Développement de l’énergie en Afrique : quel espoir au delà de la médiatisation ?

energies-renouvelables-scandale-financierQuelle que soit sa source, l’électricité est l’un des piliers de la compétitivité et de la prospérité partagée d’un pays. Revenu au cœur des débats publics, l’accès pour tous à l’énergie est devenu la marque de fabrique de multiples organismes institutionnels, gouvernements et fonds d’investissement compte tenu de la place que tendent à occuper les énergies renouvelables. Rappelons-nous qu’en 2013, le président des Etats Unis d’Amérique a annoncé la réalisation du mégalodron « Power Africa » qui consisterait en la concentration de 7 milliards de dollars USD dans l’installation de 10 000 MW supplémentaires pour connecter 20 millions de foyers et entreprises. En ce début d’année, le ministre français, Jean Louis Borloo était sous les feux des projecteurs pour présenter son plan Marshall qui vise à électrifier toute l’Afrique en dix années à hauteur d’un investissement de 200 milliards d’euros. Bien que ces initiatives soient louables, leur concrétisation et impact peuvent s’analyser de deux façons différentes :   d’une part, par le biais d’une nouvelle forme d’aides au développement dont l’action est davantage centrée autour de secteurs porteurs de richesses ou susceptibles d’affecter plus fortement la population  ; d’autre part, comme une opportunité à saisir par des multi nationales conscientes de l’amélioration du climat des affaires de nombreux pays du continent africain. Garants de l’afro responsabilité, nous avons décidé d’approcher sous trois angles différents cette médiatisation énergétique.

Une question pertinente, mais pas forcément prise sous le bon angle

Plusieurs articles de L’Afrique des Idées ont traité la question de l’énergie en général et de l’accès à l’énergie électrique de façon spécifique.  Malgré les multiples solutions qui existent de nos jours, les principaux obstacles au développement de la filière peuvent se résumer autour des trois points à savoir : (i) l’absence d’un cadre réglementaire propice au climat des affaires et en particulier dans un secteur où la rentabilité s’accorde sur le très long terme[1] ; (ii) la part importante des subventions qui semblent ne profiter qu’aux ménages les plus aisés[2] et (iii) la pérennité des projets par le coût d’accès abordable et durable[3] compte tenu du pouvoir d’achat. La question de l’énergie en Afrique semble donc plus corrélée au climat des affaires et aux disponibilités à payer des clients finaux hors subventions plutôt qu’à la question de capital-investissement qui est l’approche des initiatives évoquées ci-dessus.

Pourtant, plusieurs initiatives locales et sous régionales existent

A l’instar des espaces économiques, il existe aussi des pôles sous régionaux d’électricité (WAPP, EAPP, SAPP, etc..). Ces « Regional Power Pool » militent en faveur de l’intégration régionale. Il s’agira à long terme de créer des autoroutes de transport et de distribution de l’énergie produite. La complexité de la question du stockage jumelée à celle de l’intermittence des énergies nouvelles obligeront les parcs de production à se synchroniser en permanence pour répondre aux besoins de consommation, qui eux sont peu flexibles et ne cessent de s’accroitre.

En ce qui concerne l’électrification des zones rurales, il existe une institution baptisée « Club ER[4] » qui regroupe les agences et structures africaines en charge de l’accès à l’électricité en zone rurale. Basée à Abidjan depuis moins d’un an, le Club ER est une synergie des retours d’expérience des pays membres pour renforcer les institutions et le personnel par des solutions locales. Appuyée par l’Union Européenne pour sa première phase, l’institution est emmenée à voler de ses propres ailes dans les années à venir.

Un continent tourné vers lui-même et vers l’avenir et qui ne fait qu’écrire son Histoire

Dans une Afrique réputée pour son hétérogénéité, l’harmonisation des espaces régionaux a aussi accéléré la mise en œuvre des politiques énergétiques. A l’Ouest, la Commission de l’Union Monétaire Ouest Africaine finance depuis trois ans le Projet Régional de Développement des Energies Renouvelables et de l’Efficacité à hauteur de 20 millions d’euros dans sa phase pilote pour inciter les gouvernements à investir dans les énergies nouvelles. A l’Est, le Kenya et l’Ethiopie renforcent leur interconnexion pour combiner l’énorme parc géothermique et hydraulique en cours de construction. Au Centre, le projet Inga est encore à l’étude. Au Sud et au Nord, le travail a déjà été accompli, quand bien même la diversification des sources de production redéfinit la gestion du secteur. L’Afrique du Sud vient de lancer un Dossier d’Appel d’Offres de 500 MW supplémentaires.

Loin des projecteurs, le secteur de l’énergie en Afrique fourmille d’idées et de projets. Jean Raspail disait « que dans la guerre des ondes, le commentaire masque toujours l’événement[5] ». L’espoir est en déclin car si on ne veut se voir imposer des choix, nous devons être capables d’écrire notre avenir. C’est en cela que l’Afrique marque une révolution formidable car elle brûle certaines étapes ; elle mise autant sur le stockage et les réseaux intelligents sans passer par une industrie centralisée. Dangote souhaite diversifier ses investissements en signant un partenariat avec General Electric, pionnier dans la fabrication de turbines. Le groupe souhaite aussi faire de ses cimenteries des centrales à cycle combiné qui produiraient à la fois de l’électricité et de la chaleur en sus du ciment.

