« Il faut passer du paradigme de l’étudiant assisté à celui de l’étudiant engagé : c’est cela l’avenir de l’Afrique. » Interview avec le Professeur Bonaventure MVE ONDO

Le Professeur Bonaventure MVE-ONDO est  né en 1951 au Gabon. Philosophe, il est actuellement l'un des Vice-recteurs de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF). Depuis 2009, cet ancien Recteur de l’université de Libreville, particulièrement engagé pour le développement de l’enseignement supérieur en Afrique, dirige l’Institut Panafricain de la Gouvernance Universitaire (IPAGU). Le Professeur Bonaventure MVE-ONDO a reçu les rédacteurs de Terangaweb, Nicolas Simel Ndiaye et Lamia Bazir, dans son bureau parisien pour cette interview.

Vous êtes Vice-recteur de l’Agence Universitaire de la Francophonie, pouvez-vous nous présenter le long parcours qui vous a mené jusqu’à ce poste ?

Cela a été un parcours long et difficile car il s'agit au fond du parcours de toute une vie d'études, de recherche, d'enseignement et de gestion d'institutions d'enseignement supérieur. Après avoir fait mes études en Afrique, notamment à Oyem et à Libreville au Gabon, j’ai ensuite poursuivi ma formation à l’université de Bordeaux 3 où j’ai passé tous mes diplômes universitaires, dont une thèse pour le doctorat de 3ème cycle en philosophie et une thèse pour le doctorat ès Lettres. Parallèlement, j’ai été assistant en philosophie à la faculté de Bordeaux avant d'enseigner pendant 15 ans à la faculté des lettres et sciences humaines de Libreville la logique mathématique, l’histoire de la philosophie et la métaphysique.

Tout en assumant cette mission, j’ai été appelé à diriger l’Institut de recherche en sciences humaines du Gabon. J’ai ensuite été nommé doyen de la faculté des Lettres de l’université de Libreville, puis vice-recteur de l’université, avant de diriger l’université en tant que recteur au début des années 1990. Cette période était du reste particulièrement difficile pour l’enseignement supérieur en Afrique pour trois raisons principales. D'abord, nous vivions les années de la démocratisation politique, marquées par le passage d’une logique de parti unique à celle de multipartisme avec une culture de la démocratie qui n’était pas encore vraiment implantée chez les différents acteurs de la vie universitaire. Ensuite, l’enseignement supérieur subissait le choc des plans d’ajustement structurel imposés alors par les bailleurs de fonds. Enfin, les universités traversaient une crise de croissance et d'identité. Elles commençaient à s'interroger sur leurs missions et leur rôle dans la société.

A la fin de mon mandat de recteur qui a duré quatre ans, j’ai été nommé conseiller de Président de la république du Gabon avant d’aller diriger à Dakar, à partir d’octobre 1994, le bureau régional d’Afrique de l’Ouest de l’Agence Universitaire de la Francophonie.

Quelles ont été vos principales lignes d’action en tant que Directeur du bureau régional d’Afrique de l’Ouest ?

Arrivé à Dakar, le constat était simple: plus on s’éloignait de Dakar, siège du Bureau régional pour toute l'Afrique, moins la présence de l'AUF était perceptible. Nous avons donc appuyé la création d’autres bureaux régionaux et c’est ainsi que, dès 1995, l'Agence a ouvert le bureau de Yaoundé. Le but était notamment de se rapprocher davantage de l'ensemble des universités membres d’autant que cette période constituait une phase majeure durant laquelle les Etats ont commencé à créer de plus en plus d’universités. En 1993 par exemple, au Cameroun l’Etat a créé cinq nouvelles universités pour faire face à l'explosion de la démographie étudiante. Tout cela sans compter le début de création des établissements d'enseignement supérieur privés.

Nous avons ensuite déployé les programmes de l’Agence dont notamment celui des campus numériques francophones qui sont des plateaux techniques localisés au sein des universités et équipés d’une centaine d’ordinateurs. Ces centres constituent des bibliothèques virtuelles avec l'accès à des bases de données scientifiques constamment réactualisées qui permettent de faire face aux difficultés d’accès aux informations scientifiques et techniques auxquels sont souvent confrontés étudiants et enseignants. Ces plateformes permettent également de mettre en place des e-formations à distance entre des universités partenaires du réseau alors même que les universités en Afrique n’offraient pour l’essentiel que des formations classiques et pas toujours innovantes. Les campus numériques constituent aussi des lieux dans lesquels les enseignants peuvent produire du savoir scientifique et des connaissances (revues virtuelles) accessibles à des étudiants du monde entier. On peut également y effectuer des soutenances de mémoire ou de thèse à distance. Ces campus numériques sont donc de véritables outils de décloisonnement de l’enseignement supérieur.

