Black Gold, Deepwater and the Taxman: A Critical Review of Government Take in Ghanaian Oil and Gas 

image pb11The discovery of the Jubilee oil field in 2007 transformed the Ghanaian oil industry. It has been followed by a slew of other discoveries and additional projects are scheduled for production start-up in the coming years.

As the commercial oil and gas sector expands, a key objective of the state will be the optimisation of “government take” from the industry. This currently occurs through a variety of mechanisms including direct taxation, royalties and state participation in industrial projects.

Designing an optimal strategy for government take is a complex task which has even more importance for developing countries where a properly managed resource boom could drive significant economic growth. Governments have a desire to obtain maximum petroleum receipts as soon as possible but must balance this against the need to create an attractive investor environment for the growth of the sector. Getting the balance right in the early years is crucial. Greedy governments may generate some short-term returns but will stifle the necessary further investment that would permit a fuller exploration and development of the country’s hydrocarbon endowment. Conversely, unduly low taxation represents an obvious missed opportunity.

Fiscal design cannot be conducted in the absence of regional context, oil and gas capital is internationally mobile and competition between states for investment is fierce. Governments cannot design their own fiscal terms without carefully monitoring what is going on next door.

It is in this dynamic setting that Ghana is currently reviewing its petroleum legislation. The structuring of government take is an important part of the debate. This paper seeks to appraise the existing Ghanaian mechanisms of government take and makes recommendations on how the approach to the AOE could be revisited for future negotiation and the issue of revenue delay to the state for further analysis by policymakers. Read the full study 

Ghana : quel modèle de développement à moyen terme ?

Croissance-Ghana-670x446Au cours de la dernière décennie, le Ghana a enregistré des taux de croissance moyens supérieurs à 7 % par an, ce qui lui a permis d’accéder au statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Toutefois, la croissance a récemment marqué le pas pour s’établir à 4,2 % en 2014, ce qui soulève la question de la pérennité du modèle de développement du pays. Le Ghana se trouve désormais à un stade critique de son processus de développement.

Une transformation structurelle de l’économie relativement modérée

Après être restée relativement stable de 1970 à 1990, la structure de production de l’économie ghanéenne s’est progressivement modifiée, en particulier au cours de la dernière décennie. L’examen de la décomposition sectorielle du PIB ghanéen révèle deux caractéristiques majeures dans la structure et l’évolution de la répartition de la valeur ajoutée par secteur. Premièrement, le Ghana demeure un pays fortement agricole dans la mesure où la part du secteur primaire représente toujours près d’un tiers de la valeur ajoutée totale et plus de 40 % de l’emploi total. Toutefois, à l’instar de la plupart des exemples de développement, la croissance ghanéenne s’est caractérisée par un recul marqué de la part du secteur agricole dans l’économie, laquelle est passée de 56,5 % de la valeur ajoutée totale au cours des années 1970 à environ 26 % sur la période 2010-2012. Deuxièmement, la diminution progressive de la part du secteur agricole s’est essentiellement effectuée au profit du secteur des services et non du secteur secondaire. La part du secteur des services est ainsi passée d’un peu moins de 25 % dans les années 1970 à près de 50 % en 2010-2012. La part du secteur industriel est quant à elle restée stable depuis 1990, à moins de 25 % de la valeur ajoutée totale. En outre, la part du secteur manufacturier accuse un recul significatif, passant de 10 % au cours des années 1990 à 7 % sur la période 2010-2012.

Comme de nombreux pays africains, le Ghana connait un processus de transformation structurelle relativement lent et récent. 

En outre, la transformation structurelle s’opère par la voie des services et non par une hausse des activités manufacturières. Toutefois, le secteur des services demeure très concentré dans les services informels à faible valeur ajoutée comme le commerce de détail ou les services à la personne. Le secteur informel représente 80 % de l’emploi total au Ghana.

Malgré la vigueur de la croissance (taux de croissance annuel soutenu de plus de 5 % depuis 1990), pourquoi la transformation structurelle de l’économie ghanéenne en cours se fait à un rythme lent ?

Lire la suite de la tribune de Clémence Vergne sur le site de notre partenaire http://ideas4development.org/ (Le Blog animé par l'Agence Francaise de Développement).

 

 

 

L’Afrique, malade de son pétrole ?

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Le pétrole, au lieu de profiter aux pays, se transforme bien souvent en cadeau empoisonné, notamment dans les États d’Afrique centrale, minés par le clientélisme et la corruption.

« Je ferai du Congo une petite Suisse », s’enthousiasmait en 1992 le futur président congolais Pascal Lissouba, en pleine campagne électorale. Plus de vingt ans après, sa promesse, qui déjà à l’époque prêtait à sourire, laisse un goût d’amertume. Dans ce petit État pétrolier, près d’un Congolais sur deux vit toujours sous le seuil de pauvreté et le Congo figure à la 140e place dans le classement des indicateurs de développement humain (IDH), que réalise le PNUD chaque année. La Suisse paraît bien loin.

Sur le papier pourtant, le Congo ressemble bien à ce pays de cocagne dont rêvait l’ancien président Pascal Lissouba: une croissance de plus de 5%, un peu plus de 4 millions d’habitants, la grande forêt tropicale du bassin du Congo au nord, une façade maritime au sud-ouest, le majestueux fleuve Congo à l’est, un climat idéal pour l’agriculture, et surtout du pétrole. Avec une production estimée à 263 000 barils par jour, le précieux or noir est le cœur de l’économie congolaise, il représente au moins 60% de son PIB, 75% des recettes publiques et 90% des exportations. Et c’est sans doute là que le bât blesse.

Car le Congo-Brazzaville, comme ses voisins de Guinée équatoriale, du Gabon ou d’Angola semblent emblématiques de « la malédiction des ressources naturelles » qui frappe tout particulièrement l’Afrique centrale. C’est l’économiste britannique Richard Auty qui le premier a théorisé en 1993 cet apparent paradoxe: l’abondance en ressources naturelles d’un pays au lieu de lui profiter, ralentit sa croissance et son développement, quand d’autres États moins favorisés par la nature réussiront beaucoup mieux.