Enfin, l’espoir est en déclin parce qu’il ne s’agira pas simplement d’électrifier le continent. Il faudra garantir une énergie accessible à la masse dans un environnement où plusieurs centres d’accouchement n’ont qu’une bougie ou un téléphone portable pour s’éclairer, de multiples commerces, des hôpitaux et même des morgues ne peuvent respecter la chaine du froid faute d’une continuité de l’électricité, un avion en cours d’atterrissage est victime du délestage de l’aéroport ; ou simplement  ce pénalty d’une phase finale de coupe du monde écourté… C’est en cela que subsistent les défis de l’Afrique que nous voulons.[6]

Léomick Sinsin


[1] Le dilemme de l’électrification rurale

 

 

 

 

 

[2] Les subventions à l’énergie sont elles nécessaires ?

 

 

 

 

 

[3] Quelles sont les énergies les moins chères ?

 

 

 

 

 

[5] Le camp des saints, Jean Raspail

[6] http://terangaweb.com/lafriquequenousvoulons-2/

 

 

 

 

 

Bâtiment d’Afrique, un gouffre énergétique !

batimentL’Afrique  d’aujourd’hui connaît un processus d’urbanisation très  rapide qui est nourri par une croissance démographique élevée. Il faut souligner que le bâtiment et, plus généralement, l’urbanisation se situent au cœur des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de nos sociétés. Il est donc vital d’anticiper les besoins en infrastructures et en ressources et de limiter les dégradations environnementales et sociétales associés au processus d’urbanisation, particulièrement au regard de la durée de vie importante des constructions urbaines. Le bâtiment durable s’inscrit dans cette perspective et vise également à proposer des éléments de réponses aux difficultés rencontrées par certains pays en matière de lutte contre la pauvreté et les inégalités, d’accès à l’énergie et à un approvisionnement énergétique durable et sobre en carbone, de gestion des ressources naturelles et d’adaptation au changement climatique.

Problèmes énergétiques du Bâtiment en Afrique

L’Afrique est confrontée à des problèmes d’approvisionnement énergétique ainsi qu’à un déficit d’accès à l’électricité pour une part importante de sa population. Près de 530 millions d’habitants dépendent de sources d’énergies polluantes et peu efficientes (bois, charbon, gaz) pour la cuisson, le chauffage et l’éclairage[1]. La demande en énergie devrait s’accroître considérablement avec l’urbanisation et pourrait, par exemple, être multipliée par cinq d’ici 2030 et par douze d’ici 2050 dans les pays de la Coopération Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)[2].

Il faut souligner que les économies africaines restent, à l’heure actuelle, très dépendantes des énergies fossiles, notamment du pétrole (42 % de la consommation énergétique en 2011), du gaz (15 %) et du charbon (13 %), mais aussi de la biomasse (29 %) et dans une moindre mesure de l’hydroélectricité. Malgré un potentiel considérable, moins de 1 % du mix énergétique est attribuable aux énergies renouvelables[3]. Une augmentation de la demande aura donc des effets sensibles sur les émissions de gaz à effet de serre, sur l’exploitation de certaines ressources, mais également sur un prix de l’énergie déjà élevé[4].

Le développement du marché du bâtiment durable doit s’inscrire donc dans ce contexte, avec la mise en place de politiques visant à la fois à réduire les besoins à travers l’efficacité énergétique mais également à permettre le développement de sources d’énergies moins polluantes.

La structure DEV-ENERGY PLUS, mise en place depuis 2015 au BENIN, s’inscrit entièrement  dans cette logique. Cette jeune entreprise témoignera au fil du temps  de son savoir-faire dans le domaine des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique et du développement durable dans la région de l’Afrique de l’Ouest.

Le bâtiment durable rime avec efficacité énergétique et énergie renouvelable

L’objectif premier du bâtiment durable est la mise en œuvre de mesures permettant d’atténuer l’impact environnemental du bâtiment (neuf ou existant), notamment au travers d’une plus grande efficacité énergétique et d’une meilleure gestion des ressources, tout en garantissant un niveau de confort élevé pour les occupants. Cela peut prendre la forme de stratégies de conception dites « passives » (architecture bioclimatique), de stratégies « actives » (intégration des énergies renouvelables, usage de matériels performants…)[5] et d’interventions sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment (usage de matériaux locaux, gestion optimale des déchets, etc.).

Parmi les nombreux autres avantages de la construction durable  on citera : une baisse des coûts de construction (8 à 9 % selon McGraw-Hill construction[6]) et des coûts d’exploitation et d’entretien, une meilleure résilience aux changements climatiques, ou encore un plus grand confort menant à une réduction des dépenses de santé et une hausse de la productivité des occupants (de 1 à 9 %, source GIEC[7]).

Intégrer les énergies renouvelables dans la conception des bâtiments en Afrique (panneaux solaires, éolienne de toit, climatisation solaire…) peut, par ailleurs, être un des éléments de réponse aux problèmes déjà évoqués de pauvreté énergétique, de manque d’accès à l’énergie, d’utilisation de sources d’énergies polluantes ou encore d’exploitation non durable de certaines ressources (biomasse), et ce sans avoir recours à des investissements onéreux en infrastructures. La promotion de l’utilisation de matériaux et de techniques de conception traditionnels, généralement mieux adaptés aux conditions locales, peut également être un moyen de valoriser des compétences spécifiques, y compris dans le secteur informel, et apporter un soutien aux économies locales.

