Un bilan de la mondialisation en Afrique: Sommes-nous condamnés au sous-développement? (1ère partie)

La fin de l’année est souvent une période propice pour dresser des bilans et prendre de bonnes résolutions, en prenant en considération ses faiblesses et ses fautes pour ne pas les répéter. Au delà d’un passage à une nouvelle année, les fins de décennies ont, par une étrange coïncidence de l’histoire, plus tendance à constituer des ruptures que d’autres. 2009 n’aura pas échappée à cette règle, puisqu’elle sembler clôturer un cycle qui a été entamée avec le mémorable Millenium il y’a de cela dix ans. Si 1929 a ébranlé la foi dans un progrès et une croissance illimitée, si 1939 a mis fin aux espoirs pacifistes d’une sécurité bâtie sur le dialogue et non plus sur la force, et si 1989 a indéniablement introduit une nouvelle donne dans les affaires du monde, 2009 aura également constitué, à sa manière, une année charnière dans l’histoire universelle. Continue reading « Un bilan de la mondialisation en Afrique: Sommes-nous condamnés au sous-développement? (1ère partie) »

Interview avec Ernest Mendy sur le scoutisme au Sénégal

Terangaweb a interviewé Ernest Clément Mendy (26 ans), commissaire national à la branche verte des Scouts du Sénégal (SDS). M. Mendy présente le mouvement Scout lié à l’Eglise et aborde l’intérêt croissant de jeunes musulmans pour le scoutisme. Il évoque aussi la situation socio-économique difficile à laquelle fait face la jeunesse sénégalaise ainsi que l’engagement des jeunes chrétiens en politique.

Terangaweb : Pouvez-vous expliquer à nos internautes qu’est-ce-que le scoutisme et quel est l’état du mouvement scout aujourd’hui au Sénégal ?

Ernest Mendy : Le Mouvement scout est un mouvement éducatif pour les jeunes, fondé sur le volontariat. Il s’agit d’un mouvement à caractère non politique, ouvert à tous sans distinction de genre, d’origine, de race ni de croyance. Continue reading « Interview avec Ernest Mendy sur le scoutisme au Sénégal »

Réhabiliter l’homme politique en Afrique

Ces derniers mois ont vu la disparition de deux figures politiques du continent africain : messieurs Omar Bongo, président du Gabon, et Lansana Conté, président de la Guinée Conakry. Ces deux personnages se sont éteints au pouvoir, après des règnes présidentiels de plusieurs décennies. Les média ont amplement souligné, et à juste titre, le piètre bilan, pour utiliser un euphémisme, de ces deux hommes d’Etat. Mais ce qui retiendra notre attention est le renouvellement du pouvoir laissé vacant par ces deux décès. Dans le cas de la Guinée Conakry comme du Gabon, l’impression est que le fruit mûr du pouvoir est tombé dans l’escarcelle de celui qui a su s’en saisir le premier.

Le capitaine Dadis Camara, sous les habits de l’homme de troupe populiste et désintéressé, s’est servi du seul pouvoir réellement constitué en Guinée, l’armée, pour mener un coup de force qui lui permis, sans réelle opposition, de prendre la tête de son Etat. Les institutions démocratiques guinéennes, verni de légitimité dont s’était doté Lansana Conté plus pour plaire à l’extérieur qu’à son propre peuple, ont montré leurs limites. Alors même que le pouvoir du comité militaire de Dadis Camara est déjà complètement décrédibilisé suite au massacre du 28 septembre 2009, la contestation n’est réellement portée que par la société civile ; la classe politique, divisée, sans idées, sans réel ancrage populaire, est aux abonnés absents. Continue reading « Réhabiliter l’homme politique en Afrique »

Bilan de 2009 pour le Sénégal: Etat en deliquescene, appauvrissement et frusatration des populations

De l’année 2009 qui vient de s’écouler, que retenir pour le Sénégal si ce n’est que l’Etat y est en déliquescence, que les populations se sont incontestablement appauvries et que la frustration y a touché un seuil jusque là jamais atteint ?

