Burkina Faso: Y a-t-il péril dans la demeure Compaoré ?

Terangaweb_Blaise CompaoréAvant le 21 mai dernier, date du vote de la Loi organique portant organisation et fonctionnement du parlement instituant un Sénat, nul n’aurait parié sur une telle accélération vertigineuse de l’histoire quelques mois plus tard au Burkina Faso.  La scène politique de ces deux dernières décennies se résumait ainsi : un parti au pouvoir ultra majoritaire, sûr de ses forces, face à une opposition divisée et émiettée. Mais une chose est certaine : depuis le 21 mai, l’échiquier politique est en pleine recomposition et bouillonnement.

Quelques moments politiques forts de l’année 2013

Le débat politique national connait un regain d’intérêt ces derniers mois tant au niveau de la classe politique que de la société civile.  Le Sénat et l’article 37 de la constitution (qui dispose que le Président n’est rééligible qu’une seule fois) sont les points saillants qui divisent l’opinion. Le début de la contestation nationale fut véritablement sonné le 29 juin 2013 à travers une marche-meeting organisé par le CFOP (Chef de File de L’opposition Politique) et qui a drainé des centaines de milliers de manifestants dans plusieurs villes du Burkina. Pendant ce temps, l’autre camp, le parti au pouvoir CDP (Congrès pour la Démocratie et le Progrès)  multipliait également ses sorties pour la mise en place effective de ce Sénat.  Ses militants seront aussi dans la rue le 6 juillet 2013 : bien qu’initialement présentée comme une marche « pour la paix sociale », la manifestation, à en croire les pancartes, visait avant tout à réitérer leur attachement à la mise en place du Sénat et leur volonté de voir modifier l’article 37 afin  de permettre à Blaise Compaoré de se représenter en 2015. Le défi était donc lancé.

Un mois après la première marche, le 28 juillet 2013, l’opposition réunie au CFOP revient à la charge. Elle a le soutien de la grande majorité des structures de la société civile qui oppose également un refus catégorique à la mise en place du Sénat et surtout aux velléités de modification de l’article 37. Forte de ce soutien de toutes les forces hostiles « aux manœuvres du régime en place », une grande marche-meeting est organisée sur toute l’étendue du territoire nationale. Elle mobilise plus que la précédente et l’opposition prend plus de confiance, s’organise et renforce l’EMCP (l’Etat-Major Permanent de Crise). Zéphirin Diabré, chef de file de l’opposition politique, multiplie les sorties et appelle la population à rester mobilisée. Contre toute attente, le 30 juillet 2013, le président du Faso déclare depuis Yamoussoukro qu’« une marche n’a jamais changé une loi ». Le climat politique se crispe, son « manque de culture » est dénoncé, les déclarations fusent de partout.

Quelques mois après cette déclaration hasardeuse, le chef de l’Etat « dans sa quête de paix et de cohésion sociale » entame des échanges avec le corps religieux. Cette carte sera aussitôt grillée. L’église catholique réitère son refus à la mise en place du Sénat. Les autres composantes se trouvent profondément divisées par la question. Une tentative de semer la division au sein des différentes confessions religieuses est dénoncée. Le secrétaire exécutif national du CDP (SEN) Assimi Koanda est hué à la grande mosquée de Ouagadougou. C’est dans cette confusion générale que le chef de l’État suspend le processus de mise en place du Sénat en commandant un « rapport d’étape circonstancié sur le processus d’opérationnalisation du Sénat ». Cette « reculade » est perçue comme une « demi-victoire » par le camp adverse : le régime vient de démontrer, contrairement à la déclaration de Yamoussoukro, qu’il n’est pas aussi sûr de ses forces. Malgré tout, chaque partie multiplie les rencontres avec sa base. La presse et les réseaux sociaux deviennent le centre d’expression des opinions.  Tout semble pourtant calme pendant quelques semaines, jusqu’à ce que Blaise Compaoré lâche ces mots à la presse « le Sénat sera bel et bien mis en place » et «la constitution n’interdit pas de modifier l’article 37 ». C’était le 12 décembre 2013 à Dori lors des festivités des 53 ans de l’indépendance du Burkina Faso.

Les opposants sortent de nouveaux de leur sommeil temporaire, la société civile aussi. Lors de la commémoration le 13 décembre 2013 du quinzième anniversaire de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, les responsables du Balai Citoyen affirment reprendre la lutte après les fêtes. 2014 s’annonce donc être l’année de toutes les tensions avant « l’assaut final » en 2015, avec les élections. Le CDP se prépare lui aussi, et la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP/BC), qui regroupe les soutiens du Président, n’est pas en reste. Mais la grande surprise viendra à nouveau du régime en place, au début du mois de janvier.

Cascade de démissions au CDP

5 janvier 2014,  coup de tonnerre dans le paysage politique national. Le parti au pouvoir est secoué d’hémorragie. 3 gros bonnets viennent de quitter le navire emportant dans leur mouvement 72 autres de leurs camarades. Il s’agit de  Roch Marc Christian Kaboré (ancien président de l’Assemblée nationale de 2002 à 2012), Simon Compaoré (ancien maire de Ouagadougou de 1995 à 2012) et Salif Diallo (ex-conseiller spécial de Blaise Compaoré et ancien ministre d’Etat, ministre de l’agriculture). C’est à travers une déclaration  rendue publique le 4 janvier et adressée au secrétariat exécutif national (SEN) du parti  qu’ils ont égrené leurs griefs. « Par les violations répétées de ses textes fondamentaux, la caporalisation de ses organes et instances, les méthodes de gestions fondées sur l’exclusion, la délation, les intrigues, l’hypocrisie, la coterie, vous êtes parvenu, en si peu de temps, à vider cette plateforme fondatrice de son contenu initial, et à liquider les nombreux acquis chèrement conquis par le travail inlassable de ses militants » pouvait-on lire dès le deuxième paragraphe. Aussi ils affirment assister à des « tentatives d’imposer la mise en place du sénat aux forceps et à des velléités de réviser la constitution dans le but de sauter le verrou des limitations du mandat présidentiel dans un contexte où le peuple est profondément divisé » avant de conclure en annonçant leur « démission du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP)».

En réponse à cette déclaration, le SEN du CDP rétorque en qualifiant ces démissions de « non évènement » et en qualifiant les auteurs de traitres, de spécialistes en intrigues et manœuvres de déstabilisations etc. Les conflits internes de ce parti étaient un secret de polichinelle et les risques d’implosion étaient plus ou moins prévisibles. En effet, en 2009 déjà Salif Diallo dénonçait dans une interview accordée à L’Observateur Paalga la patrimonialisation du pouvoir, toute chose qui lui a valu une exclusion du bureau politique national du parti alors présidé par Rock Marc Christian Kaboré. Quelques années plus tard, en mars 2012, lors du congrès du parti, nouveau coup d’éclat. Plusieurs cadres historiques dont Rock Mark Christian Kaboré, Simon Compaoré sont débarqués des instances dirigeantes. Juste après cette douche froide, aux élections législatives et municipales couplées du 2 décembre de la même année, ces derniers sont aussi écartés des différentes listes bien qu’ils sont des figures emblématiques dans leurs localités respectives voire au plan national. Alors qu’un malaise profond était perceptible au sein de ce parti, les nouveaux « patrons » du parti dirigé par Assimi Koanda arguent de la nécessité du rajeunissement comme argument.

Ainsi, à l’image des refondateurs et d’autres anciens camarades comme Zéphirin Diabré, Ablassé Ouédraogo qui animent l’opposition, ils ont eux aussi claqué la porte de ce « méga »-parti qu’ils ont construit de toutes pièces. Au-delà des déclarations et autres clashs par presse interposée avec leurs camarades d’hier, les nouveaux opposants ont entamé leur initiation le 18 janvier dernier lors de la grande marche nationale contre le Sénat, la modification de l’article 37 et la politique générale du gouvernement. Ce 25 janvier, ils ont procédé à la création de leur nouveau parti, le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP) dont Roch Marc Christian Kaboré préside aux destinés.  Toutefois, la question de leur crédibilité et sincérité fait débat. Ce qui est certain, des choses se préparent ; seuls les oracles politiques pourraient prédire l’avenir au pays des hommes intègres.

 Ismaël Compaoré et Noraogo Nabi

 

La crise dans les cités universitaires burkinabè s’accentue : à qui la faute?

Campus BurkinaLa tradition de la violence s’intensifie dans nos universités. Aucune leçon tirée des précédentes crises, même celles récentes de 2008 et de 2011. Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, on ne peut que retomber dans les travers du passé pérennisant ainsi le mal-être dans nos universités. La dégradation des relations entre étudiants et autorités universitaires va crescendo et on est en droit de se demander qui des deux acteurs doit faire preuve de sagesse ?

C’est l’impression générale qui se dégage de cette nouvelle crise universitaire, qui certainement restera gravée à jamais dans les annales et surtout dans les mémoires des étudiants directement concernés. Mais quelles ont pu être les raisons de ce qui est convenu d’appeler la crise des cités universitaires de Ouagadougou?

Origines de la crise

Tout a débuté au soir du 30 juillet par une information verbale signifiant aux étudiants l’arrêt des œuvres universitaires (fermeture des restaurants, cités, infirmerie etc.) au 31 juillet 2013 et ce pendant deux mois (août et septembre). Vraisemblablement cette décision ne respecte pas le droit d’autant plus qu’elle n’a pas été officiellement notifiée par écrit aux intéressés d’une part et d’autre part par ce qu’elle ne prévoit aucun délai raisonnable pour son entrée en vigueur. A l’analyse du contexte sociopolitique, cette incongruité se justifie tout simplement par des motivations d’ordre politique. En effet, la grande mobilisation estudiantine pour les manifestations de l’opposition les 29 juin et 28 juillet et de la société civile le 20 juillet 2013 y ont été pour beaucoup. En rappel, ces différentes manifestations s’inscrivent en droite ligne de la contestation nationale contre le régime de Blaise Compaoré à travers le refus de l’instauration d’un Sénat et d’une éventuelle modification de l’article 37 de la Constitution limitant à deux le nombre de mandats présidentiels.

