Concours : un moyen de faire évoluer son projet entrepreneurial

En Afrique de l’Ouest, entreprendre de manière ambitieuse n’est pas toujours aisé. L’éco-système permettant aux entrepreneurs de mettre en place leurs projets dans de bonnes conditions n’est pas toujours bien structuré et les porteurs de projet peuvent se sentir seuls et désemparés. Et pourtant, il existe bon nombre d’organisations dont la mission est de soutenir les entrepreneurs et favoriser la mise en place de leurs projets.

Comment identifient-ils les entrepreneurs ? Grâce à des compétitions ou des appels à projets. Voilà pourquoi ces concours sont bel et bien des opportunités pour les entrepreneurs que vous êtes !

L’exercice peut sembler long et fastidieux : certains concours demandent un lourd travail. Formulaires à remplir, vidéos à faire, business plan à rédiger, lettres de motivation à écrire,… Les exigences sont diverses et peuvent être chronophages. Et pourtant, elles représentent un réel intérêt pour les entrepreneurs. Dans le pire des cas, elles les obligent seulement à structurer et formaliser leurs idées. Dans le meilleur des cas, elles leur donnent accès à un large réseau de partenaires et à des financements. Elles sont également l’occasion de rencontrer une myriade d’entrepreneurs auxquels confronter ses idées, ses ambitions et ses difficultés. Un entrepreneur qui souffrait de solitude se retrouve désormais entouré d’une quantité impressionnante d’acteurs !

Qu’en pensent les entrepreneurs ? Retrouvons 4 entrepreneurs, accompagnés par La Fabrique à Ouagadougou.

 

Gérard 1Gérard NIYONDIKO – FASO SOAP – GIST Global Innovation Through Science & Technology

  • Quelles ont été les différentes étapes pour participer au GIST ?

Pour participer dans cette compétition il a fallu d'abord soumettre un « executive summary » du projet en remplissant un formulaire en ligne. Les projets ont ensuite été sélectionnés pour la demi-finale, et ont été remis en ligne pour être soumis aux votes des internautes. Les trente projets avec le plus de votes ont été retenus pour la finale et ont été invités à soumettre leurs plans d'affaires complets.

Enfin, les projets finalistes ont été invités à participer à un atelier sur l'entrepreneuriat et un coaching sur la présentation orale des projets, avant de présenter leur projet devant un jury international, à Kuala Lumpur en Malaisie.

  • Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Je dirais beaucoup de chose mais en quelques mots j'ai eu une formation sur différentes facettes de l'entrepreneuriat lors de l’atelier de deux jours. La qualité de certains formateurs m'a beaucoup inspiré. J'ai également rencontré d'autres entrepreneurs et ai élargi mon réseau.

Enfin, le fait d'arriver en finale dans cette compétition a renforcé ma confiance en moi par rapport à mon projet.

  • Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Oui, certainement ! Lors de l'ouverture du sommet international de l'entrepreneuriat, dans la salle de conférence, sur l'écran géant, il y avait un mot qui apparaissait avec un son qui raisonnait derrière " We are entrepreneurs!" … répété plusieurs fois ! Ce mot continue à résonner toujours en moi, ça me donne de l'énergie d'avancer et de rien de lâcher même si c'est difficile !

 

GildasGildas Zodomé – BioPhytoCollines – Concours de BP de la Banque Islamique de Développement

  • Quelles ont été les différentes étapes pour participer au BP ?

Le concours de BP de la BID est effectué en deux étapes : après soumission, une pré-sélection des 10 meilleurs BP dans la catégorie « idée » et également 10 autres dans la catégorie « croissance ». La deuxième étape est la présentation et défense des BP devant un groupe de jury. Cette étape a lieu à Casablanca où les trois meilleurs de chaque catégorie ont été primés.

  • Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Cette compétition a donné de la valeur à mon entreprise. La BID est un organisme connu de tous. Le trophée reçu de cette structure de renommée montre la qualité de notre projet. Partout où nous présentons ce trophée, nous sommes respectés et bien écoutés. Pour que certaines autorités de mon pays me reçoivent enfin en audience, il a fallu que j’annonce que j’étais vainqueur de ce prestigieux trophée. Il est devenu mon ‘‘passeport’’.

En plus, les 25 000 dollars reçus ont changé l’image de mon entreprise. Elle est devenue plus visible et plus convaincante. Mon personnel est plus rassuré !!!

