Au-delà de l’énergie solaire : la méthanisation et sa portée économique en Afrique

La méthanisation est un processus de décomposition des matières perissables par des bactéries permettant de générer une énergie renouvelable appelée, le biogaz. Les composantes du procédé se distinguent en deux types : les effluents liquides et les déchets solides organiques. Sont classés dans les effluents liquides, les eaux résiduaires, les effluents d’élevage, les boues biologiques et les effluents agroalimentaires. Quant aux déchets solides organiques, ils comprennent les déchets industriels, les déchets agricoles (substrats végétaux solides, déjections d’animaux) et les déchets municipaux (journaux, déchets alimentaires textiles, déchets verts, emballages, sous-produits de l’assainissement urbain).  Le passage en revue de ces composantes permet de déduire que la méthanisation est un procédé qui favorisera l’assainissement des villes africaines. Cependant, parallèlement aux gains écologiques évidents, quels sont les avantages économiques que peuvent tirer les pays africains d’un tel procédé ?

 

L’élevage : de l’autonomisation alimentaire à la production énergétique

 

L’Afrique est paradoxalement exportatrice nette de produits d’élevage alors même que sa population est en partie touchée par la malnutrition (Figure 3). En effet,  selon la FAO, une personne sur quatre souffre de sous-alimentation (déficience en calorie) en Afrique Sub-saharienne et  43% de la population, soit près de la moitié, vivent dans l’extrême pauvreté[1]. Certes il faut tenir compte des préférences des consommateurs, mais il faut aussi noter que l’ignorance des avantages de l’élevage par les consommateurs joue un rôle déterminant dans leur choix. Si l’on porte l’analyse sur la consommation, on peut tout simplement estimer que l’élevage permettrait aux ménages, surtout les plus démunis, de faire des économies sur leurs dépenses et de s’assurer dans le même temps une suffisance alimentaire. A cet avantage, peuvent s’ajouter de potentielles retombées issues de la vente des produits d’élevage.

La troisième finalité de l’élevage est celle de l’utilisation des défections des animaux comme composante pour la méthanisation et la production d’énergie, sachant que la production énergétique d’une unité de méthanisation traitant 15000 tonnes/an de déchets permet de garantir l’électricité de 1300 logements[2]. Selon la Banque africaine de développement, plus de 640 millions d’africains n’ont pas accès à l’énergie, soit un taux d’accès supérieur à 40%. L’élevage serait donc un moyen d’assurer à la fois l’auto-suffisante alimentaire en Afrique, l’autonomie financière des ménages et l’autonomie énergétique des zones rurales. Notons également que l’énergie est en elle-même un gage de développement, de création d’emplois et par conséquent, de réduction de la pauvreté.

 

La méthanisation pour une croissance de la production agricole en Afrique

 

Bien que la proportion d’agriculteurs ait baissé au cours du 20ème siècle dans toutes les régions du monde, l’agriculture reste le premier pourvoyeur d’emploi en Afrique, avec 52% de la population, soit plus de la moitié, employés par le secteur agricole[3].  L’agriculture occupe toujours une part très importante dans le PIB[4] des pays africains. Au Tchad et en Sierra Leone, par exemple, le secteur agricole représentait respectivement 52,6% et 54%, soit plus de la moitié, du PIB de chacun deux pays en 2014 (World Development Indicators).

Si la méthanisation permet une production énergétique,  les résidus du processus, appelés « digestat », peuvent être recyclés sous forme d’engrais. Ces engrais permettraient d’augmenter la productivité, ainsi que la production agricole. Notons qu’il ne s’agit pas ici de fonder le développement sur l’agriculture mais de raisonner dans le court terme en partant du postulat que, si le revenu des individus dépend de l’agriculture, alors toute augmentation de la production agricole engendrera une hausse du revenu des agriculteurs, toutes choses égales par ailleurs.  Le processus permettra également aux pouvoirs publics de baisser les coûts liés aux achats et subventions d’engrais et de consacrer les lignes budgétaires dédiées à ces achats à d’autres secteurs tels que l’éducation, la santé et les infrastructures.

 

Recommandations : encourager et assurer le développement de la méthanisation en Afrique

 

Bien que très peu développée, la méthanisation se pratique déjà dans certains pays d’Afrique. En Afrique du Sud, Elgin fruit utilise les pulpes de fruit, extraits du processus de production de jus, pour produire 500 kW d’électricité renouvelable[5]. Au Kenya, l’usine de biogaz de Power tropicale est capable de produire 2,6 MW d’électricité à partir des matières agricoles.  Il existe également des sources naturelles de biogaz en Afrique. Comme exemple, on peut citer la production naturelle du biogaz dans le lac Kivu au Rwanda et en République Démocratique du Congo (RDC).  On note également l’existence de certaines formes de production de biogaz dans des sites miniers d’Afrique du Sud.

Un autre avantage du biogaz est qu’il peut être substitué au gaz naturel, utilisé pour la production de chaleur et de carburant pour véhicules. Pour les pays non pétroliers d’Afrique, la méthanisation permettrait donc de réduire leurs importations de pétrole, ce qui permettrait de faire d’importantes économies.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hamed Sambo

 

 

Sources


[1]http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2015/10/16/africa-gains-in-health-education-but-numbers-of-poor-grow

 

 

[2]http://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/methanisation

 

 

[3]http://www.momagri.org/FR/chiffres-cles-de-l-agriculture/Avec-pres-de-40%25-de-la-population-active-mondiale-l-agriculture-est-le-premier-pourvoyeur-d-emplois-de-la-planete_1066.html

 

 

[4] Produit Intérieur Brut

 

 

 

[5]https://www.clarke-energy.com/fr/2015/le-potentiel-biogaz-en-afrique/

 

 

Quels mécanismes de financement pour accompagner la politique urbaine des villes africaines ?

Le continent africain connaît une urbanisation galopante et contraignante. En effet, selon la Banque Mondiale (février 2017), les agglomérations urbaines y abritent environ 472 millions d’habitants, un chiffre voué à doubler au cours des vingt-cinq prochaines années. Les grandes villes situées sur les littoraux du continent connaissent le phénomène de saturation urbaine et ne peuvent donc plus accueillir les flux de population. En outre, l’urbanisation est contraignante, car elle n’évolue pas dans les même proportions que la croissance économique. Par conséquent, les populations — notamment les plus pauvres et vulnérables — sont livrées à elles-mêmes ; ainsi, les villes africaines connaissent une informalité grandissante expliquée par une absence de réglementation de l’occupation du sol. Cette informalité est un problème alarmant auquel il faut trouver une solution ; mais qui doit s’en charger ? Les Etats ou les villes (les collectivités locales) ? En Afrique, si les États disposent des moyens plus importants pour mener des politiques d’envergure, la plupart des pays, sont régis par un contexte de décentralisation. Toutefois cette décentralisation est incomplète en raison des faibles ressources financières dont disposent les collectivités locales pour le financement de politiques locales. Comment financer le financement des villes africaines pour leur permettre d’accompagner de façon efficiente la forte urbanisation ? Nous allons, dans un premier temps, nous interroger sur les différents enjeux liés à l’occupation foncière, en exposant les relations de cause à effet entre l’urbanisation, la saturation urbaine et l’informalité. Ensuite, nous montrerons en quoi « la formalisation de l’informel » influe sur la morphologie des villes africaines. Enfin, nous exposerons en perspective différents mécanismes de réglementation qui permettraient aux villes africaines d’avoir des recettes financières plus solides pour financer leurs différentes politiques locales.

