Les TIC pour développer l’agriculture en Afrique sub-saharienne

inclusion_financièreIl est dit que l’argent serait le nerf de la guerre mais aujourd’hui, tout porte à croire que c’est plutôt l’information. En effet, il suffit d’observer la vitesse à laquelle se propage l’information sous toutes ses formes en ce 21e siècle. Avec le développement d’internet, de milliers de machines interconnectées échangent entre elles d’énormes quantités d’informations. En Afrique, le nombre d’abonnés au téléphone mobile connaît une croissance exponentielle entre les années 2000 et 2011. La question naturelle qui se pose est celle de l’utilité de ces échanges et de ces données pour l’amélioration des différents secteurs de l’économie, particulièrement en Afrique sub-saharienne. Cet article traitant des TIC et de l’agriculture est le premier d’une série qui se propose de présenter l’impact du développement des TIC sur les différents secteurs de l’activité économique.       

La nécessité du développement agricole

L’urgence du développement de l’agriculture en Afrique peut être appréhendée sous deux angles. D’une part, l’Afrique subsaharienne est le continent le plus vulnérable et le plus touché par la famine. Selon les Nations Unies,  la crise alimentaire qui a frappé la somalie entre 2010 et 2012 a entrainé le décès de 260 000 personnes dont la moitié sont des enfants. Ces chiffres laissent entrevoir l’urgence pour les gouvernements africains de garantir une sécurité alimentaire aux populations. D’autre part, l’Afrique dispose d’un fort potentiel agricole. En effet, la forte population jeune du continent peut être convertie en une main d’œuvre qualifiée. Ajouté à cela, le continent dispose de milliers de kilomètres carrés cultivables non exploités. Même si des efforts louables sont consentis dans plusieurs pays, l’agriculture en Afrique reste embryonnaire et sujette à de nombreux fléaux. Au nombre de ceux-ci, nous citons la perte de productivité des sols, la non maîtrise de l’eau ainsi que des techniques culturales modernes par les paysans  etc. A tous ces maux s’ajoutent un contexte mondial défavorable à l’écoulement des produits.

Il devient impérieux pour les autorités africaines de développer le secteur agricole au moins pour garantir la sécurité alimentaire, ou mieux, l’autosuffisance. Ceci doit passer en premier lieu par la valorisation des potentialités du contient. Booster l’agriculture en Afrique constitue également une solution aux déséquilibres macroéconomiques auxquels font face les différents pays. Par exemple, la valorisation de la population jeune réduirait le chômage en augmentant la production agricole. Cette augmentation de la production ne peut avoir qu’un impact positif sur la création totale de richesse (PIB) dans le pays ou plus généralement, à l’échelle continentale. Les Etats africains peuvent donc oser miser sur l’agriculture. D’ailleurs, les ressources de base sont disponibles : la terre et les hommes.

Quel serait l’apport des TIC ?

L’apport des TIC au développement agricole se matérialise dans différents domaines. Les possibilités offertes sont très vastes et diversifiés.

La disponibilité de l’information : grâce aux TIC, les autorités étatiques peuvent disposer d’une base de données actualisée des indicateurs de performances agricoles. L’utilité de celle-ci est la prise de décisions stratégiques dans l’orientation des politiques de développement du secteur. En plus de cela, une base de données commune à l’échelle nationale évite la redondance de l’information en améliorant la fiabilité de celle-ci. En plus de la fourniture d’informations, ce genre de système permet aussi des analyses prospectives pour la planification. Le Kenya avec son système DrumNet en est un bon exemple.

Le rôle de la technologie mobile : la téléphonie mobile occupe une place grandissante dans le quotidien des ménages africains. Les ménages agricoles peuvent utiliser cette technologie pour le développement de leur activité. En effet, les Smartphones dotés de wifi, GPS, capacité de stockage etc. sont des outils pouvant servir au stockage d’informations à la base. Grâce à l’interconnexion des machines, cette information peut facilement remonter au niveau agrégé pour servir de base de données utilisable même en temps réel. USAID et la fondation Bill & Melinda Gates, à travers le lancement du mFarmer Initiative Fund se sont engagés à soutenir les pays qui mettraient en œuvre des projets de développement agricoles via la technologie mobile.

Une meilleure gestion des risques agricoles : La parfaite intégration des TIC au secteur agricole met à disposition des paysans toutes les informations météorologiques nécessaires. Ceci permet une réduction importante des risques de destructions des cultures par les catastrophes naturelles. Notons que ce point est très important surtout en Afrique où sévit la sécheresse, les pluies diluviennes, les crickets pèlerins etc. Ces fléaux ont causé et continuent de causer d’importantes pertes de production.

La fourniture des matières premières et l’écoulement des produits : Les TIC permettent aux agriculteurs d’avoir accès au marché et de s’informer sur les cours des différents produits. Ceci leur permet dans un premier temps d’éviter des crises de surproduction ou de sous-production puisqu’ayant analysé toutes les variables du marché (offre, demande et prix). En plus de cela, les paysans à travers l’e-commerce peuvent directement passer les commandes de semences, d’engrais etc. et trouver facilement des débouchées pour leurs produits. Ceci contribue dans une large mesure à l’amélioration du revenu des ménages agricoles.

Le développement des TIC est une réalité incontournable au 21e siècle. L’Afrique sub-saharienne, bien qu’ayant accusé du retard par rapport aux nouveaux développements du secteur bénéficie d’une panoplie non négligeable d’outils qui pourraient servir au développement du système agricole. L’agriculture est l’un des secteur les plus dynamique de la plupart des économies du continent et son développement pourrait impacter sensiblement celui de l’activité économique globale des pays. Les autorités devraient donc booster ce secteur en valorisant les ressources disponibles (terres et ressources humaines) en s’appuyant sur le développement des nouvelles technologies. Ceci pourrait commencer par la mise en place d’une base de données territorialisée des indicateurs agricoles et le développement des technologies mobiles. Ceci permet de mieux orienter les projets de développement agricole, limiter les risques dans le secteur et faciliter les interactions sur le marché. La mise en œuvre de telles politiques nécessite naturellement la formation des paysans à l’utilisation des TIC. Les TIC eux-mêmes peuvent être d’un grand apport dans cette formation et plus généralement dans le secteur de l’éducation. Un zoom sur ce secteur fera l’objet du second article de cette série.

Brice Baem BAGOA

Références :

BAD : The Transformational Use of Information and Communication Technologies in Africa

The World Bank : ICT IN AGRICULTURE : Connecting  Smallholders to Knowledge, Networks, and Institutions

Il faut dire l’Afrique

lion_afriquePeut-on être gai sans être haïssable devant l’enchaînement des actualités africaines de ces derniers jours ? Peut-il y avoir un seul motif de joie devant la mort allègre qui sème et récolte avec abondance au Congo, terre de malheur presqu’oubliée ? Faut-il se résigner devant le viol qui y prospère comme l’un des seuls langages entre hommes et femmes ? Peut-on se bander les yeux, au motif de frontières éloignées, devant les charniers centrafricains et ne s’émouvoir que par à-coup ? Peut-on se réfugier dans le silence, devant la famine qui vide les êtres au Soudan, en Somalie et très certainement ailleurs ? Faut-il que l’on confie tout à la bonne grâce de la prière pour échapper à la malheureuse élection du virus Ebola, du choléra au nord Cameroun et des tarifs habituels de la malaria et du Sida ? Devons-nous renoncer à notre humanité, en excluant les homosexuels de notre communauté, en les soumettant à la haine, comme on semble prêt à l’accepter en Ouganda, au Sénégal et sûrement ailleurs ? Peut-on – plus grave – s’habituer aux sévices quotidiens de la pauvreté, celle qui n’a pas de dommages particulièrement apparents, comme trois quarts du continent en sont familiers ? Dois-je continuer l’énumération en mentionnant des embarcations clandestines qui échouent en mer sans que les médias ne les relayent, morts omis ; morts inexistants? Et les enfants soldats ? Et les albinos ? Et les excisées ? Et les fanatiques ? Et bien d’autres. Bien d’autres pépinières à malheur fleurissant sous les flots de litres de sangs versés ?

Voilà les sujets urgents du continent. Les plus saillants. Il faut infatigablement en parler. Ne pas s’en indigner à la façon d’un émoi passager. Ne pas seulement les dénoncer. Mais surtout l’avoir à la conscience, constamment, comme un marqueur, une dissuasion mémorielle.

J’ai essayé pendant très longtemps de m’aguerrir à la lâcheté pour me dérober au devoir d’émotion, plus encore au devoir de compassion, mais surtout, au devoir d’agir devant les tragédies africaines. On ne peut se dérober même avec tout le détachement du monde, c’est la leçon que j’en ai tirée. Et c’est heureux. Quand on ne peut être indifférent, on se doit de prendre parti. Ca doit être le parti de la lucidité.

En conséquence, il faut assumer de front. Il faut inlassablement écrire l’Afrique. L’écrire veut dire la restituer telle qu’elle est. La raconter. La dire et non la déclamer. L’écrire et non la romancer. Ni la projeter. Ni la maquiller de nos espoirs et de nos rêves.  Il faut la photographier. Cristalliser des clichés secs et froids sur sa vérité. Les placarder à la mémoire. Garder cette distance qui n’est pas défaut d’amour, mais amour de la vérité. Il faut qu’ils soient le miroir quotidien, ce rappel constant de l’horreur à nos portes, l’alerte quotidienne du devoir de rectifier le tir. C’est une étape préalable à toutes les autres reconstructrices, celles par exemple motrices d’un changement. Et, c’est justement parce qu’on s’est habitué au drame, que nos indignations margent à la périphérie, que notre refus de plonger la main dans le pus de la plaie s’est développé, qu’on s’est familiarisé avec les chaos qui pullulent, qu’on a dévalué la mort, et qu’on se retrouve à renier les fruits de nos propres inconséquences.

Le passage actuel dans le calendrier africain n’est pas tellement exceptionnel. Les hoquets et les répétitions de l’histoire sont cruels. L’euphorie des indépendances a été douchée par les années 80 ET 90. Presque quinze ans après 2000, après des promesses économiques mirobolantes, le creux se rouvre parce qu’en réalité il ne s’est jamais réellement fermé. C’est cette curiosité entre des performances économiques à entr’apercevoir, l’avenir démographique du continent qui le place d’emblée en territoire de convoitise, les prédictions des financiers sur le potentiel présent et en même temps la réalité de massacres réguliers qui m’interpelle. L’Afrique n’a jamais été autant vantée, qu’au milieu de ses cadavres. Les classes moyennes naissent-elles du fumier des morts, alors ? J’ai toujours été plus sensible au drame des enfants des rues au Sénégal qu’à l’embourgeoisement d’une très minoritaire élite financière dakaroise. Les mirages de la croissance africaine sont des fantasmes qui obstruent la réelle vue qu’offre le continent.

Je ne crois donc pas à la thérapie de l’économie. Tout au plus, elle n’est que la subalterne de la thérapie culturelle. Il faut dire l’Afrique. Repointer les diagnostics sans les enjoliver. Disqualifier l’espoir comme un acquit et le laisser aux rêves. Faire taire les diagrammes mensongers. Se rendre compte des tendances idéologiques lourdes qui y président aux fléaux. N’éprouver aucun complexe à voir son bout de nombril ensanglanté, car, même si les siècles de colonisation et leurs bébés racistes ont bâillonné la parole sur le sujet, les problèmes africains sont d’abord et surtout culturels et sociétaux. L’économie n’en est que le produit. C’est à cette lessive familiale que j’invite. Elle est le préalable que l’on a toujours jeté sous le tapis. Ecrire l’Afrique, c’est souhaiter que toutes ces forces en idées, intellectuelles, politiques, s’orientent vers les mobiles intérieurs de nos problèmes, sans le laisser griser ni par le devoir d’optimisme, ni par les frémissements économiques définitivement nuls devant le présent spectacle.

Il faut dire l’Afrique avec une continue gravité. On ne le fait pas assez à l’intérieur. 

Assurer la pérennité des systèmes de retraite en Afrique

2513399_680bf73e-6742-11e2-912f-00151780182c_640x280Bien que disposant d’une population relativement jeune, le système de soutien aux personnes âgées s’effrite de plus en plus en Afrique. Une situation qui se dégrade de plus en plus avec le recul de la mortalité. Selon l’Association Internationale de la Sécurité Sociale (AISS), il y a environ 40 millions de personnes âgées d’au moins 60 ans (âge à la retraite dans de nombreux pays)  sur le continent, et seulement 5% des actifs contribuent affectivement à un régime de retraite en Afrique subsaharienne[1]. Ce chiffre devrait doubler en 2030 et atteindre les 200 millions en 2050. La couverture actuelle des régimes de retraite est très faible (figure 2) et est réservée en grande partie aux fonctionnaires de l’Etat, des organismes internationaux et aux salariés du privé formel. Si rien n’est fait, c’est tout le système de retraite actuel qui s’effondrera avec des conséquences fâcheuses. La question du financement des retraites devient ainsi vitale.  Cet article se propose d’analyse les causes de cette situation pour en identifier les approches de solutions.