Il n’est guère besoin de s’y attarder, l’Etat au Sénégal est en faillite. Le Président Wade n’incarne même plus un pouvoir qui a déserté un gouvernement pléthorique dont la plupart des ministres sont des pantins, une Assemblée Nationale entre les mains d’un petit groupe de bandits, un Sénat qui ne sert qu’à élargir l’éventail de rente du pouvoir. Dans ce pays, la constitution et les institutions y ont été vidé de leur sens ; le président sent bien venir l’apocalypse et ne pourra sauver ni l’Etat, ni son parti ni même son propre fils. il ne lui reste plus qu’à s’accrocher à son espèce de monument dit de la renaissance africaine qui suscite l’indignation de notre peuple et fait la risée de notre pays dans la presse internationale. On ne peut plus rien attendre d’Abdoulaye Wade sur le plan politique, il a perdu la mesure des choses et son entourage ne l’a jamais suffisamment eue. Continue reading « Bilan de 2009 pour le Sénégal: Etat en deliquescene, appauvrissement et frusatration des populations »

Logos et logocrates (II) : Sarkozy et Obama discourent sur l’Afrique

Accra
Le ton et le contexte sont ici essentiels. L’allocution de Barack Obama à Accra était attendue, le choix de cette ville, considéré comme un adoubement, une reconnaissance. La popularité du Président Américain y est réelle et solide. Le ton du discours plus apaisé, plus respectueux dans les formes, plus didactique, le fond plus conséquent, la forme plus structurée, les analyses plus fines, les perspectives ouvertes plus claires, les promesses chiffrées et les références plus actuelles que dans le cas du désormais (et tristement) célèbre "discours de Dakar".
J’avais le pressentiment que je détesterais ce discours. Pour des raisons assez étranges, les discours de l’ex-sénateur Obama, me semblent rébarbatifs depuis son accession à la présidence, sa timidité dans le domaine des relations internationales m’exaspère aujourd’hui, comme jadis l’enthousiasme insensé que sa candidature avait soulevé.
Au fond, il n’y a rien à redire sur le discours en lui-même, mais c’est l’idée de ce discours, la manie de discourir tout le temps sur l’Afrique, la propension à venir rappeler aux leaders Africains des vérités qu’ils sont censés savoir, qui est écœurante.
L’allocution d’Obama a un avantage décisif sur celle de son homologue Français : elle est structurée et cohérente.
D’abord les habituelles banalités sur l’avenir de l’humanité qui dépendra peu ou prou de ce qui se passera en Afrique, dans les domaines de la démocratie, la santé et l’économie. Puis un retour sur l’histoire familiale du Président Américain qui recoupe en partie l’histoire de l’Afrique subsaharienne (colonisation, lutte pour l’indépendance et mirages postélectoraux). Enfin, le corps du sujet : une exposition en quatre parties sur la démocratie, la création d’opportunités, la santé et la résolution pacifique des conflits.
Simple et cohérent. Des annonces chiffrées (65 milliards de dollars pour poursuivre les efforts entrepris par Bush dans le domaine de la santé), des explications sur le rôle du commandement militaire américain qui doit être installé au Liberia, des engagements précis sur le soutien aux états démocratiques du continent, sur l’aide à la formation des cadres, sur la lutte contre le paludisme et l’amélioration de la prise en charge de l’accouchement. Nulle allusion à l’homme Africain, juste « l’Afrique » (parce que c’est suffisant); la question des défis et des opportunités que crée le réchauffement climatique en Afrique abordée sans aucune référence à l’homme noir si "proche de la nature".
Mais tout cela est gâché par le paternalisme. « L’Avenir de l’Afrique appartient aux Africains »… Et les parlementaires Ghanéens ont applaudi… L’occident n’est pas responsable de la dégradation de la situation au Zimbabwe… Et la salle s’est enthousiasmée. « Le monde sera ce que vous en ferez » et des hourrah jaillirent de toutes les gorges. Des sottises pareilles…