 

L’occupation foncière dans les villes africaines pose trois enjeux fondamentaux

 

   D’abord, l’informalité se manifeste par une occupation irrégulière, spontanée de l’espace, précisément du foncier urbain. En effet, généralement touchées par l’étalement urbain, conséquence d’une saturation urbaine, les grandes villes africaines ne disposent plus de suffisamment d’espace pour accueillir tous les candidats à l’exode rural. Ainsi, les populations, notamment les plus démunies, sont souvent obligées de s’installer sur le long des parties périurbaines en formant des bidonvilles, donc des habitats non lôtissés, avec une absence de système d’adressage et cadastral.

 

Ensuite, l’occupation foncière est la problématique la plus préoccupante et complexe dans les villes africaines. Une bonne partie du foncier urbain échappe à la fiscalité aussi bien le foncier réglementé (refus volontaire ou involontaire de payer la taxe d’acquisition d’une parcelle et la taxe foncière annuelle) que le foncier non réglementé (illégitimité administrative : occupation irrégulière, pas de permis de construire ni de permis d’aménager). Donc, si la mise en place d’équipements et d’infrastructures locales relève de la compétence des collectivités locales dans le cadre de la décentralisation, l’absence d’une taxe foncière solide condamne les villes à la pauvreté et rend la finance locale défaillante. 

 

Enfin, les activités économiques informelles, notamment les petites exploitations commerciales (des marchands ambulants et des petits commerces de proximité), échappent généralement au contrôle de la fiscalité. Plus les activités économiques et commerciales sont importantes, plus les collectivités souffrent d’un « manque à gagner » financier. Elles doivent donc être programmées dans les politiques locales, avec la réservation d’espaces réglementés, accessibles et favorables pour les investisseurs et les petits commerçants locaux. Mais cela nécessite des ressources financières solides.

 

    Le principal défi posé par ces trois enjeux est de réfléchir sur des mécanismes de réglementation qui permettraient d’avoir des finances locales plus solides à travers des recettes fiscales non seulement sur le foncier (taxe sur la propriété et l’occupation du sol), mais aussi sur les petites et moyennes activités commerciales informelles (taxes sur les activités, quelles qu’elles soient. Il s’agit donc de réfléchir sur des moyens de financement des collectivités locales pour qu’elles puissent améliorer le niveau de vie des populations. Ces solutions sont entre autres des politiques d’investissement solides pour améliorer l’offre de services existante pour les populations ; « la formalisation de l’informel » à travers une profonde réforme foncière qui passe la réorganisation du système cadastral et d’adressage.

 

   Dans les collectivités locales africaines, une part des ressources provient de l’État dans le cadre de la décentralisation — même si ces ressources sont généralement insuffisantes pour financer toutes les politiques locales, du fait de la distribution clientéliste : « le parti politique avant la patrie » —, les recettes fiscales locales faibles, les subventions des bailleurs de fonds et les dons des associations à but non lucratif. Ces différentes sources de revenus n’étant pas suffisantes pour assurer toutes les dépenses publiques locales, le recours à l’investissement s’avère important. En quoi l’investissement consiste-t-il ? Selon J. Chenal (2013), l’investissement consiste d’une part à répondre à la forte demande d’équipements et d’infrastructures de la part des populations locales et d’autre part la fourniture de l’offre de services (équipements, infrastructures, etc.) qui s’inscrit dans une logique d’anticipation des besoins des populations. L’investissement est donc un mécanisme important pour relever le défi de la finance dans les collectivités locales africaines et il doit être centré sur la fourniture d’infrastructures pour accompagner la forte urbanisation et favoriser l’attractivité pour l’implantation d’entreprises.

 

La politique urbaine repose sur un assouplissement des rigidités administratives

 

   Ensuite, « la formalisation de l’informel » passe inévitablement par une réforme structurelle des marchés fonciers. En effet, face à l’augmentation accrue de la population, le défi est de parvenir à loger le plus grand nombre. Il s’agit de mener une politique d’habitat et foncière solide, en assouplissant les démarches administratives pour accéder à la propriété foncière et de renforcer la réglementation de l’occupation en mettant en place des documents d’urbanisme adaptables et adaptés aux contextes locaux.

 

Ces documents d’urbanisme, une fois adaptés aux contextes sociologiques des villes africaines, devraient également préconiser des règles pour la régulation du prix du foncier (pour éviter les spéculations qui condamnent les plus pauvres, et favorisent par conséquent, le développement des bidonvilles), des prescriptions sur des zones constructibles et les zones non constructibles ; les périmètres aménageables et les périmètres non aménageables. Ces politiques de réglementation foncière doivent s’appuyer, en somme, sur deux systèmes : l’adressage et le cadastre.

 

L’adressage et le cadastrage : les leviers de la rationalisation de l’espace en Afrique

 

D’une part, l’adressage est un système d’identification et de localisation géographique qui permet de se positionner, de se situer dans un espace, dans une ville. Autrement dit, « adresser » une ville, revient à faire une nomenclature des entités spatiales, de l’échelle la plus petite (parcelle, rue), à l’échelle la plus grande (avenue, boulevard, quartier). Mettre en place un bon système d’adressage permettrait donc d’avoir des informations sur les différentes échelles spatiales de la ville, mais également les coordonnées géographiques exactes de chaque entité spatiale pour la conception d’une base de données efficace pour la détermination des taxes foncières, donc pour l’amélioration des ressources financières locales.

 

D’autre part, un système cadastral solide permet de répertorier les différentes parcelles disponibles et occupées, suite à un bon adressage : c’est le cadastre fiscal. Le cadastre permet d’avoir des informations claires sur les caractéristiques d’une parcelle, d’une rue, d’une entité spatiale. Autrement, il permet d’avoir une lecture précise sur le foncier : sa propriété, sa situation, son périmètre pour la sécurisation foncière : c’est le cadastre juridique. Enfin, le cadre permet d’avoir une lecture d’ensemble sur la ville pour la planification urbaine : on parle de cadastre technique. En somme, un bon système cadastral doit, cependant, être réactualisé continuellement, sans quoi, il ne donne pas des informations efficaces pour la taxe foncière.

