La Revue de L’Afrique des Idées – numero 2

C’est un réel plaisir pour moi de vous faire parvenir ce deuxième numéro de la Revue de l’Afrique des Idées. Cette publication pluridisciplinaire réunit des analyses menées par nos experts et jeunes chercheurs.

Dans l’édition 2018, retrouvez des propositions concrètes en matière de gestion des déchets, de connectivités physiques dans la CEMAC et d’implication des diasporas dans le développement local au Sénégal et au Cameroun.

Vous pouvez télécharger gratuitement l’intégralité de la Revue en cliquant  ici.

Boris Houenou, économiste
Directeur des publications de l’Afrique des Idées

Quels sont les risques et les enjeux de l’intégration financière en Afrique francophone ?

Depuis 1988 et la création de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières en zone UEMOA, l’Afrique francophone a tenté d’intensifier son intégration financière et de se doter d’institutions permettant de garantir le financement autonome des entreprises et des Etats de la région. Toutefois, si la BRMV représente un symbole de réussite pour l’intégration des services financiers de la zone franc, les marchés financiers de la région demeurent inefficaces[1] et peu adaptés aux besoins de financement des acteurs de l’économie locaux. Lors des réunions des ministres de la zone franc en avril dernier, les ministres ont désigné le renforcement de l’intégration financière au sein des deux sous-régions comme une priorité de leur feuille de route. L’intégration financière est un processus de renforcement des interactions entre systèmes financiers nationaux, au niveau global ou régional. Tous les indicateurs de profondeur financière montrent que celle-ci est faible dans l’UEMOA et dans la CEMAC comparée à la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne. Si l’intégration financière s’est accélérée au cours des dernières années dans la zone franc (augmentation de l’intensité des paiements entre pays, le développement rapide du marché régional des titres publics), elle reste décevante en raison notamment de l’hétérogénéité du développement financier au sein des deux zones monétaires, de l’hétérogénéité des conditions bancaires, de la fragmentation du marché interbancaire et des marchés financiers peu actifs hors dette publique. Pourtant des instruments pour favoriser l’intégration financière tels qu’une loi bancaire unique, une surveillance bancaire régionale et des bourses à vocation régionale existent.

Le présent article présentera les enjeux de l’intégration financière en Afrique notamment en matière de réduction des coûts des transactions financières et reviendra également sur les risques de contagion financière que comporte une telle intégration en cas de crise financière.

1. Enjeu de l’intégration financière en Afrique

Les gains de l’intégration financière sont élevés en Afrique. Elle permet de lever les deux contraintes majeures du développement financier que sont la faible taille des marchés et le niveau élevé des coûts de l’intermédiation financière. Par ailleurs, l’intégration financière peut aider à compléter une épargne interne insuffisante ou mal mobilisée, améliorer l’allocation des financements en faveur d’investissements productifs, contribuer à accroître l’accès aux services financiers, inciter à des politiques de stabilisation macroéconomique plus efficaces. Elle peut également améliorer l’efficience du système bancaire, par l’intensification de la concurrence et la diffusion de bonnes pratiques, y compris en matière de supervision.

L’intégration financière permet aux entreprises et aux ménages de partager le risque financier et favorise la spécialisation de la production dans les différentes régions.  Elle favorise également la diversification des portefeuilles et le partage du risque idiosyncrasique d’une région à l’autre grâce à la disponibilité d’instruments financiers supplémentaires. Une intégration financière approfondie renforce la croissance économique car les ressources financières sont libérées pour les activités économiques sous l’effet du développement financier. Elle renforce la concurrence entre les institutions financières locales et étrangères, ce qui permet d’améliorer l’efficacité des institutions financières car les ressources financières sont libérées pour les activités productives.

Toutefois, l’intégration financière peut également contribuer à une allocation sous-optimale des flux de capitaux, à une perte de la stabilité macroéconomique, à des effets de contagion et de plus forte volatilité des flux de capitaux et à la montée des risques liés à la pénétration des banques étrangères. Une intégration financière approfondie serait un outil de développement efficace pour les pays de la zone franc. Seulement la stratégie d’accélération de cette intégration financière devra prendre en compte la gestion des risques associés à celle-ci.

2. Recommandations

2.1. Renforcer l’intégration financière en Afrique

La mise en place de projets d’investissement régionaux, et le renforcement des institutions régionales, notamment de supervision est nécessaire pour ancrer durablement l’engagement politique en faveur de l’intégration. Dans ce contexte, l’intégration financière va de pair avec une amélioration du climat des affaires (qui peut contraindre le développement financier) et la mise en œuvre de politiques axées sur un meilleur accès aux services financiers. Les réglementations financières nationales doivent assurer une égalité de traitement des établissements financiers en supprimant toute barrière à l’entrée, toute discrimination dans leurs activités, et en harmonisant les conditions de la concurrence (réglementation bancaire, supervision, fiscalité). Enfin, l’amélioration des infrastructures financières est essentielle pour un abaissement rapide des coûts de transaction. Cette  optimisation concerne aussi bien les moyens de paiement, les systèmes de compensation interbancaires, la promotion des services innovants ou la gestion du risque.

Dès novembre 2013, un rapport de la Banque mondiale[2], recommandait de faciliter l’intégration financière par la mise en place de réglementations et de mécanismes de supervision bancaire transfrontaliers, de marchés de titres régionaux, du crédit commercial intra-régional et d’une intégration régionale des infrastructures financières. Enfin, la création dans chacune des deux zones de véritables marchés des changes, dans le strict cadre du système de change, permettrait une plus grande fluidité d’accès aux devises étrangères et constituerait ainsi un accompagnement utile du développement du secteur financier.

2.2. Gérer les risques associés à l’intégration financière

L’intégration financière est soumise à des risques, en particulier lors des épisodes de crises financières. Elle renforce les risques de contagion entre pays, mais aussi entre le système bancaire et États. Pour atténuer les risques d’une intégration financière, il convient de :

  • Renforcer les instruments régionaux de gestion des risques
  • Compte tenu de la forte complémentarité entre la régulation et la supervision, donner aux autorités de contrôle les moyens de faire appliquer les réglementations
  • Porter une attention particulière à la prévention et à la gestion des bulles financières et immobilières pour contenir leur ampleur
  • Adapter la régulation des marchés financiers au contexte africain pour accompagner leur émergence et réduire la procyclicité des normes prudentielles. En effet, l’efficacité de la régulation dépend de l’équilibre entre l’objectif de maîtrise des risques systémiques (renforcement des exigences prudentielles) et celui de ne pas peser sur le financement de l’économie. D’une part, le renforcement des exigences prudentielles est nécessaire, à la fois pour se rapprocher des bonnes pratiques internationales et pour s’adapter à l’évolution des systèmes financiers (banques panafricaines, banque mobile, microfinance). D’autre part, la régulation doit concilier l’objectif central de stabilité financière et celui d’une meilleure inclusion financière, notamment dans l’accès aux financements pour les petites et moyennes entreprises et l’octroi de financements longs. Elle doit également être adaptée à la capacité de supervision des autorités.