L’Afrique reste  le continent disposant le plus de ressource énergétique naturelle mais demeure toujours le moins alimenté. Pour atténuer donc ce paradoxe  il faut absolument une adéquation entre la conception des bâtiments et la maitrise de leur consommation énergétique. La promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique s’avère nécessaire. Des entreprises africaines tout comme  DEV-ENERGY PLUS en  fait une priorité : « procurer des solutions énergétiques sur mesure pour assurer un développement durable de l’Afrique » telle est notre mission.

 


[1] Oi, A., design and simulation of photovoltaic water pumping system. Partial fulfillment of the requirements for the Degree of Master of Science in Electrical Engineering, Faculty of California Polytechnic State University, San Luis Obispo, September 2005.

 

[2] Kane Mamadou, R.A., Les onduleurs pour systèmes photovoltaïques. Cythelia, Juillet  2001: p. 49

 

[3] P.A.B. James, A.S.B., R.M. Braid, PV array <5 kWp + single inverter = grid connected PV system: Are multiple inverter alternatives economic? Solar Energy, September2006. 80(9): p. 1179-1188

 

[4] cherfa, F.B., Etude et réalisation d’une centrale photovoltaïque connectée au réseau de distribution électrique BT Mémoire de magister, Ecole nationale Polytechnique Elharach, 2004

 

[5] Marcelo Gradella Villalva, J.R.G., and Ernesto Ruppert Filho, Comprehensive Approach to Modeling and Simulation of Photovoltaic Arrays IEEE TRANSACTIONS ON POWER ELECTRONICS, mai 2009. 24

 

[6] Patel, M.R., Wind and Solar Power Systems. Ph.D, édition CRC PRESS

 

[7] XU, J., Filtrage active shunt des harmoniques des réseaux de distribution d’électricité, Thèse de doctorat de l’INPL, Nancy, Janvier 1994

 

Energie solaire : une équation à plusieurs inconnues

Nouvelle imageLorsqu’on parle du Green Business en Afrique, la première idée qui émerge est celle de l’énergie solaire pour pallier l’accès difficile à l’électricité. A eux seuls, l’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne comptent 80% des 1,5 milliard d’habitants lésés par une alimentation électrique défaillante, faute de moyens techniques et financiers.[1] L’énergie solaire n’est pas seulement une alternative : constitué de douze entreprises allemandes, le projet DESERTEC estime qu’en couvrant 1% de la planète de panneaux solaires, on fournirait plus d’énergie que l’on en consomme en une année. Le projet entend recouvrir les déserts du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord de panneaux solaires pour vérifier ses études.[2] Fortement ensoleillée pendant 325 jours par an[3], l’Afrique subsaharienne semble être la zone la plus indiquée, non seulement pour sa propre alimentation en énergie, mais aussi pour l’alimentation en énergie du monde. La solution semble toute trouvée. Alors pourquoi tarde-t-elle tant à être appliquée ?

Docteur en Génie électrique de l'ENS de Cachan, spécialisé depuis quelques années dans les énergies renouvelables, Ahamada Baroini, fondateur de la société Krytech (Krytec Technologies), nous fait part des blocages et des perspectives d’avenir qu’ouvre la piste solaire.

Un secteur verrouillé

Alimenter l’Afrique en énergie solaire, cela fait plus de six ans  qu’Ahamada Baroini y pense. Il a voulu voir plus grand que les lampes solaires ou les panneaux. Après avoir tenté de solidifier des partenariats en Algérie, Côte d’Ivoire, Ghana et au Tchad, il s’est tourné un moment vers le co-développement, via des initiatives soutenues par l’Agence Française pour le Développement. Les secteurs visés étaient l’électroménager, l’éclairage et l’alimentation des sites isolés. Mais le secteur de l’énergie, en Afrique, dépend énormément des sociétés d’envergure déjà en place, dont la principale source de revenus repose sur les énergies fossiles : groupes électrogènes alimentés au pétrole, centrales nucléaires.

« J’ai commencé à travailler sur les premiers frigos solaires en Algérie, avec un associé. Ensemble, nous avons traité avec les grands groupes capables d’investir dans nos projets. Mais alors que les produits étaient encore à l’état de prototypes, le fabriquant d’un des composants que j’utilisais m’appelle pour me dire qu’il a soudainement reçu des commandes de plus de 2000 pièces dont le prix unitaire est d’environ 120 €. Le produit n’était pas encore testé; il y avait donc eu une fuite de l’information. Il faut comprendre une chose : fabriquer des objets innovants volumineux implique de mettre en péril toute une industrie reposant sur les énergies fossiles, lesquelles permettent à des sociétés implantées depuis plusieurs années de perdurer. Menacer cette place, c’est menacer un équilibre économique établi. S’il s’effondre, il faudra plusieurs années à ces sociétés pour se relever.

« Dans le cas du co-développement le même problème se pose », poursuit-il. "Car les idées sont très vite reprises et transmises dans le réseau. Un réseau que je suppose être constitué d'officines de grands groupes français et/ou des services français, qui, eux aussi, préservent, en collaboration avec les pouvoirs locaux, leurs zones d’influence et d’intervention « humanitaire » pour consolider leur position. En cas de refus de coopération, vous trouverez vos projets émerger sous d’autres formes, dans d’autre plateformes associatives ou ONG. De plus, le soutien d’un politique est souvent nécessaire pour faire avancer votre dossier, vous risquez ainsi d’être injustement catalogué à Droite ou à Gauche d’un parti politique, comme ce fut mon cas suite à la présentation de mes activités".