 

    En définitive, la croissance démographique est une illustration de la thèse anti-populationniste de Malthus dans les villes africaines. En effet, lorsqu’elle ne s’accompagne pas d’un encadrement et d’une politique d’aménagement du territoire, elle dégrade le cadre de vie, dérégule l’occupation foncière, augmente l’informalité, etc. Donc, aujourd’hui, le défi du développement économique et du financement des villes africaines est la maîtrise de la démographie et donc de l’urbanisation. Il faudrait donc faire en sorte que la croissance démographique évolue en même temps que la croissance économique ; et cela doit passer par une bonne gouvernance urbaine, car selon la Banque Mondiale (février 2017) : « grâce à une meilleure gestion urbaine, les pays africains pourraient s’appuyer sur les villes pour accélérer leur croissance et s’ouvrir aux marchés mondiaux. »

 

Sources

Chenal J., La ville ouest-africaine : modèles de planification de l’espace urbain, février 2013, Metispress.

Afrique : des villes productives et vivables, la clé pour s’ouvrir au monde, WASHINGTON, 9 février 2017

http://www.banquemondiale.org/fr/region/afr/publication/africa-cities-opening-doors-world

Bâtiment d’Afrique, un gouffre énergétique !

batimentL’Afrique  d’aujourd’hui connaît un processus d’urbanisation très  rapide qui est nourri par une croissance démographique élevée. Il faut souligner que le bâtiment et, plus généralement, l’urbanisation se situent au cœur des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de nos sociétés. Il est donc vital d’anticiper les besoins en infrastructures et en ressources et de limiter les dégradations environnementales et sociétales associés au processus d’urbanisation, particulièrement au regard de la durée de vie importante des constructions urbaines. Le bâtiment durable s’inscrit dans cette perspective et vise également à proposer des éléments de réponses aux difficultés rencontrées par certains pays en matière de lutte contre la pauvreté et les inégalités, d’accès à l’énergie et à un approvisionnement énergétique durable et sobre en carbone, de gestion des ressources naturelles et d’adaptation au changement climatique.

Problèmes énergétiques du Bâtiment en Afrique

L’Afrique est confrontée à des problèmes d’approvisionnement énergétique ainsi qu’à un déficit d’accès à l’électricité pour une part importante de sa population. Près de 530 millions d’habitants dépendent de sources d’énergies polluantes et peu efficientes (bois, charbon, gaz) pour la cuisson, le chauffage et l’éclairage[1]. La demande en énergie devrait s’accroître considérablement avec l’urbanisation et pourrait, par exemple, être multipliée par cinq d’ici 2030 et par douze d’ici 2050 dans les pays de la Coopération Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)[2].

Il faut souligner que les économies africaines restent, à l’heure actuelle, très dépendantes des énergies fossiles, notamment du pétrole (42 % de la consommation énergétique en 2011), du gaz (15 %) et du charbon (13 %), mais aussi de la biomasse (29 %) et dans une moindre mesure de l’hydroélectricité. Malgré un potentiel considérable, moins de 1 % du mix énergétique est attribuable aux énergies renouvelables[3]. Une augmentation de la demande aura donc des effets sensibles sur les émissions de gaz à effet de serre, sur l’exploitation de certaines ressources, mais également sur un prix de l’énergie déjà élevé[4].

Le développement du marché du bâtiment durable doit s’inscrire donc dans ce contexte, avec la mise en place de politiques visant à la fois à réduire les besoins à travers l’efficacité énergétique mais également à permettre le développement de sources d’énergies moins polluantes.

La structure DEV-ENERGY PLUS, mise en place depuis 2015 au BENIN, s’inscrit entièrement  dans cette logique. Cette jeune entreprise témoignera au fil du temps  de son savoir-faire dans le domaine des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique et du développement durable dans la région de l’Afrique de l’Ouest.

Le bâtiment durable rime avec efficacité énergétique et énergie renouvelable

L’objectif premier du bâtiment durable est la mise en œuvre de mesures permettant d’atténuer l’impact environnemental du bâtiment (neuf ou existant), notamment au travers d’une plus grande efficacité énergétique et d’une meilleure gestion des ressources, tout en garantissant un niveau de confort élevé pour les occupants. Cela peut prendre la forme de stratégies de conception dites « passives » (architecture bioclimatique), de stratégies « actives » (intégration des énergies renouvelables, usage de matériels performants…)[5] et d’interventions sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment (usage de matériaux locaux, gestion optimale des déchets, etc.).

Parmi les nombreux autres avantages de la construction durable  on citera : une baisse des coûts de construction (8 à 9 % selon McGraw-Hill construction[6]) et des coûts d’exploitation et d’entretien, une meilleure résilience aux changements climatiques, ou encore un plus grand confort menant à une réduction des dépenses de santé et une hausse de la productivité des occupants (de 1 à 9 %, source GIEC[7]).

Intégrer les énergies renouvelables dans la conception des bâtiments en Afrique (panneaux solaires, éolienne de toit, climatisation solaire…) peut, par ailleurs, être un des éléments de réponse aux problèmes déjà évoqués de pauvreté énergétique, de manque d’accès à l’énergie, d’utilisation de sources d’énergies polluantes ou encore d’exploitation non durable de certaines ressources (biomasse), et ce sans avoir recours à des investissements onéreux en infrastructures. La promotion de l’utilisation de matériaux et de techniques de conception traditionnels, généralement mieux adaptés aux conditions locales, peut également être un moyen de valoriser des compétences spécifiques, y compris dans le secteur informel, et apporter un soutien aux économies locales.

L’Afrique reste  le continent disposant le plus de ressource énergétique naturelle mais demeure toujours le moins alimenté. Pour atténuer donc ce paradoxe  il faut absolument une adéquation entre la conception des bâtiments et la maitrise de leur consommation énergétique. La promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique s’avère nécessaire. Des entreprises africaines tout comme  DEV-ENERGY PLUS en  fait une priorité : « procurer des solutions énergétiques sur mesure pour assurer un développement durable de l’Afrique » telle est notre mission.

 


[1] Oi, A., design and simulation of photovoltaic water pumping system. Partial fulfillment of the requirements for the Degree of Master of Science in Electrical Engineering, Faculty of California Polytechnic State University, San Luis Obispo, September 2005.