Les régimes de retraite en Afrique ont été instaurés à l’époque coloniale et étaient destinés aux fonctionnaires des Etats. Des différences de traitement se notaient cependant entre les fonctionnaires expatriés et ceux locaux. Aux lendemains des indépendances, les structures coloniales ont été maintenues presque partout. Dans le privé, les régimes obligatoires n’existent que dans quelques pays dont l’Afrique du Sud, l’Algérie et le Rwanda[2]. Dans les autres pays, des régimes volontaires sont créés à l’initiative de certaines entreprises. Ce groupe de fonctionnaires et de travailleurs du privé formel peut être considéré comme celui des privilégiés, car représentant une faible part de l’ensemble des travailleurs.

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Evolution des regimes de retraite en Afrique

Malgré des taux de croissance relativement élevés, l’Afrique possède l’économie la moins développée (2.4% du PIB mondial en 2012). C’est également le continent affichant le plus fort taux de chômage, principalement chez les jeunes (20% en 2011, selon le BIT). De plus, les Politiques d’Ajustement Structurels (PAS) menées dans les années 80 ont limité le recrutement des agents sur des années. Ainsi, la capacité des actifs à cotiser pour les inactifs retraités s’amenuise progressivement. Par exemple au Sénégal, dans les années 70, six salariés cotisaient pour un retraité. Ce ratio est passé à deux pour un en 2010. Toujours en 2010, la caisse des agents de l’Etat de la Côte d’Ivoire affichait un déficit de 53 milliards de FCFA. Les déséquilibres entre cotisations et paiements font que dans plusieurs cas, c’est la viabilité financière même du système qui est menacée.

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Couverture de la securite sociale en Afrique

L’informel occupe encore une place très importante en Afrique avec près de 90% de création d’emplois, selon la Banque Mondiale. Dans l’informel, le non-respect des droits des salariés et  de leurs obligations envers l’Etat contribuent à la faible couverture observée des régimes de retraite. En 2012, selon la Banque Mondiale, à peine 2% de la population active était couverte au Burkina contre environ 5% au Togo et 35% à l’île Maurice.

Il faut, par ailleurs, reconnaitre qu’en Afrique les populations ont rarement une vision de long terme. Il existe un manque cruel de (d’auto) projection dans le futur de la part des travailleurs et par ricochet, d’épargne en vue d’une consommation différée dans le long terme. La pauvreté aidant, la plupart de la population ne cherche qu’à répondre aux problèmes journaliers et de très court terme.

Même si il est admis que la solidarité est en Afrique une valeur fondamentale, elle est généralement limitée à la famille élargie, au village, à l’ethnie. Il ne s’agit pas d’une solidarité nationale intergénérationnelle comme celle qui fonde les systèmes de sécurité sociale occidentaux. 

La réflexion sur les approches de solutions peut s’insérer dans plusieurs dimensions. D’abord, quel type de régime de retraite est le plus adapté en Afrique ? Un système par capitalisation où chacun cotise pour lui-même ce qu’il touchera à sa retraite ? Ou plutôt un système par répartition où les travailleurs actuels cotisent pour les retraités actuels et ainsi de suite? L’un et l’autre présente des limites mais aussi des avantages. Le plus important est de veiller à la bonne gestion financière des organismes de sécurité sociale et de s’assurer de couvrir une grande partie des actifs. Et pour y arriver, on peut concevoir des régimes sur mesure pour différentes catégories professionnelles, comme c’est le cas en Tunisie avec un taux de couverture des actifs d’environ 80% en 2004. De plus, la mise en place de systèmes d’information novateurs pour la gestion et le suivi des pensions permettra à la fois de réduire les délais de paiement ainsi que les risques de fraude. Plus important encore, la réduction du chômage et la couverture de l’informel contribueraient grandement, à élargir l’assiette  de même que le taux de cotisation des systèmes de retraite actuels. Les entreprises de l’informel paient généralement un impôt ‘’libératoire’’ sur lequel on pourrait effectuer de petits prélèvements à déposer dans une caisse de retraite. Dans le même temps une promotion des institutions de micro-finance avec des produits attractifs pour les personnes moins aisées aidera à compléter et diversifier les  sources de financement de la sécurité sociale pour personnes âgées.

Le chantier est vaste et une détermination politique forte est nécessaire, avec la contribution des entreprises, afin de réduire les risques sociaux liées à la vétusté des régimes de retraite en Afrique.

Teico Kadadji


[1] World Social Security Report 2010/11, AISS/SSA et rapport du BIT La sécurité sociale pour la justice sociale et une mondialisation équitable

 

 

 

[2] L’Observatoire des Retraites, Les retraites dans le monde, Mai 2013 – N°19

 

 

 

Pourquoi les banques africaines s’intéressent-elles désormais aux PME ?

africa-business-7Les PME du continent ont du mal à se financer auprès du système bancaire. Ces difficultés que rencontrent les PME du continent quant à l’accès au financement bancaire, constituent un frein à leur développement et empêchent dans une certaine mesure une croissance inclusive des économies, en limitant entre autres, la création d'emplois, problématique fondamentale de nos Etats. La crise financière de 2008-2009 a par ailleurs, accentuée cette aversion des banques aux PME. Toutefois, ces dernières années, on constate une volonté manifeste des banques à financer ces entreprises, qui représentent en moyenne 90% du secteur privé africain. En effet, le ratio crédit au secteur privé sur PIB a sensiblement évolué, en passant de 10% en moyenne dans les années 1990 à 47.2% en 2012 dans des pays comme la Namibie (sources : Banque Mondiale). Même si ce taux demeure encore faible dans certains pays, la tendance haussière constatée devrait se confirmer dans les années à venir, du fait d’importantes évolutions dans le secteur bancaire africain. Cet article se propose d’analyser ces facteurs qui pourraient contribuer à cette hausse.

La concurrence accrue dans le secteur bancaire

 La démocratisation du secteur bancaire africain, qui pendant longtemps était la chasse gardée de grands groupes bancaires occidentaux, couplée à l’émergence de marchés régionaux a favorisé le développement de banques africaines à statures régionales, avec un large réseau de filiales. En veut pour preuve, l’augmentation du nombre de banques dans l’UEMOA. En effet dans cette partie du continent, 106 banques ont été recensées en 2012 contre 64 en 2000, selon la Commission bancaire de l’UEMOA. Ces filiales des grands groupes qui se multiplient, se livrent sur leur marché local une concurrence acharnée. Ce qui oblige les protagonistes, que sont ces banques, à élaborer des stratégies de développement reposant en particulier sur la diversification de leur clientèle. Pour se développer, elles sont contraintes de pénétrer des marchés plus risqués, tel que celui des PME, qui constituent de véritable relais de croissance. Au Mali par exemple, la BOA a institué un département spécialisé dans le traitement des dossiers de crédits des PME, d’autres banques lui ont par la suite emboité le pas. Ceci, dénote de l’intérêt croissant pour ce segment. Un intérêt qui se justifie. En effet, les PME représentent un fort potentiel, du fait de leur prédominance dans le paysage économique africain, et du fort niveau de rentabilité lié à leur nature risquée. In fine, plus il y aura de concurrence dans le secteur bancaire plus les PME seront gagnantes.

Le développement de stratégies innovantes de gestion des risques de crédits

Qui dit crédit, dit implicitement risque de défaut de paiement. Selon DID (2005), ce risque est le risque de pertes financières, résultant de l'incapacité de l'emprunteur pour quelque raison que ce soit, de s'acquitter entièrement de ses obligations financières à l'endroit de l'institution prêteuse. La sécurisation des crédits est donc un point essentiel, dans le développement de l’offre de prêts aux PME. Les banques africaines l’ont comprise, et ne se limitent plus à évaluer simplement le crédit et à le laisser s’amortir. Elles mettent dorénavant en place des outils de suivi permanent de ce risque de crédit, et de son impact dans le cadre de leur politique de gestion en introduisant des systèmes de contrôle, qui réduisent le risque de perte. A partir de reportings périodiques de l’état des engagements, elles arrivent à tirer la sonnette d’alarme, en cas d’impayés répétés. Mécanisme qui dans bien des cas, leur permettent d’élaborer des plans afin d’éviter ces impayés à répétition, qui conduisent à terme au déclassement en créances douteuses des crédits, la hantise des banquiers. Il est par ailleurs admis que, le partage de l’information permet de réduire les risques. La vulgarisation des outils tels que la centralisation de risques, permet donc de lutter contre l’asymétrie informationnelle et de réduire sensiblement l’aversion aux PME. Au Bénin par exemple, une entreprise en collaboration avec l’association des banques a créé dernièrement un système facilitant le partage de l’information.
Quant à la question des « collateral », c'est-à-dire des garanties, des solutions simples tels que les cautions personnelles ou les reconnaissances de dettes (billets à ordre) sont de véritables alternatives au recueil de garanties réelles, plus difficiles à fournir par les PME.
Des innovations sont également à noter, dans le processus d’octroie de crédit. Grâce à la maîtrise démontrée de leurs marchés locaux, les banques obtiennent de leur maison mère des pouvoirs étendus de validation. Ce qui favorise une sélection des contreparties basée sur la connaissance du potentiel des entreprises, en l’occurrence les PME.

Le développement de critères d’analyse de risques tenant compte des spécificités des PME

Les critères classiques d’analyse du risque de crédits sont : la solvabilité, la capacité de remboursement (qui se mesure par les flux de trésorerie générés par les entreprises), la liquidité, la rentabilité. Ces ratios s’obtiennent à partir des états financiers fournis par les entreprises. Il s’avère que, très peu de PME disposent d’Etats financiers certifiés. Face à cette situation, les banques ont développées des critères de mesure de risque que d’aucun peuvent juger subjectifs, mais qui s’avèrent être efficaces.
Ces critères prennent davantage en compte l’activité des entreprises et les règlements attendus par ces derniers, que les critères précités et communément admis par la chaire des analystes. Par ailleurs les relations qu’entretiennent les banques avec ces PME, dans la durée, créent un climat de confiance qui favorise généralement l’octroi des crédits. Un client qui a pris l’habitude de respecter ses engagements, obtiendra plus facilement un crédit de son banquier, même s’il ne remplit pas les critères orthodoxes de mesure du risque. La relation établie dans la durée se révèle donc être un outil efficace de mesure du risque de la contrepartie PME.

Le partage du risque avec d’autres institutions spécialisées

Des fonds spécialisés ont vu le jour en Afrique, avec pour objectif de faciliter l’accès au financement bancaire des PME ; Il s’agit des fonds de garantie. Ils se sont multipliés ces dernières années ; les majors du secteur sont, le FAGACE, le fonds GARI en Afrique de l’Ouest, l’African Guarantee Fund ou de la garantie ARIZ (une garantie spécifique aux zones d’intervention de l’AFD). Ces fonds de garantie sont donc amenés, à signer des partenariats avec des banques africaines. La dernière en date est la signature par la Banque Atlantique et l’African Guarantee Fund (AGF), d’un partenariat portant sur une ligne de 15 millions de dollars destinée à garantir le financement des PME, dans les différents pays africains où opère la Banque Atlantique.
La garantie offerte par ces fonds permet aux banques, de se couvrir du risque de perte à hauteur parfois de 50% de l’encours de crédit. Il existe deux types de garanties, la garantie individuelle et la garantie de portefeuille. Dans le premier cas de figure, les dossiers sont soumis par les banques aux fonds de garantie qui les étudient au cas par cas. Cette forme de garantie est peu favorable aux PME, ne respectant pas les critères minima requis par ces fonds de garantie et demeure donc très sélective. Le deuxième cas de figure consiste à utiliser des lignes de garantie de portefeuille ; accordées pour un montant donné, elles peuvent être affectées à des PME librement choisies par les banques. Ici donc, les banques disposent du libre arbitre quant à la décision d’octroi des crédits, ce qui présente un avantage certain pour les PME à forts risques apparents, mais à forts potentiels.

