The World Bank economic prospects for Africa in 2014: Why are we still far from perfect?

forecastIn its annual report on global economic prospects for Africa, the World Bank projects that Sub-Saharan African countries shall have the best economic performance in 2014, more specifically in the short run. Growth is expected to rise up to 5.3% in 2014 and reach 5.5% in 2016. Excluding South Africa, Sub-Saharan Africa's economy will grow on average more than 6% from 2014 to 2016. The reasons behind this growth are self-justified. Africa has one of the best preserved natural resources in the world, which attracts both public and private investors. According to economic theories, the continent's current performance brings about substantial structural change and institutional reforms which make Africa a very attractive place with a stronger economy. World Bank economists consider that Sub-Saharan Africa should make the most of the reinforcement of the domestic demand and export growth. Here is a review of the results of the 2014 Global Economic Prospects.

The World Bank economists believe that the good performance of Sub-Saharan Africa is due to an increasing demand from the population and the Government. As a matter of fact, the economic improvement of developed countries should translate into a higher transfer of migrants. Households will consume more and more goods as the funds are allocated to consumption. The demand will have to be met by an increase in either domestic production or imports, or both.

Given that the industrial structure is not very well developed, this new demand is most probably going to be far more profitable to business partners than to the local industrial sector. Moreover, although the report does not clearly mention this implication, it stresses that the increase in demand should be supported by the stability of food prices and exchange rate. This underpins the role of import in meeting the demand-driven growth that will be generated in Africa.

Many governments are committed to achieving some of the millennium development goals by 2015, which should lead to an increase in expenditures related to infrastructure.. Nevertheless, these expenses funded by loans (due to low performing tax systems) are carried out by foreign industrialists. Local entrepreneurs are very marginally involved.

The industrial sector should benefit from the improving economic situation in industrialized countries. As a matter of fact, direct investments should rise up to 47.8 billion USD by 2016. However, this information does not tell us the extent to which these investments would contribute to the diversification and industrialization of the African economy. Actually, they mostly contribute to expanding the mining sector as well as other related sectors such as transportation and financial services and to a lesser extent, tourism. As a result, there is an increase in exports (of natural resources in a context of increasing selling prices) compared to imports which are made of construction materials for infrastructures and food items.

Yet, the report specifies that the expected rise of exports could be limited by the declining prices of gold and oil internationally. It goes on to recommend the diversification of oil-exporting economies such as Angola and Gabon.

The growth expectations for 2014-2016 depend on the vagaries of nature such floods, droughts and climate related factors. Other factors such as security issues (maritime piracy in the Gulf of Guinea), terrorism in the Sahel region and political and social upheavals are one of the main challenges of the economic activity.

After all, if the World Bank casts a favorable light on Africa over the period 2014-2016, it does not emphasizes the role of Africa’s international economic partners in the growth performance. Actually, the growth performance in Africa does not accord well with some fundamental economic indicators. Typically, employment rates are stagnant, business opportunities benefit to a minority of the population, the industry is still nascent and the economies are not diversified. The performances of African economies are mostly driven by its international economic partners. 

However, it would be unfair and very pessimistic not to acknowledge the potential structural change that the new growth momentum shall bring to the African economies in the long run. The development of the mining sector encourages countries to invest in infrastructures (roads, railways, ports) and to initiate reforms for the improvement of business environment. The private sector could empower the growth process but governments still have to create favorable conditions to allow private firms to fully play the role of levers.

Africa is undeniably one of the most economically dynamic regions of the World. Unfortunately, this dynamism is not yet driven by massive increase in formal employment, a reduction in poverty and inequalities. Should this situation remain unchanged, the positive economic performance of the continent will not improve the living conditions of the population.

Translated by Bushra Kadir

Les classes moyennes en Afrique : Qui en fait partie ?

185298136Le FMI et la Banque Mondiale mettent en avant l’importance des classes moyennes dans la dynamique de croissance de l’Afrique. Comment peut-on définir la classe moyenne, dans un espace où plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté ? Quelles sont ses caractéristiques et quel rôle joue-t-elle effectivement dans l’environnement économique du continent ? Cet article tente de caractériser la classe moyenne.

Dès le début du 21ème siècle, l’Afrique a amorcé une dynamique caractérisée par un désendettement significatif[1], une réduction des déficits budgétaires, accompagnés d’une croissance moyenne de plus de 5% du PIB. Cette dynamique est considérée comme une porte de sortie de la pauvreté pour l’Afrique et une porte d’entrée vers le développement. Les principales institutions financières, pilotes de l’aide au développement, assurent que cette dynamique a engendré l’évolution de la société africaine, de sorte qu’elle puisse soutenir de façon pérenne les performances macroéconomiques du continent. Un précédent article présentait cette vision en décrivant le processus vertueux qui permettrait de maintenir les résultats actuels du continent. Il s’appuie notamment sur l’émergence de classes moyennes en lien avec l’évolution démographique, l’ouverture des marchés africains, les processus d’intégration en cours sur le continent, l’impact des médias[2], le rôle de la diaspora et la consolidation de nouveaux partenariats (l’Asie notamment). Il s’avère donc opportun de déterminer les caractéristiques de ces classes moyennes.

Avant toute chose, il faut préciser que le concept de classe moyenne est indécis et incertain dans les sciences sociales. Selon Chauvel, il n’est que l’un de ces concepts sans origine connue ni définition mais dont la popularité vient du fait que leur imprécision permet de dire tout et son contraire. La définition la plus connue et la plus commune repose sur deux critères : celui du revenu et de la profession. En Afrique, son utilisation est assez récente et il serait difficile d’en fournir une définition précise. L’un des travaux les plus élaborés sur le sujet est le rapport de la Banque Africaine de Développement. Elle identifie 3 catégories de classes moyennes :

– une catégorie dite flottante car regroupant les personnes à peine sortie de la précarité. Il s’agit de personnes dont le revenu journalier est compris entre 2 et 4 USD (en parité du pouvoir d’achat 2005). Ce ne sont là que des personnes qui se situent juste au dessus du seuil de pauvreté et qui pourraient donc replonger dans une situation de pauvreté à la survenue d’un évènement critique comme une perte d’emploi, une forte inflation, une augmentation non anticipée des cours internationaux de produits alimentaires importées ou encore une catastrophe naturelle. Cette classe constituait en 2010 près de 20% de la population (contre 10% en 1980) et représente plus de 50% de la classe moyenne dans sa globalité (selon les critères de la BAD) ;

– un groupe intermédiaire  qui regroupe toutes les personnes qui ne courent plus le risque de retomber dans une situation de pauvreté et dont le revenu journalier est situé dans une fourchette de 4 à 10 USD (PPA 2005). Il s’agit de personnes pouvant prétendre à élargir leur panier de biens au delà des biens alimentaires de base ;

– puis le groupe supérieur (gracieusement nommé Africa First) auquel appartient toutes les personnes ayant un revenu journalier supérieur compris entre 10 USD et 20 USD (PPA 2005). Il s’agit principalement des investisseurs locaux ou des entrepreneurs, des hommes d’affaires qui prennent activement part au fonctionnement de l’économie et qui ont tout intérêt à la préservation d’un environnement stable aussi bien sur le plan politique, sécuritaire que sur les principaux indicateurs de performance économique. Ce groupe ne représente toute fois que 4% de la population totale en 2010.

Pour les individus dont le revenu journalier est au- delà de 20 USD (PPA 2005), la BAD les classe dans une classe des riches. Elle regroupe les quelques millions de nouveaux riches africains, à qui profite le développement du secteur minier et extractive, des télécommunications ou de l’agroalimentaire et dont quelques uns se retrouvent au classement Forbes des milliardaires : les diamantaires d’Afrique du sud, les barons du pétrole nigérians ou encore les « haut d’en haut » congolais, pour ne citer que ceux là.

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Source : BAD (2011). The Middle of the Pyramid : dynamics of the Middle Class in Africa.

Cette structuration manque toutefois de révéler la persistance des inégalités. D’après les données de la BAD (graphique ci-dessus) les trois catégories (intermédiaire, supérieure et possédante) qui ne représentent que 19% de la population se partagent près de 40% des revenus alors que la classe flottante et les pauvres qui comptent pour 81% de la population disposent de 60% des revenus. Selon the African Progress Panel (2012), 24 sur les 53 pays africains sont plus inégalitaires que la Chine : l’indice de Gini[3] au Mozambique, au Kenya ou en Zambie se situe dans une fourchette de 0,45 à 0,55. En Afrique du Sud, au Botswana ou au Lesotho, cet indicateur affiche des résultats supérieurs à 0,6.

A ces groupes, s’ajoute la diaspora. Selon les travaux de Boateng sur le Ghana, la diaspora peut être considéré comme appartenant à la classe moyenne. En effet, les membres de la diaspora qu’ils soient employés avec des revenus stables ou appartenant à la classe flottante dans leur pays d’accueil, occupent dans leur pays d’origine un statut assez proche de la classe moyenne dans la mesure où leurs modes de consommation et autres aspirations influencent significativement les populations sur place.

Les déterminants de cette dynamique sociale sont toutefois assez hétéroclites suivant les pays[4]. Si au Nigéria, elle a été portée par l’activité pétrolière ; au Ghana ou au Cap Vert la classe moyenne s’appuie sur les transferts des migrants. Au Cameroun ou au Niger, l’entrée dans la classe moyenne est définie par la capacité à entreprendre alors qu’au Gabon, elle est assurée par l’accession à un emploi. En Afrique du sud, elle a été propulsée par les mesures postapartheid du Black Economic Empowerment.

Il est évident qu’entre extrême richesse et pauvreté, il existe sur le continent un groupe intermédiaire qui tend à prendre forme de plus en plus, indiquant que les performances économiques créent des opportunités permettant de faire sortir durablement une partie de la population de la pauvreté. Cet impact reste cependant très faible ; quand l’on considère que seulement 14% de la population africaine, en 2010, pouvait être considéré comme non vulnérable à  la pauvreté. Ainsi la place importante qu’occupe ladite classe moyenne dans les perspectives économiques du continent sont à relativiser. Elle ne serait pas suffisamment importante et représente moins du quart du revenu du continent, pour impacter significativement l’activité économique du continent. C’est cette hypothèse que le prochain article tentera de traiter. Il s’agira de vérifier si la classe moyenne africaine porterait les fruits socio-économiques (consommation, environnement politique, etc.) qu’on lui prêterait.

Foly Ananou

Sources :

African Progress Panel (2012). Jobs, Justice and Equity : seizing opportunities in times and global change. African Progress Report 2012

BAD (2011). The Middle of the Pyramid : dynamics of the Middle Class in Africa.


[1] Dans le cadre des PPTE

 

 

[2] Consulter l’article de Georges sur l’impact des médias sur le développement

 

 

[3] L’indice de Gini mesure les inégalités dans la distribution des revenus. Il varie entre 0 et 1 de sorte que le 0 indique une égalité dans la distribution alors que le 1 exprime l’inégalité parfaite.

 

 

[4] BAD (2011). The Middle of the Pyramid : dynamics of the Middle Class in Africa.

 

 

Les classes moyennes en Afrique : un moteur de développement ?

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Le FMI et la Banque Mondiale mettent en avant l’importance des classes moyennes dans la dynamique de croissance de l’Afrique. Qu’est la classe moyenne, dans un espace où l’on considère que plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté ? Que représente-t-elle ? Quelles sont ses caractéristiques et quel rôle joue-t-elle effectivement dans l’environnement économique du continent ? Cet article introduit une série d’articles concernant la classe moyenne en Afrique.

Le concept de classe moyenne en Afrique n’est pas récent, mais son importance comme moteur de développement est de notre millénaire. Déjà à l’époque coloniale, le concept existait avec ce qui était dénommé « auxiliaires indigènes du colonisateur ». Aujourd’hui, il occupe une place importante dans le discours des partenaires financiers au développement.

Fruit de l’afro-optimisme contemporain, le concept prend racine dans une théorie économique qui stipule que la croissance économique entraînerait une augmentation des revenus et donc de la consommation, puis des investissements productifs qui, eux-mêmes seraient favorables à la croissance économique. Un tel mécanisme suppose donc qu’une partie de la population profite suffisamment de la croissance économique, en ayant accès à un niveau de revenu lui permettant de sortir de sa situation de pauvreté. Cette évolution de la structure sociale sera suivie par une modification des habitudes de consommation. La consommation ne se limitera plus à la couverture des besoins de base ; elle s’étendra au-delà de la nécessité de survie et aux loisirs, permettant de renforcer l’activité économique en incitant à l’industrialisation et à une diversification du tissu économique.