 

[2] Kane Mamadou, R.A., Les onduleurs pour systèmes photovoltaïques. Cythelia, Juillet  2001: p. 49

 

[3] P.A.B. James, A.S.B., R.M. Braid, PV array <5 kWp + single inverter = grid connected PV system: Are multiple inverter alternatives economic? Solar Energy, September2006. 80(9): p. 1179-1188

 

[4] cherfa, F.B., Etude et réalisation d’une centrale photovoltaïque connectée au réseau de distribution électrique BT Mémoire de magister, Ecole nationale Polytechnique Elharach, 2004

 

[5] Marcelo Gradella Villalva, J.R.G., and Ernesto Ruppert Filho, Comprehensive Approach to Modeling and Simulation of Photovoltaic Arrays IEEE TRANSACTIONS ON POWER ELECTRONICS, mai 2009. 24

 

[6] Patel, M.R., Wind and Solar Power Systems. Ph.D, édition CRC PRESS

 

[7] XU, J., Filtrage active shunt des harmoniques des réseaux de distribution d’électricité, Thèse de doctorat de l’INPL, Nancy, Janvier 1994

 

La place des villes dans un Sénégal émergent

dakarAvec près de la moitié de la population résidant en zones urbaines, le Sénégal présente un taux d’urbanisation supérieur à la moyenne observée en Afrique subsaharienne (40 %). Dans ce pays, la proportion de citadins a quasiment doublé ces dernières décennies — de 23 % dans les années 1960, elle est passée à 43 % en 2013 — et devrait s’établir à 60 % à l’horizon 2030. Certes, cet essor s’accompagne d’immenses défis, mais il offre aussi aux responsables sénégalais l’occasion d’opérer une transformation structurelle de l’économie.

En effet, on note que ce sont les centres urbains, et principalement la capitale Dakar, qui tirent la croissance. Ils sont globalement à l’origine de 65 % du PIB national, Dakar se taillant la part du lion (55 %). La région de Dakar abrite 50 % de la population urbaine sénégalaise, concentre plus de 52 % des emplois créés dans le pays et regroupe plus de 80 % des sociétés immatriculées au registre du commerce. À elle seule, la capitale accueille 62 % des créations d’entreprises.

Cependant, les villes sénégalaises souffrent dans leur ensemble d’un déficit infrastructurel chronique et d’une carence de services publics. Dans les villes secondaires, en particulier, 68 % des ménages sont raccordés au réseau d’alimentation en eau, tandis que les 32 % restants dépendent de bornes-fontaines. Par ailleurs, seuls 36,7 % des foyers en milieu urbain disposent d’équipements sanitaires de base (latrines, fosses septiques). Outre Dakar, seuls six centres urbains bénéficient d’un accès partiel à un système d’égout, à savoir Rufisque, Louga, Saint Louis, Kaolack, Thiès et les villes touristiques de Sally et Mbour. La gestion des ordures ménagères est en outre problématique dans la plupart des villes du pays, aussi bien sur le plan de l’enlèvement que du traitement des déchets. À cela s’ajoute une capacité limitée de planification de l’aménagement urbain : moins de 20 % des villes et des municipalités possèdent un plan d’urbanisme, et la plupart de ces plans sont obsolètes ou ne sont pas appliqués faute de capacités de gestion urbaine suffisantes dans les collectivités locales. L’inadéquation de la réglementation en matière de gestion et d’aménagement du territoire entraîne des distorsions sur les marchés foncier et immobilier, et conduit au développement d’implantations sauvages à la périphérie des villes, dans des zones sujettes aux inondations.
 
Mais, en dépit de ces difficultés, il existe plusieurs leviers d’action que les responsables publics sénégalais pourraient mettre en œuvre.
                                                                                                                                                        
Renforcer le rôle des villes secondaires et améliorer la gouvernance de la zone du Grand Dakar

Le manque de réseaux d’infrastructures et de services adéquats dans les villes secondaires exacerbe l’exode rural vers la capitale, ce qui a pour effet de dégrader encore davantage les conditions de vie des populations pauvres et de mettre à rude épreuve les capacités techniques et financières déjà limitées des autorités municipales et métropolitaines. Aussi faut-il répondre aux besoins de financement à deux niveaux différents :

  • en renforçant le rôle des villes secondaires, notamment des capitales régionales, pour qu’elles deviennent des pôles de développement plus productifs et plus vivables, afin de soulager l’agglomération urbaine de Dakar ;
  • en investissant dans l’agglomération urbaine de Dakar afin de répondre au manque d’équipements infrastructurels non financés ces vingt dernières années.

 
Les autorités sénégalaises peuvent également améliorer la gouvernance urbaine et surmonter les difficultés associées à l’urbanisation en mettant l’accent sur des enjeux communs et en y faisant face avec anticipation. En particulier, elles doivent mettre sur pied de nouveaux modèles de gestion décentralisée et une coopération multidimensionnelle afin de créer des systèmes économiques en zones urbaines plus efficaces et des villes inclusives qui garantissent l’égalité d’accès au logement, aux services et à l’emploi.
 
La Revue de l’urbanisation au Sénégal préconise de s’orienter vers les priorités stratégiques suivantes : revoir et moderniser les outils de planification territoriale ; dynamiser l’économie urbaine au moyen de programmes ciblés ; améliorer l’offre et l’accès aux services urbains ; développer les structures de gouvernance du territoire ; et réfléchir à des stratégies innovantes pour financer l’expansion du stock d’infrastructures urbaines. Ces cinq thématiques clés seront traitées dans le cadre de la mise en œuvre de « l’Acte III de la décentralisation » et de l’actuelle stratégie économique nationale, le « Plan Sénégal émergent » (PSE).

En outre, à la suite des recommandations formulées dans la Revue de l’urbanisation, le ministère de la Gouvernance locale et du Développement a fait appel à la Banque mondiale afin qu’elle appuie la mise en place d’interventions dans plusieurs villes du pays, dans l’objectif de prolonger durablement l’impact des efforts engagés. Le renforcement des autorités municipales et la réalisation des objectifs de développement économique à long terme du pays passent par l’instauration de systèmes de financement locaux fiables et autosuffisants. Le gouvernement tient par ailleurs à multiplier les réseaux interconnectés entre les villes et les régions et à tirer parti des opportunités économiques que recèle la population urbaine.

L’heure est venue pour les dirigeants sénégalais de fixer le cadre qui permettra de relever les défis du développement urbain et de répondre aux besoins d’une population en plein essor, dans un souci d’inclusion et d’efficacité.

Pour plus d'informations, s'il vous plaît voir Perspectives urbaines : villes émergentes pour en Sénégal émergent (French).

 

Cet article est issu des Blogs publiés par la Banque Mondiale et a été soumis par SALIM ROUHANA.

