La femme africaine face aux défis de l’éducation et du développement

Par Christian Dior MOULOUNGUI, philosophe, enseignant de philosophie et doctorant à l’Université Omar Bongo (Libreville/Gabon) cdmouloungui@gmail.com

Résumé

Cet article étudie l’idée selon laquelle la femme africaine subsaharienne doit sortir de son état de minorité. Asservie, stigmatisée et affaiblie par le poids de l’histoire, l’esclavagisme et le colonialisme, elle doit s’affranchir des ornières de cet état tutélaire. Il est commode qu’elle prenne l’initiative de se cultiver, de se former et de s’instruire. Dans ce contexte, la société ne doit plus la résumer, comme pour tout parent et conjoint, à la simple femme africaine centrée sur les logiques du foyer, et réfractaire à l’idée de rencontrer l’homme providentiel, voire s’enraciner aux relations clientélaires. Comme le note Simone de Beauvoir, « Les parents élèvent leur fille en vue du mariage plutôt qu’ils ne favorisent son développement personnel » ([1]). Il s’agit maintenant qu’elle revête l’armure de la femme africaine éduquée, dynamique et susceptible de comprendre la nécessité de répondre aux attentes du continent, et de faire face aux défis mondiaux. De cette façon, elle pourra effectivement saisir les ressorts d’appropriation d’être actrice dans le processus de développement en Afrique. On comprend mieux, à l’aune des dynamiques éducatives, que la prise de conscience de la femme africaine subsaharienne, en tant que femme éduquée, formée et compétente, doit être plus que jamais une urgence pour l’Afrique subsaharienne.    

Mots-clés : Femme africaine, Afrique, Raison, Éducation, Instruction, Formation, Développement. 

Abstract

This article studies the idea that sub-Saharan African women must emerge from their state of minority. Enslaved, stigmatized and weakened by the weight of history, slavery and colonialism, she must use reason to free herself from the ruts of this tutelary state. It is convenient for her to take the initiative to cultivate, train and educate herself. In this context, she must no longer be reduced, as for any parent and spouse, to the simple African woman centered on the logic of the home, and resistant to the idea of ​​meeting the providential man, or even putting down roots in client relationships. . As Simone de Beauvoir notes, “Parents raise their daughter with a view to marriage rather than promoting her personal development.” It is now a matter of putting on the armor of the educated, dynamic African woman capable of understanding the need to meet the continent’s expectations and face global challenges. In this way, she will be able to effectively grasp the sources of appropriation of being an actor in the development process in Africa. We understand better, in the light of educational dynamics, that the awareness of sub-Saharan African women, as educated, trained and competent women, must be more than ever an emergency for sub-Saharan Africa.

Keywords: African woman, Africa, Reason, Education Instruction, Training, Development.

Introduction

            « L’Afrique n’a pas d’histoire ; une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. […] C’est ce qui est absolu dans l’horreur. Le flamboiement tropical en effet, c’est l’Afrique » ([2]). Cette assertion de Victor Hugo prononcée, dans Discours sur l’Afrique, le 18 mai 1879, au cours d’une fête de la commémoration de l’abolition de l’esclavage aux côtes de Victor Schœlcher[3], met en évidence la marginalisation et la stigmatisation de l’Afrique par les Occidentaux. Pour eux, l’Afrique est un continent que l’Europe doit occuper et civiliser. D’après Emmanuel Debono et Stéphane Nivet, « Ce discours montre un homme acquis à la pensée raciale qui domine alors et qui, à aucun moment, ne se montre capable d’en critiquer la portée et les conséquences politiques » ([4]).

        Face à ces propos négatifs traduisant les logiques culturelles du racisme et la discrimination à l’égard des Africains, les femmes noires ne sont pas exemptées. Selon l’imaginaire attaché à l’Afrique et ses habitants ([5]), les femmes africaines du Sud du Sahara ne sont pas assez entrées dans l’histoire. Pourquoi ? Parce qu’elles sont, depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours, souvent enduites par de multiples stéréotypes et préjugés venant de l’Occident. Autrement dit, les croyances de l’imaginaire occidental réduisent les femmes noires à la couleur de leur peau et de leurs cheveux, à l’objet sexuel et leur attribuent le caractère animal. Selon Yann Le Bihan, dans L’ambivalence du regard colonial porté sur les femmes d’Afrique noire

Du XVIe siècle jusqu’à nos jours, les stéréotypes, croyances et images occidentales attachées à la « femme noire », sont caractérisés par leur remarquable permanence. Ils forment autant de représentations traversées par une ambivalence fondamentale se traduisant pars des aptitudes occidentales essentiellement masculines de fascination et/ou de répulsion selon le rapport entretenu par les Européens avec leurs propres société et, en miroir, selon leur représentation valorisée de la  « nature » ([6]).

          Même dans l’imaginaire africain, certains hommes (campagnards ou citadins) ont une conception statique de la femme africaine subsaharienne, celle de la femme au foyer[7], réduite au silence et à la soumission. Comme le note Aradjouman Modeste Boro, « on pense souvent que la femme africaine n’a de valeur que dans le foyer ; elle n’est qu’une simple domestique » ([8]). Ces différents stéréotypes et préjugés sont relativement à l’origine de la catégorisation de l’image des femmes africaines subsahariennes au cours du temps. Comment comprendre alors, même dans les temps modernes (au XXIe siècle), que les femmes africaines font toujours face à la marginalisation, au racisme, au sexisme et à la manipulation ? Pour Fatou Sarr, la « vision véhiculée par les travaux des Occidentaux et même des Africains, tendant à considérer les femmes du continent comme des objets manipulables entre les mains des hommes » ([9]).  Dès lors, quelle est réellement la place de la femme africaine subsaharienne dans la société ? Face au développement de l’Afrique, au-delà des stéréotypes liés à la couleur de sa peau, la femme africaine a-t-elle les défis à relever ? Peut-on dire que celle-ci est condamnée à subir les humiliations et les discriminations ?

        Admettre la logique selon laquelle les femmes africaines subsahariennes sont condamnées au fatalisme, et elles n’ont pas les défis à relever serait faire obstruction à l’évolution de l’humanité. Parce qu’elles ont une valeur inestimable dans le système traditionnel et moderne de l’Afrique, au-delà des préjugés dont elles font face aujourd’hui. En Afrique et ailleurs, nonobstant qu’elle soit considérée comme une source de procréation, la femme africaine subsaharienne doit maintenant occuper une place prépondérante dans le développement de l’Afrique, et faire face aux défis mondiaux. A cet effet, les Africains, éduquez vos femmes, et mariez-les à l’instruction. En contexte africain, c’est un changement de paradigme de l’image des femmes noires stigmatisées, qui consiste dorénavant à favoriser leur épanouissement, selon leur liberté de choix et en fonction de leurs aspirations. Explicitement dit, les femmes africaines doivent « ouvrir l’esprit, se libérer des contraintes, trouver sa source de créativité et sa passion » ([10]), estime Rameline Kamga. Dans ce cas de figure, elles peuvent effectivement être au centre du développement économique, social, culturel, scientifique et technologique de l’Afrique. Il s’agit donc de promouvoir l’inclusion et la participation de la femme africaine dans la réalisation des projets de développement en Afrique. Dans cette perspective, les gouvernements africains ont la responsabilité d’accompagner les femmes africaines qui aspirent à la formation et au leadership, en mettant en place les politiques d’assistance et de financements appropriés. Dans cet article, nous aborderons plusieurs axes, à savoir : l’histoire de la femme noire (I), la carrière du mariage (II), la femme africaine face aux défis d’éducation et de développement (III) et la femme africaine et le défi politique (IV). 

1- L’histoire tumultueuse de la femme noire

          Les femmes noires ont une histoire jonchée de tristesse et de mélancolie. Les mouvements d’esclavage[11], de colonisation[12] en Afrique subsaharienne, de ségrégation[13] aux États-Unis et d’apartheid[14] en Afrique du Sud sont autant d’éléments qui justifient la triste réalité des Africains, en général, et des femmes noires, en particulier. Selon Jacques Brasseul, « La période coloniale en Afrique a duré 70 ans, de 1890 à 1960, elle a eu impact énorme sur l’Afrique. C’est un processus d’annexion du continent africain par les Occidentaux » ([15]). En effet, les femmes noires n’étaient en marge de la déportation lors de l’esclavage. Parce que, parmi le nombre des Africains déportés, les femmes représentaient environ un tiers. Elles travaillaient dans l’exploitation des plantations des cannes à sucre : « Parmi les 13 à 15 millions d’êtres humains déportés d’Afrique vers les colonies pour l’exploitation intensive des plantations de canne à sucre entre autres, les femmes représentaient environ un tiers » ([16]). En outre, il convient de rappeler que les femmes noires occupaient aussi d’autres fonction, hormis le travail de la coupe des cannes à sucre, tels que servantes, nourricières et cuisinières : 

Dans les colonies, les femmes sont partout. Dans les champs, c’est à elles que l’on attribue les travaux les plus durs, les plus usants qu’il s’agisse de la coupe de la canne ou nettoyer les plantations de mauvaises herbes. Elles ont également intégré les maisons ou les habitations en occupant les fonctions de servantes, de cuisinières, de nourrices ([17]).