L'Agence a mis en place des pôles d’excellence en Afrique de l’ouest pour réduire l’isolement des étudiants et enseignants d’une part et d’autre part pour consolider les équipes de recherche, leur donner une dimension régionale en leur apportant des moyens complémentaires. Il existe ainsi à Dakar un pôle d’excellence sur l’esclavage où convergent  toutes les études et qui est devenu une référence internationale dans  ce domaine. A Bamako se trouve également un pole d’excellence sur le paludisme réunissant près de 130 chercheurs dont la moitié issus de pays d’Afrique et l’autre moitié des meilleures universités du monde comme Harvard. Les chercheurs de ce pôle d’excellence publient chaque année une trentaine d’articles de qualité dans les revues scientifiques de tout premier plan tels que Science et Nature. L'Agence a aussi déployé des projets de coopération scientifique interuniversitaire qui ont permis d'aider des générations de chercheurs, de valoriser leurs compétences dans une dynamique régionale et internationale.

Il est évident que ces partenariats du savoir ont changé le regard des bailleurs de fonds sur l’enseignement supérieur en Afrique, ce qui a permis à l’AUF de renforcer sa notoriété et sa légitimité à être un acteur majeur dans le développement de l'enseignement supérieur en Afrique.

Après 10 ans à Dakar, vous avez été promu à votre poste actuel de Vice-recteur de l’AUF. Quels sont les missions de l’AUF et les principaux axes sur lesquels l’Agence travaille aujourd’hui?

L’AUF est à la fois une association et un opérateur de la Francophonie. Dans sa nature associative, elle a été fondée à Montréal le 13 septembre 1961. Elle fête cette année ses 50 ans. A l'époque de sa création, le contexte de décolonisation organisait la coopération autour des relations nord sud. L'AUF, dans sa construction, n'est jamais apparue comme une association néocoloniale ou une association d'universités riches contre les universités pauvres. Elle a été créée et organisée, aussi bien dans sa gouvernance que dans sa logique d’actions, autour des principes de solidarité et d'excellence. Elle s'est engagée à créer des liens entre ses universités membres, à les structurer et à les aider en prenant en compte leurs complémentarités.

La plupart des universités africaines ont été créées dans les années 1970 avec des corps enseignants en nombre insuffisant. L’AUF a donc encouragé une logique de mutualisation dans laquelle les universités dont le corps enseignant était suffisamment étoffé partageaient des enseignants avec celles qui en étaient moins pourvues. Cette mutualisation n’était pas une relation d’assistance mais plutôt une relation de coopération tripartite dans laquelle aussi bien l’AUF, l’université demandeuse que celle qui fournissait le professeur participaient financièrement au projet. Cela donne un autre état de coopération qui ne s’inscrit pas dans une logique d’assistance ou de subordination et dont l’intérêt est d’amener tous les acteurs à s’engager dans un processus commun.

L’AUF travaille aussi à l’amélioration de la gouvernance dans les universités ?

Oui, et dans ce domaine, on comprendra que les enjeux sont là aussi très importants pour les universités africaines. Aujourd’hui gouverner une université est devenu un métier complexe auquel aucun enseignant n'est préparé. On s'aperçoit de plus en plus aujourd'hui que le métier ne prépare pas à celui de dirigeant d'un établissement d'enseignement supérieur. Il s’agit de métiers complètement différents et le fait d’être un bon professeur ne signifie pas qu’on sera un bon recteur. Le travail qu’on demande aujourd’hui à un Président d’université consiste à diriger une communauté, à engager son université dans le développement local, à discuter avec des organismes internationaux, des bailleurs de fond et enfin à conseiller les responsables politiques sur les politiques à adopter pour l’enseignement supérieur. A cela s’ajoute aussi la prise en compte des changements inhérents à tout établissement d'enseignement supérieur. On se rend donc bien compte que les attentes des autorités universitaires sont complètement différentes de celles qu’on pouvait avoir dans le passé. Depuis 2001, les acteurs de la gouvernance universitaire ont demandé à l’AUF et à ses autres instances, des actions de formations spécifiques adaptées pour des jeunes recteurs.

A ce propos, depuis juillet 2009, vous dirigez pour l’AUF l’Institut Panafricain de la Gouvernance Universitaire basée à Yaoundé? De quoi s’agit-il exactement ?

En 2003, l’AUF a monté un programme qui permet d’amener les acteurs de la gouvernance universitaire en Afrique à réfléchir sur les grandes questions liées à l’évolution de leur métier. Ces questions devenant de plus en plus techniques et stratégiques, nous avons ensuite jugé opportun de créer l’Institut Panafricain de la Gouvernance Universitaire (IPAGU), officiellement inauguré le 15 juin 2010. Il a été créé en 2009 en partenariat avec l'ACU. Cet institut est panafricain dans la mesure où il ne réunit pas seulement les universités francophones mais inclut aussi des universités anglophones. Il est localisé au Cameroun – pays qui a la particularité d’être bilingue – au sein de l’université de Yaoundé 2, dans les locaux de l’Atrium Senghor.