Les explications développées depuis par les chercheurs sont nombreuses et relèvent aussi bien de mécanismes politiques qu’économiques. Le pétrole (comme d’autres ressources naturelles ailleurs) crée une économie de rente, qui transforme le jeu politique en une lutte pour la captation des ressources. Dans un récent article,[1] Le politologue Michael Ross y associe trois conséquences directes: la rente entretient les régimes autoritaires, elle favorise la corruption et le clientélisme, elle est même facteur de conflits et de guerre civile, comme celles qui ont eu lieu en Angola ou au Congo-Brazzaville.

Sur le plan économique, si elle permet une croissance rapide et parfois élevée, la rente pétrolière rend les pays vulnérables, à la merci de la volatilité des prix. Appréciant la monnaie, elle peut aussi jouer un effet négatif sur les exportations dans d’autres secteurs, et encourager les importations aux dépens de la production intérieure et de la diversification de l’économie dans l’agriculture ou l’industrie.

 Un cadeau empoisonné

Bref, le pétrole, sans institutions et garde-fous solides peut bien se transformer en cadeau empoisonné.  « Les pays les plus dépendants au pétrole sont les moins démocratiques, les plus corrompus et ceux où les inégalités sont les plus fortes », explique ainsi sans détour Marc Guéniat, responsable enquête de la Déclaration de Berne, une ONG suisse qui analyse et dénonce le rôle des négociants suisses dans les pays pétroliers africains. « Évoquer un lien causal entre le pétrole et l’absence de démocratie est peut-être exagéré, mais on observe de toute évidence une corrélation », ajoute-t-il, « même si certains États pétroliers comme la Norvège sont des modèles de démocratie».

La rente pétrolière entretient ainsi le modèle de l’État post-colonial africain “néopatrimonial” où la classe dirigeante confond biens publics et intérêts privés et transforme le pouvoir en un exercice d’accumulation de richesses partagées par un club restreint de privilégiés. Gabon, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale et Angola, autant de pays cités dans l’affaire des biens mal acquis, dont l’instruction est en cours en ce moment même en France. Les chefs d’État, certains de leurs enfants et de leurs proches sont visés par une plainte pour recel de détournement de biens publics, soupçonnés d’enrichissement et d’accumulation de biens luxueux (hôtels particuliers, appartements, automobiles…) sans rapport avec leurs postes et leurs revenus officiels.

Dans ces pays, la gestion du secteur pétrolier et de l’économie en général est stratégiquement attribuée à des proches du pouvoir. Au Congo-Brazzaville, Denis Christel Sassou Nguesso, fils du président actuel et député dans la circonscription d’Oyo, est le directeur général adjoint de l’aval pétrolier de la SNPC, la société nationale des pétroles du Congo. En Angola, les enfants du président Eduardo dos Santos exercent eux aussi des responsabilités clés. À l’ainée Isabel, surnommée « la princesse » et considérée par le magazine Forbes comme la femme la plus riche d’Afrique, des participations dans de nombreuses entreprises angolaises et portugaises ; à son frère, José Filomeno, la gestion du fonds souverain angolais. Teodorin Obiang, régulièrement cité dans l’affaire des biens mal acquis est quant à lui ministre de la Défense et 2ème vice-président de la Guinée équatoriale.

 « Un clan a la main mise sur la banque centrale dans ces États. C’est leur porte-monnaie. Ils considèrent leurs pays comme leurs jardins. Les conflits d'intérêts sont patents, comme au Congo Brazzaville. La SNPC, la compagnie publique qui attribue et gère les contrats pétroliers, est présidée par Denis Gokana. Cette même personne est simultanément le fondateur de la principale entreprise privée pétrolière du pays, African Oil and Gas Corporation, qui signe des contrats avec l’Etat », dénonce encore Marc Guéniat.

Soigner la maladie

Alors quels remèdes pour faire face à cette redoutable maladie ?

Pour le chercheur suisse, la première et indispensable étape c’est la transparence : « des appels d’offres publics avec des critères clairs et précis, la publication de l’intégralité des comptes des sociétés pétrolières étatiques dont l’action est aujourd’hui complètement opaque. Pour l’instant, ce sont de véritables boites noires. Les comptes ne sont pas publiés et introuvables. Que penserait-on en France si des entités publiques comme la SNCF ne rendaient pas compte de leurs activités ?… ».

Pour progresser dans cette voie, la communauté internationale a lancé en 2003 l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), qui rassemble entreprises, ONG et États producteurs volontaires qui s’engagent à respecter des normes sur l’amélioration de la gouvernance des ressources naturelles. Mais les pays cités ici sont loin d’être exemplaires. Le Gabon a ainsi été radié de l’ITIE, parce qu’« aucun progrès significatif » n’y a été constaté. La Guinée équatoriale a posé sa candidature en 2007 mais n’a jamais pu devenir membre faute d’avoir rempli les critères d’admission. L’Angola n’a visiblement pas souhaité y prendre part. Seul le Congo-Brazzaville participe à l’ITIE, et des progrès notables y ont été relevés par la société civile, avec la publication in extremis par l’État du rapport 2013, le 31 décembre 2014, qui décrit les recettes tirées de la production pétrolière et leur place dans l’économie du pays. Une société civile qui ne manque pas toutefois de dénoncer l’opacité de certains contrats avec les nouveaux partenaires chinois notamment.  

À plus long terme, la solution passe aussi par une consolidation des contrepouvoirs et des institutions. Ainsi le pétrole récemment trouvé au Ghana pourrait bien profiter au pays selon les chercheurs Dominik Kopinski, Andrzej Polus et Wojciech Tycholiz[2], parce qu’après plusieurs alternances et une succession pacifique au pouvoir, la tradition démocratique y est solidement ancrée. L’économie ghanéenne diversifiée et une société civile vigilante, qui réclame un cadre juridique précis pour l’exploitation du pétrole, tendent aussi à préserver le pays de la maladie du pétrole.

