Savoir, c’est bien ; Savoir-apprendre, c’est mieux

La promotion de connaissances, compétences et qualifications critiques est un préalable incontournable à un développement soutenu et durable en Afrique. C’est autour de ce thème que se tiendra en décembre 2011 la Triennale de l’ADEA1 à Ouagadougou. En préparation de cette réunion, l’Association a récemment publié une note stratégique2 à visée pragmatique. Idées et discours autour du rôle de l’éducation et de la formation dans l’essor économique ne manquent pas. Il s’agit ici de savoir quelles orientations concrètes doivent prendre les pouvoirs publics concernant le développement des compétences techniques et professionnelles.

La première recommandation est conceptuelle. Si jusque là la question était traitée en termes d’éducation et de formation, le passage à la notion de compétence est nécessaire, car plus pertinent. Des politiques tournées vers les compétences permettront en effet plus de souplesse et des réponses plus immédiates aux besoins du marché du travail.

Par ailleurs, le système classique d’éducation et de formation se concentre sur l’acquisition de qualifications adaptées à un emploi dans le secteur formel. Il ne dote pas les travailleurs des compétences permettant l’insertion dans l’emploi informel. Pourtant ce dernier représente plus de 80% du taux d’emploi dans nombre de pays africains. A ce jour, seuls le Bénin, le Togo et le Mali ont initié des politiques liant l’apprentissage traditionnel au système formel d’éducation et de formation.

Cela requiert de fait que l’Etat assure la gestion efficace et la cohérence de l’offre de formation. La note cite en exemple le Maroc dont la réforme des programmes de 2008 aurait permis à plus de 50% des diplômés d’accéder à un emploi moins de 9 mois après l’obtention de leur diplôme. L’Etat doit ainsi assurer la qualité de la formation des enseignants qui doivent être dotés non seulement d’une excellente compétence pédagogique, mais aussi d’une expérience du monde du travail.

L’action publique doit aussi encourager une éducation de base solide qui seule permettra aux futurs travailleurs de développer, par la suite, les compétences non-techniques. Celles-là même qui sont indispensables aux activités à forte valeur ajoutée, comme la capacité d’innovation dans les TIC. L’exemple de la Corée du Sud est ici emblématique : enseignement général et formation professionnelle y partagent jusqu’à 75% d’un tronc commun.

Dans l’économie de la connaissance du XXIème siècle, ce que l’on sait compte moins que ce que l’on est capable d’apprendre.

En Ethiopie, au Malawi, au Mozambique et en Zambie, les jeunes connaissent environ cinq années d’inactivité avant de décrocher leur premier emploi. Contrecarrer ce piètre état de fait nécessite, selon l’ADEA, la création de mécanismes de prévision et de suivi des dynamiques du marché du travail. Pourront alors être mis en place des programmes de formation adaptés améliorant l’employabilité des jeunes.
Il faudrait aussi, au regard du peu d’opportunités qu’offre l’économie formelle, éduquer élèves et étudiants à l’entrepreneuriat. Enfin –et c’est sans doute le plus important- toute formation devrait, à côté de l’acquisition de connaissances techniques et spécialisées, « apprendre à apprendre ». Idéalement, le développement des compétences devrait représenter, en Afrique, une page prioritaire des agendas politiques. La note estime que si tel était le cas, cela favoriserait la sécurité de l’emploi, la productivité économique, la prospérité et la cohésion sociale nationale.

Pour lire l’intégralité de la note : http://www.adeanet.org/triennale/basedocs/DOCS/0e80b6bc24d5aaf5edc43c94cca04309.pdf

 

Et sur le même sujet :
http://www.africaneconomicoutlook.org/fr/in-depth/developing-technical-and-vocational-skills-in-africa-2008/financing-technical-and-vocational-skills-development/

 

Tidiane Ly

 

1 Association pour le développement en Afrique 

2 Voir le lien en fin d’article

 

FMI : Et si c’était lui ?

Alors que Dominique Strauss-Kahn prévoit désormais de consacrer tout son temps et toute son énergie à prouver son innocence, la bataille pour lui succéder a démarré en trombe. Les pays européens auxquels le poste revient traditionnellement révèlent déjà les noms des premiers candidats, au premier rang desquels celui de Christine Lagarde parait déjà faire consensus. C’est dans cette atmosphère de connivence que Pravin Gordhan, ministre sud-africain des Finances, a déclaré que « plusieurs candidats de pays en développement seraient crédibles et tout à fait capables de diriger le FMI. »
 
 
L’HOMME DE LA SITUATION
 
Si le ministre sud-africain ne s’est pas avancé à nommer lesdits candidats, de nombreuses voix évoquent un nom jusqu’alors méconnu, Trévor Manuel. L’actuel président de la Commission sud-africaine du Plan a fait ses débuts politiques dans un pays miné par l’Apartheid. Sa couleur de peau métissée –« noire » selon la classification sud-africaine – et son engagement au sein du Congrès National Africain (ANC) lui valent, dans les années 1980, plusieurs allers-retours en prison. Trévor Manuel appartient à cette espèce rare d’hommes d’Etat africains, tenaces par vocation et conviction plutôt que par ambition purement personnelle.
 