Dès sa création, l’Institut a commencé par lancer une large enquête auprès des 260 établissements d’enseignement supérieur d’Afrique afin de mieux comprendre les schémas et pratiques de gouvernance dans l’ensemble de leurs institutions universitaires. Les résultats sont à la fois pertinents et pratiques. Cette enquête a montré que globalement la gouvernance universitaire en Afrique a une histoire qu’il était facile d’appréhender en fonction du système des anciens pays colonisateurs. Aujourd’hui en revanche, la pratique de gouvernance s’est localisée géographiquement, c'est-à-dire que les universités d’Afrique de l’ouest ont quasiment les mêmes modes qui sont différents de ceux d’Afrique centrale, eux mêmes différents de ceux d’Afrique australe. Il est donc particulièrement important de comprendre et de définir la gouvernance de l’enseignement supérieur qui touche le cadre juridique, les formations, l’organisation, les acteurs, les missions de l’université, son rôle par rapport au développement de la société avant d'apporter des moyens et des appuis.

Et sur quoi repose essentiellement cette nouvelle gouvernance que vous cherchez à promouvoir ?

L'IPAGU n'a pas de posture idéologique. Il s’agit maintenant de donner à l’université un autre souffle en s’appuyant sur deux concepts : la responsabilité et l’imputabilité. Il faut que l’université et l’ensemble de ces acteurs soient plus responsables, que les enseignants et les étudiants changent de posture. Tout est possible même si en même temps les choses évoluent et que les établissements souhaitent bénéficier de plus d'autonomie, de plus de responsabilité et soient capables de rendre des comptes à la société. Il faut qu'elles acceptent d'évoluer de la formation pour la formation à des formations professionnelles et tournées sur le développement concret.

Il s’agit aussi d’inscrire la culture d’évaluation au cœur de l’université. Notre Institut va mettre en place deux produits particulièrement utiles : le guide de présidents, recteurs et doyens d’université ainsi que le manuel d’évaluation qui constitue une sorte de check up. Pour nous, le plus implorant est d’amener les universités à s’inscrire dans ce processus.

Par ailleurs l’Institut réalise, à la demande des Etats et des universités, des études d’évaluation de la gouvernance universitaire et d’accompagnement pour une amélioration des pratiques de gouvernance. C’est ainsi que nous en avons réalisé une étude d’évaluation de la gouvernance universitaire au  Mali.

Dans le cadre de ce projet, un de vos principaux défis consiste à faire des universités africaines de vrais acteurs de développement. Comment vous y prenez vous concrètement ?

Au sortir des indépendances, les pays africains avaient besoin de former des agents administratifs et des cadres techniciens scientifiques. Aujourd’hui, on demande aux universités de se moderniser et de devenir des lieux d’innovation et de création qui constituent des leviers majeurs. Il faut donc créer des logiques qui permettent d’aller dans ce sens alors même que de telles réformes ne sont ni populaires ni affichables au maximum. C’est cela qui explique que les universités soient écartelées entre deux tendances : donner aux étudiants l’ensemble des outils pour s’adapter à l’innovation et donner à ceux qui le souhaitent des structures qui les aident à concrétiser leurs projets. Il faut convaincre les acteurs à faire confiance aux jeunes qui présentent des projets innovants et adaptés aux besoins locaux. C’est aussi pour cela que le nouveau talent demandé aux recteurs inclut aussi l’aptitude à convaincre les autres acteurs car l’université n’est pas seulement un client mais un partenaire.

Et en matière de perspectives, comment appréhendez-vous l’avenir de l’éducation supérieure en Afrique ?

Nous sommes aujourd’hui dans une phase dans laquelle les universités africaines ont parfaitement compris tous ces enjeux. On constate de plus en plus que les états d’esprit ont changé et pas seulement au niveau des responsables des universités mais aussi au niveau des étudiants qui s’engagent dans leur rôle social et il faut que cet engagement soit valorisé par les responsables universitaires. En guise de viatique pour l'avenir, je souhaite que l'on passe du paradigme de l’étudiant assisté à celui de l’étudiant engagé : c’est cela l’avenir de l’Afrique. Nos étudiants doivent être responsables, engagés et fiers d’être au service du développement de leurs pays. C'est cela que je souhaite ardemment pour notre système d'enseignement supérieur. L'université doit plus que jamais devenir un lieu où l'intelligence attire l'intelligence.

Interview réalisée par Nicolas Simel Ndiaye et Lamia Bazir

Éditorial : Un destin commun de part et d’autre du Sahara ?

L’année 2011 est décidément partie pour marquer l’histoire : révolution du Jasmin en Tunisie, révolution du Nil en Egypte et surtout cette question aussi poignante qu’enthousiaste : à qui le tour ? Ce vent révolutionnaire est salutaire ; il met cependant en exergue une approche particulièrement biaisée de l’Afrique. Aussi bien les populations et les gouvernants que les journalistes, politologues et autres observateurs de tous horizons, n’ont cessé de parler d’une révolution dans le monde arabe à tel point qu’on en oublierait que la Tunisie et l’Egypte se trouvent sur un continent qui s’appelle…l’Afrique. Le traitement fait à ces événements est en effet particulièrement révélateur de la fracture qui existe, tout au moins dans les esprits, entre ces entités qu’on appelle si communément Afrique du nord et Afrique subsaharienne.

