Kapital Plus Plus : Pionnier du crowdfunding à Madagascar

Kapital Plus Plus, plateforme de crowdfunding à Madagascar, met en relation les porteurs de projets malgaches avec des investisseurs malgaches ou étrangers.

 

Le crowdfunding est un marché très prometteur en matière de chiffres d’affaires d’autant plus qu’il représente une alternative innovante aux sources de financements classiques. Une étude menée récemment pour la Banque Mondiale concernant le marché du crowdfunding des pays émergents avait abouti à un potentiel de 95 milliards de dollars sur les 10 prochaines années. C’est ainsi que le lancement de la plateforme de crowdfunding Kapital Plus-Plus à Madagascar constitue certainement une offre pour les porteurs de projets malgaches de réaliser leurs projets et pour les investisseurs de devenir actionnaires dans ces projets.

Les porteurs de projets malgaches peuvent soumettre leur projet pour une étude complète avant de la publier sur la plateforme si les résultats sont concluants. La plateforme de crowdfunding Kapital Plus Plus contribuera à faciliter les ouvertures d’investissements ainsi que des accès aux offres bancaires et des institutions de microfinances à Madagascar. Une fois le projet présenté en ligne, les investisseurs choisissent individuellement les projets sur lesquels ils veulent contribuer, en fonction des informations quantitatives et qualitatives disponibles en ligne. Ils décident également du nombre de tickets d’entrée qu’ils veulent prendre. Une fois la collecte complétée, le fonds est décaissé et la réalisation du projet débute. La rémunération proposée aux investisseurs sera disponible dès que l’entreprise née du projet commence à obtenir des bénéfices sur le marché prévu. Lorsque les fonds sont mis en place, Kapital Plus Plus se charge de suivre l’utilisation des fonds suivant l’ordre du jour dans la réalisation du projet.

Pour tous types de projets économiques à Madagascar, la plateforme de crowdfunding Kapital Plus Plus propose à la fois une source de financement pour les porteurs de projet malgaches et en contrepartie un produit d’épargne performant pour les investisseurs malgaches et étrangers. L'objectif est également de créer un réseau dynamique où porteurs de projets  et investisseurs mutualisent leurs fonds mais également leurs expertises et savoir-faire pour favoriser le développement du tissu économique malgache. Le taux de bancarisation étant très faible à Madagascar, Kapital Plus Plus s’est adossé à des établissements bancaires et de microfinances pour assurer les métiers de LAB, KYC. Un système innovant a été mis en place afin de lutter contre le détournement de fonds avant et après la réalisation de chaque projet.

 

N’hésitez pas à contacter les équipes de Kapital Plus Plus à contact@kapitalplusplus.com  ou sur https://www.facebook.com/kapitalplusplus/

Qu’est ce qui se cache derrière les crimes rituels au Gabon ?

stopL’affaire a pris une telle ampleur qu’on ne saurait la reléguer au rayon de vulgaires « faits divers ». De 2005 à 2013, une vingtaine de corps sévèrement mutilés ont été retrouvés dans diverses localités du Gabon, un pays d’1,6 millions d’habitants. Ces crimes ont été désignés, dans un consensus quasi général, comme des « crimes rituels ». Derrière ce terme, l’opinion publique désigne la pratique, d’inspiration animiste et pseudo maçonnique, qui voudrait que certains hommes de pouvoir, dans leur désir d’en amasser encore, se livreraient à des pratiques mystiques à base de sacrifices humains. Cette version des faits est largement acceptée par la population gabonaise, alimentant un climat de défiance constant vis-à-vis d’une élite jugée au-dessus des lois – la plupart des crimes sont restés non élucidés. Ce climat de psychose est bien entendu entretenu par les médias locaux, et s’alimente de préjugés fortement ancrés. 

Cet article n’a aucune vocation d’élucidation criminelle. L’auteur, bien que résident au Gabon, n’a mené aucune investigation qui lui permettrait d’apporter des pistes nouvelles par rapport aux enquêtes en cours. Le sujet étant dramatique, puisqu’il concerne directement des dizaines de familles en deuil et des milliers d’autres apeurées, l’objet de l’article n’a aucune vocation polémique. Il est plutôt d’apporter une hypothèse constructive à un drame sans aucun doute complexe, qui semble pourtant faire l’objet d’un traitement outrancièrement simpliste. 

L’hypothèse des crimes rituels

Samedi 11 mai 2013, une grande marche a été organisée à Libreville, à l’appel de l’Association de Lutte contre les Crimes Rituels (ALCR). Les médias s’en sont fait largement les relais, plusieurs personnalités de premier plan y ont participé, et l’affluence était au rendez-vous. Cette marche cristallise l’exaspération de la population face à un phénomène tout désigné. Pas un jour sans qu’un média local ne s’en fasse l’écho. La plupart des conversations finissent par aborder le sujet. Les autorités ont été obligées de se saisir de la question, de promettre le vote d’une loi spécialement dédiée au phénomène, de mobiliser ostensiblement les forces de police (accusées de laxisme, de « deux poids deux mesures » vis-à-vis de commanditaires des crimes que l’on imagine au-dessus des lois) pour des contrôles massifs des véhicules après chaque disparition d’enfant signalée… Le crime rituel est sur toutes les lèvres au Gabon. 

D’une certaine manière, l’élite politico-affairiste gabonaise est en train de payer le prix du prestige dont elle a voulu se draper. Le problème remonte aux premières heures de l’indépendance. L’élite autochtone occidentalisée qui accéda aux manettes de l’Etat après 1960 s’est créé une légitimité aux yeux d’une population rurale traditionnelle en se parant de nouveaux attributs de puissance et de mystère (les deux étant liés), alliant des éléments issus de la Modernité occidentale (les rites maçonniques) et des éléments autochtones de mysticisme animiste. Omar Bongo Ondimba, président du Gabon pendant près de 40 ans, a surjoué de ces éléments. La mayonnaise a très bien pris dans une société historiquement imprégnée de croyances fortes sur les mystères de la nature et sur le « surnaturel ». 

Rappelons la caractéristique particulière du peuplement de la forêt équatoriale d’Afrique centrale. Cette forêt est difficile à pénétrer et offre relativement peu à chasser et à manger. Les cultivateurs bantouophones qui se sont installés sur ses terres aux alentours du X° siècle se sont donc concentrés sur des microenvironnements plus favorables (plaines non boisées, marais, rivières riches en poissons…). Ces pionniers défrichaient des parcelles où ils cultivaient du yam, du plantain et des palmiers à huile, dans un cercle concentrique autour des habitations humaines, lui-même entouré par les bois extérieurs, qui représentaient l’au-delà de la civilisation humaine, le domaine de l’inconnu, des esprits de la nature et des ancêtres. Jusqu’à ce jour, la forêt gabonaise recouvre 80% du territoire national, et les Gabonais continuent d’une certaine manière à être environné d’un univers qui leur échappe. Ce contexte favorise une appétence au surnaturel qui étonne bon nombre de ressortissants d’autres pays africains… Cela a été d’autant plus renforcé par le « cannibalisme » de ces éléments traditionnels par la Modernité sociale et politique gabonaise. 

DROGBALe fait que les plus hautes autorités du pays affichent ostensiblement leur adhésion à des loges maçonniques – dont la conception locale n’est que le pâle reflet des cercles de réflexion du siècle des Lumières, et s’apparentent plutôt à des clubs d’une caste élitiste qui se complait dans des rituels pseudo-mystiques désuets – crédibilise la thèse de la réalité sociale des pratiques mystiques, et de leur association aux cercles du pouvoir. La compétition aux faveurs au sein d’un système clientéliste qui nourrit quasiment l’ensemble de la population à des degrés divers, alimente la suspicion vis-à-vis des « réussites », forcément suspectes (« tel a commis tel crime ou s’est compromis de telle manière pour avoir sa promotion »). Dans cette économie rentière à élite prédatrice, la richesse acquise est présumée coupable, de même que la réussite tout court. De plus, héritage de l’époque où l’esclavagisme faisait rage, la croyance reste ancrée dans nombre de pays africains de la côte atlantique que la richesse s’acquière aux dépens des autres, par la sorcellerie et/ou le sacrifice de la vie d’un de ses proches.  

Ce contexte historique et culturel fait du Gabon un terreau particulièrement favorable à ce que la population prête une oreille disposée à l’hypothèse des crimes rituels. De fait, l’histoire n’est pas nouvelle. Les personnes âgées ne se souviennent pas d’une époque où l’on n’ait pas brandi cet épouvantail de l’insécurité. Toutes s’accordent toutefois à reconnaître que la psychose sociale autour des crimes rituels ait pris récemment une ampleur sans précédent. 

Une enquête menée au niveau mondial par l’institut de sondage Gallup révèle que la population gabonaise est la cinquième au monde à se considérer vivre dans la plus grande insécurité. Or, dans les faits, si l’on retient le critère matériel du taux d’homicides pour 100 000 habitants, le Gabon se classe au 56e rang mondial du pays le plus criminogène.  Il y a donc un gap important entre la réalité et la perception de la réalité. 

Comprendre la psychose sociale

La thèse défendue ici est que cette psychose relève plus de déterminants socio-politiques que d’une insécurité réelle. La psychose actuelle sur les crimes rituels est le résultat de la défiance totale entre la grande majorité de la population et les élites politico-économiques du pays d’une part, et le délitement plus général du pacte social gabonais. Le nouveau régime a changé de discours politique (forte orientation modernisatrice et économiste, autour du concept de l’Emergence), sans que la réalité concrète du pays, à savoir une plus forte inclusion politique, sociale et économique ne suive. Le système clientéliste traditionnel (recrutement des jeunes dans la fonction publique, diverses subventions sociales) revêt désormais un coût exorbitant que l’Etat ne peut plus se permettre. L’ancien système se meurt sans que le nouveau n’ait réellement pris le relais. 

C’est dans ce contexte que la moindre rumeur prend des tournures d’évènement national. Un sac rempli d’abats d’animaux est exposé comme une preuve supplémentaire de l’ampleur des crimes rituels. Les démentis officiels prouvant l’origine animale desdits abats sont tout de suite interprétés comme une volonté du pouvoir en place de cacher la vérité au bon peuple. Les personnes de bien ne veulent plus laisser leurs enfants se promener même le jour. Tout le monde se méfie de tout le monde, tandis que des prédicateurs charismatiques promettent, bible à la main, d’expurger le Mal du pays. 

Peut-être y a-t-il vraiment quelques crimes dont la motivation répond à la définition des crimes rituels. Un personnage de l’establishment a récemment été arrêté sous l'acte d'accusation de commanditaire d’un tel méfait. Sans doute y a-t-il des homicides « normaux » d’hommes et de femmes envieux, jaloux, sadiques, sanguinaires, qui déguisent leur acte en « crime rituel », histoire de détourner l’attention. Peut-être que ces mutilations criminelles nourrissent un trafic international d’organes ? Il peut y avoir mille et une raisons derrière un crime avec mutilation. N’en privilégier aveuglément qu’une seule n’est pas rendre devoir de justice aux victimes.  

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La vingtaine de crimes avec mutilation qui ont eu lieu ces dernières années au Gabon sont des horreurs auxquelles il faut mettre un terme. Pour cela, comprendre la motivation, les ressorts psychologiques, mais également l’inscription sociale et culturelle de ces actes criminels est une première étape indispensable. Ces crimes prennent une ampleur d’autant plus grande qu’ils ont lieu dans une société dont la torpeur s’est longtemps justifiée par la « paix sociale » qu’elle imposait, symbole de sa réussite. 