Financer l’urbanisation en Afrique : de la nécessité d’une fiscalité locale forte !

urbnL’urbanisation massive sera la transformation la plus importante de l’Afrique au 21ème siècle, selon le directeur du développement durable de la Banque Mondiale. La démographie galopante du continent combinée à l’exode rural engendre une forte croissance de la population urbaine des pays africains. La population urbaine devrait représenter 84% de la population du continent d’ici 2040 (contre 40% en 2010), selon la BAD. Cette dynamique urbaine, qui selon certains analystes, traduit l’émergence d’une classe moyenne dans les villes africaines, est porteuse de plusieurs défis ; notamment dans les domaines sociaux (assainissement, éducation, adduction d’eau et accès à l’électricité, alimentation, …). 

Faire face à ces défis nécessitera des ressources financières que les administrations centrales ne pourront à elles seules supporter à travers leur budget. De plus, les ressources dont disposent les administrations locales, provenant pour l’essentiel des transferts reçus de l’Etat, de quelques bailleurs et de leurs partenaires dans des grandes villes occidentales, ne pourraient suffire pour apporter une réponse adéquate à ces besoins. Les administrations locales doivent donc être capables, dans ce contexte, de mobiliser les ressources nécessaires pour assurer le développement de leurs collectivités. 

Alors que la mobilisation de ressources sur les marchés financiers (solution utilisée par plusieurs grandes villes au monde pour financer des projets rémunérateurs) semblent contraintes en Afrique – du fait de la forte dépendance des administrations locales aux administrations centrales –[1], les villes africaines pourraient renforcer davantage la collecte des ressources fiscales locales. En effet, bien que des dispositions légales en la matière existent dans la plupart des pays africains, les ressources fiscales locales ne constituent qu’une part congrue des budgets des collectivités. Plusieurs facteurs expliquent cette situation :

  • Un engagement politique faible des administrations locales : si la décentralisation s’est imposée dans les pays africains comme une approche participative pour développer les collectivités, les élus locaux ne prennent pas toujours la pleine mesure de la nécessité de mobiliser les ressources fiscales au niveau local pour asseoir leur autonomie financière. Selon des études du Fonds Mondial pour le Développement des Villes, les prélèvements obligataires des collectivités sur leurs économies locales atteignent à peine 1%, dans les pays africains.
  • Le manque d’un système d’information au niveau local : la difficulté persistante des pays africains à mettre en place un système statistique viable et significative à l’échelle nationale n’offre que peu d’opportunités pour la production de statistiques locales nécessaires pour la planification à l’échelle locale. Cette difficulté est exacerbée par la prédominance de l’informelle, mettant ainsi en exergue la nécessité pour les administrations locales de disposer de systèmes d’information permettant de suivre ces entités.
  • Une faible maitrise de la chaine fiscale : dans la plupart des pays africains la définition des taux et la composition de l’assiette fiscale est faite a priori par les administrations centrales. La collecte est dans la majorité assurer par les services du ministère des Finances, qui n’ont pas de relations formelles avec les collectivités locales, empêchant ces dernières d’avoir un contrôle sur les ressources prélevées pour elles.
  • Une dépense publique dont l’efficacité reste à prouver : dans les pays africains, le manque de transparence dans la gestion des finances publiques et la réponse mitigée apportée par les autorités (centrales et locales) à la demande sociale ont fini d’éroder la confiance des contribuables dans la capacité des élus à améliorer leur condition de vie, ce qui ne favorise par leur consentement au paiement des impôts.

Améliorer la capacité des administrations locales à mobiliser les ressources locales passera donc essentiellement par la résolution de ces défis. Les voies et moyens pour y arriver sont divers et varient en fonction des législations régissant la décentralisation de chaque pays mais quelques points mériteraient une attention particulière.

A l’échelle nationale, le processus de décentralisation à l’origine de la mise en place d’administrations locales, doit être approfondi, notamment en ce qui concerne l’autonomie financière de collectivités. La gestion et la mise en œuvre de la politique fiscale locale (fixation des taux, de l’assiette et du recouvrement) devrait ainsi être confiée aux administrations locales, avec un encadrement pour prévenir le dumping entre collectivités et la concurrence avec la politique fiscale nationale. Ceci nécessitera un engagement politique fort au travers d’un dialogue concerté entre les différentes administrations afin de convenir d’un cadre commun, au lieu que les décisions soient prises au niveau central et imposées aux administrations locales. En outre, les autorités nationales doivent consentir un effort pour mettre en place des systèmes d’informations viables et qui permettraient aux collectivités d’avoir une meilleure connaissance de leur potentiel économique et de mieux planifier leur développement.

Dans les collectivités, il sera nécessaire de mettre en place une administration fiscale locale qui sera en charge de piloter la politique fiscale, et plus généralement des services en charge de la finance de ces collectivités qui exerceront de façon concertée avec les services déconcentrés et centraux de l’administration centrale.

Plusieurs villes africaines engagées dans de telles stratégies ont vu leur capacité financière s’améliorer significativement au cours des dernières années. A Dakar par exemple, la mise en place d’une division dédiée aux taxes municipales (gérées directement par la ville) et sa collaboration avec les services centraux de la Direction Générale des Impôts et des Domaines (DGID) ont permis de porter la part de la fiscalité locale à 90% du budget de la ville en 2014 (contre moins de 80% en 2010). A Johannesburg, l’introduction d’une fiscalité locale a conforté les finances de la ville et à approfondir son urbanisation.

Si les autorités africaines ont pris la mesure de la nécessité de la décentralisation pour accélérer le développement de leurs pays, l’absence de moyen financier et la dépendance des administrations locales vis-à-vis des administrations centrales en matière de mobilisation des ressources locales, constituent une contrainte forte au rôle que ces administrations locales peuvent jouer dans le processus de développement. Il apparaît dès lors nécessaire de renforcer leurs capacités, notamment en ce qui concerne la gestion de leurs finances, et plus particulièrement en matière de fiscalité locale, pour leur permettre de participer pleinement aux efforts d’émergence du continent.

Foly Ananou


[1] La ville de Dakar a tenté en février 2015 d’émettre sur le marché financier local (20 Mds XOF au taux de 6,6% sur 7 ans) pour financer un centre commercial. Bien que l’opération est reçue l’accord des instances régionales chargées de la surveillance du marché financier, que la ville est notée A/A1 par l’agence de notation Bloomfield, basé à Abidjan et que les ressources financières que généreraient le projet permettraient de couvrir cet emprunt ; l’intervention des autorités sénégalaises (MEF), qui évoquaient la crainte d’une augmentation de la dette de l’Etat avec cette opération en cas de défaillance de la ville, a suffit pour annuler l’opération.