Tout le problème tiendrait au Sahara car il s’agit d’abord de l’histoire du plus vaste désert chaud du monde, qui, en ayant de cesse de s’étendre, crée de fait une fracture physique. Il reste qu’il convient d’avoir à l’esprit que l’homme, quand il l’a voulu, a su dompter les affres de la nature, comme le prouve le très dynamique commerce transsaharien entre le 6ème et le 16ème siècle et dont les trois derniers siècles de cette période ont marqué l’apogée.

Il s’agit ensuite, au-delà de complexes et clichés entre des populations qui n’entendent surtout pas s’identifier les unes aux autres, de l’histoire des races (n’ayons pas peur des mots), l’Afrique subsaharienne correspondant à l’Afrique noire et l’Afrique du nord à la terre des arabes. On en oublierait là encore que l’épicentre du monde arabe reste plus proche de la péninsule arabique et du Machrek que du Maghreb et surtout que l’essentiel de la population de l’Afrique du nord n’est pas arabe mais plutôt berbère.

Il convient de combattre ces barrières physiques, raciales et psychologiques si nous souhaitons construire un destin commun pour l’émergence de l’Afrique. Ce destin commun constitue d’ailleurs un impératif aussi bien au regard d’un passé souvent méconnu que nous partageons – les travaux de Cheikh Anta Diop sont à cet égard édifiants – que de l’avenir qui soulève, à l’échelle du continent, des défis aussi prégnants qu’identiques.

D’un point de vue politique, il aurait ainsi été judicieux, à la suite de la Tunisie et de l’Egypte, de poser nos yeux sur l’Algérie et la Lybie comme des pays africains plutôt que des pays arabes. Allons plus loin, il serait judicieux, plutôt que vers le Yémen et le Bahreïn – pays dans lesquels un changement est sans doute tout aussi nécessaire –, de tourner notre regard vers la Guinée Equatoriale et l’Angola, dirigés respectivement par Theodore Obiang Nguema et José Eduardo Dos Santos depuis 1979, le Cameroun sur lequel règne Paul Biya depuis 29 ans ou encore, dans un autre registre, le Sénégal où Abdoulaye Wade n’a visiblement pas renoncé à une dévolution monarchique du pouvoir. Quand bien même d’un Etat à l’autre les réalités ne sont jamais tout à fait identiques, les révolutions du Jasmin et du Nil devraient inspirer d’autres pays sur le continent car, et on ne l’a pas assez dit, ces révolutions sont africaines.

D’un point de vue économique aussi, il existe de véritables opportunités de synergies entre ce qu’on appelle l’Afrique du nord et l’Afrique subsaharienne. Les pays d’Afrique de l’Ouest et le Maroc gagneraient par exemple à dynamiser davantage leur coopération. Certes le Royaume chérifien entretient déjà des rapports économiques poussés avec ces pays, mais les efforts consentis de part et d’autre restent largement insuffisants face à l’ampleur du challenge. Il importe d’aller plus loin. Le projet d’extension de la zone de libre échange UEMOA au Maroc qui en est le premier partenaire économique africain est intéressant. Il l’est encore davantage dans la perspective, qui peut paraitre utopique pour l’heure, d’un élargissement à l’Algérie et à la Tunisie, créant ainsi une véritable intégration économique dont le schéma pourrait être reproduit dans d’autres régions du continent. L’Union africaine, à défaut d’être une réalité politique, pourrait de façon crédible devenir une réalité économique capable de peser dans les négociations internationales face à l’Europe, aux Etats-Unis et à la Chine.

Par ailleurs, le projet de route transsaharienne, qui tarde à se concrétiser entièrement, gagnerait à être remis à l’ordre du jour. Amorcée il y a plus d’une quarantaine d’années, ce projet réunit l’Algérie, la Tunisie, le Tchad, le Niger, le Mali et le Nigéria. Au-delà des intérêts économiques certains qui pointent à l’horizon, ce type de projets d’infrastructures devrait plus profondément contribuer à rapprocher les peuples de part et d’autre du Sahara.

Aujourd’hui encore, les frontières restent beaucoup trop cloisonnées entre l’Afrique du nord et l’Afrique subsaharienne ; surtout, les paramètres d’analyse utilisés jusque là sont pour l’essentiel obsolètes et inadaptés à notre désir d’avenir. Il appartient à notre génération de faire tomber ces barrières et de renouveler ces paramètres.

Nicolas Simel

Transferts d’argent vers l’Afrique : quel impact sur la réduction de la pauvreté et le développement économique ?

Si l’Afrique, avec environ 8 % des envois d’argent, reste encore la région du monde qui reçoit le moins de transferts d’argent, ceux-ci constituent pour le continent la 2ème source de financement externe après les IDE (Investissements Directs Etrangers). 18 des 53 pays reçoivent chacun plus de 500 millions de dollars, flux largement sous estimés dès lors que de nombreux transferts s’effectuent par des canaux informels. Ces transferts d’argent représentent en moyenne 5 % du PIB du continent et atteignent 11 % dans certains pays.  En plus de maintenir un lien social fort entre les émigrés africains et leurs familles restées sur le continent,  les transferts d’argent présentent un réel enjeu économique. Leur développement profitera sans doute des synergies qu’offre l’essor de la téléphonie mobile par le biais de services tels que Mobile Money. Il reste qu’il faut optimiser le potentiel existant afin d’accroitre l’impact des transferts d’argent sur la réduction de la pauvreté et le développement économique de l’Afrique.

