Le capital-investissement acclimaté à l’Afrique: un modèle en construction

capitalMalgré les taux de croissance élevés de la dernière décennie, le volume des investissements en Afrique est resté modeste comparé aux autres régions du monde. Le continent ne représente que 6.5% des transactions du capital-investissement sur les marchés émergents contre 78% pour les pays émergents d’Asie (1).  Une situation qui résulte de la stratégie des sociétés de capital-investissement ; ces dernières investissent principalement dans les entreprises à forte capitalisation. Les grandes entreprises des secteurs du pétrole, des mines, de la banque, des télécommunications sont privilégiées au détriment des PME, certes peu structurées, mais représentant l’essentiel du tissu économique des pays. La moyenne des tickets d’investissement est d’environ 10 millions de dollars -hors Afrique du Nord- (2) ; des montants que très peu de sociétés ont la capacité d’absorber. Il se pose ainsi la nécessité de repenser le modèle actuel du capital-investissement dans un contexte où, les performances des entreprises des marchés cibles sont affectées par la baisse des cours des matières premières, réduisant davantage les opportunités d’investissement.

 

Le développement de compétences entrepreneuriales : La solution face à l’effet paradigme

L’effet paradigme résulte des divergences entre les méthodes de gouvernance d’entreprise appliquées par les fonds d’investissements et celles souvent moins orthodoxes des PME africaines. Ce qui constitue un frein au développement du capital-investissement.

Il convient de présenter l’entreprise comme un système composé d’éléments en interaction permanente. Envisager une entreprise en tant que système revient à la considérer comme un ensemble organisé composé de différentes fonctions, individus, ayant tous des objectifs, pouvant être contradictoires. C’est cette contrariété en termes d’objectifs qui oblige le manager à adopter un modèle de gestion moderne afin de concilier les buts et assurer une croissance maitrisée. L’entreprise moderne met en place des procédures, établie des organigrammes, définit les responsabilités et les délégations de pouvoirs puis assigne les rôles aux individus. En Afrique, les PME ou les entreprises en début d’activité communément appelées  start-ups,  sont caractérisées par la concentration du pouvoir entre les mains du chef d’entreprise, qui n’est généralement pas prêt à le partager. Une autre caractéristique de ces entreprises est qu’elles sont pour la plupart familiales. On entreprend en famille. Des facteurs socioculturels peuvent expliquer cet état de fait. L’esprit communautaire, le sentiment d’appartenance à un groupe social, souvent  le village, est particulièrement présent dans les sociétés africaines. Zady Kessi, écrivain et Président du Conseil économique et social de Côte d'Ivoire,  disait dans Culture africaine et gestion de l’entreprise moderne (1998), que « L’esprit communautaire constitue la clef de voûte de l’édifice social africain ».

La mise en place d’un système de développement de compétences entrepreneuriales et d’apprentissage de bonnes pratiques, intégrant cette caractéristique indissociable à la culture de « l’entreprise africaine », qu’est l’esprit communautaire, trouve ainsi sens. Pour ce faire, le modèle des incubateurs est une piste. En effet les incubateurs, en plus d’être des lieux d’apprentissage, sont des lieux de socialisation. On apprend à se connaitre, à partager, à collaborer. Le lien de famille n’est plus le seul moteur de collaboration, donc de productivité. Pour l’investisseur, il permet de diffuser les meilleures pratiques en matière de gestion d’entreprise, mais aussi d’aligner ses intérêts avec ceux de l’entrepreneur ou du dirigeant de la PME dans l’optique de favoriser l’entrée au capital et le partenariat à long terme. Le développement du numérique accélère la transition vers ce nouveau modèle. De plus en plus de centres d’innovations se créent sous l’impulsion d’institutionnels et d’investisseurs. Au Ghana, le  « MEST » est un précurseur. Il a été créé en 2008 grâce au soutien de Meltwater, une multinationale spécialisée dans l’analyse de données en ligne. On le voit plus récemment  au Sénégal avec Cofina start-up House l’incubateur du groupe COFINA, une institution de financement. Cette approche qui semble se développer davantage en faveur des start-ups n’est pas exclusive aux entreprises en démarrage. Le capital humain étant le principal accélérateur de croissance ; les dirigeants des PME dans une démarche participative, au cours de périodes d’incubation ou de « camps de formation » organisés au sein de ces lieux, pourraient être invités à travailler ensemble hors du cadre familial. Le changement de génération à la tête des PME facilite la mise en œuvre de tels programmes. Ces moments seraient des occasions pour faire connaitre les règles du financement, en l’occurrence du capital-investissement, et faire apprendre l’orthodoxie en matière de gouvernance d’entreprise ; favorisant ainsi l’entrée au capital des PME.