Economie et politique : les liaisons dangereuses

Pour que le business de l’énergie solaire pénètre avec force en Afrique, il faut pouvoir franchir une barrière qui s’est consolidée au fil des années. Celle-ci est constituée d’un marché centralisé par les Etats et de dirigeants de sociétés qui sont très proches du pouvoir. Y entrer sans jouer le jeu politique se révèle très vite une démarche compliquée. « Par ailleurs, », rappelle Ahamada Baroini, « si les différents secteurs concernés par l’énergie solaire comme les batteries en lithium Ion impliquent des produits coûteux mais de longue durée, ils portent un coup à certains corps de métier, notamment celui de la fabrication des groupes électrogènes. Avec l’accroissement des coupures électriques, les groupes électrogènes sont devenus un accessoire indispensable, et les sociétés qui les fabriquent et les commercialisent ont vu leur place se pérenniser. C’est également un pan de l’économie qui reste très lié au pouvoir, et il est malheureusement difficile de proposer une alternative qui mettrait tout un corps de métier sur le déclin ». Cependant, il existe des solutions.

Les solutions

Agir avec les pays émergents via le visage d'une association : cela s’est produit récemment avec des femmes d’une association Camerounaise, parties en Inde pour apprendre divers usages de l’énergie solaire, l’extraction d’eau dans les zones difficiles d’accès en l’occurrence.

Mais je pense qu’il faut impérativement créer des collectifs avec les jeunes de la diaspora qui ont des compétences en électricité nécessaires pour maitriser l'énergie solaire, et les faire participer à des petits projets en lien avec des associations basées en Afrique.

Le recours au financement participatif : j’encourage le recours aux plateformes de ce type, qui se multiplient et permettent de monter sur pied des projets qui, mis bout à bout, peuvent considérablement changer les choses.

Propos recueillis par Touhfat Mouhtare

 

 


[1] source : www.scidev.net

 

[2] source : http://bit.ly/1ulyACW

 

[3] NASA 2008, Carte mondiale de l'énergie solaire potentielle (insolation en kWh/m2/jour) (crédit: Hugh Ahlenius, PNUE / GRID-Arendal Maps and Graphics Library).

 

Quelle est la vision DESERTEC? Entretien avec le délégué général de Desertec France

desertecLe saviez-vous ? En six heures, l’énergie solaire reçue dans les déserts est plus importante que celle que nous consommons en un an. Cette découverte du Dr Gerhard Knies en 1986 est à l’origine du concept de la fondation Desertec créée en Janvier 2009. Le concept « Desertec » a depuis lors pour objectif de promouvoir l’existence de cette énergie propre émanant des déserts. Bien qu’ayant initialement une portée internationale, le projet DESERTEC a récemment développé des structures indépendantes à l’échelle nationale : c’est ainsi qu’est né Desertec France, dont le co-fondateur Charles Ifrah répond aujourd’hui à mes questions concernant l’avancée du projet DESERTEC

Commençons par les présentations

Je suis aujourd’hui le délégué général et co-fondateur de DESERTEC France, Francis Petitjean et moi-même avons commencé nos activités  lors de Rio+20 autour de l’animation d’un débat. DESERTEC France se consacre aujourd’hui à des actions sur la transition énergétique en France et en Afrique Francophone.

Desertec a été créé en 2009, aujourd’hui pouvez-vous évoquer des mutations dans les objectifs du Desertec Concept, ou de la forme sous laquelle la fondation Desertec se présente ? Le concept initial d’utilisation de l’énergie solaire des déserts  a-t-il gardé sa position centrale ?

Nous sommes toujours liés au Club de Rome[1], et nous percevons toujours l’électricité comme la base du développement économique. Le besoin de cette source d’énergie constitue donc toujours l’axe de la réflexion du réseau international DESERTEC. Nous sommes avant tout un réseau d’influence composé de chercheurs, universitaires et scientifiques qui cherchent à entrer en contact avec les leaders d’opinion, politiques et industriels. En dépit du maintien de cette base idéologique notre position a évolué vis-à-vis du type d’énergie que nous recommandons, aujourd’hui en plus d’une énergie solaire nous favorisons la promotion d’un mix énergétique : nous avons réalisé l’importance de technologies telles que le photovoltaïque solaire, l’éolien, l’hydraulique,

Pourquoi cette mutation dans les objectifs ?  

Notre position a été révisée par rapport au DII[2] cependant cela n’a pas affecté le statut de la fondation, c’est un mouvement de la société civil qui tend à répandre le message sur la disponibilité et l’efficacité des technologies propres, aujourd’hui nous voulons faire comprendre qu’il existe une alternative, économiquement faisable et bénéfique pour le climat, l’environnement et la planète. Notre seconde mission aujourd’hui est de convaincre les décideurs politiques et industriels de développer des projets à différentes échelles sur l’Afrique. Notre intérêt pour le continent africain découle du besoin exponentiel des économies locales : nous sommes moins dans l’optique de l’import /export, comme auparavant. Cette perspective se tient plus à long terme avec le développement d’autoroutes énergétiques pour relier les économies et faire circuler l’énergie.

