, Suisse. Organisé conjointement par le bureau international de l’éducation et l’Université de Genève

 

 

Comment évaluer le caractère inclusif de la croissance en Afrique ?

illustration_inclusive_growthAu cours des dernières années, la croissance économique s’est accélérée en Afrique. Elle suscite cependant des interrogations quant à sa capacité à profiter à tous, c’est-à-dire d’être inclusive. Comment évaluer le caractère inclusif de la croissance ? Quels sont les déterminants de cette inclusivité ? C’est à ces questions que tente de répondre l’étude menée par le Think-Tank L’Afrique des Idées sur la croissance inclusive en Afrique. Les premiers résultats ont été présentés à la Conférence de l'Université des Nations Unies à Helsinki en Septembre 2013 et à la Conférence Annuelle de la Banque Mondiale sur l'Afrique à Paris en juin 2014. Télécharger le résumé analytique en cliquant sur le lien suivant: Etude Croissance Inclusive_Résumé Analytique_ADI. Une version Working Paper a été publiée par le World Institute of Delevelopment Economics Research de l'Université des Nations Unies (UNU-WIDER).

Conseiller Scientifique:

Denis Cogneau, Chercheur Associé à PSE-Ecole d'Economie de Paris

Equipe de recherche:

Georges Vivien HOUNGBONON, PhD Candidate, Paris School of Economics

Arthur Bauer, Graduate Student, Harvard Kennedy School of Government

Tite Yokossi, PhD Candidate, Massachussets Institute of Technology

Nathalie Ferrière, PhD Candidate, Paris School of Economics

Abdoulaye Ndiaye, PhD Candidate, Northwestern University

Clara Champagne, ENSAE-Paristech

Hedi Brahimi, Paris School of Economics

Jeanne Avril, ENSAE-Paristech 

Quelles sont les attentes des jeunes africains de la diaspora et comment les attirer sur le continent ?

carriere2L’Afrique a enregistré une croissance économique soutenue au cours des dix dernières années. En 2014, 17 pays africains (soit un tiers du continent) devraient enregistrer une croissance du PIB supérieur à 6,5%. De par ses performances économiques et de par sa stabilité politique qui se renforce, l’Afrique devient de plus en plus attractive, non seulement pour les entreprises, mais aussi pour les jeunes africains de la diaspora.

Dans ce contexte, le Think-Tank L’Afrique des Idées a conduit une Rapport[1] auprès des jeunes africains ayant effectué une partie de leur formation à l’extérieur du continent (94% en Europe). Les résultats issus de cette enquête apportent des éclairages sur les sources de motivation des jeunes de la diaspora qui vont travailler en Afrique, les difficultés qu’ils rencontrent dans le cadre de  leur retour et les domaines dans lesquels leurs attentes vis-à-vis des entreprises sont les plus fortes.

Principaux enseignements

Le 1er enseignement concerne la perception des jeunes africains de la diaspora sur les raisons de leur recrutement en Afrique. L’enquête a pris comme postulat l’expérience internationale et la connaissance régionale de l’Afrique comme facteurs déterminants dans les choix de recrutement des entreprises installées en Afrique. 65% des jeunes africains de la diaspora interrogés considèrent l’expérience internationale comme le principal facteur déterminant pour être recruté en Afrique, contre 22% pour la connaissance régionale.

carriere3Le 2ème enseignement porte sur les principaux facteurs qui motivent les jeunes africains de la diaspora à retourner travailler en Afrique. 75% des répondants considèrent la volonté de s’impliquer dans l’essor du continent comme leur principale motivation à rentrer travailler sur le continent. L’attache familiale en Afrique est mentionnée par respectivement 43% des répondants.  Il est intéressant de noter que les facteurs en lien direct avec la vie professionnelle sont considérés comme principales sources de motivation par moins de 25% des répondants. Il en va ainsi de la possibilité d’un plan de carrière plus rapide en Afrique qu’ailleurs (25%), de l’absence d’opportunités dans le pays où le répondant a fait une partie de ses études (14%), et plus frappant, de l’intérêt pour l’entreprise qui recrute (4%). Autrement dit, que ce soit Total au Gabon, la Société Générale au Sénégal ou Deloitte en Côte d’Ivoire, dans leur démarche de retour en Afrique, les jeunes africains de la diaspora attachent très peu d’importance à l’entreprise qui les recrute.