Viviane Bondoma

Bibliographie

Acalin, Julien and Cabrillac, Bruno and Dufrénot, Gilles and Jacolin, Luc and Diop, Samuel, Financial Integration and Growth Correlation in Sub-Saharan Africa (July 2015). Banque de France Working Paper No. 561

Cabrillac, Bruno, et Emmanuel Rocher. « Les perspectives des unions monétaires africaines », Revue d'économie financière, vol. 110, no. 2, 2013, pp. 99-125

Guérineau Samuel, « Les bénéfices de l’intégration monétaire et la théorie des Zones Monétaires Optimales : l’expérience de l’UEMOA et de la CEMAC », Institut de formation pour l’Afrique (IFA), Fonds Monétaire International (FMI), et la Banque de France Maurice, 8-9 mars

Guérineau Samuel, Jacolin Luc, « Réussir l’intégration financière en Afrique », Synthèse de la conférence organisée par la Banque de France et la Ferdi le 27 mai 2014


[1] https://www.afdb.org/fr/blogs/integrating-africa/post/regional-financial-integration-and-monetary-coordination-in-the-west-african-monetary-zone-and-the-east-african-community-13603/

 

[2] http://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2013/11/11/New-World-Bank-Group-Report-Charts-Road-Map-for-Financial-Inclusion

 

L’état de l’intégration régionale : De criantes disparités entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale

Les théories économiques classiques nous informent que l’ouverture des pays aux échanges régionaux et internationaux permet une réduction des coûts de transaction et de production. Cette tendance à s’ouvrir aux marchés ne se fait cependant pas sans heurts. Elle est en défaveur des pays les plus pauvres et marginalisés. En ce sens, l’intégration régionale peut être vue comme une tentative coordonnée de lutte contre les chocs aussi bien endogènes qu’exogènes et asymétriques.  

Sur le plan politique, les défenseurs de l’intégration régionale soutiennent que celle-ci permet de créer une dynamique d’ensemble, favorable à la cohésion, à la paix et à la sécurité de la région.

 

Dans un environnement coopératif et libre-échangiste grandissant, l’Afrique n’a pas voulu être à la traîne. C’est ainsi que dès 1963, l’OUA, ancêtre de l’UA a été créée. À la suite de cette organisation panafricaine, diverses organisations subrégionales ont été mises en place pour renforcer et dynamiser la coopération intra régionale.

Dans cette analyse, nous nous intéressons à l’intégration sur les plans politique et économique en Afrique Centrale sous le leadership de la CEEAC (et la CEMAC)[1] et en Afrique de l’Ouest en ayant comme point de repère la CEDEAO (et l’UEMOA)[2].

Afrique centrale : un espace sous-intégré

L’intégration en Afrique Centrale se heurte encore à des résistances nationales. La liberté de circulation bien qu'existant dans les textes fondateurs de la zone CEEAC n'a jamais  été véritablement mise en oeuvre. Une situation assez surprenante puisqu’au sein de la CEDEAO les efforts sont mis en œuvre pour rendre effectif cette liberté de circulation; condition importante pour un véritable décollage des économies de ces sous régions. A titre illustratif, un gabonais souhaitant se rendre au Cameroun voisin peut encore faire face à des lourdeurs procédurières et consulaires.  Le projet de mise en œuvre d’un « passeport communautaire » est restée sans suite; la faute à un manque de volonté des décideurs politiques de la sous-région.

L’initiative de création d’une compagnie aérienne de la sous-région lancée par la CEMAC a également fait faux bond, les principaux protagonistes décidant de faire marche arrière en mettant fin au projet en 2015. Il faut dire que ce fiasco a été lourd de dommages financiers. En effet,  Air Cemac qui n’a pas effectué le moindre vol avait un siège à Brazzaville ainsi qu’un personnel dirigeant et un conseil d’administration et de ce fait, cette compagnie a dû débourser des frais non-négligeables pour son fonctionnement au quotidien.

L’existence de deux marchés boursiers concurrents n’est pas non plus un facteur d’intégration régionale: il existe en effet la BVMAC siègeant à Libreville et la DSX de Douala alors même que le Gabon et le Cameroun sont tous deux membres de la CEMAC. Il va sans dire que cette situation n’est guère de nature à favoriser l’éclosion d’un marché financier résilient et prospère à l’échelle de cette sous-région. Ainsi que le note le cabinet Roger Berger dans un rapport – cité par Jeune Afrique (2016)-  portant justement sur cette question, la fusion des deux bourses permettra de «  maximiser la profondeur, la liquidité et l’attractivité́ du marché tout en minimisant les coûts opérationnels et les risques » Le rapport soutient que : « Concrètement, cela doit passer par l’harmonisation des réglementations des deux Bourses et par le rapprochement des infrastructures technologiques en vue de la création d’une plateforme commune ». Le texte de Jeune Afrique cite aussi un dirigeant d’une firme d’intermédiation qui affirme que «la convergence rapide des Bourses est un impératif pour le développement de la sous-région et permettra de créer des palliatifs aux modes de financement classiques ». [3] En effet, dans le cas de ces embryonnaires économies de la CEMAC,[4]il sied d’harmoniser les réglementations existantes et de mettre en place une bourse régionale efficace et solide. Un tel effort serait à tout le moins un pas vers la bonne direction.

Si l’intégration économique de la sous-région est loin d’être un succès, les pays de la CEMAC ont réussi la gestion de certaines crises. La CEEAC a joué un rôle prépondérant dans la gestion du dernier conflit centrafricain à travers sa médiation entre la séléka et les milices anti-baraka.. En effet, le forum centrafricain de réconciliation nationale en 2014 à Brazzaville, tenu sous la médiation du Président congolais Sassou Nguesso, les différents sommets extraordinaires et les autres rencontres formelles et informelles dans la sous-région consacrés à la crise que connaissait l’ex Oubangui-Chari sont entre autres des actions à mettre à l’actif de l’entité sous régionale. Cette dynamique proactive de la CEEAC a été d’une portée considérable dans l’issue heureuse que constituent l’accord de cessation des hostilités et l’accord de désarmement des parties prenantes au conflit signés respectivement à Brazzaville et à Bangui en 2015.[5]  Outre la Centrafrique, la CEEAC a aussi mené des médiations, aux résultats mitigés pour tenter de juguler des crises ou différends politiques au cours des dernières années, notamment à Sao-Tomé et Principe (2006) en RDC (2008), et au Tchad (2008-2009), Burundi ( 2015) entre autres.[6]

Afrique de l’Ouest : une dynamique d’intégration volontariste et progressive

Au rebours de l’Afrique Centrale, l’Ouest de l’Afrique connaît un processus d’intégration plus dynamique. La libre circulation des personnes, bien qu’imparfaite au sein de la CEDEAO, est néanmoins opérationnelle. Un citoyen sénégalais n’a pas besoin de visa pour aller au Mali et vice versa; ce sont les textes légaux qui le prévoient.

En outre, la part du commerce intra-régional en proportion des échanges totaux est plus importante en Afrique de l’Ouest qu’en Afrique Centrale. Selon un rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) publié en 2013, au niveau de la CEDEAO cette part est de 10.4% entre 1996 et 2010, 10.9% entre 2001 et 2006 et 9.4% pour la période 2007-2011 alors que pour les mêmes périodes, la part du commerce intra régional en proportion du commerce total au sein de la CEEAC est respectivement de 1.7%, 1.5% et 1.9%.[7] Toutefois, les pays de la CEDEAO devraient continuer à renforcer leurs échanges commerciaux pour booster leurs économies car ces pourcentages sont tout de même hautement négligeables en comparaison à la part du commerce régional au sein des grandes zones économiques comme l’UE, L’ALÉNA ou l’ASEAN. A ce propos, il y a nécessité de promouvoir une plus grande coopération régionale, à l’échelle même du continent. 