Le dialogue avec les politiques se situe au centre du projet DESERTEC, à ce sujet que pensez-vous de l’effet du printemps arabe sur l’image d’un tel projet en Afrique du Nord ?

Le printemps arabe est une maturation politique, une tentative de transition démocratique comme on a pu en voir en Amérique latine ou en Europe du Sud. Là où nous nous situons face à cette situation c’est de présenter les énergies vertes comme vecteurs de pacification. Contrairement aux énergies fossiles tels que le pétrole ou le gaz qui sont des sources de conflits car elles font partie d’une transaction entre pays producteur et pays consommateur, les énergies vertes favorisent la coopération entre pays et représentent un facteur de développement économique.

Quelle place prend la population locale sur le plan du développement dans le projet DESERTEC?

Nous souhaitons principalement répondre au besoin des populations et des économies locales afin de leur permettre d’accéder à l’indépendance énergétique, les zones que nous visons souffrent souvent d’endettement énergétique et s’engagent progressivement dans la transition énergétique pour sortir de cet endettement : le programme PSM au Maroc illustre un tel engagement*.

Comment en est-on venu à la création de DESERTEC France, est-ce un projet que la Fondation s’est vue proposer ou un projet lancé par la Fondation ?

La Fondation travaille sur une dimension internationale mais favorise la création de structure dans plusieurs pays dès qu’un groupe est identifié comme suffisamment actif dans un pays. Ainsi des structures nationales se sont développées en Autriche, au Royaume-Uni, en France et en Tunisie. Il existe aussi une filiale DESERTEC en Belgique qui est en liaison avec la Commission Européenne.

Quel rôle au sein de la fondation DESERTEC, quels projets peut-on déjà citer et comment s’inscrivent-ils dans l’objectif global de DESERTEC ?

Nous avons pour champ d’action la zone francophone, dont la France et l’Afrique notamment avec laquelle la France garde des liens culturels et historiques qui créent un rôle plus important : Au niveau de la France  notre présence est importante sur le débat de la transition énergétique et ajoute un poids supplémentaire au couple franco-allemand dans ce domaine. Dans cette démarche, l’image de DESERTEC sur le continent africain est forte et positive, notre réseau universitaire est composé de plusieurs universitaires africaines : l’Union Africaine elle-même reconnait le besoin d’un développement fondé sur des partenariats durables et équitables. Via notre réseau universitaire il existe une coopération scientifique de longue date, nous nous posons comme l’un des accélérateurs de cette transition énergétique. Les projets actuels de Desertec France, reposent principalement sur des projets d’électrification rurale au Cameroun et au Sénégal[3]. Nous avons aussi mis en route des projets de centrales solaires et prévoyons une étude géostratégique, composée de cinq phases, chacune correspondant à une zone régionale de l’Afrique. Cette approche vise à mieux connaître le marché et met en avant la collaboration avec les acteurs locaux.

Où se situent les ONG au sein de cette transition énergétique ?

Les ONG sont la représentation de la société civile, elles ont donc une utilité publique car elles ont pour origine une démarche citoyenne qui vise à développer et faire avancer des sujets. Aujourd’hui, les ONG sont de plus en plus soutenues par les institutions dans leur rôle de terrain face à différents problèmes ralentissant le développement. Pour répondre à ces problèmes, les organisations à but non lucratif telles que DESERTEC ont besoin du soutien financier des acteurs politiques et économiques pour mener à bien leurs actions.

Ndeye Diarra

 

[1] Avant de devenir une fondation à part entière, le projet DESERTEC a émergé de deux fondations créées et appartenant au Club de Rome, le think thank mondial qui apparait à différents niveaux et sur différents aspects des problématiques de développement.

[2] Desertec Industrial Initiative, le consortium de la fondation DESERTEC, lequel a récemment annoncé son détachement du projet DESERTEC

[3] ASER (Agence Sénégalaise pour l’Electrification Rurale) et DESERTEC se sont lancés dans un projet d’éléctrirication de 53 villages. Au Cameroun, DESERTEC a amorcé le Solar Plan 2020 qui vise à alimenter 250 sites via l’installation de système photovoltaïque

 

Les inconvénients de l’énergie électrique photovoltaïque en Afrique

 

Nouvelle image (4)Compte tenu du milliard et demie d’habitants n’ayant pas accès à l’énergie électrique, nombreux sont les programmes nationaux et  internationaux qui militent en faveur de l’énergie pour tous. Ainsi, de l’extension du réseau électrique, au recours aux énergies nouvelles, l’énergie de demain doit répondre d’un gage de non intermittence,  d’accessibilité pour tous, et enfin de qualité.

Dans le précédent billet, nous avions évoqué les atouts de l’énergie photovoltaïque, qui constitue la ressource  énergétique la plus abondante au monde. Malgré qu’elle soit considérée comme l’enfant prodige des énergies nouvelles, son développement se heurte à des difficultés de tout genre que nous tâcherons d’évoquer dans ce dernier article.