Autre exemple régulièrement cité, le Botswana et sa gestion du diamant couronnée de succès. Le pays a bénéficié d’une stabilité institutionnelle, antérieure à l’exploitation du diamant, avec des responsables politiques bien décidés à privilégier l’intérêt national sur les intérêts tribaux. Puis les autorités ont fixé des règles claires comme le transfert à la puissance publique des droits des tribus à exploiter les concessions minières. Mais aussi l’adoption d’une gestion budgétaire prudente, qui interdit de financer les dépenses courantes de l’Etat avec la rente diamantaire.

La maladie des ressources naturelles n’est donc ni automatique ni incurable, assurent ainsi les experts de la Banque mondiale Alan Gelb et Sina Grasmann parce qu’on “on ne peut tenir les graine de pavot responsables de l’addiction à l’héroïne”[3]. « L’essentiel est de compléter les ressources naturelles par un capital humain est institutionnel suffisant », expliquent-ils un brin laconiques.

Utiliser la richesse pétrolière comme un levier de redistribution et d’investissement pour diversifier l’économie, et développer l’éducation et la santé : le défi apparaît aussi immense qu’indispensable pour des pays à la jeunesse nombreuse, avide de formations, d’emplois et d'opportunités, que le secteur pétrolier seul sera bien en peine de lui fournir.


[1] Ross, Michael L., What Have We Learned about the Resource Curse? (June 20, 2014). Disponible en ligne sur SSRN: http://ssrn.com/abstract=2342668

 

[2] Kopinski Dominik, Polus Andrzej et Tycholiz Wojciech, “Resource curse or resource disease? Oil in Ghana”, African Affairs, 112/449, 583–601

 

[3] Gelb Alan, Grasmann Sina, « Déjouer la malédiction pétrolière », Afrique contemporaine 1/ 2009 (n° 229), p. 87-135

URL: www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2009-1-page-87.htm.

 

Le Festival Chale Wote : l’art “different” dans le plus vieux quartier d’Accra

Le Ghana est un pays ouest Africain mieux connu pour son équipe nationale des Blacks Stars, son cacao et surtout son emblématique premier président Kwame Nkrumah. Il connaît moins de succès que son gigantesque frère Nigérian quant il s’agit des arts mais le Ghana n’est pourtant pas dépourvu de ses pépites noires et regorge de talents de tous bords.

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Jamestown est le tout premier quartier d’Accra et constitue un des quartiers les plus peuplés et défavorisés de la capitale. Quelques immeubles défraichis témoignent des vestiges de la colonisation et l’on observe l’abondance d’enfants, semblant tous avoir entre 2-8 ans, vivre tels des adultes et vagabonder dans les ruelles de Jamestown. Le quartier regorge de vie malgré la précarité de ses populations et constitue le fief de l’ethnie Ga qui chaque année célèbre leurs chefs à travers la cérémonie d’Homowo.

Stimuler le quartier, contribuer au bien-être de ses habitants à travers les arts et révéler, fédérer des artistes ghanéens en inspirant, montrant au monde que l’art est un droit, mettre le Ghana sur la carte mondiale des pays touristiques, telles sont les pistes qui me semblent motiver l’existence du Festival Chale Wote.

Plus de 150 artistes ghanéens vont contribuer au festival ; des cascadeurs, des performances théâtrales, happenings indéfinissables, fresques murales, live shows, body painting, artisanat mais aussi conférences sont au programme.

L’imaginaire et la créativité africaine et la Création avec un grand « C » sont à l’honneur et à leur apogée lors de ces festivités. Le thème de cette année est plus particulièrement la vie et la mort unis dans la renaissance intitulé « An Eternal Dream into Limitless Rebirth ». Message clair invitant à voir le milieu artistique ghanéen comme un phoénix renaissant constamment. Thème lourd de sens dans le contexte économique exceptionnellement moribond du pays.

Ce festival mérite d’exister car il montre les frontières franchissables entre les « beaux » arts et les arts exercés hors des écoles. Chalewote  veut aussi militer pour plus d’art dans le quotidien des ghanéens toutes classes sociales confondues. L’art n’est plus pour les élites, il est  aussi un droit pour les plus démunis. Les fresques murales sur des habitations abandonnées illustrent cette volonté de réapproprier des espaces, des âmes laissées pour compte pour leur redonner force et vie.

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Crédit photo : Accradotalt

Des artistes tels que Mohamed Ibrahim ont pu être révélés par les éditions passées et sont désormais exposés dans des galeries aussi prestigieuses que la Saatchi au Royaume-Uni.

La 4ème édition a été lancée le Samedi 23 août 2014 et elle promettait d’éblouir, de captiver, de sensibiliser, d'inspirer la communauté de Jamestown et les milliers d’autres festivaliers attendus.

Shari HAMMOND

Plus d’informations : accradotalttours.wordpress.com

Programme du festival Chale Wole 2014

La fin des mythes: Le royaume Ashanti

La vérité historique ne peut être occultée indéfiniment…

ghanaA la fin du 17ième siècle le prince de Kumasi du clan oyoko Oséi Tutu va unir autour de lui les peuples des royaumes Akan et écrire avec eux l'une des plus belles pages de l'histoire du continent. Remportant de nombreuses victoires militaires sur les royaumes frontaliers, Oséi Tutu étend son emprise et son pouvoir sur les royaumes Akan.  Aidé par un prête animiste Okomfo Anokyé, il va fédérer ces royaumes en une seule entité et en faire un Etat fédéral dont il sera le premier Ashantihéné (chef des Ashanti) et établira sa capitale à Kumasi.

Le royaume Ashanti est un état fédéral composé de provinces disposant chacune d'une grande autonomie et calquant leurs organisations internes sur celle de l'Etat central. Chaque province membre de la fédération est dirigée par un Héné  (chef). Ceux-ci sont représentés au sein d'un conseil chargé de prendre certaines grandes décisions (taxes, guerres). A côté de ce conseil représentatif des entités fédérées, un conseil des anciens est chargé d'assister l'Ashantihéné dans l'administration du royaume. Comme le fondateur du royaume, tous les rois sont élus au sein de la branche du clan matrilinéaire OYOKO et leur désignation est confiée à  la reine mère. En effet c'est elle qui choisit parmi les différents prétendants le prochain Ashantihéné. Son choix est ensuite soumis à l'approbation du conseil des anciens. Cette prérogative attribuée à la reine mère fait d'elle un personnage central du dispositif politique Ashanti, elle est sans doute la femme la plus puissante du royaume. Cette position de puissance met en avant l'importance de la femme au sein du royaume, celles-ci ne sont pas cantonnées à un rôle secondaire mais elles jouent un rôle majeur dont la reine-mère en est le symbole.