On pourrait en tirer deux conclusions : ou personne ne sait rien de tout cela en Afrique, et l’on est en droit de s’alarmer sur l’avenir de ces terres ; ou Barack Obama a ressenti le besoin de rassurer les Africains, ce qui est presque plus grave, parce qu’il n’y a que les enfants qu’on a besoin de rassurer, les adultes affrontent les défis, "debout, parce que c’est debout qu’on écrit l’Histoire".
L’infantilisation ici procède différemment. Ce ne sont pas les Africains en général qui se sentiraient infantilisés par ce discours, mais leurs leaders. La Voix de l’Amérique leur apporte la vérité sur leur situation, leur promet récompenses ou punitions. La société civile en Afrique a reçu elle les « encouragements » et les « félicitations » du président américain, l’entreprenariat privé a été vanté. Ce sont les leaders politiques qui ont été infantilisés. Le Professeur Obama leur a pendant trente minutes expliqué pourquoi il fallait aller de l’avant, comment leur situation pourrait s’améliorer et ce qu’il faudrait changer; il leur a présenté les vertus de la démocratie. Tout cela dans une sorte de tragi-comédie qu’on pourrait intituler « les cons découvrent le XXIème siècle ».
Conclusion
L’élégance racée et distinguée d’un côté, la brutalité brouillonne de l’autre, mais le même fond, à Dakar il y a deux ans, comme à Accra, l’Afrique n’a eu droit qu’à des logocrates, exposant ce qu’ils présentent comme les nécessités et les besoins de ce continent, alors qu’il ne s’agit que de tactiques électorales. Le discours de Conakry du Général de Gaulle en 1958 n’a pas mis fin à la mainmise française en Afrique francophone, celui de François Mitterrand à la Baule en 1990 n’a pas achevé les dictatures africaines, les excuses de Clinton en 1998 à Kampala n’ont pas suffi à clore le débat sur l’esclavage : tous visaient avant tout à rassurer ou s’attirer les faveurs de certaines parties des opinions publiques nationales, l’Afrique n’était qu’un prétexte.
Si Nicolas Sarkozy a annihilé tout espoir de construire des relations pacifiques avec l’Afrique, Barack Obama, par son habileté et aussi au nom de cette mystique panafricaine désuète mais si dangereusement répandue sur le continent et au sein des diasporas noires,  a vu  sa popularité s'accroître. Mais tout cela n’est que logorrhée. George Bush dont on ne recense aucun grand discours sur l’Afrique est pourtant, de tous les chefs d’États occidentaux, celui qui aura le plus fait pour aider réellement cette partie du monde, sans fanfares et alors que s’abattaient sur lui la pluie des quolibets – bien mérités – suscités par son action sur d’autres fronts (un article que j’ai en tête depuis trois mois et que je n’ai pas encore eu le temps d’écrire). Les vrais amis de l’Afrique ne sont pas toujours ceux qu’on croit.

Interview sur la situation des étudiants sénégalais au Maroc

Le Maroc est connu pour être la seconde patrie des Sénégalais. Ceux-ci sont notamment très nombreux à effectuer leurs études supérieures dans le Royaume chérifien qui constitue, juste derrière la France, la deuxième destination des étudiants sénégalais. Terangaweb est allé à la rencontre de cette forte communauté sénégalaise en interviewant Arame NDAO, Présidente de l’Union Générale des Etudiants et Stagiaires Sénégalais au Maroc (l’UGESM). Avec une pertinence et un sens de la formule remarquables, elle aborde la situation, souvent difficile et généralement méconnue, des étudiants sénégalais au Maroc. Un entretien qui vaut sans nul doute plus qu’un simple détour !

Terangaweb : Pouvez-vous présenter aux internautes de Terangaweb l’association que vous dirigez ?