         Pour Chimamanda Ngozi Adicie, romancière nigériane, avec les colons, « la place de femme était la cuisine et la chambre » ([18]). Ainsi, la marginalisation de la femme noire a un lien de consubstantialité avec son histoire aussi dure que tragique, au-delà de toute dissemblance. Catherine Coquery-Vidrovitch, dans son ouvrage Les Africains. Histoire des femmes d’Afrique subsaharienne du XIXe siècle, affirme : « Les femmes d’Afrique noire ont eu, et continuent d’avoir, sous des formes qui ont varié au cours du temps, la vie dure » ([19]). Il faut noter que depuis l’esclavage, en passant par la colonisation et jusqu’aujourd’hui, la femme noire n’est pas à l’abri de multiples oppressions et autres formes de discriminations. Parce qu’« elles sont esclaves, elles sont femmes, elles sont noires » ([20]). Makhtar Diop pense que « Depuis longtemps, les femmes et les jeunes filles en Afrique font l’objet des discriminations, phénomène qui affecte leur famille, leur communauté et leur pays tout entier » ([21])Cette situation discriminatoire a eu un impact négatif sur l’être des femmes africaines d’hier et celles d’aujourd’hui. Avec pour conséquences, elle se sent inférieure, affaiblie et complexée. Ce qui fait en sorte qu’elle soit affectée et ait des difficultés à s’épanouir, et donc à relever les défis liés à son éducation et sa participation à l’essor du continent. Car : « Jusqu’aujourd’hui, la question se pose encore des conséquences quant à la considération portée aux femmes noires, mais aussi notamment quant aux rapports entre hommes et femmes » ([22]).

II. La carrière du mariage 

         En Afrique subsaharienne, le mariage est l’un des projets primordiaux pour les jeunes filles au détriment de l’école. Parce qu’elles y voient non seulement comme un moyen pour s’affirmer dans la société, mais également comme une fin en soi pour sortir de la pauvreté. En effet, le rêve des femmes africaines c’est l’appartenance au couple, comme une justification sociale. Le plus important pour elles, c’est « Leur fonction biologique de mère » ([23]), affirme Evelyn Reed. Pour certains hommes, dit-on, il n’est pas contraignant de voir une femme sans métier. Parce qu’ils savent que le métier le plus noble de la femme est le foyer. Simone de Beauvoir, dans Le Deuxième Sexe, le note avec pertinence qu’« il y a aussi celui qui trouve sa femme en rien diminuée parce qu’elle n’a pas de métier. La tâche du foyer est aussi noble, etc. » ([24]). La femme pourrait naturellement considérer le foyer comme une carrière noble. Mais tôt ou tard, dans cette logique, c’est elle qui subira les humiliations lorsque le couple aura des tensions : « C’est moi qui travaille et qui nourris la femme. Sans moi tu seras incapable de gagner ta vie » ([25]).

         Même aujourd’hui, malgré que les femmes intègrent les universités, les administrations, le domaine professionnel et technique, si elles ne sont pas mariées, elles n’auront pas leur dignité. Parce que « la femme mariée est autorisée à se faire entretenir par son mari : elle est en outre revêtue d’une dignité sociale très supérieure à celle de la célibataire » ([26]),affirme Simone de Beauvoir. Dans ces conditions, c’est l’appartenance au couple qui confère à la femme sa carrière honorable : « On ouvre aux femmes les usines, les bureaux, les facultés, mais on continue à considérer que le mariage est pour elles une carrière des plus honorable » ([27]). Cette vision de voir en la femme qu’un être de foyer a engendré plusieurs conséquences chez la femme noire. Notamment, l’état de minorité, la paresse dans son processus d’éducation, le complexe d’infériorité face la domination masculine, l’acceptation de son corps comme un capital à exploiter, l’essor du mariage précoce, etc. 

          De plus, les raisonnements déviants et passifs tels que sans le foyer, la femme n’est rien. Même si elle ne réussit pas à l’école, elle aura un bon mari qui prendra soin d’elle. C’est pourquoi, aujourd’hui, la jeune fille africaine et ses parents n’ont qu’un seul souhait, celui de la recherche du prince charmant et du beau-fils providentiel. Simone de Beauvoir dit en effet : « Tout encourage la jeune fille à attendre du prince charmant fortune et bonheur plutôt qu’à tenter seule la difficile et incertaine conquête », et « Les parents élèvent leur fille en vue du mariage plutôt qu’ils ne favorisent son développement personnel » ([28]). En Afrique, plusieurs parents pensent qu’envoyer leurs filles en mariage est plus rassurant économiquement que de leur permettre d’aller à l’école. C’est l’une des raisons qui expliquent la montée en puissance du phénomène des mariages précoces en Afrique. Selon le Fonds International des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), « L’Afrique compte 130 millions d’enfants mariés, qu’il s’agisse de filles de moins de 18 ans déjà mariées ou de femmes adultes qui ont été mariées dans leur enfance. Aujourd’hui, l’UNICEF a lancé des rapports continentaux et régionaux sur le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines en Afrique » ([29]). Pour l’UNICEF,

Le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines constituent une violation des droits de l’enfant. Pourtant, dans de nombreuses communautés du continent, les filles continuent d’être exposées à l’une de ces pratiques, voire aux deux. Le mariage d’enfants est présent sur tout le continent, avec les niveaux les plus élevés dans le Sahel et dans certaines poches d’Afrique centrale et orientale ([30]).

III. Les défis de l’éducation et du développement

          Si pour Evelyn Reed, « Ce n’est pas la nature, mais la société de classes, qui a abaissé les femmes et élevé les hommes. Ce n’est pas la nature, mais la société de classes, qui a volé aux femmes leur droit à prendre part aux plus hautes fonctions de la société et qui a choisi de mettre l’accent sur leurs fonctions animales liées à la maternité » ([31]), alors on comprend mieux que l’éducation est inexorablement l’une des solutions pour que les femmes africaines connaissent leurs droits fondamentaux, s’épanouissent, font face aux inégalités sociales, sortent de l’emprise de la pauvreté et participent au développement durable de l’Afrique. 

Valèse Mapto Kengne note que « La scolarisation, l’éducation et la formation sont à la fois une nécessité et une contrainte pour l’évolution des pays en développement, car le développement durable exige l’accès au savoir et à la culture moderne et technologique » ([32])Comment les femmes africaines peuvent-elles faire face à l’inégalité des sexes, à la pauvreté, au complexe d’infériorité et au développement du continent si elles n’ont pas un minimum d’éducation ? Selon l’UNESCO, « Dans près de 10 Etats africains, 52 à 95% des filles n’ont pas accès à l’éducation du fait de la pauvreté » ([33]). Le faible niveau d’alphabétisation des femmes en Afrique subsaharienne est très élevé, surtout en milieu rural qu’en milieu urbain. Par conséquent, il constitue l’un des blocages pour le progrès de l’Afrique. Selon Divyanshi Wadhwa, experte en données, groupe de gestion de données sur le développement, Banque mondiale, « avec seulement le taux de 57%, c’est l’Afrique subsaharienne qui accuse le plus faible niveau au monde d’alphabétisation chez les femmes »[34]. Par exemple, entre les années 1990 et 2000, les statiques du taux d’analphabétisme en Afrique subsaharienne se présentent ainsi : « Au Tchad, l’analphabétisme touche 95% des femmes; au Rwanda plus de 57, 2%; en Centrafrique, 87,4% des femmes de plus 10 ans sont analphabètes en zone rurale et  56%  des femmes représentent la population analphabète en zone urbaine…» ([35])En substance, ces différents indicateurs montrent que la scolarisation des filles en Afrique subsaharienne reste un tabou, demeure une problématique. Car :

La scolarisation des filles demeure un problème en Afrique subsaharienne. Les indicateurs de scolarisation de l’Unesco et de la Banque mondiale, de même que les travaux sur la scolarisation des filles en Afrique subsaharienne en font foi. Selon les statistiques de l’Unesco, de l’Unicef et de la Banque mondiale, la scolarisation des filles dans les pays en développement accuse un retard d’au moins 30 ans par rapport à la scolarisation des filles dans les sociétés développées ([36]).