L’action des pouvoirs publics en faveur des PME

Les PME prennent une place de plus en plus importante, dans les politiques publiques des Etats africains. En effet l’émergence tant voulue ne pourra être atteinte, sans la prise en compte des préoccupations de ces entreprises. En vue donc d’améliorer l’environnement de l’entreprise dans les différents pays, des Guichets uniques ont été créé. C’est le cas au Gabon ou au Sénégal ; pays dans lequel le Guichet unique du Bureau d’Appui à la Création d’Entreprise (BCE) a permis de ramener le délai de création d’une entreprise de 58 jours à 48 heures , un délai qui est réduit à seulement 6h au Rwanda. Au Sénégal, l’Etat a créé récemment une banque, la BNDE (Banque Nationale pour le Développement Economique), dont la vocation première est de financer les PME. Par ailleurs, les nouvelles dispositions de l’Acte uniforme révisé de  l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) et adoptées par déjà quatre pays dont le Togo, où, une SARL pourra être créée par acte notarié ou par acte sous seing privé avec un capital social de 100.000 FCFA contre 1 000.000 de FCFA auparavant, sont de nature à réduire le nombre de PME du secteur informel et par ricochet augmenter le volume de PME éligibles au financement bancaire.
Néanmoins malgré ces avancées notables, des efforts supplémentaires restent à faire pour améliorer l’environnement des affaires, notamment en ce qui concerne la question du foncier. En effet, l’obtention d’un titre foncier dans la plupart des pays relève toujours d’un exploit.

Au regard de la place qu’occupent les PME dans le paysage économique africain, il ne fait aucun doute que l’accès au financement, plus précisément  bancaire, des PME s’améliorera. En effet, malgré le risque pesant sur ce segment, des solutions de plus en plus  innovantes voient le jour, afin de faciliter leurs accès au crédit. Des institutions naissent par ailleurs, pour être de véritables alternatives aux banques : c’est le cas de Cofina, l’institution du banquier reconverti Jean Luc Konan, qui a récemment lancé ses activités au Sénégal et en Guinée Conakry. Cependant le défi à venir pour ces institutions au premier rang desquels les banques, qui demeurent les principaux intermédiaires financiers en Afrique, sera celui de l’octroie de ressources longues à ces PME. Ce dont ont besoin les PME, ce ne sont pas simplement de crédits mais surtout de crédits longs, c'est-à-dire des montants relativement conséquents et amortissables sur des périodes suffisamment longues, pour ne pas affecter leur pérennité. Pour cela, tous les acteurs à savoir ; les banques, les PME et les pouvoirs publics devront fortement s’impliquer, en vue de résoudre de manière efficace cette problématique de l’accès au crédit bancaire des PME, afin que ces dernières puissent pleinement jouer le rôle qui est le leur dans la croissance des économies africaines.

Larisse Adewui

Y-a-t-il une malédiction des terres fertiles en Afrique ?

Congo20112-058-lower-res.forest.river.568Il a été observé que les pays dotés de ressources naturelles sont les plus pauvres, les moins industrialisés et les plus politiquement instables. Les résultats de recherches pointent du doigt l’absence de bonne gouvernance comme la principale cause de cette « malédiction des ressources naturelles ».[1] Alors que ce phénomène a été largement examiné à l’échelle des pays, il semble qu’un phénomène similaire, peut être plus significatif, se déroule à l’échelle des localités de plusieurs pays et peut contribuer à un niveau élevé de pauvreté à l’échelle nationale. Il s’agit d’un paradoxe sur le lien entre la fertilité du sol d’une localité et la proportion de pauvres qui y vivent. C’est ce paradoxe que met en évidence et explique une récente étude du professeur Léonard Wantchékon.[2]

En effet, à partir de données collectées à l’échelle infranationale dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Ghana, Mali, Burkina-Faso et Sénégal), cette étude montre qu’il existe une corrélation positive entre incidence de la pauvreté et qualité du sol. Autrement dit, ce sont dans les localités où la qualité du sol est très bonne que l’on retrouve les plus fortes proportions de pauvres.[3] Cette relation n’est pas spécifique à un pays dans la mesure où elle est confirmée pour l’ensemble des cinq pays étudiés. Pourtant, l’on s’attendrait plutôt à observer une plus faible proportion de pauvres dans les localités où la qualité du sol est meilleure, toute chose égale par ailleurs.

Pour expliquer ce paradoxe, le professeur montre que ce sont aussi les localités où la qualité du sol est meilleure qui sont moins desservies par les infrastructures de transport dont les pistes rurales. Ce manque d’infrastructures de transport ne favorise pas la mise en valeur de leurs potentialités agricoles. En dépit d’une meilleure qualité de sol, l’absence de pistes rurales empêche les populations d’écouler leurs productions agricoles vers les marchés. A termes, cela décourage l’intensification de la production laissant place à une agriculture de subsistance. En l’absence des machines agricoles nécessaires à l’intensification agricole, l’exode des jeunes vers la ville vient entraîner la chute du rendement des terres agricoles.

Cette relation négative entre infrastructures rurales et qualité du sol trouve son explication dans la marginalisation politique des populations rurales de façon générale et en particulier de celles qui vivent dans des localités où la qualité du sol est très bonne. C’est ce que montre l’étude de Blimpo et al. (2013) selon laquelle, les localités où vivent les populations les plus marginalisées politiquement bénéficient de peu d’infrastructures routières.

La raison en est que face à des ressources financières limitées, le politicien cherche à maximiser le gain électoral de ses décisions en construisant des infrastructures routières dans les zones où la population est plus consciente de ses droits politiques. Ainsi, le faible niveau d’éducation des populations dans les localités où la qualité du sol est très bonne est à l’origine de leur marginalisation politique. Ce qui conduit donc le politicien à privilégier la construction d’infrastructures dans les localités où les populations sont plus conscientes de leurs droits politiques. Or ce sont justement dans les localités ayant une bonne qualité de sol que les niveaux d’éducation sont les plus bas.

Par conséquent, un moyen efficace de réduire la pauvreté en milieu rural consisterait à accroître l’offre d’éducation de qualité dans les localités où la qualité du sol est meilleure. Cela leur permettrait de réclamer davantage de biens publics, dont les infrastructures de transport, nécessaire à l’amélioration de leurs conditions de vie. Une telle appropriation des droits politiques par les populations de ces localités imposerait davantage de contraintes aux politiciens dans leur décision d’allocation des infrastructures routières dans les zones rurales. La construction des pistes de desserte rurales augmentera les débouchés aux produits agricoles issus de ces localités et par ricochet le niveau de vie des populations qui y vivent. Dans la mesure où ce sont les zones rurales qui abritent le plus grand nombre de pauvres dans la plupart des pays Africains, de telles mesures de politiques publiques pourraient avoir un impact significatif sur la réduction de la pauvreté à l’échelle nationale.[4]

Ainsi, il ne s’agit pas simplement d’augmenter l’offre d’infrastructures pour réduire la pauvreté ; mais le ciblage des zones bénéficiaires de ces infrastructures importe beaucoup. Dans le cas des pays étudiés, ce sont notamment les localités où la qualité du sol est très bonne qu’il faut cibler. Mais sachant que le politicien n’a aucun intérêt à investir dans ces zones, il faut veiller à accroître l’offre d’éducation de qualité précisément dans les localités ayant des sols de bonne qualité. Cela devrait à termes contraindre le politicien à construire des infrastructures routières dans ces localités, leur permettant ainsi de mettre en valeur leurs potentialités agricoles.

Les résultats utilisés dans cet article ont permis d’identifier l’éducation comme source du paradoxe entre qualité du sol et pauvreté en Afrique. Cette « malédiction des terres fertiles » n’est pas une fatalité dans la mesure où elle s’explique par la marginalisation politique et le manque d’infrastructures de transport dans les localités ayant des sols de bonne qualité. Cependant, la validité du lien entre marginalisation politique et pauvreté reste à confirmer par davantage d’études similaires, car le sens de la causalité allant de la qualité du sol à la pauvreté, en dépit de sa logique, n’est pas rigoureusement établie. Si cette chaîne de causalité était vraie, il serait intéressant de savoir si la même problématique se pose aux autres types d’infrastructures telles que l’énergie, l’eau et l’assainissement.

Georges Vivien Houngbonon

 

Références :

Wantchékon L., Soil quality, infrastructures and poverty in Africa, presentation à la conférence annuelle de la Banque Mondiale sur l’Afrique, Paris, 23 juin 2014.

Frankel J. 2010. The Natural Ressource Curse : A Survey. NBER Working Paper No. 15836

Moussa P. Blimpo & Robin Harding & Leonard Wantchekon, 2013. "Public Investment in Rural Infrastructure: Some Political Economy Considerations," Journal of African Economies, Centre for the Study of African Economies (CSAE), vol. 22(suppl_2), pages -ii83, August.


[1] Voir la revue de la littérature proposée par Jeffrey Frankel.

[2] Les résultats de cette étude ont été présentés par le professeur à la conférence annuelle de la Banque Mondiale sur l’Afrique à Paris, le 23 juin 2014. L’auteur parle plus précisément de la qualité du sol.

[3] La qualité du sol est mesurée par l’indice proposé par la FAO.

 

 

[4] Voir perspectives économiques africaines.

Initiation au cynisme du monde

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Credit : Caruso Paolo / Fondation Cartooning for Peace / Paris bibliotheques

Il y a presqu’une indécence à mourir sous les bombes, en espérant émouvoir, quand bien même on est innocents, nombreux et impuissants, depuis la dévaluation de la mort en Syrie.  L’on s’est fait à l’idée, à force d’habitude, de lassitude, de difficulté à identifier les bourreaux des victimes, que le carnage était la seconde langue du Proche- et Moyen-Orient. C’est une lâcheté du monde, rien d’autre, qui, dans la plus grande cruauté, s’installe comme le parti le plus simple. Que les morts franchissent alors les paliers de 100, 1.000, 10.000, l’indignation, la brève émotion, les larmes, sont les seuls soins que l’on apporte aux morts. Bien maigres. On a fait le deuil d’une intervention militaire dont le potentiel meurtrier peut s’avérer plus grand. Les gendarmes du monde n’ont pas d’urgence. Nous n’avons donc plus que l’indignation comme seule ressource. J’ai tari mes larmes en Syrie et je sens que le reflux qui perle pour Gaza s’assèchera aussi, parce qu’en fin de compte, on ne peut rien faire dans ces guerres inégales, où tueurs et tués s’échangent les rôles.

Mais les conflits ont ceci de têtu qu’ils se délocalisent, s’invitent à nos tables, et colorent nos problèmes, même quand on ne pense pas être concernés. Ils s’exportent et transmettent ce virus du clivage. Hospitalière de coutume, l’Afrique les reçoit, et sa jeunesse, majoritairement, se rince de compassion pour la Palestine. Il faut dire qu’entre co-victimes de l’Histoire, l’union était évidente. Les affinités religieuses la cimentent. La soif d’indépendance commune aux deux entités aboutit le mariage. Il y a plusieurs problèmes à ce propos à régler : Israël et la Palestine se foutent, à dose égale, de l’Afrique. L’Afrique n’a d’actualité chez eux que quand il s’agit respectivement de mener la vie dure aux immigrés est-africains, et quand le passif raciste semble toujours si invincible. L’Afrique n’y a pas bonne presse. Au mieux, elle est cette bête que l’on rechigne à adopter et que l’on feint d’aimer.

L’Afrique n’a jamais eu de véritables amis. Il ne faut pas qu’elle s’en crée sur des autels trompeurs. Elle doit s’aguerrir au cynisme froid du monde. Ne s’emprisonner dans aucune fièvre compassionnelle mais se positionner pour son intérêt et son intérêt seul. C’est un égoïsme salvateur dont il ne faudra pas faire l’économie. Et encore plus important, le continent noir a des problèmes plus graves, des morts internes plus nombreuses, des conflits frais. Il ne peut s’autoriser à s'affecter de l’émotion et de l’attention à d’autres causes. Je sais ce qu’il y a de tentant à se rêver en héros, vivifiés en dessin où Arafat, Sankara, Chavez, se côtoient, mais ce confusionnisme pathologique est une voie sans issue. Un cul-de-sac où s’avance à vive allure une jeunesse qui, incapable de guérir les plaies africano-africaines, rêvasse aux mythes et légendes.

J’ai eu une relation hostile à l’afro-optimisme, également à l’afro-pessimisme, jusqu’à ce que je trouve en l’afro-responsabilité un équilibre correct. A mon sens, elle doit être la lucidité, pas le parti pris, pas l’appartenance, pas de la solidarité de fait, pas l’amour systématique de l’Afrique, mais la liberté de conscience : celle qui s’émancipe des slogans, celle qui donne quitus pour critiquer le continent, celle qui banalise l’Afrique, celle qui braque les yeux sur les problèmes internes du continent, les seuls sur lesquels on a une prise. C’est à cette initiation au cynisme, afro-responsabilité en d’autres termes, que j’invite. Gaza devait en être la première étape. 