Arame NDAO : Permettez-moi tout d’abord de me réjouir de l’intérêt que vous portez à notre association. L’Union Générale des Etudiants et Stagiaires Sénégalais au Maroc (l’UGESM) est une association qui, comme son nom l’indique, regroupe tout élève, étudiant et stagiaire sénégalais résidant sur toute l’étendue du territoire marocain. Elle a été créée en 1979 par de valeureux étudiants comme j’ai l’habitude de les qualifier. Des étudiants qui avaient senti la nécessité de s’unir, de s’entraider dans un pays avec lequel le Sénégal a pu tisser des relations séculaires et exemplaires.

De 1979 à 2009 l’UGESM n’a cessé de s’agrandir. Elle compte aujourd’hui plus de 1 000 étudiants qui sont aussi bien dans le public que dans le privé. Et avec nos sections qui sont dans presque toutes les villes du Royaume, nous essayons tant bien que mal de hisser la communauté estudiantine sénégalaise au rang des communautés les plus unies et les plus solidaires. Continue reading « Interview sur la situation des étudiants sénégalais au Maroc »

Logos et logocrates (I) : Sarkozy et Obama discourent sur l’Afrique…

L’enthousiasme suscité par le voyage de Barack Obama au Ghana et par l’allocution prononcée à l’Assemblée Nationale ghanéenne n’ont pas manqué de m’interpeller. Ils sont nombreux à penser le « discours de Dakar » mauvais et insultant qui trouvent celui « d’Accra » brillant et constructif. Avec le recul, je considère, pour ma part, ces deux discours comme complémentairement inutiles, à la seule différence que le premier mêlait l’inutilité à la médiocrité et à l’ennui, tandis que le second la dissimule sous une éloquence claire et didactique, c’est-à-dire malhonnête.
 
Dakar

Le scribe du Président Français, n’avait pu résister à la tentation de glisser, à intervalles réguliers, de petits signaux, adressés à l’électorat UMP, censés rappeler les « positions de la droite » sur l’Afrique, c’est-à-dire, le salmigondis  concocté par les nostalgiques des armées coloniales et les héritiers de Foccart. Pour ce faire, il a alterné références littéraires explicites (Rimbaud, Senghor, Césaire, Camara Laye et Birago Diop entre autres) et sous-bassement philosophique suranné et colonialiste.

Et encore, le terme « discours » est ici usurpé. Aucune construction, aucune structure cohérente, mais une logique bien claire : exprimer l’ouverture de la France sans tomber dans la « repentance ».
 
Pour chaque paragraphe intéressant, trois autres renvoient à la mythologie et aux traditions africaines, alors même que les jeunes Africains les ont oubliées, les méprisent ou essaient de s’en éloigner. Après chaque « pour le meilleur comme pour le pire, la colonisation a transformé l’homme africain et l’homme européen », suivaient une dizaine de « le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles ».
 
On excusera, je l’espère, les nombreuses citations si l’on veut bien prendre en compte le fait que dans ce cas, la forme est aussi importante que le fond, et que les critiques adressées à notre compréhension du « Discours de Dakar » renvoyaient toutes au fait que nous l’aurions mal ou incomplètement lu.
 
J’ai fait le compte : l’homme noir (six fois) l’homme africain (huit fois) et deux fois en complément de l’homme européen, Drame de l’Afrique (une fois), problème de l’Afrique (sept fois), défi de l’Afrique (quatre fois). Je n’ai toujours pas compris les sens donnés à « homme noir » et à « homme africain ». Et je reste ouvert à toute explication autre que celle qui voudrait que ces périphrases ne cachent qu’une répugnance à employer le terme « négro-africains » – à considérer d’ailleurs que cette utilisation fut indispensable.
 
Aucune donnée chiffrée, aucune indication temporelle.
 
