L’Afrique, fer de lance d’une révolution financière ?

Partout dans le monde, on assiste à un bouleversement du paysage financier[1]. Les banques traditionnelles sont prises de vitesse par des acteurs nouveaux, dits barbarement fintech et/ou opérateurs de mobile banking (MNO ou MVNO)[2], optimisant l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). En Afrique, cette tendance est croissante. Ce continent peut-il mener la voie d’une nouvelle ère financière ? 

L’Afrique, épicentre technologique des services financiers

Le phénomène de digitalisation financière est plus aigu sur le continent africain pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, les startups étiquetées « fintech » grouillent. Ce constat est sans équivoque et ce, dans la plupart des pays africains, notamment en Afrique de l’Est et en Afrique du Sud. Certaines se sont même fait remarquées sur la scène internationale, attirant investisseurs étrangers en quête de solides retours et/ou d’impact social. Ainsi, sur l’ensemble des investissements alloués aux jeunes entreprises africaines dans les NTIC en 2015, 30% concernaient les fintech[3]. Soutenues par un écosystème favorisant le développement de ces entreprises – avec une offre croissante d’accompagnement par des incubateurs et des concours entrepreneuriaux – ces pépites jouissent d’un environnement de plus en plus favorable à leur éclosion.

L’Afrique peut se targuer d’être le continent du mobile money et banking (ou m-paiement). La majorité des services de mobile money s’opérant à l’échelle planétaire ont lieu en Afrique (52%)[4]. Leur développement est exponentiel avec, en 2015, trois fois plus d’utilisateurs de portefeuille mobile et numérique qu’aux Etats-Unis et avec un rythme de croissance trois fois supérieur[5]. Cependant, certaines précisions s’imposent. D’une part, parler de rupture technologique en Afrique revient à négliger la situation actuelle. Contrairement aux pays occidentaux où l’offre bancaire est bien ancrée auprès une clientèle large, l’Afrique – avec des nuances pour l’Afrique du Sud – ne dispose pas de banques jouissant d’une telle base clientèle (9 Africains sur 10 n’ont pas accès aux services bancaires). Dès lors, ces acteurs créent des infrastructures et des services là où l’existant est quasi nul. D’autre part, la révolution en question n’est pas brutale mais par phases. Le déferlement du mobile money appartient à une première tendance, certes non achevée mais déjà talonnée par une seconde vague d’innovation menés par les fameuses fintechs. Alors que les services de mobile money, sont, dans l’ensemble, pilotés par de grands groupes de télécommunications et basés sur le téléphone portable, les fintechs sont surtout le fait d’entrepreneurs innovants en solo et axées sur l’usage d’internet[6].

Pionnière ou retardataire ?

Cette distinction permet de mieux apprécier si l’Afrique fait figure de pionner à l’échelle internationale ou si elle ne fait que rattraper un fort retard de bancarisation, avec des moyens qui lui sont propres. La réponse n’est pas binaire : l’Afrique crée de zéro des solutions répondant à des besoins basiques, pour combler le déficit de réponse adaptée des acteurs traditionnels. Cependant, la forme prise par ces solutions introduit un paradigme nouveau que les pays développés sont en train de copier, prenant dès lors l’Afrique pour modèle. Ainsi, on assiste à un bourgeonnement d’offres bancaires à distance en France (exemples de Soon, Hello Bank pour n’en citer que certaines) ; encore embryonnaires au Nord, elles font en revanche partie intégrante du paysage au Sud. En revanche, le focus sur le Nigeria du dernier rapport du cabinet KPMG sur les services financiers en Afrique souligne que les banques traditionnelles africaines semblent connaître les mêmes problématiques que leurs consœurs occidentales en ce qui concerne le passage au numérique. La conversion de leurs clients – qui utilisent déjà les plateformes numériques mais pour d’autres usages – à des services bancaires en ligne ne va pas de soi et la facilité d’utilisation reste un défi pour nombre de banques africaines.

Pourquoi un positionnement d’avant-garde ?         

Tout problème appelle une solution. C’est cette raison simple qui explique principalement l’ébullition constatée en matière de services financiers innovants. Elle se vérifie magistralement dans la problématique cruciale du financement des PME. Délaissées des banques – qui, peu flexibles, requièrent un nombre faramineux de garanties et comprennent mal leurs capacités de crédit – respectivement trop petites et trop grandes pour la plupart des fonds d’investissement et les institutions de microfinance – avec un ticket d’entrée trop élevé/petit pour ce segment – les PME reçoivent un meilleur accueil auprès de plateformes telles que Merchant Capital ou Rainfin en Afrique du Sud qui ont une connaissance fine de leurs besoins avec une proposition de valeur adaptée et flexible.