Pris de cours par les événements

Pris au dépourvu, les étudiants s’organisent spontanément dès le lendemain dans une série de manifestations qui visaient d’une part à contraindre le Centre National des Œuvres Universitaires (CENOU) à revenir sur sa décision et d’autre part informer l’opinion publique de leur situation. C’est ainsi que dans toutes les cités universitaires et sur le campus, des actions de « résistance » seront initiées. A la cité Kossodo où se trouve le siège du CENOU, une quarantaine de véhicules de l’Etat, d’ONG… seront confisqués en guise de pression.

La riposte des autorités ne se fait pas attendre. Les forces de la gendarmerie et de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) seront lancées contre les étudiants et une bataille rangée s’en suivra avec son lot de dégâts incalculables. Au cours d’une conférence de presse tenue le 2 août, le DG du CENOU assisté par le commandant de la gendarmerie et celui de la BAC a dressé le bilan des manifestations. Selon les conférenciers, 32 véhicules ainsi que 15 vélomoteurs ont été détruits, deux blessés dans les rangs des forces de l’ordre et 49 étudiants interpellés. Au-delà de ce bilan officiel, il convient de noter de nombreux blessés graves et légers dans les rangs des étudiants.

Une tentative de « clochardisation » de l’étudiant ?  

Après ce coup de force ayant conduit à l’expulsion manu militari des étudiants, s’engage un véritable chemin de croix pour ces milliers d’apprenants désormais sans abri. C’est ainsi que le plus grand groupe issu de la cité Kossodo a tenté de passer sa nuit à la belle étoile au rond-point de l’Union Africaine ne sachant où s’abriter, mais c’était sans compter sur la BAC résolue à en finir avec eux. En effet, ils seront encore déguerpis de ces lieux vers deux heures du matin sous prétexte d’occupation anarchique de l’espace public selon le commandant Patrice Yéyé.

La solidarité en marche

Fort heureusement pour ces « réfugiés » dans leur propre pays, une chaine de solidarité s’est rapidement constituée. Des particuliers, des structures telles que « le Balais citoyen », des partis d’opposition et des groupes religieux sont spontanément venus à leur secours. Les différentes actions de ces bonnes volontés ont consisté pour certains à l’affectation de lieux d’hébergements, de vivres, de soins, et pour d’autres à des levées de fonds etc. Qu’il soit souligné au passage que la diaspora burkinabè n’est pas restée insensible à cet élan de solidarité. Toujours dans cette manifestation de solidarité, un donateur particulier se dévoile ; le gouvernement burkinabè une semaine plus tard soit le 6 août à travers le Ministère de l'Action Sociale et de la Solidarité Nationale a proposé ses « bons offices aux étudiants en situation difficile » en les invitant à venir s’enregistrer. Le boycott des destinataires fut total, fustigeant cette « main tendue » et la qualifiant d’ « insulte à leur conscience ». A y voir de près, cette action est loin d’être fortuite ; elle consistait pour le gouvernement à ne pas laisser le terrain de la solidarité au seul apanage de la société civile et surtout de l’opposition décidée à récolter les dividendes.
 

Enfin la liberté provisoire !

Pendant ce temps, les étudiants interpellés croupissaient dans les geôles de la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou (MACO). Et jusqu’aujourd’hui ne sont pas encore définitivement fixés sur leur sort judiciaire après moult péripéties. Apres un premier report, le procès du 13 août a débouché sur une exception d’inconstitutionnalité opposée par les avocats de la défense fondée sur l’article 4(2) de la constitution posant le principe de la présomption d’innocence, en contradiction flagrante avec la loi N° 026-2008/AN du 08 mai 2008 portant répression des actes de vandalisme commis lors des manifestations notamment en son article 15. Cette loi dispose que lors d’une manifestation illicite, « tous ceux qui sont arrêtés (sur les lieux de la manifestation) sont coupables ». En attendant que le Conseil constitutionnel statue sur cette exception d’inconstitutionnalité pour que le feuilleton judiciaire puisse reprendre son cours, les étudiants ont bénéficié d’une liberté provisoire le 23 août dernier. Affaire à suivre donc ! 

Instauration d’un Sénat au Burkina Faso : de la polémique à la tension populaire

La crise politique et sociale gagne le Burkina suite à la modification constitutionnelle instaurant un Sénat. Au-delà de ce changement institutionnel, les relations deviennent de plus en plus tendues entre la mouvance présidentielle et l’opposition réunie au sein du CFOP-B. Plus que la question du bicaméralisme, le 29 juin, c’est un ras-le-bol général qu’ont exprimé les Burkinabés au pouvoir de Blaise Compaoré. 

Blaise dégageDepuis le 21 mai 2013, date du vote de la loi organique consacrant ainsi le retour du bicaméralisme parlementaire, la polémique et la tension n’ont cessé de monter au sein des acteurs politiques et de la société civile Burkinabé. L’opportunité de l’instauration d’un sénat dans l’univers institutionnel burkinabè est la source de ce désaccord profond.

Une révision constitutionnelle

L’idée remonte au 3ème congrès extraordinaire du parti au pouvoir, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), tenu les 6 et 7 août 2010. Créer un sénat servirait selon les caciques du pouvoir à « permettre la participation et la représentation de tous les Burkinabès aux différentes institutions de la République ».  L’idée a ensuite été reprise par le Conseil Consultatif sur les Réformes Politiques (CCRP), créé à la suite de la grave crise sociopolitique qu’a connu le pays en 2011. Parmi les conclusions « consensuelles » de ses assises, figure en bonne place la création d’un Sénat. Consensus relatif, quand l’on sait que les partis représentatifs de l’opposition regroupés autour du CFOP-B (coalition de l’opposition burkinabè) présidé par Me Bénéwendé S.Sankara ont boycotté le CCRP. 

L’instauration du sénat a commencé à se concrétiser le 11 juin 2012, avec l’adoption de la loi constitutionnelle N° 033-2012/AN modifiant l’article 78 de la Constitution qui dispose désormais : « le Parlement comprend deux chambres : l’Assemblée Nationale et le Sénat ».

Cette révision consacre ainsi le retour du bicaméralisme après la courte expérience de la Chambre des Représentants qui a fait office de deuxième Chambre de 1997 à 2002. Parmi les principales raisons alors évoquées pour justifier la suppression de la Chambre des représentants, figurait « son coût financier important ». 

Du vote de la loi organique à la montée de la contestation politique

La loi organique portant organisation et fonctionnement du Parlement a été votée le 21 mai 2013 par l’Assemblée Nationale avec les votes du CDP et ceux des partis de la « mouvance présidentielle », tandis que le CFOP-B, désormais présidé par Zépherin Diabré à l’issue des élections du 02 décembre 2013, tenait un rassemblement de protestation contre l’adoption de cette loi. Cette dernière prévoit que le Sénat sera composé de 89 sénateurs dont 29 nommés par le chef de l’Etat. En outre, une révision de la Constitution requiert désormais l’accord des ¾ des membres du parlement réunis en congrès. 

Depuis la révision constitutionnelle du 11 juin 2012, le fossé ne cesse de se creuser entre partisans et adversaires du Sénat. Si les défenseurs de la deuxième chambre voient en cette institution un renforcement de la démocratie et une large implication de toutes les couches sociales dans les affaires publiques, ses détracteurs, notamment l’opposition et la société civile, balaient d’un revers de main ces arguments tout en avançant d’autres motifs. 

arton54841Ainsi, pour l’opposition, le Sénat serait « budgétivore » et ne serait que prétexte à « la modification de l’article 37 de la constitution relatif à la limitation du mandat présidentiel». Cette suspicion de l’opposition n’est pas sans fondement d’autant plus qu’à l’issue des élections législatives du 02 décembre 2012, le CDP a perdu sa majorité qualifiée à l’Assemblée Nationale pouvant lui permettre de rassembler les ¾ requis pour modifier la constitution. Avec cette nouvelle institution, il pourra sans aucun doute opérer toutes les modifications souhaitées. 

Quant à la société civile, ses arguments sont plutôt d’ordre social et financier.  « Avec le Sénat, on élargit la race des parasites de la république » dixit le Pr Luc M. Ibriga du Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD). Elle juge la nouvelle Chambre « inopportune, inutile et budgétivore » face à la panoplie de revendications sociales non satisfaites. Plus généralement, elle caricature le Sénat comme « la dernière trouvaille d’un régime aux abois pour caser ses vielles machines politiques ». 

Depuis les assises du CCRP, l’opposition burkinabè a amorcé une dynamique d’unité historique pour contrer les velléités du pouvoir à vie imputées à tort ou à raison au régime en place. « L’Appel de Kombissiri » qui a réuni les deux plus grands groupes parlementaires de l’opposition, l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC) et l’Alternance Démocratie et justice (ADJ). 

Le succès de la marche du 29 juin

Le 26 juin, le conseil des ministres adoptait « un décret portant convocation du corps électoral pour l’élection des sénateurs représentant les collectivités territoriales ». «  Au terme de ce décret, le corps électoral est convoqué le dimanche 28 juillet 2013 pour l’élection des trente neuf (39) sénateurs représentant les collectivités territoriales ». En réponse, le 29 juin 2013, à l’initiative de ces deux groupes parlementaires ainsi que d’autres partis extraparlementaires et quelques structures de la société civile, une marche d’envergure nationale pour protester contre la mise en place du Sénat a été initiée. 