Pour mettre un terme à la psychose sur les crimes rituels, le gouvernement et la société gabonaise doivent accepter de se regarder sans peur dans le miroir. Accepter le fait que la société navigue aujourd’hui dans le flou, entre perte de repères et émergence de valeurs nouvelles qui peinent encore à s’imposer. Et trouver en elle-même les forces de créer les conditions radicales d’un climat de confiance pour rebâtir son pacte social. 

 

André LIRASHE

Des services bancaires pour tous en Afrique de l’Ouest

Il y a quelques semaines, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a annoncé une bonne nouvelle : au cours des cinq dernières années, la proportion de la population bancarisée dans la région a progressé de plus de 5 points, passant de 9 % en 2006 à 14,3 % à la fin 2011.

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Les banques postales et les institutions de microfinance, qui ont un statut juridique particulier dans la région, desservent près de 9 % de la population, tandis que les 5 % restants sont servis par les banques commerciales.

Cette évolution témoigne du rôle important que continue de jouer le secteur de la microfinance pour l'accès aux services financiers des personnes à bas revenus. Elle indique aussi qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, d’autant plus qu’il existe toujours d’importantes disparités entre les pays — par exemple, 28,3 % de la population est bancarisée au Bénin, contre 2,6 % seulement au Niger.

En 2012, les huit pays (Mali, Sénégal, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Togo, Niger et Guinée Bissau) de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) ont finalement tous adopté la nouvelle réglementation sur la microfinance. Ce nouveau cadre réglementaire pourrait faire évoluer le paysage de l’inclusion financière au cours des prochaines années.

Il ouvre en effet la voie à des formes juridiques autres que les coopératives financières/caisses mutuelles, qui prédominent dans la région et permet, par exemple, à des sociétés anonymes telles que les "Greenfield" d'offrir des services financiers aux personnes à faibles revenus.

La BCEAO a également introduit un mécanisme de supervision fondé sur les risques et, avec la Commission bancaire, elle assurera la surveillance des grandes institutions de microfinance (IMF). D’autres initiatives importantes figurent également parmi les priorités de la BCEAO, comme la création d'un fonds de garantie des dépôts, l’instauration d’une centrale des risques et la protection des consommateurs de services financiers.

De 2001 à 2011, le volume des dépôts mobilisés et l’encours du portefeuille de prêts des établissements de microfinance ont plus que quadruplé, enregistrant un taux de croissance annuel moyen de, respectivement, 16 et 18 %. Fin 2011, on dénombrait 759 institutions de microfinance et près de 4 700 points de service dans toute la région. Ces institutions continuent de jouer un rôle particulièrement important pour la mobilisation de l’épargne, puisqu’elles détiennent 20 % de la masse monétaire.

Dans ce contexte, il faut souligner le dynamisme de l’Afrique de l’Ouest dans le secteur des services bancaires mobiles. L’environnement réglementaire actuel, relativement souple, est en outre propice aux activités bancaires sans agence. Dix-huit opérateurs de téléphonie mobile sont actuellement actifs dans la région, et un nouvel acteur est entré sur le marché de la Côte d’Ivoire en 2012. Le taux de pénétration de la téléphonie mobile continue d’augmenter, avec une croissance annuelle de 9,4 % en 2012, et s’établissait en moyenne à 70,2 % pour la région (Source : Wireless Intelligence, T4, 2012).

Des services financiers de banque à distance sont déjà proposés dans six des huit pays de l’UEMOA par l’intermédiaire de sept acteurs : trois opérateurs de téléphonie mobile ayant déployé un produit de "Mobile Money", trois établissements non bancaires émetteurs de monnaie électronique et une banque ayant développé son propre produit. Certaines IMF et certaines banques nouent des partenariats avec ces acteurs, tandis que d’autres développent leur propre solution de banque mobile.

Les IMF entendent jouer un rôle plus actif dans ce domaine et certaines d’entre elles ont déposé en 2012 une demande d'agrément en tant qu'émetteur non bancaire de monnaie électronique. En Côte d’Ivoire, pays qui affiche le taux de pénétration le plus élevé de la région (92 %), deux opérateurs de téléphonie mobile totalisaient en 2012 2,6 millions de clients enregistrés pour des services de Mobile Money. Cette même année, l’un d’eux est entré dans le club très fermé des opérateurs de téléphonie mobile (ils sont 11 en tout dans le monde, selon une étude récente du CGAP) qui comptent plus d’un million de clients enregistrés pour ce service et plus de 200 000 clients actifs.

Soucieuse de faire progresser l’inclusion financière dans la région grâce à ces nouveaux types de services, la BCEAO a engagé en 2012 un dialogue ouvert avec les principaux acteurs du secteur privé, du secteur public et des autorités de réglementation de la région.

Malgré ces avancées, l’inclusion financière demeure faible dans la région et n’atteint pas l’objectif ambitieux de 20 % que s’était fixé la BCEAO dans son plan d’action pour 2007-2012. Divers obstacles peuvent expliquer cette situation, et notamment le fait que certaines grandes institutions de microfinance ont connu des difficultés au cours de cette période. Ces situations ont eu un impact négatif sur la santé du secteur et mis en évidence quelques défis dans la gestion et la gouvernance de ces institutions. Cette dégradation de la situation des IMF, conjuguée à la faiblesse des capacités de supervision dans la région, suscite quelques préoccupations concernant la protection des déposants.

En 2012, la BCEAO a ainsi adopté un plan d’action visant à remédier à ces faiblesses, et divers acteurs (dont la Commission bancaire, les Ministères des Finances et les associations nationales de microfinance) se sont engagés à ses côtés à prendre des mesures visant à améliorer la santé du secteur de la microfinance. Des bailleurs de fonds sont prêts à supporter ces actions et ces améliorations.

En 2013, une nouvelle stratégie régionale d’inclusion financière sera adoptée pour les cinq prochaines années. Elle se fondera sur le principe d’« un compte pour tous » : tous les prestataires de services financiers devraient dorénavant être tenus de proposer un compte bancaire de base et une offre de services gratuits sans conditions de revenu régulier minimum.

Alors que l’année 2012 a permis de jeter les bases d’un certain nombre de grandes initiatives destinées à faire avancer l'inclusion financière dans la région, 2013 doit être une année d’action : il s’agit à présent de transformer ces bonnes intentions en changements concrets pour les personnes qui se trouvent en bas de l’échelle des revenus. Outre l’intervention de la BCEAO et des acteurs privés, le succès nécessitera la mobilisation des gouvernements de chacun des huit pays de l’UEMOA.

Corinne Riquet et Djibril Maguette Mbengue

 


Corinne Riquet est représentante régionale du CGAP en Afrique de l’Ouest et Djibril Maguette Mbengue est spécialiste de microfinance, également au CGAP.

Article paru initialement sur http://blogs.worldbank.org/voices/fr/des-services-bancaires-pour-tous-en-afrique-de-l-ouest

Tous droits reservés, reproduits ici sous license creative commons

« Déroutes », de Laure Lugon Zugravu

2011_deroutesD'une plume alerte et non dépourvue d'humour, Laure Lugon Zugravu propose ici un réquisitoire impitoyable contre les dysfonctions de l'aide humanitaire. Le déséquilibre des échanges avec l'Afrique et la subordination du monde diplomatique à la raison d'Etat ont précipité le continent dans un univers pétri de violence et d'arbitraire. Dès lors, les abus de pouvoir, l'impéritie, la corruption, les assassinats, le sexe, la déprime et les folles amours qui s'entremêlent dans cet ouvrage soulignent les dérives et les déroutes du monde d'aujourd'hui. Ils dénoncent en particulier l'exploitation sauvage du Congo, le rôle ambigu du journalisme d'investigation et le désarroi des gens dépêchés sur place.

Le début du roman nous transporte à l'Ambassade de France de Kinshasa où un groupe hétéroclite d'expatriés « que l'Afrique avait chiffonnés, abîmés, vaincus » (p.9) gravitent autour de l'Ambassadeur de France en compagnie de quelques journalistes, d'une poignée de consultants égarés en terre africaine, de responsables d'ONG et de mercantis locaux. C'est là que Giulia, une journaliste indépendante d'une trentaine d'années établie au Congo tombe amoureuse d'un correspondant de guerre de passage et accepte de lui donner un coup de main pour une enquête délicate.

La liaison passionnée, mais de courte durée, de Giulia et Gaétan sert de fil rouge au roman. Le passage de Gaétan à Kinshasa et ses déplacements en RDC offrent à la narratrice l'occasion d'évoquer la vie des expatriés de la capitale et les questions importantes qui agitent le pays: les cocktails auxquels Gaétan est convié soulignent la vacuité des relations sociales et la superficialité des personnes en présence; sa poursuite inlassable de faits divers susceptibles d'intéresser le grand public met en évidence les partis pris et les défauts d'une information manipulée à tous les échelons de sa production; et le voyage qu'il entreprend avec Giulia dans une province éloignée en quête de scoops, permet à la narratrice de dénoncer les innombrables abus dont sont victimes les populations locales, l'exploitation éhontée des enfants, les grenouillages, les impostures, les massacres de populations civiles, le détournement de l'aide alimentaire et les assassinats politico-économiques commandités par des compagnies minières pillant impunément les ressources du pays.

D'innombrables malheurs contribuent à l'effondrement de la région mais c'est moins le résultat désastreux d'un interventionnisme délétère qui irrite l'auteure que l'indifférence et le cynisme dont font preuve les différents acteurs associés au pillage. Face aux souffrances et à la misère engendrées par leurs coupables entreprises ou leur laisser-faire, les âmes damnées du système oublient tout et ne pensent plus qu'à elles-mêmes. L'intérêt calculé de Gaétan pour autrui n'est qu'un cas parmi d'autres. Lorsqu'il apprend, par exemple, qu'un groupe d'hommes d'affaires chinois vient d'être massacré par une quelconque milice dans la province du Kasaï, sa première réaction n'est pas de compatir à la mort violente d'innocentes victimes mais de se réjouir de l'aubaine et d'imaginer les avantages qu'il va pouvoir tirer de la situation. « Merci pour l'info, dit-il à son indicateur. Du coup, j'ai une accroche en actu, ça tombe bien » (p.65). Aucune compassion pour les défunts et leurs familles. Juste une totale indifférence aux conséquences humaines de la tragédie. De même, lorsqu'il se trouve face à face avec un groupe d'enfants remontant des tréfonds d'une mine de diamants où ils sont contraints de travailler sous la surveillance de milices armées, il ne pense ni au sort de ces esclaves des temps modernes ni à la précarité de leur situation. Non, il pense aux images qu'il va être en mesure de vendre à bon prix à une agence de presse. Le cœur sec, il montre à cette occasion, comme lorsqu'on lui signale l'assassinat « des ingénieurs chinois dégommés au Kazaï » (p.65), que le monde auquel il appartient a perdu le sens des valeurs humaines :

« Le soleil était bas, ciel fuyant, orange, parfaite lumière. En une heure, il aurait son sujet. Remontés lentement des bas-fonds miniers, les gamins couverts de poussière s'en allaient, disloqués, s'abreuver dans une auge en fer battu remplie d'eau saumâtre, bovins fatigués. Gaétan cadra serré sur la tête d'un gamin, bête de somme humaine sur fond de savane africaine d'une indécente beauté. Cette photo-là, légèrement poudrée par la poussière en suspension, était bonne » (pp.66-68)

L'égocentrisme et l'absence de préoccupations morales de Gaétan ne font pas figure d'exception dans un univers dominé par l'arbitraire. Quasiment tous les personnages du roman ont battu en retraite derrière une armure de froide indifférence.