            L’analphabétisme des femmes est encore un phénomène croissant en Afrique subsaharienne, donc il accentue la situation de précarité pour le continent. Ce qui revient à dire que si les femmes ou les jeunes filles africaines subsahariennes croupissent au seuil de l’analphabétisme, alors il sera difficile qu’elles soient en concurrence avec les hommes sur le marché du travail, voire qu’elles s’épanouissent ou qu’elles sortent de la pauvreté. En effet, l’éducation est un facteur substantiel pour leur épanouissement, et leur insertion dans la vie active. Parce que la femme africaine est considérée comme la pièce charnière de la famille. Ce qui sous-entend qu’elle doit se cultiver pleinement, se former et se responsabiliser. Dans cette optique, il faut favoriser la scolarisation des jeunes filles dans les pays africains. Au final, l’objectif de cette action est de valoriser la pleine intégration sociale et économique de la femme, et de promouvoir l’égalité des chances. Claudine Bralet affirme :

L’éducation est un droit fondamental de l’enfant. C’est pourquoi, en 1989, la Convention sur les droits de 1’enfant a fait du droit de  l’enfant au développement et de l’universalisation de l’enseignement primaire en faveur des filles des objectifs prioritaires. Forte de cette Convention, la conférence panafricaine sur l‘éducation pour tous, tenue à Ouagadougou en 1993, a eu pour objectif de donner priorité à l’éducation des filles ([37]).  

Dans le cas contraire, une femme africaine qui n’est pas éduquée est non seulement un potentiel danger pour le patrimoine matrimonial, mais également pour le développement du continent africain. Pour Caroline Fink, dans L’éducation des femmes et le développement en Afrique subsaharienne, « L’éducation des femmes en Afrique subsaharienne est indispensable pour pouvoir façonner les fondements d’un développement durable et le plus équitable possible pour l’ensemble de la population » ([38]). Selon elle,

L’ensemble des organismes internationaux pointent le fait que les femmes sont des vecteurs considérables de développement au sein des pays en développement mais sont bien souvent victimes des coutumes, des visions de la société et des lacunes du droit, ce qui les empêche bien évidemment de pouvoir contribuer comme elles le devraient à l’augmentation de la croissance économique mais aussi du développement, ce qui prive la plupart des pays d’Afrique subsaharienne d’une hausse considérable du bien-être de la population de cette région d’Afrique ([39]).

Partant de là, les gouvernements africains subsahariens ont le devoir d’intervenir dans le processus d’éducation des femmes. Parce que l’éducation est un moyen efficace pour briser la muraille des genres. En contexte africain, elle permet aux femmes de comprendre non seulement les logiques économiques et sociales, mais également de saisir les ressorts de l’inégalité des sexes. Pourquoi ? Dans Le Deuxième Sexe, troisième partie, Simone de Beauvoir pense, en substance, que l’indépendance économique et sexuelle est essentielle pour l’émancipation de la femme en tant qu’un être humain autonome et responsable. Dans ces conditions, l’instruction est l’un des facteurs primordiaux permettant aux femmes africaines de comprendre cette nécessité d’accéder à l’autonomie, comme principe de la pleine réalisation de l’être féminin. Néanmoins, il va falloir mettre à contribution les moyens d’accompagnement pour la formation de ces femmes, afin de favoriser l’accès à l’éducation et à la promotion de la femme. C’est dans l’objectif de faciliter leur intégration dans le processus de développement en Afrique. Cela suppose donc de promouvoir efficacement les politiques d’alphabétisation des femmes africaines au travers le dynamisme et la volonté des actions publiques par le canal du Ministère des Affaires sociales et de la promotion de la femme, du Ministère de la solidarité, du Ministère de la culture, du Ministère de l’Éducation nationale, du Ministère de l’Économie et avec l’appui des organismes nationaux et internationaux (ONG).

 En outre, ces actions publiques peuvent s’appuyer sur les trois points centraux que nous supposons être nécessaires pour l’épanouissement de la femme africaine. D’abord, au niveau des jeunes filles à l’âge de la scolarisation, il faut promouvoir les formations universitaires et professionnelles (universités et grandes écoles) de qualité et à long terme, notamment sanctionnées par les diplômes de Licence, Master et Doctorat dans plusieurs domaines comme enseignement, magistrature, administration, économie, ingénierie, finance, médecine, banque, architecture, énergie, etc. Ensuite, au niveau des jeunes filles de plus de 25 ans avec Brevet d’Études du Premier Cycle et le Baccalauréat général, technologique et professionnel, valoriser les formations professionnelles de 2 à 3 ans en secrétariat, logistique et transport, gestion des ressources humaines, communication, enseignement 1er degré, techniciens, etc (avec les diplômes de BTS, DUT, et autres.). 

Et enfin, au niveau des jeunes filles et femmes analphabètes, mettre en place les cours d’alphabétisation magistraux, suivis des formations professionnalisantes dans les centres de formation, en particulier dans les métiers tels que la couture, la coiffure, le commercial, l’agriculture, l’artisanat, la restauration, l’entretien, conduite, la mécanique, la soudure, etc. Ce processus de formation doit aussi prendre en compte les jeunes filles et femmes africaines qui sont dans les zones rurales, en tenant compte de la planification familiale. Au final, ces différentes formations ne doivent pas faire l’objet d’un aboutissement de l’association des chômeurs, comme c’est le cas dans bon nombre de pays africains, mais plutôt elles doivent obéir à la politique d’insertion centrée sur la formation-emploi. Ce qui permettra sans doute d’assurer à chaque pays africain un développement durable, et l’égalité des genres en matière d’éducation et d’emploi. Par conséquent, dans la mesure où les femmes africaines subsahariennes ont d’énormes potentiels pour booster le développement en Afrique. Par exemple, dans le domaine de l’agriculture, les femmes africaines produisent des denrées alimentaires destinées dans la vente du marché local. D’après Valentine Ambert, « En Afrique subsaharienne, les femmes produisent jusqu’à 70% (voire 80% en Afrique centrale selon la FAO) des denrées alimentaires destinées à la consommation des ménages et à la vente sur les marchés locaux. Elles répondent à une demande alimentaire croissante face à la démographie galopante du continent » ([40]).

Ainsi, pour augmenter la production et maximiser les ventes, non seulement dans le domaine de l’agriculture, mais aussi dans d’autres domaines, les femmes africaines devraient se constituer en association ou en coopérative. A cet effet, celles-ci doivent avoir pour capital les revenus générés par les cotisations mensuelles ou annuelles de leurs membres. A cela s’ajoute les revenus de ventes et subventions financières et matérielles venant des partenaires nationaux et internationaux. 

IV. Le défi politique

         Dans certains pays d’Afrique subsaharienne aujourd’hui, les jeunes filles africaines sont de plus en plus nombreuses à fréquenter les universités et grandes écoles. A ce titre, Valentine Ambert affirme : « De nos jours, pour la première fois, on voit dans un certain nombre d’universités africaines presque autant de filles que de garçons » ([41]). Malgré les préjugés sociaux, cette ouverture au monde du savoir, comme partout ailleurs, permet effectivement de voir que les femmes africaines réussissent dans de nombreux domaines tels que le droit, l’économie, le journalisme, l’enseignement, la médecine, l’ingénierie, etc. Ce qui sous-tend que l’Afrique regorge maintenant de femmes universitaires hautement diplômées, qualifiées et responsables. Mais dans le domaine politique, en dépit des avancées significatives dans certains pays africains, la présence et la participation de femmes dans les instances politiques sont encore hétérogènes, voire insignifiantes, dans l’ensemble du continent. D’après Léa Masseguin, « Avec une moyenne régionale de 23,9% de femmes au Parlement (chambre unique ou basse), l’Afrique subsaharienne se place à la 5e place du dernier classement d’ONU Femmes et l’Union interparlementaire (UIP) derrière les pays nordiques, l’Amérique et l’Europe (pays nordiques inclus et non inclus) » ([42])Pour Laurence Rossignol, « la présence des femmes en politique est loin d’être une évidence et ne résulte pas d’un processus naturel » ([43]). Cette présence de moins en moins de femmes dans les gouvernements et parlements africains montre en suffisance qu’elles demeurent encore marginalisées dans le domaine politique. A cet égard, il reste encore beaucoup à faire : « Certains Etats comptent moins de 5% de femmes parlementaires comme la Mauritanie, Madagascar ou le Niger » ([44]). En effet, il faut noter que : 

Malgré le fait que six pays africains figurent dans le top 20 des pays comportant le plus de femmes au sein de leur Parlement, la participation des femmes au processus politique est encore très faible dans de nombreux pays. Le Mali, la Centrafrique, le Bénin, le Swatini, les Comores et le Nigeria sont les États africains les moins avancés en matière d’égalité entre les femmes et les hommes au sein de la sphère politique ([45])

          Selon les données du groupe de la Banque africaine de développement, la présence des femmes dans les sphères politiques et gouvernementales en Afrique a connu une évolution significative :

La proportion des femmes ministres est passée de 4% à 20%, avec l’Afrique du Sud (45 %), le Cap-Vert (36 %) et le Lesotho (32 %)9 en tête. Au niveau parlementaire, le Rwanda compte près de 60% de femmes et en Afrique du Sud près de 50% des représentants sont des femmes, d’autres pays comme la Namibie, le Burkina Faso, la Tanzanie, le Burundi, l’Ouganda ont près de 30% de femmes. Cette place est déterminante car, c’est là que se joue le changement politique. En Afrique du Sud, les femmes parlementaires ont réussi à faire légaliser l’avortement et pénaliser la violence familiale. En Ouganda, elles ont contribué à l’adoption d’une loi faisant du viol un crime passible de la peine capitale. Même l’investiture suprême a été conquise : au Libéria, au Malawi,  les chefs d’Etat sont des femmes ([46]).