C’est dans ce climat de tension qu’à Koudougou, Bobo-Dioulasso, Dédougou ou Ouahigouya, les populations sont sorties pour exprimer leur refus du Sénat et leur ras-le-bol contre la politique générale du gouvernement avec en ligne de mire le président Blaise Compaoré. On pouvait lire sur les pancartes et entendre les slogans scandés par les manifestants : « non au Sénat, oui à une école de beaux-arts », « un WC public vaut mieux que le Sénat », « Compaoré quitte le pouvoir. L’été noir », « Blaise dégage », « non à la modification de l’article 37 »…

marche-13 juinA Ouagadougou, l’itinéraire de cette marche devrait conduire au rond-point des Nations-Unies ou un émissaire du Premier Ministre devrait attendre les marcheurs pour recevoir leur mémorandum. Ne s’étant pas présenté au lieu indiqué  et vu que la mobilisation était celle des grands jours, le cordon sécuritaire visiblement dépassé n’a pu empêcher le débordement. La frustration était grande face à cette attitude « insultante du peuple » et la volonté des manifestants de marcher sur l’Assemblée nationale a déclenché des tirs de gaz lacrymogène par les forces de l’ordre. Contrairement aux informations communiquées par les médias publics, des dizaines de blessés ont été notés. 

Réunie à son siège dès le lendemain de cette marche historique pour une conférence de presse, l’opposition s’est félicitée de cette manifestation et a appellé la population burkinabè à rester mobilisée pour de mots d’ordres futurs entrant dans le cadre de cette lutte. 

Malgré cela, le parti au pouvoir tient mordicus à son Sénat et multiplie les démarches pour sa mise en place effective. Par ailleurs le CDP sera également dans la rue le 06 juillet prochain pour une marche-meeting sur le thème «Paix sociale, consolidation de la démocratie et développement» a laissé entendre Assimi Kouanda, secrétaire exécutif national du parti lors d'une conférence de presse tenue le mercredi 03 juillet 2013. Cette réforme du gouvernement a divisé le pays et fait éclore des idées auprès de différentes couches sociales. L’indignation a gagné du terrain, des mouvements populaires jaillissent, les burkinabè de l’extérieur se mobilisent et des leaders d’opinions sur la scène nationale et internationale s’affichent publiquement contre ce « bâillonnement du peuple ». 

« Le ballet citoyen » dont les initiateurs ne sont autres que les artistes musiciens engagés Smokey et Sams’k le Jah, deux idoles de la jeunesse burkinabè, est ainsi né le jour de la marche. Il compte « assainir de façon citoyenne et propre le Faso » en constituant « une force citoyenne nouvelle qui résiste et s'organise pour une "vrai démocratie", une "bonne gouvernance" et un "meilleur vivre-ensemble" au Faso ». 

En attendant, une autre marche de protestation est prévue  le 20 juillet 2013. Cette fois à l’appel de la Coalition Contre la Vie Chère et l’impunité (CCVC), une union de structures de la société civile réunissant pratiquement tous les syndicats de travailleurs et certains partis politique de l’opposition. Le refus du Sénat s’y invite également. Ce qui promet une nouvelle journée de tension dans le pays. Tension de laquelle, nous l'espérons, émergera une nouvelle réalité positive pour le Burkina Faso. 

Ismaël Compaoré et Noraogo Paul Nabi 

Les médicaments de rue, symbole de l’échec des politiques de santé

vendeur-medicamentsL’usage rationnel du médicament dans le traitement des maladies est en branle sur le continent africain. L’Afrique est toutefois à la traîne dans la création de ses propres laboratoires pharmaceutiques. Malgré les nombreuses maladies endogènes au continent noir, la majorité des médicaments continuent à être fabriqués dans le Nord pour le Nord. Face à cette situation, de nombreux Etats tentent de réagir. Par exemple, le Burkina Faso a adopté une politique nationale pharmaceutique visant à « mettre à la disposition des populations des médicaments essentiels, sûrs, efficaces, de qualité, disponibles sur l’ensemble du territoire et à moindre coût ». Malgré ce volontarisme apparent, l’Afrique reste la première destination des médicaments illicites. Les médicaments se vendent dans les rues au même titre que les cacahuètes, posant un véritable danger de santé publique. Mais comment en est t’on arrivé là? 

Un trafic juteux et organisé

Le circuit légal du médicament suit un processus à trois niveaux de transactions : entre industriel-grossiste, grossiste-officine et officine-clients. Toute commercialisation pharmaceutique sortant de ce cadre relève d’un circuit illicite. L’importation du médicament dans la plupart des pays africains nécessite plusieurs certifications fournies par les structures compétentes dont la DGPML au Burkina-Faso (Direction Générale de la Pharmacie du Médicament et des Laboratoires). L’authenticité du médicament est garantie à la frontière par les différentes certifications et attestée par les services douaniers. Cependant, des failles dans ce système de contrôle existent, qui favorisent un flux considérable de médicaments illicites sur les marchés africains. L’implication directe de certains douaniers et de certaines autorités dans ce commerce mafieux est indéniable, comme en témoigne le coup de filet de l’Organisation Internationale des Douanes en juillet dernier : en trois jours, 82 millions de médicaments illicites furent saisis dans 16 villes portuaires d’Afrique pour une valeur de 40 millions de dollars. Si ce marché illégal est aussi dynamique, c'est aussi parce qu'il a su se trouver sa clientèle. 

Une clientèle désemparée ?

Les raisons avancées par cette clientèle sont entre autre liées au coût exorbitant des médicaments dans les pharmacies, inaccessibles pour une majorité de la population. De ce fait, les consommateurs se rabattent vers le marché noir où les prix des médicaments, vendus au détail, leur sont plus accessibles. L’inaccessibilité géographique des pharmacies, surtout en zone rurale, comparée à la proximité des vendeurs ambulants est un élément à prendre en compte pour expliquer le succès de ce commerce illicite et dangereux. De plus, l’acquisition de médicaments en pharmacie nécessite un processus long et coûteux. Il faut d’abord consulter un médecin, avec les frais que cela exige, avant de pouvoir aller à la pharmacie qui occasionnera des dépenses supplémentaires. Pour toutes ces raisons, les consommateurs se rabattent vers « les pharmaciens de la rue ». Ce choix comporte toutefois plusieurs risques.  

medica-1d7e6Outre les répercussions économiques dues à la fraude et à la concurrence déloyale pour la profession des pharmaciens, le véritable danger demeure le risque que ces médicaments font peser sur la santé publique. Le principal danger à court terme est l’intoxication aigüe. La méconnaissance des prescriptions d’utilisation des médicaments par les usagers peut conduire à des overdoses entraînant vomissements, convulsions, douleurs abdominales, coma, ou même la mort, dans le pire des cas. A plus long terme, l’usage intempestif de médicaments de la rue facilement accessibles entraîne une accumulation lente d’effets toxiques sur l’organisme. C’est ce qui arrive aux consommateurs réguliers de l’Ibuprofène pour les douleurs musculaires et articulaires. L’usage répété de cet anti-inflammatoire occasionne des lésions digestives qui peuvent conduire à de l’ulcère gastrique.

Les « médicaments de la rue », vendus sans prescription médicale alors même que les usagers ignorent les traitements adaptés à leur mal, ou encore se laissent prescrire par « les pharmaciens de la rue », conduisent régulièrement à des échecs thérapeutiques. Au vue de toutes les complications que peuvent causer ces médicaments, dangers permanents qui sillonnent nos rues, des solutions doivent impérativement être trouvées pour une éradication définitive de ce fléau.

Quelles solutions ?

Ce trafic, comme tous les trafics illégaux, est entretenu et protégé par tous ceux qui en tirent bénéfice, de près ou de loin. Ce fléau est à ranger dans la longue liste des priorités en suspens par manque de volonté politique, alors même qu’il s’agit d’une question de santé publique cruciale. Pour plus d’efficacité dans la lutte contre ce commerce mafieux, les Etats Africains doivent aller au-delà des discours incantatoires, des incinérations médiatiques de quelques kilogrammes de médicaments illicites saisis aux mains des petits détaillants et combattre le mal courageusement à sa source. 

Les contrôles douaniers doivent être plus sévères surtout quand il s’agit d’exportation de médicaments et les législations pharmaceutiques en vigueur dans nos différents pays appliquées à la lettre. Tout comme dans la grande majorité des pays africains, la douane Burkinabè occupe une bonne place dans le classement des services les plus corrompus du pays. Des enquêtes panafricaines, indépendantes et discrètes, sont donc primordiales pour lutter efficacement contre les trafiquants et leurs complices cupides et avides.

En ce qui concerne le commerce légal de médicaments, la rareté ou même l’absence de pharmacies ou des petits dépôts pharmaceutiques légaux dans certaines zones rurales, ne laisse parfois pas le choix aux populations. Face à une douleur accablante et à un manque de pharmacies, le « pharmacien ambulant » entrant jusque dans les domiciles fait souvent figure d’homme providentiel. Des efforts doivent donc être faits à ce niveau pour une couverture complète de nos régions en pharmacies ou en dépôts légaux. Les subventions publiques de couverture médicale doivent être mises en place ou renforcées. Ce n’est qu’ainsi que la sensibilisation aux dangers des médicaments de la rue pourra être entendue et suivie d’effet.

 

Ismaël Compaoré et Kobéané Siaka 

Norbert Zongo, la voix de la liberté au Burkina Faso

Norbert Zongo, dont le Burkina Faso a commémoré le 13 décembre 2011 le 13ème anniversaire de sa disparition brutale, est né en juillet 1949. Son parcours commence à l’école primaire régionale de Koudougou où il obtient son CEP (Certificat d’Etude Primaire) pour être admis au Cours Normal de Koudougou en octobre 1964. Apres l’obtention de son BEPC (Brevet d’Etude du Premier Cycle) en 1969, il se lance très tôt dans le monde professionnel à travers l’enseignement, tout en poursuivant ses études supérieures. Devenu instituteur, il exercera cette profession durant 9 années de sa vie (1969-1978). Il obtient parallèlement son Baccalauréat et tente une carrière en droit à l’université d’Abidjan. Mais il sera très vite rattrapé par l’une de ses ambitions premières : le journalisme.