Similairement, alors que des institutions de la place existent pour répondre à des problématiques du quotidien, l’utilisation du numérique permet à d’autres acteurs de proposer des solutions plus adaptées, en accord avec les préférences des consommateurs africains[7]. Ainsi, en matière de transferts d’argent, face aux mastodontes occidentaux, l’opérateur de mobile money QuickCash cible les populations non desservies en brousse, reliant en particulier les planteurs de cacao en Côte d’Ivoire et leur famille dans les pays frontaliers. De même, la fintech WorldRemit a su s’imposer en se montrant plus réactive et moins chère pour répondre aux requêtes majeures de la diaspora. Ces exemples soulignent que, l’agilité et l’innovation, au-delà même de la technologie, sont les clés expliquant le succès des fintechs en Afrique. Dans le même registre, l’histoire de M’Pesa confirme cette hypothèse : c’est en saisissant que la population utilisait le temps de communication comme une monnaie d’échange, que Safaricom a eu l’idée de lancer l’opérateur de mobile banking kenyan.

Une tendance en plein essor

Premièrement, le marché est encore très peu desservi et ne demande qu’à croitre. Les chiffres sont cités à tour de bras mais leur effet demeure significatif : sur près de 330 millions d’adultes, 80% manquent d’accès aux services bancaires formalisés. Deuxièmement, une intégration est en cours, à la fois de manière organisationnelle et sectorielle. D’une part, banques et opérateurs de services virtuels tendent de plus en plus à s’associer pour renforcer leur service client et accroitre leur couverture. On peut ainsi citer les unions entre la Commercial Bank of Africa (CBA) et Safaricom au Kenya, créant M-shwari, ou entre des institutions de microfinance et M-Birr en Ethiopie. Multipliant les services, l’intégration entre MTN avec une division de la Standard Bank en Afrique du Sud, entre Airtel et Equity Bank au Kenya ou entre les opérateurs télécom et la Société Tunisienne de Banque ont favorisé des offres nouvelles, telles que la consultation des comptes, le transfert d'argent d'un compte bancaire à un autre via le mobile, le paiement de factures, le prêt bancaire, etc. En Afrique de l’Ouest, cette tendance a favorisé la forte croissance enregistrée depuis 2013 dans le mobile-money[8].

D’autre part, l’innovation est dynamisée par une intégration sectorielle. Cette caractéristique positionne sans conteste l’Afrique comme pionnière. L’utilisation des technologies déployées par les fintechs ouvre la voie à l’inclusion d’autres services financiers (e-santé, e-assurance, e-éducation, etc.). Ainsi, à l’instar de M’Kopa, des fintechs se sont mises à offrir à leurs clients des services divers et variés étoffant leur modèle économique et leur part de marché. C’est dans cette perspective que peut se comprendre la dernière annonce par Jumia de se doter se son propre système de financement par mobile.

Les raisons foisonnent pour que cette tendance se maintienne à vive allure. Jusqu’à présent, contrairement à leurs analogues américains, les fintechs africaines n’ont pas ou peu tiré profit de la masse de données qu’elles drainent quotidiennement. C’est pourtant une mine d’or ! L’analyse de ces informations permettraient entre autres de mieux cibler leur clientèle, avec des offres plus adaptées, de réduire les risques, etc. Une autre opportunité vient de l’adaptation du marché du travail aux problématiques émergeant à mesure que se constitue une classe moyenne à l’aise avec les technologies numériques. De nouveaux métiers et de nouveaux modèles apparaissent. Au Rwanda, les entreprises Rwanda Online et Pivot Access se sont alignées avec la vision nationale de devenir un hub numérique en Afrique en se positionnant comme des plateformes de services intégrés facilitant la vie au quotidien de la population (visa, enregistrement d’entreprise, paiement des impôts, etc. … le tout en ligne). Enfin, et non des moindres, la bonne marche des fintechs va de pair avec la nécessité de répondre urgemment à des enjeux sociaux : leur développement favorise l’inclusion financière, l’entrepreneuriat, l’égalité financière pour les deux sexes et la réduction de la corruption.