Ces changements de comportements pourraient aussi affecter la sphère politique. Les classes moyennes auraient accès à termes à l’information, à l’éducation et pourraient ainsi se construire une expérience suffisante sur la base des pratiques observées dans d’autres pays. Tout ceci, leur donnant les moyens de participer activement au débat politique, et par voie de conséquence, de contribuer effectivement au processus de démocratisation. L’accumulation de connaissances et d’expériences importées d’ailleurs devrait, par ailleurs, se traduire par l’émergence de l’individualisme – signe de l’émancipation des individus par rapport aux pratiques traditionnelles et aux principes de la solidarité. En fait, il ne s’agit là que d’une caricature de ce qui est considéré comme classe moyenne dans les pays développées et dans une moindre mesure de la vision qu’ont les principaux partenaires financiers au développement de l’Afrique et qui justifie l’intérêt qu’ils portent à l’émergence de classes moyennes en Afrique.

En dépit de cette présentation reluisante du rôle de la classe moyenne, il est néanmoins nécessaire d’être prudent quant à son importance en Afrique. Au-delà du fait que l’appartenance aux classes moyennes reposent sur des considérations monétaires et relatives au coût de la vie, l’Afrique présente des particularités qui rendent presque impossible la projection de l’image des classes moyennes dans les pays développés sur le continent. [1] 

En effet, le secteur informel occupe une place importante dans l’économie des pays africains, de sorte qu’il est difficile de déterminer de façon strictement objective une frontière entre personnes pauvres et personnes appartenant à la classe moyenne. La réduction lente de la pauvreté en pplus de l'importance du secteur informel constituent un frein à l'émergence d'une véritable classe moyenne en Afrique. Si des stratégies de développement existent dans tous les pays du continent, notamment dans le cadre des OMD, leur mise en œuvre et les résultats qu’elles fournissent ne sont pas très convaincants. Par ailleurs, le processus de démocratisation en Afrique n’est réduit qu’à la tenue régulière d’élections sans un réel changement dans les régimes ni dans le dialogue politique.

Si une chose est certaine, c’est que la dynamique économique du continent a induit l’émergence de nouveaux groupes sociaux qui modifient son paysage social. Analyser la dynamique de ces groupes permettra certainement de mieux encourager l'émergence de la classe moyenne africaine et d’en faire un levier de développement pour le continent. Les prochains articles portant sur ce thème abonderont dans ce sens. Ils feront l’état des lieux au regard des critères « socio-économiques » caractéristiques des classes moyennes (revenu/consommation et comportements) et analyseront leurs impacts sur l’activité économique et l’environnement politique des pays africains.

Foly Ananou


[1] Selon la BAD, appartient à la classe moyenne en Afrique toute personne dont les dépenses sont comprises entre 2 USD et 20 USD PPA par jour alors qu’en France, sera considéré comme individu de la classe moyenne une personne dont le revenu mensuel (hors impôts et prestations sociales) se situent entre 1 163 et 2 127EUR. 

 

 

Les perspectives économiques de 2014 selon la Banque Mondiale

une_croissance_inclusive_folyA l’occasion de sa publication annuelle, qui fait état des perspectives économiques mondiales, la Banque Mondiale – comme son homonyme financier (du FMI) – estime que l’Afrique subsaharienne aura les meilleures performances économiques du monde en 2014 et plus généralement sur le court terme. La croissance devrait se situer à 5.3% en 2014 et atteindre 5.5% en 2016. Hors Afrique du sud, l’Afrique subsaharienne devrait afficher en moyenne plus de 6% de croissance entre 2014 et 2016. Ces performances s’auto-justifient. L’Afrique constitue l’une des réserves mondiales de ressources naturelles les mieux gardées, qui attirent les investisseurs (publics et privés). Elles font appel à toutes les théories économiques qui laissent penser que les performances actuelles du continent s’accompagnent de changements structurels profonds, de réformes institutionnelles, qui rendent l’Afrique plus attrayante et, par voie de conséquence, renforcent les performances économiques du continent. C’est dans un tel contexte que les économistes de la Banque Mondiale considèrent que l’Afrique subsaharienne devrait profiter d’une consolidation de la demande domestique et de la croissance des exportations. Cet article se propose de faire une synthèse des résultats du Global Economic Prospects 2014. 

Il faut rappeler avant toutes choses que les chiffres qu’avance la Banque Mondiale justifient leurs actions en Afrique. Ces prévisions sont nécessaires pour permettre à la Banque de construire ses stratégies de coopération avec les pays africains, tout en fournissant aux investisseurs des arguments économiques pour éclairer leurs intérêts pour l’Afrique.

Les économistes de la Banque estiment que les bonnes performances des pays de l’Afrique subsaharienne seraient à la faveur d’une augmentation de la demande formulée par les populations et les gouvernements. En effet, l’embelli de la situation économique dans les pays développés devrait favoriser un plus important flux de transferts des migrants. Ces fonds étant affectés à la consommation, les ménages devraient donc formuler une demande plus importante de biens de consommations. Cette nouvelle demande serait satisfaite soit pas une augmentation de la production ou par des importations. Quand on sait que le tissu industriel n’est pas très bien étoffé, tout laisse à penser que cette nouvelle demande profiterait plus aux partenaires commerciaux plutôt qu’à l’industrie locale. D’ailleurs si le document rendu public par la Banque ne le précise pas, ses économistes estiment que la stabilité des prix des denrées alimentaires et des taux de change devrait soutenir cette demande, indiquant implicitement le recours aux importations pour satisfaire la demande en biens de consommation.

L’engagement actuel des gouvernements dans la mise en œuvre de leurs plans de développement, notamment à l’horizon 2015, devrait amener ces derniers à accélérer les dépenses dans les domaines sociaux mais aussi en investissement pour consolider l’environnement des affaires et  offrir à l’Afrique les arguments nécessaires pour inciter l’investissement productif étranger. Cependant, ces dépenses financées par emprunts (du fait d’une fiscalité pas très performante) sont exécutées par des industriels étrangers. L’implication d’entrepreneurs locaux n’est que marginale.

L’amélioration de la situation économique dans les pays industrialisés devrait profiter aussi au secteur productif, dans la mesure où les investissements directs se consolideraient à 47,8 Mds USD d’ici 2016. Cette donnée manque toutefois de révéler le fait que ces investissements ne participent pas à un effort de diversification et d’industrialisation du tissu économique africain. En effet, ces investissements contribuent plus généralement à l’expansion du secteur minier et à d’autres secteurs connexes comme celui des transports et des services financiers, et dans une moindre mesure au tourisme. Il s’en suit une progression bien plus importante des exportations (concentrées sur les ressources naturelles dans un contexte de hausse de leur prix) par rapport aux importations, constituées principalement de matériaux (pour la construction d’infrastructures) et des denrées alimentaires (dont les prix devraient restés stables).

Toutefois, le document précise paradoxalement que les exportations projetées à la hausse peuvent être limitées par un déclin des prix internationaux de l’or ou du pétrole. Il en appelle à des réformes pour une diversification des économies exportatrices de pétrole comme l’Angola ou le Gabon. La dépendance des économies de la région aux caprices de la nature est aussi évoquée pour tempérer les prévisions de croissance pour 2014-2016. Les problèmes sécuritaires, en lien avec les attaques de pirates dans le golfe de guinée, la situation dans le Sahel et les remous socio-politiques ne sont pas à négliger et constituent d’ailleurs l’un de principaux défis à l’activité économique, ou devrait-on dire à l’image d’eldorado économique de l’Afrique.

Somme toute, si les chiffres de la Banque Mondiale présentent l’Afrique sous de bons hospices en 2014 et sur le court-terme, ils manquent de préciser que ces performances ne sont pas liées à un effort propre aux pays africains. Sans remettre en cause cet exercice de comptabilité de la performance économique, il convient toutefois de signaler que ces performances sont totalement déconnectées de la réalité économique de l’Afrique. L’emploi stagne, les opportunités d’affaires quand elles se créent sont saisies par une minorité, le tissu industriel est presque inexistant et les économies sont très peu diversifiées. Le débat sur l’inclusivité de la croissance ne se pose plus. La performance des économies africaines se fait et s’entretient par ses partenaires.

Il serait toutefois pessimiste de penser que cette dynamique ne profite aucunement au continent ou qu’elle n’induit pas des transformations structurelles sur le plan économique. L’expansion minière pousse les pays à se doter d’infrastructures (routières, ferroviaires, portuaires, etc.), à entreprendre des réformes pour améliorer l’environnement des affaires. Si l’objectif de toutes ces manœuvres est de créer un cadre propice à l’investissement, ils n’incitent pas encore à une transformation structurelle suffisante permettant aux pays africains d’être le moteur de cette dynamique. Il est donc assez intuitif que la croissance en Afrique ne profite pas encore aux populations. Les Etats africains ont montré leur limite à porter le développement du continent. Les entreprises pourraient prendre le relais mais encore faudrait-il que les gouvernements créent les conditions favorables pour leur permettre de jouer ce rôle de levier. La richesse se crée mais seulement une partie, correspondant à la fiscalité (en manque de faire ses preuves)[1] et aux redevances, revient aux gouvernements limitant ainsi leurs actions en faveur du développement. L’Afrique est indéniablement l’une des zones les plus dynamique du Monde ; mais malheureusement portée par l’extérieure. Ainsi le débat sur l’inclusivité de la croissance en Afrique devrait en sus porter celui sur la nécessité d’intérioriser le mécanisme de création de richesse. A défaut, le continent aura beau afficher de bonnes performances économiques sans pour autant permettre une véritable amélioration des conditions de vie des populations.

Foly Ananou


[1] un article de Georges d’ailleurs appelle à en faire le bras financier des Etats

 

 

Pourquoi l’agriculture en Afrique ne se développe t’elle pas ?

57522021L’agriculture est le secteur clé des économies africaines. Selon les données de la Banque Mondiale, le secteur emploie près de 60% de la population active mais ne participe qu’à 12% de la richesse annuelle créée sur le continent. Au regard de ces médiocres performances, des mesures politiques ont été prises tant au niveau national que régional pour rendre le secteur plus performant. Dans un article récent, Patrick présentait le WAAPP conçu pour les pays de la CEDEAO et financé par la Banque Mondiale, dans cet ordre d’idées. Avec l’appui d’institutions internationales ou d’ONG qui considèrent tous que l’agriculture est la voie principale du développement de l’Afrique, de nombreux programmes de ce genre  ont été conçus pour les pays africains, soit pour améliorer la productivité ou pour améliorer la production. Malgré tout ceci, les résultats fournis par le secteur demeurent insatisfaisants. Nombreux sont les pays africains qui ont recourt à l’extérieur pour disposer de denrées alimentaires. Cette situation incite à se poser des questions relatives aux facteurs qui bloquent le développement de ce secteur.

Cet article se propose d’identifier certains obstacles au développement de l’agriculture en Afrique et de proposer des éléments de solution pour permettre au secteur d’afficher ses réelles capacités.

Un potentiel énorme, qui ne demande qu’à être exploitée

L’Afrique possède d’importantes ressources naturelles : terres agricoles, minerais, pétrole, forêt, rivières, fleuves, faunes, gaz, etc. Le continent est traversé par de nombreux et imposants fleuves, qui prennent leur source dans de grands lacs. La terre n’est pas rare. Selon les données du WDI (2012), seulement 43.8% des terres arables disponibles (près de 800 millions d’ha) sont utilisées. Sur le plan topographique, le continent est constitué de larges plaines traversées par des cours d’eaux qui nourrissent les terres de minéraux végétaux ; de quelques bandes montagneuses et agri_potde quelques plateaux pas très élevés. Ainsi, les terres en Afriques sont dans leur plus grande majorité favorable à la culture de plants mais aussi à la pratique de l’élevage.

Le climat est assez clément, quoique saisonnier et très intense. Alors que les zones arides (Sahara et Kalahari) bénéficient de pluies éparses, les zones tropicales (ouest, centre, est) enregistre jusqu’à deux saisons pluvieuses. La région la plus humide du continent est une bande côtière à l'ouest du mont Cameroun avec 9 991 mm de précipitations par an. Cette pluviométrie, qui dicte le rythme de la performance de l’agriculture en Afrique, favorise le développement d’une flore assez diversifiée. Sur les zones côtières, on retrouve un marais et des mangroves avec des arbres aériens ou flottants. En s’éloignant de la côte, on retrouve plutôt des zones forestières peu propices à l’agriculture, suivi de zones de savanes dans certaines régions (nord de la Guinée ou au Soudan). En ce qui concerne les ressources en eau, la Banque Mondiale estime que seulement 2% des ressources renouvelables en eau sont utilisés, à mettre en rapport avec les 5% au niveau mondial. Par ailleurs, l’écosystème de l’Afrique constitue une base productive importante pour l’agriculture et l’élevage.