Admis à l’Institut Supérieur de Presse du Conseil de l’Entente à Lomé au Togo, Norbert Zongo n’y gardera pas sa langue dans sa poche. Dès ses premières années à Lomé, la gestion très opaque de ce pays voisin va l’agacer et le conduire à rompre la loi du silence. Il se distingue par des prises de position critiques à l’égard du régime de Gnassimbé Eyadema, qui à l’époque gérait le Togo d’une main de fer. Très vite, il se trouve expulsé du Togo et contraint à rejoindre sa mère patrie, le Burkina Faso. Arrivé à Ouagadougou, il est arrêté et incarcéré à la gendarmerie pendant une année (1981-1982). Cette épreuve douloureuse ne va pas empêcher Norbert Zongo de persévérer dans la voix du journalisme qu’il s’est fixée. Il complète ses études en 1984 à l’Ecole Supérieur de Journalisme de Yaoundé au Cameroun. Il ne reviendra au Burkina qu’en 1986 armée de sa plume et fier de pouvoir enfin contribuer par celle-ci au développement de sa chère patrie.

Norbert Zongo fait ses premiers pas dans les colonnes des journaux d’Etat : à Sidwaya puis à l’hebdomadaire Carrefour Africain, tout en collaborant épisodiquement avec des journaux privés de la place tel que le Journal du Jeudi, la Clef, etc. Sa rupture avec le mode de presse partisan, appliqué par certains de ses collègues acquis à la cause du pouvoir en place, fut immédiate et radicale. Grâce à un vrai travail d’investigation, il dépeint sans concessions les réalités de la vie quotidienne au Burkina. Ses analyses critiques et ses révélations sur un Burkina baignant dans le favoritisme, le laissé-faire, la gabegie, la corruption, l’impunité etc. lui vaudront une affectation-placard à Banfora, localité situé à 450 km de Ouagadougou. Il refuse de rejoindre le poste assigné et crée son propre journal en 1993.

Avec son nouveau journal, Norbert Zongo sera de tous les combats pour la défense de la liberté de pensée et d’expression, pour que la démocratie et la justice sociale ne soient plus un rêve au Burkina. Journaliste d’investigation, militant des droits de l’homme, conférencier, auteur de deux romans, Le Parachutage et Roubeinga, il rentre vite dans le collimateur du pouvoir en place. Dévoilant et dénonçant sans relâche les abus de tous ordres, il refuse de se compromettre ou de vendre sa plume, même lorsque des sommes faramineuses lui sont proposées en échange de son silence sur certains dossiers comme celui de David Ouedraogo.

Le dimanche 13 décembre 1998 à Sapouy (situé à 100km de Ouagadougou), un des crimes les plus ignobles de l’histoire du Burkina est orchestré contre lui et ses trois compagnons de route, alors qu’ils enquêtaient sur le meurtre de David Ouedraogo, chauffeur de François Compaoré (frère cadet du président Blaise Compaoré). Les suspects sérieux de cet assassinat sont les mêmes militaires qui ont été reconnus coupable du meurtre de David Ouedraogo. Le seul inculpé du dossier Zongo, Marcel Kafando, arrêté le 17 février 2001 pour assassinat, incendie et destruction de bien immobilier, fut relâché par la suite pour insuffisance de preuves. Le soldat Christophe Combasséré, les caporaux Ousséni Yaro et Wampasba Nacoulma, le sergent Banagoulo Yaro, autres « suspects sérieux » déclarés par la Commission D’Enquête Indépendante, ne sont jusqu’à présent pas inquiétés. Depuis quelques années, le dossier Norbert Zongo a été classé sans suite, tout comme ceux du président Thomas Sankara, de l’étudiant Dabo Boukary, de l’élève Flavien Nébié et autres dossiers judiciaires ou les «suspects sérieux» continuent à courir les rues de Ouagadougou sans être inquiétés.

 

Ismaël Compaoré

Source photo : http://www.afriquechos.ch/IMG/gif/norbert-zongo.gif

A quoi ressemble l’opposition au Burkina ?

Réputé comme étant l’un des pays au monde regroupant le plus de partis politiques, le Burkina Faso peine à trouver ses marques dans ce domaine. Avec près de 200 partis, bien que l’univers politique semble saturé, de nouveaux partis sont pourtant créés et l’animation politique nationale est pauvre, car l’œuvre de seulement quelques partis.

On distingue ainsi plusieurs types d’opposants au Burkina et les changements de bord ou même de parti sont fréquents, surtout en période électorale. Il y a d’abord les partis qui participent aux élections présidentielles, ceux qui ne concourent qu’aux législatives, les spécialistes des municipales et ceux qui envoient des candidats à toutes les élections. D’autres partis ne font parler d’eux qu’au moment de former des coalitions ou parce qu’ils viennent en soutient à d’autres partis, surtout pour celui qui est au pouvoir, le CDP (Congrès pour la Démocratie et le Progrès). Enfin, la dernière catégorie est formée de ceux qui n’apparaissent que dans les archives du Ministère de l’Administration Territorial, de la Décentralisation et de la Sécurité(MATDS). Tous, pourtant, prétendent « lutter pour les intérêts et l’épanouissement du pays et des citoyens ».

Il est vrai qu’un adage populaire burkinabé stipule « si ta tante change de mari, il faut changer de beau-père». Certains opposants semblent l’avoir repris à leur compte et en politique, il devient : « si l’économie change de mains, il faut changer de partenaires ». A voir les comportements au début, leur évolution jusqu’à l’état actuel de la majorité des hommes politiques du « pays des hommes intègres », il nous revient en mémoire cette phrase célèbre du Pr Joseph Ky-Zerbo : « en Afrique on ne développe pas, on se développe ».

L’opposition Burkinabé se présente comme la plus virulente en critique, mais est peu riche en propositions. Le manque d’entente entre opposants, de stabilité idéologique, les scissions, souvent orchestrées par le pouvoir, compliquent bien souvent son travail. En témoignent : le « nomadisme politique » de Herman Yameogo, l’affaire du Dr Emile Paré et du Pr Laurent Bado, du P.A.I dont les querelles de paternité entre Philippe Ouedraogo et Soumane Touré ont tourné à l’avantage du premier ; et Soumane Touré viens d’alourdir encore le nombre de partis politiques en créant récemment le P.I.T (parti de l’Indépendance et du Travail). Chacun préfère donc être président d’un parti limité au bureau politique plutôt que d’être vice-président d’un parti assez représentatif sur le plan national.

Les élections présidentielles de 2005 ont été particulièrement marquantes. Le chef de file de l’opposition de l’époque, à savoir Julbert.N.Ouedraogo, président de l’ADF/RDA (l’Alliance pour la Démocratie et la Fédération / Rassemblement Démocratique Africain) a fait un virage historique en soutenant la candidature du président Compaoré aux élections présidentielles, soutient qu’il a réaffirmé en 2010 et qui va sûrement continuer tant qu’il conservera son fauteuil de ministre des Transports, de la Poste et de l’Économie Numérique dans le gouvernement de Blaise Compaoré. Un terme nouveau est apparu dans l’univers politique burkinabé : les partis d’oppositions dans la mouvance présidentielle.

Actuellement, l’opposition a à sa tête Maitre Bénéwendé Stanislas Sankara, qui malgré le regroupement autour de lui à travers l’UNIR/PS, dont il est le président, a fini 3eme aux élections présidentielles de novembre 2010 avec un score de 6,34%. Hama Arba Diallo, pour sa première participation à une élection présidentielle a formé une coalition et fini 2eme avec 8,21%. Le président Compaoré, dont la victoire a été hautement contestée et bien que la requête de l’opposition fut validé par le Tribunal Administratif qui a reconnu la non-conformité de la carte d’électeur, a préservé son fauteuil avec 80,15%. Notons que le nombre d’inscrit à cette élection était de 3.234.246, avec 1.772.404 votants et 78.939 bulletins nuls, sur une population estimée à près de 14.000.000 d’habitants. Tous ces résultats sont ceux, définitifs, proclamés par le Conseil Constitutionnel le mardi 07 décembre 2010 à Ouagadougou.

Signalons également que l’opposition ne jouit pas d’une grande crédibilité au sein de la population burkinabé, situation confirmée durant la récente crise civile et militaire qu’a connue le pays. Peinant d’abord à organiser un meeting (puisque l’idée n’a pas fait l’unanimité au sein même de l’opposition) afin d’exiger le départ du président Compaoré le 30 avril dernier, Maitre Bénéwendé.S.Sankara et ses camarades se sont retrouvés à la place de la Nation avec moins de 500 participants, qui avaient comme slogan phare « Blaise Dégage ». L’opposition n’a donc pas su profiter de cette crise et a encore démontré ses incapacités à mobiliser largement.

A l’Assemblée Nationale, constituée de 111 députés de quatre groupes parlementaires dont le plus important est celui du parti au pouvoir CDP (71 députés), l’opposition peine également à trouver sa place. Le premier groupe parlementaire d’opposition, à savoir l’ADF/RDA qui comptabilise 15 députés, s’est engagé à accompagner le programme du président du Faso. Donc, il ne reste de fait qu’à peine 25 députés qui puissent se présenter comme « membres de l’opposition » à l’Assemblée, et ce chiffre pourrait être encore réduit, si l’on tenait compte de certaines habitudes de vote… Le CDP n’aurait donc pas de mal à faire passer une loi contraire aux valeurs démocratiques à l’Assemblée, si le peuple doit uniquement compter sur cette opposition.