Le foncier : une équation complexe au Sénégal

foncLes villes africaines, notamment les grandes capitales d'État, connaissent depuis quelques décennies, une urbanisation galopante. Selon la Banque Mondiale, malgré le fait que l’Afrique soit au début de sa transformation urbaine, son taux d’urbanisation est estimé à 40% en 2015. Cette forte urbanisation – bien que significative dans la croissance économique des villes grâce à la création de richesse et la disponibilité d'une main d'œuvre abondante – soulève une problématique fondamentale: l'occupation foncière. En réalité, plus les grandes villes accueillent des populations, plus elles ont besoin d'espaces supplémentaires pour faire face au grignotage accru du foncier urbain. Dans cet article, nous exposons dans un premier temps, les caractéristiques actuelles du système foncier au Sénégal. Ensuite, nous montrons les méthodes de gestion du foncier existant, en interrogeant les différents jeux d’acteurs qui interagissent autour de ce système. Enfin, nous esquissons quelques pistes de réflexion qui pourraient éventuellement résoudre l’équation complexe du foncier dans les villes sénégalaises.

 

État des lieux du foncier au Sénégal

 

          Une minutieuse observation du processus d’étalement urbain des grandes villes sénégalaises, notamment la région urbaine de Dakar, permet de comprendre comment la question du foncier présente des enjeux fondamentaux dans les dynamiques d'occupation du territoire. Si l'urbanisation, à travers l'usage accéléré du sol, explique en partie la rareté foncière au cœur des grandes villes sénégalaises (Dakar, Thiès, Touba, etc.), l’éparpillement des villes en morceaux étalés est très fortement lié à une volonté politique de réalisation de nouveaux lotissements moins chers et accessibles en périphérie des grandes villes. Aujourd’hui, c’est le cas de la région urbaine de Dakar. En effet, l’hypertrophie de la capitale sénégalaise a favorisé la création d’une ville nouvelle (Diamnadio) en périphérie, avec une viabilisation du foncier qui a entraîné le développement de nouveaux lotissements sur le long de chemin qui mène vers cette Ville Nouvelle (Zone d’Aménagement Concerté de Mbao, Këër Mbaye Fall, Tivaouane Pëël, etc.). De plus, la mise en place de nouveaux équipements et infrastructures rend ces zones accessibles. Nous pouvons donc retenir une volonté de l’État d’encourager une croissance urbaine horizontale à travers la viabilisation des terrains et la mise en place d’équipements et d’infrastructures. Cependant, malgré cette volonté de l'État, nous pouvons quand même remarquer son inaction sur d’autres aspects du foncier au Sénégal.

          En effet, l’État est censé être le garant de l’intégrité territoriale ; le gendarme du foncier à travers des taxes et des exigences normatives, mais face à l’émergence de nouveaux types de propriétaires privés, parfois très riches, on note, de plus en plus, une indifférence, un désengagement de l’État, au niveau du droit de propriété foncière. En d’autres termes, les propriétaires privés gèrent, au même titre que l’État, des lotissements entiers ; ce qui leur assure une certaine puissance vis-à-vis de l’institution publique. Par exemple, si l’État sénégalais a mis les conditions adéquates et favorables pour le développement de nouveaux lotissements sur le long de la périphérie dakaroise, la plupart de ces lotissements sont des propriétés privés (Cité Këër Doudou Bass Njaxiraat, etc.).         Ensuite, dans un contexte de décentralisation progressive de l’appareil étatique dans la gestion locale du foncier, les collectivités territoriales locales voient leur marge de manœuvre augmentée. En effet, les collectivités locales, le notaire et le préfet doivent jouer le rôle d’arbitre pour éviter les litiges. Mais parfois, la réalité est tout autre: les usurpations sont plus que jamais présentes dans la gestion foncière. Les collectivités locales qui sont censés protéger les acheteurs et sécuriser le foncier apparaissent faibles et parfois même complices ; une situation qui montre la vulnérabilité et le risque qui caractérisent ce secteur très complexe. Enfin, un des constats que nous pouvons faire sur la question foncière dans les villes africaines est sa planification. Le foncier est-il bien utilisé ou bien valorisé ? En réalité, dans les villes sénégalaises, l’occupation foncière présente parfois des risques environnementaux, économiques et sociaux avérés. Il arrive que les lotissements soient faits dans des zones à risque d’inondation, d'érosion marine, ou dans foyers de conflits intergroupes, etc. Ainsi, l’aménagement du terrain est mis au second plan, alors que les pouvoirs publics, notamment les collectivités locales, dans un contexte de décentralisation, doivent assurer une certaines sécurisation foncière en délivrant par exemple des permis de lotir et de construire que dans des zones constructibles.

 

L’administration foncière au Sénégal.

 

L’administration coutumière : pendant longtemps, dans les villes sénégalaises, la propriété de la terre est attribuée au « Buur »[1], autrement dit, n’appartenant à personne. Cette non-identification du foncier signifie que le foncier appartient à tout le monde. En revanche, il existe un chef de quartier ou de ville – généralement le « Buur » – qui assure son administration, sa distribution et sa sécurisation. Donc le foncier n’appartient en aucun cas, ni à l’État, ni à un propriétaire privé. Tout le monde, quel que soit son niveau de vie socio-économique, avait le droit de l’utiliser. Cependant, avec l’arrivée des colonisateurs, la gestion coutumière du foncier est délaissée au profit d’une gestion plus centralisée, plus administrée par l’autorité coloniale, considérée alors comme l’État.

 

La sécurisation foncière : étant le garant de la sécurisation foncière, le propriétaire majoritaire des terres, l'État rencontre différents problèmes avec ses populations. En effet, si dans la plupart des législations foncières, le terrain détenu par un propriétaire privé doit-être reconnu, cadastré (donc identifié) et sécurisé, il existe toutefois des problèmes, rencontrés principalement par les populations qui achètent des terrains sans connaître forcément les règles législatives du foncier à cause de la lourdeur des démarches administratives et le manque d’informations transparentes sur la question. Cette situation nécessite un questionnement lucide afin de trouver des solutions idoines pour les populations –acheteurs qui, au final, sont les grands perdants dans ce système.

 

Quelles solutions : faut-il prévoir ou faut-il faire avec en comblant le vide du système ?