Le cabinet Performances Management Consulting a publié une étude sectorielle intitulée Les transferts d’argent en Afrique : problématiques, enjeux, défis et perspectives http://www.performancesconsulting.com/bibliotheque/publication/PDF/doc%20sectoriel/ES_Transfert_argent.pdf

La Banque Mondiale a quant à elle publié l’édition 2011 de son rapport ‘‘Migration and Remittances Factbook’ http://siteresources.worldbank.org/INTLAC/Resources/Factbook2011-Ebook.pdf dont une partie est consacrée aux transferts d’argent vers l’Afrique, avec des données détaillées sur les pays les plus concernés.

Nicolas Simel

Éditorial : Pour nous autres Africains, l’heure est à l’afro-responsabilité.

Au-delà du spectacle puéril et de l’entêtement affligeant qu’offre le camp Gbagbo, la crise ivoirienne a ceci de paradoxal qu’elle symbolise aussi une certaine avancée dans la conquête démocratique en Afrique, tout au moins à deux niveaux.

Tout d’abord l’idée qu’il est inadmissible qu’un chef d’Etat en exercice perde des élections présidentielles et reste au pouvoir vient de faire une avancée considérable. A cet égard, le refus d’Alassane Ouatara d’un scénario zimbabwéen (après les élections présidentielles de Mars et Juin 2008, Morgan Tsvangirai avait dû se contenter de ne devenir que le Premier Ministre de Robert Mugabe) où malgré sa victoire il ne serait que Premier Ministre du Président perdant confirme cette avancée. Celle-ci est loin d’être négligeable : en Afrique, dans le schéma classique auquel nous avons été jusque là habitués, le Président élu Alassane Ouatara et ses partisans auraient été bâillonnés, emprisonnés ou contraints à l’exil.

L’autre aspect de cette avancée qu’offre paradoxalement la crise ivoirienne est la vigoureuse médiation actuellement déployée par l’Union Africaine (UA) et la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ainsi que l’idée d’un éventuel recours à la force militaire pour contraindre un président défait lors d’élections démocratiques à quitter le pouvoir. Au-delà des risques d’équilibre social sous-régional qui sont réels en cas d’usage de la force militaire par la CDEAO d’une part et d’autre part des possibles manipulations par les puissances occidentales, il convient de saluer l’idée d’une Afrique qui entend régler elle-même ses problèmes, ce qui relève d’une maturité politique qui a souvent fait défaut dans ce continent.

De ce point de vue, l’Afrique avance et sur le continent, il existe de véritables forces positives en mouvement. Celles-ci transparaissent notamment dans la réussite économique de pays comme l’Afrique du Sud, le Ghana, le Botswana, l’heureux dénouement de la crise guinéenne et surtout aujourd'hui la grande leçon que nous offre l'admirable peuple Tunisien!

Hélas, Il existe aussi des inerties considérables lorsque les fils continuent de succéder à leurs pères comme au Gabon et peut être bientôt au Sénégal, quand la corruption continue de plomber tout effort de développement ou encore lorsque la Françafrique continue de gangréner les relations avec l’ancienne métropole.

Il s’agit bien d’une réalité duale et « schizophrène » que la crise ivoirienne laisse parfaitement transparaitre et qui continue de nourrir aussi bien l’afro-optimisme que l’afro-pessimisme. Or le véritable débat ne se pose plus en ces termes. Pour nous autres africains, l’heure est à l’afro-responsabilité.

L’afro-responsabilité, c’est la redécouverte de notre culture et de notre histoire souvent méconnue ; c’est un discours sur l’Afrique porté par les africains eux-mêmes et qui ne sera pertinent que s’il est sous-tendu par une solide éducation à tous les niveaux.

L’afro-responsabilité, c’est aussi une plus grande responsabilité démocratique des dirigeants et des populations. A cet égard, 2011 pourra déjà servir de baromètre à travers les nombreuses échéances électorales prévues cette année d’un bout à l’autre du continent, de l’Egypte à Madagascar en passant par le Bénin, le Niger, le Tchad, la Centrafrique, le Nigéria, la République Démocratique du Congo pour ne citer que ces pays.

L’afro-responsabilité c’est aussi la prise en main sérieuse et crédible de notre développement économique et social. L’enjeu consiste à sortir de la minorité et à entrer dans la majorité pour reprendre des catégories kantiennes. Peut-on continuer de fonder nos espoirs d’émergence économique sur l’aide au développement ? Les Etats africains sont-ils prêts à relever le défi de la fiscalité, condition sine qua non d’une gestion efficace des finances publiques ? Peut-on encore se priver en Afrique francophone, un demi-siècle après les indépendances, du levier de la gestion de notre propre monnaie aujourd’hui entre les mains de la Banque de France, et par ricochet de la Banque Centrale Européenne ? Aujourd’hui la jeunesse africaine doit non seulement répondre à ces questions – et en cela constituer une véritable force de proposition –, mais aussi contribuer à la mise en place effective des solutions idoines. Pour l’Afrique, nous devons être des acteurs de changement.