L’efficacité de la bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) de la zone UEMOA est aussi un bon indicateur des progrès au niveau de l’intégration en Afrique de l’Ouest. Comme le relève le rapport du cabinet Roland-Berger susmentionné, « Avec une progression de 17,77 %, le BRVM Composite s’est ainsi classé en tête des indices boursiers du continent en 2015. D’ailleurs, des assureurs et des fonds souverains de la CEMAC préfèrent investir sur la place ouest-africaine, relève Roland Berger ».[8]

Sur le plan politique et institutionnel, la CEDEAO, tout comme la CEMAC se sont dotées d’instruments juridiques et de règles communes pour réguler la coopération sous régionale. Il existe une cour de justice de la CEDEAO qui a condamné de nombreux États dans la sous-région, notamment le Togo dans l’affaire du coup d’État manqué de 2009. Il y a également l’adoption d’un protocole au sein de la CEDEAO qui interdit toute réforme importante de la loi électorale dans les six mois qui précèdent la tenue d’une élection présidentielle à défaut d’un accord consensuel.

La CEDEAO s’est aussi illustrée par son rôle de médiateur et par ses interventions militaires lors des différentes crises ouest-africaines. L’ECOMOG (Brigade de surveillance du Cessez-le-feu de la CEDEAO) aussi connu sous le nom de « casques blancs » est intervenue au Libéria mais aussi en Sierra Leone et en Guinée Bissau lors des guerres civiles qui ont secoué ces pays. Plus récemment, la CEDEAO a été sous le feu des projecteurs, du fait de sa médiation à succès en Gambie. Mais elle n’a pas toujours connu la même fortune. Ses médiations en Côte d’Ivoire lors de la crise post-électorale de 2010 ou au Mali lors de la crise qui a suivi le départ du pouvoir du président Amadou Toumani Toure en 2012 ont été pour le moins infructueuses.

Au niveau de la CEEAC, un Conseil de paix et de sécurité de l’Afrique Centrale (COPAX) dont la mission est de prévenir les conflits et maintenir ou rétablir la paix dans la sous-région a été créé. Il y a également une brigade régionale de maintien de la paix (FOMAC).

Il importe, somme toute, que les différentes organisations régionales avancent vers une plus grande intégration communautaire pour limiter un tant soit peu l’extraversion des économies africaines. Plusieurs mesures doivent être prises en ce sens; notamment une diversification de la production, un allègement de la fiscalité, une réduction des barrières douanières et frontalières, le tout porté par une réelle volonté politique de changement.

 

                                                                                                                                                                           Thierry SANTIME

 


[1] La Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), créée en octobre 1983.La Communauté Économique et Monétaire des Etats de l'Afrique Centrale (CEMAC) regroupe 6 pays, à savoir le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République de Centrafrique et le Tchad

 

 

 

 

 

[2] La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO) est une organisation intergouvernementale ouest-africaine créée le 28 mai 1975. L’Union économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a pour objectif essentiel, l’édification, en Afrique de l’Ouest, d’un espace économique harmonisé et intégré…

 

 

 

 

 

[3] Omer Mbadi et Stéphane Ballong. Jeune Afrique. 2016 « Afrique Centrale : cinq idées pour dynamiser le marché financier ». http://www.jeuneafrique.com/mag/303852/economie/5-idees-dynamiser-marche-financier/

 

 

 

 

 

[4] Embryonnaires en termes de développement financier et industriel et dont l’extraversion tous azimuts- ou presque-confine à une subordination économique vis-à-vis des grandes puissances économiques et des marchés émergents,

 

 

 

 

 

[5] Cyril Bensimon. « À Bangui, la fin troublée du Forum de réconciliation nationale ». Le Monde Afrique. 2015.  http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/05/12/a-bangui-la-fin-troublee-du-forum-de-reconciliation-nationale_4631850_3212.html

 

 

 

 

 

[6] Madeleine Odzolo Modo, « Fiche d’information de l’organisation : CEEAC ». Réseau de recherche sur les opérations de paix de l’Université de Montréal. http://www.operationspaix.net/3-fiche-d-information-de-l-organisation-ceeac.html

 

 

 

 

 

[7] CNUCED. Rapport 2013 sur le développement économique en Afrique. « Commerce intra-africain : libérer le dynamisme du secteur privé », p.18. http://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/aldcafrica2013_fr.pdf 

 

 

 

 

 

[8] Omer Mbadi et Stéphane Ballong. Jeune Afrique. 2016 « Afrique Centrale : cinq idées pour dynamiser le marché financier ». http://www.jeuneafrique.com/mag/303852/economie/5-idees-dynamiser-marche-financier/

 

 

 

 

 

Regards croisés sur le FCFA : que faut – il retenir ?

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Lors d’une conférence de presse faisant suite à la réunion des ministres des finances qui s’est tenue à Paris en Octobre 2015, Michel Sapin déclare à propos de la zone CFA[1] : « La France est entièrement ouverte à toutes les discussions. Tous les membres de cette zone monétaire sont libres et indépendants, ils peuvent donc demander à rediscuter les accords monétaires qui les lient avec la France. Rien n’est figé ni tabou ». Cette annonce a d’avantage amplifié la spéculation autour du F CFA soutenue depuis quelques années par la montée en force d’un panafricanisme qui se dit avisé.

            Alors que l’opinion publique s’attendait à l’ouverture du débat sur les mutations des mécanismes de fonctionnement et / ou à une éventuelle sortie des économies africaines de la zone CFA, le comité ministériel lors de sa dernière session de travail – qui s’est tenue à Yaoundé du 8 au 9 Avril dernier – semble affirmer sans ambages que la zone CFA reste un instrument approprié pour les pays membres.  

            Pour rappel, la zone CFA repose depuis plus de 50 ans sur des accords qui définissent d’une part les modalités de la coopération monétaire entre pays africains et, d’autre part sur les modalités de la coopération monétaire avec la  France –  articulés autour de la fixité du F CFA  arrimé d’abord  au franc français puis à l’euro en vertu de l’article 234 alinéa 1 du traité de Maastricht.  

            Grâce à l’originalité de son mécanisme de fonctionnement, cette « construction originale » a à plus d’un titre traversé les décennies en conservant sa convenance et son dynamisme (Noyer, 2012,5). De la sorte, elle a su résister aux évolutions du Système Monétaire International, à la décolonisation, à la globalisation, à la dévaluation, à l’avènement de l’euro qui offrait l’opportunité de mutations profondes et, récemment aux différentes crises financières internationales.

            Bien que la zone CFA relève avec brio le défi de la pérennité, les réalités socioéconomiques de la CEMAC et de l’UEMOA posent de façon permanente la question de la pertinence de la coopération monétaire avec la France et donc de la monnaie unique et des changes fixes.

  1. Avantages théoriques et critiques réelles

            Théoriquement, la monnaie unique et les changes fixes suppriment à la fois les coûts de transaction et l’incertitude liés au taux de change (Ripoll, 2000) ; accroissent la transparence des prix dans les pays suffisamment ouverts (Benassy-Quéré et Coeuré, 2010). En ce sens, ils simplifient les calculs économiques et rendent les transactions internationales moins risquées. En ce sens, ils permettent de réaliser des gains d’efficacité monétaire (Krugman et Obstfeld, 2008).  