En économie, l’une des principales variables d’ajustement est le prix. Au centre de la majorité des théories économiques, le prix  et les variations de prix symbolisent tout consentement à payer ou à recevoir, le changement de comportement par rapport à nos habitudes, et enfin notre capacité à adopter ou non une nouvelle technologie. De ce fait, quand bien même le coût de l’énergie photovoltaïque a chuté sur le plan mondial, les prix d’acquisition demeurent élevés pour la moyenne des ménages africains. L’installation solaire, qui est un investissement de long terme n’est pas souvent compatible avec les besoins financiers de court terme des populations. A titre d’exemple, un système de 400Wc qui permet d’alimenter la TV, 6 ampoules, la radio coûte environ 800 000FCFA HT[i], quand le SMIC est de l’ordre de 372 000FCFA/an/personne[ii], soit 744 000FCFA au moins pour un ménage où les deux parents sont actifs. La situation est d’autant plus grave qu’il n’existe pas de mécanisme de subventions, d’exonération fiscale, de prêts bancaires ou de soutien aux besoins de consommation des ménages.

Ensuite, l’énergie électrique pose le problème du stockage. L’énergie électrique ne se stocke guère, mis à part le recours à des barrages pour pomper l’eau en journée et la rétribuer  en soirée. Les énergies renouvelables sont pour la plupart intermittentes. Dans le cas du photovoltaïque, à la tombée de la nuit, le système devient totalement passif dans la mesure où il n’y a plus d’irradiation solaire, malgré que notre demande en énergie soit constante. La solution actuelle réside dans le recours au stockage sous forme de batteries, des piles géantes qui accumulent l’énergie non consommée durant la journée afin de la redistribuer le soir et les jours de faible ensoleillement. Malheureusement, la technologie des batteries n’est pas encore très avancée, dans la mesure où dans les pays développés, elle n’est pas souvent sollicitée (en Europe par exemple, on parle de raccordement au réseau or bien souvent dans les zones rurales africaines, on est en réseau isolé dit « Off Grid »).  Ainsi, le coût du stockage peut représenter jusqu’à 40%[iii] du montant initial de l’investissement, sachant que les batteries ont une durée de vie beaucoup plus réduite que les autres composants, avec un facteur risque en cas de court circuit ou d’erreur d’installation.

D’autre part, en l’absence d’organismes de conformité, de normes définies et appliquées, et d’un marché de consommation bien identifié, le secteur énergétique électrique en amont[iv] est peu identifié des grands  industriels mondiaux. La plupart des matériels utilisés sont  importés et utilisés sur la base de réglementations des pays exportateurs. Etant donné également que les réseaux présentent souvent des déviances (le cas des multiples baisses de tension, des surtensions, et des coupures non programmées), l’utilisation qui en découle devient impropre aux données d’utilisation du constructeur. Cette question va de paire avec le manque de compétence locale pour assurer le fonctionnement des installations, ce qui explique pourquoi la plupart des principaux projets solaires furent des échecs. Le rôle de la recherche et du développement, précédemment évoquée dans un article de TerangaWeb,  ainsi que de l’innovation pour un marché africain de consommation, compte tenu des ses particularités et de ses attentes devient alors un pilier phare du déploiement énergétique.

Enfin, un des principaux obstacles, ou du moins une ouverture de réflexion représente le duopole public-privé. L’énergie est un bien stratégique où la géopolitique  témoigne de l’importance des enjeux qui en découlent. Les investissements énergétiques sont très onéreux, et l’état actuel des réseaux et infrastructures dans les pays africains est synonyme des problèmes auxquels font et feront face les pays africains. L’implication du secteur privé s’avère donc nécessaire, pour dynamiser et pérenniser la filière, bien qu’à l’origine le secteur de l’énergie soit réputé pour être des plus monopolistiques. L’Etat, à mon avis se devra donc d’être un intermédiaire d’échange, régulateur et maitre d’œuvre des feuilles de route énergétique, en ayant toujours à l’esprit qu’économiquement non viable, l’énergie devra toujours être socialement disponible pour tous.

 

                                                                                                        Leomick SINSIN

 

 


[i] Il s’agit d’une moyenne recensée sur les installations au Bénin, et de mon retour d’expérience

 

 

 

 

 

[ii] 31000 FCFA (environ 48€) par mois

 

 

 

 

 

[iii] Revoir le précédent billet sur la décomposition du CAPEX d’une installation solaire

 

 

 

 

 

[iv] L’amont, tel que définit ici, concerne principalement les composants tels que les onduleurs, les régulateurs et les données de fréquence pour le réseau.

 

 

 

 

 

Lumière sur l’Afrique : le futur de l’énergie solaire

 

 

Soleil sur l'AfriquePour tout novice, utiliser l’énergie du soleil pour couvrir ses besoins en électricité paraît une évidence. L’Afrique, avec 5 à 7 kilowatts d’énergie solaire au mètre carré, semble propice au développement de cette énergie renouvelable.[1] Face au coût des technologies appropriées, quels facteurs pourront contribuer au développement de la filière solaire en Afrique ?