 

Promouvoir des équipes locales et une nouvelle stratégie de levée de fonds

La particularité de la plupart des fonds d’investissement  intervenant en Afrique est de disposer d’équipes à très hauts potentiels. Ceci entraine des coûts de gestion élevés; ces dernières ayant des niveaux de rémunération identiques ou proches des standards occidentaux. Des équipes qui souvent, ne résident pas dans les pays où s’opèrent leurs investissements. Pour  J-M. Severino, Président d’I&P -un fonds d’investissement dédié aux PME africaines-, « avec les structures de coûts que doivent supporter les professionnels opérant depuis Londres, Paris ou Dubaï, il est quasiment impossible d’imaginer être rentable en investissant seulement 500 000 euros ou 1 million par opération». Une contrainte qui justifie le fait que ces fonds préfèrent participer à des transactions de plusieurs millions. Pour permettre aux structures plus modestes telles que les PME et les start-ups d’avoir accès aux énormes ressources du capital-investissement, il faut nécessairement favoriser la mise en place d’équipes locales. Cela passe par des transferts de compétences via des partenariats-métiers avec des structures ou des professionnels aguerris du capital-investissement. Ces équipes locales présentent l’avantage d’être proches des entreprises bénéficiaires des investissements. Ce qui s’avère primordial pour la réussite de ces dernières pour lesquelles un accompagnement dit « hand-on » ; c'est-à-dire au plus près de l’entrepreneur, est essentiel. Jean-Marc Savi de Tové, ancien de Cauris Management et associé du fonds Adiwale explique que, « La difficulté de ce métier, c’est qu’il faut vivre à moins de 5 Km de l’entreprise dans laquelle on investit, car l’entrepreneur va avoir besoin de vous presqu’en permanence ».  Les exemples de Teranga Capital au Sénégal ou de Sinergi au Burkina, des fonds soutenus par l’investisseur I&P et dirigés par des équipes locales sont illustratifs. Ces fonds investissent en moyenne entre 30  000 et 300 000 euros. Des montants qui correspondent aux besoins des entreprises.

Aussi réorienter la stratégie de levée de fonds s’avère indispensable. Au Sénégal par exemple -pays ayant bénéficié d’un des montants les plus élevés d’investissement d’impact en  Afrique de l’Ouest- ; sur 535 millions de dollars levés sur la période 2005-2015, plus de 80% ont été mobilisés par le biais de transactions de plus de 10 millions de dollars (3). Les investisseurs habituels des fonds d’investissement ont des exigences de rentabilité qui peuvent contraindre les gestionnaires à cibler, les grandes entreprises présentant un profil de risque moins prononcé ou, des transactions dans les projets d’infrastructures, au détriment des entreprises de plus petite taille ne garantissant pas le niveau de rentabilité souhaité. S’orienter vers des investisseurs sociaux à vocation entrepreneuriale, c'est-à-dire privilégiant un impact social par l’accompagnement des entreprises, favoriserait l’accès aux ressources aux PME et aux start-up. Il s’agit entre autres des fondations, des institutions de développement au travers de programmes spécialisés, d’investisseurs privés, etc. Selon la Banque mondiale, les jeunes représentent 60% de l’ensemble des chômeurs africains. Le rapport Perspectives Économiques en Afrique du Groupe de la Banque Africaine de Développement publié en 2012 indiquait que le continent avait la population la plus jeune au monde, avec 200 millions d’habitants âgés de 15 à 24 ans ; un chiffre qui devrait doubler d’ici 2045. Les défis auxquels fait face l’Afrique, en l’espèce la problématique du chômage des jeunes, rendent davantage pertinent cette approche et le choix du continent comme terre d’investissement pour ces investisseurs. Ce capital dit « patient » permet de rallonger la durée des investissements. En moyenne de sept (7) ans dans le modèle classique, la durée des investissements pourrait aller au-delà de dix (10) ans et ainsi garantir une croissance réelle des entreprises financées.