Il y aurait beaucoup à redire sur la forme même de ce discours. Contentons-nous de ces quelques évidences :
 
D’abord la flatterie : « m’adresser à l’élite de la jeunesse africaine ». Si l’Université de Dakar comptait parmi ses étudiants "l’élite de la jeunesse Africaine", cela se saurait et il n’y aurait pas tant de lauréats de Concours Général Sénégalais en train d’errer dans les universités françaises aujourd’hui. Ou encore « Je suis venu vous dire que l’homme moderne qui éprouve le besoin de se réconcilier avec la nature a beaucoup à apprendre de l’homme africain qui vit en symbiose avec la nature depuis des millénaires »… En symbiose avec la nature ? Le mythe du bon sauvage actualisé.
 
Puis les insidieuses banalités : « m’adresser à tous les Africains qui sont si différents les uns des autres, n’ont pas la même langue, qui n’ont pas la même religion, qui n’ont pas les mêmes coutumes, qui n’ont pas la même culture, qui n’ont pas la même histoire et qui pourtant se reconnaissent les uns les autres comme des Africains ». Si ces « handicaps » surmontés par les Africains méritent d’être célébrés, alors la suite logique est que les Européens qui construisent l’Union Européenne et se considèrent comme Européens, ont donc tous la même langue, la même religion, la même histoire, les mêmes coutumes, la même culture… Aussi : « car l’homme africain est aussi logique et raisonnable que l’homme européen». Il fallait vraiment le rappeler?
 
L’entrée en « mystère » : ce terme revient quatre fois dans le discours. Un exemple : « là réside le premier mystère de l’Afrique (…) frères à travers cette foi mystérieuse qui vous rattache à la terre africaine, foi qui se transmet de génération en génération et que l’exil lui même ne peut effacer » (le clin d’œil aux « Afro-Français » est ici évident). Comme s’il était impossible de parler de l’Afrique sans se sentir obligé de retourner aux légendes africaines. Et même là,  il est évident qu’Henri Guaino n’est pas Birago Diop, car il n’y a rien de commun entre « ceux qui sont morts ne sont jamais partis/ Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire/ Et dans l’ombre qui s’épaissit» et « des poèmes qui leur faisaient entendre les voix des morts du village et des ancêtres »
 
Les palinodies. Dire dans un premier temps « le problème de l ‘Afrique, c’est de prendre conscience que l’âge d’or qu’elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas pour la raison qu’il n’a jamais existé » puis oser ensuite « la faiblesse de l’Afrique qui a connu sur son sol tant de civilisations brillantes, ce fut longtemps de ne pas participer assez à ce grand métissage »… De deux choses l’une, ou l’Afrique a connu des civilisations brillantes ou elle n’a jamais connu d’Âge d’Or. On pardonnera l’absence au « grand métissage », l’Egypte pharaonique, nous le savons tous, était blanche, l’Empire du Mali n’est jamais entré en contact avec la civilisation musulmane, le débat sur l’expédition de Bakary II en Amérique est clos, les travaux de Cheikh Anta Diop et Niangoran Boua sur la filiation des peuples Wolof ou Akan avec l’Egypte antique n’ont aucun intérêt.
 
Les lapalissades : « un avenir singulier qui ne ressemblera à aucun autre »; définition du Littré « Singulier : (…) qui ne ressemble point aux autres »…
 
L’estocade brutale : « Jeunes d ‘Afrique, vous voulez le développement, vous voulez la croissance, vous voulez la hausse du niveau de vie. Mais le voulez-vous vraiment ? » Passons sur les bizarreries syntaxiques, au fond, le Président Français doute de la volonté des jeunes Africains d’avoir un avenir meilleur… On retourne à l’infantilisation : les références aux contes, aux légendes et aux mystères africains font partie d’un tout logique et lexical à la fois : « le royaume de l’enfance ».
 
Et comme toujours, dans ces cas-là, on recourt à Senghor – il serait inutile d’insister encore sur la pauvreté de sa pensée, reconnaissons en tout cas au poète le mérite d’avoir fourni à la France toute une flopée de citations utiles au moment de ridiculiser l’Afrique, sa philosophie, sa sensualité, ses langues et sa culture – «Chez nous les mots sont naturellement nimbés d’un halo de sève et de sang ; les mots du français eux rayonnent de mille feux, comme des diamants. Des fusées qui éclairent notre nuit »…  (Dieu, l’amour, la mort, la peur, le désir n’existent évidemment pas dans les langues Africaines – Senghor n'aurait-il pas confondu Malinké et Créole martiniquais ?)
 