Après des études en ingénierie et en droit, il adhère à l’ANC, seule véritable force d’opposition au Parti National afrikaner. Entré dans la vie publique en 1981, il est d’abord Secrétaire général du Comité d’action d’urbanisme. Mais c’est sur les questions économiques que son intérêt se porte plus volontiers. L’abolition de l’apartheid en juin 1991 marque, à cet égard, un tournant décisif dans sa carrière. Il est successivement directeur de la Planification économique, ministre du Commerce et de l’Industrie, puis devient le premier homme de couleur à occuper le poste de ministre des Finances en 1996.
 
Cette expérience le met aux prises avec les spécificités économiques d’un pays en développement (PED). L’Afrique du Sud rencontre à l’époque toutes les difficultés caractéristiques des pays du Sud. Le chômage y atteint les 40%  malgré une forte croissance. Une situation sociale extrêmement tendue y est accentuée par de grandes inégalités de revenus, tandis que le coût du logement plombe le budget des ménages.
 
C’est certainement cette expérience du terrain qui rend la candidature de Trévor Manuel si « crédible ». Le manque de connaissance –parfois même l’ignorance- des particularités économiques et sociales des PED est très souvent reprochée au FMI. Le cas de la Mauritanie est, en ceci, emblématique. L’abandon de la propriété collective des terres qu’y a imposé le FMI a été à l’origine de l’appropriation de ces dernières par une petite poignée de multinationales agroalimentaires. L’exemple mauritanien n’est pas une exception. C’est en fait une ribambelle d’Etats africains (Sénégal, Guinée, Ghana…) qui se sont vus imposer des contraintes assassines par le FMI.
 
LE FMI, DE PLUS EN PLUS DÉCRIÉ PAR LES PAYS AFRICAINS
 
Lorsqu’en 1976 le monde entre dans l’ère des changes flottants, le FMI perd son rôle de stabilisateur du système de change fixe. La page de Bretton Woods tournée, il devient « la banque centrale des banques centrales ». Devenu prêteur en dernier ressort, sa principale mission est désormais d’aider les Etats menacés d’insolvabilité. C’est ainsi qu’au cours de la décennie 1980, suite au retournement de la conjoncture économique mondiale, le FMI se met à focaliser son action sur les pays du Sud. Leur niveau d’endettement est devenu plus qu’inquiétant. Ces nouvelles interventions du Fonds seront un cuisant échec. Elles plongent définitivement la plupart des pays africains dans la fameuse « crise de la dette ».
 
Les populations portent aujourd’hui encore les stigmates de cet épisode économiquement ravageur. Loin de s’être améliorée, l’image du FMI se dégrade chaque jour un peu plus dans les esprits. Novice perpétuel, oublieux du passé, le FMI répète inlassablement les mêmes méthodes escomptant des résultats nouveaux. L’aide conditionnelle est toujours l’occasion d’imposer ouverture des marchés, privatisation, libéralisation du marché du travail… bref, « le consensus de Washington ». Les peuples reprochent au FMI son approche déterministe et statistique dans une Afrique stochastique où règne l’imprévu.
 
En Europe pourtant, la politique du FMI se fait parcimonieuse et s’adapte toujours au mieux aux réalités locales. Dans la crise grecque, ce n’est qu’après une fine concertation avec l’UE qu’il a pris part au Fonds européen de stabilisation (FES). L’Europe a pu choisir librement les modalités du conditionnement de l’aide. Cette différence de traitement n’étonne pas. Le FMI est conçu –et voulu diront les plus cyniques- comme tel par ceux qui le dirigent. Dans La Grande Désillusion, J. E. Stiglitz dénonce l’iniquité qui le caractérise. Le droit de vote censitaire confère aux grands pays une situation hégémonique : 5% des Etats membres détiennent plus de 50% des droits de vote.
 
Les Etats-Unis et l’Europe ont ainsi pu imposer aux 187 pays membres un accord tacite : un Américain préside la Banque mondiale et un Européen le FMI. Dans ce contexte, une présidence assurée par Trevor Manuel représenterait un grand pas en avant. Cela témoignerait de ce que les grandes puissances ont pris acte du fait que les équilibres d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier. Les foyers de la croissance mondiale sont désormais en Asie, en Amérique latine, en Afrique.
 
Les nouvelles règles de gouvernance accordant plus de poids aux PED n’entreront en vigueur qu’en 2012, après l’élection du nouveau directeur général. Ceci représentera un incontestable handicap pour la candidature de Trévor Manuel. D’autant plus que l’Europe est bel et bien déterminée à conserver son pré carré. Jusqu’à présent, aucun pays africain ne s’est officiellement prononcé concernant la candidature de l'ex-ministre des Finances. Sans doute sait-on déjà qu’étant donnée la crise de la zone euro, les chances pour que les dirigeants européens soient portés par un élan démocratique sont quasi-nulles.
 
Tidiane Ly

Fiscalité, la nouvelle frontière du développement

Le retour à reculons de la croissance dans les pays africains inquiète. Croissance fragile, faibles recettes fiscales ; jamais l’un sans l’autre. Favorable, en théorie, aux entreprises et aux investissements, la situation actuelle de la fiscalité pose un problème de poids quant au financement des investissements publics. Au-delà des contraintes que cela impose en matière de politiques budgétaires conjoncturelles, ce sont les Objectifs du millénaire pour le développement qui risquent d’être mis entre parenthèses. Inquiétantes perspectives.
 