Les freins et nuances de ce développement

Si la vague des fintechs est excitante à plus d’un titre en raison de son impact socio-économique majeur pour le continent, elle doit toutefois être nuancée. Tout d’abord, elle s’inscrit dans une mode pour les startups en NTIC. Etre un entrepreneur en Afrique est branché, être un entrepreneur fintech, ça l’est doublement. Le revers de cette clinquante médaille est l’illusion qui peut s’ensuivre. Alors que les fintechs pullulent, bon nombre d’entre elles ont une vie très courte. Le taux d’échec, comme partout, est très élevé, tandis que le discours ambiant semble faire fi des difficultés inhérentes à ce secteur. En Afrique, ces dernières s’expliquent par un manque de capacités techniques. Les diplômés rechignent souvent à rejoindre des startups face à des propositions bien plus alléchantes de grandes entreprises[i]. L’autre écueil tient à la stratégie de distribution. M’Pesa a trébuché sur cet obstacle de taille en Afrique du Sud, en copiant son modèle kenyan et en négligeant l’effet de réseau indispensable pour réussir dans ce marché.

Sur le plan macroéconomique, deux enjeux majeurs pourraient entraver l’expansion des fintechs africaines. D’une part, l’absence ou le patchwork de cadres règlementaires pose un risque à la fois pour les usagers et les acteurs financiers. Comment s’assurer de la viabilité du système ? Comment prévenir toute bulle financière dans un marché faiblement/mal régulé ? Des codes tels que le The GSMA Mobile Money Code of Conduct, the SMART Campaign et the UN Principles for Responsible Investment, ont commencé à voir le jour mais ils restent embryonnaires face à un écosystème fourmillant et peu discipliné. D’autre part, si l’Afrique peut se constituer en modèle, son offre reste limitée à l’intérieur de ses frontières. Selon le rapport de l’UNCTAD, l’exportation des services technologiques africains est marginal, représentant seulement 0,3% des exportations mondiales en technologie de pointe[9], amoindrissant toute idée de positionnement pionner.

En conclusion, le trait le plus inspirant des fintechs africaines, mais qui ne leur est pas propre, est certainement leur agilité. Moins que la technicité, c’est leur spontanéité qui fait pâlir les banques occidentales, ou les poussent à les accompagner pour mieux s’en inspirer[10].

 

 

Pauline Deschryver


[1] http://cdn.resources.getsmarter.ac/wp-content/uploads/2016/08/mit_digital_bank_manifesto_report.pdf

[2] Par Fintech, on entend des innovations techniques appliquées aux services financiers classiques et des services financiers modifiant le paradigme financier ; MNO est l’acronyme anglais pour les opérateurs de réseau mobile virtuel

[3] Disrupt Africa African Tech Startups Funding Report 2015

[4] State of the Industry Report Mobile Money, GSMA 2015

[5] Source : VC4 Africa

[6] White Paper « The powerful rise of the 2nd generation of mobile banking in Africa », FINTECH Circle Innovate & Bankin Reports

[7] Selon le dernier rapport de KPMG sur le secteur bancaire en Afrique, le service client est le premier critère d’évaluation pour une banque

[8] On peut citer les associations entre les groupes Ecobank, BNP Paribas, Société générale et BIAO qui se sont associés à travers leurs filiales d'Afrique de l'Ouest avec Orange, MTN et Airtel.

[9] UNCTAD Technology and Innovation Report

[10] A l’instar d’institutions comme Barclays, qui a mis en place une communauté promouvant les fintechs africaines, Barclays Rise.


Bitcoin : Une révolution pour la diaspora et la finance en Afrique ?

Avoir une monnaie mondiale libre de tout contrôle d’Etat qui peut être utilisée de façon presque intraçable semble être trop beau pour vrai. Mais, la monnaie Bitcoin est une réalité, et elle a le potentiel de transformer la finance en Afrique. En tant que monnaie électronique, maintenue par un réseau peer-to-peer, le Bitcoin est basé sur un réseau ouvert, indépendant non seulement des contraintes géographiques de devises fortes, mais aussi des mesures de manipulation d'approvisionnement, réduisant ainsi sa sensibilité à l'inflation. Sa qualité anti-inflationniste est renforcée par le fait que sa masse monétaire soit limitée à 21 millions de Bitcoins même si elle se développe à mesure que le réseau s'accroit.

Comment cela marche ?