Refus de la « repentance », exaltation des aspects positifs de la colonisation, exhortation à la construction d’un avenir meilleur qui ne peut se construire sans l’Afrique, d’autant plus que l’avenir est la seule option pour un continent qui n’a pas de passé, incitation d’autant plus utile que l’homme africain, de lui-même, ne sait pas se projeter vers l’avenir. Lui tendre la main, tenir la sienne et l’aider à traverser la route… Tel est le fond du discours de Dakar.
 
Ce discours a une certaine utilité, malgré tout. Comme je le pensais à l’époque, il montre toute l’arrogance qu’une partie de l’intelligentsia française a envers l’Afrique. Il a fait apparaître aux yeux du public, la vérité que les réunions Afrique-France et la bonhomie de Chirac avaient si longtemps occulté. Ce discours était médiocre parce que vengeur et déconstruit. Qu’il aurait été différent si tout son fond avait été basé sur cette idée hélas vite engloutie sous les fanfaronnades : « Jeunes d'Afrique, ne cédez pas à la tentation de la pureté parce qu’elle est une maladie, une maladie de l’intelligence (…) ne vous amputez pas d’une part de vous-même. (..) La pureté est un fantasme qui conduit au fanatisme »
 
Le discours d’Accra peut-être parce que postérieur ou simplement porté par un orateur moins vindicatif ou plus intelligent, échappe à cet écueil pour aussitôt donner dans un autre : « la leçon de progrès ».

Faut-il mettre fin à « l’aide au développement »?

Telle est en substance la question posée dans son livre Dead Aid par Dambisa Moyo. Cette dernière est considérée par les grands médias anglo-saxons comme l’intellectuelle africaine de l’année 2009 ; le Time magazine l’a placé dans son dernier classement des 100 personnalités les plus influentes au monde, et elle est régulièrement invitée sur les plateaux des grandes télévisions internationales comme la BBC ou CNN, pour tout sujet ayant trait à la situation socio-économique africaine. Dambisa Moyo ? Zambienne, économiste titulaire d’un master à Harvard et d’un PhD à Oxford, elle a travaillé à la Banque mondiale ainsi qu’à la célèbre banque d’affaire américaine Goldman & Sachs.

Son constat est le suivant : sur les soixante dernières années, l’Afrique aurait reçu un trillion (1000 milliards) de dollars d’aide au développement de la part des pays développés (une petite partie sous forme de dons, le gros du reste sous forme de prêts à taux censément faibles). Or, la situation économique et sociale du continent africain est toujours dramatique. Elle en tire comme conclusion que cette aide aura été inefficace d’un triple point de vue : économique, social et politique. Continue reading « Faut-il mettre fin à « l’aide au développement »? »

l’ « Affaire Bara Tall »

Le cas Bara Tall, du nom de l’entrepreneur sénégalais qui dirige le holding Talix International et l’entreprise Jean Lefebvre, mérite l’attention de tous les sénégalais, en particulier celle des jeunes encore plein de rêves pour leur pays. Grosso modo Bara Tall, dont l’entreprise Jean Lefebvre participait, avec une quarantaine d’autres, aux fameux chantiers de Thiès, s’est vu en 2004 accusé de surfacturations et d’intelligence avec l’homme à abattre d’alors Idrissa  Seck, en vue de détournement d’argent portant sur des milliards de FCFA. Ces accusations ont valu à Bara Tall un séjour carcéral de deux mois et demi à la prison Rebeuss alors même qu’à ce jour la justice sénégalaise ne reconnait un quelconque fondement aux accusations malhonnêtes et mensongères portées contre sa personne.

