La Revue de L’Afrique des Idées – numero 2

C’est un réel plaisir pour moi de vous faire parvenir ce deuxième numéro de la Revue de l’Afrique des Idées. Cette publication pluridisciplinaire réunit des analyses menées par nos experts et jeunes chercheurs.

Dans l’édition 2018, retrouvez des propositions concrètes en matière de gestion des déchets, de connectivités physiques dans la CEMAC et d’implication des diasporas dans le développement local au Sénégal et au Cameroun.

Vous pouvez télécharger gratuitement l’intégralité de la Revue en cliquant  ici.

Boris Houenou, économiste
Directeur des publications de l’Afrique des Idées

La supercherie de la croissance des économies africaines

Comme au début de chaque année, le mois de janvier 2018 n’a pas échappé aux ballets d’annonces des performances macroéconomiques des pays africains. Et comme depuis un certain nombre d’années maintenant, l’Afrique est au premier rang en matière d’économies les plus prospères ; certains classements positionnant d’ailleurs six pays africains dans le top dix des économies en croissance sur l’année à venir.

La guerre des chiffres

 Ce qui frappe tout observateur de ces publications macroéconomiques est le manque de convergence en fonction de qui publie ces chiffres. Pour illustration, la Banque mondiale a estimé que l’économie de l’Afrique subsaharienne va rebondir à 3,2% en 2018 et à 3,5 en 2019 après une croissance enregistrée de 2,4% en 2017. Le Fonds Monétaire International (FMI) qui n’a pas encore annoncé ses prévisions pour 2018 table sur une croissance à 2,7% en 2017 pour l’Afrique subsaharienne. Pour sa part, la Banque Africaine de Développement (BAD) qui publiait les Perspectives Économiques Africaines (PEA 2018) annonce une croissance à 4,1% en 2018 et 2019 après 3,6% en 2017 pour toute l’Afrique, Afrique du Nord incluse (zone généralement associée au Moyen-Orient par le FMI et la Banque Mondiale). Selon certains spécialistes, cette divergence de chiffres s’explique par la différence des méthodes de calcul (indicateurs considérés dans le calcul du Produit Interieur Brut (PIB)) et des zones couvertes (Afrique entière ou Afrique subsaharienne).

Pour quelle validité ? 

Ces différences de performances macroéconomiques des états poussent à réfléchir, notamment à la lumière du scandale autour du classement Doing Business de la Banque Mondiale. Paul Romer (ancien économiste en chef de la Banque Mondiale) a démissionné récemment en critiquant son ancien employeur et l’accusant de défavoriser certains pays comme le Chili et d’en favoriser d’autres comme  l’Inde dans le Doing Business. Il dénonce notamment l’utilisation d’un classement qui fait autorité depuis 15 ans à des fins politiques, et ce depuis au moins 4 ans. C’est à se demander si une institution qui “aurait biaisée” son classement des pays les plus “business-friendly” n’aurait pas fait de même sur les autres indicateurs qu’elle publie. Quid de ses confrères ?

Pour quel impact ?

Au lendemain de la publication de ces chiffres, il est fréquent de voir les responsables politiques se féliciter des performances macroéconomiques de leurs pays. Seulement, ces derniers oublient très souvent les aspects microéconomiques. Selon les PEA 2018 de la BAD :” l’amélioration ne résulte pas d’un facteur unique. Elle est le reflet d’une conjoncture internationale plus favorable, du rétablissement des prix des matières premières, principalement le pétrole et les métaux, de la demande intérieure soutenue, en partie satisfaite par la substitution des importations, et des améliorations de la production agricole”. ​Le constat est encore beaucoup plus alarmant du côté du FMI, pour qui ​“en moyenne, la croissance du PIB par habitant devrait à peine dépasser zéro, et restera en territoire négatif pour près d’un tiers des pays de la zone à ​cause d’une croissance de la population élevée​”​.

A la lecture de ces commentaires, l’on peut se dire que nos politiciens se congratulent d’une croissance artificielle, complètement exogène et qui ne profite pas au panier de la ménagère. Pire, plusieurs pays africains ont basé leur croissance sur de l’endettement lourd pour financer les projets d’infrastructure, et comptent donc sur une population qui ne bénéficie pas des retombées de cette croissance pour rembourser la dette qui la génère. Au lieu de jubiler sur une croissance hors-sol, nos dirigeants feraient mieux de travailler pour des économies beaucoup plus inclusives. Pour cela, certains chantiers sur lesquels ils pourraient s’atteler sont : la modernisation des méthodes et outils agricoles, la mise en place de politiques d’industrialisation, la transformation locale des matières premières, l’amélioration du financement des PME, etc.

D’après certains spécialistes, plus de la moitié de la croissance africaine ne crée pas d’emplois. D’ailleurs l’Organisation Internationale du Travail estime que l’Afrique subsaharienne devrait connaître une augmentation du nombre de chômeurs qui devrait atteindre 30,2 millions en 2018, soit une nette progression par rapport aux 29,1 millions de chômeurs enregistrés en 2017. Il y a donc besoin de mieux redistribuer la richesse sur le continent. Comme le dit une vendeuse de beignets à Abidjan, « ce ne sont ni le métro ni le pont qui vont acheter mes beignets ».

LD

Réformer les indicateurs économiques : et si le sursaut venait d’Afrique ?

Alors que le débat autour de la redéfinition des indicateurs économiques se cristallise dans les sociétés occidentales, c’est d’Afrique que pourraient provenir des réformes audacieuses.
Dotés d’une croissance économique dynamique mais confrontés à des défis sociaux et environnementaux majeurs, certains pays du continent bénéficieraient d’ajustements de leurs indicateurs. Une meilleure gestion de ces défis nécessite en effet la création d’indicateurs pertinents et aptes à contrôler les évolutions (positives et négatives) dans ces domaines.
Au-delà d’une simple remise en question du PIB, c’est également l’opportunité d’une rupture idéologique inédite dans l’histoire économique et des relations internationales.

Un débat historique mais en suspens dans les économies occidentales

La limite de la croissance du PIB comme indicateur central dans notre appréhension et notre gestion des défis actuels est la question fondamentale. Historique, comptable et essentiellement quantitatif, il est en effet considéré comme caduc et inapte à mettre en lumière les problèmes sociaux et environnementaux contemporains. Reportant uniquement l’accroissement de la production, il ne révèle rien sur les évolutions sociales et environnementales de nos sociétés.

Depuis 1972, et le rapport « Limits to Growth » du Club de Rome, différentes contributions questionnent la « pertinence de ces données en tant qu’outils de mesure du bien-être sociétal » (Rapport « Stiglitz », 2008). Toutefois, jamais la mise en place d’indicateurs performatifs complémentaires au PIB ne s’est concrétisée.

Ces critiques militent pour l’ajout d’indicateurs propres aux questions sociales  et à la préservation de l’environnement. On peut notamment évoquer les inégalités de revenus, la proportion d’individus vivant sous le seuil de pauvreté, l’accès à l’éducation, la pollution atmosphérique, la gestion des ressources en eaux, la dégradation des sols, etc. Il reste néanmoins important de noter que ces indicateurs ne doivent pas être substituables, c’est-à-dire que de bonnes performances dans un domaine ne doivent pas masquer de piètres résultats dans un autre. Ceux-ci permettraient de sortir d’une vision uniquement quantitative et d’orienter nos activités vers l’amélioration des conditions de vie des populations et la durabilité de nos écosystèmes.

Néanmoins, ces volontés d’ajustements se heurtent à de nombreux refus dans les sociétés occidentales. Tous se fondent en partie sur l’atonie actuelle de la croissance : en cette époque de croissance faible, la priorité serait son rétablissement, pas sa remise en question en tant qu’indicateur phare. Il leur semble déplacé de vouloir discréditer cet indicateur au moment précis où il vacille. C’est donc parce que ces sociétés cherchent aujourd’hui à renouer avec la croissance que les aspirations à revoir le modèle d’analyse sont écartées.

Une chance en Afrique subsaharienne ?

Il est donc approprié de se tourner vers des pays jouissant d’une croissance dynamique pour impulser cette initiative, notamment en Afrique de l’ouest francophone.

Le Sénégal ou la Côte d’Ivoire bénéficient, par exemple, de performances économiques saluées par des observateurs reconnus, comme la Banque Mondiale ou le cabinet McKinsey. Ils bénéficient d’une croissance stable, autour de 5% par an[1], depuis plusieurs années et les perspectives sont encourageantes.

Au-delà de leur croissance économique, c’est sa relative qualité qui en fait des candidats opportuns : ces économies sont relativement diversifiées, ne dépendent pas des exportations d’hydrocarbures et ont des marchés intérieurs dynamiques. Difficile donc d’objecter les mêmes critiques qu’en occident. Ces performances offrent également un certain prestige régional qui peut servir de catalyseur et, à terme, entrainer certains pays voisins, comme le Bénin ou le Togo, plus modestes et plus discrets sur la scène régionale.