Le 3ème enseignement est relatif aux difficultés rencontrées dans le cadre du retour en Afrique. D’après les données collectées, la difficulté majeure à laquelle les jeunes africains de la diaspora sont confrontés concerne le manque d’informations sur les opportunités existantes en Afrique. Celle-ci est mentionnée par sept répondants sur dix. Le caractère peu attrayant des rémunérations est quant à lui cité par 31% des répondants. Les délais des processus de recrutement et les réticences de la part de l’entourage  sont considérés comme faisant partie des obstacles majeurs dans la recherche d’emploi par respectivement 21% et 20% des répondants.

Quant aux attentes vis-à-vis des entreprises, 67% des jeunes ayant répondu à l’enquête estiment que l’amélioration des rémunérations et avantages sociaux constitue un principal élément sur lequel les entreprises qui recrutent en Afrique devraient s’améliorer. La rémunération est suivie par « la formation et le renforcement du capital humain » (55%) et « la responsabilisation » au sein de l’entreprise (35%).

Ces enseignements laissent transparaitre deux points majeurs : les jeunes africains de la diaspora considèrent leur expérience internationale comme leur principale valeur ajoutée pour les entreprises opérant en Afrique ; le retour en Afrique de ces jeunes est essentiellement mû par des considérations qui ne sont pas en lien direct avec les entreprises. Dans ce cadre, les entreprises qui souhaitent se développer en Afrique font face à un double défi : d’une part attirer des talents qui ont à la fois une expérience internationale et une bonne connaissance régionale de l’Afrique, et d’autre part développer une attractivité plus forte pour attirer et surtout conserver les jeunes issus de la diaspora.

carriere13 leviers majeurs pour attirer et conserver des jeunes talents issus de la diaspora

Les entreprises devraient « donner du sens » aux carrières qu’elles proposent de façon à construire une plus forte identification entre elles-mêmes et « la volonté de s’impliquer dans l’essor du continent », qui est la principale source de motivation des jeunes de la diaspora. Les nouvelles stratégies de marque devraient s’appuyer sur une communication revisitée et des canaux de diffusion plus adaptés aux attentes des jeunes africains de la diaspora, d’autant plus que l’accès à l’information sur les opportunités de carrière en Afrique demeure leur principale difficulté.

Vu les fortes attentes des jeunes de la diaspora en termes de rémunération, les entreprises devraient mieux prendre en charge les préoccupations de jeunes professionnels déjà habitués aux standards internationaux. Cela pourrait passer par des avantages sociaux et des bénéfices en nature plus substantiels.

Enfin, la formation et le capital humain étant deux dimensions clés auxquelles les jeunes Africains de la diaspora sont très attachées, les entreprises devraient les inscrire dans une perspective internationale, en proposant aux jeunes qui les rejoignent en Afrique :

  • des possibilités de formation à l’étranger
  • une mobilité aussi bien fonctionnelle et géographique (notamment en offrant la possibilité aux jeunes de travailler dans plusieurs pays du continent).

Nicolas Simel Ndiaye et Georges Vivien Houngbonon


[1] Les données ont été collectées entre le 1er et le 8 avril 2014 par le biais d’un questionnaire électronique sur un échantillon de 109 jeunes africains de la diaspora âgés entre 20 et 35 ans.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Afrique au regard de ses romanciers

chimamandaL’Afrique contemporaine est l’objet de nombreux récits : celui des économistes, des sociologues, des démographes, des militants politiques, des historiens, des journalistes, des investisseurs… Ces récits occupent l’espace médiatique et académique, ils façonnent notre vision du continent africain.

Le récit que portent les romanciers sur l’Afrique contemporaine, parce que parcellisé, protéiforme, hors cadre conventionnel, est lui peu audible. Pourtant, son importance est cruciale. Comme le soulignait Hermann Broch, les romans produisent des effets de vérité qui échappent à tous les autres systèmes d’interprétation et de représentation du monde.