 

Instaurer un cadre législatif et fiscal avantageux et encourager la création d’associations locales du capital-investissement

Disposer  d’un environnement juridique et fiscal incitatif pour le capital-investissement, véritable alternative à l’emprunt bancaire, est essentiel au plein essor de ce mode de financement. Le développement de ce concept a toujours été précédé par l’introduction d’un cadre juridique organisateur. Aux Etats-Unis où est né le capital-investissement, il a fallu la promulgation du décret de la Small Business Investment Act (4) par le gouvernement américain en 1958, pour voir se développer le métier de capital-investisseur. Certains pays africains ont pris la mesure de l’importance du capital-investissement en édifiant des réglementations propres à ce métier ; c’est le cas de l’Afrique du sud et de l’île Maurice -où sont enregistrés la plupart des fonds d’investissement opérant en Afrique-. Dans l’espace UEMOA, une loi Uniforme sur les entreprises d’investissement à capital fixe a été prise et transposée par certains pays. Malgré des avancées sur le plan fiscal de cette loi, elle reste silencieuse sur certains points. S’agissant de la gouvernance des sociétés, elle n’indique pas les modalités de gestion et de contrôle. Par ailleurs, aucun texte ne précise clairement le capital minimum requis. Des améliorations restent à apporter afin de rendre cette loi plus efficace et incitative ; notamment en rendant possible un accompagnement financier par  les Etats, à ces sociétés, avec pour objectif de favoriser le soutien financier aux PME et aux start-ups. Cela passe par l’orientation de l’épargne locale, en l’occurrence celle collectée par les caisses de retraite, vers les fonds dédiés.

Afin de dynamiser le secteur du capital-investissement en Afrique, la mise en place d’associations locales est essentielle. Tel que préconisé par Jean Luc Vovor, – associé de Kusuntu Partners- lors d’une conférence tenue à Lomé sur le sujet ; les associations locales de capital-investissement devraient avoir pour mission d’informer et de promouvoir cette classe d’actif, parfois méconnue, auprès des partenaires que sont les entreprises en l’occurrence les PME et les start-ups, les sociétés d’investissement, les fonds de pension et les Etats.

La diffusion d’informations passe au préalable par le développement de programmes de recherches liés à ce secteur ; avec des recherches sectorielles, des enquêtes, le développement de normes, et aboutissant sur des sessions de formation et d’information. L’association sud-africaine de capital-risque et de capital-investissement (SAVCA), par son action, a favorisé l’instauration et la promotion de la réglementation relative aux fonds de pension en 2011 ; des amendements ont permis auxdits fonds de faire passer à 10% la part du capitalinvestissement géré. Il s’agit là du rôle déterminant que pourraient jouer les associations locales dans le développement du capital-investissement en Afrique.

 

Un écosystème entrepreneurial dynamique est essentiel au développement du capital-investissement en Afrique. Contribuer à l’éclosion de cet écosystème passe par la mise en place de centres de développement de compétences entrepreneuriales, en favorisant l’accès au financement. Les programmes comme celui lancé récemment par la BAD et la Banque européenne d’investissement, Boost Africa, qui ambitionnent de couvrir la totalité du secteur de la création d’entreprise ; en aidant à constituer un portefeuille de 25 à 30 fonds au cours des prochaines années sont à multiplier. Pour croitre et créer des emplois durables, les entreprises à forts potentiels que sont les start-ups et les PME ont besoin d’investisseurs capables de s’adapter à leur niveau de risque. Le capital-investissement en Afrique doit s’inscrire dans un cadre plus global mêlant développement de compétences, promotion d'équipes locales, accès au financement, et implication des pouvoirs publics.

 

 

Larisse Adewui

 

  1. Source : EMPA, Fundraising & Investment Analysis, Q4 2014
  2. Source : EMPA, Fundraising & Investment Analysis, Q4 2014
  3. Source : Le Marché de l’investissement d’impact en Afrique de l’Ouest : Etat des lieux, tendances, opportunités et enjeux actuels, Pages 12-17
  4. La Small Business Act est une loi du congrès des Etats-Unis votée en 1958,  visant à favoriser le développement des PME.

