Votre pays est-il un état fragile ?

???????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????Le Nigeria et le Cameroun, sont-ils des états fragiles ? Que dire du Malawi ou du Kenya sur le même sujet ? Cet article se propose de revenir sur l’expression « état fragile » utilisée pour caractériser certains pays afin de  mieux appréhender les enjeux auxquels font face ces derniers.

Un concept difficile à cerner !

Le mot « fragile » est défini dans le dictionnaire de langue française comme «quelque chose qui se brise facilement, quelque chose qui est précaire ». Il est donc aisé de dire d’un œuf ou de la porcelaine qu’ils sont fragiles. Mais quand il s’agit de faire référence à ce mot pour qualifier un pays, cela devient plus complexe. En effet, si l’expression « état fragile » est utilisée pour désigner certains pays, il faut dire qu’il est aujourd’hui très difficile d’établir une liste concrète d’états fragiles. Cette complexité provient du fait qu’il est aujourd’hui difficile de définir avec exactitude l’expression « état fragile ». Pour y voir un peu plus clair sur le sujet, commençons par regarder de près ce qu’on peut considérer comme un état stable ou non fragile.

La stabilité d’un pays fait généralement référence à l’absence de conflit armée sur son sol, une situation politique calme, apaisée et inclusive. Économiquement, un état stable se caractérise par une croissance durable et inclusive. C’est aussi un état qui dispose d’institutions solides, qui pratique la bonne gouvernance, un état où les règles démocratiques sont respectées, où il existe la liberté de la presse, où les minorités sont représentées à tous les niveaux de la société. Au vu de ces critères, un état fragile peut être considéré comme un état qui ne présente pas les caractéristiques d’un état non fragile. Selon l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), « une région ou un état fragile a une faible capacité à exercer des fonctions de base de la gouvernance, et n'a pas la capacité de développer des relations mutuellement constructives avec la société. Les régions ou États fragiles sont également plus vulnérables aux chocs internes ou externes tels que la crise économique ou les catastrophes naturelles. En revanche, les états plus résistants présentent la capacité et la légitimité pour gouverner une population et son territoire. »

Si un consensus général se dégage sur les aspects politiques, économiques et sociaux caractérisant les états fragiles, il faut souligner également que certaines variables permettent parfois de prédire le risque que court un pays de devenir un état fragile.

Fragilité : une approche universelle pour traiter des sources très diverses !

Dans son rapport intitulé État de fragilité 2015, l’OCDE distingue cinq dimensions principales qui caractérisent la fragilité d’un état : la violence, la justice, les institutions, les fondements économiques, et la résilience.  Les cinq dimensions de la fragilité proposées révèlent des profils de vulnérabilité différents. En effet, d’après l’OCDE, il faut aborder la fragilité selon une approche plus universelle, qui n’enferme pas les états fragiles dans une seule et même catégorie, mais repose au contraire sur des mesures rendant compte des diverses facettes du risque et de la vulnérabilité surtout dans la période post-2015 marquée par les Objectifs de Développement Durable (ODD). Utilisant un diagramme de Ven regroupant les cinq dimensions de la fragilité évoquées plus haut, l’OCDE conclut qu’une approche universelle pour appréhender la fragilité présente de multiples avantages. Elle peut faciliter la détermination des priorités en faisant apparaître les pays qui sont vulnérables à des risques spécifiques et qui sont susceptibles de perdre des acquis du développement ; elle peut éclairer les priorités de la communauté internationale afin de réduire conjointement la fragilité ; elle peut continuer d’axer les efforts sur la réalisation de progrès dans les situations de pauvreté et de fragilité extrêmes. Une approche par groupe remédie en outre à certains des inconvénients d’une liste unique d’États fragiles. Par exemple, les pays eux-mêmes ne voient pas toujours l’intérêt d’être inscrits sur la liste. Un indicateur unique peut en outre passer à côté de risques importants qui interagissent avec la faiblesse des institutions et la fragilité, comme le changement climatique, les risques de pandémie et le crime organisé transnational.

Quel état est donc considéré comme fragile ?