De manière générale, les compétitions de création d’entreprise ont d’importants intérêts pour nous, promoteurs, surtout nous qui sommes des débutants. En Afrique particulièrement au Bénin, il est très difficile pour une Start Up de bénéficier d’un financement d’une structure de crédit, d’un investisseur ou même d’un parent. Le moyen le plus simple et le plus rapide qui permet aujourd’hui de financer les Start Up c’est la compétition de création d’entreprise. On y gagne beaucoup, non seulement des moyens financiers gratuits, mais aussi des connaissances techniques utiles pour développer son entreprise à zéro franc.

Personnellement, les compétitions m’ont apporté beaucoup : un encadrement de qualité qui m’a permis d’avoir mon business plan, des notions pratiques pour mieux gérer mon entreprise, j’ai eu beaucoup de relations d’affaires et des opportunités, j’ai fait des découvertes.

  • Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Cette compétition m’a laissé de très beaux souvenirs ! L’ambiance qu’il y avait, le grand suspens … Dans les discussions entre promoteurs, j’ai trouvé la solution à certains de mes problèmes.

 

ClaudeClaude Tayo – Eco Co – Global Social Venture Competition

  • Quelles ont été les différentes étapes de la GSVC ?

La compétition a commencé pour nous à la fin du mois d'octobre 2014. Il était question de fournir une candidature qui tienne la route avant le 1er décembre. Nous nous sommes alors lancés dans la rédaction de notre business plan avec toutes ses composantes. Nous ne l’avions jamais fait jusque-là !

Le plus difficile lors de cette préparation aura été de fournir les différents interviews des parties prenantes que la compétition demande (jusqu’à 30 interviews) mais finalement, on y est arrivé. Et c'est avec plaisir qu'on a appris la bonne nouvelle : le projet Eco-Co est en finale francophone de la GSVC. Nous avons fait un véritable marathon pour pouvoir affiner tous les résultats, préparer la présentation et autres afin d'être prêts pour la finale régionale à Paris. Nous y sommes allés et la finale s'est bien passée, nous permettant d'avoir une place pour la finale mondiale à Berkeley. Le voyage aux Etats Unis a été une très grande expérience pour nous, même si nous n’avons pas décroché de prix. Nous avons eu de nombreuses tables rondes, des mini-séminaires présentés par des entrepreneurs à succès.

  • Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Sans aucune hésitation je dirais UN CARNET D'ADRESSE. Pour tout entrepreneur, c'est sans doute la chose la plus importante : avoir des contacts de divers horizons et de divers domaines.

Ensuite, participer à une telle compétition vous met en face de personnes de grand talent : que ce soit les autres participants qui vous feront voir votre projet sous un autre angle ou encore réaliser à quel point les personnes de génie sont légion dans ce monde, mais aussi rencontrer tous ceux qui participent à l'organisation de ces compétitions, des personnes vraiment dévouées qui vous poussent vers l’excellence en vous demandant de donner toujours plus, d’améliorer toujours plus, pour qu'à la fin on ait l'impression de s'être rapprochés au maximum de la perfection.

  • Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Mon meilleur souvenir reste la phrase de Laura D'Andrea Tyson : « la GSVC n'est qu'une compétition, la gagner ne garantit pas que vous allez être un entrepreneur à succès. La GSVC est un processus et être en finale de cette compétition vous garantit que vous avez accompli ce processus avec succès, que vous avez franchi une autre étape dans votre accomplissement personnel et dans celui de votre entreprise. »

 

redim venteKahitouo Hien – FasoPro – Grand Challenge Canada

  • Quelles ont été les différentes étapes de ce Challenge ?

(1) J'ai dû soumettre un dossier de candidature en ligne suivant le canevas proposée par Grand Challenge Canada. Une des conditions dans mon cas était qu'une institution de recherche connue accepte d’héberger FasoPro et se porter garant pour une bonne gestion du financement : ce fut 2iE où le projet était déjà en incubation

(2) il a eu une phase de présélection,

(3) Il a eu des entretiens avec les personnes référencées dans le dossier pour vérifier les informations fournies dans le dossier

(4) Sélection définitive avec la signature d'une convention d'accord de subvention entre Grand Challenge et 2iE

(5) enfin, une annonce officielle des bénéficiaires dans des médias sélectionnés par GCC.

  • Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Un financement pour développer certains aspects du projet liés à la recherche donc pas évidents à financer directement par FasoPro. Après, on gagne toujours un plus en participant à une compétition : les exigences sont différentes et même quand ça ne marche pas, on gagne toujours en maturité dans la rigueur qu'impose ce genre de compétitions.

  • Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Pour être honnête à chaque fois que je remporte une compétition, le sentiment de joie fait aussitôt place à une pression énorme car ça sonne pour moi le top départ pour relever les défis, et c'est stressant ! Heureusement que j'aime ça : relever les défis :).

Pour connaitre ces compétitions, il faut être bien connecté à l’actualité entrepreneuriale de votre pays, mais également au-delà de vos frontières. Pour cela, rejoignez les réseaux de professionnels : les chambres de commerce, les incubateurs, les couveuses d’entreprises … Toutes ces organisations existent pour diffuser ce genre d’informations et vous faciliter l’accès à ces opportunités.


Lisa Barutel

Immersion au CTIC de Dakar : Challenge

YannAu cours d’un cours séjour au Sénégal, j’ai eu la chance de me plonger au cœur du CTIC Dakar, le premier incubateur TIC en Afrique Francophone. Aussi, je vous propose une série d’articles pour découvrir le CTIC, ses facteurs clés de succès, ses défis et enfin ses entrepreneurs.

Cet article est une interview de Yann Le Beux, Catalyst à CTIC Dakar, qui nous explique les stratégies de développement du CTIC et les défis à surmonter.

ADI : Pourriez-vous nous raconter brièvement votre parcours et le contexte dans lequel vous évoluez au CTIC ?

YLB : Je suis Yann Le Beux, je suis Français résidant au Sénégal depuis trois ans pour le CTIC. J’ai eu la chance de bénéficier d’une bourse de la coopération allemande qui recherchait un startup advisor pour l’incubateur. Au départ, j’ai fait des études d’ingénerie matériaux avec une spécialisation en management de l’innovation. Après des expériences en Belgique, en Angleterre et aux Etats-Unis, je souhaitais en apprendre davantage sur l’évolution et l’impact des technologies en Afrique. L’idéal pour moi était de travailler dans un incubateur afin d’entrer rapidement en contact avec tout un écosystème et mieux comprendre comment les choses se passent. Je ciblais toutes les sciences mais les TIC m’intéressaient plus particulièrement. Au niveau des pays, je ciblais le Kenya, le Ghana et le Sénégal qui offraient il me semblait un environnement plus propice au développement de l’entrepreneuriat Tech.

J’ai donc rejoins l’équipe de CTIC Dakar quelques mois après son lancement en 2011, en tant que « Catalyst ». Nous avions à l’époque une petite équipe et étions donc tous très polyvalents. Pour ma part, en dehors du suivi quotidien des entreprises bien sûr, je me suis intéressé à la conception et la mise en place de nouveaux programmes tels que notre accélérateur de startup, et d’événements, faisant ainsi en sorte que ces derniers participent à la structuration de l’écosystème. Par ailleurs, nous avons réalisé pas mal d’actions sur la question des Business Angels et du financement en général, du lien avec les universités, et nous avons fait en sorte de mieux structurer nos programmes d’accompagnement pour pouvoir les améliorer et intéresser des partenaires. Enfin, je suis parfois l’interface pour les relations internationales. Le fait que je sois étranger peu aussi faciliter les échanges avec l’extérieur.

ADI : Pourriez-vous nous expliquer les particularités du CTIC ?

YLB : Bien que CTIC Dakar soit issu d’un partenariat public-privé, l’idée de l’incubateur provient au départ du secteur privé, notamment du patronat (OPTIC – Organisation des Professionnels des TIC) et la présidence de notre comité de gestion revient d’ailleurs au secteur privé. Au départ, une quarantaine d’entreprises informatiques plutôt traditionnelles (revendeurs de PC, développeurs ou intégrateurs de logiciels, etc.) qui composaient le secteur privé ont ressenti le besoin de créer un incubateur pour créer de l’innovation. C’est pour cette raison que le secteur privé est beaucoup plus influent au niveau de CTIC et que nous sommes beaucoup plus axés business. Légalement, nous sommes une association mais nous ne le disons quasiment jamais ; nous nous percevons davantage comme un cabinet de conseil.

Nous sommes également membre d’un réseau qui s’appelle Afrilabs, le réseau des incubateurs et hubs africains. Nous sommes 32 au total dont seulement 5 francophones (malheureusement). Ce réseau nous apporte beaucoup car il permet de partager des informations pertinentes ainsi que nos expériences, de constater les méthodes qui fonctionnent le mieux et d’adopter les meilleures pratiques pour être plus performant.