Pour pouvoir échanger des bitcoins, les internautes doivent installer un logiciel sur leur ordinateur. Ces utilisateurs allouent dès lors une partie de la capacité de calcul de leur ordinateur, et contribuent au processus de sécurisation des transactions. Les Bitcoins peuvent ensuite être stockés dans les portefeuilles virtuels cryptographiques sur des ordinateurs ou des smartphones, ce qui rend leur utilisation presque aussi anonyme que des espèces sonnantes et trébuchantes. « Par certains aspects, le bitcoin ressemble à des monnaies comme l'or car il y a une masse globale connue en circulation. Elle résiste donc à l'inflation et sa stabilité ne dépend pas d'un pays en particulier. Mais le bitcoin ressemble aussi à de la monnaie fiduciaire. Comme l'euro par exemple, la valeur d'un bitcoin dépend du fait que certaines personnes sont prêtes à l'accepter comme un moyen de paiement pour les biens et services », analyse Vili Lehdonvirta, spécialiste des biens virtuels et auteur d'une étude pour la Banque mondiale.

Une aubaine pour la diaspora africaine et leurs proches

Comment cette monnaie électronique peu connue pourrait décoller et transformer la finance en Afrique? Tout d’abord, notons que l'importance de l'argent envoyé par les diasporas vers les économies africaines est considérable. Ces entrées de capitaux privés ont une incidence directe sur le niveau des ménages et ont fait leurs preuves sur l’alimentation de la croissance locale, car elles pourvoient à des améliorations tangibles locales en fournissant un financement immédiat pour l'éducation et la santé ou des investissements dans les entreprises et les start-ups. Et, globalement ces paiements de transfert de fonds l'emportent sur les schémas d’aides humanitaires. Ce constat est vrai même dans un contexte où les transactions totales sont à la baisse en raison de la crise financière. Les migrants envoient toujours à la maison d’importantes sommes. Le Nigeria, par exemple, a reçu 10 milliards de dollars en 2009 en provenance de sa diaspora, et la contribution en pourcentage des paiements de transfert de fonds par rapport au PIB de certains pays est considérable avec, au Lesotho, un taux de près de 25%.

Le Bitcoin aide à résoudre bon nombre des problèmes actuels liés aux méthodes d’envoi d'argent vers les pays d’origines de la diaspora africaine. Les services de transfert d'argent sont efficaces, mais coûteux. Les virements bancaires peuvent également être coûteux tout en souffrant généralement d'un manque de rapidité et sont souvent inutiles pour les millions d'Africains sans compte en banque. De plus, envoyer de l'argent en utilisant régulièrement les services postaux est presque impensable. Le Bitcoin permet à ses utilisateurs de contourner les frais exorbitants pratiqués par les banques et les services de transferts, tout en offrant un service sécurisé, anonyme et surtout instantané. Ces facteurs sont clairement positifs pour l'impact économique et le développement des paiements de transfert de fonds car les expéditeurs qui seraient libérés des entraves de frais d'administration élevés pourraient fournir plus d'argent à leurs proches.

Transformer les paiements en Afrique

En outre, la monnaie pourrait apporter une sécurité renforcée pour les citoyens des pays où les mauvaises pratiques économiques et financières ont rendu leur monnaie trop instable ou, pire encore, sans valeur comme c’est le cas pour le dollar zimbabwéen. Bien qu'il soit peu probable que la monnaie représente un grand intérêt dans les pays à devise bien établie, l’attrait africain du Bitcoin est évident. Bien sûr, des problèmes d'infrastructure sont un obstacle majeur, et aucune monnaie africaine ne peut actuellement être échangée avec des Bitcoins. Cependant, avec la hausse des ventes de smartphones et une connectivité Internet qui devrait augmenter de façon exponentielle dans les prochaines années en Afrique, le Bitcoin semble plus que réalisable. Ces facteurs structurels associés à la réussite généralisée de M-Pesa, un système de transfert d'argent d’avant-garde via la téléphone mobile, montre que l'adoption de cette technologie ou quelque chose de similaire dans le futur n'est pas inconcevable.

 

Kader Diakité, article initialement paru chez notre partenaire Next-Afrique

 

Afrique: la guerre du transfert d’argent aura bien lieu

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Les files d’attente devant les bureaux africains de Western Union et Moneygram pourraient bientôt n’être qu’un lointain souvenir. L’essor de l’envoi d’argent par les travailleurs migrants par téléphone portable pourrait permettre à la concurrence de faire son entrée sur un marché très convoité : les services de transfert d’argent.