Rappelons tout d’abord certains faits. Les mix énergétiques africains sont globalement plus verts que ceux des pays européens. Par exemple, la composition énergétique des Pays-Bas ou de l’Italie comprend environ 95% d’énergies carbonées (pétrole, gaz, charbon).[2] Les pays d’Afrique subsaharienne quant à eux consomment 73,5% d’énergies fossiles, majoritairement en provenance de l’Afrique du Sud, fortement dotée en charbon. La part conséquente de l’hydraulique qui représente 22,8% de la production énergétique, soit 96,8% de l’énergie renouvelable sur le continent, explique ce bilan.[3] Mais la forte croissance de l’éolien et du solaire (respectivement 66% et 22,8% en 2010 et 2011) invite à prédire un changement rapide dans la structure énergétique africaine.[4]

Entre le Maroc et l’Afrique du Sud, il y a bien sûr tout un continent ! 54 pays, autant de politiques énergétiques. Il y a d’ores et déjà en Afrique de multiples « bonnes pratiques » mutualisables autour de la technologie solaire, et les défis à relever sont souvent de même nature.

De l’énergie solaire, plus d’autonomie

L’exemple du Maroc, dépendant à 97% de l’approvisionnement énergétique extérieur, illustre une forte volonté politique de réduire le déficit commercial creusé par l’importation d’énergies fossiles.[5] Pour atteindre l’objectif de 2.000 MW d’énergie solaire d’ici à 2020, le Maroc s’est lancé dans la construction de la plus grande centrale photovoltaïque à concentration du monde à Ouarzazate. [6]

Tous les pays ne font certes pas le choix du solaire pour verdir leur énergie. Il n’empêche qu’aujourd’hui, la filière photovoltaïque reste privilégiée dans l’électrification rurale, à hauteur de 122 GWh pour le continent en 2011.[7] Si l’électricité ne doit pas rester un luxe, le solaire permet de résorber les inégalités ville-village en la matière.

En Afrique, l’énergie solaire produite est consommée directement sur place, alors que la filière solaire française s’est principalement développée par la revente au réseau électrique. L’autonomie électrique ainsi générée offre d’ailleurs un courant plus stable aux utilisateurs que celui des réseaux nationaux africains, fréquemment coupés en raison de la vétusté du système. L’installation solaire tient également compte des besoins propres à l’activité. Dans le cas d’un bâtiment administratif, cela conduit à n’installer que de petites batteries et à réduire fortement le prix de revient.

Des blocages politiques

Des difficultés subsistent, qui demanderont des politiques énergétiques volontaristes pour être dépassées. Une vision de long-terme s’avère primordiale, tant pour orienter les investissements que pour démocratiser ces nouvelles technologies.

Au Congo par exemple, une seule entreprise nationale est engagée dans le secteur et les marchés publics représentent la majeure partie de son activité.[8] Le milieu politique est alors à un pas, et tous les travers de corruption et de lenteur administrative entravent, de fait, le développement plein et entier du solaire.[9] Il est vrai qu’une usine de production et d’assemblage chinoise va être ouverte au Congo…dans le village du Président de la République.[10] Les investissements congolais en faveur du solaire sont encore trop liés à des intérêts particuliers pour connaître un véritable essor.

Dans un tel contexte, le prix d’achat et d’installation reste très onéreux pour le particulier et les entreprises. La Tanzanie fait figure de précurseur en matière d’incitations fiscales, puisque le gouvernement vient de supprimer les taxes et droits de douanes sur les panneaux solaires importés.[11] Reste à savoir quels marchés vont réellement se créer localement. Malgré l’entrée fulgurante des producteurs chinois en 2007 sur le marché et la réduction drastique des prix qui en a découlé, l’épargne nécessaire pour acheter un kit solaire dépasse bien souvent les ressources des familles en milieu rural.

Des évolutions à suivre

L’entrepreneur congolais témoigne d’un changement des mentalités. Il y a dix ans, arrivant dans un village et installant l’électricité solaire, il était pris pour un magicien dans le meilleur des cas, pour un sorcier bien souvent. Aujourd’hui, l’énergie solaire est mieux comprise, acceptée…et même convoitée si l’on s’en tient aux nombreux actes de vandalisme dont sont victimes les installations. Plus inquiétant cependant, l’absence de contrat de maintenance. Dans un pays où le sable et la poussière sont très présents, cela pose un sérieux problème de durabilité pour les investissements dans le solaire.

Un mot pour conclure

Le développement énergétique durable est aujourd’hui une nécessité sur tous les continents. Plus particulièrement encore en Afrique, puisqu’il engendrera à la fois essor économique, sécurité et indépendance énergétiques. Les dispositions nationales orientent la composition du mix énergétique national, en incitant à investir dans un type d’énergie. A l’instar du projet Dersertec au Maghreb, véritable pari qui va permettre d’approvisionner l’Europe à hauteur de 15% de ses besoins énergétiques, le risque existe également que ces nouvelles ressources africaines soient exportées abusivement et ne profitent pas directement à la population. La bonne répartition et l’usage destiné à l’énergie ainsi produite est, une fois de plus, entre les mains des décideurs politiques

 

Véra Kempf



[1] « L’Afrique parie sur l’énergie verte », Slate Afrique, 06/11/2012, http://www.slateafrique.com/271/electricite-energie-verte-eoliennes-panneaux-solaires, consulté le 20/03/2013 à 18h

[2] « L’énergie solaire après Fukushima : la nouvelle donne », Louis Boisgibault, Editions Medicilline, 2011, p.22

[3] La production d’électricité d’origine renouvelable : détails par région et par pays », Chapitre 3, 14ème inventaire, Observ’ER, Credit Agricole, EDF.

[4] Voir infra.