Loin de la perception mythologique contemporaine de la femme africaine qui cantonne celle-ci à un rôle négligeable, le royaume Ashanti nous rappelle que nos mères ont toujours eu une position de pouvoir tant dans les organes politiques que dans les sociétés africaines.

… elle finit toujours par émerger…

Sous le règne d'Oséi Kodjo (1765-1777) une série de réformes que l'on va appeler  « Révolution kodjoienne » va bouleverser l'organisation interne de la fédération. Cette révolution restée dans la mémoire du peuple Ashanti va permettre l'avènement d'une nouvelle administration plus forte composée de hauts fonctionnaires, nommés par le roi et chargés de gérer les affaires administratives  du royaume.

La gestion financière du royaume est confiée à un grand argentier entouré d'une équipe de comptables qui étaient en charge des tribus, des douanes, des péages et de la capitation. La collecte de cette manne financière était répartie de manière précise selon les différents postes budgétaires du royaume. Cette organisation a permis au royaume d'affirmer sa domination et de se positionner comme une puissance régionale sur le plan économique.

Ouvert sur le monde, les Ashantihéné vont faire appel à des compétences étrangères pour  améliorer et rendre plus efficace l'organisation du royaume. C'est ainsi que des européens vont être nommés hauts fonctionnaires et des scribes arabes vont être appelés pour perfectionner le système de statistiques.

En plus d'une administration forte et bien organisée le royaume Ashanti va conforter sa puissance régionale en mettant en place une diplomatie efficace. Ses ambassadeurs étaient sélectionnés parmi les roturiers du royaume pour leur esprit et la puissance de leur dialectique et faisaient rayonner l'Ashanti au delà de ses frontières.

loin du mythe d'une  Afrique constituée de tribus sauvages désorganisées, désunies et fermées, l'histoire du royaume Ashanti, son administration et son organisation politique montre que l’Afrique a su dépasser le tribalisme pour accéder à la réalité  abstraite de l’État et de la nation et s'ouvrir au monde en l'influençant et en s'y inspirant.

… et s'imposer car elle ne peut être contestée.

the fall of the asanteEn cette fin du XVIIème siècle, les principales armées des royaumes africains sont équipées d'armes à feu apparues grâce aux marchands arabes et européens présents sur le continent. Les royaumes d’Afrique comprennent rapidement l’intérêt pour d'eux de se doter de telles armes. 

La fédération Ashanti va alors s'équiper de plusieurs armes à feu afin de rivaliser avec les autres royaumes mais surtout avec les européens notamment les anglais qui se font de plus en plus menaçant.

Ainsi après les guerres face aux autres royaumes qui lui permettent d'élargir ses frontières qui s'étendaient alors des pays Gourounsi et Gondja à la côte et de Grand-lahou (Côte d'Ivoire) à petit popo (Togo), La fédération Ashanti va rentrer en conflit avec la couronne britannique qui ne voit pas d'un très bon œil sa suprématie dans la région.

En 1824 sous l'impulsion de l'Ashantihéhé Oséi Bounsou dit « la baleine », l'armée Ashanti rentre en guerre contre la couronne britannique. Cette première confrontation qui aura pour point d'orgue la bataille de Bonsaso va tourner au désastre pour l'armée britannique qui sera tenu en échec face au génie militaire Oséi Bounsou «  la baleine ». Mais en 1826 l'armée anglaise prendra sa revanche. Après ces deux guerres un traité de paix est signé entre les anglais et les Ashanti.

En 1863, une nouvelle guerre éclate durant laquelle l'Ashantihéné Kwakou Dwa décime les anglais à Assikouma et à Bobikouma. Ces victoires fortifient la fédération et son prestige se fait plus grand.

A la fin du XIX siècle l'entreprise de colonisation débute dans l'ouest du continent. Malgré leur hargne l’armée anglaise n'arrive pas à soumettre la fédération Ashanti comme c'est le cas de certains royaumes voisins. Face à cette impasse, elle va recourir à la ruse.

Attendu pour un entretien de paix avec l'Ashantihéné Kwakou Dwa III le gouverneur anglais  va entrer à la tête d'une forte armée dans Kumasi. Pris de court,  les armées de Kwakou Dwa sont vaincues.

Loin du mythe de l'africain armé de lances et de flèches qui ne disposait pas d'armes à feu, loin du mythe d'une prétendue supériorité militaire européenne, les victoires sur le champs de bataille des armées Ashanti viennent nous rappeler le génie de nos pères et battre d'un revers de la main la prétendue facilité avec laquelle les colons nous auraient vaincus.

Je suis Ashanti

Nous sommes Ashanti

Que l'Afrique retienne le nom de ses héros

NJA

Source : Histoire de l'Afrique noire de Joseph Ki-Zerbo, Hatier.

Les défis du financement agricole : l’exemple de l’Agricultural Development Bank au Ghana

Alors que le financement d’État prend fin, l’Agricultural Development Bank, au Ghana, se réorganise pour mieux répondre aux attentes du secteur agricole. La stratégie de spécialisation est renforcée, de nouveaux produits sont créés, le réseau d’agences renforcé. Pour développer son action, la banque doit impérativement trouver des financements complémentaires.

La vocation de l'Agricultural Development Bank (ADB) à sa création était de fournir des services d’intermédiation financière à moyen et long terme et des services connexes au secteur agricole et agroalimentaire afin de renforcer l’attrait de l’agriculture en modernisant son fonctionnement, de créer des emplois, surtout en milieu rural, d’approvisionner les industries locales en matières premières, de fournir des devises et d’améliorer le niveau de vie des personnes travaillant dans le secteur.