En sus d'une galerie de personnages à la psychologie nuancée et d'une intrigue bien ficelée, il convient de relever le style incisif et plein d'esprit de l'auteure qui participe lui aussi au plaisir de la lecture. Dépeignant les « fossoyeurs du continent » avec une verve et un humour impitoyables, la narratrice joue avec les sentiments contradictoires du lecteur qui ne sait souvent plus s'il doit rire ou pleurer. Quelques lignes évoquant Joyce Wagram, une écologiste fanatique et héritière d'un magnat de l'industrie américaine, en offrent une illustration :

« Joyce Wagram, elle, portait des espadrilles. Cousues main par de faux bergers du Larzac avec de la vraie corde de chanvre cent pour cent naturelle et garantie bio, rouies dans de l'eau croupie puis teillées sans machine, bien entendu. […] Echouée en RDC après des mois de voyage en transport public avec une poignée de bergers qui s'ennuyaient ferme à évangéliser les chèvres des hauts plateaux des Grands Causses, elle avait trouvé, au lieu de bons sauvages dont elle espérait le salut du monde, des pauvres – et c'était bien leur seul mérite – qui se seraient damnés pour une bagnole ou un téléphone portable. Elle en avait alors conçu un mépris aussi puissant qu'à l'endroit des nantis. » (p.38)

Ces propos satiriques invitent au rire. Mais un rire qui se transforme rapidement en rictus car les chimères de Joyce n'expriment que trop bien un imaginaire occidental truffé de clichés et vigoureusement défendus par une armée de groupes d'influence prêts à voler au secours de l'Afrique mais incapables de prendre en compte les aspirations légitimes des Africains.

De très nombreux ouvrages ont souligné les abus des multinationales qui pillent impunément le continent; autant ont dénoncé les lacunes de l'aide humanitaire et l'inanité de la diplomatie en Afrique face aux défis de la mondialisation; mais peu de livres offrent une image aussi évocatrice et incisive du dépouillement complet des valeurs humaines que la course aux matières premières et « l'aide au Tiers-monde » infligent au Congo et au reste du monde. A lire.

 

 

laure_lugon_smallLaure Lugon Zugravu est née en 1968 en Valais. Elle est journaliste en Suisse romande. Reporter de guerre entre 1997 et 2002, elle publie Au Crayon dans la marge, récits de son expérience journalistique dans les zones de conflits. Déroutes, publié en 2011 fait suite à ce premier récit, et Lugon Zugravu indifférente aux polémiques qui ont reçu son premier roman, poursuit son chemin.

 

"Déroutes", un roman de Laure LUGON ZUGRAVU

Genève: Editions faim de siècle & cousu mouche, 2011. (172p.). ISBN: 978-2-940422-11-1

Compte rendu de Jean-Marie Volet — février 2013

Publié initialement et en version longue sur http://aflit.arts.uwa.edu.au/reviewfr_lugon13.html

Produisons l’électricité avec du sable !

Au XVIIè siècle, c’est l’observation de la chute d’une pomme dans un verger qui permit à Isaac Newton de tirer les conclusions d’une force d’attraction gravitationnelle universelle. A l’aube du XXIè siècle, cette même force d’attraction gravitationnelle devint pour Philippe Sessi le moteur d’une nouvelle invention : la Centrale Sablonique, une centrale électrique qui fonctionne avec du sable.

Terangaweb : Monsieur Sessi, pouvez-vous vous présenter brièvement ?

Philippe Sessi : Je suis ancien employé et correspondant de banques et, inventeur autodidacte par passion depuis 1974. Je suis d’ailleurs titulaire d’au moins trois brevets d’invention dont « le descenseur », qui est médaillé d’Argent au Concours Lépine. Je suis également dépositaire de « CENTIRO », le nom monétaire le plus étymologiquement correct pour désigner le centième de l’euro (et non le « cent » qui est le centième du dollar, ou encore le « centime » qui est le centième du franc). Par ailleurs, je suis investi dans plusieurs autres projets sociaux économiques et d’innovation.

Terangaweb : Quelles sont les raisons qui vous ont poussées à étudier la question énergétique ?
C’est très simple. Comme le commun des mortels je suis sensible aux problèmes économiques et sociaux. Le problème avec les énergies fossiles c’est qu’elles entrainent un réchauffement climatique qui engendre la fonte des glaciers à l’origine de l’élévation du niveau des mers, et partant, de la disparition d’îles paradisiaque. Mais surtout, c’est l’expansion des zones désertiques qui est critique. Si rien ne change, dans une centaine d’années, la ville de Bamako se trouvera au milieu du désert. La « ceinture verte » ne suffira pas à endiguer ce phénomène. L’eau est la seule solution efficace, d’autant plus que le continent africain est entouré d’eau. Une partie de cette eau doit être transférée dans le désert pour qu’elle puisse ensuite s’évaporer. Pour cela, il faut une technologie alimentée par l’énergie. En effet, la création de nappes d’eau artificielles dans le désert est nécessaire pour humidifier l’atmosphère. Les pluies qui découleront de ce processus contiendront de l’eau buvable et non salée (le sel ne s’évapore pas) et permettront la pousse d’herbe. Les sols du désert sont remplis de graines qui n’attendent que l’eau pour germer. Après avoir tiré ces conclusions, j’ai fait des recherches à mon niveau afin de trouver la solution la plus adéquate.

Terangaweb : Pourquoi la centrale sablonique ?
Je me suis demandé comment produire de l’électricité. Je me suis inspiré du fonctionnement des centrales hydrauliques et thermiques. L’inconvénient de ces deux dernières solutions est que, toutes les deux, contribuent à la destruction de la nature. Je ne cite pas le nucléaire car il s’agit de la pire de toutes les solutions, d’ailleurs la voiture électrique est une bêtise humaine puisque l’électricité qui permet de faire fonctionner ces voitures est d’origine nucléaire. Pour produire de l’électricité, nous prélevons dans la nature et ensuite, nous utilisons une quantité donnée d’énergie (générée par l’eau dans le cas des centrales hydrauliques) pour produire une nouvelle énergie (l’électricité). S’il n’y a plus d’eau en l’occurrence, il n’est plus possible de produire de l’électricité. Aussi, les centrales hydrauliques tombent en panne en cas de sécheresse. C’est donc de la quantité de ressource disponible au départ que dépend la production d’énergie. D’où les nombreuses coupures d’électricité auxquelles doivent faire face les Africains (manque de pétrole, manque d’eau…).

Le coût de l’énergie que l’on utilise pour produire de l’électricité représente environ 70% du coût de l’électricité que l’on consomme. L’électricité d’origine nucléaire est plus dangereuse et plus coûteuse. Cependant, la France « profite » de l’uranium du Niger, c’est pourquoi on peut se permettre de continuer à produire de cette façon. Si on payait l’uranium à un prix normal, la France aurait déjà arrêté. Il ne faut pas oublier que nos déchets nucléaires sont aujourd’hui disséminés sur plus de 1 100 sites en France, et que ces déchets nucléaires ont une durée de vie de 300 000 ans ! Il fallait donc que je trouve une énergie sans les inconvénients inhérents aux solutions d’aujourd’hui, c’est-à-dire qui ne détruise pas la nature, qui soit la moins chère possible, disponible de façon abondante, et suffisamment puissante pour faire fonctionner des industries. Cela m’a pris des années.

Philippe Sessi

Un jour, j’ai laissé tomber un objet. Cet objet avait bougé par une force qui n’avait pas été exercée par moi. Or, aucun objet ne bouge sans avoir subi une force quelconque. D’où venait cette force ? De l’attraction terrestre. C’était simple, mais il fallait y penser. Cette force est simple, disponible partout, puissante, utilisée par la nature même. Comment l’utiliser pour produire de l’électricité ? La centrale sablonique consiste en un grand immeuble de dix étages avec, à chaque étage, un alternateur avec des turbines. Une courroie avec des godets entoure l’ensemble des turbos alternateurs. Une partie de ces godets sont remplis de sable et leur poids tire la courroie vers le bas. Une fois arrivé en bas, le sable est déversé sur un plancher incliné puis est aspiré par un tuyau pour être reversé de nouveau dans les godets en haut de l’immeuble. Il s’agit toujours du même sable, les ressources nécessaires sont donc faible. L’énergie consommée, pour le tuyau par exemple, est autoalimentée par la centrale sablonique. Cette centrale de dix étages doit pouvoir produire 69 mégawatts. Un autre, deux fois plus grande peut produire 138 mégawatts, ce qui est suffisant pour alimenter une ville comme Paris.

Dans le brevet déposé, la centrale comporte également une production d’eau intégrée: il s’agit de la centrale sablonique ou sablo-électrique avec citerne d’eau potable. L’eau produite est directement prélevée dans les nappes souterraines. Il y a sous le désert du Sahara, en effet, d’immenses nappes phréatiques. La centrale sablonique n’utilise aucun combustible, n’est soumise à aucune condition climatique, dispose de la gravité universelle qui est la force la plus puissante, la plus disponible sur terre et sous terre (il est possible de construire des centrales sous-marines), la plus sûre, et en plus elle est gratuite.

Terangaweb  Le brevet pour cette invention vous a été délivré par l’INPI en 2009. Allez-vous étendre la protection de cette invention dans le monde entier ?
Bien entendu, le brevet sera étendu au-delà de l’Europe. Une procédure PCT est actuellement en cours.

Terangaweb : D’où provient le financement de cette invention ?
Le financement sera assuré par une entité canadienne. Je devrais recevoir très rapidement les fonds pour réaliser les prototypes, ainsi que les dossiers complets de licence car je ne souhaite pas exploiter cette invention moi-même.

Terangaweb : Dans combien de temps cette innovation sera-t-elle exploitable ?
Dans 18 mois les prototypes auront normalement été réalisés et testés, et les dossiers de licence devraient être prêts. Je prends mon temps car j’ai à cœur de bien faire les choses et de ne pas sortir n’importe quoi.

Terangaweb : La construction de ce type d’infrastructure nécessite souvent un financement de projet, suite à un appel d’offre, et des partenariats publics-privés. Le remboursement du montage financier se fait généralement via un contrat de concession de service publique qui peut durer 20 ans voire plus. Quel sera le coût de la centrale sablonique ?
Je peux dire que la centrale sablonique coûtera en moyenne 50% moins chère qu’une centrale ordinaire. Je ferais en sorte que toutes les conditions soient réunies pour éviter les abus, l’objectif étant que l’électricité soit accessible à tous, jusque dans les villages.

Terangaweb :  Il s’agit là d’une invention qui devrait changer la face du monde. Vous devez en tirer une grande fierté.

Il est normal que chacun contribue à l’amélioration de nos conditions de vie. Je n’ai pas inventé l’électricité, j’apporte seulement un nouveau moyen de le produire. Je n’ai donc pas de quoi me vanter. Si je parviens effectivement à améliorer la condition des êtres humains, je serais un homme heureux.

 

Interview réalisée par Awa Sacko

L’histoire violente du Congo en vidéos

La République Démocratique du Congo (RDC), qui s'est fait appelée Congo Belge (1908-1960), puis Zaire (1971-1997), est le deuxième pays le plus vaste d'Afrique et le quatrième le plus peuplé du continent. Ce pays est particulièrement bien doté en ressources naturelles : des terres agricoles riches et un sous-sol qui regorge de minerais précieux. Pourtant, la RDC est l'un des pays les plus pauvres d'Afrique, qui pointe au 176e rang mondial de l'Indice de développement humain. En plus de cette pauvreté endémique, l'histoire du pays se caractérise par des épisodes particulièrement meurtriers. Ce sont quelques-uns de ces épisodes historiques du Congo que couvrent les vidéos ci-dessous. Bien que Terangaweb ne partage pas forcément tous les points de vue défendus par les auteurs de ces vidéos, nous considérons qu'il s'agit d'une bonne entrée en matière pour comprendre l'histoire et les enjeux actuels de ce géant de l'Afrique qu'est la République Démocratique du Congo.