         Ces données illustrent manifestement qu’il est temps que les femmes africaines subsahariennes s’impliquent davantage dans l’organisation politique du continent. Pour ce faire, les gouvernements africains doivent faciliter les mécanismes d’insertion. De plus, les femmes africaines, elles-mêmes, doivent se battre pour accéder à une éducation de qualité, afin de s’imposer dans le leadership ou dans la politique. C’est par l’éducation que l’Afrique a eu de femmes d’affaires, diplômées, militantes féministes qui influencent aujourd’hui le domaine politique. 

Selon Catherine Coquery-Vidrovitch, c’est effectivement l’idéal qui anime les femmes africaines actuelles : « Des femmes d’action, militantes féministes ou femmes d’affaires, cherchent à influer dans le domaine législatif et politique »[47]. Ainsi, il y a quelques femmes africaines qui ont montré le chemin de la réussite dans le domaine de la politique en Afrique. En l’occurrence, Ellen Johnson Sirleaf, qui est la première femme à diriger un pays africain, le  Libéria (2006-2018). Joyce Benda est la deuxième femme à diriger un pays africain, le Malawi (2012-2014). Rose Francine Rogombé, ancienne Présidente du Sénat et présidente par intérim au Gabon en 2009 après la mort d’Omar Bongo Ondimba. Nkosazana Dlamini-Zuma, après plusieurs postes ministériels occupés en Afrique du Sud, est devenue la première femme à diriger la Commission de l’Union Africaine en 2008 succédant au Gabonais Jean Ping. Judith Suminwa Tuluka est devenue la première femme cheffe du gouvernement en République Démocratique du Congo, le 01 avril 2024. L’Afrique a plusieurs potentiels féminins qui excèdent en politique, dans leadership féminin et dans d’autres domaines. Mais que les jeunes filles africaines subsahariennes sachent que l’éducation est l’antichambre de cet essor.  

Conclusion

Au terme de cette analyse, il sied de retenir qu’au-delà des stéréotypes et le préjugé de supériorité masculine, il y a surtout le déficit d’éducation qui constitue l’un des blocages de l’épanouissement de la femme africaine subsaharienne. Ce difficile accès à l’éducation, voire ce phénomène de la déscolarisation ou de l’analphabétisme chez les filles africaines, a plusieurs causes, notamment la pauvreté qui sévit les familles africaines. Chez les filles (battantes et assistées) dont les familles sont pauvres et non instruites, il est difficile d’accéder à l’éducation. Dans la mesure où « avec relativement peu de moyens financiers et d’appui familial, ces filles doivent se débrouiller et concevoir des solutions inédites afin de triompher de l’adversité » ([48]).

Parfois, certaines abandonnent complétement l’école tôt, et d’autres n’y sont jamais allées. Alors que chez les filles (héritières) dont les familles sont instruites et opulentes, il y a plus de chances de persévérer dans les études : « les parents instruits ont de meilleures chances de voir leurs filles, des héritières, persévérer dans leurs études » ([49]). En l’occurrence, la pauvreté affecte les femmes africaines de multiples façons, à savoir : l’incapacité d’accéder à l’éducation et le sentiment d’impuissance face à certains défis, en ce qui concerne la réalisation de leurs projets à court et à long terme. 

Mais il faut noter que celle-ci (pauvreté) est due partiellement aux inégalités sociales et au manque d’opportunités financières auxquelles les femmes africaines font face actuellement. Comment pourraient-elles aspirer aux meilleures conditions de vie si elles sont pauvres (sans formation, éducation et emploi) ? On estime que l’Afrique subsaharienne possède un capital humain exceptionnel, parmi lequel le féminin. C’est pourquoi, les gouvernements africains gagneraient à penser inéluctablement l’engagement des femmes africaines dans la redynamisation économique, sociale, culturelle et politique. C’est une organisation étatique qui intègre le principe d’égalité des genres, et donc favorisant l’essor éducatif, économique et social de la femme africaine. Gouverner ainsi donnerait naturellement la possibilité aux pays africains d’éradiquer la pauvreté, mais aussi d’amorcer respectivement le véritable développement durable en Afrique. 

 Dès lors, si on part de l’idée selon laquelle certains anciens grecs (Platon, Xénophon, Aristote) considéraient l’économie comme une science relevant de l’activité ou de la gestion familiale, alors les femmes africaines, étant les gouvernantes des foyers, assumeraient logiquement et mieux les charges économiques, sociales et politiques dans les pays africains. Plus précisément, les femmes ont la capacité de gestion administrative conséquente, et un véritable sens organisationnel. Toutefois, l’accès à une éducation de qualité est la clé pour booster ce potentiel féminin. Dit autrement, la formation est une voie salvatrice pour l’accomplissement des femmes africaines, donc elle est l’unique voie du progrès de la femme. N’est-ce pas « le bonheur s’accroît lorsque la qualité de la vie peut être améliorée grâce à divers moyens techniques et, en particulier, grâce à l’éducation » ([50]) ? Si l’égalité entre les sexes est aussi une question de pouvoir, alors les femmes africaines subsahariennes auront la pleine responsabilité de lutter pour leur leadership, voire pour leur réussite. Parce que le pouvoir ou la réussite n’est pas acquis d’emblée, mais c’est le fruit d’un long processus impliquant de nombreux efforts et sacrifices. Chez les filles africaines « battantes, la scolarisation est vécue dans le sacrifice, la souffrance et l’impuissance » ([51]). Comme pour dire, « On ne naît pas femme, on le devient » ([52]). En somme, on comprend mieux que nonobstant l’hégémonie masculine, l’avenir de l’Afrique subsaharienne sera entre les mains des femmes : « Multiple et indivisible, l’Afrique sera sauvée par les femmes. […] à Dakar, Bamako, Harare ou Naïrobi. À Djibouti, […] elles s’impliquent plus dans les grands dossiers sociaux – éducation, santé […] Éduquez les femmes, poussez-les vers l’instruction […] » ([53]).

 Christian Dior MOULOUNGUIphilosophe, enseignant de philosophie et doctorant à l’Université Omar Bongo (Gabon),cdmouloungui@gmail.com

Indications  bibliographiques 

Ambert, Valentine, 2021, « Afrique : le rôle sous-estimé des femmes dans le développement », Youmetter, 31 août. 

Atangana, Nicolas, 1957, « La femme africaine dans la société », Paris, Éditions Présence Africaine, p.10  

Barthélémy, Pascale, 2010, Africaines et diplômées à l’époque coloniale (1918-1957), Paris, Éditions Presses Universitaires de Rennes, 346 p. 

Coquery-Vidrovitch, Catherine, 2013, Les Africains. Histoire des femmes d’Afrique subsaharienne du XIXe au XXsiècle, Paris, Éditions La Découverte, 414 p. 

              2015, « Les femmes en devenir en Afrique subsaharienne », Paris, Éditions Fondation Gabriel Péri, in La Pensée, 2015. 

De Beauvoir, Simone, 1949, Le Deuxième sexe, les extraits publiés dans Paris  Match, n° 20, 6 août. In La philosophie magazine / Hors-Série, XXsiècle : Les philosophes face à l’actualité, Paris, août-septembre 2008.

Diop, Makhtar, 2015, « Les femmes en Afrique : Un formidable atout dans la lutte contre la pauvreté », Nasikiliza. 

Fink, Caroline, 2011, « L’éducation des femmes et développement en Afrique subsaharienne », HAL open science, Economies et finances

Hugo Victor, 1978, Discours de commémoration de l’abolition de l’esclavage, 18 mai.

Hurston, Zora Neale, 1937, Une femme noire, trad. Françoise Brodsky, Éditions de l’Aube, 1996, 339 p.

Jurado, Angeles, 2018, « Comment le féminisme est-il représenté en Afrique », Esglobal.  

Le Bihan, Yann,  2006, « L’ambivalence du regard colonial porté sur les femmes d’Afrique noire », Cahiers d’études africaines, Éditions OpenEdition.

              2011, Femme noire en image. Racisme et sexisme dans la presse française actuelle, Paris, Éditions Hermann, 422 p.

Masseguin, Léa, 2019, « Les femmes en politique : une participation inégale sur le continent en 2019 », Société, Jeuneafrique.  

Mouloungui, Christian Dior, 2023, « L’éducation : Quel rôle dans le processus de démocratisation en Afrique subsaharienne ? », Analyse politique. Gouvernance et État de droit, Paris, Éditions Afrique des Idées, 15 mai, 16 p. 

                2023, « Les médias en Afrique subsaharienne : Enjeux et perspectives démocratiques », Analyse politique, Paris, Éditions Afrique des Idées, 21 juin, 20 p.