A Terangaweb – L’Afrique des idées, nous prônons donc l’afro-responsabilité. Ni afro-optimisme, ni afro-pessimisme, l’afro-responsabilité répond d’une logique différente : mieux comprendre les énormes défis auxquels fait face le continent africain afin d’œuvrer à ce qu’il puisse les relever. A cet effet, nous comptons mobiliser différentes approches analytiques, différents cadres de pensée, différents talents.

Nicolas Simel, Rédacteur en Chef

Une candidature unique de l’opposition en 2012 : la seule voie de salut au Sénégal

A entendre les Sénégalais, Abdoulaye Wade, ni son fils biologique Karim, ni son fils spirituel Idrissa Seck (qu’il vaut mieux ne pas encore enterrer) ni même tout autre candidat du pouvoir en place ne saurait remporter leurs suffrages dans un scrutin transparent. Ce serait une erreur de le croire car le pouvoir en place a encore des chances sérieuses de ne pas perdre les prochaines élections présidentielles. La seule voie de salut réside aujourd’hui dans une candidature unique de l’opposition réunissant aussi bien celle traditionnelle que celle qui a quitté le navire libéral.

Mettre au plus vite les Sénégalais devant un choix extrême

Dans cet enjeu de la candidature unique, le timing constitue un paramètre particulièrement important alors même que l’homo senegalensis n’est guère réputé pour avoir un rapport très efficace au temps. A deux ans des élections, plus tôt le candidat unique de l’opposition sera désigné, plus les chances de victoires seront réelles.

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Bilan de 2009 pour le Sénégal: Etat en deliquescene, appauvrissement et frusatration des populations

De l’année 2009 qui vient de s’écouler, que retenir pour le Sénégal si ce n’est que l’Etat y est en déliquescence, que les populations se sont incontestablement appauvries et que la frustration y a touché un seuil jusque là jamais atteint ?

Il n’est guère besoin de s’y attarder, l’Etat au Sénégal est en faillite. Le Président Wade n’incarne même plus un pouvoir qui a déserté un gouvernement pléthorique dont la plupart des ministres sont des pantins, une Assemblée Nationale entre les mains d’un petit groupe de bandits, un Sénat qui ne sert qu’à élargir l’éventail de rente du pouvoir. Dans ce pays, la constitution et les institutions y ont été vidé de leur sens ; le président sent bien venir l’apocalypse et ne pourra sauver ni l’Etat, ni son parti ni même son propre fils. il ne lui reste plus qu’à s’accrocher à son espèce de monument dit de la renaissance africaine qui suscite l’indignation de notre peuple et fait la risée de notre pays dans la presse internationale. On ne peut plus rien attendre d’Abdoulaye Wade sur le plan politique, il a perdu la mesure des choses et son entourage ne l’a jamais suffisamment eue. Continue reading « Bilan de 2009 pour le Sénégal: Etat en deliquescene, appauvrissement et frusatration des populations »

Interview sur la situation des étudiants sénégalais au Maroc

Le Maroc est connu pour être la seconde patrie des Sénégalais. Ceux-ci sont notamment très nombreux à effectuer leurs études supérieures dans le Royaume chérifien qui constitue, juste derrière la France, la deuxième destination des étudiants sénégalais. Terangaweb est allé à la rencontre de cette forte communauté sénégalaise en interviewant Arame NDAO, Présidente de l’Union Générale des Etudiants et Stagiaires Sénégalais au Maroc (l’UGESM). Avec une pertinence et un sens de la formule remarquables, elle aborde la situation, souvent difficile et généralement méconnue, des étudiants sénégalais au Maroc. Un entretien qui vaut sans nul doute plus qu’un simple détour !

Terangaweb : Pouvez-vous présenter aux internautes de Terangaweb l’association que vous dirigez ?

Arame NDAO : Permettez-moi tout d’abord de me réjouir de l’intérêt que vous portez à notre association. L’Union Générale des Etudiants et Stagiaires Sénégalais au Maroc (l’UGESM) est une association qui, comme son nom l’indique, regroupe tout élève, étudiant et stagiaire sénégalais résidant sur toute l’étendue du territoire marocain. Elle a été créée en 1979 par de valeureux étudiants comme j’ai l’habitude de les qualifier. Des étudiants qui avaient senti la nécessité de s’unir, de s’entraider dans un pays avec lequel le Sénégal a pu tisser des relations séculaires et exemplaires.