Le rapport de l’OCDE sur l’état de fragilité en 2015 identifie 28 pays africains. On retrouve évidemment dans cette liste des pays comme le Mali, la République Centrafricaine, la République Démocratique du Congo, la Somalie, pays marqués par de l’instabilité politique et des conflits armés auxquels il faut ajouter une situation économique difficile. On y retrouve également des pays comme le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Nigeria, le Rwanda ou encore le Togo. Le Nigéria, à cause des tensions communautaires entre le Nord et le Sud, de la violence sur son sol avec le groupe terroriste Boko Haram ainsi que des institutions minées par la corruption, le Rwanda à cause de l’exposition et de la vulnérabilité du pays aux phénomènes extrêmes liés au climat et à d’autres chocs et catastrophes d’ordre économique, social et environnemental, le Togo à cause d’un système judiciaire ne respectant pas encore les standards et des fondements économiques encore à bâtir et à consolider.

D’autres organisations multilatérales comme la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développent et la Banque Asiatique de Développement se sont également penchées sur le sujet. Ces dernières ont développé une liste harmonisée d’états fragiles qui est révisée chaque année. D’après la liste harmonisée de ces trois institutions, un pays est considéré comme fragile s’il a une moyenne des scores de l’évaluation de la politique et des institutions nationales (CPIA) des trois organisations inférieure ou égale à 3,2 et/ou s’il y a eu la présence d'une mission régionale et/ou des Nations Unies de maintien ou de consolidation de la paix au cours des trois dernières années sur son territoire. Ainsi pour le compte de l’année 2015, le Burundi, le Tchad, le Madagascar sont considérés comme des états fragiles conformément à la liste de l’OCDE. Par contre, avec le classement de la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développent et la Banque Asiatique de Développement, le Cameroun, le Nigeria, le Kenya par exemple ne figurent plus parmi les états fragiles.

Fragile ou pas, les défis restent les mêmes !

Si le consensus n’est pas définitif sur la classification des états fragiles, beaucoup de pays restent marquer par l’instabilité politique et les conflits armés, la mauvaise gouvernance, les tensions communautaires et font maintenant face au risque climatique. Le chômage, les inégalités , la pauvreté, l’exclusion sont autant de sources de fragilité dans un pays .La fragilité est aujourd’hui une question importante pour la communauté internationale, raison pour laquelle celle-ci en a fait un des objectifs de développement durable à travers son objectif 16, qui est de « Promouvoir des sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable, l'accès à la justice pour tous et bâtir des institutions efficaces, responsables et inclusives à tous les niveaux », en vue de relever ce défi. Si une vingtaine d’états fragiles dont la Guinée-Bissau, le Libéria, le Togo, ont effectué des progrès en atteignant une ou plusieurs cibles des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), les États fragiles sont restés tout de même à la traîne dans l’atteinte des OMD pour l'ensemble des 8 objectifs. En moyenne, les États fragiles ont affiché un retard de 18% par rapport aux états non fragiles en ce qui concerne le nombre de pays ayant atteint chacune des cibles des OMD.  Par conséquent, les états fragiles doivent s’atteler à relever les défis de la sécurité et de la stabilité politique, de la bonne gouvernance, de l’inclusion, de la résilience et construire des institutions fortes. Dans le même temps, les états stables ou non fragiles doivent, quant à eux, continuer de maintenir le cap de la bonne gouvernance, de la sécurité, de l’inclusion et de la résilience.

La violence, creuset de la plume d’Hakim Bah

Tachetures1 est une série de six nouvelles plus ou moins courtes. L’auteur, Hakim Bah, nous transporte dans chacune de ces nouvelles en Guinée Conakry. Il y traite de sujets assez attendus quand on plonge en littérature africaine : La violence sourde, son impact, la métamorphose qu’elle engendre sur ses victimes et la question du vivre ensemble. Il est important de souligner que lorsqu’on a dit cela, un bémol est à poser tout de suite. Tachetures est transposable dans n’importe quelle société de notre planète et je pense que c’est l’une des forces du livre. Cette violence  a, dans son expression, une forme d’absurdité. Après la lecture. Au moment où je vous écris. Car, quoi de plus absurde, lors de la répression d’une manifestation de lycéens ou d’étudiants guinéens par les hommes de main du pouvoir en place, de voir le désir naissant d’une relation amoureuse volé en éclats par le fait d’une balle qui pourrait être perdue ou visée? Pourquoi l’espoir qui se forme sous les pavés est-il anéanti si brutalement? Cette première nouvelle dont je vous ai parlé de manière détournée pour ne pas trop vous en dire, donne le ton de ce recueil. Il en définit un acteur central : la jeunesse. On me dira, la jeunesse guinéenne. Mais, j’ai le sentiment que ce livre dépasse largement le cadre de la Guinée. A l’explosion du partenaire accidentel de combat, la folie ou la déshumanisation de l’individu semble être une des voies de garage. Implacablement, le système répressif rattrape ses brebis égarées pour les remettre au pas.