                 2024, « La philosophie en contexte gabonais : Quels enjeux éducatifs et politiques ? », Analyse politique, Paris,  Éditions Afrique des Idées, 16 janvier, 12 p.

Reed, Evelyn, 2008, « De l’infériorité comme mythe », in La philosophie magazine / Hors-Série, XXe siècle : Les philosophes face à l’actualité, Paris, août-septembre.

Rossignol, Laurence, 2013, « Les femmes en politique », in Après-demain, Paris, Éditions Fondation Seligmann, p. 24-25.

Sarr, Fatou, 2016, « Féminisme en Afrique occidentale ? Prise de conscience et luttes politiques et sociales », Vents d’Est, vents d’Ouest : Mouvement de femmes et féminismes anticoloniaux, Genève, Éditions Graduate institute Publications,  26 p. 

Sow, Fatou, 1987, « Femmes africaines, emploi et division internationale du travail », Paris, Éditions Présence Africaine, 31 p. 

Wadhwa, Divyanshi,  2019, « Alphabétisation des femmes : des progrès, mais toujours pas de parité », Banque mondiale, blog de donnéess, 22 p. 


[1] Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe, les extraits publiés dans Paris  Match, n° 20, 6 août 1949. In La philosophie magazine/Hors-Série, XXsiècle : Les philosophes face à l’actualité, Paris, août-septembre 2008, p. 58. 

[2] Victor Hugo, Discours de commémoration de l’abolition de l’esclavage, 18 mai 1978Voir « Discours sur l’Afrique » de 1879, actes et paroles, Laffont, collection Bouquins, tome 4, p. 1010, cité par Seillan J. m., Aux sources du roman colonial. L’Afrique à la fin du XIXsiècle, Éditions Karthala, 2006, p. 14.

[3] Victor Schœlcher, journaliste et homme politique français, est considéré comme le père de l’abolition d’esclavage en France. Voir « Victor Schœlcher (1804-1893) – Une vie, un siècle [archive] », sur senat.fr (consulté le 23 mars 2024). 

[4] Emmanuel Debono et Stéphane Nivet, « 18 mai 1879 : Victor Hugo se plante sur la colonisation », Mémoire et histoire, Licra, 18 mai 2021. 

[5] Yann Le Bihan « L’ambivalence du regard colonial porté sur les femmes d’Afrique noire », Cahiers d’études africaines, Éditions OpenEdition, 1 septembre 2006, p. 513.

[6] Ibid., p. 513.

[7] Nous relevons ici le caractère contraignant de la femme dans la société africaine traditionnelle, qui perdure aujourd’hui. Celui-ci pense que le prestige d’une femme  ou épouse se mesure au foyer. Notamment, au nombre d’enfants procrée, qu’elle donne au lignage, surtout dans le système patrilinéaire. Mais aussi à la soumission aliénante au mari, les droits à l’éducation compromis et allant uniquement dans le sens de promouvoir la domination masculine, adepte des travaux champêtres et ménagés, etc. Pa ailleurs, il faut maintenant voir la femme africaine subsaharienne comme les êtres disposant de plusieurs potentiels, et donc capables de s’affirmer. 

[8] Aradjouman Modeste Boro, « La place de la femme dans le système traditionnel africain », Institut Supérieur Privé de Philosophie, Éditions Maison Lavierie, 03 juin 2014.  

[9] Fatou Sarr, « Féminisme en Afrique occidentale ? Prise de conscience et luttes politiques et sociales », in Vents d’Est, vents d’Ouest : Mouvement de femmes et féminismes anticoloniaux, Genève, Éditions Graduate institute Publications, 2009, p. 1.

[10] Rameline Kamga, « Le leadership réside en la capacité de provoquer le changement grâce à une motivation positive », Magazine Femme, n° 40, août 2012, p. 2

[11] L’Afrique subsaharienne a connu l’esclavage entre 1500 et 1900. 

[12] Depuis la conférence de Berlin de 1884-1885, le continent africain est divisé en colonies appartenant à des pays européens. Voir Elizabeth Heath, Berlin Conference of 1884–1885 : Meeting at which the major European powers negotiated and formalized claims to territory in Africa; also called the Berlin West Africa Conference., Henry Louis Gates, Jr. and Kwame Anthony Appiah (ISBN 978-0-199-73390-3).

[13] La ségrégation est une politique de la discrimination raciale mise en place au sein d’une nation. Celle-ci consiste à séparer physiquement les personnes selon les critères raciaux. C’est aux États-Unis entre 1877 et 1964  elle a été mise en place. En effet, selon le régime socio-juridique que les États-Unis ont connu à partir de la fin de la guerre de sécession en 1865, les Noirs ont été séparés des Blancs. Martin Lutter King (1929-1968), une légende de la lutte des droits civiques, à travers les manifestations pacifiques, a mené une lutte farouche contre la ségrégation  aux États-Unis. Il est assassiné  le 4 avril 1968. Sans oublier aussi Malcom X, l’une des figures emblématiques du mouvement noir de la lutte pour les droits civiques assassiné le 21 février 1965.  

[14] En politique, l’apartheid une gouvernance qui tend à séparer les groupes sociaux ou ethniques. En Afrique du Sud, elle a permis de mettre en place la séparation des Blancs et des Noires, comme deux groupes sociaux distincts entre 1948 et 1994. Nelson Mandela en est une figure emblématique pour la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Il a été emprisonné pendant 27 ans pour sabotage et conspiration dans le but de renverser le gouvernement. 

[15] Jacques Brasseul, « Colonisation », in Histoire économique de l’Afrique tropicale, 2016, p. 297-335.

[16] Voir Patrice Elie Dit Casaque, « Esclavage, femme, noire : la triple discrimination », Histoire, Le portail des Outre-mer (la 1ere.francetvinfo.fr), 9 mai 2020.  

[17] Patrice Elie Dit Casaque, Op. cit.

[18] Angeles Jurado, « Comment le féminisme est-il représenté en Afrique ? », Esglobal, 31 décembre 2020.  

[19] Lire à ce sujet, Catherine Coquery-Vidrovitch, Les Africaines. Histoire des femmes d’Afrique subsaharienne du XIXe au XXsiècle, Paris, Éditions La Découverte, 2013, p. 7. 

[20] Patrice Elie Dit Casaque, Op. cit.

[21] Makhtar Diop, « Les femmes en Afrique : un formidable atout dans la lutte contre la pauvreté », Nasikiliza, 29 janvier 2015.  

[22] Patrice Elie Dit Casaque, Op. cit

[23]Evelyn Reed, « De l’infériorité commemythe », in La philosophie magazine / Hors-Série, XXe siècle : Les philosophes face à l’actualité, Paris, août-septembre, p. 59.  

[24] Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexeOp. cit., 58.

[25] Ibid., p. 58.

[26] Ibid., p. 59.

[27] Ibid.

[28] Ibid.

[29] Lire à ce sujet, UNICEF, À l’occasion de la Journée internationale de l’enfant africain, Adis Ababa, Dakar, Nirobi, New-York, 16 juin 2022.

[30] Ibid.

[31] Evelyn Reed, « De l’infériorité comme mythe », in La philosophie magazine / Hors-Série, XXe siècle : Les philosophes face à l’actualité, Paris, août-septembre, 2008.

[32] Valèse Mapto Kengne, Thèse de Doctorat  int:itulée : Les filles sur le chemin de l’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne : analyse de leurs trajectoires, représentations sociales de l’école et résilience à travers leurs récits biographiques, soutenue en février 2011 à l’Université de Montréal (Canada), Faculté des sciences de l’éducation, Département d’administration et fondements de l’éducation. Voir résumé (p. iii).)

[33] Voir UNESCO, L’éducation des filles-les faits. Rapport mondial de suivi sur l’EPT. Fiche d’information, [en ligne], octobre 2013, p.2-3, disponible sur http://fr.unesco.org/gem-report/sites/ gem-report/files/girls-factsheet-fr.pdf, (consulté le 27/04/2024).

[34] Divyanshi Wadhwa,  « Alphabétisation des femmes : des progrès, mais toujours pas de parité », Banque mondiale, blog de données, 05 septembre 2019.

[35] Makhoumy fall, « Qui et où sont les analphabètes? Afrique sub-saharienne  francophone », Education for All Global Monitoring Report, UNESCO, 2066,  p. 4-7.

[36] Valèse Mapto Kengne, Thèse de Doctorat, Op. cit., p. 8.

[37] Claudine Bralet, « Les femmes, l’éducation et l’eau en Afrique, Paris, UNESCO, 2000.  

[38] Caroline Fink, « L’éducation des femmes et développement en Afrique subsaharienne », HAL open science, Economies et finances. 2011, p. 27.

[39] Ibid., p. 27.

[40] Voir Valentine Ambert, « Afrique : le rôle sous-estimé des femmes dans le développement », Youmetter, 31 août 2021.

[41] Ibid.