On pourrait ne pas s’en émouvoir si l’Etat du Sénégal ne devait pas encore aujourd’hui la rondelette somme de 10 milliards de FCFA à Bara Tall pour les travaux de la route Kaolack-Fatick d’après ses propos tenus la semaine dernière lors d’une interview accordée à la 2STV, propos non démentis par le Ministre des Finances Abdoulaye Diop qui, dans une interview au quotidien Le Soleil, dit attendre une autorisation dans ce sens. Les biens fondés de la réclamation de Bara Tall ne font pas l’objet d’un doute tant la dette est quasiment reconnue par l’Etat du Sénégal par le biais de son argentier Abdoulaye Diop d’une part et d’autre part par l’Assemblée Nationale qui avait voté un budget pour que Bara Tall soit payé  et il semblerait que ces montants aient été alloués à Karim Meissa Wade pour la construction de villas dans le cadre du dernier sommet de l’OCI. Continue reading « l’ « Affaire Bara Tall » »

Sénégal : à la recherche d’une politique économique

Cet article est tiré du blog “Le Sénégal émergent” de l’économiste sénégalais Moubarack LO et publié avec l’autorisation de l’auteur.

Le monde, du fait de la crise financière américaine qui s’est diffusée un peu partout, vit aujourd’hui la pire crise économique de son histoire depuis 1929. Selon l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques), la récession touchera une grande partie du globe, faisant passer le PIB mondial de 2,2% en 2008 à  -2,7% en 2009, soit une chute de près de 5 points de pourcentage. L’Organisation Internationale du Travail prévoit que de 18 à 30 millions de personnes pourraient s’ajouter au nombre de chômeurs dans le monde en 2009. Du jamais vu depuis fort longtemps.L’impact de la crise financière sur l’économie réelle atteint même les pays les moins intégrés au système financier mondial. Selon la BAD (Banque Africaine de Développement), le taux de croissance de l’Afrique sub-saharienne est projeté à 2,4% pour 2009, la première fois en 5 ans qu’il serait en dessous de 5%. L’analyse de la croissance économique des pays africains dans la dernière décennie montre en effet que les pays ayant le mieux réussi ont généralement bénéficié d’une forte aide étrangère, de bons termes d’échanges et d’une forte exportation. Or ce sont ces trois facteurs qui pourraient se détériorer à cause de la crise. Continue reading « Sénégal : à la recherche d’une politique économique »

L’Afrique du Sud ou les immenses défis du développementalisme (1)

Son nom est Zuma, Jacob Zuma. Il est zoulou, il a 67 ans et vient d’être nommé président de l’Afrique du Sud le 6 mai 2009, conclusion logique de la victoire de l’ANC aux dernières élections législatives, avec 65,9% des voix. Par la grâce de ce scrutin, il est devenu le troisième leader post-apartheid de ce géant d’Afrique sub-saharienne : une population de 48,5 millions d’habitants, une économie qui pèse à elle-seule 45% du PNB de l’Afrique sub-saharienne et un Etat qui siège dans le tout nouveau club des puissants de ce monde, le G20. Un géant aux pieds d’argile toutefois, classé au 125ème rang (sur 179) de l’Indice de Développement Humain du PNUD en 2008, et qui partage avec le Brésil le triste record de pays aux plus fortes inégalités sociales dans le monde.

Comme ses prédécesseurs Nelson Mandela et Thabo Mbeki, Jacob Zuma est issu des rangs de l’African National Congress (ANC) qui, depuis 1991, fait face à l’immense défi du développement socio-économique. L’élection d’un nouveau président est donc une bonne occasion de juger le bilan gouvernemental de ce parti qui porta les espoirs de tout un peuple, et même de tout un continent. Car de par son poids réel et symbolique, l’Afrique du Sud est à l’avant-garde du mouvement développementaliste africain. Ses succès, et peut-être encore plus ses échecs, se doivent d’être médités. Continue reading « L’Afrique du Sud ou les immenses défis du développementalisme (1) »

On ne change pas une équipe qui perd !