Face à ce potentiel énorme, il est difficile de penser que tous les projets et programmes financés sous fonds de partenaires bilatéraux et multilatéraux (sous forme de dons ou de prêts) ne parviennent pas à lancer ce secteur clé. 

Une situation politico-administrative peu favorable …

S’il est certain que les performances du secteur agricole dépendent étroitement de la pluviométrie, l’histoire des pays africains nous montre que les remous politiques qu’ils subissent ne peuvent réellement pas favoriser le développement agricole.

A titre d’exemple, le conflit ivoirien a fortement impacté le secteur « cacao » de ce pays. Le cas rwandais est tout aussi parlant. Plus généralement, les conflits altèrent la pratique de l’agriculture, les populations étant plus instinctivement portées par leurs survies, abandonnent leurs exploitations. Dans le même ton, l’alternance politique en Afrique (qui semble donner le pas d’une certaine promotion de la bonne gouvernance) prend plutôt l’air d’une guerre politique qui ne laisse place à aucune poursuite des programmes engagés par les régimes précédents. Au lieu de définir des programmes de développement basé sur une vision commune et piloté par une institution acceptée et reconnue par toutes les parties prenantes au débat politique, ces programmes émanent plus souvent de la vision politicienne d’un parti ou d’un individu qui s’empressera une fois aux commandes, de suspendre ou de supprimer les programmes en cours et de relancer ceux qui selon sa vision seraient les meilleures, dans un contexte où la mandature au pouvoir exécutif devient de plus en plus serrée (14 ans au max). Cette discontinuité dans la gestion met à mal un secteur qui a besoin d’investissements suivis. Ce manque de suivi est aussi à noter au niveau des programmes ayant atteint leur terme.  

… et des facteurs socio-culturelles, qui entravent l’émergence d’un secteur, peu performant

Les exploitations agricoles en Afrique sont structurées autour de la famille (élargie ou nucléaire selon la région). En conséquence, on ne rencontre que des domaines de très petites tailles pouvant varier entre 0.5 et 2ha avec des actifs agricoles très limités, destinés à la subsistance et qui s’appuient sur des moyens de travail rudimentaires. La main d’œuvre familiale y constitue l’apport principal. Dans ce genre d’exploitations, les investissements ne peuvent pas être valorisés, notamment ceux en capital humain. Par ailleurs les revenus sont assez bas et ne peuvent donc pas permettre une expansion des exploitations. Même si de grandes exploitations existent, elles appartiennent à des industriels de l’agro-alimentaire, dont le seul intérêt est la sauvegarde des matières premières nécessaires pour leurs activités. Selon la FAO, la petite taille des exploitations est une contrainte majeure à la production en Afrique.

Cette moindre performance du secteur est liée à beaucoup de facteurs que des programmes ont tenté de juguler, notamment ceux concernant l’amélioration de la productivité par la mécanisation de l’agriculture. Cependant, cette transformation envisagée semble trainée. On estime la productivité des terres en Afrique à 42% (CEA, 2009) avec une force de production de 58%. Des statistiques qui révèlent la sous exploitation du potentiel agricole africain.

L’insertion de la technologie dans la pratique agricole africaine est en fait limitée par le niveau faible des revenus des ménages agricoles mais aussi par l’absence d’un système de crédit favorable à l’acquisition des outils modernes de pratique d’agriculture. Ils ne pourraient ainsi ni disposer des fonds nécessaires pour acquérir les outils nécessaires, ni obtenir les crédits suffisants à investir pour l’expansion de leurs activités. Une situation rendue encore plus difficile par le manque d’éducation.

Par ailleurs, les ménages n’ont pas toujours les bonnes informations en ce qui concerne les programmes et projets destinés à améliorer la performance du secteur, à assimiler les formations et visites de terrain effectuées par les organes de tutelle. De plus ces programmes et/ou projets conduits par les services publics sous financements externes ont des objectifs précis et ne ciblent qu’une minorité des exploitations. Concernant ce dernier point, les systèmes d’appui aux agriculteurs utilisés par les services publics sont parfois inappropriés du fait d’une formation insuffisante des agents. Ceci étant, les pratiques ancestrales, non propices à une agriculture « économiquement » rentable, demeurent la technologie essentielle de l’agriculture en Afrique.

A cela s’ajoutent des considérations socio-culturelles qui inhibent les quelques actions entreprises pour faire progresser l’agriculture. En Centrafrique, par exemple, les agriculteurs les plus dynamiques sont hésitants à prendre des risques ou à innover de peur que leur « réussite » ne provoque leur chute. Dans ce même pays, les agriculteurs ayant une bonne performance sont soupçonnés par leurs pairs de recours à des pratiques occultes. De telles mentalités, qui peuvent être retrouvées dans certains groupes socio-culturels en Afrique, constituent un blocage réel au développement de l’agriculture, dans la mesure où les individus préfèreraient demeurer dans une situation acceptée par sa société que d’émerger pour en être rejetés.

Des solutions sont ils envisageables ?

Au regard des difficultés qui freinent l’essor du secteur agricole africain, il faudrait déterminer les moyens pouvant permettre d’exploiter de façon rationnelle le potentiel du continent, améliorer la performance du secteur afin qu’il puisse fournir aux ménages qu’il emploi un revenu significatif et durable.

Avant toute chose, il s’avère nécessaire d’instaurer un cadre de bonne gouvernance dans le secteur agricole, et appuyant les décisions sur les informations disponibles sur le secteur. Il faudrait, par ailleurs, repenser les systèmes de crédit aux exploitations. De nombreux pays disposent d’un « Crédit Agricole » mais ces banques, tout aussi risquophile que les banques classiques, n’offrent très souvent que des crédits de campagne (de court terme) et financent rarement des investissements structurants dans le secteur. Il faudrait les mettre à profit, en plus des instituts de micro-finance, tout en définissant des mécanismes plus souples pour permettre aux exploitants agricoles d’exploiter les opportunités du marché financier.

Au-delà de ces actions qui relèvent de l’environnement économique et qui pourraient être des réponses sur le plan politico-administratif, d’autres points nécessitent une attention particulière et des actions de proximité pour permettre aux programmes destinés à améliorer la production ou la productivité d’avoir les impacts attendus. Au regard des difficultés qui s’imposent au secteur, il faudrait s’appuyer sur des modèles de développement d’exploitations qui intègrent le mode de fonctionnement de celles-ci, tout en améliorant la qualité de l’encadrement technique et en assouplissant les exigences pour l’accès aux crédits ruraux.

Compte tenu de la difficulté d’insertion de la technologie dans le secteur agricole, il faudrait s’orienter vers une intégration de l’élevage et de la culture afin d’induire un passage progressif d’une culture manuelle à une culture attelée, qui constitue une porte d’entrée sure pour l’introduction de technique plus sophistiquée.

En outre, il faut mettre à profit la recherche en sociologie pour relever les considérations sociales et culturelles qui inhibent l’entreprenariat des paysans.

Le secteur agricole africain peine à émerger malgré les efforts consentis par les gouvernements dans ce sens avec l’appui de partenaires financiers et techniques. Cette situation trouve sa racine dans des systèmes administratifs assez complexes et des considérations socio-culturelles, qui créent des goulots d’étranglements aux actions publiques entrepris pour améliorer la performance du secteur. Dans un tel contexte, il faudrait tout en s’attachant à relever le niveau des services publics en Afrique, prendre en considération les spécificités socio-culturelles des populations cibles, le tout dans un mécanisme progressif, afin d’amener ces derniers à s’approprier les outils qui sont mis à leur disposition et d’intégrer les bonnes pratiques qu’ils jugeraient eux-mêmes favorables à leurs activités. 

Foly Ananou

Sources

ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/003/y1860f/y1860f.pdf

http://www.oecd.org/tad/agricultural-policies/36704878.pdf

 

Les subventions à l’énergie sont-elles nécessaires ?

136120101L’accès à l’énergie à moindre coût pour  les consommateurs occupe une place importante dans le débat politico-économique dans les pays africains. Tout récemment dans son discours de politique générale, Madame le Premier Ministre du Sénégal a annoncé une série de mesures visant à assurer la production d’électricité à un prix raisonnable pour les 13,7 millions d’habitants que compte le Sénégal. Sa vision est d’arriver à fournir au peuple sénégalais l’un des services sociaux les plus importants mais aussi de réduire voir supprimer la ligne budgétaire destinée aux subventions à la Société Nationale d’Electricité (Senelec). Cette logique sénégalaise est la même dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne qui dépensent par an des millions d’euros non pas pour assurer la production, ni l’extension, ni le renouvellement du système de production ; mais pour couvrir en partie les pertes générées par les sociétés nationales d’électricité.

Dans un article précédent, il a été démontré que ces subventions profitent davantage aux plus riches. Cependant, cet argument ne pourrait justifier à lui seul l’abandon ni la réduction des subventions. Avant d’arriver à de telles conclusions, il est important de déterminer de façon précise l’impact qu’aurait une augmentation des prix de l’énergie dans un contexte d’absence de subvention. Coady et al. (2012) ont réalisé à cet effet une étude, qui indique qu’une augmentation de 0.25 USD du prix du carburant en Afrique Sub-saharienne résulterait en une baisse moyenne d’environ 6% du pouvoir d’achat des 40% de ménages les plus pauvres. Cette perte de pouvoir d’achat se ferait surtout de façon indirecte. En fait, une augmentation du prix du carburant impactera à la hausse les prix des produits alimentaires et du transport ; ceci compte-tenu de l’importance du carburant dans la production. 

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Source : Coady and al. (2012). The Unequal Benefits of Fuel Subsidies: A Review of Evidence from Developing World

L’impact global de l’augmentation semble similaire dans tous les groupes de revenus, on constate une variation assez impressionnante suivant le type de produits. L’impact direct d’une hausse du prix de l’essence est plus marqué chez les ménages les plus riches alors qu’une hausse du prix du kérosène impact plus durement les ménages les plus pauvres. La perte de bien-être suite à une hausse des prix de l’essence semble progressive (suivant les quintiles).  L’impact serait d’autant plus important si les dépenses de consommation d’électricité étaient ajustées en tenant compte des inégalités d’accès à l’électricité. En supposant un accès équitable pour tous les ménages, le coût de l’électricité  pour les ménages à faibles revenus  augmente considérablement. Les auteurs de l’étude ont identifié dans le cas du Burkina Faso que dans ces conditions, la dépense en consommation d’électricité pour les 40% des ménages les plus pauvres, représenterait environ 4% de leur dépense totale (à mettre en rapport avec les 0,4% dans le cas d’un accès non régularisé).

Il parait alors évident que, même si les subventions profitent essentiellement aux plus riches, elles permettent de maintenir le pouvoir d’achat des plus pauvres.  Leur maintien semble opportun dans un contexte où la portée des politiques économiques actuelles en Afrique est à caractère social, même si économiquement, les subventions sont moins bonnes pour la performance. Toutefois, une attention plus particulière devra être accordé à ces mesures afin d’assurer un bon ciblage des plus vulnérables.

La subvention ne pourrait cependant pas être directe et encore moins évidente sur les carburants. Dans le secteur de l’électricité où le ciblage est plus ou moins possible, il pourrait s’agir de faire payer aux plus riches une partie de la consommation des plus pauvres, en adoptant une ligne tarifaire plus discriminante. On pourrait ainsi dégager une marge de manœuvre  dans l’allocation des subventions pour financer des investissements dans le secteur. Il faudrait par ailleurs, tout en adoptant des politiques visant à réduire et à réorienter les subventions, assurer le développement du secteur énergétique pour réduire les coûts de production et de facto, de réduire les prix du kWh. La difficulté réside dans le fait même que l’application de subvention empêche l’investissement dans ce secteur. C’est un travail sur le long terme qui nécessitera l’implication du secteur privé et des réformes structurelles. Le Sénégal envisage, par exemple, de relever la production en s’appuyant sur un mix énergétique comprenant charbon et gaz naturel. D’autres pays comme le Kenya et l’Uganda ont mis en place des autorités de régulation du secteur, en plus d’un cadre réglementaire régissant l’activité de production d’électricité. Sur le court terme, les prix peuvent rapidement atteindre des niveaux impressionnants mais permettront au moins, sur le long terme de stabiliser les prix à des niveaux soutenables sans introduction de subventions et indexable aux fluctuations du cours du pétrole.

Somme toute, il n’est pas souhaitable d’instruire une suppression radicale des subventions à l’énergie. Cependant, à terme, cette suppression est nécessaire compte tenu des effets négatifs des subventions sur la production et les investissements dans le secteur de l’énergie. Ceci étant, il est impératif de s’orienter vers la suppression de ces subventions, en passant à une tarification ciblée et en définissant une stratégie de développement du secteur énergétique qui vise à réduire les prix dans le moyen terme. 