Hakim Bah, écrivainCette nouvelle renvoie à des manifestations importantes en Guinée. Plus, on avance dans le texte, plus les viols se succèdent. Ils prennent des formes différentes et ne prenez pas au premier degré, ce que je dis. Mais pour faire simple, comme si cela est possible quand on fait de la recension, tout écart aussi minime soit-il est violemment, sinon cruellement sanctionné. Les dominants, les adultes usent de leur puissance pour assujettir, réprimer, briser toute forme d’originalité, de beauté dans l’individu. Une des nouvelles m’a d’ailleurs rappelé « I », une magnifique texte de la comorienne Touhfat Mouhtare publié dans le recueil Ames suspendues (éditions Coelacanthe, 2012). Le texte d’Hakim Bah fait écho à celui de sa consoeur comorienne. Ils sont écrits avec la même émotion, le même sentiment d’impuissance. Ils diffèrent sur les conséquences. Là encore la désorientation, l’incapacité à assumer un acte subi s’expriment sous le portrait brossé d'une jeune guinéenne par Hakim Bah.

Il est difficile de savoir s’il s’agit d’un dispositif littéraire voulu pour accentuer l’impact de la violence subie. Mais, ce sont principalement des femmes qui subissent les coups, les gifles, les viols. Que cette violence soit l’expression de l’institution politique, l’institution familiale ou l’institution du mariage. Elle se traduit aussi dans un impossible dialogue qui ne permet pas de saisir le propos de la victime. Tachetures, la dernière nouvelle, est de ce point de vue terrifiante. L’absurdité y atteint un tel niveau d’intensité que le lecteur pourrait se déconnecter si le processus narratif de la nouvelle n’avait pas été aussi rondement mené. La qualité de la plume tient en laisse le lecteur et la justesse du propos ne fait qu’asseoir la crédibilité d’une scène : une mère qui livre sa fille à peine pubère à la nuit guinéenne. Un dernier mot portera sur une nouvelle qui traite de l’albinisme, du rejet et encore une fois de la violence physique qui s’abat sur les albinos pour des raisons obscures.

Hakim Bah réussit en très peu de mots a faire parler cette jeunesse africaine. Quand on réalise que la moitié de la population africaine a moins de 20 ans, une attention particulière doit être apportée à cette prise de parole. Hakim Bah, 27 ans, est également dramaturge. Si sa plume doit encore gagner en puissance, il a déjà la maîtrise de la mise en scène de son propos. Comment sortir de ce cycle de violence est la question qui se pose à chaque lecteur et plus largement aux africains de ma génération et de celle de mes parents qui sont aux manettes du pouvoir et qui dévoient, oppressent cette jeunesse. Mais, là, c’est moi qui parle, et non Hakim Bah.

Le livre dont je vous ai parlé est court, mais il est particulièrement dense dans son propos. Je vous le recommande.

Laréus Gangoueus

1. Tachetures, recueil de nouvelles (éditions Ganndal, Conakry Guinée, 2015) / Photo Hakim Bah – source RFI

CAN 2015 : Édition 100% Africaine, avec ses charmes, ses surprises et ses aléas

Des suites de la surprenante défection du Maroc au mois de novembre 2014, la Guinée-Équatoriale a accepté d’organiser la grande fête du football africain à la dernière minute. Le président camerounais de la CAF, Issa Hayatou, ne s’y est pas trompé "A deux mois de l'événement, pour accepter d'organiser une compétition comme celle-là, il faut avouer qu'il faut être vraiment un vrai Africain". Les prémisses d’une belle édition pour cette 30ème Coupe d’Afrique des Nations. Dans un pays qui avait co-organisé avec succès l’édition de 2012.