1ère vidéo : L'histoire coloniale du Congo se distingue de celle des autres pays africains en ce que le pays devient la propriété privée du roi des Belges Léopold II qui en fait un moyen d'enrichissement personnel, au prix d'un pillage monumental et d'exactions humaines effroyables, même dans le contexte particulier de l'époque coloniale.


Le génocide de Léopold II, roi des Belges, au… par Nzwamba

2ème vidéo : La République du Congo accède à l'indépendance en 1960, à l'instar de la plupart des pays africains. Une personnalité charismatique se détache lors de cette transition historique : Patrice Lumumba.

3ème vidéo : Portrait de Mobutu Sese Seko, qui dirigera le Congo de 1965 à 1997. Il accède au pouvoir en participant à l'élimination de son mentor, Patrice Lumumba. Le documentaire ci-dessous retrace la jeunesse de Mobutu et son accession au pouvoir.

4ème vidéo : Mobutu s'avère être l'un des pires dictateurs qu'est connu l'Afrique, pour le plus grand malheur des Zairois. Corruption et gabégie sont durablement implantées dans le pays, qui peine à se remettre de cette période.

 

5ème vidéo : La chute de Mobutu est due à une insurecction armée dirigée par Laurent Désiré Kabila. Mais cette militarisation de la région des grands lacs aura des conséquences désastreuses sur l'équilibre fragile des puissances et des forces locale, et débouchera sur des conflits particulièrement meurtriers (plusieurs millions de morts, mutilés, et déplacés) dans les régions du Nord et du Sud Kivu (Est de la RDC), dans lesquels les pays frontaliers (Ouganda, Rwanda, Burundi) jouent un rôle prépondérant. A l'espoir que fait naître la chute de Mobutu, succède vite l'inquiétude liée à l'assassinat de Laurent Désiré Kabila et à l'accession au pouvoir de son fils, Joseph, en 2001.

6ème vidéo : Le portrait de la République Démocratique du Congo d'aujourd'hui n'est pas beau. Malgré ses immenses potentialités, l'économie du pays est au point mort et la population vit dans la pauvreté. Les élections présidentielles et législatives de novembre 2011 se sont déroulées dans un climat particulièrement délétère et corrompu, comme l'illustre le reportage ci-dessous. Joseph Kabila est officiellement sorti vainqueur d'une élection dont tout le monde s'accorde à pointer les irrégularités. Le principal challenger, Etienne Tshisekedi, s'est également déclaré vainqueur de l'élection et proclamé président de la République Démocratique du Congo.

Conference sur le FCFA et la souveraineté monétaire des Etats africains de la zone Franc

dv631038Terangaweb – L'Afrique des Idées a organisé le 8 novembre 2011 sa première conférence. Cette table tonde qui a eu lieu à Sciences Po Paris a réuni quatre experts sur la question du franc CFA. Instauré en 1945, cette monnaie aujourd'hui commune à 15 pays d'Afrique est régie depuis par quatre grands principes : la libre convertibilité des francs CFA garantie par le Trésor Français, la fixité des parités entre franc CFA et franc français puis euro, la centralisation des réserves de change, la liberté des transferts de capitaux. Ces principes constituent-ils une entrave à la souveraineté monétaire des pays membres de la zone CFA ?

Au cours de cette conférence, nos intervenants ont été amenés à réinterroger les fondements constitutifs du franc CFA au regard des besoins économiques actuels et futurs des pays membres. Ils ont notamment répondu aux questions suivantes  : quel est l'intérêt aujourd'hui de la zone franc CFA ? En quoi les pays membres peuvent théoriquement en tirer bénéfice ? Le franc CFA est-il un levier ou un frein à la croissance et au développement des pays membres ? Quelles seraient les réformes prioritaires à mettre en œuvre ? Quel serait l'avenir souhaitable de cette zone ?

Pour cette première conférence, Terangaweb – L'Afrique des Idées a eu l'honneur de recevoir quatre éminents experts :

Lionel Zinsou PDG du fonds d'investissement PAI Partners et conseiller au cabinet du Président de la République du Bénin.

Nicolas Agbohou Economiste et Docteur en Sciences Politiques, professeur associé à l'Université du Gabon, il enseigne les sciences économiques en France.

Demba Moussa Dembélé Economiste basé à Dakar, spécialiste du franc CFA, co-organisateur du Forum Social Mondial de Dakar en 2011, co-auteur de L’Afrique Répond à Sarkozy.

Jacques Nikonoff Administrateur à la Caisse des Dépôts, Professeur associé à l’Institut d’études européennes de l'Université Paris 8, ex-président de l'association ATTAC, porte-parole du M’PEP, dernier ouvrage publié : Sortons de l’euro !

Ces experts apportent un éclairage d'autant plus important aujourd'hui que les rumeurs sur une éventuelle dévaluation du FCFA se font de plus en plus insistantes.

 

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Cette conférence a été organisée en partenariat avec :

• l'Alliance pour le Développement et l’Education en Afrique (ADEA), association africaine de Sciences Po • l'Association des Doctorants et Etudiants Panafricains (ADEP) • l'Association Survie

 

Cliquez sur les liens suivants pour télécharger :

– le compte-rendu de la table ronde sur le franc CFA

http://terangaweb.com/2011/12/02/conference-sur-le-fcfa-et-la-souverainete-monetaire-des-etats-africains-de-la-zone-franc/compte-rendu-de-la-table-ronde-sur-le-franc-cfa/

– l'analyse de Demba Moussa Dembélé sur le franc CFA et la souveraineté des pays africains de la zone franc

http://terangaweb.com/2011/12/02/conference-sur-le-fcfa-et-la-souverainete-monetaire-des-etats-africains-de-la-zone-franc/analyse-de-demba-moussa-dembele-sur-le-franc-cfa/

Aissata Tounkara ou la revalorisation des richesses culturelles africaines

Rendez-vous au cœur de Paris, Châtelet-les-Halles, au Forum des Halles plus précisément, montez au troisième étage (niveau -1). Enfin arrivé à l’espace Créateurs vous trouverez la boutique So&So – Eth(n)ik Concept Store. Ouverte en 2007 par Aïssata Tounkara, So&So propose une diversité de produits éthiques, ethniques et équitables, aussi bien des articles de prêt-à-porter, des bijoux et autres accessoires de mode, que des produits cosmétiques naturels. Ce qui fait le succès de ce concept, c’est que chaque article porte la signature d’un créateur en particulier et se vend en pièce unique ou en série très limitée.

Terangaweb : Bonjour Aïssata. Pouvez-vous nous raconter brièvement votre parcours ?

A.T. : Je suis Malienne née en France, j’ai 34 ans, et j’ai grandi à Argenteuil où je vis toujours. Je porte un intérêt pour le milieu artistique depuis l’adolescence. A cette époque, je pratiquais beaucoup la danse hip-hop. J’ai toujours eu un attrait pour ce qui était différent et je visitais différents salons et ventes privées liés à la musique et aux créations africaines. C’est de cette façon que j’ai pu rencontrer d’autres personnes qui critiquaient, tout comme moi, le vide qui existait autour de cette culture. Concernant mon parcours scolaire et professionnel, j’ai passé un Bac Comptabilité-Gestion, puis je me suis dirigée vers l’expertise comptable que j’ai abandonnée au bout de deux ans. Après deux ans de vie active, j’ai décidé de reprendre les études pour obtenir un BTS Audiovisuel Gestion de Production. De là, j’ai travaillé pour un label de musique indépendant, Africa Productions (édition de supports audio-visuels). Cette expérience m’a permis d’accompagner des groupes en tournée, d’organiser des tournages de clips vidéo et de travailler dans la distribution. Par la suite, l’industrie du disque à connu une crise, notamment due au piratage. Par conséquent, le label a du opérer des licenciements économiques. Cela a été pour moi l’occasion de travailler sur un projet personnel.

J’ai en effet voulu créer mon entreprise car, après avoir gérer les projets d’autres personnes, je souhaitais fortement proposer ma propre vision. Après plusieurs voyages en Afrique, aux Etats-Unis, etc., et après avoir remporté le prix Talents des Cités (2006), j’ai suivi quelques formations sur la création d’entreprise puis je me suis lancée dans l’ouverture de mon magasin. En 2007, j’ai saisi l’opportunité que représentaient les locaux de l’espace Créateurs du forum des Halles et l’aventure So&So a vraiment commençé. Cinq ans après, l’affaire marche toujours, ce qui m’a valu en 2011 le Prix Amakpa qui récompense les acteurs des diversités Afros en France.

Terangaweb : Pouvez-vous nous expliquer le concept de So&So, boutique Ethique, Ethnique et Equitable ?

A.T. : Il faut que mes produits répondent à au moins une des trois valeurs. « Ethique » signifie que nous privilégions les circuits courts et que nous travaillons directement avec l’artisan ou le producteur. Ainsi nous encourageons la revalorisation des savoir-faire traditionnels et des travaux qui sont peu visibles voir méconnus du grand public. Il s’agit aussi bien de travailler avec des acteurs à l’étranger que des créateurs de proximité. Nous participons également ici en France à l’insertion professionnelle via nos partenariats avec des associations telles que Femmes Actives. Aussi, nous proposons un certain nombre de produits made in France.« Ethnique » veut dire que nous mettons l’accent sur des produits avec une culture et des origines diverses (Afrique, Asie, Amériques), bien que l’Afrique, et plus précisément l’Afrique de l’Ouest occupe une place très importante du fait de mes origines personnelles qui facilitent mes échanges avec cette région. Enfin, « Equitable » fait davantage référence aux produits « bien-être » que nous vendons. Ils sont souvent labellisés Commerce Equitable, Max Havelaar, et/ou Bio ; l’objectif étant de développer des filières dans les pays du Sud en encourageant la transformation sur place et permettre aux paysans d’être acteurs de leur propre développement.

Terangaweb : So&So offre une visibilité aux créateurs et à la mode Africaine. Cette visibilité traduit-elle l’émergence voire l’explosion de ce secteur en Afrique ?

A.T. : Il y a toujours eu des créateurs Africains mais ils sont peu reconnus à l’international. En Afrique, le secteur de la mode est délicat à aborder car le prêt-à-porter existe différemment. Tout le monde a un tailleur au coin de la rue et tout le monde commande des vêtements sur-mesure. Ainsi chaque couturier est en quelque sorte un créateur de prêt-à-porter. Aujourd’hui, les créateurs y sont beaucoup plus nombreux cependant, et les choses changent. D’ailleurs, en Europe, de plus en plus de créateurs utilisent des tissus à motifs africains dans leurs créations, ou s’en inspirent fortement. En ce qui me concerne, je ne suis pas intéressée par le luxe ni par la haute couture, car cela impliquerait de vendre une autre vision du monde qui n’est pas la mienne, c’est-à-dire vendre moins de créations à des prix très élevés. Ce n’est pas cela qui fait vivre une industrie et qui favorise l’emploi. Pour ma part, je préfère faire plus de volume, satisfaire plus de personnes, et partant, créer plus d’emplois. De plus, ma boutique est située au centre de Paris, donc ce sont les métros et les RER qui desservent le centre commercial de Châtelet-les-Halles. Une bonne partie de ma clientèle vient de banlieue parisienne et utilise ces transports en commun pour venir. Par conséquent, je m’adapte au public, ce qui signifie que les prix chez So&So sont dans l’ensemble abordables. Avec So&So c’est au monde que je m’adresse et non pas à une groupe spécifique dit « élitiste ».