 

Foly Ananou

 

Arze del Granado, Coady, and Gillingham (2012), "The Unequal Benefits of Fuel Subsidies: A Review of Evidence from Developing World". World Development, vol. 40 (11)

Les performances économiques de l’Afrique : au delà des ressources naturelles

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Très souvent dans nos analyses, on est porté à affirmer avec aisance que les performances économiques de l’Afrique sont liées à ses ressources naturelles. On ne va pas le nier, les ressources naturelles jouent une partition importante dans cette dynamique mais ne constitue pas toute l’histoire des performances actuelles de l’Afrique. Des économistes du FMI, ont à l’occasion de la revue semestrielle des Perspectives Economiques Mondiales (octobre 2013) réalisé une étude sur le sujet et ont prouvé que la dynamique économique en Afrique n’est pas limitée à la richesse du sous-sol.

Un certain nombre de pays en Afrique ne doivent pas leur performance économique à leurs ressources. En fait, ils n’en ont pas. Dans leur étude, les économistes du Fonds ont considéré les pays suivants qui ont la particularité de ne posséder aucune ressource naturelle : Burkina Faso. Ethiopie, Mozambique, Rwanda, Tanzanie et Uganda. Certains de ces pays sont à peine sortis de situation de crise. Il est assez impressionnant de voir que ces pays ont enregistré sur cette décennie des taux de croissance dignes des pays pétroliers. Selon les investigations des économistes du Fonds, la performance de ces pays est en lien avec une volonté systématique de reformer leur cadre macro-économique, tout en s’appuyant sur des stratégies de développement bien structurées.

UntitledLe Burkina Faso a renforcé ses institutions tout en adoptant un plan stratégique à moyen terme. Ceci, en plus des efforts qui sont faits pour renforcer l’activité dans le secteur du Coton. L’Ethiopie, pour sa part doit ces performances au secteur agricole mais aussi à son secteur touristique et au transport aérien. La Mozambique a su créer un environnement favorable aux investissements directs, qui a renforcé sa position en tant que producteur et transporteur d’électricité dans sa région. Le Rwanda après avoir stabilisé son environnement politique a su relancer son économie en s’appuyant sur une stratégie construite autour du tourisme et de la filière café. En Tanzanie, la carte des réformes aussi bien sur le plan institutionnelle et dans les différents secteurs, a permis le redressement économique du pays. L’Uganda s’est appuyé sur des réformes structurelles depuis le début des années 90, favorables à l’investissement privé tout en diversifiant son panier d’exportations.

Le point commun à ces pays, selon les auteurs de l’étude, est qu’ils ont su mettre en place des politiques économiques pour relancer l’économie dans le moyen terme concomitamment à des réformes structurelles. Ceci a permis  à ces pays de bénéficier d’importants flux d’aide financier et/ou d’allègement de dette, leur fournissant une marge financière pour la mise en place des projets/programmes définis dans leur plan stratégique de développement : que ce soit dans le social, dans les infrastructures ou dans les investissements en capital.

Les secteurs porteurs

Dans l’échantillon de pays considérés pour cette étude, l’agriculture occupe une place importante. Au Burkina Faso et au Mozambique, elle occupe près de 80% de la population active, et près de 71% en Uganda.

Le potentiel agricole de l’Afrique est encore important et l’agriculture est la première source de revenus des familles rurales. Ainsi, développer l’agriculture constitue une opportunité pour faire plus de croissance inclusive. Le développement de ce secteur en Afrique nécessitera l’intervention publique. Le Rwanda et l’Ethiopie l’ont bien démontré en assurant l’accès au fertilisants et semences pour les ménages agricoles.

L’étude a aussi mis en exergue l’importance des services, notamment le secteur des télécommunications, dans les performances économiques de ces pays. Le téléphone mobile est devenu un outil important dans les économies africaines et est utilisé à plusieurs niveaux – transfert d’argents, source d’information sur les prix des produits agricoles, la banque, etc, – permettant ainsi une intégration progressive des différentes couches de population dont les ménages ruraux sur le marché financier.

Des marges budgétaires pro-investissement

La marge budgétaire résultant des réformes structurelles exécutées par les pays considérés dans l’étude a servi notamment à financer des investissements productifs et des dépenses considérées comme prioritaires.

Les allègements de dette dont ont bénéficié ces pays ont été orientés dans des investissements. L’investissement public au Burkina Faso, par exemple, a atteint 45% du PIB en 2010. Ces dépenses d’investissements ont concernés notamment des infrastructures dans divers domaines (santé, éducation, etc.). L’environnement des affaires créé par la mise en œuvre des réformes a favorisé le financement de projets à travers des partenariats public-privé. Au Mozambique, de tel partenariat ont permis le développement du transport ferroviaire, de ports et du réseau autoroutier avec péage.

Cette étude révèle l’existence de marges pour une croissante plus forte en Afrique et non porté par les ressources naturelles mais plutôt par une politique économique mieux ciblé et les réformes structurelles visant à renforcer le cadre institutionnel. L’expérience de ces 6 pays constitue une source d’enseignements non négligeables pour l’atteinte de l’objectif d’une croissance inclusive durable en Afrique. Ils ont su à travers des réformes et des politiques économiques bien ciblés et bien mis en œuvre, dans un environnement politique stable, redresser leurs économies.

Cependant, les défis restent réels, même dans ces pays considérés comme réformateurs. Si de façon générale, le rapport Doing Business 2014 estime que des efforts sont en cours dans les pays d’Afrique pour assurer un environnement des affaires attractif, il n’en demeure pas moins que la plupart des pays africains sont classé dans les 100 derniers dont la majorité dans les 50 derniers. Un classement qui est en phase avec les difficultés du secteur de l’énergie, notamment celui de l’électricité et des systèmes contraignants d’imposition. Les zone rurales, où se concentres les producteurs agricoles, sont encore enclavées empêchant leur accès au marché et de bénéficier de prix compétitifs. Il y a donc là une nécessité de réaliser davantage d’investissements structurants notamment dans le domaine des infrastructures routiers et dans le secteur de l’énergie tout en adoptant une législation fiscale assez souple pour favoriser la création et le développement des entreprises.

 

Foly Ananou

Faut-il supprimer les subventions à l’énergie en Afrique ?

136120101L’une des recommandations phares du FMI aux pays africains pour assainir les finances publiques est l’abandon ou la réduction des subventions, notamment celle relatives à l’énergie – carburant et électricité. Ces subventions représentent une part assez considérable des budgets annuels des pays africains mais la question de l’approvisionnement en énergie demeure assez critique. Il y a donc raison à se poser des questions sur l'efficacité de ces subventions d’autant plus qu’elles semblent défavorables à l’investissement dans le secteur énergétique et ne profitent en fait qu’aux classes sociales les plus riches. 

D'un point de vue économique, une réforme semble importante mais demeure pour les pays africains une question difficile. De fait, ces subventions constituent un « bouclier social » contre les fluctuations des prix du marché de l’énergie. Il faudrait s’assurer que ces subventions soient pro-pauvres et en même temps facteur de développement du secteur énergétique. Tout un ensemble de travaux ont été menés sur la question. Au regard des résultats de ces travaux et en fonction des réalités socio-économiques africaines, est-il opportun de réviser les subventions à l’énergie en Afrique ? 

Pourquoi des subventions ?

Entre 2003 et 2012, le prix du pétrole a fortement évolué avec un pic de 0,8 USD le litre en 2008. Cette situation est devenue particulièrement contraignante aux pays africains, qui ont vu leur facture énergétique s’accroître à un rythme soutenu dans un contexte où les tensions sociales s’exacerbent. Les pays ne pouvant plus laisser les ménages les plus pauvres supporter les prix sans cesse croissant de l’énergie, ont du recourir aux subventions pour maintenir les prix à des niveaux relativement acceptables.  Des mécanismes ont donc été définis pour que les prix locaux ne soient pas directement indexés au prix international du pétrole.

En ce qui concerne le carburant, ces mécanismes ont induit entre 2008 et 2011, des pertes de recettes fiscales concomitamment à une augmentation des subventions, selon des estimations du FMI. Il estime à 1,6% du PIB en moyenne le coût fiscal de telles mesures pour l’Afrique subsaharienne. Selon les résultats d’une enquête du FMI, la pratique dans la plupart des pays africains consiste à offrir la subvention après que le prix au détail, directement indexé au prix du pétrole, soit déterminé.  

En Afrique, le secteur électrique est souvent sous le contrôle des autorités au travers de sociétés parapubliques, afin d’assurer l’approvisionnement à un prix non marchand. Ainsi, leur chiffre d’affaire est souvent moins important que ce qu’elles réaliseraient en offrant l’électricité au prix du marché. Or les compagnies font parfois face à des coûts supplémentaires imprévisibles et leur difficulté à dégager des marges de profit les empêchent d’entreprendre des investissements durables et considérables pour renforcer l’appareil productif.

Selon une étude de Eberhard et Shkaratan (2012), la capacité installée par personne en Afrique ne représente que 1/3 de celle de l’Asie du sud et 1/10 de celle de l’Amérique Latine. La consommation électrique par personne, quant à elle, vaut 10kWh par mois (Afrique du Sud et Afrique du nord exclus), à mettre en rapport avec les 100kWh dans les autres pays en développement. Dans un tel contexte, les subventions deviennent nécessaires tout au moins pour empêcher la faillite des sociétés. Le FMI estime en 2012 qu’en moyenne les subventions au secteur électrique représentent près de 0,4% du PIB des pays avec des situations assez hétéroclites : au Mali, par exemple, elles ont atteint 0,8%. De plus, ces compagnies accumulent des arriérés de paiement, qui selon le FMI représentent en moyenne 0,8% du PIB des pays ; et des dettes qui ont atteint en moyenne1,5% du PIB.

Face à ces pertes de ressources financières, on pourrait penser qu’il suffirait de laisser le marché réguler le prix de l’énergie afin que ces ressources soient allouées à des projets de développement. C’est d’ailleurs la principalement recommandation faite par les économistes du FMI. En effet, les pays feraient des économies sur les ressources mais auraient par ailleurs des rentrées fiscales sur le prix du carburant mais aussi sur les compagnies électriques. La principale raison servie par les pays est le fait que ces subventions constituent un amortisseur pour les plus pauvres qui ne pourraient certainement supporter les prix du marché.  

Les subventions sont-elles réellement pro-pauvres ?

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Source : Africa Pulse (2012) data base.

Une étude réalisée sur un panel de 9 pays à travers l’Afrique Subsaharienne indique que les ménages les plus pauvres ne consomment qu’en fait qu’une infime part de la production d’électricité. Les ménages les plus riches dépenseraient 20 fois plus que les ménages pauvres pour la consommation d’énergie. 

En réalité les zones urbaines où se concentrent les populations les plus riches, ont un meilleur accès aux ressources énergétiques. Par ailleurs, la différenciation entre les prix par niveau de consommation est insignifiante. Cette situation fait que les petits consommateurs ont la même grille de facturation que les riches et la subvention étant fait au kWh,  seuls les plus grands consommateurs bénéficient au mieux de ces mesures de protection sociale

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Tarif par niveau de consommation

Les subventions sont donc plus profitables aux riches qu’aux pauvres. Selon une étude de Coady (2010), en Afrique, les 20% de la population constitués des ménages les plus riches bénéficient de 45%  des subventions à l’énergie alors que les 20% de la population constituée des ménages les plus pauvres ne profitent que de 8% de ces fonds.

Dès lors, il s’avère nécessaire d’envisager la réduction, voire la suppression des subventions. Ces fonds ne semblent pas réellement être destinés aux plus pauvres mais plutôt aux plus riches. Par ailleurs, elles constituent une charge pour les Etats, qui ont tout intérêt à investir ces fonds dans des secteurs porteurs de croissance ou dans des projets à caractères sociaux.

Toutefois, si les ménages les plus riches peuvent supporter une mesure de suppression des subventions, il pourrait être difficile pour les ménages les plus pauvres de supporter les prix du marché. Dans un prochain article, nous analyserons les possibles impacts de l’augmentation du prix de l’énergie sur le bien-être économique des ménages en l’absence de subventions.

 

Foly Ananou

Eberhard, Anton and Maria Shkaratan, 2012, Powering Africa: Meeting the Financing and Reform Challenge. Energy Policy, vol. 42. IMF.

Coady, David, Robert Gillingham, Rolando Ossowski, J. Piotrowski, Shamsuddin Tareq, and

Justin Tyson, 2010. Petroleum Product Subsidies: Costly, inequitable, and Rising. IMF Staff Position Note.

