Côte d’Ivoire : Pays Pauvre Très Endetté

Le 30 juin 2012, comme prévu, la Côte d’Ivoire entrera dans le club très fermé des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE), « accréditation » accordée par la Banque Mondiale et le Fond Monétaire International. Ce statut offre au pays de nouvelles perspectives, mais il est également source d’inquiétudes.

 Plus de dix ans. Oui, plus de dix années de troubles et d’instabilité politique ont entraîné la Côte d’Ivoire dans une situation économique et sociale désastreuse. Une dette équivalant à 93,3% du Produit Intérieur Brut (PIB). Le 170e rang en termes d’Indicateur de Développement Humain (IDH), sur 187 pays listés. Sans compter la crise postélectorale et la guerre civile qui ont provoqué une récession de 5,8% du PIB en 2011.

 Cette situation a très certainement accéléré l’entrée du pays dans le « club » des Pays Pauvres Très Endettés. En réalité, depuis 2009, la Côte d’Ivoire a enclenché ce que l’on appelle le « Point de décision », à savoir la candidature officielle pour faire partie des PPTE. Le 30 juin, c’est le « Point d’achèvement » qu’elle finalisera pour faire officiellement parti des PPTE.

 L’intérêt d’être un PPTE

Le gouvernement ivoirien se réjouit à l’idée de l’entrée du pays dans les PPTE, pendant que la population espère, via ce nouveau statut, des conditions de vie bien meilleures.

En effet, devenir PPTE offre des avantages économiques incontestables : réduction drastique du service de la dette et aides financières substantielles. Pour exemple, le Royaume-Uni a déjà annoncé, qu’à l’officialisation du nouveau statut de la Côte d’Ivoire, le 30 juin, la totalité de la réserve de dette à son égard sera annulée. Pour l’heure 39 milliards de Francs CFA (environ 60 millions d’euros) ont déjà été annulés. Dans le même ordre d’idées, le Club de Paris –association des bailleurs de fonds publics- a décidé d’une réduction de 78% de la réserve de dette ivoirienne. Dans le même temps, le FMI a consenti un prêt de 470 millions d’euros au pays.

 Ce sont en tout, près de 4,60 milliards d’euros de dette que la Côte d’Ivoire n’aura pas à rembourser. C’est autant d’argent que le gouvernement aura à sa disposition pour réhabiliter son pays sur le plan social. Un pays où les universités sont fermées depuis 18 mois et où les professeurs du secondaire ne sont plus rémunérés. Un pays où le système de santé est en ruine. Un pays où les routes sont impraticables et où l’insalubrité publique est un problème majeur.

A noter que pour accéder à ces allègements, la Côte d’Ivoire a dû montrer patte blanche en assainissant ses dépenses publiques, condition sine qua non pour être accepté dans le « club ».

 Main dans la main avec la France

A l’occasion des élections présidentielles françaises, il a souvent été question, ces derniers temps, d’une nouvelle approche des relations entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique. D’aucuns se plaisent volontiers à croire à un changement radical de ces relations avec l’avènement d’un président socialiste. Le nouveau statut de la Côte d’Ivoire pourrait être un bon révélateur du changement –ou non- de politique.

L’Agence Française de Développement (AFD), signera, au 30 juin,  un contrat de désendettement avec la Côte d’Ivoire. Le principe est simple : la Côte d’Ivoire continuera de rembourser ses dettes à la France qui lui prêtera à nouveau- et immédiatement- ces sommes à taux zéro. Soit. Le plus important dans ce contrat est que la France aura un droit de regard sur la destination des sommes en question. Comment s’empêcher de penser que l’allocation de ces nouvelles ressources ne se fera pas essentiellement dans la droite ligne des intérêts de la France et non de la Côte d’Ivoire ? D’ailleurs, le gouvernement ne s’en cache qu’à moitié. Cette vision est quasiment validée par le ministre de l’Economie et des Finances M.Charles Diby lorsqu’il se défend : « Cette opportunité ne devrait pas être jugée par rapport aux avantages quelle suscite pour les partenaires au développement [la France en l’occurrence]. Elle est bonne pour la Côte d’Ivoire aussi. »

Le gouvernement admet donc que l’entrée dans les PPTE est autant un avantage pour la France que pour la Côte d’Ivoire. Mais qu’en sera-t-il lorsque les sommes seront disponibles ? Le gouvernement ivoirien pourra-t-il les utiliser pour assainir la filière café-cacao, ce qui serait à coup sûr un point positif pour les milliers d’agriculteurs ivoiriens dans cette branche, mais une très mauvaise nouvelle pour une grande entreprise française comme Cémoi (numéro 2 mondial dans l’industrie du chocolat) ?