Souleymane Gassama

L’Afrique discute son développement socio-économique

169498522Le FMI a publié mi-avril les perspectives économiques pour l’Afrique. Le scénario indique un maintien de la dynamique économique entamée par l’Afrique subsaharienne depuis la dernière décennie avec des risques inhérents à l’environnement socio-politique et à la dynamique économique mondiale. Réunis à Maputo les 29 et 30 mai, les ministres africains en charge de l’économie et des finances et les gouverneurs de banques centrales ont saisi l’occasion d’échanger sur la dynamique plutôt impressionnante de certaines économies africaines et des défis qui demeurent à relever pour les pays du continent afin d’assurer leur développement. Ils estiment qu’il faudrait assurer une transformation structurelle et une diversification des économies africaines en s’appuyant sur la jeunesse de sa population afin de créer une fenêtre d’opportunités pour accélérer le processus de développement du continent.

De nombreux pays africains ont enregistré ces dernières années des performances économiques impressionnantes, démontrant l’efficacité des politiques économiques adéquates mis en œuvre dans ces pays et prouvant le rôle des institutions, de l’aide au développement et l’importance de l’investissement dans la technologie et le capital humain. Cependant, ce gain de croissance ne contribue pas systématiquement à réduire les inégalités et la pauvreté dans la plupart de ces pays. Une étude de L’Afrique des Idées portant sur le sujet, qui fera l’objet d’une conférence au courant de ce mois, apporte des éléments de réponse sur la question. Cette question appelle à déterminer des mécanismes pour rendre la croissance profitable à tous – qu’elle soit un facteur de réduction de pauvreté et d’inégalités, générateur d’emplois pour la jeunesse africaine. Un article précédent présentait la vision de nos dirigeants sur les mécanismes pouvant rendre cette performance au service du développement de l’Afrique. La question qui subsiste au-delà de tous ces discours de politique économique est celui du financement de ces stratégies, tout ne perdant pas du regard les différentes crises qui secouent le continent.

Résoudre les conflits

Des exemples  sur le continent (Rwanda, Côte d’Ivoire, Ouganda, …) ont démontré que la stabilité politique, sans être le seul facteur, est garant du bon fonctionnement de l’activité économique. Les ministres ont dès lors insisté sur le fait de résorber les conflits existants sur le continent et d’instaurer un climat de paix. La situation au Mali, la crise nigériane avec la menace « Bokho Haram », la situation de la Centrafrique et du Soudan du sud ; les futures élections dans les pays d’Afrique de l’ouest et les tensions au Maghreb sont autant d’exemples qui prouvent encore une fois la fragilité de l’environnement politique en Afrique. Si des pistes solides n’existent pas pour résoudre les conflits actuels sur le continent, il est toutefois possible d’éviter l’éclosion de nouveaux troubles sur le continent. Les ministres estiment à cet effet qu’il faudrait instaurer dans les différents pays des institutions fortes capables de renforcer les acquis en termes de stabilité politique, accompagnés de politiques sociales.

Financer le développement

Un article de Georges traitait de cette question et a identifié plusieurs mécanismes, notamment la fiscalité comme un moyen de financer le développement du continent. Les ministres sont de cet avis et souhaiteraient renforcer les mécanismes permettant la mobilisation de ressources domestiques. Ceci s’appuierait sur un renforcement de capacités en matières de fiscalité mais aussi de gestion budgétaire afin d’assurer une disponibilité de fonds pour assurer l’investissement public.

Une place particulière devra aussi être accordée au secteur privé, notamment en ce qui concerne le financement des infrastructures, à travers les partenariats public-privés. Nombreux sont les pays africains qui ont déjà initiés des rencontres avec le secteur privé pour le mobiliser autour de leur programme de développement et les opportunités, sans réel succès. On pourra toujours s’interroger sur la nécessité de telle rencontre et la disponibilité du secteur privé à accompagner l’Afrique. Le Nepad va, dans la même optique, se rapprocher du secteur privé sur des projets à caractère régional dans les prochains jours à Dakar. Ce sera l’occasion de statuer sur la position du secteur privé (africain et internationale) vis-à-vis des besoins des pays africains. Une chose est certaine c’est qu’il est un partenaire sur lequel l’Afrique doit compter si elle veut résoudre les problèmes d’infrastructures.

L’outil de la dette est perçu aujourd’hui comme un facteur obérant le développement de l’Afrique. Certes les pays africains ne pourront s’en passer mais ils devraient être prudents quant à son utilisation tout en recherchant concomitamment des sources alternatives de financement. Les ministres africains réunis à Maputo, le reconnaissent et ont introduit auprès du FMI un plaidoyer pour un assouplissement des conditions de financement et à la mise à disposition de ressources financières plus adaptés aux besoins des pays africains tout en participant de façon active au renforcement des capacités des pays en matière de gestion de la dette.

Selon les données disponibles, l’Afrique serait en train de rattraper sa décennie perdue en termes de croissance. La généralisation de ce rattrapage à tout le tissu socio-économique du continent reste encore discutable. Les indicateurs socio-économiques présentent plutôt une Afrique encore à la traine. La situation est cependant asse hétéroclite ente les pays. Si l’Afrique s’affiche de moins en moins comme un continent en marge du monde et victime des autres, elle ne pourrait pas non plus s’identifier systématiquement comme un géant économique du monde. Les défis sont encore grands et les moyens pour les contenir semblent assez flous. Les autorités économiques africaines sont donc appelées à jouer un rôle crucial dans ce processus en identifiant les meilleures pratiques pour permettre au continent de se développer.

Foly Ananou

Des infrastructures « made in China » en Afrique: une contribution au développement?

arton44Le secteur ferroviaire a été l’un des premiers secteurs des investissements chinois en Afrique. Dans les années 1970, la construction de la ligne ferroviaire entre la Tanzanie et la Zambie (TANZAM) symbolisait la première étape de la contribution  de la Chine à l’aide au développement en Afrique. Dans sa politique d’urbanisation et de modernisation de ses villes, d’abord côtières et aujourd’hui intérieures, la Chine investit massivement dans les infrastructures. La volonté des gouvernements africains de favoriser le développement des infrastructures coïncidant avec la présence croissante d’entreprises chinoises va très vite promouvoir l’implication de celles-ci dans les projets de développement d’infrastructures en Afrique.

Des grands chantiers dans le domaine du transport (routier, ferroviaire et portuaire), des télécommunications et de l’hydroélectricité par exemple ont été attribués à des entreprises chinoises. Mais est-ce que les infrastructures « made in China » en Afrique, contribuent au développement ?

Comment la Chine a-t-elle réussi à simposer dans le secteur des infrastructures en Afrique ?

Le secteur de la construction occupe une place importante dans l’économie chinoise. La Chine depuis son ouverture s’est investie dans la construction d’infrastructures adéquates et modernes pour promouvoir sa croissance économique.

Afin de développer son réseau ferroviaire et assurer une mobilité rapide à sa population sur un vaste territoire, la société chinoise des chemins de fer a modernisé le réseau de transport ferroviaire en Chine. De nouvelles lignes ferroviaires ont été développées et des trains à grande vitesse ont été construits afin de réduire les longues heures de voyage entre les villes éloignées. En ce qui concerne le réseau routier, de vastes autoroutes et ponts ont été construits à travers le pays. Toutes ces réalisations ont contribué à la modernisation de la Chine. En 2008 avec l’organisation des Jeux Olympiques de Beijing, il y avait plus de chantiers en construction dans la seule ville de Pékin que dans toute l’Europe.

Ces chantiers infrastructurels de grandes envergures engagés par la Chine ont permis aux entreprises chinoises, qui ont largement contribué à leur réalisation, d’acquérir une expertise locale et de cibler aujourd’hui les marchés étrangers.

Ainsi l’avantage compétitif des entreprises chinoises à gagner les appels d’offre grâce à l’appui politique et financier des institutions chinoises d’Etat contribue à la présence galopante de la Chine dans le secteur des infrastructures en Afrique. Des prêts concessionnels et préférentiels octroyés à travers des accords entre la Chine et les différents pays africains sont consentis pour financer divers projets (ports, barrages, lignes ferroviaires, etc.).

Des financements de la banque chinoise d’exports et imports (EXIMBANK) et de la banque chinoise de développement ont également permis aux entreprises chinoises de travaux publics et de génie civil d’acquérir des projets au Gabon, en Mauritanie et plus récemment en Afrique du Sud. La crise financière de 2008 qui continue de secouer les pays développés a aussi contribué à cette forte présence des entreprises chinoises en Afrique. En effet, cette crise a réduit la capacité des institutions financières et entreprises occidentales à financer de grands projets de construction ; ce qui, d’une certaine manière, a contribué à la présence des entreprises chinoises dans le secteur de la construction d’infrastructures en Afrique. A cela s’ajoute la sous-traitance entre les grandes multinationales et les Petites et Moyennes Entreprises (PME) chinoises de construction qui elle a elle aussi facilité la présence d’entreprises privées chinoises de construction sur le continent.

Le manque d’infrastructures adéquates susceptibles de tirer la croissance en Afrique a été un frein aux investissements africains et étrangers. Pour palier ce manque, les Etats africains ont décidé de faire du développement des infrastructures une priorité. Ce besoin a été un des leitmotivs de la présence chinoise dans la construction d’infrastructures en Afrique. Ainsi, les entreprises chinoises sont présentes dans différents secteurs d’investissement: énergie, télécommunications, hydraulique; etc. 

LIDE chinois et développement dinfrastructures en Afrique 

Dans sa politique de coopération économique avec les pays en voie de développement, la Chine envisage de sécuriser des ressources tout en contribuant à la construction d’infrastructures. Par exemple, « l’Angola model », qui consiste à échanger des ressources parfois à de bas prix pour des projets de construction d’infrastructures, est une politique d’investissement de la Chine spécifique aux pays riches en ressources et parfois même là où le système politique est controversé.

L’expansion des investissements chinois à l’étranger permet à la Chine non seulement d’acquérir de nouvelles technologies, de nouveaux marchés mais aussi à ses entreprises de mettre en pratique et de tester leur expertise. Elle permet aussi à de nombreuses entreprises de construction d’accéder à un grand nombre de marchés étrangers, créer des emplois pour les ouvriers chinois et acquérir une réputation internationale dans le domaine de la construction.

Dans plusieurs pays d’Afrique – Angola, Zambie, Nigeria, RDC, Djibouti et Tanzanie – la Chine s’investit dans la construction ou la réhabilitation de routes ou voies ferrées. Le besoin accru de produire de l’électricité et de faciliter l’accès à l’eau a incité des pays  africains tels que le Ghana, le Soudan ou encore le Botswana à axer leur priorité sur la construction de barrages hydroélectriques qui intéresse les entreprises chinoises. A partir des années 2000, les entreprises chinoises ont été présentes dans la rénovation et la construction de voies ferrées en Afrique comme en Angola et au Nigeria où la rénovation de lignes ferroviaires (respectivement Benguela et Lagos-Kano) a été entreprise par la China Civil Engineering Company (CCEC). En 2009, les entreprises chinoises s’étaient investies dans 18 projets de construction au Botswana.

La Chine respecte-t-elle les normes et priorités de construction en Afrique? 

La présence galopante de la Chine dans le secteur du développement des infrastructures en Afrique suscite des questions liées aux normes et au développement durable par rapport notamment à la qualité de ses propres réseaux routiers et ferroviaires. 

Le problème immobilier qui secoue particulièrement les grandes villes chinoises s’ajoute aux défis auxquels le gouvernement chinois fait face pour éviter une crise immobilière qui pourrait toucher des millions de Chinois qui ont de bas salaires et qui voudront acquérir des logements. Cependant, de nombreux scandales liés à la corruption, à une mauvaise gestion et aux accidents (effondrements de ponts, collisions et déraillements de trains) sont apparus dans ces secteurs en Chine. Ainsi, des questions relatives à la qualité des infrastructures conduisent à réfléchir sur le savoir-faire des entreprises chinoises. 

L’ancien ministre chinois des chemins de fer a été déjà jugé coupable pour corruption et autres malversations financières qui ont mis certains projets d’Etat au ralenti. Des accidents sur les routes et les voies ferrées chinoises ont attiré l’attention des Chinois et de la communauté internationale sur l’exigence de normes et sur la qualité des projets de construction en Chine. Bien que le gouvernement chinois ait entrepris des réformes dans l’amélioration de la qualité et dans le système d’appels d’offres public de nombreux problèmes subsistent.

En effet, la courte durée de construction des chantiers chinois, les normes de construction non conventionnelles, la détérioration rapide des infrastructures après livraison et la corruption ont été déjà mentionnées à travers l’implication de la Chine dans des projets de construction à l’étranger.

La construction de barrages hydroélectriques qui doit générer de l’électricité et faciliter l’accès à l’eau dans plusieurs pays africains, tels que le Soudan, le Botswana et le Ghana a pollué des fleuves et conduit au déplacement de populations qui ont perdu leurs activités économiques.