 

Pour aller plus loin 

Une nouvelle politique du secteur de l’énergie pour l’Afrique

Energie en Afrique : lumières sur les défis du secteur et les opportunités

Assurer une croissance inclusive pour l’Afrique : la vision africaine

Le Fonds Monétaire Internationale (FMI) a publié en début de mois ses perspectives économiques mondiales (WEO). Le scénario indique un maintien des performances économiques pour l’Afrique sur le court terme, bien que pouvant être fortement altéré par les évolutions des prix mondiaux (mines et extractives). Ces performances ont particulièrement attiré l’attention sur la situation socio-économique de l’Afrique et les craintes qu’elles ne soient pas suffisantes pour réduire les inégalités. Une conférence des ministres africains de l’économie en marge de l’assemblée d’automne du FMI s’est penchée sur la question et estime que l’amélioration des infrastructures et une meilleure gestion des ressources naturelles permettraient certainement de promouvoir une croissance inclusive en Afrique. 


une_croissance_inclusive_folySi, par rapport au WEO d’avril (mis à jour en juillet), le scénario mondial du Fonds est plutôt pessimiste pour 2013 (et dans le très court-terme), il estime que la situation devrait s’améliorer en Afrique. Il prévoit une croissance d’au moins 5% par an pour l’Afrique d’ici 2020, conformes à celles réalisées en juin par la Banque Africaine de Développement. Cependant cette performance pourrait être remise en cause par les évolutions des prix mondiaux des principaux produits exportés par l’Afrique. Cette crainte a soulevé la problématique de la diversification des économies africaines et la nécessité de rendre cette croissance inclusive. Cette question qui a constitué à TW-ADI un sujet de recherche, a été l’objet d’une conférence organisée, en marge l’assemblée annuelle du FMI/BM, par certains ministres africains en charge de l’économie et des finances (Angola, Côte d’Ivoire, Gabon, Libéria). Ils estiment que l’Afrique devra miser sur l’amélioration de leurs infrastructures et la gestion de leurs ressources naturelles pour promouvoir une croissance inclusive.

Des efforts contraints par l’environnement économique mondial

Pour améliorer la productivité tout en luttant contre la pauvreté, des efforts considérables ont été mis en œuvre ces dernières années au sein des pays africains pour renforcer le capital humain à travers l’enseignement et la formation. Les ministres estiment que si des mesures très efficaces ont été mises en œuvre dans les pays pour améliorer l’environnement des affaires et rendre leurs économies plus attrayantes, la richesse du continent ne devrait pas simplement se mesurer à l’importance de ses ressources humaines. La qualité des ressources humaines (capables d’effectuer des transformations) pour incorporer plus de richesses à ce qui est extrait, est tout aussi importante. Cependant, beaucoup reste encore à faire face à la défaillance des systèmes scolaires et l’inadéquation de certaines formations professionnelles.

Dans un tel contexte, les économies africaines risqueraient de subir de pleins fouets les tensions qui pèsent sur l’économie mondiale. Les possibilités de financement risquent de se faire rares et les flux commerciaux, déjà très limités de l’Afrique et principalement destinés à l’occident, pourraient se réduire. Le retrait des politiques monétaires non conventionnelles et les retombées des problèmes budgétaires aux États-Unis qui constituent un risque majeur pour l’économie mondiale, seraient moins enclins à épargner l’Afrique comme la crise de 2008. Il devient ainsi impératif pour l’Afrique de s’appuyer, comme la plupart des grandes économies sur son marché intérieur pour assurer son « émergence ».

Résorber le déficit d’infrastructures

Selon les ministres, en plus de l’amélioration de la qualité des ressources humaines, il s’avère plus qu’important de résorber le déficit d’infrastructures de l’Afrique. Ambitieux sont les projets d’infrastructures qui devraient faciliter la circulation des personnes et des biens sur le continent. Se déplacer d’une région à l’autre au sein d’un même pays, ou d’un pays à un autre, est très couteux sur le continent alors que cela est nécessaire pour assurer les échanges commerciaux et financiers, pour le développement des entreprises mais aussi pour le développement de la recherche.

Le secteur énergétique en Afrique est des moins performants et est une source de dépense pour les Etats. Il constitue une des principales causes du déficit budgétaire enregistré par les pays africains du fait des subventions déployées pour assurer l’approvisionnement. Les réserves pétrolières devraient être utilisées de façon à constituer des sources d’approvisionnement pour le continent.  Alors que tous les efforts sont actuellement concentrés sur ce secteur, d’autres secteurs tout aussi importants devraient mériter un regard, notamment le secteur des transports (aérien, maritime, routier, …). Des réformes seraient nécessaires dans le domaine de la logistique pour permettre à ce secteur d’être plus performant.

Gestion des ressources naturelles

Les ministres ont insisté sur l’importance des ressources naturelles pour assurer la croissance à court terme de l’Afrique. Les exportations de pétrole ou de produits miniers ont aidé le continent africain à atteindre un taux de croissance de plus de 5% ces 10 dernières années. Ces ressources étant appelé à s’épuiser, il serait opportun d’entreprendre au niveau national et dans une moindre mesure, au niveau régional, la diversification des économies afin de réduire la dépendance aux ressources du sous-sol. Ainsi le renforcement du capital humain entrepris dans les pays devrait contribuer à améliorer la gestion de ces ressources mais aussi à assurer l’émergence progressive d’un tissu industriel en Afrique.

La situation économique mondiale (la récente crise de 2008), qui certes a épargné l’Afrique, constitue pour le continent une source d’enseignements qui devrait inciter les pays à définir des mécanismes permettant de les protéger des tensions sur les marchés mondiaux. Chaque pays tente aujourd’hui de mettre en place un fonds souverain ou d’investissement avec pour ambition de mettre à disposition des générations futures les moyens financiers nécessaires pour l’entreprenariat. Si l’efficacité de telles structures n’est pas encore prouvée, leur pérennisation est toutefois nécessaire pour assurer une dynamique économique non rentière.

L’ambitieux projet d’une Afrique émergente d’ici 2020, passera forcement par une croissance forte mais inclusive. Une étude menée par le Think-Tank TerangaWeb – L’Afrique des Idées a identifié quelques pistes de réflexions pouvant être favorable à rendre inclusive la croissance en Afrique[1]. Les autorités économiques africaines semblent au fait de cette situation et pensent d’ores et déjà aux mécanismes pouvant permettre de maintenir ou de renforcer les performances économiques actuelles de l’Afrique tout en la rendant favorable au développement social du continent. Selon les ministres africains de l’économie, cela passe par la résolution des questions relatives aux infrastructures et à l’amélioration de la gestion des ressources naturelles.

 

Aller plus loin :

Pour une croissance inclusive en Afrique

La croissance africaine est-elle condamnée à ne pas générer d’emplois ?

Les déterminants d’une croissance africaine à long terme

 

Foly Ananou

 

 

 


[1] Les résultats de cette étude ont fait l’objet de présentations à des conférences internationales. Leur approbation et publication est en cours …

 

 

Le secteur financier de l’UEMOA serait-il en retard par rapport au reste de l’Afrique subsaharienne?

Considérée comme l’une des zones les plus dynamiques d’Afrique, bien que n’exploitant pas de pétrole, l’UEMOA accuse cependant un retard assez important par rapport aux autres zones d’Afrique subsaharienne sur le plan financier. Le cadre macroéconomique, la règlementation, la disponibilité d’information sur les prêteurs et d’infrastructures sont autant de facteurs qui induiraient ce retard. Ceci appelle à des réformes, pour soutenir le secteur et optimiser ses retombés pour cette zone qui va rythmer l’Afrique sur les années à venir, selon la BAD.


une_uemoaLe rôle important du développement financier pour la croissance est bien connu. Selon une étude de Khan et Senhadji (2000), les pays ayant développé leur secteur financier tendent à croître plus rapidement. En effet, le développement du secteur financier favorise l’accès au crédit, permettant ainsi de soutenir l’entreprenariat et la mobilité du facteur travail, vital à la création de richesses.

En Afrique sub-saharienne, le secteur financier présente des situations assez différentes suivant les pays ou groupes régionaux. L’UEMOA, qui est considéré comme l’une des zones d’Afrique qui va rythmer la dynamique du continent sur les prochaines années[1], constitue l’une des zones où le secteur financier a du mal à émerger, bien qu’étant une union monétaire. Le taux de bancarisation au sein de l’UEMOA peine à passer le cap des 20% (objectif de la BCEAO depuis 2010)[2]. Le crédit octroyé au secteur privé (en % du PIB)[3] est à peine passé de 13% en 2000 à 20% en 2011, alors que le taux moyen dans les autres pays non exportateurs de pétrole d’Afrique subsaharienne a quasiment doublé entre 2000 et 2011, passant de 22% a 41%. Des études ont prouvé que les banques dans l’UEMOA sont très réticentes à offrir des crédits malgré un niveau faible d’inflation et la surliquidité du système[4]. Ces mêmes études pointent du doigt le manque d’informations sur la solvabilité de leurs clients comme la principale raison.

Il faudrait donc tenter de renforcer le secteur financier dans l’UEMOA, tout au moins le placer au niveau des autres pays du continent, pour tenter d’intérioriser et de rendre durable cette dynamique de l’UEMOA, qui est jusque là porter par les ventes d’or et d’autres produits miniers. Pour ce faire, il sera nécessaire d’identifier les facteurs qui induisent ce retard de l’UEMOA par rapport au reste de l’Afrique sub-saharienne. A cet effet, il a été considéré un pool de 8 pays non exportateurs de pétrole et dont les populations ont bénéficié d’un revenu moyen croissant assez soutenu (entre 3 et 6%) par an sur les 10 dernières années[5].

Quels facteurs expliquent le retard de l’UEMOA sur les autres pays d’Afrique subsaharienne ?

Kunt (2006) a identifié un certain nombre de facteur pouvant expliquer les différences de performance du secteur financier entre deux pays : d’une part des facteurs non influençables par les politiques et d’autre part ceux qui sont influencés par les politiques économiques.. Cette deuxième catégorie concerne toutes réformes visant à réguler ou à promouvoir le secteur financier ou à maitriser l’inflation ; alors que la première est relative aux facteurs tel que le niveau de développement (mesuré par le revenu moyen par habitant), la taille de la population. Une étude a trouvé que le faible développement du secteur financier de l’UEMOA serait en lien avec la faiblesse de son cadre réglementaire[6]. Sur les bases de ces différents résultats et des facteurs, qui selon Kunt, peuvent expliquer les différences de développement du secteur financier entre pays, il sera déterminé ce qui explique la différence entre l’UEMOA et le reste de l’Afrique subsaharienne. Pour ce faire, il faudra évaluer l’impact sur le crédit au secteur privé de la législation et l’institutionnel, du cadre macroéconomique et des infrastructures (essentiellement l’accès à l’internet) et les prix.

table_uemoaSuivant les critères retenus, les pays de l’UEMOA semblent être de loin les moins performants de l’Afrique subsaharienne. Et selon les simulations[7], certaines de ces différences sont bien à l’origine des écarts observés entres le niveau de développement du secteur financier de cette union monétaire et le reste de l’Afrique subsaharienne.

Le principal constat est que le secteur financier de l’UEMOA est effectivement le plus faible en ASS. L’influence du cadre macroéconomique sur le développement financier : alors que le niveau de revenu a un impact positif sur le développement financier, l’inflation semble plutôt y constituer une entrave. Aussi tous les facteurs relatifs à l’environnement réglementaire ou politique et à la disponibilité d’infrastructures ont un impact sur le développement du secteur financier. Seule la disponibilité de l’information sur les prêteurs ne semble pas suffire pour renforcer le secteur financier. Pris ensemble (cas f), la stabilité politique ne revêt plus d’importance. Ainsi, le cadre macroéconomique, la règlementation, la disponibilité d’information sur les prêteurs et d’infrastructures sont autant de facteurs qui induisent le retard sur le plan financier de l’UEMOA par rapport au reste de l’Afrique subsaharienne.

Améliorer le cadre réglementaire et accélérer les réformes en cours

La nécessité d’améliorer le secteur financier au sein de l’UEMOA est déjà une réalité que sa Banque Centrale (la BCEAO) a à cœur et qui l’ont amené récemment à adopter avec l’appui de la Société Financière Internationale un cadre de financement visant à installer dans les pays membres de bureau d’information sur le crédit. Par ailleurs, un ensemble de projets qui visent à augmenter la connectivité au sein de la zone et à promouvoir l’utilisation des TIC (notamment internet) au sein des pays membres est en cours. Alors que les autres pays de l’Afrique subsaharienne surfent sur la vague du mobile-banking, ceux de l’UEMOA peinent encore à décoller. Ainsi tout laisse penser que l’aboutissement de ces projets, visant à doter l’Union de mécanismes d’information sur le crédit et à assurer la disponibilité de l’internet tout au moins, offrira au secteur financier  de cette zone des opportunités nouvelles et innovantes pour son développement.