TIC et agriculture : pour mieux informer et accompagner les agriculteurs !

inclusion_financièreMalgré la montée de l’urbanisation dans certaines villes africaines, l’Afrique pourrait trouver son salut dans l’agriculture. On peut citer le Nigeria qui en réponse à la baisse continue et soutenue des prix des hydrocarbures a décidé de se replier sur l’agriculture afin de maintenir son niveau de croissance économique. Dans le monde, environ 60% des terres cultivables sont non cultivées. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, une grande partie de ces terres se trouvent aux États-Unis et en Russie. En revanche, l’Afrique possède aussi beaucoup de terres cultivables non cultivées. Selon McKinsey, l’agriculture ferra partie dans les années à venir des secteurs offrant le plus de perspectives de croissance et de profitabilité. L’industrie agricole pourra s’appuyer sur les NTIC pour accompagner sa croissance et surtout éviter le gaspillage alimentaire.
Le gaspillage alimentaire est, en effet, une grande problématique dans le monde. Cependant, force est de constater que le gaspillage ne se produit pas au même moment dans la chaîne de distribution et varie suivant le pays en question. Le gaspillage a plutôt tendance à se produire pour les pays les moins avancés après la récolte durant la phase de récolte et de transformation contrairement au pays riches et industrialisés pour lesquels le gaspillage se produit durant la phase de consommation par le client final. Pour les PMA (pays les moins avancés), ceci peut s’expliquer par différentes raisons telles que le manque de moyens financiers, d’infrastructures de transport ou de conservation et de communication.

Aujourd’hui avec le développement des NTIC, ces derniers  peuvent apporter une plus-value importante au secteur agricole. Cet article présente   les effets positifs des NTIC sur l’industrie agricole et identifie les conditions à remplir afin que les effets soient ressentis dans toute la chaine de distribution pour limiter le gaspillage alimentaire.

 

Le secteur agricole est dépendant des principaux éléments suivants :

  • Le cheptel : Les agriculteurs doivent s’assurer que le troupeau puisse vivre dans les meilleures conditions (protections contre les maladies, achat de vaccins …) ;
  • La météo : la majorité de l’irrigation des champs en Afrique subsaharienne provient de l’eau de pluie ;
  • Engrais et semences : obtenir les meilleurs produits aux meilleurs prix ;
  • Terre : entretenir la qualité de la terre afin que les récoltes puissent pousser dans des conditions optimales ;
  • Récoltes : s’assurer que les récoltes puissent subvenir aux besoins du village et que le reste puisse être revendu au meilleur prix.

 

La gestion de l’information

L’agriculteur doit donc avoir une bonne connaissance des différents paramètres liés  aux éléments ci-dessus. Et les NTIC peuvent l’aider à y arriver.

Les NTIC ont pour principal but d’accéder et d’échanger  l’information grâce à des supports comme les téléphones portables ou les ordinateurs. Les informations permettent aux agriculteurs d’accéder aux prix du marché des engrais et semences ou du marché des animaux (achat et revente, vaccins). En effet, une grande partie des récoltes sert à nourrir les habitants d’un village et le reste est revendu. Cependant, les agriculteurs n’ayant pas accès aux prix du marchés sont souvent emmenés à revendre leurs récoltes bien en deçà des prix du marché. Grâce aux NTIC, ces derniers pourront s’aligner plus facilement sur les prix du marché.
Les NTIC auront pour principal objectif de connecter les villages au monde extérieur notamment pour les prix du marché ou la connaissance des effets néfastes de certains produits chimiques.

Les effets sur la chaine de distribution

L’efficacité d’une chaine de distribution se mesure par la circulation de l’information. Et ceci peut se faire grâce aux applications mobiles. Ces dernières permettront le rééquilibrage de l’offre et de la demande. 
Un des moyens pour limiter ces gaspillages serait d’informer en continue et en temps réel les acteurs en aval de la chaine de l’évolution des récoltes afin d’écouler les produits dans les délais impartis (durée de vie faible pour certains aliments)., Aujourd’hui, de nombreuses applications ont vu le jour pour aider les paysans. Prenons l’exemple de l’application M-Farm qui a pour principales objectifs d’informer l’agriculteur en temps réel de la météo mais aussi des potentiels acheteurs.  Ce type d’application donne plus de pouvoir aux paysans qui pourront anticiper et mieux contrôler leurs récoltes sur le long terme.