[5] « Plan solaire : le Maroc à l'avant-garde de l'électricité verte dans la région », Agence Française de Développement, 2012, http://www.afd.fr/home/pays/mediterranee-et-moyen-orient/geo/maroc/projets-maroc/energie-maroc?actuCtnId=88821, consulté le 20/03/2013 à 18h

[6] « Le Maroc s’apprête à devenir “un des phares de la carte solaire mondiale” », Achnoo.com Portail d’informations sur le Maroc, http://achnoo.com/2013/01/31/le-monde-le-maroc-sapprete-a-devenir-un-des-phares-de-la-carte-solaire-mondiale/ consulté le 20/03/2013 à 18h

[7]« La production d’électricité d’origine renouvelable : détails par région et par pays », Chapitre 3, 14ème inventaire, Observ’ER, Credit Agricole, EDF.

[8] Entretien réalisé à Pointe-Noire le 19/03/2013 avec le Directeur général de CAGIDIAX, http://cagidiax.net/

[9] Selon les dires de l’entrepreneur

[10] « Congo : la Chine investit dans le solaire », Mediaterre, 01/12/2011, http://www.mediaterre.org/afrique-centrale/actu,20111201190246.html, consulté le 21/03/2013 à 19h

[11] « Energie renouvelable : L’Afrique bientôt fournisseur énergétique de l’Europe ? », The Independent, Londres , 25 août 2009

 

Un projet d’avenir : Le CSP en Afrique du Sud

Les espoirs suscités par les déclarations des gouvernants africains quant à leur volonté de développer les énergies renouvelables (autres que l’énergie hydraulique) sont souvent douchés par le manque de stratégie ambitieuse et de réalisations concrètes mises en place dans leur pays. Dans ce contexte, il est important de souligner les actions sur le continent qui vont dans le sens d’une utilisation accrue de ces énergies pour soutenir le développement auquel aspirent les populations africaines.

Dans ce domaine, différents projets sont en cours de réalisation sur le continent, notamment dans le domaine solaire. Parmi les plus importants, figure le projet de centrale solaire CSP (Concentrated Solar Power Plant) prévu à Upington en Afrique du Sud. Le rendement espéré de cette centrale solaire, de type thermodynamique, est compris entre 60% et 65% et il est prévu qu’elle fournisse 100 MWe. En comparaison, les centrales thermiques à cycle combiné ont un rendement de l’ordre de 60% et 100 Mwe, c’est la consommation d’une ville de 100 000 habitants avec des standards de vie européens.

Certes la puissance prévue pour cette centrale ne représente qu’une infime partie des 45 000 MW environ de capacités installées en Afrique du Sud mais sa réalisation constitue une étape importante dans la volonté de l’Afrique d’utiliser toutes ses potentialités pour assurer son développement.

En effet, la centrale CSP, participera à satisfaire la demande croissante d’électricité en Afrique du Sud. Selon les prévisions de la compagnie électrique nationale ESKOM, cette demande atteindra 80 000 MW en 2025, soit le double de la demande actuelle. Cette centrale, si elle fonctionne normalement en base comme prévu, constituera un exemple de la fiabilité de ces technologies tant critiquées sur cet aspect. L’intégration de cette technologie dans le SAPP (équivalent du WAPP en Afrique de l’Ouest) sera donc envisageable, vu le potentiel de la région estimée à 20 000 MW.

De plus, cette centrale constitue un pas important dans le développement de cette technologie (CSP) parce que c’est le premier projet au monde d'une telle taille (100 MWe) avec une technologie de miroirs pour concentrer la chaleur, deux tours de refroidissement, utilisant des sels fondus comme fluide de transfert et un centre de stockage thermique. L’Afrique, à travers l’Afrique du Sud, peut donc être considérée comme pionnière en la matière.

Dans un pays où plus de 90% de la production électrique est faite à partir de charbon avec tous les impacts négatifs sur la production de gaz à effet de serre que cela comporte, un tel projet est en ligne avec les engagements de l’Afrique du Sud de promouvoir un développement à faible intensité carbonique. Ce projet permettra ainsi d’augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique sud-africain, et de faire un premier pas vers la réduction de 44% à horizon 2025 des émissions de gaz à effet de serre prévue dans la stratégie du pays pour le climat (Climate Change Response Strategy).

Enfin, le fait qu’un tel projet, d’une valeur de 881.154.380 UAC[1], soit financé par divers organismes tels que la BAD, la Banque Mondiale, l’AFD, KFW et la BEI peut être perçu comme un gage de sérieux et de professionnalisme (s’il en fallait encore un ) d'ESKOM. C’est bien la preuve que lorsque les Africains allient compétence et rigueur, ils peuvent décrocher des financements comme n’importe quelle entreprise crédible. Le coût relativement élevé du projet (2,5 fois le coût du MW nucléaire installé par exemple) doit être relativisé au vu du potentiel effet de série envisageable s’il s’avère concluant et du nombre d’emplois qu’il va générer dans la région (jusqu’à 2000 emplois pendant la phase de construction).

En conclusion, il est important d’encourager l’initiative du gouvernement sud-africain dans la mesure où elle permet à l’Afrique d’exploiter ses immenses richesses, d’espérer un leadership dans ce domaine stratégique et de montrer la voie aux autres pays Africains. En espérant que ces derniers s’en inspirent…

Stéphane MADOU


[1] 1 UAC= 1 DTS = 1,42927 USD