Depuis un peu plus de deux ans déjà, nos chroniqueurs littéraires rendent compte de ce regard particulier que portent les romanciers sur l’Afrique contemporaine. Une période de l’histoire qui s’est caractérisé par une mutation sociale accélérée, qui ne s’est pas faite sans violence. Une situation que reflètent les thématiques abordées par les romanciers, et que transcrit ce document que vous pouvez télécharger en cliquant sur ce lien : Brochure Culture ADI.

Comment mesurer la croissance inclusive en Afrique ?

On veut de leau potable, Sinzinzin. Sculpture de Kifouli Dossou, Peinture de Kifouli Dossou, 2010 - 2011
On veut de leau potable, Sinzinzin. Sculpture de Kifouli Dossou, Peinture de Kifouli Dossou, 2010 – 2011

Au cours de la dernière décennie, l’Afrique a connu une croissance économique forte et stable.[1] Cette performance économique a suscité beaucoup d’espoir sur la réduction de la pauvreté comme ce fût le cas dans d’autres régions du monde comme la Chine et l’Inde.[2] Cependant, la part de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté n’a baissé que très légèrement durant la période.[3] La plupart des études académiques à ce jour se sont intéressées à comprendre les causes du décalage entre la croissance économique et la réduction de la pauvreté en Afrique. L’approche consistant à mesurer l’impact de la croissance sur l’ensemble des groupes sociaux (en fonction des niveaux de revenu) et non plus seulement sur les catégories les plus pauvres est toutefois moins courante.

La mesure de l’inclusivité de la croissance est devenue progressivement un sujet majeur de préoccupation. Toutefois, nous en savons encore très peu sur l’évolution réelle des revenus et des dépenses des différentes catégories de ménage en fonction du taux de croissance global de l’économie dans laquelle ils s’inscrivent. De ce fait, il n’est pas possible encore à ce jour d’identifier les politiques publiques appropriées susceptibles de rendre la croissance économique plus inclusive. Cela est dû à l’absence d’observations empiriques sur les liens réguliers qui existent entre certaines politiques publiques et « l’inclusivité de la croissance ».

Le think-tank Terangaweb-l’Afrique des Idées s’est donc proposé de mener une observation empirique de l’évolution des revenus des ménages dans trois pays africains (Tanzanie, Cameroun, Sénégal) au regard des taux de croissance économique respectifs de ces pays.  Cette étude a permis d’identifier des relations stables entre l’évolution des revenus/dépenses des ménages et le niveau, la stabilité et la structure de la croissance économique. L’identification de ces relations a permis d’apporter des éléments de réponses aux questions suivantes :

  • La croissance économique a-t-elle besoin d’être forte pour être inclusive ?
  • Faut-il promouvoir une croissance stable pour la rendre inclusive ?
  • Existe-t-il un lien entre la structure de l’économie et « l’inclusivité de la croissance »

Sur la base de l’étude de cas de trois pays africains aux performances économiques différentes que sont le Cameroun, le Sénégal et la Tanzanie, nous avons pu obtenir des résultats préliminaires qui sont présentés à Helsinki dans le cadre de la conférence de l’Institut Mondial de recherches sur le développement de l’Université des Nations Unies (UNU-WIDER), les 20 et 21 septembre 2013.


[1] Selon les Perspectives Economiques pour l’Afrique de 2012, le taux de croissance réel du PIB a été de 5,2% sur la période allant de 2003 à 2011.

[2] Avec un taux de croissance d’environ 8% en 25 ans, la part de la population Chinoise vivant avec moins de 1,25 dollars EU par jour est passée de 73% en 1980 à environ 12% en 2005. (Voir Ravallion, 2009)

En Inde, la plus forte baisse de l’incidence de la pauvreté a été enregistrée durant la période de forte croissance (voir Aghion & Aghion, 2004, p.4). En effet l’incidence de la pauvreté a chuté de 10 points en Inde à la fois en milieu urbain et en milieu rural durant la période où le taux de croissance a été d’environ 5%.

[3] Selon la Banque Mondiale, la proportion des pauvres en Afrique est passée de 47% à 40% entre 2002 et 2008.