Une réforme urgente au vu de la situation

Même si la croissance offre ici un avantage indéniable à ces économies, c’est surtout l’ampleur des défis à relever dans la région qui rend cette réforme urgente. Ces pays sont en effet les premiers concernés par les conséquences sociales et environnementales d’une croissance non-inclusive et d’une dégradation rapide de l’environnement.

La situation des littoraux d’Afrique de l’ouest[2] illustre cette urgence. Les industries minières et l’exploitation du sable accélèrent l’érosion du littoral, où vit plus du tiers de la population, et  menace les écosystèmes naturels et les sociétés. Les destructions d’emplois issues de ces changements accentuent la précarité et la marginalisation socio-économique, en particulier des jeunes, ce qui amplifie la violence et les trafics. Il semble donc nécessaire de contrebalancer l’hégémonie de la croissance sur les décisions économiques et politiques par l’intégration d’indicateurs qualitatifs.

Outre cet exemple, c’est une prise de conscience plus large du danger inhérent aux facteurs quantitatifs qui est crucial. C’est le cas de la démographie et de l’urbanisation, qui sont encore trop souvent considérés comme des opportunités de fait et proclamés comme les principaux atouts du continent. En réalité, ces dynamiques quantitatives restent fondamentalement des défis à la stabilité de la zone.

L’évocation constante du « dividende démographique » illustre cette confusion entre quantitatif et qualitatif. La population de l’Afrique subsaharienne atteindra en effet plus de 2 milliards d’individus d’ici 2050 (environ 1.2 actuellement)[3] et sa main d’œuvre sera la plus abondante au monde, devant la Chine ou l’Inde. Ce « dividende » sous-entend que l’explosion démographique aurait naturellement un effet positif sur le développement général.

Néanmoins, ce lien est loin d’être évident. Comme le suggère la notion d’explosion, cette dynamique quantitative reste imprégnée du risque inhérent à l’accroissement rapide d’une population. Le dividende ne s’opère que si les services de base (logement, éducation, emploi, santé) sont fournis à l’intégralité des populations et si les jeunes intègrent le marché du travail sereinement. Marché sur lequel doivent se combiner formations adéquates et accessibles avec une offre suffisante d’emplois correspondants. Plus généralement, le dividende démographique est une conséquence d’une croissance inclusive et équitablement répartie à l’ensemble de la population et non un phénomène quantitatif, spontané et naturel.

Dans son dernier rapport[4], le cabinet McKinsey réalise également un raccourci optimiste sur les bénéfices de l’urbanisation rapide du continent. Vantant ses mérites, il passe brièvement sur les besoins qu’elle implique, concluant sur la nécessaire provision de « logements » et de « services ». Il aurait fallu être cynique pour évacuer le besoin de logements pour les nouveaux urbains, mais les auteurs n’ont pas approfondi la notion de « services », euphémisme osé qui englobe les minima requis pour des millions de citadins supplémentaires et sans lesquelles les bidonvilles grossiront.

A l’heure des plans ambitieux (notamment le Plan Sénégal Émergent[5]), ces réflexions sur les indicateurs ne sont donc pas de simples challenges intellectuels mais apportent des ajustements décisifs. Dépasser les paramètres quantitatifs (production, démographie, urbanisation) et superviser les évolutions sociales et environnementales  est déterminant pour soutenir des trajectoires prometteuses mais encore fragiles.

Au-delà de la réforme technique : une révolution idéologique

Ce changement de paradigme implique également un recul idéologique vis-à-vis des politiques économiques traditionnelles en faveur d’un modèle endogène de croissance et de développement. Passée la période des plans d’ajustements structurels (caractérisée par le recul de la puissance publique et la rigueur budgétaire), les gouvernements régionaux suivent néanmoins encore les dogmes libéraux traditionnels dans leurs politiques. La suprématie de la croissance du PIB reste donc incontestable et favoriser des indicateurs complémentaires, malvenu. Les performances du PIB sont notamment un sésame précieux pour obtenir le soutien des bailleurs internationaux et elles focalisent donc l’attention de gouvernements.

Cette innovation impliquerait donc de s’émanciper de ces institutions en favorisant l’intégration régionale. L’UEMOA offre un cadre intéressant de discussion mais ne possède pas de capacités financières, contrairement à la Banque Africaine de Développement.  Celle-ci dépend néanmoins à plus de 70% de l’étranger et nécessite donc des réformes profondes pour devenir une réelle force de proposition. Quoiqu’il en soit, financer son propre mode de développement semble décisif pour dépasser la simple déclaration de principe et promouvoir un modèle inédit.  

 

Cette innovation incite donc à penser le développement hors des cadres hérités et calqués systématiquement. Elle implique de prendre du recul sur la notion de « rattrapage », de s’émanciper de la référence occidentale comme universelle et indépassable. Elle invite au contraire à tirer les conclusions des crises multiples qui la traversent pour éviter de tomber dans les mêmes écueils. En un mot, il est important de cesser de faire « du passé des autres notre avenir » pour reprendre la formule lapidaire du sociologue et écrivain togolais Sami Tchak (cité par Felwine Sarr dans « Afrotopia »).

Bien entendu, cela laisse planer de nombreuses questions et inconnues, notamment autour du choix de ces nouveaux indicateurs. Néanmoins, il semblerait que ce soit à l’Afrique de prendre ce débat en main, il en va de sa stabilité.

Gilles Lecerf 


[1] Banque Africaine de Développement, « African Economic Outlook » 2016

 

[3] Projection des Nations Unies – World Population Prospects 2015

 

[4] McKinsey&Company – Global Institute – « Lions on the Move II. Realizing the Potential    of Africa’Economies » – September 2016

 

[5] Cadre de référence pour les politiques sénégalaises. Plans quadri-annuels sur les périodes 2014-2035 – http://www.presidence.sn/pse

 

Perspectives économiques régionales: une croissance à plusieurs vitesses en Afrique subsaharienne!

Selon les dernières prévisions du FMI, le taux de croissance économique (la croissance moyenne)  de l’Afrique subsaharienne devrait descendre à son plus bas niveau depuis plus de vingt ans. Ces  prévisions publiées précisément le 16 Octobre 2016   dans son rapport semestriel  sur «les Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne » soulignent  aussi une croissance hétérogène entre les différents pays de la région.

En effet, la conjoncture actuelle de l’économie mondiale, dominée précisément par la baisse continuelle des cours du pétrole et des matières premières,  a eu des effets différents sur les pays de la région en fonction de la structure de leur économie (pays exportateurs ou importateurs de pétrole, pays riches ou pauvres en ressources naturelles).

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             Afrique subsaharienne : croissance du PIB réel

De facto, les pays  tributaires des exportations de ressources naturelles (le pétrole) connaissent aujourd’hui un fort ralentissement    de leur économie. Des tensions causées, en partie, par la chute des exportations vers la Chine – premier partenaire commercial de la région (qui fait face à d’énormes difficultés économiques)  – mais aussi vers le reste du monde. Ainsi les pays comme le Nigéria, l’Afrique du sud et l’Angola ont vu leurs recettes nationales amputées  dans des proportions allant de 15 % à 50 % de leurs PIB depuis le milieu de l’année 2014.

Cependant, cette situation l’économie mondiale profite à d’autres pays comme le Sénégal, la Côte d’ivoire, le Kenya, l’Éthiopie …qui continuent d’afficher de bons résultats, car bénéficiant de la baisse des prix des importations de pétrole, de l’amélioration du climat des affaires. Ces pays devraient  continuer d’enregistrer des taux de croissance allant de 6 %  à  8%  dans les deux prochaines années, selon le même rapport. Mais dans l’ensemble, la production de la région ne devrait progresser que de 1,4 % en 2016. Un chiffre correspondant à ceux des années 1977, 1983,1992 et aussi de l’année 2009  date à laquelle la plupart des pays industrialisés du monde sont rentrés en récession la suite du krach de l'automne 2008.

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Afrique subsaharienne : croissance du PIB réel Pendant les épisodes de ralentissement économique actuel et passés

En plus de ces facteurs exogènes, la manque de transparence  des politiques publiques des pays les plus touchés a fortement contribué à leurs relentissements actuels et aux tensions économiques qu’ils connaissent. En ce qui concerne la politique économique, la réaction des différents gouvernements  fut lente voire même parcellaire.Et les progressions ou les croissances prévues pour les pays comme  la Côte d’ivoire, le Sénégal, l’Ethiopie, etc. pour les années à venir n’auraient pas d’effets ou d’impacts  sur l’économie des pays touchés  en raison de la faible intégration économique de la région.