Une demi-finale offerte à l’organisateur 

En tant que pays hôte, la sélection équato-guinéenne, sportivement éliminée, est repêchée au dernier moment pour jouer la compétition. Le Nzalang National, qui a pourtant un niveau de jeu limité, se retrouve dans l’obligation de réaliser de grands exploits pour que le peuple puisse fêter son équipe ; à tout prix. Le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo le sait, et il est obligé de se couvrir.

photo 1 Hayatou remet un présent à Obiang NguemaMême si les équipes participantes savent où elles posent leurs crampons, cette délocalisation bouleversera invariablement la hiérarchie sportive. Logiquement, les premières plaintes apparaissent très tôt dans la compétition, pour critiquer le favoritisme qui entoure l’équipe équato-guinéenne. Malgré toute son expérience, l’entraîneur des Diables rouges du Congo, Claude Leroy, dénonce l’accueil particulier que son équipe reçoit pour le match d’ouverture.  Puis c’est au tour du Burkina Faso et du Gabon de signaler un manque d’équité. Que ce soit sur le terrain ou en amont des matchs, depuis la chambre d’hôtel jusqu’au transport en bus, tous les moyens sont bons pour déstabiliser l’adversaire. La Guinée finira deuxième de son groupe avec 5 points. 2 matchs nuls et une victoire décisive contre le Gabon, pour clôturer la phase de poules. 

 

En ¼ de finale, pour le premier match à élimination directe, c’est au tour de la Tunisie de subir un « coup de machette » Équato-photo 2 tunisie_guinne_equatoriale_arbitre_can2015Guinéen. Les décisions de l’arbitre pour le moins litigieuses influent largement sur le résultat final, et provoquent la colère des tunisiens. Ces derniers seront a posteriori sanctionnés pour leurs critiques virulentes. La CAF sait ce qu’elle doit à la Guinée-Équatoriale qui les a sortis d’un sale pétrin, et elle se doit de la remercier.

Dans ce contexte favorable, les joueurs équato-guinéens obtiennent une qualification historique en ½ finales. Ils s’inclineront face à la très belle équipe des Black Stars du Ghana, bien supérieure dans tous les secteurs du jeu ; défaite 3 à 0. Malheureusement, la dernière image qui marquera cette épopée inachevée, celle qui restera dans les esprits, n’est pas sportive. Mauvais perdant, les supporters locaux agressent les fans ghanéens avec des jets de projectiles. Pour y remédier, la gendarmerie décide d’utiliser le vol stationnaire d’un hélicoptère, à quelques mètres des tribunes, afin de disperser les plus insatisfaits. Une méthode inédite, mais très virulente. Pourtant, jusqu’à cette élimination, la fête avait été belle.

photo 3 Hélico Guinée Ghana

 

 

 

 

Une élimination par tirage au sort et la fièvre autour du fleuve Congo

Toutes les équipes ne se sont pas confrontées à la Guinée-Équatoriale, et l’on assiste à une très belle compétition. Elle est disputée dans les règles du photo 4 tirage-sort-canfair-play, avec son lot de surprise. Il y a du suspense et de l’enjeu à tous les matchs. On doit même recourir à une règle surprenante, pour départager le Syli de Guinée Conakry et les Aigles du Mali. À la fin du premier tour, les deux équipes sont à égalité parfaite (Points, différence de buts, nombre de buts marqués et encaissés). Une scène surréaliste dans le sport d’aujourd’hui, quand la victoire se joue le lendemain du match, suite au choix d’une boule dans un saladier. Un choix célébré sans retenue à Conakry, où il est perçu comme une grande victoire contre la malchance latente.

 

Du côté des grandes nations favorites, les Algériens n’ont pas réussi à confirmer leurs magnifiques performances de la coupe du monde en se faisant éliminer dès les ¼ de finale. Les lions camerounais et sénégalais ont donné beaucoup d’espoirs à leur pays sans pouvoir les satisfaire pleinement. Ce sera partie remise, dans 2 ans…

Cette 30ème édition de la CAN restera historique pour les deux Congo. Au-delà du fait que les diables rouges de Brazzaville ont réussi à gagner un match pour la première fois dans cette compétition depuis leur dernière demi-finale en 1974, le tableau nous a réservé un duel fratricide en ¼ de finale. Les cris de joie des uns et des autres traversent le fleuve entre Kinshasa et Brazza, dans un match au scénario incroyable, où les léopards de RDC sont venus s’imposer 4-2 après avoir été menés 2 à 0 jusqu’à l’heure de jeu. 