       A l’initiative du NEPAD et de l’OCDE, une table ronde a été organisée autour des enjeux de politique fiscale en Afrique. Cette réunion a débuté par un rappel du contexte dans lequel nous nous trouvons, celui d’un accroissement tendanciel des recettes fiscales dans la plupart des pays africains. Alors que depuis les années 1990, elles semblaient vouées à la stagnation, les recettes sont entrées dans une phase de hausse prononcée à partir de 2002 pour aller se jucher au dessus des 25% du PIB de l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne. Cette hausse, reposant essentiellement sur les impôts liés aux ressources naturelles, présente toutefois une volatilité préoccupante à court terme. Les fortes fluctuations du cours des matières premières, en effet, conduit l’OCDE à proposer un élargissement des assiettes fiscales (taxation des industries de téléphonie mobile…).
Contributions des opérateurs de téléphonie mobile aux recettes fiscales nationales (en%)
 

Cet élargissement devrait s’accompagner de politiques visant à amener une part plus importante de la population dans l’économie formelle1. La lutte contre les pertes de recettes au profit des paradis fiscaux, estimées à près de 7,6% du PIB annuel de la région –soit plusieurs centaines de milliards d’euros- devra constituer un autre cheval de bataille. Le rapport affirme que l’ensemble de ces mesures améliorant l’efficacité de la fiscalité permettront de résoudre une grande partie des problèmes de gouvernance du continent.

L’intégralité du rapport : http://www.oecd.org/dataoecd/40/31/44007402.pdf
 
       En complément de ce rapport, nous vous proposons un article des Perspectives économiques en Afrique traitant plus particulièrement de la structure de la fiscalité en Afrique. Plusieurs graphiques y sont illustrés et commentés. On y découvre la grande diversité des structures fiscales du continent. Ainsi, pendant que l’impôt direct constitue le centre névralgique du système sud africain, le Sénégal et l’Ouganda puisent l’essentiel de leurs recettes via des prélèvements indirects. De même, les structures fiscales équilibrées sur lesquelles s’appuient le Kenya et la Mauritanie contrastent nettement avec les systèmes angolais, algérien ou libyen qui reposent sur un seul type de taxe.
 
Composition des recettes fiscales en Afrique: montant perçu pour chaque type d'impôt
 
L’article revient également sur le poids considérable et croissant que représentent les recettes liées aux ressources naturelles. Si ces impôts, politiquement peu coûteux, ont connu une évolution remarquable, ils sont néanmoins d’une bien moindre qualité que les autres formes d’imposition. Rien ne vaut une solide taxe sur la valeur ajoutée judicieusement pensée et appliquée.
 
Vous pourrez lire l’article à cette adresse : http://www.africaneconomicoutlook.org/fr/about-us/
 
Tidiane Ly
 
1 50% des emplois non agricoles en Afrique appartiennent au secteur informel

« Abracadabra ! » Et la monnaie fut

Comme le soulevait déjà le Congrès des économistes africains de Nairobi1, la crise macroéconomique mondiale a débouché, en Afrique, sur une détérioration dramatique de la condition sociale des populations. Renforcement du couple pauvreté de masse-chômage, délitement des filets de protection, dégradation des services publics, la crise a belle et bien envahit le champ social. Une contraction de l’activité économique ne devient préoccupante qu’à partir du moment où elle affecte le quotidien des personnes. Autant dire que l’heure est à la préoccupation ! Le professeur Moustapha Kassé2 avance l’idée selon laquelle une relance de l’intégration régionale permettrait de transfigurer la crise actuelle en une heureuse destruction-créatrice. L’un des premiers postes de cette relance serait la création en Afrique d’une (ou plusieurs) monnaie(s) unique(s). Ceci sonnerait le glas du franc CFA : une véritable révolution en perspectives. A travers Le « franc des colonies françaises d’Afrique » et Faut-il enterrer le franc CFA ? l’auteur des présentes lignes a tenté d’établir que cette révolution était plus que nécessaire. Mais dire qu’elle est nécessaire ne suffit bien sûr pas. Encore faut-il en sous-peser les risques, bienfaits et conditions de réalisation. Pour créer une monnaie, il ne suffit pas d’une formule magique.

  >  L’idée de dévaluation compétitive en fait rêver plus d’un
 
La première question que soulève le remplacement du franc CFA par une monnaie unique africaine est celle du régime de change à adopter. On oublie souvent que le taux de change, prix d’une monnaie exprimé en devise étrangère (1 franc CFA= 0,15 centimes d’euro), n’est pas soit fixe soit flexible. Une myriade de régimes existe entre ces deux extrêmes : ancrage à un panier de monnaies, bande de fluctuation, parité fixe ajustable… Ainsi le Botswana est-il passé d’un système fixe lié au rand sud africain à un régime fixe ajustable adossé à un panier de monnaies dans lequel le rand tient une place prépondérante. Inutile de préciser que le pula botswanais n’est pas étranger à la vigoureuse santé économique du premier exportateur mondial de diamants. Le choix d’un bon système de change peut bouleverser la donne économique d’un pays. Concernant les pays de la zone franc, la création d’une monnaie africaine au change flexible –option la plus prisée des analystes- permettrait de démuseler la politique de change.
 