Toutefois, les prévisions du FMI annoncent aussi une reprise modeste, avec une croissance d’un peu moins de 3 % pour l’année prochaine mais sous certaines conditions. Cette reprise ne serait possible que si  les différents gouvernements concernés, c’est-à-dire ceux qui dependent de l’exportation du  pétrole, mettent en place un ajustement budgetaire efficace à moyen terme.En d’autres termes,ces pays doivent  trouver des nouveaux moyens de financement de leurs économies  qui pourraient contribuer à attenuer l’effet de freinage à court terme sur la croissance et réduire l’incertitude qui fait actuellement obstacle à l’investissement privé.

D’ailleurs, cette problématique du financement des économies africaines a été le thème de la Conférence annuelle 2016 de l’Afrique des Idées qui avait réuni plusieurs experts au sein de l’université Paris Dauphine le 4 juin 2016.  L’élargissement de l’assiette fiscale, les Partenariats Public-Privé (PPP) sont des pistes à explorer pour garantir des moyens durables de financement des économies africaines.

Hamidou CISSE

Améliorer les chances d’être financièrement inclus au Sénégal

siege-bceaoDans les pays développés, la plupart des adultes ont un compte auprès d’une banque ou d’une autre institution financière. La réalité est bien différente dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, et notamment au Sénégal. Selon une enquête effectuée par le Groupe de la Banque mondiale, moins d'un adulte sénégalais sur cinq (17 %) indique posséder un compte dans une institution financière formelle, qui incluent les banques, les institutions de microfinance, et les porte-monnaie électroniques.

Bien que les niveaux d’inclusion financière au Sénégal soient similaires à ceux d'autres pays à revenu moyen inférieur, le pays accuse un retard par rapport au taux d'inclusion moyen des économies d'Afrique subsaharienne.
 
Pourquoi 6 millions d'adultes sénégalais sont financièrement exclus ? Pour répondre à cette question, il est important de remarquer qu’en matière d’inclusion financière, il y a de fortes inégalités. Au Sénégal, l'inclusion financière varie considérablement entre les sous-groupes de population.
 
Par exemple, la probabilité d’inclusion financière des hommes sénégalais est supérieure de neuf points à celle des femmes. Cette différence peut être expliquée en partie par le fait que les femmes participent généralement moins aux décisions financières du ménage. Seules 23 % des femmes ont déclaré être responsables des dépenses quotidiennes du ménage, contre 36 % des hommes.
 
Les populations urbaines sont aussi beaucoup plus susceptibles d'être financièrement incluses que les populations rurales, à 22 % contre 13 %. En outre, les adultes qui gagnent un revenu élevé ou moyen ont 12 % de chances de plus d'être financièrement inclus que ceux qui gagnent un faible revenu.
 
Selon l’enquête, 54 % des Sénégalais déclarent ne pas avoir assez d'argent pour posséder un compte, 19 % indiquent préférer l’utilisation d’espèces, tandis que 14 % estiment ne pas avoir besoin de compte. Enfin, 8 % des adultes trouvent les frais de transaction trop élevés.
 
Au Sénégal, il existe des obstacles à la sensibilisation aux produits et concepts financiers. Par exemple, environ 80 % des adultes interrogés connaissent les services de transfert d'argent, moins de 70 % étaient conscients de l’existence des banques commerciales, et 25 % étaient familiers des institutions de microfinance et de leurs services.
 
Une comparaison internationale dans 12 pays en voie de développement a montré que les Sénégalais ont tendance à veiller sur leurs dépenses et à planifier leur retraite; ils affichent cependant la performance la plus faible quant à leur capacité à comparer les produits financiers, et notamment à lire les prospectus relatifs aux tarifs et conditions, ce qui les empêche de choisir des produits répondant à leurs besoins.
 
Ces résultats sont préoccupants car ils entravent l’adoption et l'utilisation des produits et services financiers formels au Sénégal. Les comptes transactionnels sont généralement le premier point d’entrée dans le système financier formel. Sans un compte pour effectuer des transactions, les Sénégalais sont amenés à effectuer des transactions qui peuvent s’avérer souvent risquées, coûteuses, et incommodes.
 
Le Sénégal a fait une priorité de l’amélioration de l'accès et de l'utilisation responsable des produits et services financiers. En 2012, le pays s’est engagé, en vertu de la Déclaration de Maya, à accroître l'inclusion financière et a depuis adopté une série de mesures. L'approche a été payante : entre 2014 et 2015, le nombre d'adultes formellement inclus est passé de 15 % à 17 %.
 
Compte tenu de ces défis, on peut toutefois se demander comment le Sénégal peut augmenter ses chances des pauvres, des femmes et des populations rurales d'être financièrement inclus.
 
Voici quelques suggestions :

  • Continuer à élaborer des stratégies : les autorités devraient continuer à développer une Stratégie nationale d'inclusion financière (SNIF) pour veiller à ce que l'engagement des parties prenantes, des secteurs publics et privés, en faveur de l'inclusion financière, soit explicite, solide et soutenue.
  • Tirer profit des canaux de distribution sans succursales fixes : de nouveaux modèles économiques, tels que les services bancaires mobiles ou à l’aide d’un agent, peuvent considérablement réduire les coûts de prestation des services financiers, notamment dans les zones à faible densité et reculées, et promouvoir un accès pratique aux services financiers.
  • Encourager l'adoption et l'utilisation de comptes transactionnels de base à peu ou pas de coûts : le Sénégal dispose d’une réglementation qui assure à chacun le droit à un compte bancaire de base et sans frais, toutefois, les incitatifs économiques semblent insuffisants pour que le secteur privé offre volontairement ce type de comptes à ses clients.
  • Promouvoir des services financiers diversifiés : même si de nombreux Sénégalais ont peu d'argent, ils épargnent quand même, principalement par le biais des canaux informels. Les produits d'épargne formels peuvent aider à garantir les épargnes, ce qui peut aider les ménages à gérer les fluctuations de trésorerie, à lisser leur consommation et à construire des montants forfaitaires. Le développement de produits d'assurance pourrait aussi être considéré, puisque ceux-ci peuvent aider à atténuer les chocs et à faire face aux dépenses liées à des événements inattendus, comme les urgences médicales, les vols ou les catastrophes naturelles.
  • Innover : la transmission de messages financiers par le biais des moyens novateurs, tels que les séries de télévision populaires, les films, les vidéos ou les émissions de radio, peut être efficace pour l'amélioration des connaissances et, plus important encore, la modification du comportement. Les SMS périodiques et les applications mobiles pourraient être autant de canaux de diffusion prometteurs et rentables. Des études en Bolivie, au Pérou et aux Philippines montrent que l'envoi de SMS en temps opportun pour rappeler aux gens d'économiser est efficace pour aider à la mobilisation de l’épargne pour atteindre des objectifs d'épargne préalablement déterminés.

 

 

Cet article est issu des Blogs publiés par la Banque Mondiale et a été soumis par SIEGFRIED ZOTTEL.

 

Le retour russe en Afrique subsaharienne : enjeux, vecteurs et perspectives

Russie_-_Moscou_-_kremlin_cathedraleDepuis les années 2000 la Russie cherche à reprendre pied en Afrique Subsaharienne. Si l’Union soviétique a été active dans la région, la jeune Russie des années 1990 a en effet dû s’en désengager dans un contexte de manque criant de ressources.

Au plan politique, ce regain d’intérêt a vocation à démontrer la dimension mondiale de la puissance russe, Moscou souhaitant afficher sa capacité à projeter de l’influence dans « l’étranger lointain », bien au-delà de son seul « étranger proche ». Au plan économique, les entreprises russes cherchent quant à elles à étendre leurs positions dans les secteurs des matières premières et de la défense, où elles disposent d’avantages comparatifs, et à tirer profit de la croissance de certains leaders régionaux (Afrique du Sud, Nigéria).

Dans ce contexte, la présente note entend dresser une cartographie des intérêts russes en Afrique subsaharienne. Après avoir brièvement rappelé les contours historiques de la présence russe dans la région, elle y décrypte le réengagement de Moscou en matière politique, sécuritaire et de développement avant de proposer une analyse de la relation économique que la Fédération de Russie entretient avec l’Afrique subsaharienne. En tout état de cause, le renouveau de l’engagement russe conduit sous la bannière du pragmatisme et dénué d’affect, ne semble pas encore avoir permis à Moscou de retrouver l’acquis soviétique ni de rivaliser sérieusement avec ses concurrents directs, au premier rang desquels figurent les autres grands émergents tels que la Chine ou le Brésil. Lisez l’intégralité de cette Note d’Analyse.

N.B. Le manuscrit de la présente note a été achevé au cours de l’été 2015. Ce texte n’engage que son auteur qui en assume la responsabilité exclusive.

Qui pour sauver l’économie du Nigéria ?