Les conditions nécessaires pour bénéficier des effets des NTIC

Plusieurs conditions doivent être réunies afin que les NTIC soient utilisées à bonne escient.
La couverture réseau fait partie des conditions primordiales. Celle-ci selon sa puissance et sa fréquence permettra de faire circuler l’information.
Ensuite vient la problématique et pas des moindres de l’analphabétisme. La meilleure solution pour lutter contre cela reste la scolarité. Cependant, une alternative s’offre aux développeurs des NTIC pour faire face à cet obstacle. Il s’agit de l’utilisation d’images et pictogrammes. Non seulement l’utilisation des NTIC en sera simplifiée mais elles seront aussi accessible à plus de personnes du fait de l’existence d’une multitude de dialectes. Car il  est commun de retrouver plusieurs dialectes au sein d’un même village. Les solutions informatiques proposées doivent aussi être lisibles dans plusieurs dialectes afin de toucher un maximum de personnes au sein d’un même village mais aussi dans une même région.

L’agriculture restera donc un secteur à privilégier et à soutenir par le pouvoir étatique. Ce secteur reste une valeur sûre sur le long terme grâce aux terres très fertiles ainsi qu’une météo conciliante. Dans le cas où les NTIC sont utilisées à bon escient, celles-ci pourront diminuer le gaspillage alimentaire. Les prochaines étapes pour le secteur agricole seraient d’automatiser la production et de trouver une alternative à l’irrigation des champs par l’eau de pluie. Ces actions permettraient d’accélérer l’industrialisation de secteur agricole. Les NTIC constituent un support essentiel à la croissance de l’agriculture.

 

Issa Kanouté

 

Sources

Partage d’informations

http://www.finyear.com/Les-nouveaux-enjeux-technologiques-de-la-Supply-Chain_a36813.html?platform=hootsuite

Stimuler les rendements agricoles grâce aux TIC

http://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/tic/actualites/stimuler-les-rendements-agricoles-gr-ce-aux-tic.html

Les sols fertiles d’Afrique peuvent-ils nourrir la planète

http://www.nationalgeographic.fr/12418-les-sols-fertiles-afrique-peuvent-ils-nourrir-la-planete-enquete-alimentation/

Paradoxe : Afrique ; région la plus touchée par la faim mais ou il y’a le plus de terres fertiles

"Il est certain qu’il s’agit là d’une vision optimiste de l’avenir. La Thaïlande exporte actuellement davantage de produits agricoles que tous les pays subsahariens réunis,"

Terres africaines exploités par des groupes étrangers. Face à la pression démographique, manque de terres en Chine donc viennent en Afrique pour exporter en Chine

Travailler en collaboration avec grandgroupe qui possède la technologie

MacKinsey y croit toujours

http://www.jeuneafrique.com/mag/358092/economie/mckinsey-y-croit-toujours/

Gaspillage alimentaire

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/10/16/chaque-annee-1-3-milliard-de-tonnes-de-nourritures-gaspillee_4507636_4355770.html

Ampleur des pertes et gaspillage alimentaires

http://www.fao.org/docrep/016/i2697f/i2697f02.pdf

Les terres cultivables non cultivées dans le monde

http://www.agter.org/bdf/fr/corpus_chemin/fiche-chemin-208.html

Déçu par le pétrole, le Nigeria renoue avec l’agriculture

http://www.jeuneafrique.com/depeches/354558/economie/decu-petrole-nigeria-renoue-lagriculture/

Article teranga : TIC et agriculture: l’innovation au service du secteur primaire

http://terangaweb.com/tic-et-agriculture-linnovation-au-service/

High tech : le top 10 des applications mobiles africaines

http://www.jeuneafrique.com/165339/societe/high-tech-le-top-10-des-applications-mobiles-africaines/

 