L’idée de dévaluations compétitives menées par les pays de l’actuelle zone franc en fait rêver plus d’un. En abaissant ainsi le cours de leur monnaie, ces pays permettrait à un Japonais, par exemple, détenant une quantité donnée de yen d’acheter davantage de monnaie africaine et donc de biens africains. Belle manière de stimuler les exportations ! Ne sombrons toutefois pas dans l’idyllisme ; la flexibilité du taux de change a, comme toute chose, son lot de risques. Une monnaie fragile dont le cours fluctuerait librement au gré de l’offre et de la demande serait nécessairement sujette à des attaques spéculatives. La solidité est, on le voit, une condition sine qua non de la création d’une monnaie unique africaine.
 
Ayant fait fi de la garantie du Trésor public français, la future Banque centrale africaine (BCA) devra faire ses preuves en terme de crédibilité. Dans l’univers des taux de change, ce sont les anticipations des agents qui font la réalité. Si les marchés croient la monnaie africaine fragile, elle le sera de fait. Un poids considérable pèsera sur les épaules de la future BCA. Elle devra donc être indépendante pour ne pas subir les velléités pour le moins irresponsables des chefs d’Etat africains. Cette indépendance ne devra cependant pas s’imposer au détriment de la responsabilité démocratique de l’institution. Il faudra qu’à échéances régulières, la future BCA rende compte de ses actions devant les Parlements nationaux.

  >  La définition des objectifs de la BCA suscitera d’âpres débats
 
Jusqu’à présent BCEAO et BEAC avaient pour seule mission de soutenir la parité entre le franc CFA et l’euro. Emancipée de cet objectif, la future BCA se verra attribuer de nouvelles missions. Leur définition suscitera, sans aucun doute, d’âpres débats opposant non seulement les spécialistes mais aussi les dirigeants politiques, voire les citoyens entre eux. Le mandat de la BCA visera-t-il la maîtrise de l’inflation, la réduction du chômage ou bien le contrôle du solde extérieur ? La séance est ouverte. Face à cette politique monétaire unique, une multitude de politiques budgétaires coexisteront. Une coordination de l’ensemble sera absolument indispensable. Le Pacte de convergence et de stabilité créé en 1999 pourra servir de point d’appui pour le renforcement de la coordination et des coopérations. Mais le désir de coopération ne suffira pas. Encore faudra-t-il une fois encore définir les missions des politiques budgétaires : stabilisation de l’activité, allocation des ressources, redistribution interrégionale…
 
La création d’une monnaie unique africaine nécessite donc de procéder méthodiquement, par étape. Elle « ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. » Cette phrase issue de l’inoubliable discours de Robert Schuman à propos de l’Europe résume à merveille la voie que doivent emprunter les autorités africaines si elles souhaitent remplacer le franc CFA par une monnaie africaine. Ce n’est qu’au terme de cette lente construction que les pays de l’ex-zone CFA pourront profiter d’un développement économique accéléré. L’illusion de la stabilité entretenue par la rigidité du taux de change laissera place à l’innovation et au développement de techniques de gestion du risque. Il en résultera assurément un développement sans précédent du secteur financier en Afrique3.
 
L’idée de sortie du système CFA fait aujourd’hui école. Deux conceptions s’opposent néanmoins : la création par chaque Etat de sa propre monnaie et la voie panafricaine d’une monnaie unique. La première représente un risque de morcellement, voire de balkanisation monétaire. Chaque pays africain se retrouverait isolé sur la scène internationale. Cette voie est à éviter à tout prix car le système économique mondial est une monstrueuse machine à broyer les singletons mal armés. La voie panafricaine semble être à la fois la plus plausible et la plus raisonnable. Reste à savoir comment cette révolution s’enclenchera. Passera-t-on par la voie du référendum ou par la consultation des Parlements nationaux ? Nécessaire et inévitable, cette révolution aura lieu. Mais saura-t-on gérer la post-révolution ?
 
 
Tidiane Ly
 
1 Ce congrès s’est déroulé entre lé 2 et le 4 mars 2009 dans la capitale du Kenya
2 Ancien Conseiller Spécial du Président de la République du Sénégal et auteur de Repenser la zone franc
3 Franc CFA : le débat continue, d’Edouard Pépin Taguedong (2007)

Afrique centrale : un possible retour à la croissance

La région de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac) a été durement éprouvée par la crise. Les recettes budgétaires globales issues du pétrole ont subi une forte contraction pendant que le taux de croissance hors pétrole diminuait aussi fortement pour s’établir à 2,5 % en 2010. En ce premier trimestre de l’année 2011, les économies de la région donnent les premiers signes de sortie du marasme.
Afin de mieux appréhender ce début de sortie de crise, l’Uneac1 a récemment publié l’édition 2010 du rapport Les économies de l’Afrique centrale. Ce rapport propose une analyse des changements économiques et sociaux de la région ainsi que des préconisations visant à mettre à profit les enseignements tirés de la récente crise.
 