Dans un premier temps, le financement a été en grande partie assuré par l’État et des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux. Les fonds étaient rétrocédés à des agriculteurs afin de réaliser des projets de production et transformation dans les secteurs, avicole, hévéicole, oléicole (huile de palme) et la pêche, et plus particulièrement de financer la préparation des terres, l’importation de matériels et le fonds de roulement. Ces investissements ont permis de commercialiser des produits et sous-produits agricoles et de transformer plusieurs petites entreprises en entreprises de taille moyenne, jetant les bases de la croissance industrielle et socioéconomique du Ghana.

Avec l’abolition des financements d’État, la banque a dû développer son réseau d’agences, mobiliser de nouveaux dépôts et obtenir des fonds auprès de bailleurs de fonds multilatéraux, principalement le Fonds africain de développement (FAD), la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale. Pertes de change (dues à des réformes du secteur financier), défaillances d’emprunteurs, suppression des subventions aux intrants agricoles et pertes liées aux faibles niveaux de production ont entraîné une dégradation rapide du portefeuille de prêts de la banque, qui a nécessité sa recapitalisation en 1990.

Dans ce contexte et suite à la levée de l’obligation faite aux banques d’affecter au moins un quart de leur portefeuille de prêts au secteur agricole, l’ADB dont la mission était de financer l’agriculture s’est trouvée davantage sollicitée pour financer des investissements agricoles à court, moyen et long terme.

TENDANCE ACTUELLE
Face à son manque de compétitivité opérationnelle dans un environnement financier national et international dynamique, l’ADB a entrepris de restructurer son modèle économique en 2009. Pour ce faire, elle a élaboré un plan stratégique à trois ans visant à aligner ses opérations sur les pratiques modernes de banque universelle afin de satisfaire aux exigences d'investisseurs, clients et actionnaires de mieux en mieux informés.

La restructuration a impliqué une révision de l'organigramme et de l'organisation afin de mieux satisfaire les clients, de respecter les meilleures pratiques du secteur et d’atteindre la rentabilité. Une nouvelle équipe de direction a été recrutée pour actualiser le plan stratégique et créer de nouvelles divisions – banque d’entreprise, banque de détail, financement du développement, banque transactionnelle, technologies.

L’ADB a également développé son réseau d’agences afin de rapprocher les services bancaires des investisseurs, en particulier dans l’agriculture et l’agroalimentaire. Depuis juin 2010, 22 agences ont été ouvertes (ce qui porte le total à 91 agences) dans des collectivités essentiellement rurales, tournées vers l’agriculture, et dans des centres commerciaux offrant un potentiel de production agricole.

Depuis la restructuration, le bilan de la banque enregistre une remarquable croissance, le total net des crédits passant de 372,86 millions (186 millions d’euros) en 2009 à 576,99 millions de cedis ghanéens (288 millions d’euros) en 2010. Dans le même temps, les prêts au secteur agricole ont connu une progression de 64,5*%. Cette évolution a renforcé la part de l’agriculture dans le portefeuille total de prêts, passée de 24,1 % en 2009 à 28,9*% en 2010, témoignage de la volonté de l'ADB de développer son portefeuille de prêts en faveur de l'agriculture.

Cette croissance conforte la position de leader de l’ADB au niveau national, avec plus d’un tiers des prêts au secteur agricole. Cette réussite a été reconnue en 2010 par Africa Investor qui lui a décerné le titre de “Banque de l’année en Afrique” dans le secteur agricole. L’ADB a été saluée pour ses avancées dans l’intermédiation financière adaptée au secteur agricole et l’expérience considérable qu’elle a acquise dans ce domaine.

Le volume de prêts en faveur de l'agriculture approuvés par la banque au premier semestre 2011 a augmenté de près de 70 % (hors financement de la campagne de cacao) par rapport à la même période de l’exercice précédent, consolidant ainsi la position de leader de l'ADB dans le financement de l'agriculture. Cette croissance régulière et importante des prêts en faveur de l’agriculture répond à l’un des principaux objectifs du plan stratégique à trois ans de la banque – accroître de 40 % la part de l’agriculture dans son portefeuille de prêts d’ici fin 2012. Dans le secteur agricole, le sous-secteur qui reçoit le plus d’attention est l’industrie agroalimentaire, qui représente près de 45 % des prêts agricoles signés. Elle est suivie par la distribution (Figure 1).

En partenariat avec le ministère de l’Alimentation et de l’Agriculture et des bailleurs de fonds comme le Fonds international de développement agricole (FIDA), la BAD et l'AFD, la banque a accompagné des agriculteurs au travers de différents schémas tels que le Projet de développement de la riziculture dans les vallées intérieures1 ou le Programme de plantations villageoises d’hévéa (Encadré), etc. Elle a aussi apporté un important soutien à plusieurs initiatives publiques telles que le Programme pour la jeunesse dans l’agriculture2.

PRINCIPAUX DÉFIS
La principale difficulté de l'ADB pour financer et accompagner les investisseurs de toutes tailles dans le secteur de l'agriculture est la levée de ressources à moyen et long terme. De fait, il est difficile pour l'ADB de proposer les produits financiers adaptés à l'achat d'équipements agricoles ou de machines agroindustrielles et au financement du fonds de roulement d'entreprises à cycle de production long.

Le manque de financement à terme a d'ailleurs toujours fait obstacle au développement régulier du secteur agricole et de l’industrie agroalimentaire, compromettant ainsi une croissance économique régulière du pays.

STRATÉGIE DANS LE SECTEUR AGRICOLE
Dans le cadre de sa stratégie en faveur du secteur agricole, l’ADB a développé une gamme de produits financiers spécialement conçue pour l'agriculture afin de pouvoir contribuer au développement de chaque filière à tous les niveaux. Des produits et facilités de prêt ont été conçus et adaptés pour répondre aux besoins de chaque secteur et de chaque type de client. Ils ont été spécialement développés pour répondre aux besoins des clients à partir de la parfaite connaissance qu’a la banque des moteurs et des structures des activités sous-jacentes et des processus opérationnels en jeu.

L’ADB offre ainsi une vaste gamme de produits*: prêts à court, moyen ou long terme, facilités de caisse et de crédit-bail. Les principaux sous-secteurs dans lesquels l’ADB est présente sont les cultures industrielles (matières premières pour l’industrie), les cultures vivrières, les cultures d’exportation, l’industrie agroalimentaire, la distribution agroalimentaire, les produits pour l’agro-industrie, les intrants agricoles et les services agricoles.