628x-1Le Nigéria – première économie africaine avec un PIB de 522 milliards de dollars en 2014 et une population s’élevant à 167 millions d’habitants –  subit actuellement une crise monétaire couplée à un déficit budgétaire croissant. Une crise que les autorités tentent de juguler et qui met le pays sous la rampe des projecteurs. A l'occassion de sa revue article VI, le FMI a proposé une série de mesures pour aider le pays à surmonter cette situation. L’article IV des statuts du FMI dispose que le Fonds doit exercer une surveillance sur les politiques de changes des Etats membres et adopter des principes spécifiques pour guider leur politique monétaire. Les travaux du FMI pour l’année 2014 ont été cruciaux pour le pays et les observateurs et investisseurs internationaux y ont été particulièrement attentifs. 

Les travaux de l’organisation internationale ont permis de traiter différentes questions économiques telles que la stabilité des finances publiques, les réformes structurelles entreprises, l’état du système bancaire et financier et les grandes tendances macroéconomiques. En décembre 2014, Lagos et Abudja ont ainsi reçu la visite de la délégation du FMI, qui a dessiné les contours d’une politique d’austérité en fixant les priorités suivantes[1] :

  • Politiques conjoncturelles pour faire face aux déséquilibres de court-terme,
  • Mise en place d’objectifs relatifs à la stabilité macroéconomique,
  • Soutien à la croissance inclusive,
  • Baisse de la pauvreté et des inégalités.

Le présent article (très technique) reviendra dans un premier temps sur les recommandations préconisées par le FMI pour aider la première économie africaine à surmonter le contre-choc pétrolier ; puis les limites de ces solutions seront analysées dans un second temps, à la lumière des spécificités institutionnelles et des précédentes crises monétaires et financières traversées par le Nigeria. 

Le plan du FMI pour sortir le Nigéria de l’impasse : rigueur budgétaire et diversification des activités économiques.

Les concertations se sont tenues dans un climat économique et politique incertain. En effet, comme d’autres Etats africains, majoritairement exportateurs de pétrole, le Nigéria fait actuellement face à un choc exogène. La chute du court du baril conduit à une dégradation de la balance commerciale et à une diminution des recettes publiques. L’incertitude liée à la l’évolution future des prix du pétrole accroît l’aversion au risque des investisseurs étrangers et menace les prévisions de croissance pour l’année 2015, révisées de 6,4 à 5,5% par la Ministre de l’Economie et des finances, Ngozi Okonjo-Iwealan lors de la présentation du budget au Parlement. De plus, la pression sur le Naira[2] s’est accrue avec la baisse des recettes pétrolières et l’augmentation des sorties de capitaux. Le gouverneur de la banque centrale, Godwin Emefiele, a ainsi annoncé une dévaluation du Naira pour faire face à la diminution des réserves nigérianes en devises étrangères.

Pour contrer ces effets les autorités nigérianes étaient représentées lors des discussions par des membres du secteur privé, le gouverneur de la Central Bank of Nigeria, et la Ministre de l’Economie et des finances. Cette dernière, ancienne vice-présidente de la Banque Mondiale, perçoit la chute du court du baril de pétrole comme une opportunité garantissant la diversification de l’économie nigérienne, pour l’heure, trop dépendante du pétrole dont la vente représente près de 70% des recettes de l’Etat.  La ministre estime également qu’une baisse des dépenses publiques sur le long terme est nécessaire.

Ce sont donc les jalons d’un plan de rigueur que les experts internationaux et le gouvernement nigérian ont posé.

L’enjeu pour le Nigéria : tirer parti de ces recommandations en les adaptant à ses spécificités institutionnelles et économiques.

Le Nigéria dispose d’une faible marge de manœuvre en matière de réduction de la dépense publique et de tampons budgétaires. Ces leviers avaient été deux des principaux piliers de l’économie nigériane lors de la crise de 2009. A cette époque, l’Excess Crude Acount (ECA)[3] du pays qui s’élevait, à 21 milliards de dollars contre 3 milliards aujourd’hui, avait permis à l’Etat d’éviter une crise de liquidité. De plus, lors de la crise financière précédente, le gouvernement avait pu mener une politique budgétaire expansionniste reposant sur le Fiscal Responsability Act (FRA) dont l’objectif était d’assainir les finances publiques et de ramener le déficit public sous la barre des 3% sans nuire à l’investissement public. Parallèlement, la politique monétaire se concentrait sur une cible d’inflation inférieure à 10% en menant une politique de contraction de la masse monétaire qui ne portait pas atteinte à l’accès au crédit grâce à l’afflux de capitaux. Aujourd’hui, au contraire, du fait de la nouvelle donne macroéconomique, la politique de hausse des taux menée par la Central Bank of Nigeria conduit à une hausse du coût du crédit nuisible à l’investissement.

Par ailleurs, le fédéralisme budgétaire du Nigéria nécessite d’adopter une vision consolidée de la situation macroéconomique du pays. Le système institutionnel nigérian repose sur trois paliers que sont le gouvernement fédéral, le gouvernement des Etats et les gouvernements locaux. La répartition des recettes pétrolières entre ces trois strates est définie par un organe constitutionnel, la Commission de répartition et d’allocation des dépenses et des recettes. Ce système qui veille à la répartition des recettes entre régions pétrolières et régions non pétrolières, tend à accroître la dépendance des régions non dotés en hydrocarbure qui, préfèrent souvent se contenter de cette manne financière au lieu de développer leur avantage comparatif dans des secteurs divers. Face à ce constat, une modernisation du système financier public est requise pour assurer la soutenabilité des finances publiques tant au niveau fédéral qu’au niveau local. Le FMI a rappelé que l’ensemble des mesures prises au niveau de la fédération en 2009 doivent être étendues aux Etats fédéraux de 2015 à 2017 afin de mieux encadrer les risques.

Enfin, le plan de rigueur comporte un volet fiscal contesté dans la mesure où la hausse programmée de la Taxe sur la Valeur Ajoutée constituerait une double peine pour les entreprises faisant déjà face à d’importants problèmes de ravitaillement énergétique. La remise en cause des crédits d’impôts achève de fragiliser le secteur pétrolier en faisant perdre aux sociétés pétrolières pionnières les avantages dont elles bénéficiaient[4].

Le FMI accompagne actuellement le Nigéria pour l’aider à surmonter la crise monétaire et budgétaire déclenchée par l’effondrement des prix du pétrole. Parmi les mesures figurent des recommandations traditionnelles visant à assainir les finances publiques et à stabiliser le taux de change et l’inflation. Si ces réformes ont permis à l’économie nigériane de traverser la crise financière internationale de 2009, elles montrent aujourd’hui leurs limites et mettent en lumière la nécessité pour le Nigéria – pays fédéral largement dépendant de ses exportations pétrolières – d’adopter une vision plus consolidée de ses finances publiques tout en développant les avantages comparatifs dont il dispose (dans l'industrie, dans le cinéma, dans l'agriculture; etc.).

Daphnée Sétondji


[1] Cf IMF Staff Concludes 2014 Article IV – Mission to Nigeria

 

[2] Monnaie nigériane.

 

[3] Compte crée en 2004, alimenté grâce au surplus de recettes pétrolières. Il équivaut à la différence entre le prix de référence du baril fixé par le Parlement et son  prix effectif sur les marchés internationaux

 

[4] Cf Article publié par l’agence Ecofin le 18 décembre 2014.

 

Afrique de l’Ouest : une année manquée ?

croissance_nicolasL’Afrique de l’Ouest va-t-elle manquer le coche de l’année en cours et ne pas profiter au mieux des opportunités qui lui étaient offertes pour être en 2014 un des champions de la croissance subsaharienne ?

Certains des atouts annoncés ont bien été concrétisés. Les investissements en infrastructures se sont effectivement accélérés et quelques projets phares sont lancés comme la Boucle Ferroviaire qui devrait concerner 5 pays de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Le secteur minier est resté très actif et quelques nouveaux gisements ont été identifiés. Le fonctionnement de l’UEMOA demeure une référence en Afrique Subsaharienne et permet de progresser sur divers grands chantiers comme celui de la fiscalité. La Côte d’Ivoire a repris son rôle de moteur économique de la zone, avec un taux de croissance supérieur à 10% en 2013 comme en 2014, et attire des investisseurs étrangers en nombre croissant.

Pourtant, alors que la fin d’année approche, le sentiment d’ensemble est la déception.  