Terangaweb : Vos produits démontrent bien le fait que l’Afrique a gardé, dans un contexte de mondialisation, son identité et une culture forte, lesquelles s’expriment à travers les arts et la mode notamment. La marque « So&So by » que vous avez créé est à l’image de cette culture et on y observe diverses influences. L’objectif était-il de montrer votre métissage culturel ?

A.T. : « So&So by » est effectivement une marque que je développe et dont le but est avant tout d’impliquer un grand nombre de créateurs. Il s’agit surtout de collaborations artistiques et chaque création porte ainsi une co-signature « So&So by… ». So&So tend aussi à se développer et j’envisage d’ouvrir d’autres points de vente. Parallèlement, je développe ma propre marque, sous le nom d’InitiƐ (initié), qui est une invitation à mieux se connaitre. Ce qui m’intéresse, c’est le retour vers mes racines. Selon moi, nous devons davantage travailler sur nos cultures ancestrales, d’autant plus que nous avons cette liberté de créer. Aussi, je préfère travailler avec des tissus originaires d’Afrique, faits à la main et teintés avec de la terre (bogolan) ou des végétaux (indigo). Il faut valoriser nos matières premières qui se vendent très bien par ailleurs. Ce qu’il manque, c’est l’ouverture et les débouchés commerciaux. C’est pourquoi, ma boutique située en plein centre commercial a aussi pour vocation de distribuer ces tissus de représentation africaine (wax).

Terangaweb : En Afrique, l’industrie et surtout les réseaux sont très peu développés dans le sens où on l’entend en Occident. Comment contournez-vous cet obstacle ?

A.T. : En réalité, je travaille mon réseau directement lors de mes voyages en Afrique et très peu à distance. Lorsqu’un artisan fait quelque chose qui me plait, je lui en commande un nombre précis adapté à ma clientèle, mais je travaille surtout à nouer les relations commerciales avec l’individu ou la structure économique (coopérative par exemple) sur le long terme. J’ai d’autre part le projet de créer un atelier-boutique en Afrique avec une adaptation locale de So&So Concept Store.

Terangaweb : Vous proposez également des produits cosmétiques naturels. Serait-ce pour valoriser la beauté au naturel ?

A.T. : Oui et je dirais la beauté dans toutes sa diversité. La beauté va souvent de pair avec la femme. Concernant la beauté de la femme noire, les canons ont évolués, la femme noire a trop longtemps été dénaturée et il s’agit là d’une aliénation culturelle. Les effets de modes entrent aussi en jeu. J’ai moi-même tout vécu : tissages, défrisages, décolorations, etc. Ensuite, lorsque l’on murit, on se demande ce que l’on souhaite laisser derrière soi. Car c’est chacun de nous qui faisons l’Histoire et cela prend en compte la culture, l’aspect physique et la spiritualité. Je me penche sur cette problématique parce qu’elle fait partie de mes vibrations personnelles, ce n’est pas qu’un business. Je ne souhaite pas imposer un modèle de beauté particulier, mais je suis force de proposition. C’est pourquoi j’ai ouvert The Corner « Beauté & Bien-être au naturel » (tresses, locks, cosmétiques et ateliers), pour que les personnes puissent trouver des produits et des conseils sains, leur permettre d’être belles de façon naturelle. Pour conclure, je dirais que je m’inscris dans cet élan de revalorisation de soi car nous devons chacun prendre notre place à l’échelle planétaire.

Interview réalisée par Awa Sacko

Pour plus d’informations, rendez-vous sur :

          le site web : www.soandso-store.com

          la page Facebook: So&So / Ethik Concept Store


Interview avec Mouhamadou Lamine Yade, Professeur associé au CESAG

Ce mois ci, la rubrique Economie et Finances vous propose l’interview du Dr Mouhamadou Lamine YADE, professeur d’économie associé au CESAG. Il revient ici sur la situation économique plus ou moins confuse du Sénégal. Vous y trouverez également des explications concernant des termes que vous avez eu l’occasion d’entendre ces derniers temps, peut-être à tort qui sait…Cependant, vous serez les seuls aptes à en juger!

Terangaweb: Il y a quelques mois, avec les crises économiques et financières, les pays africains, dont le Sénégal, ont été durement touchés. Comment expliquer l’ampleur de ce phénomène dans nos pays?

M. Yade: Par rapport à la crise financière, les retombées négatives ne sont pas encore ressenties dans nos pays car ils ne réellement connectés aux places financières internationales. Ce sera probablement une bombe à retardement. La crise économique qui existe dans pays est due à notre incapacité à générer réellement de la richesse dans nos économies et une forte dépendance de l’extérieur.Objet Inconnu

Terangaweb: Durant cette même période, le taux d’inflation s’est aussi considérablement élevé…Quelles risquent d’être les conséquences sur le long terme pour le Sénégal?

M. Yade: Avec la flambée des prix du pétrole observée, amenant en quelque sorte une certaine inflation, il y aura à long terme deux conséquences majeures pour nos économies :

– Cela contribuera déjà à accentuer notre manque de compétitivité par rapport au reste du monde, car ne l’oublions pas : nous ne participons pratiquement pas au commerce mondial.

– Puis à réduire le pouvoir d’achat des ménages qui devient de plus en plus faible, et qui pourrait conduire à la baisse de la consommation : ce qui ralentirait fortement l’économie.

Terangaweb: Pouvez-vous nous décrire la relation entre inflation et récession ou d’autres crises susceptibles d’affecter l’économie d’un pays?

M. Yade: Il n’y a pas de relation entre inflation et récession mais la récession peut être issue d’une inflation soutenue et persistante dans une économie. Cependant, il faudrait regarder les autres grandeurs macroéconomiques telles que l’investissement, le chômage, etc.

Terangaweb: Depuis quelques temps, on entend parler de “dépassement budgétaire”, que signifie exactement cette expression?

M. Yade: Cela signifie que le budget qui a voté et dégagé par l’administration publique (ministère du budget) n’a pas suffi par rapport aux dépenses de l’Etat. Ce dernier étant obligé de faire fonctionner les différents secteurs de l’économie demandent souvent des rallongements budgétaires pour accomplir sa tâche au cours de l’année. Par contre de « déficit budgétaire » est calculé à la fin de l’année après avoir eu réellement connaissances des recettes obtenues par les administrations centrales de l’Etat.

Terangaweb: Pensez-vous qu’à ce stade et compte tenu des nombreux problèmes que traverse le pays, une dévaluation de la monnaie soit envisageable ? Ou au cas contraire, quelle situation pourrait conduire à une dévaluation ?

M. Yade: C’est une chose qui est envisageable car nous ne sommes pas compétitif et que l’un des buts de la dévaluation est d’améliorer cette compétitivité par les exportations. Mais, il faudrait que la consommation des produits locaux soit importante.

Terangaweb: Des structures comme l’APIX ont été crées pour “booster” l’activité économique. Quelles observations pouvez-vous faire concernant l’investissement au Sénégal ? Les chiffres avancés traduisent-ils la réalité ?

M. Yade: Elle n’a pas remplie totalement sa mission car en matière d’investissement, il faudrait qu’elle soit utile rentable dans le moyen et long terme. Cet investissement doit être dans les secteurs d’activité pouvant doper la productivité des entreprises, surtout des PME-PMI, réduire le chômage, améliorer le cadre de vie des agents économiques.

Par contre, les chiffres annoncés peuvent traduire la réalité mais compte tenu de la situation économique et des préoccupations des ménages, il est difficile de les faire avaler la nécessité de ces investissements qui sont très importants surtout en matière d’infrastructures, moteur d’un bon développement économique.

Terangaweb: L’Etat a retiré sa subvention sur le riz et le sac qui coutait environ 13 000 F Cfa vaut actuellement 25 000 F Cfa, soit une augmentation de près de 100%. Voilà déjà une conséquence sur le court terme, à quoi faudrait-il s’attendre sur le moyen voire long terme ? Que pourrait-il en être du gaz ?

M. Yade: Si dans le moyen terme le prix du riz sr le marché mondial ne baisse pas, il faudrait s’attendre à une hausse continue de ce produit car les importateurs ne vont jamais vendre à perte. Pour le gaz, tout dépendra de l’évolution du baril de pétrole mais ces jours ci avec la crise financière qui plombe les économies occidentales le baril du pétrole baisse. Peut être que les autorités vont le faire répercuter sur le prix au détail mais, à mon avis, c’est quelque chose qui n’est pas probable car l’Etat est à la quête de recettes et c’est un canal pour lui.

Terangaweb: On assiste également à l’émergence de structures de micro finance (ou Système de Financement Décentralisé). Quel peut être l’apport de ce genre de structure pour l’économie sénégalaise ?

M. Yade: C’est un outil très important et indispensable pour nos économies. C’est eux qui peuvent canaliser le maximum possible le secteur informel qui est d’un côté nuisible à l’économie, surtout en matière monétaire, financière et donc d’investissement. C’est un secteur où il ya énormément de capitaux thésaurisés ou qui sont investis dans des domaines non rentables.

Terangaweb: Et enfin, comment voyez-vous l’avenir de l’économie du Sénégal et quelles perspectives seraient, selon vous, à envisager pour sortir d’une situation que l’on pourrait qualifier de fragile ?

M. Yade: C’est un avenir assez sombre. Il faut une bonne gouvernance de nos économies, faire des politiques de jeunesse amenant à la création d’emploi, assainir les secteurs clé de l’économie (la santé, l’éducation, la recherche, l’agriculture, l’énergie et l’industrie), alléger considérablement les dépenses administratives, adopter une politique de rigueur en matière de justice (justice équitable), etc.

Propos recueillis par Mame Diarra Sourang

David DIOP, poète trop tôt disparu

David Mandessi DIOP est né le 9 Juillet 1927 à Bordeaux. De mère camerounaise et de père sénégalais, il vit entre la France, le Sénégal et le Cameroun. Il est très tôt (à 8ans) orphelin de père et est élevé ainsi que ses cinq frères et sœurs par sa mère Maria DIOP.

D’une santé fragile, il passe une partie de son enfance dans les hôpitaux en France où il vit pendant la période d’occupation et de guerre. Pendant ses périodes de convalescence, il se passionne très tôt pour la littérature, et ne tarde pas à écrire pour exprimer ce qu’il ressent.

Au cours de ses études, il a pour professeur Léopold Sédar SENGHOR. Sa licence obtenue, David DIOP repart pour le Sénégal où il enseigne (Lycée Maurice DELAFOSSE).

Ses premiers poèmes sont publiés aux éditions « Présence africaine » en 1956 dans un recueil intitulé « Coups de pilon ». Militant anticolonialiste radical, il répond comme beaucoup d’autres intellectuels africains de l’époque à l’appel lancé par Sékou TOURE suite à la rupture avec DE GAULLE et se rend en Guinée pour enseigner au collège de Kindia.Objet Inconnu

Malheureusement, alors qu’il revient de Guinée, l’avion dans lequel il se trouve en compagnie de sa femme se crashe au large de Dakar. C’est ainsi que disparait celui qui est considéré à l’époque comme le plus prometteur des poètes africains. Dans l’accident disparaissent aussi des manuscrits qu’il avait emportés avec lui. David DIOP ne laisse donc à la postérité qu’un recueil de 17 poèmes publiés dans « Coups de pilon », auxquels seront ajoutés huit autres poèmes retrouvés après sa mort.