Au Sénégal, pour le moment il n’y a qu’un seul incubateur dédié aux entrepreneurs TIC, alors qu’il y en a déjà plusieurs milliers aux Etats-Unis et en Chine. Dans les années à venir, nous en aurons sûrement de plus en plus qui se spécialiseront par secteurs technologiques. C’est pour cela que je trouve fascinant d’être parmi les pionniers de ce domaine en Afrique francophone et d’être dans un centre qui dispose de ressources relativement importantes (10 employés, locaux de 500m2, financement pour les startups, etc.) pour accompagner les entrepreneurs Tech.

ADI : Etant donné que le secteur privé à une place importante dans la gouvernance du CTIC, est-ce que le profil des entrepreneurs sélectionnés est fonction du type d’innovation recherché par les entreprises partenaires ?

YLB : Il n’y a pas de lien entre les deux. Au départ, les entreprises du secteur ne savaient pas exactement quel type d’innovation elles souhaitaient trouver dans l’écosystème. Il s’agissait davantage de leur image et de voir l’émergence de jeunes start-up. Aujourd’hui, nos entreprises incubées sont parfois concurrentes  de celles qui composent le secteur privé, et c’est une bonne chose. Cela prouve que nos entreprises grandissent vite et bien. Dans d’autres cas, certaines entreprises plus grandes sont intéressées par acquérir certaines startups innovantes et c’est une très bonne chose également.

ADI : Quelle est l’implication des entreprises privées dans les activités de l’incubateur ?

YLB : La plupart des grands groupes essaye d’une manière ou d’une autre d’entrer dans une dynamique d’écosystème. Mozilla Firefox, par exemple, a présenté récemment le lancement d’une nouvelle plateforme à nos entrepreneurs afin qu’ils anticipent et adaptent leurs applications à ce type de plateforme. Avec Microsoft, nous fournissons des formations gratuites en développement mobile. Orange également s’implique de plus en plus, notamment via leur nouvelle division «Relations avec l’Ecosystème Numérique » à laquelle nous sommes rattachés. Cette relation met beaucoup de temps à se construire et commence enfin à porter ses fruits avec des initiatives proposées par le groupe telles que le « Data for Development Challenge » dans le cadre de laquelle Orange a ouvert toutes ses données pour la communauté de développeurs. Ce type d’initiative est pour nous très intéressant. Ils soutiennent également certains projets, sont en mesure de fournir des mentors, ils essaient d’ouvrir des portes malgré les nombreux freins qui demeurent encore aujourd’hui. A titre d’exemple, nous aimerions qu’Orange ouvre ses technologies de paiement mobile à nos startups de e-commerce, ou au moins qu’ils offrent des numéros verts ou des numéros courts SMS aux startups du Sénégal, mais à ce niveau-là, il n’y a aucune concession pour le moment bien que plusieurs discussions soient en cours.

ADI : En occident, les entreprises délocalisent énormément les services informatiques en Inde. Atos a annoncé récemment vouloir investir au Sénégal et faire du pays un fournisseur de services informatiques pour l’Europe. De votre côté, avez-vous tenté de positionner vos entrepreneurs sur ces marchés ?

YLB : En tant qu’étranger, il m’arrive d’être sollicité par des entreprises étrangères pour les aider à comprendre l’écosystème dans lequel nous évoluons. Cependant, pour le CTIC, il n’est pas intéressant d’accompagner ce type d’entreprise car notre grande valeur ajoutée se trouve sur le business development local. Nous sommes très forts pour trouver des clients locaux, Sénégalais et, de plus en plus, Ouest-Africains. Donc si l’objectif est de former des développeurs pour servir des clients européens, nous ne pouvons pas être d’une grande aide.