Certaines activités agricoles peuvent être financées, par exemple, par un prêt sur cinq ans assorti d’un taux d’intérêt spécial de 15 % (le taux de base étant de 16,75 %) qui peut être consenti à des exploitants individuels, à des organisations d’agriculteurs, à des groupes ou à des entreprises, en faisant appel à diverses sûretés telles que des dépôts d’espèces, des polices d’assurance-vie, des propriétés foncières, des actifs corporels et des garants personnels.

VISION ET OPPORTUNITÉS

La vision de l’ADB pour le secteur agricole est d’accompagner son développement et celui de sa filière en octroyant des financements à moyen et long terme à visée stratégique et pérenne. Cette vision se fonde sur le potentiel considérable du secteur agricole, compte tenu des prix de la plupart des produits agricoles sur les marchés internationaux.

Cependant, pour concrétiser cette vision et mettre les opportunités à profit, l’ADB a besoin de ressources à long terme. D’autre part, la création d’institutions de micro-finance et la croissance des banques rurales ont progressivement érodé le monopole dont jouissait la banque dans le financement de la petite agriculture.

Dans une perspective de consolidation, sa stratégie pour 2011 prévoit d'améliorer et de développer son appui aux investisseurs agricoles sur la base d'un système d’offre de crédit efficace, et de constituer ainsi un solide portefeuille de prêts. La banque poursuivra donc ses efforts pour abaisser son taux de base – déjà parmi les plus bas – et mettre ainsi le crédit à la portée des agriculteurs, des entreprises agroalimentaires et des investisseurs. Il est en outre indispensable de former et de développer le personnel de la banque pour améliorer ses performances, les processus opérationnels et la productivité. Enfin, rapprocher encore les services de la banque des investisseurs et des clients en ouvrant de nouvelles agences et enrichir la gamme de produits qui leur est proposée est un moyen sûr de soutenir les investisseurs nationaux, et donc une croissance économique viable.

HENRY ALHASSAN SHIRAZU et THOMAS DE GUBERNATIS

Article paru chez notre partenaire Next-Afrique

La filière cacao au Ghana : l’histoire d’un succès

La filière cacao au Ghana qui fait vivre plus de 700.000 agriculteurs dans le Sud du pays a façonné l’économie et la politique de ce pays ouest-africain. Son histoire déjà centenaire est pleine de rebondissements et  riche d’enseignements. C’est l’histoire du succès de ce secteur que présente la Banque Mondiale dans un rapport intitulé Cocoa in Ghana : Shaping the Success of an Economy.

Le document détaille les quatre phases bien distinctes qu’a traversées la production du cacao au Ghana. En effet,  après une introduction et une croissance exponentielle (1888-1937), l’on a assisté à une stagnation suivie d’une rapide croissance après l’indépendance (1938-1964) puis à un effondrement presque fatal (1965-1982). Depuis 1983 et la mise en place de l’Economic Recovery Program (Programme de relance économique – ERP), la filière s’est redressée et n’a cessé de croître.

La croissance exponentielle de la production de cacao de la fin du 19è et du début du 20è siècle a été favorisée par la chute des prix de l’huile de palme, une forte pression démographique et un boom des exportations de caoutchouc qui a permis de réunir le capital nécessaire. La production atteignait déjà dans les années 30, 300.000 tonnes. La deuxième phase fut moins fulgurante. L’administration de Kwame Nkrumah des années 50  et 60 établit  un organisme gouvernemental, l’UGFCC, comme acheteur monopolistique de toute la production et ne cessa d’augmenter la taxation des exportations  de cacao, ceci dans le but de financer les dépenses publiques. Ces mesures qui pénalisèrent les producteurs et leurs exportations jouèrent également un grand rôle dans la destitution de Nkrumah en  1966.

Le Conseil National de Libération au pouvoir après Nkrumah décida d’augmenter la rémunération des producteurs mais du fait de la baisse des prix du cacao et de l’entrée en jeu de compétiteurs comme la Malaisie, l’Indonésie, la Côte d’Ivoire et le Brésil,  la production stagna puis se mit à baisser drastiquement.

Le lancement de l’ERP dont les mesures phares furent la mise en place d’une rémunération supérieure à celle des pays voisins pour empêcher les fuites, la dévaluation du Cedi pour réduire les coûts de production et la rémunération de la qualité de la production appuyée par l’Institut de recherche Cocoa Research Intitute of Ghana,  a permis un net rebond de la filière. Le secteur se porte encore mieux depuis les années 90 et surtout 2000, grâce à une révolution technique (utilisation d'engrais et de variétés améliorées de semences, meilleure gestion des plants contaminés par des virus) et un environnement favorable (prix élevés, réputation de haute qualité et libéralisation contrôlée et prudente du marché).

Plusieurs défis restent encore à relever par le secteur du cacao ghanéen. Ils touchent à la productivité qui peut encore être améliorée de 50 à 80%, à la compétition qui est dorénavant féroce, à la longévité de l’avantage qualité qu’il faut s’efforcer de maintenir et à l’impact environnemental de la production.

Tite Yokossi

 

Qui sauvera le Ghana de son pétrole?

La découverte en 2007 de riches nappes pétrolières au large des côtes ghanéennes a fait naître simultanément une formidable vague d’espoir dans ce pays et de profondes inquiétudes quant à l’impact que ces ressources pourraient avoir sur le tissu social et politique national et sous régional. Le fait est que dans cette démocratie fortement polarisée et dominée par l’exécutif, le spectre des coups d’états militaires passés n’est pas loin. Les expériences calamiteuses du Nigéria, du Tchad ou de la Sierra Leone sont là qui font craindre une nouvelle malédiction de l’abondance en ressources naturelles. La question est posée : le Ghana sera-t-il un autre Nigéria ou le Botswana de l’Afrique Occidentale ?
 