En sus de ces projets, il est nécessaire de repenser le cadre réglementant l’exercice d’une activité bancaire ou financier au sein de l’UEMOA – en adoptant une position plus ouverte et moins centrée sur la politique monétaire et de contrôle de l’inflation –, qui pourrait d’une part favoriser la concurrence entre les banques et garantir l’ouverture aux différents agents économiques.

Somme toute, l’UEMOA accuse un retard assez important par rapport aux autres pays d’Afrique subsaharienne sur le plan financier, en raison de sa règlementation bancaire et du manque de dispositif permettant aux banques de s’informer sur les risques relatives aux différents agents, notamment les entrepreneurs. Ce qui crée un manque à gagner pour cette union monétaire, qui a su poser les bases de l’intégration en assurant le mouvement des personnes et des capitaux, et qui bénéficie aujourd’hui d’une dynamique de croissance assez soutenue. Si des efforts sont en cours pour renforcer l’émergence du secteur financier de l’UEMOA, il n’en demeure pas moins qu’il faille encore entreprendre des réformes pour améliorer le cadre réglementaire de l’activité financière mais aussi pour consolider les acquis des différents projets mis en place pour assurer la réalisation de cet objectif.

 

Foly S. ANANOU

 

 

 

 

 


[1] African Economic Report. 2013

 

 

 

 

[2] Rapport 2012 de la Commission Bancaire de l’UEMOA

 

 

 

 

[3] Mesure par excellence du développement financier

 

 

 

 

[4] Demetriades et Fielding (2011). "Why Do African Banks Lend so Little?" Discussion Papers in Economics 11/19, Department of Economics, University of Leicester.

 

 

 

 

[5] Botswana, Cap Vert, Ethiopie, Maurice, Mozambique, Rwanda, Tanzanie et Uganda

 

 

 

 

[6] Ghura, Kpodar et Singh (2009). "Financial Deepening in the CFA Franc Zone:The Role of Institutions," IMF Working Papers 09/113, International Monetary Fund.

 

 

 

 

[7] Estimation avec la méthode des moindres carrés généralisés sur données de Panel. Les résultats des estimations sont disponibles sur demande.

 

 

 

 

La percée qatarienne en Afrique

Le Quatar semble chercher à renforcer ses relations économiques avec l’Afrique. Si les échanges commerciaux restent moins importants que ceux avec les partenaires européens, il n’en demeurent pas moins qu’ils croissent assez vite. Le véritable arme de partenariat du Qatar sur le continent est son fonds souverain, qui a été très actif sur le continent, notamment en Afrique du Nord.

ouattaraDepuis le début de la décennie, le Qatar a été propulsé au devant de la scène mondial avec l’exploitation de ses réserves de gaz naturel. Depuis cette ascendence, le Qatar ne résine pas sur les moyens pour se positionner sur tous les continents. L’Afrique n’est pas du reste. Bien que la présence qatarienne sur le continent soit encore modeste, elle semble évoluer assez rapidement. Une soixantaine de chefs d’Etat et de gouvernement de plus de la moitié des pays du continent se sont rendus à Doha et plus d’une centaine de délégations africaines ont été reçues par les ministres qatariens depuis 2012.

Dans le contexte géopolitique actuel où l’Afrique, centre de toute convoitise, tente d’assurer son développement, il serait opportun d’analyser les différents contours des relations économiques que le Qatar essaie d’établir avec l’Afrique.

Des relations commerciales en pleine croissane

Les échanges commerciaux entre l’Afrique et le Qatar sont assez limités mais enregistrent de forte progression. Entre 2000 et 2012, la valeur des exportations du Qatar vers le continent ont été quasiment multipliées par dix. De même, la valeur des importations du Qatar en provenance de l’Afrique ont connu aussi une évolution plutôt rapide : de 6 MUSD en 2000, ils ont atteint aujourd’hui une centaine de millions. Ainsi l’Afrique représenterait aujourd’hui 0,4% des importations du Qatar et 0,6%  de ses exportations. La part de marché du Qatar sur le continent à atteint 0,1% en 2012, alors qu’il n’était que de 0,07% en 2000.

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Les échanges sont réalisés essentiellement avec l’Afrique du Nord (dont l’Egypte, 1er fournisseur en Afrique et 3ème client africain du Qatar) et dans une moindre mesure avec l’Afrique Australe (dont l’Afrique du Sud, 1er client africain du Qatar et son 2ème fournisseur africain). Le Soudan en Afrique de l’Est et la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest font aussi partie des plus importants partenaires commerciaux africains du Qatar. Des échanges dominés par la livraison de produits chimiques et de combustibles au continent africain et l’achat de minerais et d’intrants pour les activités locales de sociétés qatariennes.

orientation

L’Afrique du Nord, principal bénéficiaire des investissements qatariens[1]

Les investissements du Qatar en Afrique ont été relativement modestes jusqu’en 2010 mais après le déclenchement du printemps arabe, le Qatar tente d’investir sur le continent en s’introduisant en Afrique du Nord à travers le fonds souverain qatarien, Qatar Investment Authority, et ses différentes filiales (Qatar Holding, Qatari Diar, Ooredoo, Qatar National Bank, Barwa, etc.). Ces agences qui pilotent les investissements du Qatar ont notamment assuré des prises de participation dans des banques et des opérateurs téléphoniques, le lancement de programmes immobiliers ou touristiques, les financements de projets industriels et l’acquisition de terres agricoles.

Les investissements qatariens en Afrique sont nombreux et assez diversifiés. On peut mentionner :

–       Le secteur bancaire avec la Société Générale de Banque en Egypte, la National Islamic Bank au Soudan, la Tunisian Qatari Bank, la Bank of Commerce & Development en Libye et l’Union Marocaine de Banque, etc ;

–       Dans le secteur des télécoms avec la Tunisiana en Tunisie et Nedjma en Algérie ;

–       Les complexes hôteliers (pour le secteur du tourisme) installés un peu partout sur le continent : Egypte, Maroc, Tunisie, Gambie, Seychelles et Comores ;

–       Et dans le secteur de l’immobilier.

Par ailleurs, le Qatar utilise le Soudan comme l’une de ses plateformes (tout comme l’Australie) pour ses investissements en matière de sécurité alimentaire. Des millions de dollars ont été débloqués pour l’acquisition de fermes agricoles et la construction d’abattoir, dans le but de fournir au Qatar les produits agricoles nécessaires à sa sécurité alimentaire.

En 2010, Qatar Petroleum a signé un partenariat stratégique avec le groupe français Total pour assurer son insertion dans le secteur pétrolier en  Afrique. C’est ainsi qu’en mai 2013, elle a pris une participation de 15% dans la société Total Exploration & Production Congo. 

Le Qatar aurait compris que l’aide au développement séduit l’Afrique

Avec l’avènement des révolutions tunisienne et égyptienne, qui a fragilisé ces économies, le Qatar y a trouvé le moyen de se positionner en participant à la relance économique. C’est ainsi qu’en marge des investissements qu’il a réalisé dans ces deux pays, il a octroyé à la Tunisie un prêt de 500 M USD sur 5 ans et a acquis pour 500 M USD de bons du Trésor. En Egypte, le Qatar a octroyé, depuis 2011, une aide budgétaire de 1 Md USD et a acquis 5,5 Mds USD d’obligations égyptiennes. Par ailleurs, le Qatar fournit gratuitement à l’Egypte depuis juin 2013 du gaz naturel liquéfié.

Selon les dernier chiffres publiés par l’OCDE (2011), le Qatar aurait accordé à l’Afrique 785 M USD de dons soit près de 77% de l’aide totale du Qatar. L’Afrique septentrionale demeure la principale destination de cette aide (en l’occurrence l’Egypte) suivi de l’Afrique de l’Est.

répartition

Afin de marquer sa présence en Afrique, le Qatar a entamé l’ouverture de son réseau de transport vers l’Afrique à travers sa compagnie arienne Qatar Airways, qui dessert actuellement une vingtaine de destinations en Afrique de façon quotidienne.

En somme, si les relations entre l’Afrique et le Qatar sont encore difficilement maitrisables, les ambitions qatariennes en Afrique sont un peu plus claires et sa stratégie semble se préciser. De plus, même si l’Afrique du Nord semble être le point focal du Qatar en Afrique, il n’en demeure pas moins que l’objectif final du Qatar est d’établir des relations économiques avec l’ensemble du continent.

Pour l’Afrique, ce pays constitue une opportunité de partenariat certaine dans ce contexte mondial de crise et où l’assistance financière et les investissements productifs se font de plus en plus rares. Cependant, si la présence qatarienne inquiète partout dans le monde, il convient de bien définir le cadre de coopération avec ce pays nouvellement riche dont l’objectif principal est d’assurer sa sécurité alimentaire et ses futures sources de revenus après l’épuisement de ces ressources en gaz. Centre de toutes les convoitises (européenne, asiatique, américaine et maintenant, orientale) car considérée comme le continent qui va rythmer la dynamique de la croissance mondiale dans les années à venir, l’Afrique a tout intérêt à choisir de façon stratégique ses partenaires économiques. Le Qatar en est un.

Foly Ananou

 


[1] Il reste, néanmoins difficile de chiffrer les investissements qatari en Afrique

 

Optimiser les Fonds de Garantie pour une meilleure prise en charge des PME en Afrique

Vers une réforme des Fonds de Garantie pour assurer une meilleure participation des PME/PMI au processus de développement.

 

fg_pmeLes systèmes de garantie jouent un rôle important dans le développement des PME/PMI, car ils leur favorisent l’accès au financement bancaire. Ces entreprises qui dominent le secteur privé en Afrique ont du mal à obtenir des financements auprès des banques pour assurer l’expansion et la diversification de leurs activités, bien que disposant d’atouts qui devraient susciter la convoitise des investisseurs, notamment les banques. Cela va sans dire que les banques africaines très risquophobe associent à ces micro-entreprises des niveaux de risques,  mais il est encore mieux de le préciser. Or il est prouvé qu’à tout point de vue le développement des micro-entreprises est favorable à croissance et à l’emploi mais aussi et surtout à l’innovation. La problématique du développement des PME/PMI interpelle ainsi l’action de l’Etat, qui a travers des mécanismes de garantie ont su créer un environnement de confiance entre les places bancaires et les PME. Problématique qui est au centre des politiques de développement dans les pays du continent. Que ce soit au niveau continental, régional ou national, les tentatives pour promouvoir les PME et les mettre au centre du développement sont nombreuses y compris l’instauration de mécanismes dont l’objectif principal est d’assurer l’accès aux financements bancaires aux PME/PMI par l’offre de garantie.

Les mécanismes de garantie en Afrique

La réflexion autour du développement des PME en Afrique, a poussé les décideurs à mettre en place des mécanismes de garantie dont la contribution au développement des PME, et partant de là des économies. Leur objet est unique : offrir des garanties pour l’accès au financement bancaire pour les PME.

La mise en place de tels mécanismes a renforcé la présence bancaire en Afrique et susciter leur intérêt pour les PME sans toutefois permettre l’atteinte effectif de l’objectif principal que constitue l’accès à des financements bancaires. Une étude menée par OSEO-Sofaris pour le compte de l’UEMOA a révélé que si le développement du secteur bancaire dans cette zone a été favorisé par l’instauration de ces mécanismes, qui a résulté en une forte progression des crédits à moyen et long terme, l’offre de ce type de crédit aux PME est demeurée très faible : l’encours de crédit à moyen et long terme représente depuis 2008 plus du tiers de l’encours total des crédits octroyés à la clientèle ; l’information financière sur les crédits accordés aux PME est indisponible du fait de la faiblesse de ces crédits dans le portefeuille des banques.

Cette situation trouve source à plusieurs niveaux[1] :

  • D’un point de vue institutionnel, le mode opératoire des mécanismes de garantie en Afrique repose sur des considérations juridiques avec des procédures assez lourdes qui n’incitent ni les banques ni les entrepreneurs à y avoir recours.

Trois types de méthodes sont généralement appliqués : (i) une méthode bancaire où c’est la banque qui soumet le dossier de prêt de l’entreprise après en avoir fait une étude de viabilité. L’institution de garantie devra refaire elle-même son étude viabilité et décidera en fonction de ce second regard d’accorder ou pas la garantie ; (ii) une méthode client où l’institution de garantie aide l’entrepreneur à monter son projet et la soumission à une banque tout en précisant à cette dernière la possibilité d’offre de garantie et seulle la banque peut décider de la prise en charge de ce crédit ou pas ; (iii) certaines institutions utilisent une méthode mixte.