[42] Léa Masseguin,« Les femmes en politique : une participation inégale sur le continent en 2019 », Société, Jeuneafrique, 3 mai 2019.  

[43] Laurence Rossignol, « Les femmes en politique », in Après-demain, Paris, Éditions Fondation Seligmann, 2013, p. 25.

[44] Voir Afrique Renouveau, « La lutte des femmes pour l’égalité », disponible sur http://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/july-2005/la-luttedes-africaines-pour-légalité, (consulté le 27/04/2024).

[45] Léa Masseguin, Op. cit.

[46] Nisrine Eba Nguema, « Etre une femme africaine aujourd’hui ».

[47] Catherine Coquery-Vidrovitch, (« Les femmes en devenir en Afrique subsaharienne », Paris, Éditions Fondation Gabriel Péri, in La Pensée, 2015, p. 58.

[48] Valèse Mapto Kengne, Thèse de DoctoratOp. cit., p. iv.

[49] Ibid.

[50] Claudine Bralet, « Les femmes, l’éducation et l’eau en Afrique » ? Op. cit.

[51] Valèse Mapto Kengne, Op. cit., p. iv.

[52] Simone de Beauvoir, Deuxième Sexe, Op. cit., p.  58.

[53] Monga (2007 : p. 188). Célestin Monga, C. (2007).  Un Bantou à Washington, un Bantou à Djibouti, Paris, Éditions  P.U.F., 2007, p. 188.

Effet de la qualité de la démocratie sur le niveau de satisfaction des citoyens en matière de services de santé et d’éducation au Sénégal

Par Boubou Junior COLY, Doctorant en Sciences économiques, Laboratoire de Recherche en Economie de Saint-Louis (LARES), UGB – Sénégal

Résumé 

L’objectif de ce travail est d’étudier l’effet de la démocratie sur la qualité de l’offre de services publics d’éducation et de santé au Sénégal en adoptant une approche microéconomique. Nous utilisons les données de l’enquête Afrobaromètre collectées auprès de 1200 citoyens adultes. Les résultats de l’analyse économétrique, effectuée à l’aide du modèle probit, montrent que la qualité de la démocratie a un effet positif et significatif sur la performance du gouvernement en matière de santé et d’éducation. La qualité de la démocratie est donc profitable aux citoyens sénégalais du point de vue de la fourniture de services de santé de base et d’éducation de qualité. Ces résultats invitent ainsi le gouvernement à améliorer le niveau de la démocratie dans le pays pour permettre aux citoyens de bénéficier des services d’éducation et de santé de qualité.  

Diplômé d’un Master en Analyse Economique et Quantitative (AEQ) de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal, Boubou Junior COLY est actuellement doctorant en économie au Laboratoire de Recherche en Economie de Saint-Louis (LARES). Ses travaux de recherche portent essentiellement sur l’évaluation des politiques publiques, la gouvernance, la démocratie, la fourniture de services publics dans les pays en développement. Par ailleurs, il a récemment obtenu une attestation de formation en Economie de l’environnement et gestion des ressources naturelles, délivrée par l’Université Senghor d’Alexandrie.  

Guerre en Ukraine et crise alimentaire en Afrique: Etat des lieux et perspectives pour le continent africain

Par Dominique Nkoyok, analyste à l’Afrique des Idées

« Que les gens aient faim en Afrique au 21ème siècle n’est ni inévitable ni moralement acceptable », écrivait en 2006 l’organisation internationale Oxfam dans son document d’information sur les causes de la faim en Afrique[1].

Mais force est de constater la récurrence des crises alimentaires qui continuent de frapper le continent Africain depuis les années 1970. En 2021, plus de 278 millions d’Africains étaient en situation d’insécurité alimentaire[2]. De nombreux observateurs et organisations internationales et régionales[3] ont alerté sur le risque d’aggravation de la famine en Afrique en raison de la crise ukrainienne qui a débuté en février 2022.

L’Afrique des Idées a souhaité porter le débat sur l’impact de la guerre en Ukraine sur la crise alimentaire en Afrique, et sur les causes identifiées et les réponses envisagées pour combattre ce fléau qui frappe le continent africain depuis plusieurs décennies.

Etat des lieux : l’Afrique en proie à des crises alimentaires récurrentes

L’Afrique a connu plusieurs crises alimentaires depuis les années 1970. Après les crises alimentaires de 1972[4] et 1984 qui ont touché l’Afrique subsaharienne, la famine et la malnutrition ont touché l’Afrique australe en 2006. En 2008, le continent a connu une nouvelle crise suite à l’augmentation des prix des denrées alimentaires, qui a donné lieu aux émeutes dites « de la faim » en Afrique subsaharienne. En 2011, c’était au tour de l’Afrique de l’Est de traverser une crise alimentaire, avant que les populations d’Afrique de l’Ouest ne soient de nouveau confrontées à l’insécurité alimentaire en 2012. En 2017, la famine a touché plusieurs pays de la corne de l’Afrique, dont la Somalie, le Kenya et le Soudan du Sud.

Depuis, la situation alimentaire ne s’est pas améliorée. Selon la Banque mondiale, 14,4 millions de personnes a<vaient besoin d’une aide alimentaire en 2020 en Afrique sahélienne. Ce chiffre est passé à 23,7 millions en 2021[5]. La Corne de l’Afrique pourrait quant à elle connaître sa plus longue période de sécheresse depuis 40 ans selon le centre climatique régional de l’Organisation Mondiale Météorologique pour l’Afrique de l’Est, ce qui aurait des conséquences graves sur la région déjà touchée par la famine et la malnutrition.

L’impact de la guerre en Ukraine sur la famine en Afrique

Comme le rappelle l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans son rapport de mai 2022[6], la Russie et l’Ukraine occupent une place centrale dans l’agriculture mondiale en tant que principaux pays exportateurs de produits agricoles et de denrées alimentaires sur les marchés mondiaux. La Russie est le premier exportateur mondial de blé avec 18% des exportations mondiales en 2021. L’Ukraine se classe au 6e rang des exportateurs de blé la même année, avec 10% des exportations mondiales.

Les deux pays réalisent également à eux deux, près de 80% des exportations de maïs, d’orge, de colza et d’huile de tournesol sur les marchés mondiaux depuis 2018. Par ailleurs, la Russie est l’un des plus grand/important exportateurs d’engrais à l’azote, au potassium et d’engrais au phosphore.

Selon l’Agence Française de Développement, 33 pays africains importent 90 % ou plus de leur consommation de blé. Les plus grands importateurs étant les pays d’Afrique du Nord, et notamment l’Égypte qui importerait plus de 60 % de sa consommation de blé, l’Algérie 75 %, la Tunisie 62 % et le Maroc 38 %. Les céréales provenant de la région de la mer Noire représenteraient notamment 100% des importations de l’Érythrée, plus de 90% pour la Somalie et entre 70 et 80% pour la République Démocratique du Congo, selon le rapport 2022 d’iPES Food[7] et le rapport FAO 2022. En Afrique de l’Est, 84 % du blé serait importé en grande partie d’Ukraine et de Russie.

Le tableau ci-dessous, issu du rapport FAO 2022[8] présente les pays qui dépendent fortement des importations de blé en provenance de la Russie et de l’Ukraine en 2021.

Image 1

Le 3 juin 2022, le président du Sénégal et de l’Union Africaine, Macky Sall, a rencontré en Russie par son homologue Vladimir Poutine pour demander la facilitation de l’exportation des céréales ukrainiennes vers le continent africain. Le 23 juillet 2022, la Russie et l’Ukraine ont conclu à Istanbul, dans le cadre d’une médiation menée par la Turquie et sous l’égide des Nations Unies, un accord pour le déblocage des exportations de céréales et produits agricoles, portant notamment sur 20 à 25 millions de tonnes de grains bloquées en Ukraine[9].

L’accord de juillet 2022 est une avancée importante pour pallier la hausse des prix des céréales et produits agricoles sur les marchés mondiaux et aux conséquences néfastes pour les millions de personnes souffrant de la faim, notamment sur le continent africain.

Néanmoins, plusieurs experts agricoles et économistes, rappellent que l’origine de la crise alimentaire en Afrique n’est pas la guerre en Ukraine, mais la fragilité des systèmes alimentaires sur le continent.

Selon Matthieu le Grix, expert agricole au sein de l’AFD, « la situation est effectivement alarmante, mais (…) l’Afrique subsaharienne en particulier n’a pas attendu la guerre en Ukraine pour être dans une situation très préoccupante du point de vue de la sécurité alimentaire. En Afrique de l’Ouest, la situation se dégrade depuis trois ans maintenant »

Ces propos font écho à la déclaration du directeur de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina qui indiquait qu’avant le début de la guerre en Ukraine, « quelque 283 millions de personnes souffraient déjà de la faim » sur le continent africain.

De même, selon le rapport 2020 du Réseau de prévention des crises alimentaires (RPCA)[10], le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire est déjà en nette augmentation depuis ces cinq dernières années.