Quelques extraits de poèmes de David DIOP

« Défi à la force »

« Toi qui plies, toi qui pleures

Toi qui meurs un jour sans savoir pourquoi

Toi qui luttes, qui veilles sur le repos de l’autre

Toi qui ne regardes plus avec le rire dans les yeux

Toi mon frère au visage de peur et d’angoisse

Relève toi et crie : Non »

« Afrique mon Afrique »

Afrique

Afrique mon Afrique

Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales

Afrique que chante ma grand-mère

Au bord de son fleuve lointain

Je ne t’ai jamais connue

Mais mon regard est plein de ton sang

Ton beau sang noir à travers les champs répandu

Le sang de ta sueur

La sueur de ton travail

Le travail de l’esclavage

L’esclavage de tes enfants

Afrique dis moi Afrique

Est-ce donc toi ce dos qui se courbe

Et se couche sous le poids de l’humilité

Ce dos tremblant à zébrures rouges

Qui dit oui au fouet sur les routes de midi

Alors gravement une voix me répondit

Fils impétueux cet arbre robuste et jeune

Cet arbre là-bas

Splendidement seul au milieu des fleurs

Blanches et fanées

C’est l’Afrique ton Afrique qui repousse

Qui repousse patiemment obstinément

Et dont les fruits ont peu à peu

L’amère saveur de la liberté.

 

David DIOP était donc un poète engagé, qui mettait son talent pour la poésie au service de la lutte anticolonialiste et de la libération des peuples africains. Sa poésie met en scène ses convictions politiques et intellectuelles.

En citant l’américaine Ruth SIMONS, « qu’il s’agisse d’un poème qui exprime son amour respectueux pour la femme africaine, ou d’une attaque cinglante contre l’impérialisme et l’inhumanité yankee, qu’il s’agisse d’une attaque mordante contre le Noir assimilationniste ou d’un appel émouvant à l’action, la voix de David DIOP est infailliblement celle d’un poète africain qui plaide pour la cause de son peuple. »

A ces grands hommes comme Senghor, Damas ou Césaire, nous pouvons dès lors associer David DIOP, qui, comme eux, a su se révolter contre le colonialisme et contre ses méfaits multiples.

 

Fatou Faye

Conference sur le FCFA et la souveraineté monétaire des Etats africains de la zone Franc

 Terangaweb – L'Afrique des Idées a organisé le 8 novembre 2011 sa première conférence. Cette table tonde qui a eu lieu à Sciences Po Paris a réuni quatre experts sur la question du franc CFA. Instauré en 1945, cette monnaie aujourd'hui commune à 15 pays d'Afrique est régie depuis par quatre grands principes : la libre convertibilité des francs CFA garantie par le Trésor Français, la fixité des parités entre franc CFA et franc français puis euro, la centralisation des réserves de change, la liberté des transferts de capitaux. Ces principes constituent-ils une entrave à la souveraineté monétaire des pays membres de la zone CFA ?

Au cours de cette conférence, nos intervenants ont été amenés à réinterroger les fondements constitutifs du franc CFA au regard des besoins économiques actuels et futurs des pays membres. Ils ont notamment répondu aux questions suivantes  : quel est l'intérêt aujourd'hui de la zone franc CFA ? En quoi les pays membres peuvent théoriquement en tirer bénéfice ? Le franc CFA est-il un levier ou un frein à la croissance et au développement des pays membres ? Quelles seraient les réformes prioritaires à mettre en œuvre ? Quel serait l'avenir souhaitable de cette zone ?

Pour cette première conférence, Terangaweb – L'Afrique des Idées a eu l'honneur de recevoir quatre éminents experts :

Lionel Zinsou
PDG du fonds d'investissement PAI Partners et conseiller au cabinet du Président de la République du Bénin.

Nicolas Agbohou
Economiste et Docteur en Sciences Politiques, professeur associé à l'Université du Gabon, il enseigne les sciences économiques en France.

Demba Moussa Dembélé
Economiste basé à Dakar, spécialiste du franc CFA, co-organisateur du Forum Social Mondial de Dakar en 2011, co-auteur de L’Afrique Répond à Sarkozy.

Jacques Nikonoff
Administrateur à la Caisse des Dépôts, Professeur associé à l’Institut d’études européennes de l'Université Paris 8, ex-président de l'association ATTAC, porte-parole du M’PEP, dernier ouvrage publié : Sortons de l’euro !

Ces experts apportent un éclairage d'autant plus important aujourd'hui que les rumeurs sur une éventuelle dévaluation du FCFA se font de plus en plus insistantes.
 

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Cette conférence a été organisée en partenariat avec :

• l'Alliance pour le Développement et l’Education en Afrique (ADEA), association africaine de Sciences Po
• l'Association des Doctorants et Etudiants Panafricains (ADEP)
• l'Association Survie

 

Cliquez sur les liens suivants pour télécharger :

– le compte-rendu de la table ronde sur le franc CFA

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– l'analyse de Demba Moussa Dembélé sur le franc CFA et la souveraineté des pays africains de la zone franc

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L’absence de réseaux de transport Intra-africains est un frein à l’intégration régionale et au développement.

 
Le Dr Gary K. Busch, de nationalité américaine, est un spécialiste de la politique en Afrique et dispose d’une vaste expérience des affaires sur le continent africain. En plus d’avoir été Professeur et Responsable de département à l’Université d’Hawaii, il est PDG de plusieurs compagnies de transport et logistique opérant à l’échelle mondiale. Il a également été Directeur de Recherche pour un important syndicat américain et Assistant Secrétaire Général d’une organisation syndicale internationale. Terangaweb l’a interrogé afin de bénéficier de son analyse basée sur une expérience terrain.
 
 
Terangaweb : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre expérience en Afrique ?
 
Dr G. K. Busch : J’ai commencé à découvrir l’Afrique en 1968. J’y ai voyagé plusieurs fois, notamment dans le cadre de missions qui m’étaient confiées. J’ai également travaillé pour des gouvernements africains. J’ai débuté dans le mouvement des travailleurs Africains au sein de l’Unité internationale pour le développement des syndicats africains. Je leur fournissais par ailleurs des médicaments, des vaccins, etc. Par exemple, lorsque les membres du Mouvement de Libération de Guinea-Bissau sont arrivés aux Etats-Unis, je les ai accueillis. Pour résumer, je travaille avec l’Afrique depuis des années
 
 
Terangaweb : Vous êtes PDG de plusieurs entreprises de transport et logistique opérant en Afrique. Dans quelle mesure pensez-vous que les infrastructures de transport ainsi que tous les services qui y sont liés jouent un rôle dans l’amélioration de la situation économique ?
 
Dr G. K. Busch : L’Afrique est un vaste continent qui regorge de richesses mais qui souffre d’un réseau de transport très pauvre qui ne relie pas les différents centres de commerce entre eux. Ce manque d’intégration dans le commerce international est un lourd fardeau pour les exportateurs Africains et génère une situation dans laquelle un énorme pourcentage du prix de vente des produits africains sur le marché mondial est destiné à couvrir les coûts de transport. Dans les pays développés, les coûts de transport et d’assurance représentent environ entre 5,5% à 5,8% du prix de la marchandise à la livraison. Dans certains pays africains, les mêmes coûts de transport et assurance atteignent presque 80% du cout des produits livrés sur les marchés mondiaux. Et étant donné l’absence d’infrastructure développée de transport intra-africain, ces 80% du prix de la marchandise sur les marchés mondiaux sont versés à des compagnies étrangères et en dollars. Cette contrainte de paiement externe a aussi un impact sur le marché des devises.
 
Ainsi, si le prix du marché d’un bien est déterminé par le prix à l’arrivée et que ce prix est le prix CIF (coût-assurance-fret), alors, puisque le coût du transport et de l’assurance atteint un pourcentage aussi élevé du prix, l’exportateur Africain doit réduire son prix FOB (prix au niveau du chargement sur le bateau) afin de compenser la différence. Par exemple, si la tonne de minerai de manganèse se vend à 250$ CIF Europe de l’Ouest et que les coûts de transport s’élèvent à 60$ par tonne, alors le prix FOB maximum d’une tonne de minerai de manganèse ne peut être supérieur à 190$. Le prix du transport et de l’assurance échappent au contrôle de l’exportateur Africain. Ce dernier est à la merci du chargeur dont les taux sont en augmentation.
 
L’autre aspect important à souligner est le fait que la forme des réseaux de transport, qui résulte de l’externalisation de la construction d’infrastructures de transport international, s’inscrit dans la continuation des liens entre les pays africains et les anciennes puissances coloniales ; c’est-à-dire entre l’Afrique anglophone et la Grande Bretagne, l’Afrique francophone et la France, l’Afrique lusophone et le Portugal, etc. Le trafic Nord-Sud est la voie de transport la plus utilisée en Afrique ; la route Afrique de l’Ouest – Afrique de l’Est est quasiment inconnue. L’Europe de l’Ouest représente toujours environ 50% des exportations africaines. Cependant, la dégradation des termes de l’échange a entrainé des anomalies ; des produits frais d’origine sud-africaine sont expédiés en Europe avant d’être réexpédiés de nouveau vers l’Afrique de l’Ouest.
 
Le tabac suit également ce type de route. Lorsque le Malawi veut vendre du tabac au Sénégal, la marchandise est d’abord expédiée vers la Grande Bretagne ou la France puis repart pour le Sénégal. Cela représente un coût très important mais moindre que si l’on expédiait la marchandise directement au Sénégal.
 
 
Terangaweb : Les compagnies de transport et logistique agissent-elles pour participer au développement des infrastructures de transport ?
 
Dr G. K. Busch : Non car elles sont contrôlées par les gouvernements, et donc dans certains cas par la France ; aussi bien le transport aérien (Air Afrique, Air Gabon, etc.) que le transport maritime.
 
 
Terangaweb : Quels reproches faites-vous à la politique étrangère de la France en Afrique ?
 
Dr G. K. Busch : Il s’agit du plus grand problème des pays africains. Alors qu’ils devaient apprendre à s’organiser en toute indépendance, la France les en a empêchés. Ils ont un drapeau, un hymne national, un siege aux Nations Unies… et c’est tout.
 
Avant, tous les fonctionnaires étaient Français, ils ont tout organisé, possèdent tous les marchés, y écoulent toutes leurs marchandises. Aujourd’hui encore, même s’ils ne sont pas les fonctionnaires officiels, ils dirigent toujours les choses car ils sont aux commandes des postes clés. La seule personne qui a changé cela était Sékou Touré, le premier président de la Guinée Conakry, après avoir organisé un référendum. La France en retour a tout repris, toutes ses infrastructures, elle a même démonté toutes ses portes et à tout renvoyé en France. A cette époque, au début des années 1960, les autres présidents issus des anciennes colonies françaises tels qu’Houphouët-Boigny ont signé le Pacte Colonial. Ceux-là ont leur drapeau mais aucune indépendance jusqu’à aujourd’hui.
 
Aussi, lorsque nous exportions du cacao au Libéria, et que nous souhaitions en acheter en Côte d’Ivoire, nous ne pouvions pas entrer les bateaux dans les ports car les Français nous bloquaient. Il faut traiter avec les agents Français, les transporteurs Français, les entreprises françaises. Ces problèmes n’apparaissent que dans les zones où l’on parle français. Si vous souhaitez faire du business en Afrique francophone, vous devez obtenir la permission des entreprises françaises.
 
En Côte d’Ivoire, les Français se sont vu reprendre leur travail et ils se sentent menacés. Le patronat français qui a dominé en 2006 est aujourd’hui remboursé par le gouvernement Ouattara pour les pertes subies au cours de la guerre civile. Par ailleurs, la plupart des gens qui viennent faire du business dans le pays ne peuvent pas faire grand chose car la France supporte les nordistes qui s’approprient le monde des affaires.
 
 
Terangaweb : Autrement, pensez-vous que l’intégration régionale est possible en Afrique ?
 