 La réalité est que la Côte d’Ivoire, une fois devenue PPTE ne sera plus souveraine dans le système de réallocation de ses ressources. Si tant est qu’elle l’était jusqu’à présent. Et sur ce plan précis il sera bon de juger l’évolution de la France-Afrique. L’Etat français sera-t-il directif ou laissera-t-il sa liberté économique à la Côte d’Ivoire ? Nous verrons.

L’initiative PPTE : pour mieux contrôler les pays pauvres ?

La catégorie PPTE est une création conjointe du FMI et de la Banque Mondiale, en 1996. Cette initiative a pour but de redresser économiquement les pays dont la dette est devenue socialement insoutenable. Aujourd’hui, les PPTE sont au nombre de 32. Depuis sa création, l’initiative PPTE, en additionnant tous les programmes d’allègement, a annulé 72 milliards d’euros de dettes.

 Selon la Banque Mondiale, l’initiative PPTE permet aux pays en difficultés de sortir du cercle vicieux du rééchelonnement constant de la dette. Est-ce vraiment le cas ? En devenant PPTE, un pays voit ses dettes allégées ou annulées. Mais ces allègements sont accompagnés de nouveaux prêts qu’il faudra bien rembourser un jour. Et ces nouveaux prêts sont assortis de clauses permettant aux différents partenaires économiques ayant procédé aux allégements/annulations, d’avoir un droit de regard –pour ne pas dire le contrôle- des politiques économiques et sociales des PPTE. Voilà comment troquer des dettes insoutenables, contre un peu moins de dettes mais encore moins de souveraineté.

Et pourtant, le gouvernement et la présidence de Côte d’Ivoire se réjouissent de ce nouveau statut promis.

 Alors oui, il est très sympathique de croire que l’arrivée de nouveaux dirigeants dans les pays occidentaux changera la donne. Mais ce sont les dirigeants africains qui sont en mesure de transformer la destiné de leurs pays.

Malheureusement, tant que ces dirigeants se réjouiront de faire partie des pays pauvres très endettés, on peut craindre que la situation ne se résolve pas de suite.

Giovanni DJOSSOU

Un nouveau riz pour l’Afrique : Nerica

Le riz constitue la principale nourriture en Afrique et plus particulièrement au sud du Sahara. Actuellement, un Africain consomme environ 21 kilos de riz par an et cette quantité est en constante progression. En Afrique sub-saharienne plus particulièrement, la consommation annuelle de riz par habitant est de 42 kilos. Cette forte consommation du riz induit une demande de plus en plus importante sur le marché locale qui ne suffit plus. Dès lors, l’Afrique importe 40% de sa consommation en riz, ce qui représente 30% des importations mondiales de riz. Face à ce constat, des chercheurs agronomes ont mis en place une nouvelle espèce de riz dénommé « NERICA » (new rice for africa). Le succès de cette nouvelle espèce est décrit dans un récent rapport de la Banque Mondiale intitulé : Améliorer l’efficacité et la production agricole à travers des interventions ciblées.

La mise en place du NERICA répond aux insuffisances inhérentes aux deux plus importantes espèces de riz habituellement cultivées en Afrique ; notamment le glaberrima et le sativa. Le glaberrima est une espèce originaire d’Afrique ayant une productivité très faible mais possède une capacité de résistance plus forte aux conditions climatiques africaines et aux attaques d’insectes. Au contraire, le sativa, originaire d’Asie, a une plus forte productivité mais reste plus vulnérable que le glaberrima. Le NERICA a été mis sur pied pour combiner les avantages des deux premières espèces ; notamment une forte productivité et une meilleure résistance aux conditions climatiques. Eu égard à cette combinaison d’avantages, le NERICA a pu être cultivé à la fois sur les plaines et sur les collines avec une très grande productivité. Néanmoins, son adoption n’est pas encore complète.