En 2021, la moitié de la population mondiale confrontée à la faim (768 millions de personnes) se trouve en Asie et un tiers en Afrique.

Situation de la faim dans le monde selon la FAO

Image 2

Source : The state of food security and nutrition in the world 2022, FAO

Remédier aux causes des crises alimentaires

S’il est clair que la crise ukrainienne perturbe de façon majeure les marchés agroalimentaires mondiaux et menace d’exacerber la famine en Afrique, nombres d’experts internationaux tels que l’iPES Food[11] mettent en avant le fait que les faiblesses des systèmes alimentaires mondiaux amplifient les effets du conflit ukrainien sur la sécurité alimentaire. A cet égard, l’Afrique fait face à plusieurs défis nécessitant des actions :

  • La dépendance des pays africains à l’égard des importations alimentaires

De nombreux pays africains sont devenus dépendants des importations alimentaires, au détriment du développement du secteur agricole et de la construction de politiques alimentaires efficaces et résilientes au niveau national. 

Réduire la dépendance vis-à-vis des importations nécessite que les Etats africains s’acheminent vers l’autonomie alimentaire. Pour cela, il est nécessaire de repenser les politiques agricoles sur le continent.

  • Repenser les politiques agricoles pour une souveraineté alimentaire

Selon la Banque africaine de développement, l’Afrique dépense près de 64,5 milliards de dollars par an pour l’importation de denrées alimentaires qui pourraient pourtant être produites par le continent.

Les politiques alimentaires doivent favoriser la sécurisation de la base productive et le développement des infrastructures rurales. Pour ce faire, des politiques publiques efficientes et leur mise en œuvre effective pour faciliter et prioriser l’accès au financement pour les projets agricoles, le soutien et la formation des agriculteurs aux nouvelles techniques de production améliorant les rendements et le développement d’infrastructures rurales sont essentielles.

  • Favoriser l’augmentation de la production par l’usage approprié des engrais

L’augmentation de la production agricole est l’un des leviers de la lutte contre la faim. Accroître l’utilisation des engrais tout en promouvant un usage tourné vers l’écoagriculture est à encourager. Or en 2020, l’application moyenne d’engrais par hectare de terre cultivée en Afrique subsaharienne par exemple avoisinait les 17 kg, contre une moyenne mondiale de 135 kg. Par ailleurs, l’Afrique dépend encore largement importations d’engrais.

Il est nécessaire de soutenir la chaîne de valeur des engrais en favorisant l’accès aux engrais pour les petits exploitants agricoles, la recherche sur les engrais biologiques, la production locale d’engrais à grande échelle, et la circulation des engrais à travers le continent.

  • Favoriser une réponse régionale pour anticiper les crises alimentaires

Le Programme détaillé de développement de l’agriculture en Afrique (PDDAA) porté par l’Union Africaine depuis 2003 dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), qui a notamment pour objectif l’accroissement de l’approvisionnement alimentaire et la réduction de la faim sur le continent africain offre un cadre d’intervention politique et stratégique qui pourrait être davantage exploité à l’échelle régionale.

De même, le développement de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) en mettant l’accent sur les denrées alimentaires et les produits agricoles favorisera non seulement la consommation des denrées produites sur le continent mais aussi la chaîne d’approvisionnement des engrais.

Enfin, le renforcement des stocks publics nationaux et régionaux comme le fait déjà la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est également à encourager.

  • Le risque lié à la spéculation sur les denrées alimentaires

Les pays africains dépendants des importations de denrées alimentaires et produits agricoles subissent de plein fouet les augmentations de prix sur les marchés mondiaux. Or, les pays exportateurs auront tendance à limiter leurs exportations alimentaires pour garantir les disponibilités sur leur territoire en période de crise, ce qui intensifie les pénuries, faisant davantage monter les prix sur les marchés internationaux au détriment de pays pauvres et moins développés.

Ces chocs de prix étant manifestement exacerbés par la spéculation des investisseurs financiers, la lutte contre la spéculation sur les denrées alimentaires est un sujet central dans la lutte contre la faim sur le continent africain.

  • L’impact de la pauvreté, de conflits politiques et armés, et du changement climatique sur l’insécurité alimentaire

Malgré une diminution de la pauvreté en Afrique depuis 2000, une part importante de la population africaine vit toujours en dessous du seuil de pauvreté. La pauvreté est considérée comme l’une des principales causes de la faim. La pauvreté et l’insécurité alimentaire se renforçant mutuellement, la lutte contre la pauvreté est l’un des premiers piliers dans la lutte contre la faim[12]. Il en va de même pour l’’instabilité politique et les conflits qui ont un impact significatif sur la sécurité alimentaire en Afrique.

Sur le plan environnemental, l’adoption de solutions durables et résilientes pour lutter contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement est essentielle dans la lutte contre la faim, afin de préserver le secteur agricole des perturbations qui entravent la croissance des cultures et les récoltes.


[1]  Les Causes de la Faim : examen des crises alimentaires qui secouent l’Afrique, Document d’information Oxfam, juillet 2006.

[2]  FAO, IFAD, UNICEF, WFP and WHO. 2022. The State of Food Security and Nutrition in the World 2022. Repurposing food and agricultural policies to make healthy diets more affordable. Rome, FAO.

[3]  Dont entre autres, l’Union Africaine, l’Agence Française de Développement, le Bureau régional pour l’Afrique de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme Alimentaire Mondial , l’International Panel of Experts on Sustainable Food Systems, ou encore Aronu Chaudhuri, économiste au sein de la société d’assurance COFACE, Pierre Jacquemot économiste, Maître de conférences à l’Institut d’Études Politiques de Paris, Sciences-Po Paris.

[4]  Retour sur la famine au Sahel du début des années 1970 : la construction d’un savoir de crise, Vincent Bonnecase, Politique africaine 2010/3 (N° 119).

[5]  Banque mondiale, Répondre à la crise alimentaire au Sahel en s’attaquant aux urgences et aux déficiences structurelles du système alimentaire ouest-africain, 10 mai 2022, accessible sur  https://www.banquemondiale.org/fr/results/2022/05/15/afw-responding-to-the-food-crisis-in-the-sahel.

[6] Impact du conflit russo-ukrainien sur la sécurité alimentaire mondiale et questions connexes relevant du mandat de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Mai 2022.

[7]  Comment l’incapacité à réformer les systèmes alimentaires a permis à la guerre en Ukraine de déclencher une troisième crise mondiale des prix alimentaires en 15 ans, et comment éviter la prochaine, Rapport spécial d’IPES-Food, mai 2022.

[8]  Impact du conflit russo-ukrainien sur la sécurité alimentaire mondiale et questions connexes relevant du mandat de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Mai 2022.

[9]  Selon le Programme Alimentaire Mondial (PAM), le premier navire humanitaire affrété par les Nations Unies pour transporter des céréales ukrainiennes a quitté le port de Pivdenny en Ukraine le 16 août 2022, en direction de la Corne de l’Afrique.

[10]  CSAO/OCDE (2020), Crise alimentaire et nutritionnelle 2020, analyses & réponses, Maps & Facts, no3, novembre 2020.

[11] International Panel of Experts on Sustainable Food Systems.

[12] Pierre Janin. Les politiques alimentaires en Afrique de l’Ouest : réponse au risque ou facteur d’insécurité ? Emmanuel Grégoire, Jean-François Kobiane, Marie-France Lange. L’Etat réhabilité en Afrique : Réinventer les politiques publiques à l’ère néolibérale, Karthala, pp.165-188, 2018.ird01525293.


Réformer l’enseignement technique et la formation professionnelle pour l’employabilité des jeunes en Afrique

Étreintes par le sous-emploi et le chômage des jeunes, les économies africaines devront réinventer leur système éducatif. Si le débat n’est pas nouveau, notamment en ce qui concerne le rôle de l’éducation dans la formation du capital humain, ses termes devront avancer en incluant les spécificités de la formation professionnelle. Lire plus  dans ce rapport (avec un Erratum, page 8, lire 100 M d’emplois)

L’impact de la société civile sur le développement : l’exemple du Cameroun

De nombreux pays africains ont eu des difficultés à atteindre leurs Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). L’amélioration de la gestion de l’aide internationale, passant par une participation accrue de la société civile, était alors au cœur des débats.

Alors que les gouvernements du monde entier se sont engagés à atteindre les nouveaux Objectifs du Développement Durable avant 2030, la société civile pourrait jouer un rôle décisif dans leur réussite. L’ampleur de ce rôle et ses conditions d’effectivité sont analysées dans cette étude qui aboutit sur des recommandations concrètes en matière de politiques publiques. Lisez l’intégralité de ce Policy Brief.