L’occasion offerte d’une concentration de l’attention sur les grands sujets économiques, grâce à l’absence d’élections majeures en 2014 et à la fin des crises ivoirienne et malienne, a été rarement mise à profit. Au Mali, les faibles progrès dans les négociations avec les touarègues et une sécurité encore fragile ont bloqué une bonne part des projets de relance dans la partie Nord du pays tandis que les insuffisances constatées dans la gouvernance freinent le soutien des grands partenaires financiers. Les investissements publics comme privés s’effectuent donc au ralenti et le taux de croissance de 6,5% annoncé pour 2014 semble difficile à justifier. Au Niger, les actions menées dans le cadre d’un ambitieux Plan de Développement à moyen terme ont vu leurs effets pénalisés par de vives tensions politiques et par les grandes faiblesses persistantes de l’administration. Au Burkina Faso, les bonnes performances des années précédentes risquent d’être amoindries en 2014 par les problèmes énergétiques rencontrés et par l’impact négatif sur les investissements des contestations déjà engagées à propos des élections présidentielles de novembre 2015. Au Sénégal, les résultats obtenus par la nouvelle équipe ne sont pas jusqu’ici à la hauteur des attentes. Dans le voisinage de l’UEMOA, deux  pays qui semblaient être des piliers de la croissance régionale font face à de sérieux handicaps : le Ghana en raison de la forte chute de valeur de sa monnaie ; le Nigeria par suite de la montée en puissance du terrorisme dans le Nord du pays.   

Deux principales raisons peuvent être avancées pour ce contretemps généralisé. La région s’est d’abord heurtée à deux handicaps exogènes. Les risques instillés par les groupes terroristes n’ont pas disparu malgré la défaite de ceux-ci au Mali : la menace s’est faite moins directe mais reste toujours pesante dans toute la bande sahélienne et y gêne les investissements, des entreprises comme de l’Etat. Les dégâts causés par le virus Ebola depuis début 2014 se sont rapidement amplifiés et propagés : l’épidémie frappe maintenant officiellement quatre pays, y compris le géant nigérian, mais l’étendue réelle de la contagion est mal connue et les moyens de la stopper non encore identifiés, ce qui provoque parfois une panique contreproductive. A côté de ces éléments externes, le retard croissant pris dans les transformations structurelles constitue sans doute l’élément déterminant des performances décevantes. Les financements requis sont en effet désormais plus facilement mobilisables grâce au renouveau de la confiance envers toute l’Afrique subsaharienne et la diversification continue des bailleurs de fonds. Les priorités stratégiques d’investissements font partout l’objet d’un large agrément, ce qui facilite leur mise en œuvre. En revanche, faute de volonté politique, les réformes les plus difficiles mais aussi les plus décisives sont reportées ou menées à pas trop lents : transformation en profondeur de l’administration afin d’accroitre son efficacité et son honnêteté ; lutte contre la corruption sous toutes ses formes; appui effectif à l’initiative privée tournée vers les activités productives ; modernisation et renforcement de l’agriculture, maîtrise des inégalités et amélioration du caractère inclusif de la croissance. En Afrique francophone plus qu’ailleurs, ces mutations sont indispensables pour détruire les blocages à une croissance économique plus vive et mobiliser au profit de cet objectif toutes les énergies disponibles. L’Etat est en effet dans cette région un acteur économique encore trop important. Il lui faut absolument concentrer ses efforts sur la création d’un environnement mieux adapté au développement, laisser plus de champ libre au secteur privé en exigeant de lui en contrepartie qualité des projets et respect des règles fixées, et veiller à une nette amélioration de la répartition des fruits de la croissance.

L’année 2015 ne sera guère propice à des avancées majeures en ces domaines difficiles. En Côte d’Ivoire et au Burkina Faso, qui semblent être les pays plus enclins à ce type de réformes, l’attention sera très vite focalisée sur les élections de fin d’année, ce qui devrait ralentir le traitement des sujets les plus difficiles. Ailleurs, il restera d’abord nécessaire de passer en la matière des paroles aux actes. Pour cela, les Autorités doivent être convaincues du caractère vital de ces transformations pour leurs pays. Pour les en convaincre, deux influences extérieures pourraient être déterminantes. Après avoir soutenu très justement la mise à niveau des infrastructures, les partenaires financiers devraient renforcer leur appui financier et technique à ces mutations et en faire une nouvelle priorité. C’est en effet une condition nécessaire pour atteindre l’accélération de la croissance que certains, comme la Banque Africaine de Développement (BAD) appellent maintenant de leurs vœux. Il  faudra cependant de la part de ces institutions un grand effort de réflexion stratégique et de meilleure écoute des contraintes locales pour que leur message soit entendu. L’autre acteur essentiel devrait être l’UEMOA : sa solidité, son fonctionnement sans heurts lui donnent une responsabilité décisive en la matière. Il sera toujours plus facile aux Etats de mettre en œuvre des actions délicates  décidées en commun que de les imposer seuls face à des oppositions ou des lobbys peu soucieux de l’intérêt général. L’Union pourrait donc utilement renforcer son rôle aussi bien dans la promotion de grands investissements structurants que dans celle de réformes institutionnelles ou environnementales.

Le pari est difficile mais il est fondamental. En plus des menaces actuelles déjà évoquées, l’Afrique de l’Ouest doit affronter, peut-être encore plus que d’autres parties de l’Afrique subsaharienne, trois challenges essentiels. A court terme, celui des emplois à offrir en masse à une jeunesse exigeante, mais à laquelle sont données des formations souvent mal adaptées et des opportunités de travail en nombre insuffisant. A moyen terme, une explosion démographique encore non maîtrisée et exceptionnellement rapide. Selon les estimations du « Population Reference Bureau » et faute d’infléchissement des tendances présentes, la population des 8 pays de l’Union devrait être multipliée par 2,5 en 35 ans et dépasser les 250 millions de personnes en 2050, après avoir franchi un seuil de 140 millions d’habitants dans 10 ans. Il est facile d’imaginer l’immensité des actions à accomplir pour apporter à ceux-ci un niveau de vie et de progrès social acceptables. A plus long terme enfin, des modifications climatiques notables, dont les effets sont jusqu’ici très peu pris en compte.

L’urgence devait donc être le maître mot. Le temps politique n’est cependant pas le même que le temps économique… jusqu’à ce que les faits reprennent le dessus sur les promesses.

Rencontr’Afrique n°2 : Takeaways

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Ce samedi 23 novembre 2013, L’Afrique des Idées a organisé la deuxième édition des Rencontr’Afrique à Paris. Cette rencontre a été l’occasion d’échanger avec Denis Cogneau sur l’histoire économique de l’Afrique et les perspectives qu’on peut envisager au regard des performances économiques actuelles du continent. Voici quelques idées qui ont émergé des échanges :

  1. Les vagues d'afro-optimisme et d'afro-pessimisme sont nourries par la méconnaissance des réalités africaines. C’est pour cela qu’il est nécessaire d’entreprendre un travail d’éclairage sur l’histoire économique de l’Afrique et d’identification des enjeux du continent.
  2. Les comparaisons qui sont faites entre l’Afrique et d’autres régions du Monde peuvent être fallacieuses dans la mesure où chaque région à de très fortes spécificités historiques qui caractérisent ses institutions et ses performances économiques.[1] Il est bien sûr possible que de nouvelles dynamiques économiques se mettent en place, comme c'est cas dans les pays d’Asie, mais cela implique des changements assez profonds et radicaux.
  3. La colonisation a joué un rôle ambigu dans le développement de l’Afrique. Si elle a bien correspondu à l'introduction de l'école et de la culture écrite, ainsi qu'à certains progrès en matière de santé, il convient de rappeler que de nombreux investissements coloniaux ont été financés par les impôts prélevés sur les colonies elles-mêmes, et cela quel que soit le colonisateur. Dans le cas français, il y a certes eu des investissements massifs en infrastructures juste avant les indépendances; cependant, ces derniers avaient aussi pour but de conserver l’emprise de la métropole sur ses ex-colonies.
  4. Dans la plupart des cas, les élites locales ont conservées les institutions extractives mises en place par les colonisateurs, sources d'une perpétuation des inégalités. Dans un cas comme la Côte d’Ivoire, il y a eu toutefois des investissements majeurs dans les infrastructures et la mise en place d'une administration publique relativement efficace.
  5. La forte dépendance des recettes fiscales vis-à-vis des exportations de matières premières et le train de vie élevé de l’Etat ont conduit aux ajustements structurels à partir des années 80. Quoique ces politiques aient été plus ou moins mises en œuvre dans la plupart des pays, elles ont généralement conduit à une dégradation des conditions sociales. Cette situation a été à l’origine des visions pessimistes sur l’avenir de l’Afrique jusqu’au milieu des années 90.
  6. Depuis le début des années 2000 les taux de croissance observés en Afrique sont surtout tirés par les matières premières (mines et produits agricoles).[2] Il faut donc prendre un peu de recul face aux chiffres actuels de la croissance car tout dépendra de sa distribution dans l’ensemble des couches de la société.
  7. L’intensification agricole va devenir un enjeu majeur pour les pays Africains. Aujourd’hui nous sommes dans une phase où des terres fertiles inexploitées existent encore. Dans quelques années, il sera nécessaire de rendre l’agriculture plus productive afin d’accommoder les perspectives démographiques du continent. Cependant, cette nécessité risque d’être compromise par le dérèglement climatique. Il est donc essentiel pour l’Afrique d’envisager les politiques d’adaptation afin de limiter les effets du dérèglement climatique.
  8. Un aspect clé du développement de l’Afrique sera la mise en place d’une fiscalité transparente et détachée des fluctuations du cours des matières premières. Cela requiert d’une part que la structure des économies soit plus détachée de l’exploitation des matières premières, et d’autre part une vigilance accrue de la part d’organisations de la société civile pour s’assurer que les recettes issues des ressources naturelles soient utilisées de manière efficace.
  9. Enfin, le concept de développement peut être dit "étranger à l’Afrique" si on le considère comme une mutation du concept colonial de "mise en valeur". Cependant, si l’on voit le développement comme relevant de l'innovation sociale et conduisant à une augmentation des libertés, notamment celles permises par l'accroissement de l'espérance de vie, alors il devient une aspiration à part entière des Africains. Ceux-ci souffrent autant que tout le monde de la mort de leurs enfants, contrairement à ce qu'un certain discours colonial a parfois prétendu.