En dépit de ses atouts, cette nouvelle espèce de riz n’est pas encore adoptée partout en Afrique. La plupart des pays ont seulement atteint moins du quart de leur potentiel d’adoption. Ce faible taux d’adoption est lié au développement récent de l’espèce et aux procédures de sélection des variétés. Ces procédures peuvent prendre plusieurs années à cause du temps de la moisson et la comparaison des résultats entre l’ancienne espèce et les nouvelles variétés. Actuellement, une nouvelle approche plus rapide dénommée « Méthodologie participative de sélection des variétés » a été mise en place pour accélérer la sélection des variétés et l’adoption de NERICA par les agriculteurs. Avec cette nouvelle approche, la durée de sélection est passée de 10 ans à 3 ans. Avec toutes ces innovations, l’adoption de NERICA est en constante progression et les premières cultures montrent déjà une plus forte productivité et une capacité de résistance accrue. Dès lors, sa culture est susceptible d’augmenter le revenu des planteurs ; voire réduire la pauvreté et les inégalités de revenu.

En termes d’impact économique, l’augmentation du taux d’adoption va réduire significativement les importations de riz à destination de l’Afrique et assurer une plus grande autosuffisance alimentaire des populations. Par ailleurs, les premiers résultats d’évaluation suggèrent que l’introduction de l’espèce NERICA a permis d’augmenter le revenu des producteurs en moyenne de 30$ US. Cette augmentation de revenu vient principalement de l’accroissement des rendements. De plus, l’impact se révèlent être plus important chez les femmes que chez les hommes car les ménages agricoles dirigés par les femmes sont en général plus pauvres et son plus enclins à adopter la culture du NERICA. Toutefois, l’impact global est hétérogène et diffère selon les pays.

En outre, deux principaux défis restent à relever dans le secteur du riz. D’une part, il s’agit d’augmenter le nombre de chercheurs travaillant sur les innovations dans la culture du riz. D’autre part, l’accélération de l’adoption de cette nouvelle espèce est primordiale pour assurer l’autosuffisance alimentaire en riz de l’Afrique. Une fois le potentiel d’adoption atteint, le continent n’aura quasiment plus besoin d’importer le riz. Dès lors, les milliards de dollars dépensés dans cette importation peuvent servir à la mise en œuvre de politiques sociales, gage de développement.

 

Georges-Vivien Houngbonon

Mademba Ndiaye, chargé de communication principal du Bureau de la Banque mondiale (Sénégal, Guinée, Guinée-Bissau, Cap-Vert, Gambie)

Monsieur Ndiaye, pourriez- vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Mademba Ndiaye, nom traditionnel courant au Sénégal. J’ai fait un parcours que ne font plus beaucoup d’enfants aujourd’hui. Je n’ai fréquenté que l’école publique, ce qui témoigne d’une certaine évaluation du niveau de notre système éducatif. Après un bac lettre, j’ai eu des problèmes d’orientation. Nous étions en 1976, je voulais faire de la sociologie, mais, sur instruction du Président Senghor, ce département était fermé suite aux événements de 1968 ; j’ai donc fait de la philosophie. Je ne me voyais cependant pas faire de l’enseignement, ne me sentant pas la vocation pour un métier aussi sérieux, surtout pour une discipline qui ne s’enseigne qu’en Terminales.

Ma réorientation a eu pour origine mon désir de faire un travail sur la communication dans les empires ouest-africains. J’étais assez impressionné par l’empire du Wasulu de Samory Touré. Comment une entité de cette dimension pouvait-elle se déplacer en gardant intacte ses structures ? J’avais le pressentiment que cela n’était possible qu’à travers un système de communication qui maintenait une cohésion dans l’empire, ce qui permettait des déplacements physiques sans déstructuration des institutions. Je voulais faire une thèse de communication sur cela : comment la communication a pu empêcher la déstructuration d’un empire qui bouge géographiquement. Je me suis donc orienté vers la communication. Je me suis inscrit au département d’histoire et au CESTI, école de communication de l’Université de Dakar. Mon ambition initiale était d’avoir les concepts nécessaires en communication pour travailler sur ma thèse sérieusement. Il s’est avéré que le CESTI était (et est toujours) aussi une école de journalisme, et que j’ai mordu à l’appât.