De telles menaces encourues ont poussé certains pays à être plus exigeants en termes de contrôle des normes de qualité. En 2009, les entreprises chinoises s’étaient investies dans 18 projets de construction au Botswana. Mais récemment, le président du Botswana a déclaré que des systèmes de contrôles stricts devaient être mis en place pour évaluer de plus près l’implication des entreprises chinoises dans le secteur de la construction au Botswana. Des entreprises chinoises ont vu leurs projets suspendus afin d’évaluer si les règles et normes de construction en vigueur au Botswana sont respectées.

Un des projets de développement des infrastructures chinois en Afrique qui a récemment attiré l’attention de l’opinion publique est la construction d’une toute nouvelle ville à Luanda en Angola. Nova Cidade de Kilamba a été entièrement construite par l’entreprise chinoise d’Etat China International Trust and Investment Corporation (CITIC). Ce projet  s’est inspiré des nombreux projets immobiliers de la CITIC, en Chine, qui a développé de nouvelles cités avec tout un confort incluant système de transport, écoles, boutiques, cliniques, salles de sports, restaurants, etc.; autour aussi bien dans les grandes villes côtières que dans les provinces de l’intérieur. Mais ces villes chinoises qui restent encore inhabitées sont des « villes fantômes ». En effet compte tenu du prix élevé du loyer et de la grande majorité des Angolais vivant dans la pauvreté, la « ville fantôme » de l’Angola n’a pas attiré suffisamment de clients pour occuper ses 750 buildings de huit étages, chacun équipés de 12 écoles et de plus de 100 boutiques. Dans un pays comme l’Angola qui manque d’infrastructures de base et dont la capitale est surpeuplée, un tel investissement de luxe n’est pas une priorité! Il ne répond pas aux besoins de la grande majorité des Angolais qui ne bénéficient pas des revenus générés par les importantes ressources minières dont regorge le pays. Il est dit que l’Angola aurait échangé des ressources pour la construction de cette « ville fantôme ». Cet exemple devrait pousser les autorités africaines, particulièrement celles des pays riches en ressources naturelles, à savoir que le modèle d’échanges « ressources contre infrastructures » n’est pas à long terme durable.

Certes, les investissements chinois en Afrique constituent une opportunité et contribuent à diversifier le partenariat économique des pays africains mais ne sont pas une garantie pour le développement du continent. Une attention particulière des pays africains par rapport à l’engagement de la Chine en Afrique doit être portée sur l’exportation des problèmes d’environnement et de développement durable de la Chine en Afrique. La priorité doit être axée sur les besoins en infrastructures qui satisfont les populations dans les différents pays d’Afrique pour une relation à long-terme basée sur le développement durable entre la Chine et l’Afrique. Et pour ce faire, l’engagement des gouvernements africains à travers leurs ministères et agences compétents est nécessaire pour l’exécution des règles. La présence de la Chine dans le secteur de la construction d’infrastructures en Afrique devrait contribuer à la création d’emplois pour l’expertise locale dans les différents pays africains et au transfert de technologies et de connaissances. Bien que le manque d’infrastructures dans plusieurs secteurs pousse les gouvernements africains à favoriser des investissements étrangers de la part des bailleurs traditionnels et des économies émergentes, le modèle d’échange « ressources contre développement d’infrastructures » n’est pas durable et nécessite des critiques constructives. Le développement des infrastructures contribue au développement mais cela doit se faire sans heurts pour les populations.

Article écrit par Daouda Cissé et publié initialement sur le site du CICAD

Comment tirer parti des nouveaux partenariats ?

accaparement des terresL’Afrique est objet de toutes les sollicitations actuellement. La tournée de Barack Obama à Dakar sur le continent, prouve à suffisance que le temps est révolu où le continent était royalement ignoré, sinon méprisé par les puissances du monde. Ce voyage est survenu juste après la tournée du nouveau Président chinois Xi Jiping dans certains pays du continent et indique que nulle puissance ne veut rater sa part des ressources de l’Afrique. Ses nombreuses ressources minières ainsi que son potentiel stratégique, font de ce continent un partenaire en devenir dont tout le monde veut s’attirer les bonnes grâces. Face à l’offensive de charme dont elle est l’objet, la stratégie africaine n’est pas facilement lisible. Aïssatou Diallo, chargée des programmes au Centre africain pour le commerce, l’intégration et le développement (Enda-Cacid), experte dans les relations avec les pays émergents, fait ici une analyse froide de cette dénuée de passion, et indique les voies de solution pour que l’Afrique tire tout le bénéfice de ces nouveaux partenariats. 

Que pourrait-on retenir comme décision concrète au bénéfice de l’Afrique sortie de cette rencontre au sortie du Ticad V? 

Ce que je trouve intéressant dans le Ticad qui vient de se terminer, c’est qu’ils ont mis en œuvre un plan d’action clair. Il y a un document publié en anglais, sur le site web du ministère japonais des Affaires étrangères, et qui est un plan d’action qui va de 2013 à 2017. Il relate les différentes actions que la coopération japonaise va oeuvrer en Afrique entre 2013 et 2017 sur la base d'un plan d'action, dans différents domaines : l’agriculture, l’industrie ou les infrastructures. C’est un modèle qui se rapproche beaucoup du modèle chinois. C’est-à-dire qu’à la fin de chaque Focad il y a un plan d’action qui définit les termes de la coopération dans les deux ans à venir qui suivent le prochain Focad. Ce qui est intéressant, c’est qu’aujourd’hui les Africains sont au courant de ce que le Japon a l’intention de faire en Afrique, les différents mécanismes d’intervention, les différents agents impliqués, que cela soit au Japon ou en Afrique. Et l’on pourra suivre l’évolution de ces relations. En fait, ce que l’on peut en tirer, c’est une clarification des activités que le Japon a l’intention de mener, en coopération avec les pays africains, et c’est une opportunité pour nous, de pouvoir mesurer l’évolution de ces relations au prochain Ticad, qui va se tenir d’ici cinq ans. 

On note aussi que c’est la première fois que le Japon prend un engagement chiffré, financier aussi important. Quelle lecture peut-on en faire ? 

Il faut peut-être aussi remettre cela dans le contexte. L’Afrique, qui était jugé comme un continent «perdu» dans les années 1980, est maintenant devenu l’enjeu de tout le monde. Aussi bien l’Europe que les Etats-Unis y reviennent parce qu’il y a des opportunités. Le Japon aussi veut avoir sa place dans cette nouvelle configuration des relations. Aujourd’hui, les acteurs se multiplient et l’Afrique a un parterre de partenaires très important par rapport à début des années 1990. L’Afrique est aujourd’hui au centre de tous les regards et de toutes les stratégies. Le Japon a mis en place le Ticad en 1993, c’est-à-dire, que cela ne date pas d’hier. A un certain moment, on se demandait même si la configuration du Focad ne s’inspirait pas de celle du Ticad. C’est peut-être donc tout naturel que le Japon veuille revenir et reprendre sa place d’antan, en se disant qu’il a été le premier à mettre en place ce genre de cadre de coopération. 

On sait qu’en Asie, il y a une très forte rivalité entre le Japon et la Chine, ainsi qu’avec un troisième larron, qui est l’Inde. Ne peut-on voir ce retour en force du Japon comme une volonté de repositionnement dans le cadre de cette rivalité régionale ? 

Ce qui est en train de se passer en Asie du Sud-Est, avec l’extension de l’Asean, peut-être comparé avec ce qui se passe en Afrique. Les premières puissances qui avaient déjà une implantation, se sont retirées, et essaient aujourd’hui de se repositionner dans un contexte différent. En Afrique aujourd’hui, il y a la Chine, l’Inde, le Brésil, la Corée qui reviennent et la Turquie qui s’amène. Les Japonais doivent donc donner le meilleur d’eux-mêmes car plus rien n'est acquis. On ne vient pas en Afrique en disant, «On est des partenaires traditionnels», car il y a des nouveaux venus qui sont plus compétitifs, qui sont beaucoup plus innovants et qui ont une stratégie assez offensive. Il faudra donc que le Japon, l’Union Européenne, ou les Etats-Unis reviennent avec des nouvelles stratégies, pour pouvoir retrouver leurs positions d’antan dans le contient. 

Par rapport à toutes ces sollicitations, on n’a pas le sentiment que l’Afrique a une vision claire, d’abord au niveau régional, et ensuite, au niveau des pays pris de manière individuelle. Alors que vous parlez d’un plan structuré du Japon, qui est quasiment pareil à celui de la Chine. Et il y a au delà de ces deux, l’Inde, la Turquie, et d’autres… Que propose donc l’Afrique ? 

Ce qui importe aussi de mettre en avant, c’est que l’Afrique c’est 54 pays, chacun avec sa vision, sa stratégie, aussi bien dans un espace sous-régional que régional. Regarder de près ce qui se passe dans le Comesa (Marché commun de l’Afrique orientale et australe). On trouve des pays qui sont en même temps membres du Comesa et du Sadcc. Il y a des pays qui sont dans le Comesa et dans l’Eac (Coopération de l’Afrique de l’Est) ; alors qu’il pourrait y avoir des discordances ou des incohérences dans les politiques entre l’Eac, le Comesa, le Sadc (Communauté pour le développement de l’Afrique australe) et le Sacu (Union douanière de l’Afrique australe). En termes de répartition géographique, les pays africains ne sont pas organisés de manière stratégique. On a une Union africaine, dont la vision politique peut être incohérente à celle des sous-régions ou à celle des pays ? Et tout ce groupe de pays, fait face à un seul, le Japon, la Chine, l’Inde, qui sont des pays cohérents. Quand on convoque des sommets, on ne va pas à un sommet Union Africaine-Asean, mais c’est les pays africains face à l’Inde, la Turquie, le Japon, la Chine ou d’autres. 

Ne serait-il donc pas plus bénéfique pour certains pays du Continent d’aller en solo vers les partenaires et de négocier par eux-mêmes leurs stratégies de développement ? 


Les organisations sous-régionales sont des opportunités dans le sens où l’Afrique a été fragmentée en de petits espaces, faisant d'eux des marchés tellement restreints qu'ils ne pourraient s'en sortir de façon unilatérale. La Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) représente un marché de 300 millions de personnes. Cet ensemble peut faire face à des partenaires extérieurs. Elle a toutes les ressources dont elle a besoin pour construire une industrie. Si l’accent est mis sur les infrastructures, elles peuvent permettre de booster la production, mais aussi la circulation des biens. La prioté devrait être donnée aux marché sous-régional, eplutôt qu'à l'exportation parce que les premiers partenaires de la Chine sont en Asie, mis à part les Etats-Unis. La Chine, stratégiquement parlant, cible l’Asie. Les Etats-Unis ciblent l’Alena. L’Europe cible l’Europe. Un exemple assez frappant est que le Cameroun soit autosuffisant en matière d’alimentation et que l’on ait la famine en Somalie. Ou que le Nigeria soit l’une des plus grandes puissances pétrolières de ce continent, et que l’Afrique ait toujours des problèmes à s’approvisionner en ressources pétrolières ou ait des problèmes d’électricité. 

Le manque de politique structurée semble parfois aussi conduire à des dérives de la part de nos partenaires. Les Chinois occupent des secteurs de l’économie, même dits informels, qui en principe, devraient être réservés à des populations locales. 
Aujourd’hui, n’importe qui ne peut exercer n’importe quelle activité en Chine, parce qu’elle a mis en place des barrières, des politiques qui protègent certains secteurs d’activités. Idem pour l’Inde ou d’autres pays. Par conséquent, c’est aux africains de définir leur stratégie. Des industries comme Tata en Inde, ont été couvées pour leur permettre de grandir dans le pays et de s’exporter. Le partenariat, ce n’est pas seulement un forum organisé où l’on se rencontre, et où des chiffres sont émis. C’est une construction. Et cette construction est politique, juridique, stratégique et économique. C’est toute cette imbrication qui fait que le pays est protégé, et que l’on pourra toujours tirer le meilleur du partenaire, dans le respect mutuel. 

Est-ce une bonne chose pour l’Afrique d’avoir une multiplicité de partenaires ? 

Cela permet aux pays africains d'avoirune certaine autonomie vis-à-vis de ses partenairs traditionnels de l'Union Européenne et les Etats Unis. Aujourd’hui l’Asie et l’Amérique latine sont des géants dans le monde, autant on devrait pouvoir parler de l’Afrique. Les pays africains peuvent s'inspirer de l'exemple de ces pays pour construire sa propre stratégie de développement. Le Nigéria à la capacité d'impulser le développement au sein de la CEDEAO. L’Afrique du Sud a la capacité de mutualiser les efforts en investissant dans les autres pays, parce qu’il a des entreprises qui en sont capables. Ces deux pays peuvent faire en sorte que les partenaires viennent en complément du marché africain et non en être le principal client. 