Plusieurs autres questions ont été abordées et davantage de réponses ont été apportées. Nous vous renvoyons vers la vidéo de la rencontre qui sera prochainement disponible sur ce site internet.

 


[1] Par exemple, avant la période coloniale, le développement agricole a été extensif en Afrique et en Amérique contrairement à l’Europe et à l’Asie où il était plutôt intensif. De même, l’apport du capital a été beaucoup plus faible dans les régions comme l’Afrique sub-saharienne ou l'Asie qui n’ont pas connu de colonisation de peuplement. Pour cela, il faut relativiser les comparaisons entre grandes régions, et ne pas chercher à tirer mécaniquement des leçons pour l'Afrique des "exemples" asiatiques ou latino-américains, comme cela est parfois fait.

[2] En effet, l’exploitation des ressources naturelles et l’augmentation des cours des matières premières agricoles a encouragé les investissements dans les infrastructures, le développement des services de transport et d’assurances, le développement de la consommation des classes moyennes et par ricochet des grandes chaînes de distribution.

30 de moins de 30 ans : Les meilleurs jeunes entrepreneurs d’Afrique

 

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Les jeunes entrepreneurs changent la face de l'Afrique. J'ai décidé de produire une liste des 30 Africains de moins de 30 ans qui ont un impact spectaculaire sur le continent. Pour ce faire, j’ai engagé en novembre dernier un panel extérieur de 12 juges de partout en Afrique pour aider à identifier ce groupe d'entrepreneurs exceptionnels et innovateurs de moins de 30 ans.

De l’immobilier aux services financiers en passant par la fabrication, les médias, la technologie, la technologie verte, la santé, l'agriculture et la mode, les 30 jeunes entrepreneurs africains, perturbateurs et novateurs, de cette liste sont impatients de changer l'Afrique. Ensemble, ils représentent le meilleur de l’esprit d'entreprise, de l’innovation et du capital intellectuel de leur génération.

Ils résolvent des problèmes tels que la pénurie de soins de santé et d'électricité, profèrent des solutions innovantes pour la gestion des déchets, construisent des communautés virtuelles et physiques et créent de nombreux emplois. Quelques-uns d'entre eux fabriquent des aliments que nous aimons, conçoivent des vêtements exquis pour nos femmes et certains développent des applications sympas pour les téléphones mobiles à travers l'Afrique.

Bien entendu, cette liste n'est en aucun cas officielle ni exhaustive, mais c'est le plus proche de ce vous obtiendrez d’une liste définitive.

Une salve d'applaudissements pour les 30 de moins de 30 ans d’Afrique : les meilleurs jeunes entrepreneurs du continent, les perturbateurs d'aujourd'hui et les brillantes stars de demain:

Jonathan Liebmann (Afrique du Sud), Promoteur immobilier, PDG de Propertuity

LiebmannLiebmann, 28 ans, est le directeur général de Propertuity, société sud-africiane de promotion immobilière. Il est le cerveau derrière la construction de la Cité Maboneng, un quartier culturel florissant dans l’ est de la CDB de Johannesburg. Autrefois, quartier négligé et détérioré abritant des complexes industriels abandonné, Maboneng a été transformé par Liebmann en une dynamique urbaine à usage mixte avec des galeries d'art, des ateliers d'artistes, des espaces commerciaux et des bureaux. En savoir plus sur Jonathan Liebmann, Propertuity et Precint Maboneng ici.

 

Patrick Ngowi (Tanzanie), PDG, Helvetic Solar Contractors

NgowiIl y a neuf ans, Patrick Ngowi, agé 28 ans, a reçu un petit prêt de sa mère pour démarrer une entreprise. Il a commencé à vendre des téléphones mobiles chinois, mais quand il a découvert qu'une infime partie des Tanzaniens ne bénéficiait d'aucun accès à l'électricité stable et fiable, il savait qu'il devait remédier à ce problème. Ngowi a mis en place Helvetic Solar Contractors Limited, une société pionnière dans la fourniture, l'installation et la maintenance de systèmes solaires tout au long du circuit du Nord de la Tanzanie.

Helvetic Solar Contractors est la première entreprise dans le circuit du Nord pour répondre aux besoins solaires. La société a réalisé environ 3 millions $ de revenus l'an dernier. En savoir plus sur Patrick Ngowi et Helvetic Solar Contractors ici.

 

Lorna Rutto (Kenya), Entrepreneur Green Tech, Fondateur, EcoPost

Lorna RuttoLorna Rutto, est à 28 ans la fondatrice d’EcoPost, une entreprise sociale rentable qui fabrique des poteaux de clôture esthétiques, durables et respectueux de l'environnement en utilisant les déchets en plastique, une alternative plus écologique aux bois. (…) Rutto a acquis une réputation internationale pour ses efforts en fournissant une solution alternative à la gestion des déchets au Kenya menacé par le plastique. En savoir plus sur Lorna Rutto et Ecopost ici.

 

Justin Stanford (Afrique du Sud), Fondateur et PDG, Groupe 4Di

Justin_StanfordStanford, âgé de 28 ans, est un entrepreneur en logiciels et un capital-risqueur. Il y a sept ans, il s’est accaparé les droits exclusifs de distribution pour ESET, un logiciel anti-virus slovaque. Aujourd'hui, Stanford ESET Afrique Australe exploite la marque ESET dans la région et vend la gamme ESET de produits de sécurité Internet dans environ 20 pays d'Afrique subsaharienne. La société enregistre plus de 10 millions de chiffre d'affaires annuel et contrôle environ 5% du marché de l'anti-virus en Afrique australe. Stanford est également le fondateur de Capital 4Di, un-fonds de capital-risque basé à Cape Town. En savoir plus sur Justin Stanford ici.

 

Rapelang Rabana (Afrique du Sud), Fondateur, Yeigo Communications

RABANA Rapelang_webRapelang Rabana, 28 ans, est le PDG et le fondateur de Yeigo Communications, une entreprise novatrice basée à Cape Town qui développe des logiciels de télécommunications, y compris les services liés à la voix sur IP, la messagerie instantanée, la messagerie texte et l’appui aux services de messagerie. En 2008, Telfree, une firme suisse des télécommunications mobiles a acquis une participation de 51% dans Yeigo. En savoir plus sur Rapelang Rabana ici.

 

Kimiti Wanjaria & Ian Kahara (Kenya), Fondateurs, Serene Valley Properties

Tout les deux à la fin de leurs vingtaines, Kimiti Wanjaria et Ian Kahara font partie d'un groupe de quatre co-fondateurs de Serene Valley Properties (SVP), une société de promotion immobilière à Nairobi qui construit et vend des propriétés résidentielles au Kenya destinée à la croisante classe moyenne. SVP est derrière le développement projet de la vallée de Sigona, un résidence fermée en dehors de Nairobi d’une valeur de 4,2 millions $. En savoir plus sur Wanjaria et Kahara ici.

 

Evans Wadongo (Kenya), Président, SDFA Kenya

Evans-WadongoWadongo, un ingénieur kenyan de 26 ans a conçu une lanterne solaire à LED appelé MwangaBora (en swahili « Bonne lumière »), une invention qui est en passe de remplacer les lampes à kérosène enfumées et et les feux de bois dans le Kenya rural. Wadongo a distribué des milliers de ces lanternes dans les régions rurales du Kenya, où il y a peu ou pas d'électricité. Son organisation, Sustainable Development For All (SDFA), parraine une initiative d'autonomisation qui enseigne aux Kenyans pauvres comment reproduire ces lanternes solaires et les vendre à profit. En savoir plus sur Evans Wadongo ici.