A la sortie, j’ai été employé par Abdoulaye Wade (ndlr : devenu président du Sénégal) qui voulait sortir un journal indépendant. Nous étions en 1982-1983 et ce journal s’appelait « Takussan ». Je suis ensuite allé travailler à l’agence de presse sénégalaise puis à « Walf Fadjiri » (ndlr : quotidien sénégalais de référence) où  je faisais de l’info politique. Je suis également membre fondateur de Sud-communication, même si je n’ai jamais vraiment travaillé dans le groupe. J’ai ensuite été appelé par le président Abdou Diouf pour être membre de l’Observatoire national des élections (ONEL) en 1998. A partir de là, je suis sorti du journalisme pour intégrer USAID, puis le PNUD et enfin la Banque mondiale comme spécialiste de la communication.

Je dois dire que pendant ma carrière de journaliste, j’ai dirigé le syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Senegal (SYNPICS) et l’Union des journalistes de l’Afrique de l’Ouest (UJAO) et j’ai été délégué pour l’Afrique de la Fédération internationale des journalistes. J’ai été très  préoccupé par les questions éthiques et de déontologie, et j’ai participé à l’élaboration des lois sur la presse au Mali, Niger et au Sénégal, ce qui m’a permis de me confronter aux Etats, surtout avec des procureurs, pour défendre à la fois la liberté de la presse et la vie privée des citoyens. Depuis 2004, je suis à la Banque Mondiale comme responsable  de la communication pour le bureau de Dakar qui couvre cinq pays.

La Banque mondiale n’a pas vraiment bonne presse ; comment analysez-vous l’impact de son action, notamment en Afrique ?

Il y a, je dirais, une Banque mondiale in abstracto, et une Banque mondiale in concreto. La Banque mondiale in abstracto, c’est celle qui se trouve dans la tête de certaines personnes, celle qui se serait arrêtée aux ajustements structurels. Cette idée ne reflète plus la réalité de la Banque mondiale aujourd’hui. Durant la période des ajustements structurels, toutes les politiques publiques étaient dictées par la Banque mondiale et le FMI. Aujourd’hui, elle fait sans doute encore des choses critiquables. Mais ce qu’il faut d’abord dire, c’est que la Banque mondiale (BM) n’est pas l’institution qui va développer les pays africains, c’est une responsabilité qui incombe aux gouvernements. Ses financements représentent moins de 1% du budget de ces Etats ; donc ce n’est pas elle le chauffeur aujourd’hui.

La BM travaille beaucoup avec les sociétés civiles aujourd’hui. Par exemple, la principale entité qui organise le Forum Social Mondial à Dakar qui justifie votre présence, Enda-Tiers monde, travaille avec la Banque mondiale, pour qui elle joue son rôle d’ONG pour défendre les populations affectées par le projet d’autoroute à péage que la Banque mondiale finance en partie. Nous avons donc beaucoup développé les relations avec les ONG et la société civile, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Il y a un forum spécifique au sein de la BM pour réunir ces ONG et dialoguer avec elles. Elles sont incontournables pour que les dirigeants rendent compte, et cela nous permet de mieux mesurer les problèmes de gouvernance dans les pays où nous intervenons. 

In concreto, on ne fait plus d’ajustements structurels depuis très longtemps. L’argent que nous mettons au Sénégal va dans la santé, l’éducation, les infrastructures, les restructurations urbaines, pour que les gens vivent dans des conditions meilleures. C’est cela que nous essayons de mettre en œuvre, nous encourageons les Etats à avoir des documents de politiques sociales, et c’est dans ce cadre que nous les aidons dans leur financement. Nous essayons d’appeler d’autres partenaires pour financer ces investissements. Par exemple, sur un projet d’autoroute au Sénégal actuellement, sur une enveloppe de 600 milliards de CFA, la BM vient avec 80 milliards, mais nous avons attiré la Banque Africaine de Développement, l’Agence Française de Développement, et donné confiance à la société Eiffage pour s’engager aussi dans le projet. Ces changements se sont ressentis à l’intérieur même de l’organisation et du personnel de la BM. Nous sommes passés d’une banque d’ingénieurs, à une banque où on retrouve aussi des journalistes, économistes, spécialistes des questions sociales, ce qui lui donne une dimension humaine beaucoup plus importante et beaucoup plus centrée sur le règlement des questions sociales.