 

         

Face à la lourdeur des démarches administratives, le favoritisme et le clientélisme qui existent au cœur de ce système foncier, il est très difficile de prévoir les éventuels problèmes. Pour prévoir quelque chose, cela suppose d’être d’abord à jour, donc en avance sur les problèmes présents. Or, l’administration est lente et parfois complice dans ce système. Ce qui fait qu’il n’est pas probable d’être dans une situation de prévention. Cette dernière est également compliquée dans un contexte de forte urbanisation, donc de demande accrue du foncier, et d’une méconnaissance avérée des législations foncières par certaines populations. Il suffit de voir comment l’habitat spontané s’est développé dans les années 1960-1970, à Guinaw Rail, un quartier populaire de la ville de Pikine, pour comprendre l'improbabilité de la prévention, sachant que l’administration est relativement faible et lente sur la question de la sécurisation foncière. N’ayant pas de solution, les collectivités locales sont obligées de subir, de céder face à la pression des populations. Donc, sans le vouloir, l’informalité est formalisée pour assurer une paix sociale et faire face à la forte pression démographique. En revanche, là où la formalité et la prévention prennent sens, c’est quand les autorités locales tentent d’assainir et d'équiper les habitats informels existants en mettant en place des services essentiels pour les populations : l’assainissement, l’eau, l’électricité, etc. Il y aurait donc une acceptation de l’informalité qui favorise une condition de prévention.

 

          En définitive, dans un contexte d’urbanisation accentuée, donc de grignotage accru du foncier dans les grandes villes sénégalaises, notamment la capitale, le foncier devient rare et est le nerf de plusieurs problèmes environnementaux, économiques et sociologiques à cause d’une gestion défaillante de la part de l’État et les institutions publiques locales. En effet, si l’État a balisé le terrain en mettant en place des équipements publics (infrastructures, etc.) pour encourager l’occupation des terrains situés en périphérie de Dakar, il existe tout de même un certain laisser-aller  de sa part sur les questions relatives à la sécurisation, à l’aménagement local, mais aussi et surtout à l’environnement.

 

 

Cheikh Cisse


[1] Le roi, le chef de quartier, etc.

Comment gère-t-on les déchets domestiques à Abidjan?

D’emblée, il est important de relever que la gestion des déchets domestiques à Abidjan a toujours été à la charge des pouvoirs publics (l’Etat de 1960 à 1980 puis la Ville d’Abidjan et maintenant le District d’Abidjan) dans la mesure où ils ont toujours été le maitre d’œuvre de celle-ci. L’analyse de la gestion du secteur montre que 2 grands systèmes l’ont marqué : un système avec monopole et un système sans monopole[i]. Chacun de ses systèmes a connu des évolutions, tant législatives qu’institutionnelles. Ainsi la gestion de ce service public a connu quatre grandes périodes depuis l’indépendance de la Cote d'Ivoire :

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Decharge d’ordures d’Akouedo

  • de 1960 à 1980 : système de privatisation avec monopole, géré par l’Etat ;
  • de 1980 à 1999 : système de privatisation avec monopole, géré par la Mairie Centrale d’Abidjan ;
  • de 2003 à 2007 : système de privatisation sans monopole, géré par le District et les Communes ;
  • depuis 2008 : système de privatisation sans monopole, géré par l’Agence Nationale de la Salubrité Urbaine (ANASUR).

De ces différentes périodes, il ressort que ce service public a toujours été privatisé (excepté pendant la très courte période allant de Janvier 1992 à Août 1992, période de transition).

L’organisation institutionnelle découlant de l’application des textes législatifs et réglementaires fait intervenir 2 types d’acteurs : les acteurs politico-administratifs et les acteurs techniques.

Les acteurs politico-administratifs sont :

  • les collectivités territoriales ;
  • le Ministère de tutelle technique ;
  • le Ministère de l’Intérieur ;
  • la Direction et Contrôle des Grands Travaux (DCGTx), et le Bureau National d’Etudes Techniques et de Développement (BNETD) par la suite ont aidé les collectivités territoriales à superviser la gestion des ordures ménagères.

Les tâches dévolues à ces 4 entités sont aujourd’hui du ressort de l’ANASUR.

  • le Ministère de l’Economie et des Finances ;

Les acteurs techniques qui interviennent dans la gestion des déchets ménagers ont évolué au fil du temps.

De 1960 à 1999, dans le système de privatisation avec monopole, la SITAF (1960 à 1992) puis ASH International (1992 à 1999) assurait la collecte, le nettoyage des voies principales et la mise en décharge. Cette collecte était réalisée soit par le porte-à-porte à l’aide de camions-tasseurs, soit à l’aide de conteneurs placés dans les lieux publics tels que les écoles et les marchés. Les déchets, une fois collectés, sont acheminés vers une station de transfert puis transportés vers la décharge. Toutes ces opérations, de 1960 à 1999 étaient réalisées par les entreprises prestataires (SITAF puis ASH International).

Il est important de noter qu’après la résiliation du contrat de SITAF avec la Ville d’Abidjan, il est revenu à cette dernière d’assurer la gestion des déchets domestiques de la ville entre Janvier 1992 à Août 1992.

A partir de 1999, avec le système de privatisation sans monopole, plusieurs entreprises, en plus de ASH International, ont fait leur apparition dans le système de gestion des déchets ménagers. Ces entreprises assurent chacune sur un territoire défini par les autorités, la pré-collecte, la collecte, le transport des déchets jusqu’à la décharge.

Au-delà des entreprises du secteur formel, un important secteur informel s’est développé autour du système de gestion des déchets domestiques à Abidjan, depuis la défaillance de la SITAF, avec l’apparition des pré-collecteurs. Ils récupèrent les déchets domestiques en faisant du porte à porte et les acheminent à l’aide de brouettes ou de pousse-pousse vers les centres de groupage et de transfert.

Le système de gestion des déchets domestiques est caractérisé principalement par la production moyenne journalière qui s’élevait en 2009 à environ 3500t[ii], soit environ 0.95kg/habitant/jour (en supposant qu’Abidjan a 3.692.570[iii] habitants).

Il est important de noter que le budget alloué par la Ville d’Abidjan en 2000 pour la gestion des déchets est d’environ 3 milliards de francs CFA. Aussi la décharge d’Akouédo,  la plus grande d’Abidjan ouverte en 1965[iv] pour une période initiale de 25 à 30 ans, reçoit entre 2 000et 2 500 tonnes  de déchets par jour.

Cette belle architecture organisationnelle souffre, à l’évidence, d’un manque d’efficacité, vu les tas d’immondices qui jonchent les rues de la « Perle des Lagunes ». Sans un diagnostic plus approfondi, il n’est pas raisonnable de pointer le doigt vers tel ou tel acteur du système. Néanmoins il faut souligner que :

  • le caractère informel de l’activité et le manque de formation des pré-collecteurs sont souvent à la base de dépôts anarchiques dans la ville d’Abidjan,
  • les entreprises qui ont la charge de la collecte et du transport de ces déchets ne possèdent pas toujours les matériels adaptés et le personnel qualifié,
  • le contrôle des différents acteurs du système par les pouvoirs publics n’est pas toujours efficient
  • la décharge d’Akouédo, principale décharge du pays est saturée depuis belle lurette.