Cet article est paru initialement sur le site du CICAD

Repenser la supervision bancaire en Afrique

185236742La récente crise financière a permis d’identifier les défaillances du système financier, appelant à des réformes de la réglementation et de la supervision bancaire[1]. Cette situation soulève naturellement des interrogations quant à comment une telle crise pouvait subvenir dans des pays censés être les plus avancés – et donc où la surveillance des risques financiers devrait être la meilleure. Entreprendre des réformes visant la supervision devient alors une priorité mais alors, au regard des défaillances mis en exergue par la crise de 2008, on peut bien légitimement s’interroger sur le champ d’application des réformes, sachant que les meilleures pratiques en la matière ont été incorporés dans les principes fondamentaux de Bâle[2] – qui est la référence en matière de contrôle bancaire et par rapport auxquels tous les pays tentent de se conformer. Plus particulièrement, dans le cadre africain, quel devrait être les orientations à donner aux réformes visant à redéfinir un nouveau cadre de supervision bancaire ?

La crise de 2008 a permis de mettre en exergue le fait que la solidité des banques ne suffit pas pour garantir la stabilité financière. Si cette dernière condition est suffisante, elle n’est pas nécessaire dans la mesure où les interconnexions entre les institutions financière sont à prendre en compte. L’industrialisation à outrance des activités bancaire et financière conjuguée à la complexité des outils d’ingénierie financière ont eu des effets néfastes sur le système financier. Ainsi la discipline de marché, à laquelle étaient soumises les banques en plus du rôle des agences de notation, n’a pu permettre de prévenir la crise ; d’où l’intérêt de réviser la supervision des activités bancaire et financière.

Les réformes qui sont envisagées au niveau international n’auront pas la même importance pour l’Afrique qui a été épargnée par la crise du simple fait que son système financier n’est pas suffisamment imbriqué dans les méandres de la finance mondiale. Cela n’appelle pas toutefois les pays africains à rester en marge des réflexions pour envisager un nouveau cadre de supervision bancaire. En effet, les réformes envisagées au niveau du Comité de Bâle auraient certainement des impacts sur l’activité bancaire dans les pays africains, même si ceux-ci n’ont pas adopté les principes fondamentaux de Bâle. Cela vient du fait que l’implication de l’Afrique dans le système financier mondial devient de plus en plus prononcée. Il faudrait donc que les acteurs chargés de la surveillance bancaire en Afrique entreprennent une évaluation de l’incidence de ces réformes. D’ailleurs, il faudrait que les pays africains réfléchissent à comment s’orienter vers l’adoption des principes de Bâle, dans la mesure où les pays africains sont dans une logique d’insertion dans l'économie mondiale. L’adoption de ces principes devient donc un préalable pour renforcer l’activité bancaire.

Si pour les pays africains, l’impératif des réformes ne répond pas à une défaillance du système bancaire mais plutôt dans une perspective des défis à venir, il faudrait toutefois que ces réformes tiennent obligatoirement compte de certains points; notamment la définition d'un cadre analytique bien structuré et la disponibilité d'un personnel compétent. En effet, la dernière crise a fini de démontrer que certains aspects fondamentaux de la surveillance bancaire ont été occultés avec l’évolution de cet exercice comme par exemple : la complexité de l’utilisation de la notion d’actifs pondérés suivant le risque ; la divergence du cadre prudentiel suivant les pays en lien avec la différence en termes de classification et de provisionnement du crédit ; le recours à des méthodologies très sophistiquées pour l’estimation de certains risques et la volonté des banques pour un cadre moins strict sur leur effet de levier en vue d’accroître leur rentabilité. Ainsi, un nouveau cadre de supervision devra s’appuyer non seulement sur la compétence des autorités en charge de cet exercice mais aussi sur une approche décentralisée au niveau des banques. Les organes de direction doivent être capables de mesurer les risques encourus par leurs établissements et d’évaluer leur adéquation vis-à-vis des fonds propres et de s’assurer que la gestion des risques se fait en fonction de leur nature et des activités de leur établissement. Les autorités en charge de la supervision, s’assureront pour leur part, que les banques mettent à leur disposition tous les documents relatifs à leur gestion et à leurs activités. Cela leur permettrait de déceler à l’avance les tensions existantes sur les fonds propres d‘une banque en fonction des caractéristiques des risques pris par cet établissement et de mener à temps les mesures correctives nécessaires pour éviter une déstabilisation du système.

Plusieurs approches existent en termes de surveillance bancaire :

  • le Bottom-up : il s’appuie sur des procédures d’audit, où toutes les institutions valident les états financiers en s’assurant de leur adéquation avec les contrôles internes. Cette approche appréhende le risque au regard des exigences du cadre réglementaire sans s’intéresser à son origine – qui peut être lié à un problème de gouvernance ou de gestion. Avec cette approche les banques sont amenées à diminuer les risques plutôt que de mieux les gérer.
  • le Top-down : elle se fonde sur une analyse financière globale en plus d’une analyse complémentaire des politiques, des systèmes et des pratiques de management. Les décisions prises aux niveaux supérieurs de la hiérarchie seront répercutées et traduites en plans d’actions suivis et maîtrisés par les dirigeants à partir d’indicateurs adéquats.
  • la supervision basée sur les risques : c’est une variante des systèmes de supervision qui améliorent le caractère préventif de la supervision bancaire. Elle s’appuie sur un cadre d’analyse pour évaluer les pratiques de gestion, de contrôle, des procédures et politiques, pour minimiser le risque et garantir une gestion saine des expositions aux risques. Cette approche accorde donc une importance particulière à la capacité des organes de direction des institutions financières à gérer les risques externes (concurrence, risques systémiques).

Cette dernière approche apparaît plus intéressante pour les acteurs en charge de la supervision bancaire dans la mesure où elle présente l’avantage de pouvoir distinguer les différents établissements financiers sur la base des profils de risques encourus. Elle permet ainsi de concentrer les ressources de la supervision sur les zones à plus gros risques et fournit un cadre flexible permettant de régler et de gérer prudemment les différents services financiers, au lieu de les interdire et de créer une entorse au développement de l’activité bancaire. Sa mise en oeuvre en Afrique nécessiterait un renforcement des compétences des acteurs en charge de la surveillance afin que ces derniers puissent être capables de distinguer et d’évaluer les différents types de risques encourus par les banques qu’ils examinent. Ces derniers devraient aussi disposer des outils leur permettant de mesurer et d’appréhender la solvabilité ou la vulnérabilité du système aux chocs macroéconomiques ou en fonction des prévisions portant sur l’activité économique (chômage, prix, croissance, ..).

Vouloir renforcer la solidité bancaire en renforçant la surveillance pourrait rajouter davantage de contraintes à la distribution de crédit, et donc sur la croissance économique, notamment en Afrique où les banques contribuent déjà assez faiblement au financement de l’économie et où des mesures sont prises pour favoriser une plus forte implication de ces dernières. Si le crédit aux PME et aux ménages constituent un moteur de croissance, il est aussi une source de création monétaire, contribuant à faire augmenter les prix et à entretenir des bulles notamment sur le marché de l’immobilier et sur les actifs boursiers. L’économie peut alors tomber dans une situation où le financier est complètement déconnecté du réel. Il s’agirait alors d’avoir un encadrement plus strict du cycle du crédit tout en favorisant le développement des systèmes de garanties, notamment en ce qui concerne les crédits destinés aux PME/PMI. Une telle approche permettrait de contrôler les risques inhérents aux PME/PMI, tout en maintenant le financement bancaire de ces entités, principales créatrices d’emplois.

Les systèmes financiers africains subissent des transformations rapides sans pour autant que les acteurs en charge de la supervision bancaire ne dérogent à leur approche en termes de supervision bancaire, bien loin des pratiques internationales. Si l’Afrique entend jouer une plus grande partition dans l'économie mondiale, il est plus que nécessaire qu’elle adapte son cadre de supervision bancaire afin de mieux gérer les risques auxquels ses institutions financières s’exposent et prévenir les risques de faillite, tout en ne pénalisant pas l’activité bancaire et son rôle dans l’économie. Pour ce faire, les pays africains pourraient s’appuyer sur un cadre où l’on accorde une place importante à l’analyse prospective du risque afin de permettre une intervention à temps pour assurer la stabilité et la pérennité du système bancaire.

Foly Ananou

Comité de Bâle, 2006. Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace

Gorton, 2008. The Subprime Panic. National Bureau of Economic Research Working Paper n° 14398

Fiecher J. et al, 2010. The Making of Good Supervision: learning to say no. IMF Staff position note n° SPN/10/18


[1] La supervision bancaire est importante dans la mesure où elle permet une évaluation des risques afin de préserver la solvabilité des banques et de garantir la stabilité financière

 

 

 

Les plateformes entrepreneuriales : cas de Concree

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Weebly, Legal zoom, Rockpost, Square, et Hootsuite; voici en 2012 selon le magazine américain Forbes le top cinq des meilleures plateformes au monde contribuant au développement de l’entrepreneuriat. Un concept qui n’est plus du tout à définir, l’entrepreneuriat a été reconnue depuis quelques décennies par les décideurs publics comme un moteur important de l’économie[1]. Ainsi, l’échange de bonnes pratiques et le coaching entre les nouveaux entrepreneurs et les plus expérimentés s’avère indispensable pour augmenter l’impact de l’entreprenariat sur les performances économiques. C’est dans ce cadre qu’intervient les plateformes comme Concree.

Dans le monde entrepreneurial une plateforme peut être définie comme une base de travail à partir de laquelle on peut mettre en plusieurs entrepreneurs d’un secteur, les orienter, leur apporter une assistance technique particulière et développer les outils nécessaires à la réalisation de leurs objectifs. L’un des rôles des plateformes entrepreneuriales est donc d’optimiser les démarches d’un nouvel entrepreneur.

Impact des plateformes sur l’écosystème entrepreneurial et sur les économies nationales

L’écosystème entrepreneurial fait référence à l’environnement entrepreneurial qui repose selon le Professeur Daniel ISENBERG sur six composantes : la culture, les politiques, le capital financier, les marchés, la main d’œuvre et les supports infrastructurelles.[2] Les plateformes entrepreneuriales, en optimisant les démarches des entrepreneurs, améliorent par la même occasion l’écosystème entrepreneurial à travers les changements qu’elles apportent à chacune des composantes de l’écosystème entrepreneurial.

Selon le magazine Forbes, les plateformes entrepreneuriales facilitent la création des entreprises. En effet grâce aux applications, logiciels, et sites web qui aident les entrepreneurs, le nombre d’entreprises créées a énormément augmenté dans le monde ces dernières années. Par exemple, en 2012 aux Etats-Unis d’Amérique, les jeunes entreprises communément appelés startup ont créé environ deux tiers des nouveaux emplois et sont sources d’innovations permanentes. Ainsi, les plateformes entrepreneuriales contribuent au développement même du secteur privé, qui est indispensable à l’économie toute entière.

‘’Concree’’, une plateforme entrepreneuriale pour l’Afrique francophone

Le 08 mai 2014, la startup Baobab Entrepreneurship a officiellement lancé sa plateforme dénommée ‘’Concree’’ (Connecter et Créer). Cette plateforme a été conçue pour offrir aux entrepreneurs les moyens de faire face aux challenges du monde entrepreneurial. Si l’Afrique anglophone est un peu en avance dans ce domaine avec des structures comme : Africa platform et Invest Africa ; Concree est la première du genre en Afrique francophone.

Concree a une vision assez claire de l’entrepreneuriat en Afrique et veut par des moyens efficaces contribuer au développement de ce dernier. La mission que s’est fixée cette nouvelle plateforme est de développer l’écosystème entrepreneurial au Sénégal et en Afrique à travers les nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC).

Concree met à la disposition de tout entrepreneur un espace de travail virtuel sécurisé et équipé d’outils dynamiques intervenant à chacune des phases de création d’entreprise. Elle propose un accompagnement avec un coaching adéquat des nouveaux entrepreneurs. En plus de cela la plateforme aide les nouveaux entrepreneurs à trouver des collaborateurs aux compétences complémentaires avec qui faire équipe. Sur le plan financier, Concree propose des solutions alternatives de financement adaptées aux jeunes entreprises. Enfin, elle met à la disposition de tout entrepreneur une base lui permettant de développer, d’améliorer et de tester son modèle économique et son business plan.