Dr G. K. Busch : Absolument. L’UEMOA, l’Union Africaine, l’Union douanière d’Afrique Australe…. Ces institutions jouent toutes un rôle important. Le problème essentiel c’est que rien de ce que l’on achète en Afrique n’est produit en Afrique. L’Afrique du Sud produit une quantité importante de biens de consommations mais ceux-ci ne sont pas exportés en Afrique. Pour créer une dynamique régionale, il faut multiplier les échanges internes.
 
D’autre part, la question énergétique est primordiale. Sans électricité à temps plein, il n’est pas possible d’avoir des usines et de produire. Le déficit énergétique bloque le développement. La classe moyenne est à la base du développement et le manque d’énergie empêche la classe moyenne de se développer et de jouer son rôle. On trouve une quantité massive de pétrole sur le continent africain mais tout le pétrole est exporté. Pendant des années, le Nigéria a reçu des aides pour les combustibles. Le pétrole sort également massivement de l’Algérie pour être traité dans des raffineries à l’étranger. L’Algérie rachète ensuite ce même pétrole traité par les raffineries étrangères.
 
 
Interview realisée par Awa Sacko
 
 
Les articles de Dr Gary K. Busch sont disponibles sur les sites www.ocnus.net et www.nigerianvillagesquare.com.

À qui profite réellement le franc CFA ?

Rappelons tout d’abord que la France et les pays africains de la zone franc (PAZF) ont signé le 4 décembre 1973, une convention visant à « mettre en commun leurs avoirs extérieurs dans un fonds de réserves de change. Ces réserves feront l’objet d’un dépôt auprès du Trésor Français, dans un compte courant dénommé comptes d’opérations ». La création de ces comptes d’opération fait suite au Pacte Colonial négocié par le conseiller du Général de Gaulle, Jacques Foccart, au lendemain des indépendances, et qui obligeait les PAZF à déposer la totalité de leurs avoirs extérieurs au Trésor Français. La convention de 1973 a assoupli ce « pacte » en ramenant le taux du dépôt à 65% des avoirs extérieurs, l’objectif officiel étant de répondre aux besoins de trésorerie des PAZF, et d’honorer leurs engagements auprès de leurs créanciers. En contrepartie, la France garantie une convertibilité illimitée du franc CFA en euros.

Cette convertibilité illimitée du franc CFA signifie qu’à chaque fois que de la richesse est créée dans un PAZF, de la monnaie est créée (du franc CFA en l’occurrence). Il en résulte une création potentielle de franc français, jusqu’en 2002, puis d’euro, ce dernier étant automatiquement convertible. Comme nombre d’économistes, nous pouvons voir dans ce mécanisme une source illimitée de devises pour la France. En effet, étant donné que la France est historiquement le principal partenaire et investisseur des pays de la zone franc CFA, la création de richesses en franc CFA lui a permis d’accumuler massivement des devises, notamment grâce à une liberté de rapatriement des capitaux sans restriction que légalisent les principes régissant le franc CFA. Ces comptes d’opérations seraient d’autant plus rentables qu’ils sont excédentaires jusqu’en 1980, puis de nouveau après la dévaluation de 1994, décidée par la France, qui a réduit la valeur du franc CFA de moitié. La garantie totale du franc CFA accordée par la France n’est donc aujourd’hui que fiction puisqu’il est peu probable que les Etats africains de la zone franc fassent faillite.

Cependant, force est de constater que l’environnement a changé, la France a perdu son quasi-monopole sur les marchés africains et la pluralité des acteurs présents aujourd’hui sur ces marchés ne permet plus à la France de s’enrichir (autant) sur le dos des Etats africains. En réalité, la plus grande faille de ce système repose sur le fait que les comptes d’opérations du Trésor français considèrent comme une seule et même entité l’ensemble des PAZF. Par conséquent, des pays ayant une balance commerciale excédentaire (tels que la Côte d’Ivoire ou le Gabon) payent pour des Etats déficitaires (telles que le Mali ou le Togo) qui ont ainsi la possibilité de s’endetter puis de faire porter la charge de cette dette à l’ensemble des pays de leur zone monétaire.

Ainsi, un pays comme le Sénégal est-il « douillettement » installé dans un profond déficit de sa balance commerciale avec des importations valant en moyenne le double de ses exportations, sans que cela ne se traduise par une quelconque sanction sur le plan monétaire. En d’autres termes, les mécanismes de la zone franc encouragent une forme de paresse économique en entretenant une propension à importer sans aucune relation avec les exportations. De nombreux pays africains sont, de ce fait, devenus des importateurs nets de biens de consommation et vivent au-dessus de leurs moyens, sans que cela ne transparaisse au niveau des statistiques de la zone monétaire.

On pourrait penser que finalement ce sont ces Etats qui bénéficient le plus de la zone franc CFA, mais ce sont ces même pays qui, aujourd’hui, ne parviennent pas à développer leur secteur industriel, voient le secteur tertiaire se développer mais principalement dans le commerce d’importation, abandonnent leur PME locales qui font face à des coûts dans un franc CFA trop fort (car arrimé à l’euro) et ne parviennent à rivaliser avec les importations bon marchés produites dans des monnaies plus faibles (yuan par exemple) ou dans des pays à monnaie forte qui subventionnent leurs exportations. Quand l’Afrique connait un taux de croissance de 6% en moyenne, les pays de la zone franc CFA atteignent une moyenne de 4%.

Nous pouvons en conclure que le franc CFA profite avant tout aux entreprises étrangères, aussi bien à celles déjà implantées en Afrique, qui peuvent rapatrier leurs capitaux en Europe ou en Amérique et bénéficient de l’absence de risque de change, qu’à celles qui exportent en Afrique où elles ont accès à un réservoir de consommateurs sans restriction aucune. On pourrait croire, à priori, que le franc CFA bénéficie également aux pays africains déficitaires, mais en réalité il représente un frein au développement de la compétitivité et de la concurrence des entreprises locales ainsi qu’à l’industrialisation.  Le rapport 2011 de la Cnuced (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) et de l’Onudi (Organisation des Nations Unies pour le développement industriel) n’a-t-il pas indiqué que l’Afrique ne représentait que 1% de la production manufacturière mondiale ?

 

Awa Sacko

Cheikh Modibo Diarra : scientifique, mécène et maintenant homme politique

Né en 1952, Cheikh Modibo Diarra, Bambara originaire d’un village de la région de Ségou au Mali, est un vrai motif de fierté pour l’Afrique. Cet astrophysicien et navigateur interplanétaire fut le premier noir francophone à avoir intégré la NASA. Il a largement contribué au succès de l’opération Mars Pathfinder en 1996, que le président Bill Clinton a qualifié de mission la plus réussie de l’histoire de la Nasa.

Sa philosophie
Cheikh Modibo Diarra voit la vie comme le résultat d’un concours de circonstances et estime que son arrivée à la Nasa est due au hasard. D’autre part, il pense qu’il existe une intelligence collective universelle et que l’ensemble des êtres humains est capable de résoudre tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés (cancers, VIH, etc.). Cependant, l’individualisme et l’affiliation des individus à des groupes identitaires représentent un obstacle à l’émergence de cette intelligence collective. Or, parmi les jeunes Africains non scolarisés, il est possible qu’un seul d’entre eux, parmi les 6,5 milliards d’êtres humains que nous sommes, ait le cerveau structuré de façon tel qu’il puisse résoudre l’énigme du cancer ou du Sida. Mais cette personne va probablement rester dans la rue, finira peut-être par vendre du poisson au bord d’un fleuve et ce sera une perte pour l’humanité entière car personne n’aura pensé à l’envoyer à l’école.

Son engagement en Afrique
Malgré tous ses succès, Cheikh Modibo Diarra n’a pas oublié d’où il venait. Il se considère avant tout comme un Africain et met à profit une grande partie de son temps au développement du continent. En 1999, il décide de travailler à mi-temps afin de se consacrer à l’éducation en Afrique. C’est pourquoi il crée la fondation Pathfinder, un centre de formation professionnelle basé à Bamako. Dans le cadre de cette fondation, tous les ans pendant trois semaines, les trois meilleures étudiantes africaines en sciences et mathématiques sont entraînées dans le centre afin d’obtenir leur baccalauréat avec des résultats suffisamment excellents pour qu’elles soient acceptées dans les meilleures écoles du monde. En effet, après avoir découvert qu’en Afrique, 80% des enfants d’une famille atteignent au moins le niveau d’éducation de leur mère et qu’aucune corrélation n’a été établie avec le niveau d’éducation du père, Cheikh Modibo Diarra a compris que les femmes sont un pilier important du développement. Aussi, plus on éduquera les femmes africaines et plus l’Afrique engendrera des individus hautement diplômés.

En 2002, il prend un congé sabbatique pour créer un laboratoire de recherche sur l’énergie solaire à Bamako. Ce projet est un échec dû, selon Cheikh Modibo Diarra, à une mauvaise gouvernance de la part des dirigeants maliens. En 2003, il co-fonde l’Université numérique francophone mondiale qu’il préside jusqu’au 20 février 2006, date à laquelle il est nommé à la tête de Microsoft Afrique.

Les leçons qu’il tire de ses expérimentations
Suite à ces expériences, Cheikh Modibo Diarra estime que le problème actuel du sous-développement provient de la mauvaise affectation des moyens. Le budget du Mali est trop faible pour lui permettre d’investir dans tous les domaines. Il propose donc de concentrer les investissements sur des secteurs clés qui devraient créer un effet levier sur l’ensemble de l’économie, plutôt que de faire du « saupoudrage » comme le font actuellement les dirigeants africains, ce qui ne résout rien. Les secteurs clés dont il parle sont l’eau, puisque l’eau c’est la vie et que l’Afrique en regorge (fleuves, immenses nappes phréatiques sous le Sahara), l’agriculture pour atteindre la suffisance alimentaire, et l’énergie solaire (dont le sable du désert serait la matière première) qui coûterait beaucoup moins chère aux Africains.

De quelles forces dispose l’Afrique ?
Pour Cheikh Modibo Diarra, le plus grand problème de l’Afrique est un manque de confiance en elle-même. Or l’Afrique doit trouver des solutions endogènes au lieu de chercher des solutions extérieures, puisque le développement ne s’importe pas et qu’au final il est plus difficile d’adapter des solutions provenant de l’extérieur plutôt que créer ses propres solutions. Comment réussir ? Ce n’est pas bien compliqué. Le secret du succès c’est la discipline et la passion. Et cela est à la portée de tout le monde. En effet, la particularité de l’opération Mars Pathfinder était de réussir une opération importante avec moins de moyens (Faster, Better and Cheaper). « Quand une agence spatiale comme la NASA veut faire plus avec moins, elle ne peut trouver mieux qu’un Africain ». Car nous avons toujours su que la créativité et l’innovation peuvent se substituer aux ressources financières ! L’Afrique doit inventer son propre modèle. Un modèle qui allie bonne gouvernance, solidarité et tradition. De cette façon, selon Cheikh Modibo Diarra, nous pouvons créer un modèle plus performant que le modèle asiatique. 

Course à la Présidence de 2012
En septembre 2010, Cheikh Modibo Diarra, qui est également le gendre de l’ancien dictateur malien Moussa Traoré, fonde son propre parti, le Rassemblement pour le développement du Mali (RPDM) avec l’objectif d’être élu Président de la République du Mali en 2012. Malgré son entrée médiatique sur la scène politique malienne, il sera très difficile pour lui de s’imposer, d’autant plus que le Mali connait un nombre très élevé de partis politiques et que la grande popularité du président sortant, Amadou Toumani Touré dit ATT, « soldat de la démocratie » et lauréat du prix Kéba Mbaye de l’éthique, favorisera probablement les partenaires politiques de ce dernier.