De 1979 à 2009 l’UGESM n’a cessé de s’agrandir. Elle compte aujourd’hui plus de 1 000 étudiants qui sont aussi bien dans le public que dans le privé. Et avec nos sections qui sont dans presque toutes les villes du Royaume, nous essayons tant bien que mal de hisser la communauté estudiantine sénégalaise au rang des communautés les plus unies et les plus solidaires. Continue reading « Interview sur la situation des étudiants sénégalais au Maroc »

l’ « Affaire Bara Tall »

Le cas Bara Tall, du nom de l’entrepreneur sénégalais qui dirige le holding Talix International et l’entreprise Jean Lefebvre, mérite l’attention de tous les sénégalais, en particulier celle des jeunes encore plein de rêves pour leur pays. Grosso modo Bara Tall, dont l’entreprise Jean Lefebvre participait, avec une quarantaine d’autres, aux fameux chantiers de Thiès, s’est vu en 2004 accusé de surfacturations et d’intelligence avec l’homme à abattre d’alors Idrissa  Seck, en vue de détournement d’argent portant sur des milliards de FCFA. Ces accusations ont valu à Bara Tall un séjour carcéral de deux mois et demi à la prison Rebeuss alors même qu’à ce jour la justice sénégalaise ne reconnait un quelconque fondement aux accusations malhonnêtes et mensongères portées contre sa personne.

On pourrait ne pas s’en émouvoir si l’Etat du Sénégal ne devait pas encore aujourd’hui la rondelette somme de 10 milliards de FCFA à Bara Tall pour les travaux de la route Kaolack-Fatick d’après ses propos tenus la semaine dernière lors d’une interview accordée à la 2STV, propos non démentis par le Ministre des Finances Abdoulaye Diop qui, dans une interview au quotidien Le Soleil, dit attendre une autorisation dans ce sens. Les biens fondés de la réclamation de Bara Tall ne font pas l’objet d’un doute tant la dette est quasiment reconnue par l’Etat du Sénégal par le biais de son argentier Abdoulaye Diop d’une part et d’autre part par l’Assemblée Nationale qui avait voté un budget pour que Bara Tall soit payé  et il semblerait que ces montants aient été alloués à Karim Meissa Wade pour la construction de villas dans le cadre du dernier sommet de l’OCI. Continue reading « l’ « Affaire Bara Tall » »

On ne change pas une équipe qui perd !

Au cours du Conseil des ministres du jeudi 30 avril, Hadjibou Soumaré a réitéré au Président Wade sa volonté de quitter ses fonctions de Premier Ministre. Wade, après avoir vraisemblablement essayé de reconduire celui qu’on qualifie de « technocrate », a finalement accepté la démission de Hadjibou Soumaré. Mais le Sénégal n’a pas attendu longtemps pour avoir un nouveau Premier Ministre, en la personne de Souleymane Ndéné Ndiaye. Quel que soit le prisme par lequel on essaie d’analyser cette nomination, on ne peut échapper à ce constat : Wade ne fait que du saupoudrage en reconduisant une équipe qui a échoué dans tous les domaines et en faisant le panégyrique de la défaite et des perdants.

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L’actualité de la Négritude: être et demeurer métis

La Négritude est de nos jours trop vite évacuée quand on ne finit pas de reprocher aux écrivains qui en furent les pionniers d’avoir écrit en français. Pourquoi les poètes de la Négritude ont-ils écrit en français? Fut-ce-t-elle un classique, cette question semble la plus à même de laisser transparaitre en l’occurrence l’actualité de la Négritude dont elle révèle d’ailleurs la quintessence.

Léopold Sédar SENGHOR lui-même répondait à cette question dans la postface d’Ethiopiques[1]

Voici (et on y reviendra) ce qu’en dit le poète de la Négritude et non moins futur membre de la prestigieuse Académie française : « Mais on me posera la question : pourquoi, dès lors, écrivez-vous en français? – Parce que nous sommes des métis culturels… ». Continue reading « L’actualité de la Négritude: être et demeurer métis »

L’exception démocratique sénégalaise

Dans une Afrique minée depuis bien longtemps déjà par des dérives monarchiques, le Sénégal fait office aux yeux d’un grand nombre d’observateurs d’ « exception démocratique », non pas qu’à vrai dire de ce côté du fleuve Sénégal la démocratie y reflète un exemple d’orthodoxie, mais plutôt parce que relativement à l’environnement politique africain, le Sénégal semble tirer son épingle du jeu.

Dans les années qui ont suivi la vague d’indépendance de 1960, le Sénégal a été le premier pays d’Afrique à permettre le pluripartisme, d’abord en le restreignant à quatre partis (1974) pour ensuite l’élargir définitivement et le transformer en multipartisme intégral (1981).