            Avec la garantie monétaire, ces conditions sont également supposées favoriser l’afflux des IDE dans les régions Ouest et Centre Africaine. Mais, selon les statistiques financières internationales, la plus grande part des IDE de la France – principal partenaire commercial et financier de la zone CFA – en Afrique est orientée vers le Maroc.

                Néanmoins, les changes fixes restent favorables au commerce et à l’attrait des capitaux extérieurs. Durant la phase initiale de sa mise en place, l’arrimage à l’euro a permis la hausse des recettes d’exportation et des flux de capitaux de plus de 30% et 100% respectivement au Cameroun, en Côte d’ivoire et au Sénégal[2].

            Cependant, la prééminence de la défense du taux de change fixe entre le F CFA et l’euro favorise  la constitution excessive des réserves[3] de change au détriment du financement des économies (Kako Nubukpo, 2015). Aussi, pour les économies permanemment sujettes à des chocs extérieurs, la fixité du taux de change handicape lourdement le processus de l’ajustement alors que la volatilité de la parité euro-dollar – préoccupation mineure pour la BCE à cause de l’importance du commerce intra-zone euro – se répercute intégralement sur la parité du F CFA et contraint le taux de change réel. Zafar (2005) montre qu’en provoquant des appréciations réelles d’environ 8% en zone UEMOA et  7%  en zone CEMAC  entre 1999 et 2004, un euro fort – un F CFA fort – réduit  la  marge de manœuvre de la compétitivité-prix des pays membres.

            Or, la probabilité d’abandonner un régime de change fixe augmente avec l’appréciation du taux de change et le degré d’ouverture des économies. Ce d’autant plus que la perte de compétitivité est l’une des causes principales du déficit du compte courant – plus important pour les pays ayant une stratégie d’ancrage du taux de change (Ghosh et al., 1997). Ceci suggère une influence forte de la compétitivité (Berger et al., 2000) dont le maintien est important pour le développement économique des pays.

            Puisqu’elle ne permet donc pas d’atténuer la vulnérabilité aux effets externes, la zone CFA est loin de garantir et de maintenir la stabilité macroéconomique comme attendu. Tout  au contraire, le F CFA du fait de sa fixité à l’euro permet de transférer les chocs et les fluctuations sur les autres variables macroéconomiques ; Levy-Yeyati et Sturzengger  (2000)  l’associent  à  une volatilité plus élevée[4].

            De ce fait, le taux de change effectif réel, les termes de l’échange et le PIB[5] réel sont en moyenne[6], plus volatiles que dans les autres pays d’Afrique Subsaharienne[7]. En s’arrêtant temps soit peu sur la volatilité trimestrielle du PIB réel en Afrique Sub-saharienne entre 2001 et 2010, on constate que les pays de la zone CFA sont d’environ 1,5 fois plus volatiles que les autres pays d’Afrique Sub-saharienne qui n’ont pas opté pour un taux de change fixe depuis 2001. D’ailleurs, la fixité de change expliquerait environ 14%[8] de cette volatilité.

            Plus encore, grâce à ses principes de convertibilité et de libre transférabilité, la zone CFA favorise les sorties des capitaux financiers indispensables à la construction des économies et s’oppose à la formation de l’épargne intérieure au profit de l’endettement extérieur dont le remboursement contraint les populations (Agbohou, 2013).

            Telles sont les principales critiques à l’égard du F CFA. Mais, la structure même de ces économies et leur fonctionnement sont entre autres autant d’éléments qui obligent à relativiser.

            Il convient alors de souligner que le F CFA – c’est-à-dire la monnaie en elle même – n’a aucune influence sur l’activité économique. Son efficacité dépend de l’usage qu’on en fait et donc de sa gestion. C’est d’ailleurs pour cela que le choix d’un régime de change dépend essentiellement des conditions socio économiques et des nécessités des économies ; les principales nécessités étant relatives à la solidarité et à la crédibilité.

  1. Le F CFA n’est pas l’alpha et l’oméga du développement économique des pays

            Les développements récents de la théorie des zones monétaires privilégient une analyse en termes  d'économie politique et mettent l'accent sur l’importance de la crédibilité de la politique monétaire. Le F CFA confert aux pays qui l’ont adopté une crédibilité internationale du fait de son lien fort avec l’euro et, le plus grand bénéfice lié à l'appartenance à la zone est la rigueur et la discipline qui découlent des engagements institutionnels pris au niveau supranational (Alésina et Barro, 2002). Elles permettent de lutter efficacement contre l’inflation dont la maitrise est un atout dans le contexte des économies à faible niveau de revenu. A cet effet, la permanence de la zone CFA et la relative stabilité qu’elle autorise contrastent avec l'instabilité économique et politique de l'ensemble du continent africain.

            En instituant un ensemble de règles communes, la zone CFA est aussi un catalyseur de la solidarité entre pays. Cette solidarité est vue comme une condition nécessaire et suffisante de l’optimalité de la zone, en tant qu’elle constitue la finalité d’une union monétaire (Ondo Ossa, 2000). Par solidarité, il faut entendre l’aptitude d’un pays à supporter le coût de gestion d‘un autre. Elle permet aux pays en difficultés économiques et financières d’être soutenus par les pays « sains ». D’où la mise en commun des fonds dans les comptes d’opérations permet aux pays déficitaires de continuer à régler leurs achats extérieurs.

            Un exemple illustratif est relatif à la période 1985 – 1991, période au cours de laquelle tous les pays membres de la zone CFA avaient un solde commercial déficitaire à l’exception du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Congo et du Gabon. Plus récemment, la RCA (2004-2009) et le Tchad (199-2003) ont également connu une persistance de leur déficit commercial dont les conséquences ont pu être atténuées par le biais de cette même solidarité.

            En assurant la convertibilité illimitée des F CFA en euro, la France participe également à cette solidarité ; ce d’autant plus qu’elle accorde par son trésor national une garantie de non dépréciation de l’euro par rapport aux DTS[9] pour les 50%[10] des avoirs extérieurs que les pays africains sont tenus de déposer dans les comptes d’opérations (rémunérés) pour garantir leur valeur.

            Quant on parle de 50% des avoirs extérieurs déposés dans les comptes d’opérations, l’imagerie populaire africaine ne peut s’empêcher de dénoncer un hypothétique mécanisme de détournement de leurs ressources au profit de la France. Il est donc opportun et de judicieux de souligner que les avoirs des pays africains dans les dits comptes d’opérations sont peu signifiants pour leurs économies et pour celle de la France. En effet, entre 2011 et 2012, le solde du compte d’opération de la CEMAC au du trésor français représentaient en moyenne 0.32% de la masse monétaire de la France et 0.00652% de la masse monétaire de la CEMAC. On peut donc convenir que la mise à l’écart de ces fonds n’entrave en rien le financement des économies.

            Avec un niveau de masse monétaire plus élevé que celui de la France, on s’attendrait à ce que les actions de la politique monétaire en zone CFA se fassent véritablement ressentir dans les économies, ce d’autant plus que les différents taux directeurs sont inférieurs à 3%.