Le Conseil Consultatif sur les Réformes Politiques (CCRP), qui a vu le jour comme solution à long terme de la crise, a encore divisé l’opposition et même la société civile. Etait-ce là un des objectifs du tout nouveau ministère de Bognéssa Arsène Bognéssa Yé? Ce qui est sûr, c’est que la loi sur l’article 37 de la constitution, qui interdit toute possibilité au président Compaoré de se représenter pour un nouveau mandat, n’a pas fait l’unanimité au sein de ce conseil tant décrié. Le président Compaoré nourrit-il le secret espoir de se représenter en 2015 ? Ses conseillers au CCRP ont déjà laissé apparaître cette ambition. Une partie de la société civile préconise donc un référendum. N’est ce pas précipité ou ont-ils déjà oublié l’exemple de notre voisin Nigérien Mamadou Tandja ? Mais pourquoi un référendum si l’article 37 est clair, sur l’impossibilité du Président de se représenter aux élections? La population burkinabé doit donc redoubler de vigilance et être prête à se mobiliser, surtout en ces périodes de réformes, pour ne pas se laisser surprendre par ce jeu politique auquel ceux qui prétendent parler en son nom semblent déjà sur la défensive.

 

Ismael Compaoré

Dépendance au coton et croissance : Exemple du Burkina Faso

La culture du coton demeure une importante source de devises étrangères pour plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne. Son poids dans les exportations est très élevé, notamment au Burkina Faso où sa valeur représentait 85% des exportations totales en 2007 alors qu’elle ne dépassait pas 40% en 1990. Cela faisait du Burkina Faso le premier producteur et exportateur de coton en Afrique en 2007. En termes absolus, la production du coton au Burkina Faso a triplé en 10 ans en passant d’environ 200 mille tonnes en 1997 à plus de 600 mille tonnes en 2007. Ces résultats sont à inscrire à l’actif de la mise en œuvre réussie d’une réforme institutionnelle du secteur durant ladite période. Ce type de succès est unique en Afrique sub-saharienne dans la mesure où la production du coton est restée stable dans les autres pays producteurs qui ont également fait des réformes institutionnelles du secteur. Plusieurs défis restent néanmoins à relever et c’est en substance, ce que révèle une étude récente de la Banque Mondiale intitulée Cotton Dependence in Burkina Faso : Constraints and Opportunities for Balanced Growth.

Cette étude montre que la croissance de la production cotonnière dans l’ex Haute Volta n’est pas liée à une augmentation de la productivité. Elle résulte plutôt d’une augmentation de la superficie cultivée, du nombre de producteurs et de la quantité d’intrants agricoles. Ces résultats sont le fruit d’une meilleure gestion de la filière qui a fait suite à la mise en place d’un cadre institutionnel plus adéquat. Ce dernier va au-delà du cadre conventionnel qui consiste à privatiser sans tenir compte du contexte social et de l’organisation précédente des producteurs. Dans le cas du Burkina Faso, la réforme s’est focalisée sur la mise en place d’une meilleure coordination entre les acheteurs et les producteurs notamment en matière de négociation des contrats. Ainsi, des coopératives de professionnels ont été créées sur la base d’une adhésion volontaire. Cela a permis une plus grande confiance entre les acteurs du secteur et une réduction des coûts opérationnels. Cette initiative semble avoir contribué significativement à une hausse importante de la production du coton dans un pays où la balance commerciale est fortement déficitaire. Par ailleurs, même si la réforme a eu du succès, la dépendance de l’économie Burkinabè vis-à-vis de la production et de l’exportation du coton pose la question de la stabilité de sa croissance dans le court-terme et celle d'une croissance plus forte dans le long-terme pour favoriser le développement.

Dans le court-terme, la production du coton a besoin d’être davantage soutenue pour exploiter pleinement le potentiel qu’offre le secteur avec ses externalités positives sur la structure de l’économie, voire sur d’autres domaines. En effet, malgré les réformes amorcées, le secteur rencontre encore des difficultés inhérentes à la gestion des risques et à l’adoption et la diffusion des nouvelles technologies. La culture du coton reste soumise aux aléas climatiques, ce qui n’assure pas toujours un niveau de récolte suffisant. Ainsi, des systèmes d’assurances sont nécessaires pour mutualiser les risques.

Par ailleurs, une partie de l’augmentation de la production est due à la mise en culture de nouvelles terres et à l’arrivée de nouveaux producteurs. Cela dit, l'on espère que le secteur verra sa productivité augmenter après l’épuisement des facteurs de production. D’autres obstacles subsistent à l’adoption de nouvelles techniques de culture. Il s’agit notamment du manque d’expérience pour l’utilisation des engrais et de la mentalité des producteurs qui se contentent souvent de l’autosuffisance alimentaire du ménage et de la minimisation des risques. La levée de ces différents obstacles dans le court-terme permettrait d’accroître la production et de mieux contribuer à la croissance voire à la réduction de la pauvreté. D’autre part, le secteur est soumis à des contraintes extérieures qui ne garantissent pas une pleine contribution de la production du coton à la croissance du pays.

Il existe au Burkina une très forte corrélation entre le taux de croissance de la production du coton et le taux de croissance du PIB. Le taux de croissance de la production du coton étant très instable du fait de la volatilité des cours mondiaux du coton et de ses intrants, des alternatives sont nécessaires dans le long terme pour soutenir une croissance économique équilibrée. A ce même horizon, l’étude préconise l’amorce d’une industrialisation du secteur du coton à travers un développement plus accru de l’industrie textile. Elle suggère aussi et il s’agit là d’un point important, une meilleure diversification de l’économie à travers le développement de nouveaux secteurs d’exportation tels que les fruits, les légumes, la volaille et le riz. Il faut cependant reconnaitre que  la défaillance des institutions, le manque d’investissement et la faible implication de l’Etat dans la production des biens publics sont autant de freins à la diversification économique.

Il ressort donc que le Burkina Faso a réussi une réforme du secteur du coton mais que beaucoup de difficultés subsistent encore. Une nuance mérite toutefois d’être faite par rapport au lien entre la mise en œuvre de la réforme et l’augmentation soudaine de la production du coton. La croissance observée pourrait provenir de fuites de la production de coton en provenance de Côte d’Ivoire. En effet, 2002, l’année où la production a amorcé sa croissance exponentielle correspond au début de la crise en Côte d’Ivoire. Or le coton est principalement cultivé dans le Nord de la Côte d’Ivoire qui a échappé au contrôle de l’Etat à partir de cette même année. Qui plus est, on constate que la production de coton en Côte d’Ivoire a chuté de 250 mille tonnes entre 2002 et 2007 alors qu’elle a augmenté d’environ 300 mille tonnes durant la même période au Burkina Faso. Par conséquent, le succès attribué à cette réforme devrait être relativisé. Le défi majeur demeure toutefois le renforcement des réformes et la diversification de l’économie.

                                                                                                                     Georges Vivien Houngbonon

Appel à la défense de la liberté d’expression au Burkina : l’affaire Sams’K le Jah

La liberté d’expression fait partie des droits imprescriptibles de la Constitution burkinabé. Tout Burkinabè, dans un espace privé comme public, est appelé à se prononcer sur tous les sujets touchant à la vie publique sans être intimidé, inquiété, en un mot censuré. Malheureusement, cette réalité reste assez limitée et même de plus en plus embrigadée par les instances de régulation, au premier chef desquelles le Conseil Supérieur de la Communication (CSC). La possibilité pour chaque citoyen de s’indigner contre cette situation nous amène à protester face aux derniers cas en date de censure, celle de l’émission ‘’Affairages’’ et les émissions de l’animateur SAMA Karim dit Sams’K Le Jah, qui interpellent tous les défenseurs de la liberté d’expression.

Musicien militant, fidèle défenseur de la justice, SAMA KARIM est désormais l’ex directeur des programmes de la radio Ouaga FM. Animateur des émissions Roots rock reggae et de Zion vibes les vendredis soirs entre 20h et 22heures et les dimanches de 11H et 12H, cet infatigable éveilleur de consciences, défenseur des droits fondamentaux, de la démocratie et promoteur de la culture africaine, Sams’K Le Jah s’est vu licencier le 18 mai dernier par le promoteur de la radio Joachim Baki.
Sur fond de philosophie rasta, cet animateur très populaire auprès de la jeunesse dénonçait sur les ondes de la radio les dérives du système de la quatrième république, la mal-gouvernance et réclamait justice pour les crimes impunis tels ceux du capitaine président Thomas Sankara, Dabo Boukary, bien évidemment Norbert Zongo et tous les autres.

Cette liberté de parole et cet engagement en faveur du peuple ne lui ont pas attiré que des sympathisants. Maintes fois menacé, sa voiture de service a déjà été incendiée en septembre 2007. Cela ne l’a pourtant pas conduit à renoncer à son militantisme. Avec le musicien Smockey, ils soutiennent la lutte des étudiants réprimée en 2008, leur dédiant un single « on est dans la rue ». Sur la même lancée, il lance avec d’autres artistes tels Tiken Jah Fakoly, Didier Awadi, Ismael Isaac et bien d’autres, l’album 10 ans d’impunité pour réclamer la réouverture du dossier classé de Norbert Zongo. Sa popularité et son activisme vont déranger plus d’uns, conduisant le CSC a multiplié les pressions pour lui fermer ses moyens d’expression grand public. Durant toute la campagne présidentielle de 2010, il est interdit d’animer, sans qu’un motif sérieux soit présenté pour justifier cette décision. A partir de janvier 2011, il lui est interdit de jouer tous titres portant sur Sankara, Norbert Zongo où tous les illustres qui ont forgé la mémoire de ce pays.