  • La faiblesse de la disponibilité de l’information financière concomitamment à une mauvaise connaissance des institutions de garantie et les difficultés de l’exigibilité des PME aux offres de garantie.
  • Les offres de garantie, quand elles sont accordées ou quand les banques y ont recours, se concentrent sur des prêts de tailles importantes et dans des secteurs (considérés comme prioritaires) bien précisés dans les attributs de l’institution de garantie.
  • Une mauvaise maîtrise du risque qui freine l’action des institutions de garantie. Les outils de mesure du risque, quand ils sont mis en place, sont très peu utilisés et fournissent des résultats faiblement probants.

En d’autres termes, banques et institutions de garantie ayant une mauvaise connaissance de l’environnement dans lequel elles évoluent et peur du risque sont amenées à se doter d’instruments de « contrôle » qui rendent quasi-inefficace leurs actions en faveur des PME. Ce manque d’efficacité pourrait être résorbé pour renforcer la contribution des PME à l’économie du continent et leur internationalisation.  

Une réponse de qualité

Il faut tout d’abord remarquer qu’une institution publique/régionale de garantie ne peut être perçu comme un substitut aux marchés financiers. Au contraire, elle devrait être un accompagnant du marché financier qui incite les banques à s’intéresser à la demande de crédits des PME.  

Toute la problématique de l’accès au financement bancaire des PME en Afrique est avant tout relatif à un problème de manque d’information et donc de maîtrise du risque. Dans ce cas précis où il peut être très délicat d’obtenir des informations fiables sur les PME même si elle est formellement enregistré, ce problème peut être perçu comme un problème d’assurance et de réassurance : la PME est comme une voiture que la banque ou plus généralement une institution financière conduit et qui se fait assurer auprès d’une institution de garantie. Comme dans ce cadre, le conducteur doit pouvoir récupérer une partie de l’investissement effectué pour s’acquérir la voiture, en cas d’accident et l’assureur doit aussi s’assurer de ne pas avoir à dépenser beaucoup dans ce cas. Les systèmes de garantie joue presque le même rôle : rassurer la banque qu’elle se fera rembourser même en cas de défaillance de la PME mais aussi s’assurer de ne pas perdre son capital en assurant trop d’activités et se retrouver dans une situation de non solvabilité ou de non tenue de ces engagements. C’est dans cette optique que ces mécanismes se sont verrouillés dans des procédures et des critères qui s’avèrent être assez restrictifs.

Lever ces contraintes passera donc nécessairement par une souplesse des procédures. Il est tout à fait possible à ces systèmes de réduire les critères d’accessibilité et de recours à leurs produits en faisant une meilleure application des outils de mesure du risque proposés dans les théories d’analyse économique du risque et de contrats. Doté d’un capital de fonctionnement, il serait judicieux pour les systèmes de garantie de déterminer a priori un coefficient multiplicateur qui conditionnera l’encours de risque à prendre sur leur exercice annuel tout en définissant et en adoptant des règles d’indemnisation adapté à chaque type de projet et basé sur une étude préliminaire d’analyse de risque. Ces règles d’indemnisation seront certainement plus incitatives pour les banques que celles définies à partir d’étude de dossier. Il faudrait aussi adapter l’offre de garantie aux stratégies des banques et non l’inverse. Ces systèmes devraient se positionner comme des services financiers supplémentaires au service des banques. Cela ne veut en aucun cas exprimer un certain laisser faire car les fonds de garantie auraient la possibilité de rejeter certaines demandes si le risque auquel se soumet la banque est très élevé. Ceci pourrait se traduire par une incitation à la formalisation des PME[2].

Les pouvoirs publiques devraient aussi renforcer les efforts consentis pour renforcer l’environnement des affaires car la disponibilité d’information fiable qui est le centre de toute décision de prêt, ne serait que favorable avec l’adoption de norme comptables et d’une procédure favorable à la création d’entreprise qui pourrait inciter l’installation de cabinets comptables et/ou de centres d’analyse de risque indépendants, compétents et crédibles, qui pourraient ainsi fournir de l’information sur la solvabilité des entreprises. Le renforcement du système judiciaire et la revue des contraintes fiscales seraient en plus un atout pour confirmer la disponibilité et l’accès des PME à des opportunités nouvelles de financement. Ils devraient par ailleurs intégrer la participation des systèmes de garantie dans le développement et l’implémentation des programmes ou politiques de promotion des PME.

Somme toute, l’utilisation des systèmes de garantie au profit du développement des PME en Afrique est opportune et constitue l’une des pistes sérieuses identifiées par les pouvoirs publiques pour assurer le développement des PME à travers l’accès au financement bancaire. Néanmoins, leur fonctionnement est altéré par des dispositifs prudentiels (bien que judicieuse compte tenu de l’environnement dans lequel ils évoluent) mais qu’il est temps d’améliorer afin de garantir une meilleure visibilité de leurs actions et les rendre plus efficaces.  

Foly Ananou

 

 

 

 

 


[1] Horus Développement Finance et Oseo, Rapport d’études sur les instruments de garantie et le marché des garanties bancaires dans l’UEMOA. Janvier 2011.

 

 

 

 

[2] Ce qui aura un avantage sur le plan de la fiscalité mais aussi facilitera l’interactivité entre les banques (qui ne s’intéressent qu’à des entités formelles) et ces entreprises.

 

 

 

 

Les transferts de fonds contribuent-ils au développement économique ?

APAForte d’une importante diaspora, l’Afrique perçoit chaque année d’importantes devises étrangères envoyées par les travailleurs émigrés. Un article antérieur faisait l’état des lieux de ces capitaux à destination de l’Afrique. Il indiquait que les fonds envoyés par les migrants vers le continent, ont atteint depuis le milieu de la dernière décennie un niveau tel qu’ils rivalisent avec les investissements directs étrangers (IDE) et rendent négligeable les aides publiques aux développements (APD). L’importance du phénomène a favorisé le développement des technologies de transfert d’argent en Afrique. Des agences dédiées se créent et l’informel prend du poil de la bête.

Compte tenu de leur importance et leur stabilité, ces capitaux pourraient fortement contribuer à l’effort économique. Cette note se propose d’examiner la contribution effective de ce flux financier au développement économique du continent.

Une contribution à l’activité réelle ?

Destinés seulement à soutenir la consommation, ces fonds participent moins à un effort de productivité. D’une part, la migration en Afrique est souvent motivée par la simple volonté d’apporter son soutien à la famille ou la communauté, qui a dû contribuer pour envoyer certains membres à l’extérieur, et non dans le but de constituer un fonds de commerce. . Comme l’illustre la figure ci-contre, le taux de croissance en Afrique semble ne pas être très lié aux transferts de fonds de sa diaspora.

L’impact que pourrait avoir ces capitaux dépend de l’utilisation faite des sommes reçues, de l’effet de l’émigration sur l’emploi domestique, la capacité de production du pays et de l’utilisation faite par les ménages bénéficiaires de ces transferts réguliers. Du point de vue de l’offre, les envois de fonds freinent la croissance[1]. En revanche, les études qui mettent en phase les transferts et le circuit d’investissement,  indiquent que les transferts stimulent la croissance[2].Ainsi dans le cadre africain où ces fonds sont destinés à soutenir la consommation, il est possible qu’ils ne contribuent pas à l’essor économique du continent.

 img_apa_iiSur les cinq dernières années, les transferts de fonds de la diaspora ont été stable, le taux de croissance a été assez forte (plus de 3% en moyenne) et la dette extérieure est restée à des niveaux assez élevés, bien qu’en baisse.[3] En réalité, la croissance en Afrique est tirée par les secteurs miniers, dont les investissements sont financés principalement par des capitaux européens, asiatiques ou arabes. Si cette dette, contractée pour financer l’appareil productif africain, était remboursée à des épargnants africains, cela engendrerait des capitaux à réinvestir sur le continent, une internalisation de la richesse créée en lieu et place de leur fuite vers l’étranger. Bien que les perspectives soient très bonnes pour le continent, chaque projet de développement nécessite des financements que les gouvernements africains mobilisent auprès de bailleurs qui ne font pas du philanthropisme ou nécessitent l’intervention d’industriels étrangers dont les intérêts résident dans leur pays d’origine. Si l’Afrique ne participe pas elle-même au financement de ses projets, le fort potentiel de croissance que l’on prête au continent ne lui serait pas effectivement profitable.

Pourquoi la solidarité ne serait-elle pas bénéfique ?

Il faudrait d’abord souligner que la solidarité « à l’africaine » telle que perçue (l’abandon du soi au profit de la communauté) n’a rien de condamnable. En effet, ces fonds contribuent énormément  à la réduction de la pauvreté. Une étude de la Direction de la Prévision et des Etudes Economiques du Sénégal réalisée en 2008 a révélé que les transferts reçus des migrants réduisent significativement la pauvreté au Sénégal. La Banque Mondiale et le FMI appuient volontiers cette thèse sur l’impact positif des transferts de fonds sur la réduction de la pauvreté et des inégalités. Toutefois, il serait nécessaire de voir dans cette solidarité africaine, un moyen de financement de l’économie africaine. Autant l’Afrique n’ose se passer des aides au développement (très controversées) et des prêts (qui alourdissent sa dépendance), autant le ménage dépendant de son membre de la diaspora trouvera du mal à se séparer de l’allocation mensuelle fournit par ce dernier.

Mutualiser les transferts d’argent pour le développement

Les capitaux dont a besoin l’Afrique aujourd’hui pour son développement peuvent être levés à partir de ces fonds qui sont disponibles, stables et assez importants. Le seul problème, c’est qu’il s’agit de transactions individuelles. Ainsi, il faudrait déjà commencer par une structuration de la diaspora. Très souvent, il faut attendre la survenue d’un problème pour voir les ressortissants d’une communauté se regrouper pour mobiliser les fonds. Ce fût le cas du Mali lors des évènements de mars 2012. Supposons dans le cas malien, que la communauté se soit regroupée, faisait des cotisations prudentielles chaque mois. Dans ces conditions, il aurait été plus aisé pour la diaspora malienne d’apporter son soutien financier au Mali. Une telle initiative à grande échelle serait certainement dans l’intérêt du continent : il ne s’agirait pas de créer un club de Paris à l’africaine mais de mettre sur pied une structure panafricaine qui saura rassembler autour d’elle toute la diaspora et les amis de l’Afrique et qui serait une sorte de Banque d’Investissement financé par la diaspora. L’idéal serait de rassembler chaque communauté autour d’un point focal national, régional et ensuite africain en fédérant tous ces groupements. Ceci permettrait d’une part à ceux de la diaspora qui ont consenti au don de soi pour la communauté de mener tout au moins une vie décente dans leur pays d’accueil et d’autre part de participer à instaurer un climat favorable à l’émergence d’opportunités économiques sur le continent.

Faire participer les bénéficiaires

Il serait par ailleurs judicieux d’intégrer dans la mesure du possible les ménages bénéficiaires dans le secteur bancaire formel afin de favoriser l’épargne mais aussi de mettre en place un mécanisme permettant de canaliser cette épargne vers des utilisations productives. Les banques africaines peuvent  faciliter l’investissement des transferts en combinant des services financiers comme les produits d’épargne et des prêts aux entreprises pour les ménages bénéficiaires. Le marché est actuellement dominé par des agences de transferts de fonds qui ne visent pas directement le développement et qui ne sont d’ailleurs pas susceptibles de proposer à leurs clients des produits financiers annexes. Il s’agit là d’une opportunité à saisir par les autorités en mettant à profit les banques pour que ces transferts puissent participer à des activités productives.

Il est nécessaire de préciser toutefois que ces fonds seraient incapables de soutenir à eux seuls un développement durable et indépendant sur le long terme. L’émigration étant une fuite de mains d’œuvre, elle pourrait gravement affecter le marché national du travail, surtout quand il s’agit d’une émigration de travailleurs qualité. Par ailleurs, les apports élevés et croissants de ces fonds exigent que les autorités, prennent en compte les retombés éventuels du syndrome hollandais sur le taux de change réel.

Foly Ananou

 


[1] Caceres and Saca (What Do Remittances Do? Analyzing the Private Remittance Transmission Mechanism in El Salvador,” IMF Working Paper06/250, 2006)  ont montré, pour le cas du Salvador où les transferts des migrants financent principalement la consommation, font baisser l’épargne, résultant ainsi en une contraction de l’activité.