            Mais, les modifications des taux débiteurs des banques ne suivent pas systématiquement les  variations des taux directeurs et restent élevés compte tenus des risques. Ainsi, le financement des économies par le biais des banques est beaucoup plus régi par les considérations externes que par les conditions internes au système bancaire d’où le double rationnement de crédit (rationnement par les prix et par les conditionnalités d’accès au crédit) permanent dans ces économies. L’existence d'un système monétaire stable et unifié n'a malheureusement pas permis l'émergence d'un système bancaire et financier efficace dans les pays africains de la zone franc.

            Pour revenir au cas réserves extérieures des pays membres, force est de constater que leur niveau est bien inférieur à celui des autres pays africains à niveau de développement comparable. C’est dire que les pays de la zone CFA gagnent peu dans les échanges avec l’extérieur. Leur faible compétitivité prix (qu’on attribue l’arrimage à l’euro) en est la cause. Pourtant, lorsqu’on compare la moyenne[11] des taux de change effectifs réels de la CEMAC et de l’UEMOA à ceux du Nigéria et du Ghana sur la période 1999 – 2012, on constate que la différence est négligeable (l’UEMOA étant d’ailleurs en moyenne plus compétitive que le Ghana et le Nigéria).

            La conception[12] du taux de change effectif réel d’Edwards (1989), montre qu’il dépend fortement des politiques économiques et des facteurs internes (politique fiscale, productivité, niveau des dépenses publiques, etc.). C’est donc dire que d’autres facteurs relatifs à la compétitivité hors prix influencent les échanges avec l’extérieur et notamment la structure des économies.

            Pour ce qu’il en est, aussi bien pour les économies de la CEMAC que pour celles de l’UEMOA, la propension marginale à importer est plus forte que la propension marginale à exporter. Les importations sont élastiques par rapport au revenu et au taux de change effectif réel. Les élasticités-revenu et prix estimées valent respectivement 1.36 (1.26) et 3.12 (1.62) pour la CEMAC (l’UEMOA). Ainsi, une amélioration du revenu de 1% augmente les importations de 1.36% et 1.26% en CEMAC et en UEMOA respectivement tandis qu’une appréciation du taux de change effectif réel de 1% qui rend les produits étrangers moins chers augmente les importations de 3.12% et 1.62% en CEMAC et en UEMOA respectivement.

            Dans le même temps, les exportations elles sont inélastiques par rapport au taux de change effectif réel. Elles n’augmentent que faiblement (0.27% en moyenne) suite à une modification de 1% des prix  relatifs favorables aux pays de la zone CFA.  

            Ces faits sont attribués entre autres à la faible diversification des productions domestiques (concentrées sur le pétrole, le cacao, le coton, entre autres), au caractère embryonnaire des industries locales et à la forte extraversion des habitudes alimentaires qui, rendent les revenus de ces économies tributaires des fluctuations des prix internationaux des matières premières et les maintiennent fortement dépendants des biens alimentaires et manufacturés extérieurs. Ainsi, même lorsque les prix relatifs deviennent défavorables et que les importations baissent, la pression qu’exercera la demande interne sur l’offre tendra plutôt à augmenter en interne les prix à la consommation.

  1. Des reformes concrètes à mener en attendant (peut – être) un nouveau système de change

            Les défis des économies africaines de la zone CFA sont donc plus structurels que conjoncturels et un simple changement de monnaie ou de régime de change ne suffira à les relever. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les avantages de la monnaie unique et des zones monétaires n’ont jamais pu être optimisés au sein de la zone. Puisque le régime de change et les conditions économiques interagissent, la question qui demeure est celle de savoir quels changements faut-il initier pour que la zone CFA en plus d’être soutenable puisse être efficace et améliorer le niveau développement des économies?

            Les recommandations vont prioritairement dans le sens de l’amélioration de l’environnement des affaires, de la promotion et de l’accélération de l’intégration économique (intra et inter sous régions) et de la convergence, de la coordination des politiques économiques (programmation monétaire et  programmation budgétaire pour l’élaboration d’un Policy Mix adéquat), et de la diversification des structures productives.

                Le choix du régime de change approprié quant à lui exige au-delà d’une telle analyse de comparer dans le temps le bénéfice net de la fixité de change du F CFA par rapport à l’euro relativement à celui qui résulterait des régimes de change alternatifs dans un scénario de simulation.

 

Bibliographie:

AGBOHOU, N. (2012): « Le fonctionnement du F CFA, l’arme monétaire de la France contre l’Afrique », Word Press Infos.

BEAC (1973): Convention du compte d’opération.

BCEAO (1973): Convention du compte d’opération.

BEAC (2013): Rapport Spécial sur le Contrôle du Compte d’opération.

Edwards, S. (1989): ‘Exchange rate misalignment in Developing Countries’. Baltimore: John Hopkins University Press.

Ghosh, A. R., Gulde, A. M., Ostry, J. and Wolf, H. (1997): « Does the Nominal Exchange Rate Regime Matter? », NBER Working Paper, n° 5874.

 


[1] Coopération  financière  en  Afrique  Centrale  et  communauté  Financière  Africaine  en  Afrique  de  l’Ouest.  La zone franc CFA compte la France et quatorze pays d’Afrique Sub-saharienne regroupés en deux sous régions (la CEMAC :  Cameroun,  Gabon,  Tchad,  Congo,  RCA,  Guinée  Equatoriale  ;  l’UEMOA :  Sénégal,  Cote  d’ivoire, Bénin,  Burkina,  Mali,  Niger,  Togo,  Guinée  Bissau)  représentées  dans  les  accords  de  coopération  par  leurs Banques Centrales respectives (BEAC et BCEAO).

 

 

[2] Calculs de l’auteur

 

 

[3] Les avoirs extérieurs nets s’élèvent au 31 décembre 2014 à 5 208 milliards de francs CFA (7,9 milliards d’euros) pour la BCEAO, soit un taux de couverture de l’émission monétaire de 84,3 %. Pour la zone de la CEMAC, les avoirs extérieurs nets s’élèvent à la même période à 8 387 milliards de francs CFA (12,4 milliards d’euros) pour la BEAC, soit un taux de couverture de l’émission monétaire de 89,8 % via le mécanisme dit « du compte d’opérations » (Kako Nubukpo, 2015).

 

 

 

 

[4] L’Argentine et l’Uruguay en avaient été durablement frappés à la fin des années 1990.

 

 

[5] Dont les fluctuations sont liées aux fluctuations de l’emploi et du chômage (Saludjian, *).

 

 

[6] Cameroun, Gabon, RCA, Guinée Equatoriale, Togo, Cote d’ivoire, Sénégal à cause de la disponibilité des données.

 

 

[7] Nigéria, Ghana, Afrique du Sud, Burundi, Gambie, Malawi, Ouganda, Zambie.

 

 

[8] Coefficient de détermination obtenu de la régression par les MCO de la volatilité du PIB réel sur le type de régime de change.

 

 

 

[9] Droits de triages spéciaux

 

 

[10] Ce taux a évolué au cours du temps. Il était de 100% à l’origine jusqu’en 2005 où la quotité a été définit à 65%, de 60% jusqu’en Juin 2008, 55% jusqu’en Juin 2009 et de 50% depuis Juillet 2009.

 

 

[11] En logarithme, 4.60 pour la CEMAC, 4.57 pour l’UEMOA, 4.59 pour le Ghana et 4.58 pour le Nigéria.

 

 

[12] Selon laquelle le taux de change réel dépend des fondamentaux des économies.