Le foncier : une équation complexe au Sénégal

foncLes villes africaines, notamment les grandes capitales d'État, connaissent depuis quelques décennies, une urbanisation galopante. Selon la Banque Mondiale, malgré le fait que l’Afrique soit au début de sa transformation urbaine, son taux d’urbanisation est estimé à 40% en 2015. Cette forte urbanisation – bien que significative dans la croissance économique des villes grâce à la création de richesse et la disponibilité d'une main d'œuvre abondante – soulève une problématique fondamentale: l'occupation foncière. En réalité, plus les grandes villes accueillent des populations, plus elles ont besoin d'espaces supplémentaires pour faire face au grignotage accru du foncier urbain. Dans cet article, nous exposons dans un premier temps, les caractéristiques actuelles du système foncier au Sénégal. Ensuite, nous montrons les méthodes de gestion du foncier existant, en interrogeant les différents jeux d’acteurs qui interagissent autour de ce système. Enfin, nous esquissons quelques pistes de réflexion qui pourraient éventuellement résoudre l’équation complexe du foncier dans les villes sénégalaises.

 

État des lieux du foncier au Sénégal

 

          Une minutieuse observation du processus d’étalement urbain des grandes villes sénégalaises, notamment la région urbaine de Dakar, permet de comprendre comment la question du foncier présente des enjeux fondamentaux dans les dynamiques d'occupation du territoire. Si l'urbanisation, à travers l'usage accéléré du sol, explique en partie la rareté foncière au cœur des grandes villes sénégalaises (Dakar, Thiès, Touba, etc.), l’éparpillement des villes en morceaux étalés est très fortement lié à une volonté politique de réalisation de nouveaux lotissements moins chers et accessibles en périphérie des grandes villes. Aujourd’hui, c’est le cas de la région urbaine de Dakar. En effet, l’hypertrophie de la capitale sénégalaise a favorisé la création d’une ville nouvelle (Diamnadio) en périphérie, avec une viabilisation du foncier qui a entraîné le développement de nouveaux lotissements sur le long de chemin qui mène vers cette Ville Nouvelle (Zone d’Aménagement Concerté de Mbao, Këër Mbaye Fall, Tivaouane Pëël, etc.). De plus, la mise en place de nouveaux équipements et infrastructures rend ces zones accessibles. Nous pouvons donc retenir une volonté de l’État d’encourager une croissance urbaine horizontale à travers la viabilisation des terrains et la mise en place d’équipements et d’infrastructures. Cependant, malgré cette volonté de l'État, nous pouvons quand même remarquer son inaction sur d’autres aspects du foncier au Sénégal.

          En effet, l’État est censé être le garant de l’intégrité territoriale ; le gendarme du foncier à travers des taxes et des exigences normatives, mais face à l’émergence de nouveaux types de propriétaires privés, parfois très riches, on note, de plus en plus, une indifférence, un désengagement de l’État, au niveau du droit de propriété foncière. En d’autres termes, les propriétaires privés gèrent, au même titre que l’État, des lotissements entiers ; ce qui leur assure une certaine puissance vis-à-vis de l’institution publique. Par exemple, si l’État sénégalais a mis les conditions adéquates et favorables pour le développement de nouveaux lotissements sur le long de la périphérie dakaroise, la plupart de ces lotissements sont des propriétés privés (Cité Këër Doudou Bass Njaxiraat, etc.).         Ensuite, dans un contexte de décentralisation progressive de l’appareil étatique dans la gestion locale du foncier, les collectivités territoriales locales voient leur marge de manœuvre augmentée. En effet, les collectivités locales, le notaire et le préfet doivent jouer le rôle d’arbitre pour éviter les litiges. Mais parfois, la réalité est tout autre: les usurpations sont plus que jamais présentes dans la gestion foncière. Les collectivités locales qui sont censés protéger les acheteurs et sécuriser le foncier apparaissent faibles et parfois même complices ; une situation qui montre la vulnérabilité et le risque qui caractérisent ce secteur très complexe. Enfin, un des constats que nous pouvons faire sur la question foncière dans les villes africaines est sa planification. Le foncier est-il bien utilisé ou bien valorisé ? En réalité, dans les villes sénégalaises, l’occupation foncière présente parfois des risques environnementaux, économiques et sociaux avérés. Il arrive que les lotissements soient faits dans des zones à risque d’inondation, d'érosion marine, ou dans foyers de conflits intergroupes, etc. Ainsi, l’aménagement du terrain est mis au second plan, alors que les pouvoirs publics, notamment les collectivités locales, dans un contexte de décentralisation, doivent assurer une certaines sécurisation foncière en délivrant par exemple des permis de lotir et de construire que dans des zones constructibles.