 

Awa Sacko

 

Haro sur le franc CFA

Le professeur d'économie Nicolas Agbohou, de nationalité ivoirienne, est l'auteur d'un essai de référence qui appelle à la fin de l'alignement du franc CFA sur l'euro et de la gestion de ses réserves par le Trésor français : Le franc CFA et l'euro contre l'Afrique. Terangaweb a souhaité interroger le professeur Agbohou sur certains points évoqués dans son livre et sur les stratégies à mettre en oeuvre pour une gestion souveraine du franc CFA.

Terangaweb : Pourquoi malgré le consensus des chefs d’Etat africains sur les problèmes de l’alignement du CFA au Franc français puis à l’euro, il n’y a toujours pas eu de tentative concertée de remise en cause du lien entre l’euro et la zone FCFA ?

Pr Agbohou : J’ai travaillé avec Abdoulaye Wade lorsqu’il était encore dans l’opposition et il me disait que lorsqu’il arriverait au pouvoir, son premier travail consisterait à démanteler le FCFA. Cela fait maintenant 11 ans qu’Abdoulaye Wade est au pouvoir. Tout cela pour dire que la remise en cause du lien entre l’euro et la zone FCFA est un long combat. De plus, personne ne prend le pouvoir en Afrique francophone sans la permission de l’Elysée. Il existe bien entendu des exceptions comme Laurent Gbagbo, qui confirment la règle. La France exerce sa domination sur l’Afrique francophone à travers deux éléments : l’armée et la monnaie. Celui qui prend le pouvoir s’engage auprès de la France à respecter ces deux éléments. Sinon il devient un ennemi objectif de l’Hexagone.
Il faut souligner que les institutions et les quatre objectifs du FCFA profitent complètement à la France. Prenons par exemple le principe de la convertibilité. Lorsqu’un pays comme le Sénégal a 50 milliards de dollars sous forme de prêts ou de dons, toutes ces devises sont stockées au trésor public français au vu et au su de tous.

Rappelons aussi les deux façons dont se fait la création monétaire. La première façon c’est lorsque vous venez me voir, si je suis votre banquier, en me disant que vous avez besoin de 200 millions. Je crédite alors votre compte et désormais je me tourne vers la banque centrale qui va me prêter cet argent à un taux d’intérêt directeur, que je vais vous majorer d'une marge qui constituera mon gain. Il en résulte que la quantité de monnaie en cirulation dans l'économie est  influencée par la Banque Centrale qui augmente ou diminue son taux d'intrêt directeur pour réguler la masse monétaire injectée dans l'économie.La banque centrale est toujours un établissement public qui appartient à un Etat ou à un groupe d’Etats. D’où la possibilité pour l’Etat de donner des instructions à la Banque Centrale pour faire baisser le taux directeur. De ce fait le banquier commercial baisse aussi son taux d’intérêt qu’il facture au client. Donc la quantité de monnaie entre les mains des agents financiers s’accroît.

La deuxième méthode de création monétaire, c'est la conversion des devises en monnaie locale: la banque crée de la monnaie locale en contrepartie des devises qu'elle reçoit de ses clients. Or tous ces instruments ne sont pas aujourd’hui entre les mains des Etats d’Afrique francophone. Les trois banques centrales sont inféodées au pouvoir de la France.

Terangaweb : Mais plus précisément, si les chefs d’Etat prenaient la décision de sortir du FCFA, en seraient-ils vraiment capables ?

Pr. Agbohou : Il y a une modernisation de la colonisation et celui qui entre dans ce système ne peut pas faire grand chose. A moins que les chefs d’Etat ne se mettent d’accord pour dire ensemble « nous ne voulons plus du FCFA ». Actuellement les Présidents ne font pas cette révolution. A celui qui prendrait une telle décision arriverait ce qui est arrivé à Laurent Gbagbo. Prenons encore le cas de Modibo Keita qui en 1962 a décidé de sortir du FCFA à une époque où le contrôle de la France était encore fort. La France a alors profité des erreurs économiques de Keita. Ce dernier a en effet commis plusieurs erreurs dont le sentimentalisme économique. Dans un contexte de guerre froide, il s’est mis du côté communiste en nationalisant tout le commerce, ce qui a cassé le dynamisme de la tradition commerciale malienne. Ensuite il a fait disparaitre le secteur privé et il n’y avait plus que l’état pour embaucher, d’où un triplement du nombre de fonctionnaires. La monnaie nationale a alors été utilisée pour rémunérer les fonctionnaires qui eux mêmes ne produisaient rien. L’inflation a alors considérablement augmenté et il a passé son temps à lutter contre cette inflation de la monnaie malienne. Lorsque le 19 juillet 1967, Keita a voulu revenir au FCFA, la France a imposé deux conditions : une dévaluation de la monnaie malienne de 50% et un Président de la banque centrale inféodé à la France. C’est ainsi que le Mali a intégré la zone de 1967 à 1984 en pensant qu’en dévaluant sa monnaie, le pays pourrait vendre plus facilement son coton, ce qui est faux. Cette expérience malienne a marqué l’esprit africain et plus aucun chef d’état ne veut prendre ce risque. Rappelez vous la phrase de De Gaulle « vous voulez prendre l’indépendance, prenez en aussi tous les risques ».

Terangaweb : Concrètement si on devait recouvrer notre totale liberté de gestion du FCFA, comment devrait-on s’y prendre et quels seraient les défis à relever?

Pr Agbohou : Souvent les Africains s’imaginent des choses compliquées qui n’existent pas. Si on prend la décision de quitter la zone, il y aura deux grandes phases. D’abord il faut suivre le processus législatif avec un gouvernement qui, ayant pris cette décision, dépose son projet de loi à l’Assemblée nationale qui, à son tour, se chargera de son adoption. Une fois la loi votée, il faudra importer les machines qui produisent la monnaie et nous produirons ainsi notre propre monnaie. Cela est simplement mécanique.

Terangaweb : Oui mais au-delà des questions logistiques, quel sera l’accompagnement politique et économique pour éviter que la création de notre monnaie ne soit un échec ?

Pr Agbohou : La décision politique de battre sa propre monnaie est la conséquence logique de l’indépendance économique. Autrement on est dans un système de troc. Après, il faudra gérer la monnaie avec rationalité. Et cela se fait aussi avec l’expérience. Il ne faut pas jeter l’anathème sur tout un continent sous prétexte qu’on n’y dispose pas de compétences managériales. Ce sont les Noirs qui ont été les premiers à créer la monnaie. Au Ghana, il y a une gestion très rigoureuse du Cedi et cela est assuré par des Africains.

Terangaweb : Comment expliquez-vous que la zone CFA reste attractive pour plusieurs pays, comme la Guinée-Bissau qui l’a intégré en 1999, alors qu’on parle d’une possibilité pour la Guinée Conakry d’adopter également le FCFA ?

Pr Agbohou : La première raison est que les gens sont dans l’ignorance : les gens ne savent pas le mal que fait le FCFA aux populations africaines. Pouemi Tchundjang, l’auteur de Monnaie et servitude, a été retrouvé mort. Avant lui en janvier 1963, le président togolais Olympio a été aussi tué parce qu’il s’opposait au FCFA. On ne doit pas accepter que les jeunes Africains vivent dans cet esclavage monétaire mais il ne faut pas attendre ce changement de l’Occident. C’est à nous même de nous engager dans la lutte pour le pouvoir. Nous avons le devoir d’informer rationnellement nos jeunes générations.
De plus, tous les dirigeants qui prennent le pouvoir, y compris Alpha Condé récemment, s’accrochent à la puissance de la France. Ceux qui sont informés, à savoir les élites politiques, ont passé des pactes avec la France. L’impérialisme est encore violent. Dans mon livre, j’ai aussi demandé la décolonisation mentale des élites car les élites africaines sont toujours colonisées. Tous nos livres scolaires viennent de l’Europe ; l’élite doit être décolonisée mentalement et éclairer les décideurs.

Terangaweb : N’avez-vous pas peur qu’on vous reproche de ramener tous les problèmes de l’Afrique à la question du FCFA ?

Pr Agbohou : On ne peut pas obliger les gens à aller travailler. Tout le monde veut rentrer au pays mais à quoi ça sert ? Il suffit de payer les Africains pour qu’ils travaillent, sinon ils ne le feront pas. Aujourd’hui on demande aux chefs d’Etat de payer les gens. Ils ne peuvent pas car l’inflation n’est pas seulement d’origine monétaire ; il y a un manque d’argent en circulation. La monnaie est la base de la mise en œuvre du génie créatif d’un peuple. Pour enfermer ce génie, il suffit juste de lui confisquer sa monnaie.

Terangaweb : Et qu’est ce qui garantit qu’avec notre monnaie nous nous développerons ?

Pr Agbohou : J’ai proposé deux solutions qui peuvent s’appliquer aux pays d’Afrique francophone pris isolément. La première est la monnaie. La deuxième réside dans la transformation sur place de toutes les matières premières en produits finis qui génèrent de la valeur ajoutée. Le problème aujourd’hui est que nous vendons des matières premières à vil prix.

Prenons l’exemple de la tasse de café vendue à Paris au prix de 2 euros. On y met à peu près 10 grammes de café. Des 1000 grammes qui composent un kilo de café moulu, on peut donc préparer 100 tasses de café vendues à 2 euros l’unité, soit un prix total de 200 euros. Or le prix au kilo payé au producteur de café ivoirien par l’Etat s’élève dans le meilleur des cas à 300 FCFA. En intégrant une marge de 200 FCFA, l’Etat revend ce même kilo de café au niveau du port d’Abidjan au client européen à 500 FCFA, c’est-à-dire 0,76 euros, et donc même pas 1 euro.

Ainsi donc le Nord et le Sud échangent pour générer 200 euros dont le Sud ne tire qu’un seul euro. Pourquoi ? Parce que l’Européen qui va en Afrique prend son bateau, paie l’assurance à des compagnies européennes, puis le produit rentre dans les usines dans lesquelles travaillent les Européens, puis les sociétés d’emballage, puis les supermarchés, puis ceux qui travaillent dans les bars. Tout va à l’Europe. Les Africains souffrent de l’extraversion économique. Il faudrait un développement endogène avec des transformations locales. Il est nécessaire d’importer les outils de fabrication chez nous et de faire tout le travail à l’échelle locale pour pouvoir vendre à 100 euros le kilogramme du café par exemple. La Côte d’Ivoire pourrait vivre 3 ans sans rien si elle demandait seulement 6 euros pour le kilo de café vendu et 40 ans si elle en demandait 100 euros.

On ne peut pas revendiquer la vraie liberté si on n’a pas d’assise économique. On ne pas avoir cette dernière si on persiste dans la mendicité financière. En plus, on ne peut rien faire en étant dans la zone CFA. Si on a demandé l’indépendance, c’est pour acquérir par la suite la souveraineté économique ; or le summum de l’économie c’est la monnaie. Pour avoir 1 euro il faut 655 FCFA ; la Corée du Sud donne 1 500 Wongs pour un euro, l’Indonésie 12 000 Rupiahs, l’Iran 14 500 rials, le Vietnam 27 000 dongs. Et cela ne veut pas dire que ces pays sont moins développés que les pays africains. Leur dénominateur commun est que ce sont des pays qui gèrent leur propre monnaie. Ils sont tout simplement libres, ce qui n’est pas le cas des pays d’Afrique francophone.
En Afrique noire francophone on est convaincu que le développement s’importe, ce qui est faux. Tant que l’on n’aura pas pris conscience que nous vivons dans un monde conflictuel et que la première nécessité est de satisfaire nos besoins primaires, on ne s’en sortira pas.

 

Interview réalisée par Awa Sacko, Emmanuel Leroueil et Nicolas Simel