Alors que les structures économiques actuelles des pays de la CEEAC reposent quasi exclusivement sur l’extraction de ressources naturelles, le rapport met en avant la nécessité de diversifier les structures productives, seule garantie de taux de croissance élevés sur le long terme. Cette diversification progressive devrait permettre aux pays de la région de réduire leur dépendance à l’égard des produits de base. Aussi l’accent est mis aussi bien sur les questions de vulnérabilité que sur la durabilité des options présentées.
 
Le rapport insiste surtout sur les difficultés que continuent de rencontrer la plupart des Etats de la CEEAC, à l’instar du Cameroun ou du Gabon, à mobiliser au mieux les ressources internes. Une meilleure allocation de ces ressources permettrait en effet non seulement d’élargir les structures productives, mais encore de répartir de manière optimale les financements en faveur des secteurs d’activité les plus porteurs.
 
 L’intégralité du rapport se trouve à cette adresse :
 
Tidiane Ly
 
 

Faut-il enterrer le franc CFA ?

Une mère portant au dos son enfant et qui sourit, un paysage d’une beauté brute et sauvage, une danse initiatique dans un village bantou – on entendrait presque l’écho des tambours- voici donc l’Afrique du soleil, l’Afrique des cartes postales, celle que l’on prône parfois pour se rassurer. Nul n’est besoin de rappeler que l’Afrique n’est pas cette image d’Epinal. Elle est toujours ce continent où les peuples se soulèvent, tiraillés par la faim. Elle est toujours cette terre que l’on quitte à contrecœur pour s’éduquer ou travailler. Sont-ce là des perspectives sombres ou d’obscures perceptions ? Le fait est que la situation des pays africains est tout sauf radieuse. Les causes de ces maux sont multiples ; l’une de celles que l’on évoque le plus souvent reste le franc CFA. Certains vont jusqu’à considérer qu’il est le principal responsable du marasme prolongé que connaît le continent. Toutefois, il est de se demander si l’on ne fait pas en cela du franc CFA un bouc émissaire ou si, au contraire, ce dernier est véritablement un instrument de domination freinant toute velléité de sortie de la léthargie dans laquelle l’Afrique s’est enlisée1.

>        Le franc CFA, bien politique ou bien économique ?

Le débat sur le franc CFA prend trop souvent un tour immatériel, tant d’un point de vue économique que symbolique. Pourtant, la réalité du franc CFA est d’abord matérielle et palpable. En tant que monnaie, il est un ciment des relations interhumaines ; l’usage que chacun en fait dépend des habitudes de l’ensemble de la communauté. Ce n’est que parce qu’un grand nombre d’Africains utilisent le franc CFA que ce dernier est reconnu et accepté par chacun. Il est à la fois un bien réseau et un bien collectif. Vecteur de cohésion sociale, sa disponibilité, sa circulation et la préservation de sa valeur sont indispensables à la bonne pratique des échanges.

Le franc CFA est cependant avant tout un bien privé ; une unité monétaire appartient toujours exclusivement à une personne ou un groupe de personnes. En cela, il est une interface entre l’Africain et sa société. Ceci explique que chacun se sente intimement concerné par les questions le concernant. Le franc CFA est enfin un bien politique comme toute monnaie. L’histoire monétaire nous enseigne que tous les souverains et toutes les républiques ont marqué la monnaie de leur sceau, symbole de leur puissance. Bien social, privé et politique, nous percevons désormais mieux les raisons pour lesquelles le franc CFA déchaîne controverses et passions.

La quasi-totalité des débats autour du franc CFA porte néanmoins sur la dimension économique de ce dernier. Pour saisir les enjeux de ces discussions, il faut ici adopter une approche méthodique. Nous devons en premier lieu cerner cet objet économique mal identifié qu’est le franc CFA. Comme toute monnaie, il est un intermédiaire dans l’échange. En tant que nous ne vivons pas dans des sociétés de troc tout échange de marchandises se décompose en deux étapes : la vente (marchandise contre monnaie) et l’achat (monnaie contre marchandise). Le franc CFA ne fait à cet égard que faciliter l’échange, il n’a aucun impact sur la quantité de biens produits par exemple. Cela permet de distinguer deux champs économiques différents : la sphère réelle affectant les échanges, la production, le chômage et la sphère monétaire qui, elle, est neutre vis-à-vis de l’économie réelle.

En tant que simple intermédiaire des échanges, le franc CFA n’a ainsi aucun impact réel sur les économies africaines. C’est une autre de ses fonctions qui en fait un sujet de débat si récurrent, celle de réserve de valeur. Comme J-M. Keynes l’expliquait, la monnaie, en tant qu’elle conserve sa valeur n’est pas toujours détenue en vue de réaliser des achats programmés. Les individus détiennent ainsi des encaisses monétaires oisives. Ce sont précisément ces encaisses qui ont un impact sur les taux d’intérêt, les taux de change et donc sur la production et le chômage. Quelle que soit la complexité des débats, ces derniers renvoient toujours à la fonction de réserve de valeur du franc CFA.