Il importe donc, au vu du niveau du budget alloué par les pouvoirs publics au secteur, que tous les acteurs du système de gestion des déchets domestiques réfléchissent à une organisation qui puissent garantir une plus grande efficacité de ce service public et à une valorisation (pourquoi pas énergétique) de ces déchets.

 

Stéphane Madou

 


[i] Source : «  Gestion des ordures ménagères d’Abidjan : Diagnostic », Mémoire de fin d’étude de Monsieur N’Guettia Kouakou Yves.

 

 

[iii] Données du Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 1998

 

 

[iv] « La politique de gestion de l’environnement dans les capitales africaines : le cas de la ville d’Abidjan en Côte d’Ivoire » de G. Touré page 94

 

 

 

 

 

 

Les déchets : Une spécialisation pas comme les autres

Véra Kempf poursuit ses analyses sur la gestion des déchets. Cet article est le resultat d'échanges avec un acteur du domaine.

Urbain Anselme Nkounkou a plusieurs casquettes. Vous le croiserez peut-être dans les rues de Clichy où il est adjoint au Directeur des Services de la Ville, dans les couloirs de l'Université du Mans où il enseigne depuis 1998, ou même encore à Pointe-Noire où ce brazzavillois passe quelques semaines par an auprès des étudiants de l'Ecole Supérieure Technique du littoral. Au cœur de toutes ses activités : les déchets, sous toutes leurs formes et tout au long de leur cycle de vie. Voici quelques éléments de discussion avec un homme qui se dit « tombé dans les poubelles très jeune » !

Un parcours terre-à-terre en France

Urbain Nkounkou est chimiste de formation. Commençant par étudier les comportements des sols, il finit par s'intéresser aux déchets comme l'un des composants qui, comme les organismes vivants, modifient l'écosystème. Au-delà des externalités négatives qu'ils génèrent en s'accumulant (pollution des sols, dépôts chimiques, etc), les déchets ont aussi souvent été utilisés en France pour réhabiliter des espaces, par exemple transformer des anciennes carrières en décharges municipales.

Pour sa thèse, Urbain Nkounkou planche sur la « Gestion des déchets en Ile de France : corrélations entre les lieux, l'espace habité et la composition des ordures ménagères ». Sujet dont on pourrait penser qu'il a facilement été traité à partir de statistiques, bien confortablement derrière un bureau. Bien au contraire, et parce qu'il a appris que pour appréhender un problème, il faut le côtoyer, le jeune Urbain s'est livré à une analyse de terrain microscopique des déchets générés par des communes de 5 000, 8 000, 15 000, 22 000, 50 000 et enfin 90 000 habitants. Type d'habitat, catégorie socio-professionnelle, structure du foyer : tout s'explique dans une poubelle. A contrario, « donnez-moi votre poubelle, je vous dirai qui vous êtes » dit-il en souriant !

Une compétence déployée en Afrique

Dans le cadre d'une coopération décentralisée entre la ville de Clichy et la commune de Ouakam au Sénégal, Urbain Nkounkou a eu l’occasion de transposer son savoir-faire au continent africain.

CIMG1003L'objet de sa mission était alors de planifier un système de pré-collecte des déchets, qui soit performant et adapté au terrain. Il a ainsi arpenté toutes les rues et ruelles de la ville afin d’établir une base de données sur le type d'habitat, les voies accessibles en camion ou avec une brouette, la présence de caniveaux ou de décharges sauvages, etc. Pour envisager le type et la quantité de déchets générés, ce sont les élus municipaux qui ont servi de cobayes. Avec son expérience au Sénégal, Urbain Nkounkou confirme l'enquête de la Banque Mondiale[1] : pour des raisons culturelles et d'habitudes alimentaires, la majorité des déchets générés par les ménages africains sont organiques, et par là biodégradables.

Les recommandations tirées de son enquête n'ont malheureusement pu aller bien plus loin. La collecte des déchets ménagers de Ouakam incombe en réalité à l'agglomération de Dakar. Si celle-ci s’est révélée défaillante, Ouakam ne peut changer seule la situation des déchets sur son territoire sans moyens supplémentaires. Des initiatives privées se sont alors organisées pour pallier ce manquement et assurer la salubrité du quartier. Lors de précédents articles, j'ai pu souligner à quel point je suis persuadée que le secteur privé a un rôle essentiel à jouer dans le secteur des déchets en Afrique, et qu'il peut y trouver son compte. Urbain Nkounkou pense pour sa part que sans Etat fort, rien ne sera possible à long-terme. Un cadre règlementaire pour la collecte des déchets existe bien souvent dans les pays africains, mais le principe de « celui qui a l'argent dans la rue décide si le camion poubelle passe» empêche son application.

En attendant, Urbain Nkounkou finit par reconnaître qu’il est possible de faire avancer la cause des déchets à court-terme, par des actions de sensibilisation et d’appui… au secteur privé !

Deux clés pour une gestion efficace des déchets

Conscientiser les populations. Pour ce faire, la ville de Clichy poursuit son action à Ouakam avec un budget de 630 000€ sur trois ans. Au programme, sensibiliser les habitants aux conséquences sanitaires de l'accumulation des déchets (maladies hydriques, moustiques, etc). Urbain Nkounkou a identifié les personnes ressources, les sages et les « écoutés », ceux qui pourront se faire les relais de cette information. Les femmes et les écoles occupent un rôle tout particulièrement important dans cette stratégie.

Valoriser. Un déchet ne pourra être valorisé localement en Afrique que s'il connaît déjà un débouché. Urbain Nkounkou est convaincu que la marche à suivre consiste à professionnaliser et à structurer les filières existantes, autrement dit valoriser le savoir-faire local et s’adapter aux réalités du terrain. En Afrique centrale par exemple, la ferraille, le bois, la sciure sont bien valorisés à petite échelle. Ils pourraient donc être à l’origine de projets de plus grande envergure. Suivant cette logique, il ne nous reste qu'à imaginer un système d'avantages comparatifs dans la revalorisation !

Les déchets ne sont pas seulement un gisement d'opportunités, une source de richesse incroyable, ils sont pour Urbain Nkounkou une véritable mine d'or ! A exploiter au plus vite, avant que  cet or ne  vienne plomber le développement.

 

Véra Kempf

 

 

 

 

 

 


[1]    Daniel Hoornweg and Perinaz Bhada-Tata, March 2012, No. 15, Urban development Series, commenté dans l'article Poubelles d'Afrique, http://terangaweb.com/poubelles-dafrique/