Les attentes sont nombreuses concernant cette nouvelle plateforme tellement les besoins du continent africain sont énormes. Même si Concree n’a pas encore fait ses preuves, il n’en demeure pas moins que des initiatives de ce genre sont à féliciter et font développer l’esprit de création d’entreprise qui est à la base de l’entrepreneuriat. Dans le domaine des plateformes entrepreneuriales, l’Afrique est encore très loin des autres continents mais on ose croire que d’ici quelques années davantage d’initiatives comme Concree vont émerger pour aider le secteur privé à jouer une partition plus importante dans les économies africaines.

Daniel Sessi


[1] Panorama de l’entrepreneuriat (2011)

 

 

 

 

 

[2] Introducing the Entrepreneurship Ecosystem: Four Defining Characteristics (2011)

 

 

 

 

 

Renforcer le commerce intra-africain pour résoudre le chômage des jeunes

une_croissance_inclusive_folyDes nombreux défis auxquels est confrontée l’Afrique, le chômage des jeunes est certainement l’un des plus graves. Ce n’est pas une situation spécifique à l’Afrique mais présente dans la plupart des pays du monde, sous diverses ampleurs. La question de l’emploi de cette tranche de la population est si stratégique en Afrique, où la majorité de la population est jeune, qu’elle peut conduire  aux chutes de gouvernements comme nous l’a montré le printemps arabe (Tunisie, Egypte). D’un autre côté il est admis que la part du commerce africain à l’échelle mondiale est très faible. Par exemple en 2012, la part de l’Afrique dans le commerce mondial ne valait que 3% tandis que le commerce intracontinental affichait un taux de 12% (du commerce total de l’Afrique[1]). C’est dire la faiblesse de l’intégration africaine pourtant reconnue par l’OMC et la BAD comme moteur de croissance potentielle du continent à travers le renforcement des capacités productives et créateur d’emplois[2] notamment pour les jeunes. Dans cet article, nous essaierons d’étudier plus amplement les liens qu’entretiennent le commerce intra-africain et l’emploi des jeunes. Cela se justifie d’autant plus pour un continent comme l’Afrique largement dépendant du commerce dont le taux d’ouverture était de 65% en 2011 selon la Banque Mondiale.

Selon le BIT, le taux de chômage des jeunes[3]  africains était de 20% en 2011 et ne cesse de croitre. Des disparités existent cependant entre régions mais aussi entre sexes, les femmes étant les plus vulnérables sur le marché du travail. Par exemple, en 2011, en Afrique du nord ce taux est de 27% contre 19% pour l’Afrique subsaharienne et 50% en Afrique du sud. Les jeunes femmes affichent généralement des taux de chômage plus élevés que les hommes, spécialement en Afrique du Nord où le taux de chômage des jeunes femmes est sensiblement deux fois plus élevé que celui des jeunes hommes sur la période 1991-2011.

Continent le plus fragmenté avec 54 pays, l’Afrique est aussi la région du monde avec le plus faible taux d’échanges commerciaux intracontinental malgré les nombreuses unions économiques régionales. Pendant que la part des échanges intra régionaux en Europe est d’environ 70% contre 50% en Amérique du Nord (2012), elle tourne autour de 12% en Afrique. Cette faible intégration commerciale est en partie due à l’extraversion du commerce africain et l’inadéquation des infrastructures, situation héritée de la période coloniale et restée pratiquement inchangée jusqu’au début de la dernière décennie.  Le commerce africain est largement dominé par un petit nombre de produits primaires : les produits miniers et les combustibles représentaient ainsi près des deux tiers des exportations totales du continent en 2010. On pourrait aussi ajouter la faiblesse du secteur privé et le manque de chaines de valeurs régionales ou de réseaux régionaux de production pour stimuler le commerce intra-régional et ce, malgré l’avantage comparatif d’un bon nombre de pays africain dans le secteur des produits de base.

2Dans la revue théorique et empirique sur le chômage et l’emploi, on distingue 4 différentes mesures revêtant divers aspects du commerce : l’intégration commerciale mesurée par le volume des exportations et des importations ; l’ouverture commerciale mesurée par le rapport du commerce total sur le PIB ; la libéralisation commerciale mesurée par les changements dans le régime de politique commerciale et les flux d’IDE (Jansen, Peters and Salazar-Xirinachs, 2011). La libéralisation commerciale est associée à la création et la destruction d’emplois.

De nombreuses études ont montré le rôle clé du commerce intra africain dans le développement économique en général, mais aussi sur la création d’emplois et la génération de revenus stables spécialement pour la jeunesse. Ainsi, selon une récente étude de la BAD[4], il existe une relation (corrélation) négative entre le taux de chômage des jeunes et la part du commerce intra-africain. Les pays qui ont les taux de chômage de jeunes les plus élevés sont également ceux dont la part dans le commerce intra est le plus faible (voir figure ci-contre). Globalement, une hausse de 1%  du commerce intra-africain entraine une baisse de 1,47% du chômage des jeunes (1,67% pour les femmes et 1,46% pour les hommes). L’augmentation du commerce intra-africain impacte donc plus sur la réduction du chômage des jeunes filles que celui des hommes, étant donné qu’elles sont les plus employées dans les secteurs des exportations.

Bien sûr, il existe d’autres facteurs pouvant contribuer au repli du chômage des jeunes. Il s’agit notamment des investissements domestiques, l’institutionnalisation de la démocratie, l’urbanisation, etc. Ces paramètres ne sont pas incompatibles avec une plus grande intégration commerciale africaine. Au contraire, la stimulation des investissements privés intérieurs et la liberté d’entreprendre conduiront les pays africains à la diversification des leurs économies et à une complémentarité certaine. Le développement économique basé sur l’exploitation des ressources naturelles est bien possible, au regard du Canada et de l’Australie, à condition de se servir des ressources générées par ces ressources naturelles pour diversifier son économie. L’Afrique peut en faire autant. A titre d’exemple l’énorme potentiel énergétique du Congo, de l’Afrique du Sud, du Nigéria pourrait être utilisé pour résoudre les problèmes d’énergie du contient. De nouvelles infrastructures seraient construites, le commerce intra africain augmenterait, et partant une baisse du chômage des jeunes. Les effets positifs ne s’arrêteront pas là et seront davantage nombreux s’ils s’inscrivent dans une approche régionale. Cela implique la levée des barrières tarifaires et non tarifaires au commerce intra africain, la paix et la sécurité.

L’expansion du commerce intra africain nécessite donc une action concertée entre pouvoirs publics et milieux d’affaires. Y parvenir permettra non seulement d’améliorer grandement la situation d’emploi des jeunes mais aussi de résoudre d’autres problèmes qui étranglent le continent. Il existe certes un gap entre la théorie et la pratique, mais il est évident de l’Afrique peut et doit commercer avec l’Afrique pour stimuler la création d’emplois et réduire sa dépendance aux chocs extérieurs. La question essentielle est la vitesse à laquelle elle y parviendra.

Teico Kadadji


[1] http://www.wto.org/french/news_f/news12_f/ddg_12apr12_f.htm

[2] CNUCED, Rapport Commerce intra-africain: libérer le dynamisme du secteur privé, Juin 2013

 

 

 

[3] La tranche d’âge correspondant aux jeunes d’après les standards de l’OIT pour le calcul du taux de chômage est celle des 15-24 ans

[4]Anyanwu, J. C. (2014), Does Intra-African Trade Reduce Youth Unemployment In Africa?, Working Paper Series N° 201, African Development Bank, Tunis, Tunisia.

Les perspectives économiques 2014 pour l’Afrique selon le FMI

forecastLes perspectives économiques du continent sont plutôt bonnes pour 2014, selon le Fonds Monétaire International. En effet, l’institution table sur une croissance accélérée de 5,5% en 2014 contre 4,9% l’année précédente. Cette croissance est soutenue par des investissements de plus en plus importants dans les infrastructures et par l’amélioration des perspectives dans les pays exportateurs de pétrole. Selon le FMI, l’inflation devrait être contenue cette année dans plusieurs pays et le solde budgétaire devrait également s’améliorer. Par contre, le déficit extérieur devrait se creuser davantage compte tenu des importations litées aux investissements directs étrangers et du niveau élevé des investissements dans les infrastructures – à noter que le tissu industriel local est quasi inexistant –. Cet article fait une synthèse de la publication du FMI sur les perspectives économiques d’avril 2014[1].

Ces prévisions – qui sont de court terme – doivent selon l’institution être maintenues face à la nouvelle donne mondiale. Elles reposent en effet sur l’hypothèse que les effets du ralentissement économique des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et du resserrement des conditions monétaires dans le monde ne seront pas très prononcés en Afrique Sub-saharienne. Mais quel impact pour le sous-continent d’un ralentissement de la croissance des pays émergents et d’un redressement de la politique monétaire mondiale ?

Ces dernières années, on a assisté à une accélération de la croissance dans les pays émergents, notamment la Chine. Cette  évolution rapide a eu pour conséquence l’augmentation du volume des échanges avec l’Afrique sub-saharienne. La croissance du continent a ainsi été boostée à travers non seulement la demande mais aussi les prix élevés des produits d’exportations et des flux d’investissements. Un ralentissement de l’activité économique en Chine par exemple, se traduisant par le retrait de l’investissement au profit de la consommation, devrait impacter les prix des produits et inciter les entreprises de ces pays à moins investir à l’étranger. De leur côté, les conditions financières mondiales, ayant été allégées pour résorber la dernière crise mondiale ont créé une forte disponibilité des capitaux mais surtout un afflux massif des capitaux vers les pays en développement, notamment ceux d’Afrique sub-saharienne. Le redressement des conditions financières mondiales entraînera donc un recul des investissements directs étrangers.

L’institution financière internationale estime que l’impact immédiat de ces ajustements au niveau mondial sera limité, du moins dans la plupart des pays. En effet, la reprise de la croissance mondiale devrait créer un environnement favorable à travers la demande extérieure. Néanmoins, l’ajustement des conditions financières pourrait constituer un goulot d’étranglement pour les économies vulnérables d’un point de vue budgétaire et/ou politique. Pour un maintien de cette croissance, les politiques macroéconomiques devraient être axées sur le renforcement des soldes budgétaires creusés par la crise, profitant ainsi du climat favorable actuel, la préservation des dispositifs de protection sociale, le maintien de l’inflation et surtout le renforcement de l’intégration sous régionale.

Ces perspectives du FMI portent sur le court terme et l’idéal pour les Etat d’Afrique sub-saharienne serait de trouver les mécanismes pour mettre en place un socle structurel devant favoriser une croissance soutenue et inclusive. Ces dernières décennies, bon nombre de ces pays ont connu des taux de croissance de l’ordre de 5% à 6%. Cependant, force est de constater que les problèmes structurels demeurent dans ces pays. En effet, les fruits de cette croissance ne sont perçus que par une infime partie de la société. Pour une croissance inclusive et profitable à tous, le FMI préconise une utilisation rationnelle du potentiel humain existant et une amélioration des services financiers.

L’action des autorités politiques sur le potentiel humain doit d’abord passer par l’accroissement des possibilités d’emploi, moyen efficace pour réduire la pauvreté. Les entreprises familiales étant très développées sur le sous-continent et tournées vers l’agriculture et les services, les politiques devraient être orientées sur la création d’un environnement favorable au développement de ces activités. Le gain de productivité sous-jacent devrait favoriser la transformation structurelle des économies. La facilité de l’accès aux services financiers devraient également être promue afin d’encourager l’entreprenariat et la création d’entreprises. Ceci pourrait par exemple passer par la mise en place de reformes telles que la promotion de l’utilisation des NTIC dans les transactions financières.

La stabilité macroéconomique passe aussi par un environnement monétaire potable. Si ces dernières années, les taux d’inflation dans plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne est passée sous la barre des 10%, les autorités monétaires doivent doubler de vigilance afin d’atténuer les risques d’instabilité macroéconomiques. Elles doivent affronter le défi soulevé par le resserrement du cadre financier international entraînant une hausse des coûts de financement et un risque grandissant de reflux de capitaux. Certaines réformes doivent être menées afin de garantir l’efficacité de la politique monétaire. Il s’agit notamment de l’amélioration de la qualité et de la fréquence des données permettant ainsi de disposer de l’information pour intervenir au moment opportun. En plus, Les banques centrales doivent surveiller l’excédent monétaire en circulation en améliorant la gestion de la liquidité, élargir le panel d’instruments de politique monétaire et aussi stabiliser le secteur financier.

En somme, si les perspectives économiques pour l’Afrique sub-saharienne restent favorables, il n’en demeure pas moins que celles-ci soient fortement dépendantes de l’évolution de l’activité économique extérieure. Bien que l’impact des ajustements extérieurs soit limité, certains Etats restent vulnérables sur les plans budgétaire et politique. Ces dernières années les économies du sous-continent ont connu des croissances accélérées. Néanmoins, celles-ci n’induisent pas le décollage économique du continent. Pour garantir une croissance inclusive et soutenue, les autorités devraient profiter des performances actuelles pour asseoir une base macroéconomique stable en perspective d’une croissance soutenue favorisant d’importantes restructurations économiques. Les politiques devraient dans cette optique être axées sur l’exploitation de la ressource humaine disponible et l’amélioration des conditions d’accès au crédit en vue de favoriser l’entreprenariat. Selon le FMI, les autorités monétaires pour leur part devraient veiller à l’assainissement de l’environnement financier au travers de diverses reformes.