 

 

Diplomatie et hégémonie régionale en Afrique subsaharienne (2)

La géographie du Congo ou l'économie du Gabon : à qui le Centre ?

RDC
« L’Afrique est un revolver dont la gâchette est le Congo », disait Frantz Fanon. Cette assertion sonne comme un vœu pieux tant la RDC, à l’image de l’ensemble des Etats d'Afrique centrale, semble loin de l'émergence politique et économique. L’instabilité chronique dans cette région en est la cause principale. Le Congo, territoire immense aux ressources naturelles abondantes semble victime d'une malédiction. Son décollage aux premières lueurs de l'indépendance a été altéré par l'épopée de Mobutu ; les années qui suivirent son éviction du pouvoir furent marquées par un changement de direction politique qui n’a toutefois pas permis de rompre avec les vieux démons de la violence et d’une exploitation prédatrice des ressources nationales. L'est de la RDC est une zone poudrière qui est, à elle seuls, un nœud diffus de problèmes et d'enjeux multiples. En effet, sur ce territoire frontalier du Rwanda, cohabitent une multitude de groupes armés avec tous des agendas et des structurations différents. On y retrouve les Maï Maï, les Interhamwe, les FDLR, les rebelles du M23, les dissidents du RCD-Goma, etc.

Rwanda
A coté de cette kyrielle d'organisations militaires, le voisin rwandais est aussi une donnée à analyser avec grand intérêt. Paul Kagamé, président du Rwanda est constamment accusé de fragiliser et déstabiliser la RDC en accordant son soutien aux groupes armés qui opèrent sur le territoire congolais, avec comme base arrière le sol rwandais. Son but serait de disposer ainsi d'un levier de pression sur son puissant voisin. C'est une stratégie hélas courante sur le continent, utilisée par la Gambie qui s’est longtemps servie de la Casamance comme un moyen de pression sur le Sénégal ou de l'Algérie, qui s'appuie sur le Front Polisario pour contrarier le Maroc, etc.
L’impulsion derrière la diplomatie de Paul Kagamé est d’assumer un rôle de premier plan dans la région des Grands Lacs et, au delà, en Afrique de l'Est. Le Rwanda s'est donné les moyens de cette politique de retour après les tragiques épisodes du génocide de 1994 par le biais d'une diplomatie active et d'une économie en forte croissance.. Ce retour s’effectue avec le soutien des Etats Unis et de la Grande Bretagne qui accueillent avec bienveillance ce pays dans leur giron. Faut-il rappeler que le Rwanda post-génocide a tourné le dos à la France, allant même jusqu'à renier son identité francophone. Le rôle joué par Paris durant le génocide de 1994 reste controversé.

Gabon
Par ailleurs, dans la région centrale de l'Afrique, le Gabon occupe une place particulière malgré la modestie de sa taille et de sa population. Ainsi, ce pays joue un rôle de premier plan au sein de la CEMAC dont il est la locomotive, eu égard à sa puissance économique et financière. Le Gabon a pu s'appuyer sur ses richesses issues du pétrole pour acquérir une importance et une notoriété qui dépassent au-delà des frontières du continent. Cette importance du Gabon sur la scène internationale est aussi le fait d'une diplomatie généreuse surtout vis-à-vis de l'ancienne puissance coloniale. En effet, Omar Bongo a fini par symboliser, à lui seul, les méfaits et travers de la « Françafrique ». Sa loyauté vis-à-vis de la France a fait du Gabon un pays privilégié du pré-carré et une sorte de prolongement de l'ancienne métropole en Afrique. Omar Bongo a été fidèle à la France, que celle-ci soit de gauche ou de droite. Et elle le lui a bien rendu, notamment avec la présence de Nicolas Sarkozy à ses obsèques et l’acquiescement de l'Elysée à la transmission quasi-filiale du pouvoir à Ali Bongo, en porte-à-faux avec ses imprécations au respect de la démocratie et à la transparence dans les processus électoraux en Afrique.

Malgré elle, la Somalie plaque tournante d'une lutte d'influence féroce

La Somalie
L'Afrique orientale est sans doute la zone la plus troublée du continent avec une instabilité notoire entre les deux voisins Soudanais, les troubles frontaliers entre l'Ethiopie et son voisin érythréen, les visées rwandaises sur une partie du territoire congolais et la désagrégation de la Somalie qui est aujourd’hui, peut-être plus que l’Afghanistan, le modèle du failed state.
Aux côtés de Kigali, Nairobi et Addis-Abeba veulent aussi se positionner, voire se maintenir comme les acteurs majeurs de la zone. Curieusement, la Somalie constitue une zone d'exercice de l'influence que ces pays cultivent en Afrique orientale. La faillite de ce pays, divisé de fait en plusieurs micro-entités aux mains de chefs de guerre, de fondamentalistes shebabs et de pirates opérant dans le golfe d'Aden, inspire de la part de ses voisins une entreprise de normalisation qui cache mal un dessein hégémonique régional.

Le Kenya
Le Kenya, d’ordinaire réservé sur le plan militaire, a envahi le territoire somalien afin de combattre les milices islamistes qui ont procédé à des enlèvements de touristes et de travailleurs humanitaires étrangers sur le sol kenyan. L'Ethiopie a suivi en investissant la Somalie afin de combattre aussi les shebabs et d’éviter ainsi une jonction avec les populations autonomistes de l’Ogaden à majorité musulmane. Ces opérations, accompagnées d’un soutien logistique nécessaire au gouvernement provisoire somalien plus que dépendant de l'étranger, cachent mal une volonté des deux pays d’affirmer une puissance régionale dont le terrain de jeu est la Somalie.

Les luttes d'influence font rage en Afrique à l'instar des autres continents. Et il est intéressant de les appréhender selon une grille de lecture faisant appel à différents paramètres. Comment les intérêts nationaux peuvent-ils diverger, se croiser ou se compléter dans un grand ensemble qui est fortement tributaire des décisions et orientations prises hors de son sein ? En effet, il est courant de voir le continent africain indexé comme la cible d'une compétition hégémonique entre d'autres acteurs du jeu mondial. L'Europe qui veut préserver l'antériorité de son influence acquise par le biais du colonialisme. La Chine, qui se réveille et dont les besoins énergétiques orientent nécessairement vers le continent. L'Amérique qui veut intégrer l'Afrique dans son combat à visée universelle contre le terrorisme. C'est à oublier parfois qu'il existe une diplomatie intra africaine qui se pratique avec des leviers classiques de la politique étrangère dont dispose chaque Etat. Cette diplomatie est intéressante, notamment dans la mesure où elle se heurte aux difficultés structurelles qu'imposent souvent le caractère limité des moyens humains et matériels, mais également par la présence continue et influente des puissances occidentales à qui souvent revient le dernier mot sur des questions essentiellement afro-africaines. C'est ça aussi le paradoxe de l'Afrique, et cela ne fait que rendre la course hégémonie encore plus importante.

Hamidou Anne

La CEMAC : l’anti-modèle de zone d’intégration africaine

Siège de la CEMAC à Bangui (Centrafrique)

Portée officiellement sur les fonds baptismaux en mars 1994, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (composée du Cameroun, de la Centrafrique, du Congo-Brazzaville, du Gabon, de la Guinée-Equatoriale et du Tchad) n’est cependant entrée en vigueur qu’en juin 1999. 5 longues années pour arriver à trouver un consensus politique a minima et mouvoir le projet d’intégration régionale voulu par les pays membres. Un démarrage laborieux qui semble avoir durablement déteint sur le fonctionnement de la CEMAC. Entre lenteurs et désaccords, querelles de clochers et projets communs mis au placard, scandales et climat de méfiance, la CEMAC doit près de 20 ans après sa création relever nombre de défis pour enfin s'imposer comme un acteur régional crédible en Afrique centrale. 