>        Réserves de changes versus convertibilité

Si le franc CFA est un bien particulier en tant que monnaie, il est également une monnaie spécifique. Cette spécificité lui est conférée par un cadre institutionnel issu d’une convention de 1973. Les règles édictées par cette convention font l’objet de quantité de critiques ; elles sont au cœur de toutes les controverses. Elles permettent aux pays de la zone de bénéficier de la convertibilité illimitée des francs CFA en euros à un taux fixe. En contrepartie, les pays de la zone doivent effectuer un dépôt de franc CFA sur un compte d’opération du Trésor public français. Les commentateurs, selon leur position dans le débat, exacerbent soit les bénéfices de la convertibilité soit les inconvénients des dépôts.

La convertibilité illimitée confère aux pays de la zone une crédibilité internationale, rendant leur monnaie plus forte, et leur permet de se procurer des devises afin d’alimenter leurs réserves de change, indispensables pour commercer avec l’extérieur. Quant aux dépôts, ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas là d’une extorsion car les pays africains restent propriétaires de ces fonds qui sont d’ailleurs rémunérés. Ces dépôts permettent aux pays de la zone CFA de constituer des réserves communes et donc de mutualiser les risques encourus en termes de balance des paiements. Toutefois certains économistes rappellent que l’apparente stabilité de ce système est menacée car tandis que les pays débiteurs sont systématiquement les mêmes, les pays structurellement créditeurs, comme le Cameroun et le Gabon, pourraient souhaiter quitter la zone dans un futur proche.

Une représentation caricaturale, et néanmoins assez répandue, consiste à penser que le Trésor français contrôle la politique économique des pays de la zone franc. Ceci est clairement erroné car la politique économique qui agit sur l’ensemble de l’économie ne se cantonne pas à la politique monétaire dont l’impact direct se limite à la sphère monétaire. Or les accords passés avec le Trésor français ont un caractère purement monétaire. Ce à quoi il faut ajouter que le mécanisme du compte d’opération (convertibilité et dépôts) est organisé autour de règles fixée. Son organisation n’est pas laissée à la discrétion du Trésor.

>        Une politique monétaire africaine ?

 

En réalité, les deux institutions cardinales sont les deux banques centrales que sont la BCEAO et la BEAC. Chacune, dans sa zone respective, conserve une marge de manœuvre compte tenu des règles édifiées. En effet, les dépôts obligatoires sur le compte d’opération ne représentent qu’une partie de la base monétaire. Les deux banques centrales sont donc en capacité d’ajuster la liquidité sur les marchés par la création monétaire dont elles ont le monopole. Elles peuvent, par exemple, mener une politique visant à accroître les encaisses monétaires des agents (individus, sociétés financières), ce qui augmentera l’offre de fonds sur les marchés financiers et résultera dans une baisse des taux d’intérêt.

La BCEAO et la BEAC peuvent ainsi mener des politiques de bas taux d’intérêt pour stimuler l’investissement et relancer l’activité. En période de forte inflation, elles augmenteront, à l’inverse, les taux pour freiner la demande. Elles jouent en outre un rôle très important dans le contrôle des banques de second rang et les instituts de crédit. Il n’est de ce fait pas exact d’affirmer que « la France gère la politique monétaire de l’Afrique ».

On met souvent en avant la présence de représentants français dans les Comités de politique monétaires des deux banques centrales. Ceux-ci détiennent effectivement un droit de véto concernant les décisions importantes. Ce droit est très peu utilisé en pratique, ceci permet tout de même de nuancer l’idée d’une autonomie sans entrave de la politique monétaire de la zone franc.

Le dernier point clé du débat est la fixité du taux de change. Empiriquement, on observe que les banques centrales de la zone CFA ont systématiquement cherché à limiter l’inflation au détriment de politiques accommodantes en vue de stimuler l’activité. Ici apparaît la principale critique que l’on pourra faire au système actuel. Ce dernier contraint la zone CFA à conserver des taux d’inflation proches de ceux de la zone euro dont la cible est fixée à un niveau très faible (2%) par les statuts de la BCE. Si le taux d’inflation de la zone CFA venait à excéder durablement celui de la zone euro, nous assisterions à un élargissement des bandes de fluctuations, à des dévaluations répétées et enfin à une disparition de la parité entre le franc CFA et l’euro. Ainsi la BCEAO et la BEAC mènent-elles des politiques monétaristes malgré elles en s’interdisant d’encourager la croissance économique de la zone. Malheureusement, les Etats ne peuvent se substituer à elles étant donné l’état de leurs finances publiques.

Nous avons, à travers la présente étude, tenté d’établir que s’il faut bien sûr faire sa part à la critique, il est vain d’accuser le franc CFA de tous les maux. A en croire certains, il serait responsable et des carences en matière d’éducation et du manque d’écrans plasma dans les foyers. Il n’est pas vrai non plus que le franc CFA est un instrument de domination économique. En permanence on entend l’écho des voix de ceux qui réclament : « L’autonomie monétaire ! L’autonomie monétaire ! » Mais cette autonomie, n’est-elle pas une illusion ? Il n’est de banque centrale, qu’il s’agisse de la BCE, de la BOJ ou même de la Fed, qui ne soit soumise à des règles et aux contraintes du marché. A vrai dire, le franc CFA est bien un instrument de domination, mais cette domination est symbolique et culturelle. C’est pourquoi la création d’une monnaie unique africaine est cruciale. Cependant, ceci ne doit pas être réalisé sous le coup de l’émotion et de la précipitation car, bien souvent, les visées utopistes s’accommodent mal des réalités concrètes.