Selon le FMI, la production du site pétrolier du « Cape Three Points » (rebaptisé pompeusement « Jubilee ») devrait atteindre très rapidement 100.000 barils par jour et rapporter à l’état ghanéen 20 milliards de dollars sur la période 2012-2030. Ransford Edward Van Gyampo, un universitaire Ghanéen, dans « Saving Ghana from Its Oil: A Critical Assessment of Preparations, so Far Made » paru dans le dernier numéro de la revue « Africa Today » (Juin 2011), expose la façon dont ce pays se prépare à la gestion de sa future manne pétrolière, et les conclusions qu’il en tire sont alarmantes.
Les canaux par lesquels la découverte et l’exploitation de ressources naturelles inespérées peuvent nuire à la stabilité politique d’un pays sont les suivants :
  • ·         Ces ressources peuvent permettre à un pouvoir dominateur ou autoritaire d’ « acheter » le soutien populaire et de faire taire les dissidents
  • ·         L’avantage prodigieux qu’elles accordent au parti au pouvoir (liberté fiscale et budgétaire) peut l’inciter à le conserver par tous les moyens, quitte à marginaliser et réprimer l’opposition
  • ·         L’appât du gain peut générer un conflit armé et mener à la mise en place d’une dictature militaire.
Contrer ces effets négatifs exige l’établissement d’une véritable politique énergétique nationale, qui soit conforme aux normes et bonnes pratiques internationales en matière de gouvernance, de régulation et d’indépendance. Les gouvernements ghanéens depuis 2007 ne semblent pas prêts à le faire.
 
Un forum organisé en Février 2008 censé servir de base à la construction d’une telle politique a été l’occasion d’une marginalisation de l’opposition (alors le New Democratic Party) et des organisations de la société civile par le régime en place (celui du New Patriotic Party de John Kufuor). Plus grave encore, les projets de loi devant instaurer cette politique ont été élaborés, essentiellement, par le cabinet du Président, rendant impossible toute solution de continuité en cas d’alternance. Lorsque celle-ci survint en 2008, le gouvernement de John Atta Mills (NDP) se trouva face à dilemme de l’adoption d’une politique énergétique à la construction de laquelle il n’avait pas été associé ou à la redéfinition totale de celle-ci, à quelques mois à peine du début de l’exploitation pétrolière.
 
Ces projets ne sont toujours pas adoptés. Le nouveau gouvernement a initialement  prévu de reformuler complètement sa politique énergétique (gaz, pétrole, etc.) et d’instaurer un régulateur indépendant chargé de superviser ces entrées nouvelles. Des pressions internes au parti l’ont conduit à repousser, sine die, la création de cet organe. La production du « Jubilee » a débuté en décembre 2010, sans que la politique énergétique ni le cadre légal et réglementaire censés en assurer l’encadrement ne soient mis en place. Un autre projet du gouvernement était de modifier l’objectif global de la politique, qui sous l’ancien gouvernement était celui, assez basique et statique, de faire du Ghana un exportateur net de pétrole. L’idée était d’inclure l’obligation d’autochtonisation des connaissances, du savoir-faire et de l’expertise nécessaires à la production pétrolière. Ce projet est jusqu’à présent en stand-by.
 
Parmi les autres écueils l’auteur identifie la faiblesse du parlement, miné par les oppositions partisanes et le manque de moyens logistiques qui renforce la concentration de la planification et de la prise de décision au sein du pouvoir exécutif. Ce dernier est de plus, le seul à attribuer les licences d’exploitation. La société civile est tenue à distance. Sous le gouvernement précédent, comme sous celui de Mills, seule une poignée d’ONG ont été conviées aux travaux préparatoires. L’opposition n’y étant même pas représentée.
 
L’insistance d’investisseurs chinois à financer l’acquisition par le gouvernement de nouvelles actions au sein du la société d’exploitation du site – qui explique la reluctance de la société Kosmos à les céder – inquiète autant les organismes internationaux (Banque Mondiale, FMI) que la société civile qui – et c’est exceptionnel au Ghana – à applaudit les conditions imposées par la Banque mondiale au prêt accordé en 2009 au gouvernement Mills et dont le versement de la seconde tranche a été bloqué du fait de la lenteur des procédures législatives (adoption de la politique budgétaire).
 
Les atermoiements et revirements du pouvoir exécutif ghanéen, le silence du parlement, l’inexistence du parlement, le manque de transparence et l’opacité dans lesquels la politique énergétique du pays est mise en place font craindre une évolution nigériane de l’exploitation pétrolière au Ghana. Ce qui pourrait porter un coup décisif à ce qui constitue la meilleure expérience démocratique des deux dernières décennies en Afrique occidentale.
 
Joël Té Léssia

Jerry Rawlings : de la Révolte à la Démocratie

 

« La révolte naît du spectacle de la déraison, devant une condition injuste et incompréhensible » (A. Camus, L’Homme Révolté)

En ce début d’année 2011, les peuples d’Afrique du Nord donnent un nouveau relief à ce mot de Camus.  On ne peut que se réjouir de ce mouvement devenu irrépressible, insufflée par la jeunesse de Tunis et du Caire.

Cela étant dit, on est en droit de se demander ce qu’il adviendra de ces peuples ; quand la révolte laissera place à la révolution ; quand la contestation unanime d’un régime se transformera en discutions pour la mise en place du prochain. D’aucuns se réjouissent de cet élan de démocratie au Maghreb et au Moyen-Orient ; d’autres, s’inquiètent (à tort ou à raison) de la possible influence des Frères Musulmans dans la nouvelle Egypte ; Enfin, le leader Libyen lui-même brandit à l’occident le spectre de l’immigration et du terrorisme s’il n’est plus en place.

Le temps crucial du changement n’est pas  plus le soulèvement que la reconstruction.

Des pays d’Afrique, ont déjà, par le passé, pris leur destin en main au détriment des dirigeants initialement en place. Par d’autres moyens, par d’autres vecteurs. J’en profite donc pour vous présenter un bref portrait de Jerry Rawlings, chef d’Etat du Ghana de 1981 à 2001. A travers son parcours nous observerons les raisons de sa volonté de changement, les ressorts qui ont permis son accession au pouvoir. Se posera également la question de la démocratie via l’exercice du pouvoir.