La Côte d’Ivoire enfin au sommet

photo 5 coppa barry porté en triompheAu final, c’est une Côte d’Ivoire orpheline de son prophète Didier Drogba, qui  remporte la compétition face au Ghana. Au bout du suspense, au terme d’une séance de tirs au but interminable dont sortira vainqueur le gardien Coppa Barry. Considéré jusque-là comme le maillon faible de son équipe, il est le nouveau  héros, celui qui effectue le tir vainqueur. Celui qui permettra à tout le peuple ivoirien de faire la fête pendant plusieurs jours, au président Ouattara de faire un tour d’honneur dans un stade comble, et à la diaspora de ressortir les drapeaux et de se brancher sur la RTi. Le trophée effectuera une tournée dans les plus grandes villes du pays pendant plusieurs mois.

À Kinshasa, les manifestations de la jeunesse qui ont dégénéré en guérilla en janvier 2015, étaient en pause lors des matchs des Léopards. Une trêve comme l’avait imaginé les grecques dans l’Antiquité, en instaurant les jeux Olympiques. Même si cette atmosphère ne dure qu’un temps, et que la ligne entre l’euphorie et la colère est très mince, cela justifie amplement que cette compétition se joue tous les deux ans. Comme une bouffée d’air frais dont l’Afrique a besoin… Prochaine édition en 2017, pas loin, chez le voisin gabonais. Une garantit pour cette compétition qui veut préserver son authenticité. 

Pierre-Marie GOSSELIN

Citation : conférence de presse d’officialisation de l’organisation de la CAN par la Guinée-Équatoriale, source AFP

Photo de couverture : Le président OUATTARA  tout sourire au côté de Yaya Touré lors de la présentation du trophée au stade Houphouët-Boigny d’Abidjan. Source  Reuters

Source photo 1 : Le président de la CAF Issa Hayatou offre un cadeau au président Théodorin     Obiang Nguema lors de la cérémonie d’ouverture de la CAN 2015. Source AFP

Photo 2 : Altercation entre l’arbitre Mauricien Radjindapasard Seechurn et les joueurs tunisiens. Source AFP

Photo 3 : l ‘hélicoptère au dessus de la tribune. Source : Issouf Sanogo AFP

Photo 4 : Tirage au sort entre le Mali à Gauche, et la Guinée à droite. Source  AFP

Photo 5 : Coppa Barry porté en triomphe par Wilfried Bony. Source AFP

Centenaire de l’ANC : l’Afrique du Sud éduquée dans la violence

L’Afrique du Sud a célébré en grandes pompes, le 08 Janvier dernier, le centenaire de l’African National Congress (ANC). Si le budget consacré à l’évènement(10 millions d’euros) a surpris plus d’un, les principales critiques adressées au mouvement de Nelson Mandela, parti solidement majoritaire (65% aux élections législatives de 2009), concernent les accusations de corruptionet d’enrichissement personnel et la lenteur, sinon l’échec, de sa politique de lutte contre la pauvreté (40% de chômeurs).

Identifiant les principaux challenges que son pays devait affronter, Jacob Zuma, Président de l’Afrique du Sud indiquait « le chômage, la pauvreté et les inégalités »… : la violence endémique et les errements des politiques sanitaires mises en œuvre dans ce pays, par une ANC au pouvoir maintenant depuis dix-sept ans, ont été passées sous silence – comme s‘il s‘agissait d‘un « fait accompli » dont la responsabilité directe ne pouvait être imputée à un mouvement politique particulier.

Or la situation sécuritaire en Afrique du Sud est grave. Pire : elle s’est aggravée depuis l’arrivée au pouvoir de l’ANC#! Et plus qu’ailleurs, ce sont les plus vulnérables qui en paient les frais : les pauvres, les femmes et les enfants. En ce qui concerne ces derniers, les chiffres sont accablants.

Une enquête nationale sur la violence scolaire en Afrique du Sud (National Schools Violence Study) menée en 2008 par le Centre for Justice and Crime Prevention (CJCP) portant sur les élèves du primaire et du secondaire indique que près de 2.000.000 d’entre eux (15,3%) ont subi des actes de violence à l’école ou dans le voisinage immédiate de l’école. Cette violence est tantôt physique, tantôt verbale, qu’il s’agisse d’agressions, d’intimidations, de rackets, de harcèlements, de vols ou de viols.