Le 31 décembre 1980, dans une cérémonie restée mémorable, le Président Senghor annonçait qu’il mettait fin à ses fonctions de chef d’Etat pour passer le témoin à son dauphin d’alors Abdou Diouf. Tels furent les mots du Président Senghor le mercredi 31 décembre 1980 lors de la cérémonie qui a eu lieu dans une petite salle du Palais de la République et pendant laquelle il remettait officiellement sa démission de Président de la République à Kéba Mbaye, Président de la Cour suprême : « Monsieur le Premier Président (ndlr Kéba Mbaye), après y avoir mûrement réfléchi, j’ai décidé de me démettre de mes fonctions de Président de la République. La Cour suprême est la gardienne, vigilante, de notre Constitution. C’est pourquoi j’ai honneur, Monsieur le Premier Président, de remettre ma décision entre vos mains. » Continue reading « L’exception démocratique sénégalaise »

Wade: l’ambition et la sagesse

Ce qui est impressionnant chez le Président Wade, c’est qu’ « il a l’ambition des jeunes et la sagesse des vieux ». Ce compliment on ne peut plus flatteur est de Blaise Compaoré il y a de cela quelques années lors d’un sommet africain à Dakar. Cette phrase avait eu une résonance toute particulière dans la tête du jeune dakarois que j’étais, admiratif d’un Wade, arrivé au pouvoir par l’alternance et porteur d’un projet pertinent pour le Sénégal. On pouvait difficilement penser le contraire car il y avait eu « son » NEPAD, « ses » interventions au sommet du G8 ou à la tribune de l’ONU. Bref notre Président était une star au vrai sens du terme, une étoile qui cristallisait notre imaginaire. Hélas, les temps ont bien changé, le NEPAD qu’on nous faisait apprendre en cours d’éducation civique en classe de 3ème n’est plus à l’ordre du jour, le G8 préfère bien désormais notre Youssou national à grand-père, les organismes internationaux – et c’est pas Jacques Diouf, directeur général de la FAO qui dira le contraire – en ont bien assez d’un « petit » Président qui entend donner des leçons à tout le monde. Le constat me semble-t-il est sans appel : il y a un gouffre incommensurable entre le Wade de la première génération et celle de la deuxième génération. Je crois profondément que Wade a porté un vrai projet pour le Sénégal, qu’il a nourri des ambitions venues à point nommé après peut-être 40 ans de léthargie sous le régime socialiste. Il avait bien « l’ambition des jeunes ». Mais il ne l’a évidemment plus ! Peut-on encore l’avoir au-delà de 80 ans ?

Quant « à la sagesse des vieux », on ne peut qu’en douter. Cet homme au parcours intellectuel brillant qui peut sans conteste se targuer d’être le sénégalais en vie le plus rompu aux arcanes de la politique ne nous a jamais autant surpris par de grosses bavures que je me garderai bien de rappeler inutilement tellement qu’on nous en gave. Jamais la parole d’un Président de la République n’aura autant perdu de son autorité. Il y a dans ce qui arrive à cet homme quelque chose de tragique, et qui relève d’une tragédie à la hauteur de la solitude du personnage. Dans son ouvrage intitulé Wade : un opposant au pouvoir, l’alternance piégé, le journaliste Abdou Latif Coulibaly rappelait à juste titre cette solitude d’un homme qui a vu ses compagnons s’en aller un à un, qui pour rejoindre Allah le tout puissant, qui pour renflouer les troupes de l’opposition. Alors il s’est entouré d’une jeune équipe, composée en partie (en partie seulement tout de même) de faucons et de…. fo¤¤¤ qui, si jamais naufrage il y aura, en seront bien sûr co-responsables à la seule et grande différence que ce ne sont pas eux que les sénégalais ont élus.

Après avoir perdu « l’ambition des jeunes et la sagesse des vieux », quand bien même il les aurait jamais eues, Wade doit partir d’autant plus que comme aime à le dire le Président Sarkozy lorsqu’on l’interroge sur l’éventualité d’un second mandat, « le temps qu’on met à durer, on le perd à faire ». Il n’y a aucun mal à partir, encore faudrait-il le faire à temps. Wade rêve – légitimement d’ailleurs – de marquer l’histoire de son empreinte : le 19 mars 2000 a été un véritable premier pas en dépit de la perte de légitimité populaire qui s’en est suivie. Il peut encore en faire un autre, en partant à temps, comme le Général De Gaulle en 1969 et le Président Senghor en 1980 : c’est une des marques de fabrique des grands hommes. On objectera tout de même et à juste titre d’ailleurs qu’il lui faudrait trouver un dauphin à nous laisser. L’expérience de ces quatre dernières années laisse cependant transparaître que Wade a du mal à se faire à l’idée d’un numéro 2. Hier Idrissa Seck et aujourd’hui Macky Sall, tous deux anciens N°2 du PDS avant que ce poste maudit ne soit purement et simplement supprimé, l’auront appris à leurs dépens. Parallèlement l’idée d’une succession à l’intérieur du clan des Wade, si elle ne manque pas de souteneurs, n’en demeure pas moins une pilule difficile à avaler pour la démocratie sénégalaise. Mais Wade n’a pas l’air de peser à quel point il détruit sa famille politique et à quel point il s’auto-détruit car la sagesse aurait voulu qu’il laisse le jeu politique se faire à l’intérieur de son parti et qu’il en soit le garant des règles. Le PDS en serait sorti renforcé, plus grandi et plus à même de rester au pouvoir pendant encore cinquante ans selon les vœux du Grand Prêtre. En lieu et place, le parti au pouvoir se perd dans des querelles de chapelle qui entraînent dans le sillage de leurs dérives tout un peuple.

Nicolas Simel