Son écho auprès du public ne diminuant pas malgré ces mesures, le CSC a suspendu les émissions précitées en avril 2011, alors que le pays des hommes intègres était en pleine ébullition militaire. Une note datant du 30 avril 2011 signée par le promoteur Baki Joachim a également interdit à Samsk Le Jah l’accès au matériel et aux locaux de la radio. Enfin, par courrier du 18 mai 2011, l’animateur est informé de son licenciement pour avoir joué un titre « Ce président là, il faut qu’il parte et il partira », bien qu’il passait en boucle lors de la préparation du concert du 04 mars 2011 au Reemdogo. Après douze années de sa vie passées au sein de radio Ouaga FM, c’est ainsi qu’il s'est vu récompenser après avoir contribué à sa juste valeur à lui donner son rayonnement et son statut de radio de toutes les générations.

Nous, auditeurs et fans de Samsk le Jah, nous menons actuellement une lutte pour contester ce licenciement abusif à des fins politiques et pour défendre la liberté d’expression au Burkina. Dans ce cadre, nous avons créé une page Facebook, “ TOUS POUR SAMSK Le JAH et pour la libre parole au Faso“. Malgré les pressions du pouvoir en place, nous comptons participer à la 13e commémoration de l’assassinat de Norbert Zongo, afin de mettre un terme à la censure de la liberté d’expression et de faire de ce droit inaliénable une réalité dans notre pays.

 

Le collectif « Ensemble contre la censure de la liberté au Faso »

Suivi de la crise au Burkina

Le Burkina Faso a encore une fois vibré au rythme des armes la nuit du 14 au 15 avril 2011 marquant l’aggravation d’une crise dont le Chef de l’Etat avait pourtant annoncé la fin quelques jours auparavant. Cette crise a surprit la plupart des observateurs et dévoile au grand jour les dessous et surtout les faiblesses d’une armée dont la compréhension des modes de fonctionnement n’est pas chose aisée. Elle a prit source au sein du Régiment de Sécurité Présidentiel (RSP) et la présidence fut transformée pendant plusieurs heures en champ de bataille, brisant la quiétude et activant l’instinct de survie du Chef de l’Etat qui s’est refugié tout d‘abord au centre ville avant de regagner Ziniaré, son village natal, localité située à environ 30 kms de Ouagadougou. Avec la participation d’autres camps de la ville, les mutineries se sont poursuivies jusqu’au lendemain 15 avril dans la soirée. Comme pour les précédentes, les civils ont encore payé un lourd tribut, mais cette fois-ci l’ampleur des dégâts a atteint un niveau jusque là inégalé. Des commerces de toutes sortes (alimentations, prêt-à-porter, véhicules, ordinateurs et téléphones portables, matériel électroménager…) en passant par les magasins de stockage, jusqu’aux hôtels et aux domiciles privés, tous ont été saccagés et d’autres même furent incendiés par ces hommes en arme. Emportant de préférence l’argent liquide en brisant à coup de balles les coffres forts, certains mutins ont oublié leurs munitions et même des armes à certains endroits.

Mais la surprise est venue de l’orphelinat Home Kisito où la porte de la pharmacie a été défoncée par les mutins qui ont vidé le coffre et emporté des médicaments en abandonnant quelques balles et laissant les pauvres enfants apeurés en pleurs. Plusieurs personnes se sont vues braquer par des armes à feu lors de la réquisition de leur véhicule, d’autres ont subi des sévices corporels dans la rue, dans les hôtels, dans les maquis…et plusieurs blessés par balles perdues et même des morts ont été recensés. D’autres régions militaires tels que Po, Gaoua, Fada, Kaya… ont également pris les armes sans que les raisons ne soient toujours connues et les militaires s'y sont adonnés également à des actes de brutalité et de pillages. Les armes sont-elles devenues un argument efficace de revendication et d’acquisition rapide de richesse?
C’est ce que semblent avoir compris certains militaires et plusieurs choses allaient basculer ce vendredi 15 avril. Dans la matinée du 15 avril le gouvernement dans un communiqué avait fait cas de la revendication du RSP qui reposait essentiellement sur deux points: le payement des indemnités de logements et des primes journalières d’alimentation. En rassurant comme d’habitude la population, celle-ci subissait toujours au même moment les pillages et les manœuvres des militaires. Ce qui suscita la méfiance des gens et confirma la présence d’autres revendications non clairement exprimées par les militaires ou par le gouvernement. Dans la nuit du 15 avril les choses ont commencé à clairement se définir. Le gouvernement fut dissout et le chef d’Etat major général des armées Dominique Diendiéré ainsi que le chef de corps du RSP Omer Bationo furent remplacé respectivement par Honoré Nabéré Traoré et Boureima Kéré. D’autres têtes sont également tombées dans l’armée les jours qui ont suivis donnant l’impression que ce sont désormais les militaires qui choisissent ceux qu’ ils veulent comme chefs, ce qui est explication de certains de leur actes comme les incendies des domiciles de certains de leurs supérieurs.
Dès le samedi 16 avril les commerçants sont descendus à leur tour dans les rues de Ouagadougou pour exprimer leur mécontentement et exiger la réparation de tous les dommages commis par les militaires, vu que les séquelles de la nuit du 22 au 23 mars restent gravées dans les mémoires et que les dédommagements promis se font toujours attendre. Sortis par centaines, ils s’en sont pris à leur ministère de tutelle, celui du commerce, et à un bus brulé. Un autre bus d’une compagnie semi-publique fut également brulé et le siège du parti au pouvoir CDP fut incendié. Les symboles de la nation n’ont pas été en reste : l’Assemblé Nationale a également été la cible des commerçants qui ont brulé quelques véhicules, des motos et brisé des vitres dont ceux de la façade de l’immeuble.

Une restriction des libertés à travers un couvre feu nocturne est instaurée depuis le samedi 16 avril sur toute l’étendue du territoire communal (Ouagadougou) et se poursuit jusqu’à ce jour. Pendant que les choses fonctionnent au ralenti surtout dans la capitale, les élèves et étudiants de la ville de Koudougou, capitale du centre ouest, ont choisi cette période pour se faire entendre et exiger encore une fois de plus la justice pour Justin Zongo et les six autres camarades assassinés. Ils s'en sont pris comme dans d’autres régions du pays au siège du parti au pouvoir, le CDP, et au domicile privé de l’ancien premier ministre Tertius Zongo, tous deux incendiés. Le 18 avril 2011, un nouveau Premier ministre a été nommé et présenté à la population en la personne de Luc Adolph Tiao, qui a pour mission première de trouver des solutions rapides de sortie de crise. Spécialiste de la communication, il a occupé plusieurs postes de responsabilités dont la présidence du Conseil Supérieur de la Communication(CSC) et était tout dernièrement ambassadeur du Burkina en France. Son gouvernement est formé de technocrates, avec moins de postes que le précédent, puisqu’il a fusionné certains ministères comme celui de la justice et des droits humains, celui de l’administration territoriale et de la sécurité. Le Chef de l’Etat occupe lui même le poste de ministre de la défense et des anciens combattants. Est-ce par manque de confiance ou de compétences ? Ou préfère-t-il assurer lui-même sa propre défense ?
L’alternance est la clé de voute pour un développement paisible et harmonieux d’une nation. C’est ce que feint d’ignorer certains Burkinabés par manque de courage ou par complicité. Plusieurs décennies passées à la tête d’une entreprise, d’une société publique, d’un régiment, d’une garnison militaire, d’un ministère, d’une nation…dans un pays dit démocratique entrainent inéluctablement des abus et violations des textes fondamentaux régissant les institutions du pays. Telle est la principale cause des crises de confiance actuelles, le dernier mot revenant toujours au peuple. Ce qui est sûr, c'est qu'un vrai défi attend cette nouvelle équipe gouvernementale et tant que des entrevues permanentes ne seront pas menées avec toutes les couches sociales, en vue de trouver des solutions définitives de sorties de crise, le mal demeurera et le danger peut survenir en tous temps et en tous lieux.

Ismaël Compaoré

Crises de l’armée au Burkina

La nuit du 22 au 23 mars 2011, une peur et un calme de cimetière régnaient sur la ville de Ouagadougou. Des militaires sortis des casernes tiraient en l’air avec des armes de guerre, rappelant cette vague de coups d’Etat qu’a connu le pays au cours des années 1980. Le lendemain, le constat fut amer, surtout pour les commerçants : des magasins, des boutiques, des stations services…pillés. Cela a d’ailleurs conduit les commerçants à descendre dans la rue aux côtés des manifestants étudiants. Les militaires, craints et très respectés par la population civile pour leur sens de la discipline, avaient ainsi commis des actes risquant fort de faire tomber ce mythe. Qu’est ce qui a bien pu pousser la « grande muette » à commettre de tels actes ?

Ces émeutes en tenue venaient de soldats de rang qui étaient en colère à cause de l’emprisonnement de cinq des leurs, reconnus coupables dans une affaires de mœurs. Ces soldats sont allés libérer par la force des armes leurs camarades, laissant les magistrats dans une véritable impasse. Ces derniers ont par la suite observé un arrêt de travail (eux qui n’ont pas le droit de grève) avec d’autres acteurs du monde judiciaire (avocats, greffiers…) pour des raisons de sécurité et pour protester contre ces actes inadmissibles.
Suivant l’exemple de leurs frères d’armes de la capitale, les militaires de Fada N’Gourma, de Gaoua et de Banfora sont sortis à leur tour des casernes pour un festival de tirs d’armes de guerre. A Fada, ils se sont attaquer au palais de justice de la ville qui à reçu une roquette, pour ensuite libérer un des leurs emprisonné pour une affaire de mœurs également. Des pillages ont encore été constatés à ce niveau et ils ont mené des descentes musclées à Tenkodogo et à Dédougou qui sont des villes voisines. Cette propagation des émeutes militaires est devenue de plus en plus inquiétante, puisqu’elle a continué à Ouagadougou et d’autres régions ont également pris les armes. Cela a suscité d’énormes interrogations au sein de la population et créé des bouleversements en tout genre.