La Démocratie culturelle comme rempart contre l’exclusion dans les sociétés multiculturelles : le cas de la Ville du Cap

L’effectivité du principe démocratique selon lequel chaque voix compte peut s’avérer complexe dans un environnement multiculturel où des minorités peuvent être exclues. A partir de l’exemple de la ville du Cap en Afrique du Sud, cette étude montre comment la démocratie culturelle, c’est-à-dire un système politique où chacun est libre d’affirmer ses positions, son identité et sa culture par des moyens d’expression et des manifestations culturelles, peut être une solution à l’inclusion politique dans un environnement multiculturel. Les enseignements qui en découlent peuvent être utiles aux pays africains multiethniques. Lisez l’intégralité de ce Policy Brief.

South Sudan’s existential fiscal crisis and possible remedies

This brief discusses key fiscal practices which should be addressed urgently to save South Sudan from chronic economic disasters. After many years of war with successive repressive regimes in Khartoum, South Sudan attained independence in 2011. The young nation immediately faced challenges in creating institutions and operating them in an environment of weak enforcement and compliance.

Lack of robust coordination among key institutions of economic governance, weak oversight institutions encourage mismanagement of resources with impunity which partly accounted for the onset of the 2013 conflict. To provide steady resource needed for reconstruction and sustainable development investment and mitigate fiscal crises, the government of South Sudan needs to implement strategies conducive of healthier public finances, including expenditure control to avoid overspending, pruning agency-shopping and improving tax collections through administrative reforms. Building institutions is not a spontaneous act but rather a contextual endeavour, which exacts both time and resources. Read the full Policy Brief.

Mobilisation des recettes fiscales dans l’UEMOA : L’obstacle de l’informel, le levier du mobile-money

La mobilisation des recettes fiscales est, pour les pays africains, une urgence face aux besoins en financement nécessaires pour l’exécution des programmes de développement. Dans un contexte marqué par la raréfaction de l’aide publique au développement et le renchérissement de la dette, elle est encore plus pressante pour les Etats de l’UEMOA dont les rentrées fiscales représentent à peine 15% de leur produit intérieur brut (PIB), soit un niveau deux fois inférieur à celui constaté dans les pays de l’OCDE.

Ce rapport revisite l’ampleur du manque à gagner fiscal au sein des pays de l’UEMOA et analyse le rôle qu’y jouent le secteur informel et la fraude fiscale. Retrouvez ici l’intégralité de l’étude.

Les usages du numérique dans le domaine de la santé en Afrique

Dans un environnement d’extrême pauvreté, la maladie fait partie des principaux risques auxquels est confronté une part importante de la population africaine,[1] et ce, malgré des progrès significatifs enregistrés au cours des quinze dernières années. Selon les statistiques de l’OMS, l’espérance de vie à la naissance est ainsi passée de 44 ans en 2000 à 53 ans en 2015, soit une augmentation de 9 années.[2] Cependant, l’émergence économique de l’Afrique s’accompagne d’une augmentation de la prévalence des maladies chroniques[3] imputable aux nouveaux modes de vie et de consommation.[4] De même, l’explosion démographique, avec la concentration urbaine qui l’accompagne, augmente les risques d’épidémies, notamment de maladies infectieuses.[5]

Face à ces nouveaux facteurs de risque, l’Afrique accuse encore un retard en matière de politiques de santé, d’équipements, de personnels et de traitements. Par exemple, le nombre de médecins pour 1000 habitants a seulement cru de 0,1 point entre 1990 et 2011 en Afrique subsaharienne contre 0,9 point en zone Euro et 0,8 point dans l’OCDE.[6] Alors que les politiques publiques ont été principalement axées autour de la lutte contre le VIH-SIDA, n’est-il pas temps qu’elles intègrent les nouveaux défis en matière de santé auxquels les pays africains doivent se confronter ?

Dans cette étude, nous proposons une réflexion quant au rôle que pourrait jouer le numérique dans le secteur de la santé en Afrique. Retrouvez ici l’intégralité du rapport.


[1] Selon les résultats de l’enquête Afrobaromètre de 2014/2015, la moitié des africains ont déjà renoncé à des soins de santé faute de moyens.

[3] Diabète, cancer, maladies cardio-vasculaires et respiratoires, etc.

[4] Le taux de prévalence des maladies chroniques non transmissibles est passé de 18,7% à 25% entre 1990 et 2000. BOUTAYEB A. “The Double Burden of Communicable and Non-Communicable Diseases in Developing Countries”. Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene, 100, 2006, pp 191-199.

[5] Selon l’OMS, la plus longue et plus grave épidémie à virus Ebola a été enregistrée en Afrique de l’Ouest en 2014, avec plus de 150 cas recensés chaque semaine.

[6] Le nombre de médecins pour 1000 habitants est passé de 0,1 à 0,2 en Afrique subsaharienne entre 1990 et 2011 alors qu’il est passé de 3 à 3,9 en zone Euro et de 2 à 2,8 dans les pays de l’OCDE sur la même période. Données Banque Mondiale : http://data.worldbank.org/indicator/SH.MED.PHYS.ZS

Les usages du numérique en Afrique : Impacts économiques, sociaux et politiques

Résultat d’une étude réalisée en partenariat avec le Comité Colbert, cette note rend compte de l’adoption des services numériques en Afrique, avec un accent particulier sur quelques pays dont la Côte d’Ivoire, le Nigéria, le Kenya et le Sénégal.

Le fait que l’adoption progressive des services numériques ait eu des effets positifs sur les dimensions économique, sociale et politique du développement en Afrique est indéniable. A partir des résultats d’études menées dans certains pays africains, cette note met en exergue l’effet positif du numérique sur les dimensions économiques, sociales et politiques du développement en Afrique. Lisez l’intégralité de cette étude.

Equipe de recherche:

Georges Vivien HOUNGBONON, Economiste, Institut d’Economie Industrielle, TSE

Amadou Beydi SANGARE, Ingénieur Télécom SudParis

Aude SCHOENTGEN, Consultante Indépendante, Telecom Paristech

Hamidou CISSE, Ingénierie Mécatronique au CNAM Paris

Experts locaux : 

Onyinyechi ANANABA, Project Manager chez The Springfield Schools

Réassi OUABONZI, MBA Marketing Digital

 

A New Approach to Land Tenure Security in Africa?

kenya-105816_640Contending that tenure insecurity under informal customary institutions dampens incentives for investment and contributes to low agricultural productivity in much of Sub-Saharan Africa, policy makers have tried to formalize customary land use through the provision of de jure rights to users.

In this article we describe the challenge of low agricultural productivity in Sub-Saharan Africa and review the available evidence on the effects of the policy responses throughout the region. Our findings indicate that formalization of land rights alone is unlikely to bring agricultural productivity in Sub-Saharan Africa close to the level observed in the rest of the world. However, the time window used is often too short to credibly assess the effect of the land rights formalization programmes on agricultural productivity. Besides, the formalization of land rights in rural areas raises a number of concerns about the land tenure security of the least powerful and least informed.

While it may be too soon to assess the long-term effect of the land rights formalization programmes in Sub-Saharan Africa, other approaches to increase tenure security are tested. Read the full study.

Afrique: Entreprendre et Innover

Cover Sunayon MaiL’initiative associative SunayON a pour but la mise en lumière d’opportunités commerciales en Afrique sub-saharienne, dont les effets participeraient à l’accomplissement de la croissance de ladite zone. Ainsi à travers l’étude du contexte actuel et des mentalités des consommateurs africains, La Note Stratégique Economique (NSE) vous propose un ensemble d’articles pertinents. L’objectif étant de saisir chaque mois les grandes dynamiques psycho-sociales et macro-économiques du continent. Lisez l’intégralité de cette Notice Stratégique Economique.

Bilan et perspectives de la promotion de la concurrence en Afrique

adi NA7 BleuCette note fait l’état des lieux de la promotion de la concurrence en Afrique. Elle met en évidence la faible industrialisation qui n’est pas encore réellement prise en compte dans les objectifs du droit de la concurrence sur le continent. Alors que la nouvelle tendance à adopter des cadres règlementaires régionaux peut constituer un palliatif à la petitesse des économies nationales, cette note propose l’innovation comme but principal des droits communautaires de la concurrence en Afrique. Lisez l’intégralité de cette Note d’Analyse.

Peut-on parler d’émergence d’une classe moyenne en Afrique ?

185298136La dynamique économique actuelle de l’Afrique entraine des transformations de sa structure sociale avec l’émergence d’une classe moyenne qui devrait accompagner le processus de développement du continent. L’émergence de cette classe pourra engendrer une hausse significative et diversifiée de la demande, le développement du secteur financier, l’urbanisation et une demande plus forte d’institutions démocratiques. Cependant, sur la base des données disponibles, notre analyse indique que cette classe ne porte pas encore les propriétés qui feraient d’elle l’un des moteurs du développement de l’Afrique.

Néanmoins, elle est actuellement composée de personnes dont les besoins de consommation ne cessent de croître et de se diversifier. C’est certainement cette dynamique qui va lui permettre de se muter en une véritable classe moyenne capable de contribuer  pleinement au développement de l’Afrique. Lisez l’intégralité de cette Note d’Analyse.