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Visa ne s’y est pas trompé et a flairé le filon : début octobre, le réseau international de cartes bancaires a annoncé le lancement de son premier système de paiement entre téléphones portables. Le détenteur d’une carte bancaire Visa peut dorénavant transférer de l’argent via une application, le destinataire étant averti en temps réel de la transaction. Bien que réservé pour l’instant à l’Europe, Visa  n’a pas caché sa volonté de l’étendre rapidement au continent africain, comme pouvait laisser présager l’acquisition en juin dernier par l’opérateur de Fundamo, une entreprise sud-africaine spécialisée dans la technologie du mobile banking.

Contre toute attente, l’impact de la crise financière mondiale sur le transfert d’argent en Afrique a été modéré, avec une baisse en 2009 de 6% par rapport à l’année précédente. Selon le FMI, pour la plupart des pays africains dépendant des devises envoyées par les immigrés, les fonds viennent du continent lui-même, et sont donc peu liés aux fluctuations conjoncturelles mondiales. L’envoi d’argent à destination de l’ Afrique est de nouveau reparti à la hausse en 2010, avec près de 40 milliards de dollars envoyés, soit  2.6% du PIB africain, d’après les estimations de la Banque mondiale. Le continent représente donc un marché intéressant pour les sociétés de transfert d’argent, qui peuvent tirer profit d’un double avantage concurrentiel : la sous-bancarisation de la plupart des pays africains, et le taux de pénétration élevé des téléphones portables.

Le marché des transferts d’argent est pour l’instant dominé par le duopole Western Union et Moneygram, qui trustent à eux-seuls plus de 85% des parts de marché, en captant l’essentiel de l’argent envoyé par les immigrés à leurs familles. Apparues dans les années 1990 en Afrique et remplaçant peu à peu les envois de fonds informels, ces sociétés de transfert d’argent (STA) ont révolutionné le marché en permettant d’envoyer des fonds de manière sécurisée et en quelques heures. La stratégie d’alliance de ces STA avec des  opérateurs de services postaux, des organismes bancaires et des institutions de microfinance pour rendre les clients captifs s’est avérée payante : vingt ans plus tard, malgré les progrès technologiques et la multiplication des agences ouvertes en Afrique, les coûts de transaction facturés sont toujours aussi élevés, et sont difficiles à justifier, surtout lorsqu’ils atteignent 20% du montant de la transaction. Le succès persistant de ces usuriers des temps modernes s’explique selon la Banque africaine de développement par l’importance donnée par le travailleur migrant à la rapidité et la fiabilité de la transaction, qui l’emporte sur le prix de cette dernière.  

Le développement de l’envoi d’argent via la téléphonie mobile pourrait changer la donne en cassant le duopole actuel, et en permettant aux banques de se positionner comme concurrents directs des STA. La plupart des bénéficiaires des fonds ont en effet bien souvent un téléphone portable, et seraient donc  dispensés d’avoir un compte bancaire. Les banques sont de surcroît plus compétitives concernant les commissions facturées sur les transferts, ce qui écarterait définitivement les barrières à l’entrée de ce marché tant convoité.

L’attention portée par les banques de développement au transfert d’argent va au-delà de la condamnation des pratiques douteuses de certaines sociétés du secteur. L’enjeu se situe davantage au niveau macroéconomique, et plus précisément dans la capacité des Etats africains à attirer sur le long terme les flux d’argent envoyés par les migrants les plus qualifiés, désireux de mener des investissements durables dans leur pays d’origine. La progression des banques sur le marché du transfert d’argent est donc décisive pour baisser les coûts des fonds transférés, mobiliser les ressources envoyées par les travailleurs migrants et les faire fructifier sur le long terme, à travers le financement d’équipements collectifs pour la population, et le soutien à ceux qui désirent créer leur propre entreprise dans leur pays d’origine. L’intérêt bien entendu des banques rejoint donc parfois celui des communautés locales.

Leïla Morghad   



Mobile banking : le nouveau filon des opérateurs de téléphonie mobile en Afrique

Le marché du mobile banking est en pleine ébullition : le groupe bancaire africain Ecobank et le groupe de téléphonie indien Airtel ont signé le 6 juin dernier un accord portant sur les services mobiles en Afrique. Ce n’est pas le premier partenariat signé par Ecobank sur le continent, le groupe s’étant déjà allié à MTN au Bénin en septembre 2010. Les enjeux sont de taille : l’Afrique est le continent le plus sous-bancarisé du monde, avec  une moyenne de 5 agences bancaires pour 1000 habitants, et la