Tidiane Ly


 
1Faut-il enterrer le franc CFA ? est le second article d’une trilogie dont les deux autres articles sont : Le « franc des colonies françaises d’Afrique » et « Abracadabra ! » Et la monnaie fut.


« Le marché bancaire en Afrique n’est plus un exotisme »

Le secteur bancaire en Afrique subsaharienne connaît actuellement ce que l’on n’hésite déjà plus à qualifier de « révolution ». Dans un article paru aux Echos, Daniel Bastien offre une analyse très pertinente de ce formidable essor naissant.

Le siège de la Zenith Bank au NigériaL’auteur explique qu’en raison de la faible implantation d’agences bancaires de proximité et de règles souvent trop rigides (solde minimum, frais élevés), le taux de bancarisation de la population s’est maintenu au niveau particulièrement faible de 10%. Le patrimoine des ménages ruraux est ainsi détenu à 80% sous forme d’actifs non financiers ; le bétail est largement utilisé comme réserve de valeur.

Parallèlement, les pays de la région connaissent un fort dynamisme économique. L’auteur désigne quatre causes principales à cela :

  • la croissance démographique
  • le boom des échanges
  • les délocalisations vers le continent
  • les transferts des migrants

Cette expansion, ainsi que les perspectives de croissance à venir, font de la région une zone privilégiée par les banques. Celle-ci était jusqu’alors un secteur cloisonné où quelques gros acteurs (Barclays, Standard Chartered) monopolisaient l’activité, accordant de petits prêts coûteux. Cependant, l’augmentation récente des rendements anticipés par les institutions financières a ouvert le marché à la concurrence. Nombre de banques africaines comme la United Bank for Africa (Nigeria) ou la BIM (Mali) déploient désormais leur activité dans toute la région.

Daniel Bastien met en évidence les retombées positives de cette concurrence nouvelle. Elle « nettoie le marché », permet des regroupements (et partant, des économies d’échelles) ; elle suscite également la création de nouveaux métiers, tout en professionnalisant les populations.

Vous trouverez l’intégralité de l’article de Daniel Bastien ici : www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/actu/020979573863.htm

Tidiane Ly

Franc CFA : Controverse symbolique ou ineptie économique ?

C’est l’histoire d’un roi qui pendant plus de cinq décennies régna sans partage sur tout un pan de continent. Assi paisiblement sur son trône depuis tout ce temps, rien ne l’a jusqu’alors véritablement inquiété. Rien, sauf ce vague écho qui se fait entendre depuis peu. Un bruit sourd et puissant, si familier aux grands monarques : celui des séditions. De plus en plus de décideurs politiques et d’intellectuels partout à travers le monde souhaitent mettre fin au « règne » du franc CFA. Vestige d’une époque révolue, symbole insupportable d’un lien de dépendance à anéantir, cette monnaie serait une plaie pour les pays africains de la zone franc. D’autres considèrent que l’on sous-estime la nécessité économique du franc CFA. Chacun des 14 pays africains l’utilisant serait parfaitement libre de créer sa propre monnaie, s’il le souhaitait. Pourtant, malgré les récriminations, le statu quo perdure. Faut-il, ou non, mettre fin au franc CFA ? La question demeure.

Ce texte est le premier d’une série de trois articles sur le franc CFA. Ce premier article aborde le sujet de manière historique. Le second se focalisera sur les arguments en faveur ou à l’encontre du maintien du franc CFA. Enfin, le troisième touchera au cœur du débat actuel sur la création d’une « monnaie unique africaine ». Nous souhaitons que le lecteur trouve dans ces travaux des éléments de réflexion plutôt que les positionnements personnels de l’auteur. Cependant, il n’est pas d’écrit parfaitement dénué de subjectivité. Nous espérons donc que les points de divergence alimenteront la discussion. .

Le « franc des colonies françaises d’Afrique »

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Entrer dans le débat sur le franc CFA sans avoir en tête quelques éléments historiques ayant présidé à son émergence, puis à son développement nous paraît être une grave erreur. C’est la porte ouverte aux discours passionnés et peu réfléchis. La question est on ne peu plus sérieuse, soyons donc méthodique.

Dans l’après-midi du 26 décembre 1945, une nouvelle monnaie est née : le Franc des colonies françaises d’Afrique –ou franc CFA, pour les intimes. La France vient de ratifier les accords de Bretton Woods et souhaite restaurer dans les plus brefs délais son autorité monétaire sur ses colonies africaines. Pendant la guerre, nombre d’entre elles ont, en effet, soit émis des monnaies gagées sur le dollar soit adopté celle de l’occupant. La parité de la nouvelle monnaie est fixe –sa valeur est fixée à 2 centimes de francs- et sa convertibilité en francs est libre1. Dès lors, un lien solide se tisse entre les deux monnaies : toute émission de franc CFA revient à accroître la quantité de francs en circulation. C’est précisément ce lien d’interdépendance qui est à l’origine d’un certain « paternalisme monétaire » dont nous ne sommes toujours pas sortis aujourd’hui. Ainsi, dès cette époque, la Banque de France s’est engagée à fournir des devises en cas de besoin, pour préserver la stabilité du franc CFA.