Cette attitude brusque et inhabituelle des militaires est difficile à comprendre et laisse croire à d’autres revendications non clairement formulées, surtout qu’après avoir libéré leurs camarades, les armes continuaient à tonner. Le mercredi 30 mars 2011, dans un discours très attendu par tous, le chef de l’Etat s’est adressé à la nation. Sans faire cas d’aucunes causes ni de décisions dissuasives, il a juste annoncé qu’un programme de rencontres allant des soldats de rang jusqu’aux militaires les plus gradés en passant par les magistrats était prévu à la présidence du Faso. Dès le lendemain, 145 soldats de rang issus de tous les camps militaires du pays ont été reçus par le chef de l’Etat. Initialement prévu pour une heure, la rencontre dura prêt du double et au peuple de comprendre après cette entrevue que les soldats avaient d’autres sources de mécontentement. Ils réclamaient entre autres une amélioration des conditions de vie et de travail, la prise en charge des frais des tenues militaires…et promesse fut donnée de revoir leur situation. D’autres rencontres furent programmées par la suite avec tous les acteurs des différentes crises. C’est ainsi que les délégués des élèves et ceux des étudiants ont été reçus par le Chef de l’Etat sur la crise scolaire et universitaire. Bien que les cours aient repris, d’autres revendications comme le jugement des assassins de Justin Zongo et des six autres camarades, le démantèlement de la police universitaire…restent en suspens et la patience des élèves et étudiants risque d’avoir des limites. Dès sa sortie des premières concertations, notamment avec les militaires, le chef de l’Etat Blaise Compaoré déclarait déjà que « la crise est terminée ». De quelle crise s’agit-il ? Quand on sait que d’autres foyers de tension demeurent, notamment avec les élèves, les étudiants et les commerçants, les résolutions définitives de ces concertations se font toujours attendre. Une restriction des libertés à travers l’instauration d’un couvre feu nocturne de 21H à 06H et allant du 30 mars au 03 avril fut décrétée.

Les deux premières nuits furent encore un périple pour les populations, surtout celles riveraines des camps. Des tirs d’armes légères et lourdes retentissaient dans la capitale et cette fois-ci accompagnés de chants martiaux dans certains endroits. Personne ne pouvait savoir ce qui se passait réellement et chacun restait enfermé chez lui de crainte qu’une balle perdue ne traverse son toit, comme l’ont déjà vécu certains. Madina Bouda, élève au lycée mixte de Gounghin de Ouagadougou, a été l’une des premières victimes de cette mutinerie des militaires. Blessé gravement à la tête par une balle perdue, elle sera transférée d’urgence à Paris pour des soins intensifs où elle perdra la vie le mercredi 06 avril 2011. Un crime de trop qui révolta encore une fois les élèves qui sont descendus dans les rues le lendemain 07 avril pour exprimer leur mécontentement et exiger justice pour tous les crimes commis.
Les autorités également n’ont pas été en reste durant cette crise, certains officiels ayant vécu un vrai cauchemar. C’est le cas du maire de la ville de Ouagadougou qui a été réveillé chez lui par un groupe de militaires qui lui ont infligé des sévices corporels et du chef d’Etat major général des armée qui a vu sa cour incendiée. La crise militaire révèle également une vraie crise de l’autorité au Burkina. Notons que le 11 avril, les magistrats ont repris le chemin des tribunaux car ils ont réussit à obtenir la réincarcération des militaires qui s’était évadés grâce au soutient de leurs frères d’armes. Ils sont toujours en attente de la satisfaction d’autres revendications. La crise quant à elle demeure et est loin d’être terminée, vue la détermination de toutes les couches sociales et professionnelles qui ont observé un arrêt de travail et ont répondu présents par milliers le vendredi 08 avril 2011 dans les rues de plusieurs localité du pays pour une grève générale de 24 heures, à l’appel de la Coalition Nationale de Lutte Contre la Vie Chère, la corruption, la Fraude, L’Impunité et pour les Libertés.
 

Ismael Compaoré

Au coeur des manifestations étudiantes à Ouagadougou

Répondant à l’appel de l’ANEB-Ouagadougou (l’Association Nationale des Etudiants du Burkina), élèves, étudiants ainsi que plusieurs militants d’autres couches sociales se sont réunis le vendredi 11 mars 2011 au terrain Dabo Boukary [1] de l’université de Ouagadougou pour une marche pacifique de protestation s’inscrivant dans la droite ligne de l’affaire de Koudougou. La direction générale de la police était la destination finale de la marche, où une lettre de protestation devrait être remise. Un meeting devait ensuite être organisé sur le campus au retour de la marche.
La marche débuta aux environs de 8h45 avec une participation de plusieurs centaines de manifestants. Les chants, slogans et pancartes anti-impérialistes accompagnaient les manifestants. Chacun exprimait, à sa manière, son ras-le-bol continu vis à vis des forfaits commis par ceux qui sont censés protéger le peuple et de l’impunité galopante qui caractérise le pays. A 400 mètres de l’université, au rond-point de la Paix, deux grandes murailles d’« hommes en tenue » bloquaient l’itinéraire prévu par les manifestants. La marche se voulant pacifique, l’itinéraire étant bien tracé et dûment communiqué aux autorités, les manifestants refusèrent catégoriquement de rebrousser chemin.
Les esprits s’échauffèrent progressivement. Ne sachant que faire pour disperser cette masse homogène, motivée et impatiente de poursuivre son chemin, sous l’œil innocent de la «rue de la Paix », ces « hommes en tenue » chargèrent à coups de bombes lacrymogènes tirées à bout portant. Les manifestants qui n’avaient pour seule arme que leur bouche pour revendiquer, ont été confrontés à ces actes de barbarie. Une chasse à l’homme s’ensuivit : ce fut le sauve-qui-peut du côté des manifestants qui se replièrent sur l’université.
Frustrés et blessés dans leur amour propre, les étudiants se réorganisèrent en cinq grands fronts pour mener la résistance contre les « forces de l’ordre ». Les CRS, la gendarmerie, l’armée de terre et de l’air, tous étaient mobilisés avec un véritable arsenal de combat face aux étudiants armés de pierres ramassées à la va-vite pour se défendre et résister sur le campus. La bataille fut rude et enragée.
Au bout de cinq heures d’intenses affrontements, les blessés se multiplièrent et le manque criard des moyens de résistance des étudiants se fit sentir. C’est ainsi que le campus fut assiégé et maîtrisé aux environs de 14h. Mais le combat se poursuivit sur d’autres fronts non loin de l’université (Zogona et Wemtenga). Vers 17h30, tous les manifestants furent cependant maîtrisés, vue la brutalité et les moyens mis en oeuvre pour réprimer la manifestation. Bilan : plusieurs blessés par bastonnades, gaz lacrymogènes, balles à blanc et même balles réelles [2]…et près de 19 étudiants arrêtés et détenus. Malgré cela, un autre meeting était annoncé pour le mardi 15 mars, toujours à l’université.

La fermeture des universités publiques et des services sociaux aux étudiants

Dès le vendredi 11 mars, des accusations étaient émises à la télévision nationale et sur des chaînes de radio par certaines autorités à l'encontre des étudiants et de l’Association Nationale des Etudiants du Burkina,  qui auraient été manipulés par l’opposition et l’extérieur. De retour du panel des chefs d’Etats africains à Addis-Abeba sur le conflit ivoirien, le président Compaoré est enfin sorti de son mutisme pour se prononcer sur les évènements du 22 février. Dans son discours, il n’a eu aucun mot pour les familles des victimes et ne s’est intéressé qu’à son fauteuil et aux édifices publics en évoquant des "actes de vandalisme". Un communiqué du gouvernement du 14 mars est venu rajouter au déni des autorités quant à la  réalité de la situation. Un congé anticipé fut donné aux élèves pour la période du 14 au 28 mars. Les universités publiques, restaurants et infirmeries universitaires comprises, ont été fermées jusqu’à nouvel ordre. C’est ainsi que les étudiants ont été mis à la porte des cités universitaires par les gendarmes, les laissant face à eux-mêmes.
Il s’agit là d’un véritable crime ! La majorité de ceux qui résident en cité viennent d’autres localités du pays et parfois de l’extérieur (notamment de la Côte d’Ivoire) et sont dans des situations sociales difficiles. L’infirmerie a été fermée en dépit des malades en cours de traitement. Heureusement, la solidarité estudiantine et le soutien d’âmes généreuses au sein de la population ont permis à beaucoup d’étudiants d’avoir un toit et de quoi se mettre sous la dent.
Mais fort malheureusement, certains ont été acculés à d’autres pratiques pour pouvoir s’en sortir. C’est le cas de certaines étudiantes qui se sont adonnées à la prostitution rien que pour avoir le transport retour pour rejoindre leurs parents. Cela confirme le mépris de nos autorités, prêtes à sacrifier la catégorie la plus fragile de la population pour assurer son maintien au pouvoir. Attitude d'autant plus aisée que leur progéniture se trouve le plus souvent à l'extérieur, dans les grandes universités européennes, américaines. Ils se soucient d’autant moins de l’avenir des étudiants au Burkina.