Au cours du Conseil des ministres du jeudi 30 avril, Hadjibou Soumaré a réitéré au Président Wade sa volonté de quitter ses fonctions de Premier Ministre. Wade, après avoir vraisemblablement essayé de reconduire celui qu’on qualifie de « technocrate », a finalement accepté la démission de Hadjibou Soumaré. Mais le Sénégal n’a pas attendu longtemps pour avoir un nouveau Premier Ministre, en la personne de Souleymane Ndéné Ndiaye. Quel que soit le prisme par lequel on essaie d’analyser cette nomination, on ne peut échapper à ce constat : Wade ne fait que du saupoudrage en reconduisant une équipe qui a échoué dans tous les domaines et en faisant le panégyrique de la défaite et des perdants.

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Benno Siggil Sénégal : de la contestation à la proposition

Les élections municipales du 22 mars 2009 ont rappelé aux bons souvenirs de tous la vitalité des institutions démocratiques sénégalaises. Fatigués d’un personnel politique trop confortablement installé au pouvoir autour de la personne du président Wade, les électeurs ont sanctionné l’immobilisme, l’arrogance, la rapacité de leurs édiles locaux, et accessoirement remis en scelle l’opposition républicaine, victorieuse dans la plupart des villes du pays. Pour une fois, cette dernière se présentait en rangs serrés autour d’une large coalition, Benno Siggil Sénégal (BSS), au personnel politique rajeuni. Suffisant pour ramasser le fruit mûr du mécontentement populaire. Mais peut-être pas assez pour offrir aux Sénégalais ce qu’ils sont en droit d’attendre, à savoir un projet politico-économique alternatif crédible, et défendre sérieusement les chances de l’opposition de gauche aux prochaines échéances électorales, dont l’élection présidentielle de 2012.

La question est donc la suivante : comment la coalition Benno Siggil Sénégal peut-elle passer de la simple contestation à la proposition d’un projet alternatif crédible ?

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L’actualité de la Négritude: être et demeurer métis

La Négritude est de nos jours trop vite évacuée quand on ne finit pas de reprocher aux écrivains qui en furent les pionniers d’avoir écrit en français. Pourquoi les poètes de la Négritude ont-ils écrit en français? Fut-ce-t-elle un classique, cette question semble la plus à même de laisser transparaitre en l’occurrence l’actualité de la Négritude dont elle révèle d’ailleurs la quintessence.

Léopold Sédar SENGHOR lui-même répondait à cette question dans la postface d’Ethiopiques[1]

Voici (et on y reviendra) ce qu’en dit le poète de la Négritude et non moins futur membre de la prestigieuse Académie française : « Mais on me posera la question : pourquoi, dès lors, écrivez-vous en français? – Parce que nous sommes des métis culturels… ». Continue reading « L’actualité de la Négritude: être et demeurer métis »

Repose en paix, Boubacar Joseph Ndiaye

Boubacar Joseph Ndiaye était le conservateur de la maison des esclaves de Gorée. Il est l’une des figures sénégalaises les plus connues dans le monde, notamment des touristes mêmes si des travaux scientifiques sur la traite négrière ont conduit à remettre ses propos passionnés en perspective.

Issu d’une famille d’origine goréenne, Boubacar Joseph Ndiaye est né le 15 Octobre 1922 à Rufisque. Après ses études primaires à Gorée, il entre à l’école professionnelle Pinet-Laprade de Dakar. En 1943 il participe à la guerre avec l’armée française. Il a notamment participé à la bataille du mont Cassin en tant que tirailleurs sénégalais. Depuis 1962 il était le conservateur de la maison des esclaves de Gorée. Il est décédé le 06 février à l’âge de 87 ans à Dakar. Il repose désormais au cimetière de Camberéne.

Vous pouvez voir une petite vidéo sur Joseph Ndiaye en cliquant sur ce lien…

Joseph Ndiaye, conservateur de la maison des esclaves de Gorée

Thierry L. Diouf

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