Comment s’est passée votre transition entre le métier de journaliste et celui de communicant ?

Cela n’a pas été facile. Le journalisme a ses règles et c’est un travail très valorisant. Dans le domaine de la communication, ces valeurs journalistiques peuvent toujours exister en nous mais on a en perspective la réputation de l’institution que l’on sert. C’est un peu cela la difficulté au départ, parce que l’institution a des règles et des procédures qui vont parfois à l’encontre même du journalisme. Il est heureux que cela nous permette de mettre de l’info aux journalistes pour les appuyer dans leur travail. La mise à disposition libre des bases de données de la Banque mondiale a ainsi beaucoup aidé les journalistes. Même durant le Forum Social Mondial, quand les gens attaquent la banque, ils utilisent les données de la banque !

Quels conseils donneriez-vous à de jeunes africains ?

Bien faire leurs études. Le capital humain, c’est la principale richesse d’un pays. Un pays ne peut pas réussir sans des jeunes bien formés. C’est la responsabilité individuelle des jeunes d’acquérir les connaissances les plus récentes et les plus pointues dans leur domaine. On n’a pas le droit d’être mauvais, on n’a pas le droit de voir petit. Il faut voir grand en se disant que « mon but n’est pas tant de revenir, mais de participer au progrès du pays, du continent et du monde ». Il ne faut pas accepter de s’enferrer dans un nationalisme étroit qui ne permet pas de se rendre compte que le développement de l’humanité est de la responsabilité de chacun. C’est pour cela qu’il ne faut pas avoir peur de faire des études qui n’auraient pas d’application directe dans son pays d’origine. Il n’y a aucun complexe à faire ce genre d’études. Il faut se dire nous devons être les meilleurs dans ce que nous faisons, au même titre que les américains et asiatiques.

Il y a bien sûr le problème du retour au pays pour ceux qui ont fait leurs études à l’étranger. Cependant, on peut parfaitement être à Dakar et être déconnecté du Sénégal. La présence physique, aujourd’hui dans ce monde avec les nouvelles technologies, n’est pas la chose la plus importante. La chose la plus importante est de contribuer au rayonnement de son pays là où l’on est ; c’est dans ce monde global que l’on doit faire son chemin. Une telle démarche d’esprit va apporter du progrès au monde et au Sénégal. Il faut avoir cette volonté d’être dans le monde et de contribuer à l’avancement du monde.

Il faut dire aussi qu’il y a  un manque d’orientation qui conduit certains jeunes dans des études qui les mènent à des impasses. On ne peut pas faire 1000 étudiants en marketing. Il faut encourager des filières très précises et faire en sorte qu’ils y réussissent. Il faut que les filières scientifiques et techniques soient valorisées, tout en maintenant des études littéraires de qualité, au lieu de faire des Facultés de lettres et de sciences humaines des fourre-tout. Enfin, il y a des problèmes d’infrastructure aussi : dans une université de 70 000 étudiants conçue pour 20 000 étudiants, il est difficile de faire dans la qualité. Il faut donc faire des réformes partagées avec la communauté éducative au sens large, pour que le gosse puisse entrer dans des structures de formation de qualité lui permettant, plus tard de réussir dans un monde très compétitif.

Des jeunes comme vous qui ne sont pas là physiquement, mais qui sont là où se fait le progrès scientifique, et qui participent à ce mouvement de pensée, c’est capital. Cela revivifie la pensée africaine, et cela permet de prendre le leadership dans la pensée. C’est les gens de votre génération qui sont en train de faire faire les avancées les plus importantes. Bill Gates, il y a 20 ans, c’était un gosse. Et pourtant il avait la capacité de changer le monde. Il faut libérer la parole et l’énergie des jeunes pour pouvoir dire le monde comme ils voient le monde. Un site comme le vôtre, Terangaweb, pourrait être un creuset où se fait ce changement, ce qui est capital pour l’Afrique.

Interview réalisée par Emmanuel Leroueil