Ce climat de violence n’est pas le seul fait d’élèves agressant d’autres élèves. La réalité est plus dure encore.

Ainsi, sur les 20.000 établissements primaires et secondaires étudiés par le CJCP en 2008, dans trois sur cinq des agressions verbales de professeurs par des élèves avaient été signalées au cours de l’année précédente, des agressions physiques sur les éducateurs avaient été reportées dans un quart d’entre elles. Le Centre recensait même, dans 2,8% d’écoles, des agressions sexuelles commises par les élèves sur les professeurs.

La réciproque est vraie. Dans un quart de ces écoles les élèves avaient été victimes d’agressions physiques de la part de leurs professeurs, dans 2/5 d’entre elles, les directeurs avaient reçu au moins une plainte pour agression verbale. Plus inquiétant encore, une étude menée par la revue Lancet en 2002 établissait qu’un tiers des viols subis par les filles de moins de 15 ans en Afrique du Sud étaient perpétrés par les éducateurs. Une commission des droits de l’homme établissait quelques années plus tard qu’un enfant avait plus de risque d’être violés à l’école que nulle part ailleurs.

Pourtant, les instruments juridiques existent et sont légion, censés assurer la protection des élèves : d’abord la « Constitution » sud-africaine en son chapitre 2 liste les droits fondamentaux des élèves et des éducateurs, parmi lesquels le droit d’être protégé de toute forme de violence et de tout traitement dégradant ou inhumain; le South African Schools Act de 1996 interdit les châtiments corporels, un amendement introduit en 2007 autorise même les fouilles corporels et les tests aléatoires de consommation de stupéfiants dans les écoles; le Children’s Act de 2005 étendait le droit des enfants à leur intégrité physique à la protection contre toute forme de châtiment physique (qu’il soit sanctionné ou non par des normes coutumières ou traditionnelles); enfin le Domestic Violence Act de 1998 introduit l’obligation légale de dénoncer tout acte de violence, de négligence, d’abus ou de mauvais traitement commis contre un enfant aux autorités. En vain.
 

Des solutions? une approche globale et soutenue dans le temps

Dans deux études publiées en 2008 puis en 2011, des chercheurs sud-africains identifient les causes de l’échec des pouvoirs publics à lutter contre ce phénomène qui perpétue le cycle de violence dans la société, freine toute politique d’éducation et in fine, entretient le cercle de pauvreté. Patrick Burton du CJCP, dans Dealing with School Violence in South Africa met en cause le manque de continuité dans les politiques mises en place par l’Etat, malgré la permanence au pouvoir de la même majorité politique depuis près de deux décennies. Les professeurs Leroux et Mokhele dans « the persistence of School Violence in South Africa’s schools : in search of solutions » questionnent l’approche parcellaire qui a été jusqu’ici privilégiée. Les acteurs publiques ont préféré s’attaquer à différents symptômes de la violence scolaire, pris un à un : la consommation d’alcool ou de stupéfiants, la probité professionnel des éducateurs, la présence de gangs au sein des écoles etc. Ils recommandent une approche plus holiste et intégrée, qui s’intéresseraient autant à l’environnement scolaire que familial, qui permettrait d’identifier les signes premiers de violence scolaire et empêcherait la perpétuation des cycles de violence, qui impliquerait également professeurs et élèves.

Un programme a été mis en place depuis 2008 dans la région du Cap, par le CJCP et le ministère de l‘éducation : l’initiative « Hlayiseka » qui signifie en Tsonga « sois prudent ». Il s’agit d’ateliers de travail étalés sur quatre jours, regroupant élèves, directeurs et éducateurs, au cours desquels tous les acteurs de la vie scolaire identifient les problèmes spécifiques de l’école et réfléchissent ensemble aux solutions à mettre en place. Pour la première fois, il ne s’agit plus simplement d’instaurer des détecteurs de métaux aux porte des écoles ou de recruter des agents de sécurité. Des services d’écoute et d’alerte sont mis en place qui garantissent l’anonymat des élèves et qui sont intégrés aux autres organismes juridiques ou policiers de protection de l’enfance. C’est un premier pas dans la bonne direction.
 

 

Joël Té-Léssia