A long terme, ce type d’entreprise peut nous apporter car ils forment très bien les développeurs Sénégalais et leur offrent de très bonnes expériences professionnelles grâce à leurs gros moyens. Mais, à très court terme, ces groupes « pillent » toutes les ressources humaines de nos entreprises. Atos en l’occurrence est arrivé et a embauché la totalité de la dernière promotion de l’ESP – qui est la meilleure école de développeurs au Sénégal – avant même que les étudiants aient quitté l’école. Et maintenant que nos entreprises grandissent, nous nous rendons compte du manque criard d’ingénieurs sur le marché sénégalais : People Input compte une cinquantaine d’employés, Byfilling une vingtaine, Nelam Services une vingtaine également. Atos veut embaucher 200 développeurs la première année et 3 000 sur 3 ans alors que des deux meilleures écoles, l’ESP et l’UGB, ne sortent que 40 ingénieurs compétents chaque année. Ce décalage représente un gros risque pour notre écosystème. Malgré tout, le Sénégal dispose d’un réel potentiel et il serait très bénéfique pour l’image du pays que les groupes étrangers réussissent leur intégration sur le marché.

Yann_de piedADI : Au niveau de l’investissement privé, comptez-vous parmi vos partenaires des Business Angels ?

YLB : Oui nous en connaissons quelques-uns, mais ceux intéressés par les TIC se comptent sur les doigts d’une main au Sénégal. Nous avons essayé de développer un club de Business Angels mais cela n’a pas du tout fonctionné. Nous pensions au départ que de riches hommes d’affaire du Sénégal – car notre première cible était les Sénégalais – auraient été intéressés par le fait d’investir dans des jeunes talents TIC de leur pays. Ce n’est malheureusement pas encore le cas ; ils préfèrent investir dans le bâtiment ou des industries qu’ils maitrisent mieux ; et laissent des groupes tels que Rocket Internet s’accaparer tout le marché du e-commerce. Nous trouvons cette situation dramatique : il y a un vrai manque d’investissement local et de la diaspora. A l’inverse, des investisseurs étrangers tels que Rocket Internet ou Ringier comprennent le vrai potentiel du e-commerce en Afrique et le prouvent depuis deux ans via leurs investissements.

Mais ce n’est qu’une question de temps, plus nous aurons d’entrepreneurs à avoir réussi dans le secteur des technologies, plus ils réinvestiront  et accompagneront des startups donc je  reste confiant. Notre ancien directeur au CTIC, vient d’ailleurs de lancer un fonds d’investissement doté de plusieurs millions d’euros. Par ailleurs, la diaspora représente un gros potentiel, mais nous n’avons pas encore trouvé canal idéal pour la toucher.

ADI : Quelle est votre position sur le projet de ville numérique de Diamnadio ?

YLB : Nous sommes impliqués dans ce projet qui est effectivement très intéressant et il est prévu que notre incubateur soit au centre de cette cité. Pour nous, il s’agit d’une très bonne opportunité. Cela dit, cela fait déjà près de 10 ans que l’on parle de villes numériques au Sénégal et même si le projet est en bonne voie, il ne sera surement pas finalisé avant 3 ou 4 ans. Avec nos modestes moyens et nos 500 m2 nous avons accompagné plus de 60 entreprises et bâti un modèle qui est viable à 75%. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre avant de grandir, la demande est trop forte. Nous travaillons donc sur une extension de 1 500 m2 et l’ensemble de nos partenaires s’est engagé à nous soutenir dans cette démarche.

Propos recueillis par Awa SACKO

Challenge entrepreneurial au Congo : rencontre des lauréats à N+1

Le Réseau international des Congolais de l’extérieur (RICE) a organisé  à Brazzaville du 21 au 23 novembre 2014 le « Challenge entrepreneurial du bassin du Congo », une manifestation destinée à inciter les Congolais à entreprendre. Rose-Marie Bouboutou, journaliste aux Dépêches de Brazzaville, a souhaité envisager l’impact du concours sur les quatre entrepreneurs lauréats un an après. Un premier article publié dans la rubrique est revenu sur l’organisation d’un challenge entrepreneurial dans un pays classé parmi les derniers dans le rapport Doing Business de la Banque mondiale. Ici, nous partons à la rencontre des quatre lauréats, pour envisager leur développement depuis le Challenge.

A son échelle, le Challenge a permis de souligner que le Congo est prêt pour l’entrepreneuriat et qu’une fois les moyens de base donnés, les entrepreneurs congolais sont capables de changer rapidement d’échelle. Un format d’accompagnement à dupliquer ?

Véra Kempf, responsable de la Rubrique Entrepreneuriat

Le regard des organisateurs sur la réussite des lauréats

« Les subventions dédiées au paiement  des dotations ont été libérées plus tardivement que prévu. De ce fait, les primes n’ont été versées aux gagnants qu’en août 2014. Les sommes sont versées par tranche, selon un échéancier, en fonction de l’avancement du projet, par le trésorier de l’association, sur factures et devis afin de veiller à la bonne gestion des différents projets », explique Edwige-Laure Mombouli.