 

Ludwick Phofane Marishane (Afrique du Sud), Fondateur, Industries Headboy

LudwickMarishane, agé de 21 ans, est le fondateur des Industries Headboy, une société sud-africaine qui a développé et détient le brevet pour Drybath, le premier gel/lotion germicide de substitution au bain pour la peau. En savoir plus sur Marishane et Industries Headboy ici.

 

Cosmas Ochieng (Kenya), Fondateur, Ecofuels Kenya

Cosmas Ochieng, un entrepreneur kenyan de 26 ans dirige Ecofuels Kenya, un cabinet d'Afrique de l'Est qui produit des biocarburants verts et des engrais organiques respectueux de l'environnement et provenant de sources renouvelables indigènes, telles que l'écrou de croton. En savoir plus sur Ecofuels ici.

 

Eric Muthomi (Kenya), Fondateur, Stawi Foods & Fruits

Eric MuthomiCet entrepreneur kenyan de 26 ans est le fondateur des aliments et fruits Stawi, une start-up innovante qui fournit bananes en provenance de petits exploitants agricoles dans les régions rurales du Kenya et les conditionne dans la farine de banane. En savoir plus sur Eric Muthomi et les produits Stawi ici.

 

Joel Mwale (Kenya), Fondateur, Entreprises Skydrop

Mwale qui a 20 ans dirige les entreprises SkyDrop, une société de filtration des eaux de pluie qui produit à faible coût de l'eau purifiée à boire, du lait et autres produits laitiers au Kenya. Mwale a fondé Skydrop en décembre 2009 et la société emploie actuellement plus de 20 personnes. En savoir plus sur Joel Mwale et Skydrop ici.

 

Verone Mankou (Congo), Tech Entrepreneur, Fondateur & PDG, VMK Verone

Verone MankouMankou est le fondateur de VMK, une entreprise de technologie axée sur les technologies mobiles, en particulier dans la conception, en Afrique, des Tablet PC et des smartphones. En 2011 VMK présenté la Way-C, sa première tablette PC sous Android. Le Way-C se vend à 300 $ USD et est disponible au Congo et en France. VMK fabrique également un smartphone Android africain appelé Elikia. Mankou a 26 ans. En savoir plus sur Mankou et VMK ici.

 

Opeyemi Awoyemi, Olalekan Oludé & Ayodeji Adewunmi, Nigeria

Fondateurs, Jobberman

Le trio a fondé Jobberman, le plus grand moteur de recherche d'emploi et agrégateur du Nigeria. Jobberman est entré en service en août 2009, et aujourd'hui, le site attire plus de 50.000 visiteurs uniques chaque jour. Grâce à la technologie simple, mais d'avant-garde, Jobberman permet de mettre en relation les personnels qualifiés pour les possibilités d'emploi adéquates. Jobberman est l'une des rares sociétés de l’espace technologique du Nigeria qui bénéficie du soutien du capital-risque. En savoir plus sur Awoyemi, Oludé et Adewunmi et Jobberman ici.

 

Oluwaseun Osewa (Nigeria), Fondateur, Nairaland

Oluwaseun OsewaLe geek Nigerian Oluwaseun Osewa est le fondateur de Nairaland, le plus grand forum en ligne d’Afrique. Il a fondé le site en mars 2005 comme un forum de discussion à usage général avec une préférence pour les questions d'intérêt pour les Nigérians. Le site a décollé. Nairaland compte aujourd'hui près d’1 million d'utilisateurs enregistrés et est le site le plus populaire du Nigeria. Pour donner une idée: Au Nigeria, Nairaland reçoit plus de visites que Wikipedia. Nairaland réalise son chiffre d'affaires grâce à son inventaire publicitaire. En savoir plus sur Oluwaseun Osewa et Nairaland ici.

 

Ashley Uys (Afrique du Sud), Fondateur, Medical Diagnostech

La société d’Ashley Uys, Médical Diagnostech, développe et commercialise des kits de tests médicaux abordables et fiables pour le paludisme, la grossesse, la syphilis, le VIH / SIDA pour les populations rurales pauvres d'Afrique du Sud. Le kit pf / PAN (pLDH) de la société qui teste le paludisme peut détecter toutes les souches de paludisme et indiquer dans les 30 minutes si le traitement du paludisme fourni est efficace. En novembre dernier, Medical Diagnostech a remporté 120.000 $ du Prix de Fondation SAB lors de la 2e édition annuelle du Prix de l'Innovation Sociale. Uys a 29 ans. En savoir plus sur Ashley Uys et médicale Diagnostech ici.

 

Sizwe Nzima (Afrique du Sud), Fondateur, Iyeza Express

Sizwe NzimaL’entrepreneur sud-africain de 21 ans dirige Iyeza Express, une entreprise innovante qui contribue à réduire la surpopulation dans les établissements de santé publique par la collecte en livrant à bicyclette des médicaments dans les cliniques et les hôpitaux publics aux résidents de la province de Western Cape, qui sont sous médication prolongée. En savoir plus sur Sizwe Nzima et Iyeza ici.

 

William Kamkwamba (Malawi), Inventeur

Rencontrez le garçon qui a exploité le vent. Né au Malawi, William n'avait que 14 ans quand il a construit un moulin à vent produisant de d'électricité à partir de déchets afin de fournir une source régulière d'eau pour la ferme de sa famille dans le village de Masitala, Wimbe. Avec un vélo dynamo et l'anneau de la chaîne, un ventilateur tracteur, des courroies en caoutchouc et des tiges de bambou, William a réussi à construire un moulin à vent qui fourni de l'énergie suffisante pour faire fonctionner deux radios et quatre ampoules. Fort du succès modeste de l'éolienne initiale, William a entrepris de construire un plus grand moulin à vent pour aider à l'irrigation de son village. Kamkwamba et est en train d'étudier pour un diplôme en études environnementales et techniques au Dartmouth College aux Etats-Unis.

 

Sandra Appiah et Isaac Boateng (Ghana), Co-fondateurs, Face2Face Afrique

Sandra AppiahSandra Appiah, 23 ans, et Isaac Boateng, 28 ans, deux ressortissants ghanéens sont les fondateurs de Face2Face Afrique (F2FA), une société de nouveaux médias basée dans la ville de New York dont le mandat est de restaurer l'image de l'Afrique dans la communauté mondiale. La société dispose de trois divisions : une enseigne qui publie un magazine explorant le développement, la culture, le divertissement et la mode en Afrique, une entreprise d'événementiel et un site web dynamique. En savoir plus sur Sandra Appiah, Isaac Boateng et Face2Face Afrique ici.

 

Ola Orekunrin (Nigeria), Médecin, fondatrice, Flying Doctors

Médecin et entrepreneur en de soins de santé Nigérian, Orekunrin, 25 ans, est la fondatrice de Flying Doctors Nigeria, le premier service d'ambulance aérienne en Afrique de l'Ouest. Flying Doctors Nigeria fournit l’hélicoptère d'urgence, l’avion-ambulance et des services d'évacuation au Nigeria et dans d’autres pays d'Afrique de l'Ouest. En savoir plus sur Orekunrin Ola ici.

 

Andrew Mupuya (Ouganda), Fondateur, Youth Entrepreneurial Link Investments (YELI)

Andrew MupuyaEn 2008, Andrew a levé 18 dollars obtenus de sa famille et de ses amis et a commencé à fabriquer des sacs en papier à une petite échelle. En 2010, il a enregistré son entreprise, Youth Entrepreneurial Link Investments (YELI), qui est maintenant la première entreprise locale enregistrée de sac en papier en Ouganda. L'entreprise emploie actuellement environ 15 Ougandais et YELI est un important fournisseur de sacs en papier et d’enveloppes pour les hôpitaux locaux, les magasins, les revendeurs ambulants et les fabricants de farine locales. Entre 2008 et aujourd'hui, YELI a produit plus d'un demi-million de sacs en papier. Andrew Mupunya est âgé de 20 ans. En savoir plus sur Andrew Mupuya ici.

 

Chude Jideonwo & Adebola Williams (Nigeria), Fondateurs, Red Media/ The Future Project

Jideonwo et Williams sont les co-fondateurs et partenaires de Red Nigeria, une société de services complets de contenu médiatique de premier plan, de communication et de développement au Nigeria. L'entreprise détient également The Future Project (TFP), une approche stratégique sociale d'entreprise qui héberge le prix annuel Future Awards, les récompenses les plus importantes du Nigeria pour les jeunes Nigérians exceptionnels. En savoir plus sur le duo ici.