Brice Baem Bagoa


[1] http://www.imf.org/external/pubs/ft/reo/2014/afr/eng/sreo0414.pdf

 

 

 

L’Afrique peut-elle s’endetter davantage ?

185075466Un article précédent portant sur l’intérêt de la dette pour une économie, discutait des conditions pouvant permettre à la dette de contribuer effectivement à asseoir le développement. Alors que l’Afrique affiche depuis une décennie les taux de croissance des plus forts du monde, le Fonds Monétaire International impose des conditions en ce qui concerne l’endettement à la plupart des pays africains, espérant que cela réduise le poids du service de la dette sur les finances publiques tout en consolidant la crédibilité des pays africains auprès de leurs créanciers, dans un contexte où les besoins des pays africains, notamment en infrastructures, sont considérables. Cette situation est d’autant plus dommageable que les appels répétés au secteur privé restent sans réponses.

Beaucoup considère que les pays d’Afrique ne sont pas trop endettés. Quand l’on considère que l’Afrique du Sud, le pays le plus endetté de l’Afrique, avec ces 46 Mds USD de dette à fin 2012 est bien loin de ses alter ego des BRICS, cette affirmation peut se justifier. En effet, la dette des autres membres des BRICS se chiffre en centaine de milliards de dollar : l’Inde, qui a le niveau de dette le plus faible dans ce sous-groupe, en était à 290 Mds USD à fin 2012. Il est dit qu’on ne prête qu’aux riches mais l’Afrique du Sud, pourtant riche en sous-sol et ayant rejoint le cercle fermé des économies les plus puissantes du monde, peine encore à lever sur les marchés financiers internationaux les capitaux nécessaires pour le financement de son processus de développement.

La plupart des pays africains ont bénéficié dans les années 2000 de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés (IPPTE), qui a été lancé afin d’éviter que le service de la dette ne soit pas un goulot d’étranglement pour la croissance. On pourra toujours se poser la question sur la pertinence de cette initiative, mais une chose est évidente, c’est que là où les pays d’Asie ont sû utiliser la dette pour asseoir leur émergence au travers de discipline budgétaire tout en suivant les conseils des institutions de Breton Woods ; en Afrique, la corruption, les détournements, la gabegie financière et les troubles socio-politiques ont complètement sapé le rôle que pouvaient avoir cet afflux de capitaux. Cette initiative, qui se matérialise par un effacement de l’ardoise de dettes, constitue un nouveau départ pour les pays africains en ce qui concerne le recours aux marchés financiers. Si des conditions, émanant essentiellement du FMI, persistent en ce qui concerne la dette c’est bien parce que des craintes subsistent quant à la capacité des pays africains à bien gérer les deniers publics mais aussi et surtout d’éviter qu’elle ne devienne une contrainte à la croissance. Rien que dans le cadre de l’initiative PPTE, des suspensions sont intervenus du fait de suspicion de détournements de fonds. C’est dire combien les problèmes de gouvernance ont fait de l’endettement un outil plutôt dangereux pour l’Afrique.

Aujourd’hui, les conditions deviennent plutôt favorables mais pourraient ne pas suffire pour amener l’Afrique à s’endetter davantage. En effet, la dette s’entretient par le remboursement du capital et des intérêts. Cela suppose que l’Etat puisse prélever suffisamment auprès des contribuables afin de tenir ses engagements financiers. Ainsi, emprunter devrait s’effectuer dans des conditions de forte croissance ; ce dont l’Afrique peut se prévaloir depuis la décennie passée. Or en Afrique, cette croissance est fortement tirée par un effort d’investissement public – et donc, non rentable – et l’investissement privé dans les ressources minières. Par ailleurs, l’instrument fiscal est assez faible dans la plupart des pays africains, réduisant ainsi les revenus de l’Etat. Et c’est justement l’anticipation de ces revenus futurs qui déterminent la capacité d’un pays à s’endetter. Cette situation serait donc à l’origine de l’incapacité des pays africains à contracter massivement des prêts : la dette en fin 2012 pour la plupart des pays d’Afrique se situait encore sous la barre des 10 mds USD, seulement quelques pays chiffrent leur dette en plusieurs dizaines de Mds USD.

Somme toute, l’Afrique a un potentiel sur le plan financier, qui est encore inexploité du fait de la faiblesse de son économie, qui pourtant paraît fort (au regard des taux de croissance enregistrés)  du fait du soutien d’investisseurs étrangers. Si la gouvernance s’améliore à la mesure des efforts des pays à assainir l’environnement des affaires, le défi actuel pour le continent, serait de rééquilibrer les comptes afin de disposer des revenus futurs capables de couvrir cette charge tout en améliorant la performance des outils financiers des Etats, notamment la fiscalité.

Mais tout ceci ne serait favorable en réalité que si la richesse se créé sur la base de facteurs internes. Ainsi, tant que les performances économiques de l’Afrique seront en lien avec la richesse de son sous-sol mis en valeur par des capitaux étrangers, elle ne pourra user de la dette pour asseoir son émergence. Rendre la croissance inclusive par le développement d’un secondaire fort capable de répondre à la demande intérieure et le développement d’un système fiscal adossé à un mécanisme de collecte des impôts efficace seraient un préalable pour que la dette  puisse contribuer, sans contraintes, au développement du continent. A défaut, elle obérera toutes perspectives de croissance à termes, en devenant un poids pour les finances publiques, décrédibilisant et rendant ridicules les efforts des pays en matière de finances publiques. En fait, l’Afrique peut s’endetter davantage mais les conditions ne sont pas encore remplies pour qu'elle le fasse.

 Foly Ananou


[1] La croissance n’est de toute façon qu’un chiffre, la réalité derrière étant autres choses.

 

 

Le financement des PME : En quoi la phase de « participation active » des fonds de private equity peut- elle être un frein ?

incentivesCes dernières années, on constate un engouement des fonds de private equity  pour l’Afrique. Des millions de dollars sont ainsi levés pour être injectés dans les économies des pays du continent.  En 2013, ces fonds ont investis plus de 1,6 milliard de dollars en Afrique subsaharienne, montant record des cinq dernières années, selon une étude de l'Association du capital-investissement pour les marchés émergents (Emerging Markets Private Equity Association/ EMPEA). Malheureusement, très peu d’entreprises en réalité bénéficient de ces ressources. En effet les fonds choisissent d’investir dans les grandes entreprises à forte notoriété, au détriment des PME, qui sont porteurs de croissance du fait qu’ils représentent l’essentiel du tissu économique des pays africains.

Le private equity est défini comme étant un investissement en fonds propres dans les entreprises récentes ou plus âgées, mais amorçant une nouvelle étape significative de croissance, de préférence dans les secteurs où les perspectives de développement sont importantes. Le but de cette opération étant la réalisation d’une plus-value, dans un cadre de collaboration active. Cette définition du private equity implique des interventions en amont et en aval. Elle se caractérise donc par : une participation au capital social, l’apport d’une valeur ajoutée au capital investi par une participation active et l’orientation à long terme variant entre cinq (5) et dix(10) ans ; ceci  afin que l’investissement fournisse un rendement suffisant.

UntitledIl trouve ses fondements aux Etats Unis, où il est apparu au lendemain de la seconde guerre mondiale avec la création du premier fonds d’investissement « American Research & Development Corporation» (ARD) en 1946. Des sociétés telles que Microsoft, Macintosh, Intel, Yahoo et Amazon pour ne citer que ceux-là étaient soutenues dès leur démarrage par des sociétés de private equity. Les premières initiatives dans ce domaine en Afrique datent des années 90 avec la création de FIARO (Financière d’investissement ARO)  à Madagascar ainsi que de la SPPI (Société de Participation et de Promotion des Investissements) en Tunisie. Depuis lors, le private equity a connu une croissance mitigée. En effet si d’aucun saluent l’engouement actuel des fonds de private equity pour l’Afrique, une situation qui se justifie en partie par les forts taux de croissance actuels enregistrés par les économies du continent ; il est  évident que le niveau d’investissement dans les PME, véritable moteur de croissance des économies africaines, et qui à l’ origine étaient les principales cibles de ce mode de financement, demeure toujours très faible.

Cet état de fait  pourrait se justifier par les implications de la deuxième étape de ce mode de financement, à savoir « la participation active à la gestion de l’entreprise ». Pour les investisseurs en private equity, leur métier consiste en une combinaison entre « Financement et assistance au management », ils mettent ainsi en avant l’expression de partenaire actif de l’entreprise. Avec leur savoir-faire, les investisseurs en private equity assistent les entreprises financées dans la détermination de la politique à long terme, dans l’évaluation financière, dans le recrutement du personnel, etc. C’est de cette manière qu’ils ajoutent de la valeur à leurs investissements. Cette ingérence dans la gestion de l’entreprise peut poser problème, notamment quand il s’agit des PME africaines, car le mode de gouvernance de la plupart de ces sociétés contraste avec celui plus orthodoxe des fonds de private equity.

En effet  le  capitalisme moderne, qui est l’essence du private equity, articule sa démarche autour du modèle de « la gouvernance d’entreprise ». Ce modèle se défini comme,  l’ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire (Charreaux, 1997). Or la PME africaine étant extrêmement personnalisée, on  assimile cette dernière à la personne même du chef d’entreprise. Cette personnification s’inscrit dans une interaction spécifique, entre le pouvoir de gestion et la propriété du capital. En effet, la PME africaine peut être considérée comme un système d’organisation du pouvoir presque toujours concentré dans les mains d’une seule personne: le chef d’entreprise. Celui-ci exerce son pouvoir de gestion et de contrôle, de sorte que les objectifs de l’entreprise sont fortement déterminés par ses objectifs personnels. Ce dernier demeure la clef de voûte de tout le système stratégique. Dans le fonctionnement, il est avant tout celui qui imagine, développe, et réalise sa vision. A cette personnification, s’ajoute une gestion opaque des affaires ; la plupart ne disposant pas d’états financiers fiables et sincères.

SanstitreL’opposition entre ces deux modèles de gouvernance crée un « effet paradigme », à l’origine du faible niveau d’investissement des fonds de private equity dans les PME du continent. Néanmoins, malgré cet effet paradigme certains fonds ont fait le pari d’investir, avec succès, dans les PME africaines. Il s’agit notamment de l’investisseur I&P, actif en Afrique Subsaharienne et qui a choisi d’investir exclusivement dans les PME de cette partie du continent. Ce fonds accompagne donc avec brio, des PME gérées par des entrepreneurs locaux ; les entreprises Biotropical au Cameroun et la Laiterie du Berger (Dolima) au Sénégal sont des exemples concrets de sa réussite. D’autres, tel que XSML à partir de son véhicule dédié aux PME d’Afrique centrale, « Central Africa SME Fund » se positionne également sur ce segment. Ces fonds ont donc su s’adapter aux difficultés apparentes, qu’il y a à investir dans les PME du continent et sont ainsi récompensés par des taux de rentabilité forts intéressants.

En définitive, il apparait que le modèle actuel du private equity tel qu’il est mis en œuvre par la plupart des fonds présents sur le continent, n’est pas adapté au fonctionnement des PME. Cependant, certains exemples de réussite prouvent que le risque pesant sur les PME du continent, du fait de leur personnification et de leur opacité peut être jugulé, si l’on élabore des stratégies adéquates. Il faudrait donc penser à un modèle qui intègrerait une quatrième phase en amont des trois phases identifiées ; que l’on pourrait appeler « phase de réorganisation ». L’objectif de cette phase serait principalement, de faciliter une réorganisation de la PME dans tous ses aspects et aboutirait à la signature d’un pacte d’actionnaires, qui sera dans ce cadre plus un contrat de gré à gré qu’un contrat d’adhésion, comme s’est généralement le cas. Ce modèle « acclimaté », tenant compte des réalités des PME africaines ; devrait ainsi permettre à un plus grand nombre de PME de bénéficier des ressources énormes des fonds de private equity et de ce fait générer par leur performances, une croissance inclusive des économies du continent.

                                                                                                                                                   Larisse M. Adewui           

Sources :

STEVENOT Anne (2006). L’influence des Capital Investisseurs sur la gestion des ressources humaines des entreprises financées : dimensions, enjeux et limites, FARGO – Centre de recherche en Finance, Architecture et Gouvernance des Organisations.

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