 

 

 

[2] Giuliano, Paola, and Marta Ruiz-Arranz, “Remittances, Financial Development, and Growth,” IMF Working Paper 05/234, 2005

 

 

 

[3] Justifiant les efforts consentis par les pays pour effacer leurs ardoises de la dette auprès de l’extérieur

 

 

 

Les Fonds de garantie : une nécessité pour le développement

pmeUn secteur privé fort et dynamique joue un rôle important dans la dynamique économique d’un pays. Il soutient la croissance et le développement. Loin de disposer d’un tissu industriel puissant, le secteur privé africain est dominé par les PME/PMI (dans la majorité informelles) qui s’activent dans des secteurs assez variés (extractives, le pétrole, agro-alimentaires) même si la situation reste assez hétérogène d’un pays à un autre – au Nigéria par exemple, les PME représentent près de 95% de l’activité manufacturière formelle[1]. Elles jouent un rôle assez important dans l’activité économique car créatrice d’emplois, source d’innovations et d’investissements. Clair Lelarge (2009)[2] a montré dans le cas de la France que les PME constituent un maillon indispensable pour le développement. Certaines deviendront d’ailleurs de grandes filiales : le cas Dangoté, qui n’a commencé qu’en tant que livreur mais qui est aujourd’hui à la tête d’un empire industriel.

Le cas de Dangoté bien qu’illustratif ne constitue que les cas isolée et énigmatique des self-made africains : toutes les PME ne sont pas appelées à devenir des filiales imposantes. Cependant en Afrique, le développement des PME se heurtent à un certains nombres de contraintes juridiques et financières. En Afrique du Sud où le secteur privé est le plus dynamique sur le continent, les PME représentaient en 2003 plus de 50% de l’emploi mais ne contribuent qu’à 22% du PIB alors que les grandes entreprises participaient à près de 65% du PIB alors qu’elles sont de loin les mauvais élèves en création d’emplois(1). Au-delà de l’aspect juridique, d’un environnement des affaires assez lourd avec des infrastructures inadéquates, la principale contrainte à l’émergence des PME en Afrique est relative à l’accès au crédit. Le ratio Crédit/PIB reste inférieur à 1% dans tous les pays d’Afrique alors que ce ratio est supérieur à 1 dans les pays développés.

pme_iCette situation relève du fait que les PME africaines souffrent de leur taille – même si elle les protège des éventuels recours en justice parce qu’en cas de litige il y aurait presqu’aucun actif à saisir – et assez souvent de leur caractère informel. Elles ont souvent recours à des technologies assez simples qui font qu’elles sont perçues par les établissements financiers comme des entreprises à risque. Dans de telles conditions, il est difficile et très coûteux aux banques de trouver des informations sur la capacité de remboursement de ces entrepreneurs. Elles deviennent donc réticentes à leur accorder du crédit bancaires.

Pour résoudre le problème, les gouvernements ont trouvé un mécanisme assez simple : garantir aux banques le remboursement des prêts des PME, en cas de faillite. L’enjeu est double. D’une part, il permet d’insérer dans le secteur formel toutes ces micro-entreprises, qui constituent un manque à gagner fiscal et économique pour les pays. D’autre part, il favorise l’accès à des financements bancaires à ces entreprises. En Afrique, ce genre de mécanisme d’assurance-crédit existe mais leur efficacité reste à l’épreuve.

Les PME d’Afrique : quelques caractéristiques

Le terme PME reste en effet assez vague. Il n’existe pas de définition universellement acceptée de la PME ou de la PMI (petite ou moyenne industrie). Suivant chaque pays ou zone, le statut de PME est déterminé par un certain nombre de facteurs, des enjeux économiques et des politiques que les autorités comptent mettre en place.

En Afrique, le Forum de Cotonou[3] a fait le constat selon lequel une «définition formelle de la PME, qui permettrait son identification et sa reconnaissance par l'environnement et qui pourrait servir de base pour des politiques et des stratégies nationales et régionales, ainsi que pour des partenariats, soit n'existe pas, soit n'est pas complète, soit est trop large et englobe toutes les entreprises, soit manque d'harmonisation». Cependant les PME présentent toutes des caractéristiques communes quel que soit la zone ou le pays considéré : petite taille, système d'information interne simple, capacité d'innover rapidement pour s'adapter au marché, une proximité entre patron et employés qui se traduit par une structure plate. Ce qui les différencie fondamentalement suivant la zone économique ou le pays[4] : le chiffre d'affaires, les investissements initiaux et le nombre d’employés.

L’autofinancement et les associations informelles d’épargne et de crédit – les tontines – constituent les principales sources de financement des PME africaines. Ces mécanismes sont peu fiables, peu prévisibles et limités dans leur rôle de mutualisation du risque en raison de leur concentration géographique ou sectorielle. Ils ne peuvent donc offrir à ces entrepreneurs les moyens financiers pouvant permettre une expansion de leurs activités.  Mais leur accès aux finances formelles est très contraint. En effet, les banques associent un risque de défaut très important à ces PME.  Les PME africaines sont rarement en mesure de satisfaire aux conditions fixées par les Banques. Elles sont donc considérées comme risquées à financer par les institutions financières. Le système financier étant sous développé en Afrique, les offres de financement sont très limitées et les banques préfèrent prendre des risques bien couverts. Par ailleurs les organismes de micro-crédit – qui semblent plutôt bien adaptés pour financer ces PME – n’ont pas la capacité financière suffisante pour doter ces entreprises des capitaux dont ils ont besoin.

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Importance des mécanismes de garantie

Un fonds de garantie peut être perçu comme l’assureur de la banque. En effet, un fond de garantie remplace la garantie que les banques réclament pour accorder du crédit à un particulier. Par ce mécanisme, les autorités incitent les établissements financiers à accorder du crédit aux PME en les rassurant qu’en cas de défaut ou de non-remboursement de l’entreprise, l’Etat se chargera de rembourser les crédits. Cette situation semble assez opportuniste pour les banques qui pourraient donc offrir du crédit à qui veut, surtout que c’est l’Etat qui rembourse. Le système fonctionne comme tout service d’assurance : les banques doivent payer des primes sur chaque crédit accordé afin de bénéficier des indemnités de l’Etat en cas de défaut de paiement de la part des entreprises. Toutes les parties y gagnent. L’Etat crée de nouveaux emplois et disposent d’une source de recettes fiscales, les PME disposent enfin d’une voie tout faite pour accéder à des finances formelles et les banques peuvent se faire du profit dans un secteur privé dont le potentiel est énorme.

pme_iiL’efficacité de ces mécanismes a été mise à l’épreuve et il a été montré que ces fonds favorisent le développement des PME, la création d’emplois. Ils favorisent ainsi l’investissement dans des tous les secteurs, même ceux considérés comme risqués. Cependant, ils augmentent le risque de faillite des entreprises qui s’engagent dans des activités risquées (voir tableau). En effet, une récession empêcherait ces entreprises, qui dépendent fortement de l’économie locale, d’être solvables.

Sur le continent, il existe déjà des fonds de garantie pour faciliter l’accès au crédit des PME. Cependant les banques sont toujours aussi réticentes à apporter les soutiens financiers à ces entreprises. Les banques n’ont pas assez confiance au fonctionnement et aux procédures de ces mécanismes. Nous reviendrons dans la suite sur la situation des mécanismes de garantie en Afrique.

Foly Ananou


[1] Banque africaine de développement et le Centre de développement de l’OCDE, Perspectives économiques en Afrique (2004-2005).

 

 

 

 

[2] Claire Lelarge et al. Entrepreneurship and Credit Constraints : Evidence from a French Loan Guarantee.2009

 

 

 

 

[3] Le forum international sur la PME en Afrique s'est tenu à Cotonou du 3 au 5 mai 2005 et regroupait les pays de l'Afrique l'ouest et ceux de l'Afrique centrale.

 

 

 

 

[4] Pour exemple : au sein de UEMOA, toute entreprise dont le CA est inférieur ou égal à 1 Mds XOF avec un investissement initial compris inférieur ou égale à 30 M XOF et qui peut employer jusqu’à 200 personnes est une PME ; alors qu’en CEMAC suffirait que le CA n’excède pas 500 M XAF avec un investissement initial d’au plus 100 M XAF avec au plus 200 emplois pour être classée comme PME.

 

 

 

 

Les transferts de fonds : L’Aide «privée» africaine…au développement?

APAPersonne n’aime quitter son chez soi pour des terres inconnues. L’émigration s’impose lorsqu’on veut contribuer à un meilleur avenir pour sa famille, sa communauté ou pour son pays. C’est le cas des étudiants à la recherche d’une meilleure formation en occident, ou des travailleurs qui profitent de la globalisation (mobilité du facteur capital). Cette contribution prend plusieurs formes : intellectuelle (les initiatives comme Terrangaweb) ou financière. Cette note se focalise sur la deuxième forme de contribution, qui est l’essence même de la solidarité entre la diaspora et leur pays d’origine. Selon la Banque Africaine de Développement, l’Afrique est la partie du monde qui bénéficie le plus de ces flux financiers. En 2012, on estime à 60 Mds USD le montant total des transferts effectués par la diaspora vers le continent. Ce montant devrait atteindre 64 Mds USD en 2013/2014. Des fonds assez importants dont on peut bien se demander l’utilité. Une chose est certaine ; c’est que ces fonds rentrent sur le continent et donc participent d’une façon ou d’une autre au bien-être de leurs destinataires.

Les transferts de fonds comme second flux de capitaux étrangers en Afrique

Les transferts sont des transactions portant sur des sommes d’argent généralement comprise entre 50 et 1 000 euros.  Ils sont de l’épargne des migrants, des salaires envoyés directement par les employeurs et des transferts sociaux versés directement aux migrants ou à leur famille dans leur pays d’accueil (pensions, retraites, allocations familiales, frais de maladie, etc.)[1]. L’Afrique est l’une des régions du monde qui bénéficient de plus en plus de ces flux financiers[2]. Actuellement, les envois de fonds représentent environ plus du tiers du total des flux financiers vers l’Afrique (voir figure).

img_apa_iSelon les données de la Banque Mondiale, les transferts de fonds vers l’Afrique représentent en moyenne sur les 5 dernières années plus de 3 % du PIB de plusieurs Etats africains. Cette proportion va jusqu’à 30% pour le Cap Vert, qui est un pays qui présente la particularité d’avoir plus de ressortissants dans la diaspora que sur son territoire national. Les transferts des migrants constituent le deuxième flux de capitaux étrangers vers l’Afrique après l’investissement direct étranger (IDE) et devant l’aide publique au développement (APD). Selon une l’étude (1) de Flore Gubert, les transferts de fonds vers l’Afrique ont  été plus importants que l’aide publique au développement depuis le début des années 1990. Ces fonds présentent au moins l’avantage d’être plus stables que les autres flux de capitaux d’origine privée. En effet, malgré la crise de 2008/2009, la BAD estime que le montant des transferts est resté stable jusqu’en 2011 et devrait amorcer une hausse à partir de 2013.

Toutefois, ces données ne prennent pas en compte les transferts effectués de manière informelle vers l’Afrique, qui tendent à devenir de plus en plus importants. Ces importantes sommes d’argent acheminées par des canaux informels ne sont pas comptabilisables. Des réseaux bien plus flexibles et moins onéreux que les institutions classiques offrent ce genre de services et concurrencent sérieusement les sociétés de transferts de fonds. Au Sénégal par exemple, le système consiste à faire passer de l’argent par l’intermédiaire d’une entreprise d’import-export présent sur le territoire. Le migrant dépose le montant auprès d’un représentant dans son pays d’accueil moyennant une indemnisation moins importante qu’en cas de recourt à un agence spécialisée de transferts de fonds. Le correspondant de ce dernier résident au Sénégal remettra tout simplement le montant équivalent à la famille du migrant sur place. Tout se passe comme si l’on remettait un cadeau à une connaissance, qui une fois de retour, fera la commission à la famille. Tout ceci étant, l’aide « privée » africaine pourrait être en fait le premier flux de capitaux étrangers à destinations de l’Afrique, déduction faite des fonds issus de la cybercriminalité et qui emprunte les mêmes canaux.

Ces transferts créent une activité, tout au moins dans le secteur financier : bon nombre de services sont créés pour les transferts d’argent (W@ri par exemple) même si la concurrence se fait rude. Au-delà ; l’impact des transferts sur le bien-être des ménages devrait être positif car ils augmentent ou procurent un revenu aux familles ou aux communautés. L’investissement faisant appel à l’épargne, ces fonds devraient donc vraisemblablement contribuer à une amélioration de l’activité. Est-ce effectivement le cas ? Nous y reviendront dans l’acte 2 de cette note.

Foly Ananou.

 


[1] F. Gubert, L’impact des transferts de fonds sur le développement des pays d’origine : le cas de l’Afrique, Migrations, Transferts de fonds et développement, OCDE, 2005

[2] Rapport Perspectives Economiques en Afrique 2013. BAD.