Le meeting avorté du 15 mars 2011

Le mardi 15 fut également une date décisive. Le meeting était prévu à l'université de Ouagadougou à 8h. Les étudiants sont arrivés pour constater la transformation de leur université en camp militaire. Un avion survolait  l’université. Face à cette situation, les étudiants s’organisent et bloquent les routes. Un affrontement de quelques heures les opposera aux « hommes en tenue ». Une rencontre entre autorités et étudiants a finalement eu lieu le vendredi 25 mars dernier et a abouti à la réouverture des universités publiques ainsi que des œuvres sociales au profit des étudiants, à partir du mardi 29 mars 2011.
A l’université de Ouagadougou, les activités ont aujourd’hui bien repris mais au ralenti. Du fait des nombreuses interruptions, certains n’ont toujours pas terminé leur année académique 2009-2010…
Toutes les exigences des étudiants n’ont pas encore été satisfaites, et des élèves ainsi que des étudiants croupissent toujours à la maison d’arrêt et de corrections de Ouagadougou. Le problème demeure donc et des solutions définitives de sortie de crise ne sont toujours pas trouvées. Les élèves de Koudougou (ville ou Justin Zongo a été assassiné) ont encore lancé un ultimatum en refusant l’accès des classes le 28 mars (date de réouverture des écoles primaires et secondaires), et ce jusqu’à ce que justice soit rendue et leurs camarades libérés. Risquons-nous encore une reprise de ces manifestations ? L’étudiant doit il avoir foi aux autorités et ne compter uniquement que sur les œuvres sociales ? N’a-t-il pas d’autres choix ou ne peut-il pas se créer lui-même d’autres alternatives ? Ces questions méritent d’êtres posées.
 

De notre correspondant à Ouagadougou, Ismael Compaoré
 

[1] : Ce terrain rend hommage à Dabo Boukary, étudiant en 7ème année de médecine assassiné en 1990.

[2]: Cette accusation d’utilisation de balles réelles est également corroborée par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) : http://www.fidh.org/Burkina-Faso-Les-autorites-doivent-mettre-un

 

« Au Burkina, la pauvreté et le chômage s’accroissent alors que les immeubles poussent et les belles voitures circulent ».

  Interview avec Ismaël Compaoré, étudiant à l’université de Ouagadougou, écrivain en herbe et futur journaliste d’investigation.

Bonjour Ismaël, pourrais-tu te présenter aux lecteurs de Terangaweb ?

Je me nomme Ismaël Compaoré, je suis étudiant en deuxième année d’études  philosophiques à l’université de Ouagadougou .Je suis également écrivain en herbe. J’ai vingt-trois ans et j’habite à Ouagadougou. Je suis par ailleurs militant dans une association de la société civile Burkinabé  dénommée le « Mouvement des Sans Voix – Burkina Faso ».

Pourrais-tu nous parler plus précisément de cette association ?

Le Mouvement des Sans Voix est une association de lutte de base qui mène concrètement des luttes sur le terrain pour l’émancipation des masses et surtout des laissés-pour-compte au Burkina. Avec comme devise «  Rien que les droits des peuples », le MSV-BF repose sur quatre principes fondamentaux :

 Informer et former les citoyens sur leurs droits et devoirs pour une prise de conscience collective et participative ;

 Défendre et faire réaliser les droits légitimes du citoyen ;

 Dénoncer et combattre les pratiques antihumanistes de la mondialisation, de la globalisation, du capital financier international et du néocolonialisme ;

 Contribuer au développement socio-économique national à travers des actions concrètes et visibles.

Concernant nos activités concrètes, on peut citer entre autre les thés-débats, les ciné-débats sur des thèmes engagés et participatifs du genre « jeunesse et militantisme », «  quelles stratégies de luttes contre le capitalisme et l’impérialisme? », etc. Nous organisons également des conférences de presse et publiques, des marches et des meetings, etc. Nous travaillons aussi sur l’œuvre historique des résistants et des  martyrs Africains et de la diaspora tels que Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Samory Touré, Babemba Traoré, Martin Luther King, etc… et leur  héritage que nous essayons de faire connaître. Nous avons en outre organisé un colloque international en  2009 et un forum en 2010 et il ya la participation du MSV-BF à plusieurs forums nationaux, sous-régionaux et internationaux dont le plus récent fut le forum social mondial de Dakar.

Est-ce que tu pourrais nous parler de la vie étudiante à Ouagadougou ?

La vie de l’étudiant burkinabé n’est pas facile et est surtout parsemée d’obstacles. Mais on se débrouille tant bien que mal pour pouvoir joindre les deux bouts et survivre normalement. Nous faisons face à beaucoup de problèmes : il y a l’instabilité et la durée de l’année académique, le manque et/ou la saturation des amphithéâtres… et on caresse le secret espoir de voir l’université de Ouaga2 – actuellement en construction – s’ouvrir et  recevoir ses premiers étudiants et d’autres universités ouvertes dans d’autres régions du pays pour désengorger ceux déjà existant. Concernant les  allocations de l’Etat, les étudiants sont classés par catégories et par âge. Il ya les boursiers et les non-boursiers. Les bacheliers boursiers de moins de 24 ans bénéficient d’une aide de L’Etat de 150 000 mille francs CFA l’année. Les frais d’inscriptions à l’université s’élèvent à 15 000 francs CFA et il est très difficile pour les étudiants qui n’ont pas accès à cette aide de s’en sortir financièrement, et même pour ceux qui en reçoivent mais qui n’ont plus le soutien des parents. Il y a également des prêts de 200.000 FCFA l’année qui sont octroyés aux étudiants de plus de 24 ans.

Qu’est ce que tu aimerais faire plus tard ?

Passionné d’écriture, j’aimerai un jour en faire un métier. J’ai actuellement à mon actif deux manuscrits, un recueil de poèmes et un recueil de nouvelles, toujours en quête d’édition. Après mes études philosophiques, si tout va bien, j’aimerai faire des études en journalisme et plus particulièrement en journalisme d’investigation. Je pense qu’il y a  plein de dessous-de-table à faire apparaître au grand jour, pour que les vérités cachées soient enfin divulguées afin que la justice sociale ne soit plus un rêve. C’est cela qui m’inspire surtout dans le journalisme : tenter de rendre justice à travers les écrits, rendre le coupable coupable afin que chacun réponde à la hauteur de ses actes et apprenne à s’assumer. J’ai de l’estime et surtout beaucoup de considération pour un journaliste d’investigation Burkinabé très connu de part son engagement, sa dignité et son intégrité, assassiné le 13 décembre 1998 pour ce qu’il écrivait. J’ai nommé Norbert Zongo, qui disait dans une de ses phrases restée célèbre : « quand on a le courage de dire : tuer le ! Ayez le courage de dire : c’est moi qui ai dit de le tuer. »

Comment analyses-tu la situation de ton pays aujourd’hui ?

Concernant la situation politique au Burkina Faso, on a un vrai problème d’alternance politique. La pauvreté et le chômage s’accroissent alors que les immeubles poussent et les belles voitures circulent. Et pourtant,  le développement d’une nation doit se mesurer tant  au niveau social  qu’au niveau infrastructurel. S’il y a plus d’infrastructures luxueuses et que la population à la base dispose encore moins du minimum vital, tellement leur pouvoir d’achat est faible, on ne peut pas parler de développement. Le Burkina Faso figure parmi les pays les plus pauvres et les plus endettés de la planète. Mais des alternatives existent pour changer cet ordre des choses s’il ya une volonté politique. J’ai foi en ce que cela puisse changer un jour pour l’épanouissement et le bonheur  de tous. La situation de l’emploi est très compliquée, même si des efforts sont en train d’être faits et on espère que cela va continuer. Actuellement, pour un Burkinabé et surtout pour un jeune Burkinabé, il n’est pas chose facile de décrocher un emploi. La majorité des diplômés se focalise sur les concours de la fonction publique puisque c’est ce secteur qui recrute le plus. Mais avec les fraudes constatées presque chaque année lors du déroulement de ces concours et l’arrestation de quelques malfaiteurs, cela nous amène à nous poser de plus en plus de questions sur l’avenir de la jeunesse et sur l’emploi particulièrement. Le secteur privé comme dans la majorité des pays africains, recrute peu et le plus souvent on a des difficultés d’accès à l’information.  Le favoritisme existe aussi dans ce secteur, ce qui complique encore la tâche aux diplômés méritants.

Est-ce que tu es confiant en l’avenir ; ton avenir personnel et celui de ton pays ?

Ce dont je suis sûr, c’est que je ne peux plus vivre des situations psychologiques pires que les précédentes, car je pense avoir acquis une certaine maturité. Je suis un optimiste convaincu et je suis certain que l’avenir nous réserve plein de surprises agréables, si on sait bien sûr les distinguer et les saisir. Surtout si on fait usage de l’intégrité, du courage et de la détermination dont dispose chaque homme, on pourra déplacer des montagnes pour un développement exemplaire.

Quelles seraient tes solutions ou tes propositions pour le développement de l’Afrique ?

L’Afrique a besoin de gouvernements et de sociétés civiles intègres, dignes et responsables. Elle souffre surtout d’une  ingérence étrangère et de la balkanisation de ses frontières. Un affranchissement mental et une responsabilité collective sont donc nécessaires. L’Afrique doit savoir prendre le développement à sa source en commençant par  la mise en valeur du secteur agricole. On doit apprendre à exploiter nos marchés et pour les exploiter on doit encourager et subventionner les agriculteurs locaux, construire des usines pour favoriser la transformation sur place et enfin consommer ce que nous produisons. Comme le disait si bien Thomas Sankara «  produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons  ». L’exploitation des ressources naturelles africaines doit être assurée par des Africains pour que chacun puissent bénéficier d’une manière ou d’une autre de ces richesses. Il faut aussi favoriser l’émergence d’un marché africain et d’une Union africaine véritable. Cette  union naîtra des cendres de la désunion actuelles. L’Afrique reprendra sa  place tant attendue et pourra bercer à nouveau ses enfants et reprendre véritablement sa place de mère de l’humanité.

 Interview réalisée par Emmanuel Leroueil