En 1962, le Mali se retire de la zone franc. Cet acte, loin d’être anodin, est symptomatique d’une époque. Les mentalités changent profondément durant la période de décolonisation. L’idée qu’une indépendance véritable doit non seulement être institutionnelle mais également économique émerge. En clair, pas d’autonomie sans pouvoir monétaire. Pour apaiser ce climat de tensions, le franc CFA est renommé « franc de la Communauté française d’Afrique » en 1958. Toutefois, le retour volontaire du Mali dans la zone franc en 1984 inaugure une étape nouvelle. On sait désormais que si l’autonomie monétaire est une chose, le succès économique en est une autre. Le rejet systématique de ce qui vient de France aliène plus que cela ne libère. Il faut faire sien ce qui nous est profitable et refuser ce qui ne l’est pas ; là est la véritable autonomie. Aussi la zone franc a-t-elle perduré jusqu’à aujourd’hui.

Si elle a depuis connu plusieurs transformations, la plus considérable d’entre elles est sa scission en deux zones monétaires distinctes en 1994 : l’UEMOA2 et la CEMAC 3. A ces deux zones correspondent deux monnaies différentes émises par deux institutions bien distinctes. La BCEAO4 émet le « franc de la communauté financière d’Afrique », tandis que la BEAC5 imprime le « franc de la coopération financière d’Afrique centrale ». Ainsi, contrairement à l’impression que l’on pourrait s’en faire, ni le franc CFA ni la zone franc ne constituent un univers monolithique. Conserver cela à l’esprit permettrait de nuancer quantité de discours animés sur « LE franc CFA » qui, perdant toute réalité tangible, finit par n’être plus qu’un symbole où chacun y met son grain de passion.

Quoi que l’on en dise, considéré dans son versant historique, le franc CFA restera toujours marqué du sceau du colonialisme. Quelle que soient les dénominations qu’il empruntera, il restera gravé dans les mémoires comme le « franc des colonies françaises d’Afrique ». Néanmoins, l’exemple du Mali, tout comme celui d’autres pays ayant rejoint la zone franc de leur plein gré, à l’instar de la Guinée Bissau (1997), incite à la modération. Force est de constater que certains Etats y trouvent apparemment leur intérêt. Quels peuvent être ces avantages ? Par quels inconvénients sont-ils pondérés ? Et dans l’ensemble, les bénéfices l’emportent-ils ? C’est ce que nous étudierons dans notre prochain article : Faut-il enterrer le franc CFA ?

Tidiane Ly

1 la libre convertibilité ne disparaîtra qu’en 1993 2 UEMOA : l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Bénin, Burkina Faso, Côte d’ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) 3 CEMAC : Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad) 4 BCEAO : Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest 5 BEAC : Banque des Etats de l’Afrique centrale

Elections sous tensions en Centrafrique

Ce dimanche 23 janvier 2011 au matin ont débuté les élections présidentielles et législatives en Centrafrique. Reportées déjà deux fois, ces élections se déroulent dans un climat de fortes tensions. Suite à un exil de six années au Togo, l’ancien président Ange-Félix Patassé est de retour spécialement pour l’occasion. Il souhaite reprendre les rênes du pays à celui-là même qui les lui a ravies en 2003 suite à un coup d’état, François Bozizé.

Réélu en 2005 au suffrage universel, F. Bozizé est de nouveau annoncé comme étant celui des cinq candidats ayant le plus de chances de l’emporter. L’une des principales réussites de son mandat est l’assainissement des finances publiques. Continue reading « Elections sous tensions en Centrafrique »

Lettre ouverte à l’intelligentsia africaine

Monsieur,

Les maux, l’Afrique les accumule, les entasse, ne sait plus où les mettre tant ils abondent. Comment ? Me demanderait-on d’en citer quelques-uns ? Je n’en prendrai guère la peine car il suffit de prêter l’oreille à l’allocution du premier conférencier africain venu pour en entendre la liste plus qu’exhaustive. C’est vrai que pour vous plaindre de la situation de notre continent, vous êtes doué, cher maître. Et l’éloquence dont vous faîtes preuve pour en énumérer les responsables, ces impardonnables fautifs, est des plus grandes. Mais asseyez-vous donc sur ce banc, je vous prie, que je vous dise ce que je pense de vous. Non, vous ne vous trompez pas, il s’agit non d’une estrade mais bien du banc des accusés.

Pensez-bien que ce n’est pas vous particulièrement que je vise mais toute cette catégorie d’Africains que vous représentez. Tous ces savants et spécialistes, issus des branches les plus diverses, qui se complaisent dans une posture d’observateurs intransigeants vis-à-vis de l’Afrique, pour peu qu’ils s’en préoccupent. Comment pourriez-vous être le seul en accusation lorsque l’on sait la quantité d’experts africains disséminés ça et là, à travers le monde ? Continue reading « Lettre ouverte à l’intelligentsia africaine »