Jerry John Rawlings est né à Accra en 1947 d’une mère ghanéenne et d’un père écossais. Il se tourne très vite vers une carrière militaire et en 1969 entre dans l’armée de l’air ghanéenne dont il en deviendra Lieutenant d’aviation neuf ans plus tard en 1978.

En 1966, le gouvernement  d’indépendance de Kwame NKrumah est irrégulièrement renversé par les militaires avec l’aide de la CIA (cf. : « Interview with John Stockwell on Black Power » BBC 22 juin 1992). S’en suit alors une période de dix années d’instabilité politique où le pluralisme politique est suivi de nouveaux coups d’Etats ; où le gouvernement de Joseph Ankrah, à l’origine de la déchéance de Nkrumah, est lui-même délogé après élections par Edward Akufo-Addo dont le « Parti du Progrès » deviendra le parti unique jusqu’en 1972. En 1975, l’arrivée au pouvoir du Conseil Militaire Suprême aggrave une situation déjà critique dans un pays miné par la corruption. C’est pour lutter contre ce régime que Rawlings décide de fomenter un coup d’Etat en mai 1979. Ce coup d’Etat échoue et Rawlings est emprisonné pour mutinerie. Ses états de service passés lui confèrent un certain crédit qui lui permet d’être libéré très vite. Dès sa libération, Rawlings n’a qu’une seule idée en tête : préparer un nouveau coup d’Etat. C’est ce qu’il réalise en juin de la même année. Cette fois-ci, le coup d’Etat est un franc succès. Le lieutenant s’empresse alors de créer un Comité Insurrectionnel composé des cadres de l’armée qui l’aident à réaliser ce coup d’Etat. Dans un souci d’éradication définitive de  la corruption dans son pays, il fait fusiller 8 généraux dont 3 anciens chefs d’Etat.

Rawlings souhaite une certaine stabilité politique et financière au Ghana sans pour autant chercher à prendre le pouvoir. C’est ainsi que durant les semaines qui suivent, Rawlings s’attache, en tant que chef du Comité Insurrectionnel, a ramener le calme au Ghana tout en préparant de nouvelles élections libres. Ces dernières ont lieu en septembre 1979 et consacrent  Hilla Limann dirigeant intègre du People National Party. Si les premiers mois de Limann s’avèrent satisfaisants, les problèmes de corruption remontent très vite à la surface, accompagnés de plus grandes inégalités économiques et sociales. Face à cette désillusion, Rawlings décide de mener son troisième coup d’Etat en un peu plus de deux ans. Son objectif est clair cette fois : prendre le pouvoir. Ce coup d’Etat a lieu le 31 décembre 1981.

Dès lors, en tant que nouvel homme fort du Ghana, Rawlings a deux objectifs majeurs : instaurer une stabilité politique en luttant contre la corruption, et réduire considérablement les inégalités économiques et sociales.

Dès le début de l’année 1982, le nouveau président crée le Conseil Provisoire de Défense Nationale,  dirigé par ses alliés putschistes, puis supprime la constitution ainsi que les partis politiques. Durant les années 1983 et 1984, il utilise les prêts du FMI afin de financer un vaste programme économique de réformes qui permettra de considérablement réduire les difficultés économiques du pays. Après 10 ans sans constitution, et pressé par la communauté internationale, Rawlings décide d’en élaborer une nouvelle. En 1992 la IV République ghanéenne est proclamée. Le multipartisme est instauré ainsi que la tenue régulière d’élections.

Très vite, le climat politique devient de nouveau instable, la corruption et la défiance du pouvoir refaisant surface. De plus, les tensions sociales s’accentuent. Elu en 1992, Rawlings, face à tous ces problèmes se voit contraint de précipiter les élections de 1996. Son parti est réélu à la majorité absolue. En 2000, conformément à la constitution, Rawlings ne peut se présenter. Kufuor est élu président devant J.A. Mills, le protégé du président sortant.

Dix ans après son départ du pouvoir, Rawlings n’en a pas pour autant quitté la vie politique. Défenseur du Panafricanisme à l’instar de son ainé Nkrumah, il est devenu un « conseillé de luxe » pour tous les présidents du continent en difficultés. Il a récemment exprimé son soutient à la Somalie en tant que Haut représentant de l’Union Africaine. Il a aussi appelé à l’apaisement en Côte-d’Ivoire. Il est également devenu, aux yeux du monde, le symbole d’une Afrique moderne ; l’exemple à copier pour tous les autres pays du continent comme le prouve l’éloge de B.Obama lors de son discours à Accra en juillet 2009.

On a pu observer que « l’ère  Rawlings » est aisément décomposable en deux périodes distinctes :

Le temps du soulèvement (1979-1992) dans lequel j’englobe la révolte et la reconstruction. Période faite de rigueur et de restriction des libertés collectives. Puis le temps de ce que l’on pourrait appeler la « mise en règle » du Ghana (1992-2001). Période où le chef d’Etat a tâché d’aligner son pays sur les normes internationales et les règles basiques de démocratie : retour du pluralisme politique, élaboration d’une nouvelle constitution donnant naissance à la IVe République ghanéenne etc. On voit bien à travers cet exemple- et pour effectuer le parallèle avec la situation de la Tunisie et de l’Egypte aujourd’hui- que le succès d’une révolte se mesure surtout à la nature des événements qui lui succèdent.

Cela étant dit une question importante peut se poser : pourrait-on, aujourd’hui, laisser un pays effectuer son processus de démocratisation sans ingérence quelconque de la communauté internationale ? Si Rawlings opère un retour à la démocratie pour le Ghana, cela passe avant tout par une période plus austère pouvant, en certains points, aller en contradiction avec les principes démocratiques.

La précipitation dans ce processus peut entraîner une ingérence provoquant un éventuel retour à la situation d’avant la révolte. La grande différence entre l’exemple cité ici et les exemples tunisien et égyptien étant que le Ghana a trouvé son Salut via un homme tandis qu’aujourd’hui ce sont les peuples qui luttent pour le peuple ; la démonstration la plus éclatante de la démocratie en marche.

 Giovanni C. DJOSSOU