 

L’administration foncière au Sénégal.

 

L’administration coutumière : pendant longtemps, dans les villes sénégalaises, la propriété de la terre est attribuée au « Buur »[1], autrement dit, n’appartenant à personne. Cette non-identification du foncier signifie que le foncier appartient à tout le monde. En revanche, il existe un chef de quartier ou de ville – généralement le « Buur » – qui assure son administration, sa distribution et sa sécurisation. Donc le foncier n’appartient en aucun cas, ni à l’État, ni à un propriétaire privé. Tout le monde, quel que soit son niveau de vie socio-économique, avait le droit de l’utiliser. Cependant, avec l’arrivée des colonisateurs, la gestion coutumière du foncier est délaissée au profit d’une gestion plus centralisée, plus administrée par l’autorité coloniale, considérée alors comme l’État.

 

La sécurisation foncière : étant le garant de la sécurisation foncière, le propriétaire majoritaire des terres, l'État rencontre différents problèmes avec ses populations. En effet, si dans la plupart des législations foncières, le terrain détenu par un propriétaire privé doit-être reconnu, cadastré (donc identifié) et sécurisé, il existe toutefois des problèmes, rencontrés principalement par les populations qui achètent des terrains sans connaître forcément les règles législatives du foncier à cause de la lourdeur des démarches administratives et le manque d’informations transparentes sur la question. Cette situation nécessite un questionnement lucide afin de trouver des solutions idoines pour les populations –acheteurs qui, au final, sont les grands perdants dans ce système.

 

Quelles solutions : faut-il prévoir ou faut-il faire avec en comblant le vide du système ?

 

         

Face à la lourdeur des démarches administratives, le favoritisme et le clientélisme qui existent au cœur de ce système foncier, il est très difficile de prévoir les éventuels problèmes. Pour prévoir quelque chose, cela suppose d’être d’abord à jour, donc en avance sur les problèmes présents. Or, l’administration est lente et parfois complice dans ce système. Ce qui fait qu’il n’est pas probable d’être dans une situation de prévention. Cette dernière est également compliquée dans un contexte de forte urbanisation, donc de demande accrue du foncier, et d’une méconnaissance avérée des législations foncières par certaines populations. Il suffit de voir comment l’habitat spontané s’est développé dans les années 1960-1970, à Guinaw Rail, un quartier populaire de la ville de Pikine, pour comprendre l'improbabilité de la prévention, sachant que l’administration est relativement faible et lente sur la question de la sécurisation foncière. N’ayant pas de solution, les collectivités locales sont obligées de subir, de céder face à la pression des populations. Donc, sans le vouloir, l’informalité est formalisée pour assurer une paix sociale et faire face à la forte pression démographique. En revanche, là où la formalité et la prévention prennent sens, c’est quand les autorités locales tentent d’assainir et d'équiper les habitats informels existants en mettant en place des services essentiels pour les populations : l’assainissement, l’eau, l’électricité, etc. Il y aurait donc une acceptation de l’informalité qui favorise une condition de prévention.

 

          En définitive, dans un contexte d’urbanisation accentuée, donc de grignotage accru du foncier dans les grandes villes sénégalaises, notamment la capitale, le foncier devient rare et est le nerf de plusieurs problèmes environnementaux, économiques et sociologiques à cause d’une gestion défaillante de la part de l’État et les institutions publiques locales. En effet, si l’État a balisé le terrain en mettant en place des équipements publics (infrastructures, etc.) pour encourager l’occupation des terrains situés en périphérie de Dakar, il existe tout de même un certain laisser-aller  de sa part sur les questions relatives à la sécurisation, à l’aménagement local, mais aussi et surtout à l’environnement.

 

 

Cheikh Cisse


[1] Le roi, le chef de quartier, etc.