Un projet d'intégration mal en point

Après plus de 2 ans d’atermoiements, la 11e session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat de la CEMAC à Brazzaville, tenue le 25 juillet 2012, était très attendue, tant les sujets de contrariété et les motifs de dissension abondent. Certes, il y a eu incontestablement quelques avancées dans la voie de l’intégration. Les institutions communautaires ont été, ou mises en place (Cour de Justice, Secrétariat exécutif, Commission interparlementaire) ou consolidées (Banque des Etats de l’Afrique centrale et Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale). Une zone de libre-échange ainsi qu’un tarif extérieur commun ont été institués, et des règles communes ont été adoptées en matière d’investissement et de concurrence. Mais au-delà des déclarations circonstanciées des uns et des autres, restent les actes. Et ceux-ci donnent à voir une réalité moins attrayante. 

Ainsi, en dépit du cadre réglementaire mis en place, les dispositions communautaires ne sont le plus souvent que partiellement appliquées par les états membres. Derrière une façade lisse de discours fédérateurs, chaque pays défend farouchement ses prérogatives nationales et considère avec suspicion toute réglementation commune qui pourrait empiéter sur sa souveraineté. Cas emblématique entre tous, la question de la libre-circulation des biens et des personnes : bien que théoriquement garantie au sein de la zone CEMAC pour les ressortissants des pays membres, elle n'a jamais été mise en œuvre. Un blocage dû tant à un manque de volonté politique qu'à la crainte nourrie par les nations les plus favorisées (Guinée-Equatoriale et Gabon notamment) d'être "submergées" par un flot incontrôlé de migrants non désirés. Du reste, le passeport CEMAC commun à tous, ambition vieille de plus d'une décennie, n'est toujours pas opérationnel. Une illustration éclatante des limites du projet d'intégration de la CEMAC en l'état actuel des choses. 

Tableau comparatif entre organisations régionales africaines

Quant aux principaux projets communautaires, ils sont eux aussi en panne. Annoncé depuis plusieurs années, le rapprochement entre la bourse camerounaise du Douala Stock Exchange (DSX) et la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (BVMAC, située à Libreville) est enlisé dans d'interminables contretemps. La fusion, si elle devenait effective, donnerait naissance à une Bourse régionale unique dont le siège serait à Libreville (Gabon). Une décision politique qui aura fait l'objet d'intenses tractations, et qui passe très mal auprès des intervenants financiers. Ces derniers pointant du doigt (à juste titre) la primauté du DSX (volume de transactions, taille du marché, vivier plus important de personnel qualifié) sur son homologue gabonais. Toutes les grandes institutions financières internationales (Banque africaine de développement, Fonds monétaire international et Banque mondiale) ont été sollicitées pour proposer un plan de rapprochement accepté par les deux parties. Mais pour l'heure, pas d'avancée significative. En somme, la partie est loin d'être gagnée. 

Air Cemac, le futur transporteur aérien régional, attendu là-aussi depuis longtemps, devait pour sa part démarrer ses activités avant l'été 2010. Mais la compagnie en devenir est toujours clouée au sol. La faute principalement à une absence d'accord entre toutes les parties prenantes. Tant de la part des Etats membres de la CEMAC que des partenaires privés (l'opérateur South African Airways qui devait initialement s'engager comme partenaire stratégique de la compagnie communautaire a opté pour une simple assistance technique, avant de finalement jeté l'éponge au profit d'Air France). Aux dernières nouvelles cependant, le démarrage des activités serait proche. Après tant de faux départs, un espoir raisonnable semble permis. 

Autre cheval de bataille de l'intégration : le plan de développement régional qui passe par des programmes économiques communautaires. Sur ce point, on ne pourra que constater également le retard de l’Afrique centrale. Notamment lorsque la CEMAC est comparée à son homologue ouest-africaine, l'UEMOA. Ainsi, sur la période 2006-2010, l'UEMOA a financé pour près de 6 milliards de $ de projets d'intégration régionale, alors que la Cemac n’a adopté son premier programme économique régional qu’en 2010, et en est toujours à lever des fonds pour financer ce plan qui vise à faire des pays de la zone des économies émergentes à l’horizon 2025. Il est parfois des comparaisons qui s'avèrent cruelles. 

Des affaires qui font tâche

En plus de son immobilisme, la CEMAC se distingue tristement par un certain nombre de scandales. Responsable de la politique monétaire de la zone CEMAC, la Banque des États de l'Afrique Centrale (BEAC) a ainsi été éclaboussée par un retentissant scandale de détournement de fonds, dévoilé pour la première fois par l'hebdomadaire Jeune Afrique en septembre 2009. Un vol à grande échelle portant sur plus de 31 millions d'euros et qui aura impliqué de près ou de loin la plupart des hauts dirigeants de l'institution. Depuis, le ménage a été fait, de nombreuses têtes sont tombées (notamment celle de l'ancien président de la BEAC, Philibert Andzembé) et les procédures de contrôle ont été renforcées. Mais le grand procès rêvé par certains n'aura probablement jamais lieu. Sans parler de l'argent public volatilisé, définitivement perdu. Une regrettable histoire qui vient jeter encore un peu plus le doute sur la BEAC, déjà fréquemment décriée pour les récurrents problèmes de pénurie de monnaie dans la zone CEMAC.

Dernière affaire en date, "l'affaire Ntsimi", du nom du président camerounais de la Commission de la CEMAC. Déclaré persona non grata par les autorités centrafricaines qui refusaient depuis mars 2012 de le voir à Bangui, pourtant siège de la CEMAC, Antoine Ntsimi a finalement été débarqué. En vertu du principe de la rotation alphabétique qui permet à chaque pays membre de la CEMAC de pouvoir placer à tour de rôle ses ressortissants à la tête des principales institutions, la présidence de la Commission devait échoir à un ressortissant centrafricain à la fin du mandat de Ntsimi. C'est à dire cette année. Mais faisant fi de son précédent engagement de ne pas se représenter, Antoine Ntsimi a fait campagne pour pouvoir obtenir un second mandat. C'était trop en demander pour nombre de Chefs d'Etats, à commencer par le centrafricain François Bozizé. Et c'est finalement la candidature de compromis du congolais Pierre Moussa qui a été choisie. Une arrivée à la tête de la CEMAC qui se fait dans une atmosphère délétère. 

Pierre Moussa, le nouveau président de la Commission de la  CEMAC

La nouvelle équipe dirigeante aura assurément fort à faire. Près de deux décennies après son instauration, la CEMAC connaît une crise profonde et se cherche toujours. Non pas que le modèle d'intégration régionale soit devenu inadéquat et anachronique. Bien au contraire, dans un contexte mondialisé et concurrentiel, cette logique d'intégration est plus que jamais indispensable. Mais aussi longtemps que la CEMAC subira un mode de fonctionnement qui la dessert plus qu'il ne la sert, les meilleures intentions seront vaines. C'est la méthode qui est à revoir de fond en comble.