 

Mark Kaigwa (Kenya), Associé, Afrinnovator

Mark_Kaigwa_214x306Mark Kaigwa, 25 ans, est un directeur artistique multi-talentueux, réalisateur, distributeur numérique et entrepreneur. Kaigwa est co-fondateur et associé à Afrinnovator, une entreprise qui vise à mettre l'Afrique sur la carte en éditant les exploits à travers l'innovation africaine, la technologie et les start-ups. Il est également associé à African Digital Art, la principale ressource sur le Web pour l'inspiration créatrice dans l'animation, l'illustration, la photographie et le design de l'Afrique. En savoir plus sur Mark Kaigwa ici.

 

Arthur Zang (Cameroun), Inventeur

arthur-zangL'an dernier, Arthur Zang, 25 ans, ingénieur camerounais a inventé le Cardiopad, une tablette médicale à écran tactile. Avec Cardiopad, les examens cardiaques tels que l'électrocardiogramme (ECG) peuvent être effectués à distance, dans les régions rurales tandis que les résultats de l'essai sont transférées sans fil vers des spécialistes qui peuvent les interpréter. Le Cardiopad devrait être commercialisé en 2013. En savoir plus sur Arthur Zang ici.

 

Thula Sindi (Afrique du Sud), Entrepreneur de mode, Fondateur, Thula Sindi

A 28 ans, il est l'un des jeunes créateurs de mode les plus connus d'Afrique australe. Après avoir terminé ses études à la London School international of Fashion, il décroche son premier emploi comme designer en chef de Vlisco, une entreprise de textile néerlandaise. Il en est parti peu de temps après pour lancer sa marque éponyme de vêtements qui conçoit, fabrique et commercialise délicatement des prêts-à-porter pour femmes. En savoir plus sur Thula Sindi ici.

 

Farai Gundan (Zimbabwe), Fondatrice, Farai Medias

Farai GundanCette personnalité des médias et entrepreneur Internet née au Zimbabwe est la fondatrice de Farai Media, une plate-forme publicitaire en ligne et sur mobile axée sur l’Afrique. Elle est également co-fondatrice d’AfricaTripDeals, un système global de distribution de voyages en Afrique. En savoir plus à son sujet ici.

Par Mfonobong Nsehe initialement publié sur son blog hébergé par Forbes, version française par nextafrique.com

Comment conquérir 1 milliard de consommateurs africains ?

Ils seront 1,3 milliards en 2030. Dans un contexte économique mondial morose, difficile d’ignorer le formidable relais de croissance représenté par les consommateurs africains. Le marché est énorme, mais encore faut-il que les entreprises comprennent le profil de ces consommateurs, qui ne correspondent pas aux catégories socioprofessionnelles type, et la diversité de leurs besoins.

Explorer les poches de croissance du continent

L’explosion de la démographie en Afrique est un sujet connu : 1 milliard d’habitants en 2010, près de 2 milliards en 2050, selon les estimations des Nations Unis. Face à cette démographie plus que favorable, d’autres facteurs permettent de penser que l’Afrique représente le nouvel eldorado des entreprises commerciales : amélioration du pouvoir d’achat, urbanisation rapide et hausse du taux d’activité des femmes encouragent l’avènement d’une société de consommation africaine, qui permettrait de stimuler encore davantage la croissance du continent.

Cibler les attentes des consommateurs africains

Pour ces entreprises, l’enjeu réside d’abord dans le fait de bien cibler les attentes des consommateurs selon leurs revenus. Parmi les tentatives assez convaincantes pour définir une typologie du consommateur africain, on peut citer l’étude d’Accenture, The Dynamic African Market : Exploring growth opportunities in Sub-Saharan Africa, qui dessine 5 profils types :
(i) le « Basic Survivor » : revenu inférieur à 100 dollars par mois (50 275 FCFA), qui s’approvisionne dans les échoppes et les marchés pour ses achats de base : nourriture, vêtements et petites dépenses (cigarettes, alcool, crédit téléphone, transport)

(ii) la « Working Family » : revenu qui varie entre 100 et 250 dollars (125 700 FCFA) par mois. La différence de revenu avec le Basic Survivor s’explique par le fait qu’au moins deux adultes de la famille travaillent, ce qui permet de financer les dépenses liées aux enfants et à leur éducation

(iii) les « Rising Strivers » : cette catégorie correspond aux deux profils précédents ayant acquis une compétence recherchée sur le marché du travail, ou qui ont accès au crédit. Ce groupe représente 10 à 16% de la population sub-saharienne actuelle. Les familles disposent d’un revenu qui oscille entre 250 et 750 dollars (377 000 FCFA) par mois, ce qui leur permet d’acheter des produits non essentiels.

(iv)  les « Cosmopolitan professionals » disposent eux d’un revenu qui varie entre 700 et 1000 dollars (502 750 FCFA) par mois, qu’ils dépensent aux supermarchés et dans les centres commerciaux, et de plus en plus en ayant recours à des services bancaires. Ils représentent 2 à 3%  de la population sub-saharienne actuelle.

(v) les « Affluent », à savoir la classe aisée qui disposent d’un revenu supérieur à 1200 dollars (603 00 FCFA) par mois, qu’ils dépensent notamment dans des produits de luxe et des voyages.

Bien que cette catégorisation puisse être considérée comme simpliste, elle a le mérite de faire apparaître la spécificité africaine dans la typologie des consommateurs et de souligner le potentiel de croissance représenté par certains groupes (Working families et Rising Strivers), qu’il s’agira pour les marques d’exploiter.

Affiner les stratégies de vente

Suite à l’échec de l’uniformisation des campagnes marketing, les entreprises ont vite compris que le consommateur africain avait des besoins spécifiques, et se sont adaptées en conséquent. Revue de quelques stratégies marketing à succès.

Conditionnement : Le contexte africain (irrégularité des revenus pour la plupart des personnes actives, coupures d’électricité, consommateurs peu habitués à stocker des produits) a poussé les marques à proposer les produits en conditionnement réduit, ce qui permet de pousser le consommateur à l’acte d’achat, le prix initial étant attractif par rapport aux conditionnements classiques
Vente à l’unité : en s’inspirant du modèle indien, la plupart des multinationales proposent des produits vendus à l’unité pour les biens de consommation considérés comme non essentiel (yaourts, friandises, lessive). Le groupe Unilever vend ainsi sa lessive à l’unité (lingots), de même pour Danone, qui permet la vente de yaourts à l’unité.
Captation du revenu journalier : en prenant en compte la fluctuation des revenus et l’absence d’épargne de la plupart des consommateurs africains, les multinationales misent sur la petite monnaie dont chacun dispose au quotidien. En Egypte, la chaîne de fast-foods Mc Donalds a lancé ses populaires Menus « Fekka » (petite monnaie, en arabe) à bas prix, et les opérateurs de téléphonie proposent de recharger les téléphones en prépayé pour moins d’un euro.
Instaurer de nouvelles habitudes alimentaires : dans l’objectif de pousser progressivement les consommateurs vers l’alimentation industrielle, aux marges bien plus élevées que les produits de base, les multinationales ont créé de nouveaux réflexes alimentaires, jusque là quasi inexistants, comme le petit déjeuner « à l’occidentale », à grands renforts de céréales raffinées et de produits sucrés. La pratique du snacking, inexistante a elle été vantée dans des publicités diffusées quotidiennement, afin de développer une consommation instantanée et impulsive.
Vendre des produits jusque là gratuits : l’eau, jusqu’alors considérée comme un bien public mondial accessible à tous librement est dorénavant commercialisée comme n’importe quel autre bien marchand. Le marché de l’eau en bouteille a connu une forte progression ces dernières années sur le continent africain, les marques (Nestlé, Coca Cola, Pepsi) profitant de la mauvaise qualité du réseau de distribution d’eau public pour capter la ressource et la revendre à des prix élevés compte tenu du niveau de vie local.
Développer des stratégies de vente multicanal : face à la taille du secteur informel en Afrique et à son poids financier, les entreprises commerciales ne distribuent pas leurs produits uniquement en supermarché, peu accessibles pour l’ensemble de la population, et ont multiplié les points de ventes. Dans les régions rurales, les revendeurs parcourent ainsi les villages à mobylette pour distribuer leurs produits.

L’Afrique représente donc un formidable relais de croissance pour les entreprises multinationales, et peut-être le dernier marché restant à conquérir. C’est pourtant le continent où il est le moins facile pour les marques de s’implanter, en raison d’une insuffisance au niveau des infrastructures, et du poids de l’économie informelle. Pourtant l’amélioration du climat des affaires et une tendance à la stabilisation politique de la plupart des pays africains favorisent l’installation durable d'entreprises commerciales performantes, qu'il s'agisse d'entreprises locales ou de multinationales, avec à la clé des créations d’emploi et une amélioration de la qualité de vie, même si à l’évidence tous n’en profiteront pas.

 

Leïla Morghad