Une méthode où les intérêts individuels doivent s'effacer devant le bien commun, et les considérations managériales prévaloir sur les agendas politiques des uns et des autres. C'est l'efficacité d'ensemble qui est recherchée et non l'obtention d'avantages personnels. Un sacrifice consenti qui ne va cependant pas de soi. Le cas de la CEMAC est là pour nous le rappeler. En Afrique centrale, derrière les communiquées officiels lénifiants et les effets d'annonce, c'est encore le règne du chacun pour soi. Les vieux crocodiles (ou leur progéniture) qui occupaient les premières places dans le marigot politique au moment de la création de la CEMAC sont toujours là (Biya, Obiang Nguema Mbasogo, Sassou Nguesso, Deby Itno, Bongo fils). Des chefs qui s'observent et se jaugent, défendant jalousement leur pré carré. Et pour qui le maintien du statut quo sera toujours préférable à tout changement impromptu.  

Les potentialités de la région sont pourtant évidentes : abondance des ressources naturelles, cours des matières premières structurellement bien orientés, vaste territoire, pression démographique faible…. Sur la simple comparaison du PIB par habitant, les ressortissants de la CEMAC sont ainsi plus riches (environ 1500 $) que ceux de la zone UEMOA (environ 800 $) ou de la Communauté d'Afrique de l'Est (500 $). Mais les chiffres ne sont pas tout. On l'aura bien compris, la volonté de coopérer et de faire résolument avancer les chantiers communautaires importe plus que toute autre considération. Aussi longtemps que les dirigeants actuels de la CEMAC douteront du bien-fondé de cette démarche "solidaire", il y a tout lieu de craindre que la CEMAC reste à la traîne. Puisse l'avenir infirmer cette prédiction.

Jacques Leroueil 

Cameroun: richesse économique et surliquidité bancaire

Approche en chiffres de l’économie Camerounaise
Le Cameroun dispose de ressources naturelles agricoles (bananes, cacao, café, coton,miel), forestières, minières et pétrolières. Son PIB (environ 42.750 Mds de $ au total pour 3.923 Mds de budget de l’État en 2009 et par habitant 2300 $ en PPA) représente la moitié de celui de la Comunauté économique et monétaires de l’Afrique Centrale (CEMAC), ce qui lui confère une place importante au niveau régional. Le taux de croissance du PIB, en 2008 était de 3.9 %, la dette publique constitue 14.3 % du PIB ( 2009), ce qui lui confère le 116e rang mondial .La dette extérieure est de 2,929 milliards $ (2009).

Il a connu la valorisation de sa croissance économique vers les années 70 avec l’exploitation et la valorisation de ses gisements de pétrole , celle de ses exportations agricoles et de l’élevage qui était exercé en grande partie par les « peulhs ».

Le financement de l’économie Camerounaise 
La littérature économique distingue deux définitions de la liquidité : une définition étroite appelée « liquidité de financement » et une définition plus large qui renvoie beaucoup plus à la « liquidité des marchés ». Au sens étroit, la notion de liquidité recouvre les espèces ou les actifs susceptibles d’être convertis rapidement en espèces et détenus à cet effet pour satisfaire les demandes de retraits de fonds à court terme émanant des contreparties, ou pour couvrir leurs opérations. Dans cette approche, la liquidité est principalement liée à l’activité de transformation traditionnellement pratiquée par les banques.

Au sens large, la liquidité correspond à la capacité des banques à liquider un actif non monétaire, par exemple un titre d’investissement acquis à l’origine pour être détenu jusqu’à l’échéance, dans le cadre d’une opération de refinancement en monnaie de la banque centrale. La liquidité des marchés est au cœur des préoccupations de stabilité financière des banques centrales. L’absence de liquidité des marchés peut non seulement engendrer une inefficience des marchés, mais sa disparition soudaine sur un marché peut aussi dégénérer en crise systémique (Fouda, 2005).

Dans le premier cas, on est en présence d’un système bancaire qui refuse de prêter aux entreprises nationales et préfère détenir des actifs liquides mais à faible rendement auprès de la banque centrale. Dans le deuxième cas, le Cameroun comme tous les pays de la CEMAC préfèrent financer l’économie française aux dépends de leur propre économie à travers le mécanisme du « compte d’opérations ». Cette situation, n’étant pas une anomalie passagère, soulève plusieurs interrogations (Garsuault et Priami, 1997). Premièrement ne traduirait-elle pas une profonde défaillance de l’ensemble des mécanismes monétaires ? Deuxièmement, la solution adoptée actuellement qui consiste à mettre en place des Fonds pour les Générations Futures (FGF) ne remet-elle pas en question le principe même de solidarité à la base de la zone FCFA ? Troisièmement, dans ce contexte, quelles sont les différentes options qui s’offrent au Cameroun pour le financement de son économie ?

Cette surliquidité bancaire est commune à plusieurs pays à travers le monde. Elle survient lorsque la somme du compte courant et des réserves libres des institutions de crédit auprès de la banque centrale excède de manière persistante le niveau des réserves obligatoires. Plusieurs arguments ont été avancés pour expliquer l’excédent de liquidité dans la zone CEMAC en générale et au Cameroun en particulier. Nous notons le recyclage des excédents des ressources pétrolières; l’entrée des devises suite aux privatisations des entreprises publiques ; le risque élevé que représentent les prêts pour les banques, en raison des difficultés juridiques que soulève le recouvrement effectif des créances en cas de défaut ; les inefficiences importantes du système bancaire au niveau régional, qui freinent la transmission de fonds des banques très liquides de certains pays membres aux banques d’autres pays dans lesquels la demande de crédit est relativement forte ; le manque de concurrence entre les banques, en particulier au niveau régional ; la faiblesse de la demande de crédit d’un certain nombre de gros emprunteurs habituels, en particulier dans le secteur axé sur l’exportation, qui ont connu une amélioration substantielle de leur liquidité ainsi qu’un meilleur accès au crédit extérieur après la dévaluation de 1994.

Le paradoxe de la surliquidité se manifeste par une concomitance entre une surliquidité persistante et une insuffisance de financement du secteur réel. C’est le cas actuellement de la zone CEMAC. En effet, l’économie réelle de la zone CEMAC est en manque de moyens de financement externe, alors que le secteur bancaire dispose de liquidités excédentaires qu’il ne parvient pas à employer. Par sa persistance, le paradoxe de la surliquidité bancaire de la zone CEMAC dépasse un simple phénomène conjoncturel, laissant à penser que le problème de financement est celui de l’intermédiation financière et qu’il puise sa source dans l’histoire institutionnelle de la zone FCFA. Les tentatives d’explications de ce paradoxe avancées jusqu’à présent ne tiennent pas compte de cet aspect fondamental. Elles sont principalement de trois ordres.

La première tiendrait à la non coïncidence dans les temporalités de l’offre et de la demande. En effet, les banques de la zone CEMAC disposent essentiellement de ressources à court terme, alors que le secteur non financier recherche principalement le financement à plus long terme. Traumatisé par une très forte incertitude inhérente à la crise de la fin de la décennie quatre vingt, le système financier de la zone CEMAC s’avère actuellement incapable d’assurer une transformation effective des ressources.

Sources et Chiffres : BCEA
Sidi Ahmad Gueye

Article initiallement paru chez Njaccaar Le Courrier du Visionnaire