Malgré  le retard consécutif dans la mise en œuvre de leurs projets, l’expérience demeure positive pour les vainqueurs du challenge. « Les retours sont très positifs pour les candidats de Pointe-Noire qui font la transition vers le secteur formel. Ils se développent, ils gagnent des marchés, leur comptabilité se rationalise, leurs compte-rendu sont de plus en plus cadrés », défend Ambroise Loemba.

La plus grande réussite de l’équipe du RICE est Parfait Kissita. « De mon point de vue, il est le lauréat qui a le mieux saisi l’opportunité que représentait le Challenge entrepreneurial. Il a formalisé son entreprise, recruté un nouvel actionnaire, investi dans une nouvelle usine et des machines à outils, changé son outil commercial et publicitaire vers l’Angola et augmenté son chiffre d’affaires de plus de 100% depuis l’an dernier. Il a vraiment une attitude d’entrepreneur au sens où il a utilisé tout ce qui lui a été donné sous forme de prime pour augmenter son outil de travail », s’enthousiasme Frédéric Nze.

À l’autre extrémité, certains lauréats ont plus de mal dans leur apprentissage « à comprendre les réalités commerciales » ou bien « mélangent la formalisation avec les signes extérieurs montrant socialement le statut de patron ». Or, pour Frédéric Nze : « Toute somme qui rentre dans l’entreprise doit créer de la valeur. Embaucher du personnel non productif, avoir des engins coûteux sous utilisés ou des beaux bureaux est valorisant mais ce sont des poids morts dans le développement d’une entreprise. » Tout une initiation à la culture d’entreprise, avec l’idée que les lauréats d’aujourd’hui puissent devenir à leur tour les mentors des lauréats d’un prochain Challenge entrepreneurial.

A la rencontre des lauréats du RICE, leur introspection à N+1

Parfait-Anicet Kissita, dirigeant de Cuba Libre
Il a réussi le passage de l'informel au formel dans le secteur de la transformation des fruits et légumes locaux en jus de fruits, confitures, légumes marinés et épices moulues.


Les Dépêches de Brazzaville : Où en êtes-vous de votre projet ?
Il nous manquait des équipements, notamment des cuves pour pouvoir transformer tous types de fruits et légumes, un local répondant aux normes d’hygiène et un fond de roulement afin de travailler de façon continue. Aujourd’hui, c’est chose faite ! Nous pouvons envisager de passer au stade semi-industriel. Notre chiffre d’affaires a augmenté de 50% mais nous voudrions atteindre les 100% en produisant 200 casiers supplémentaires.

Qu’avez-vous retiré du Challenge ?

Cette initiative nous a "sortis de la boue". Au Congo, on a l’image que l’entrepreneuriat est une activité réservée aux "Blancs". Je me battais depuis de nombreuses années mais aujourd’hui mon entreprise se développe.

Est-ce que cela a changé votre image de l’entrepreneuriat au Congo ?

Je suis devenu comme une star. Cela me motive à prouver que le Challenge avait sa raison d’être.


Quels conseils donneriez-vous à d’autres porteurs de projets ?
C’est le secteur privé qui fait la richesse d’un pays. Il faut enlever de la tête le système socialiste qui prévalait avant 1992 dans lequel l’État prenait tout en charge. Il revient à chacun de se prendre courage pour que ses rêves se réalisent et que le chômage puisse diminuer.

Jean-Christian Diakanou-Matongo, dirigeant d'Apis Congo
Il a fait le passage de l'informel au formel dans la production de miel


Où en êtes vous avec votre projet ?
J’ai reçu le Prix du meilleur produit issu de l’économie informelle. La première tranche de la dotation m’a permis d’obtenir tous les papiers officiels nécessaires pour formaliser mon activité. J’ai pu acquérir une soixantaine de ruches. Ce qui s’est traduit par une hausse de la capacité de production. Nous attendons de percevoir la seconde tranche pour faire la logistique : améliorer les conditions d’hygiène de production, commander les emballages, aménager la mièlerie pour avoir un miel de qualité.

Qu’avez-vous retiré du Challenge ?
Beaucoup de choses ! Les contacts avec des Congolais de la diaspora qui ont réussi à créer des entreprises à l’étranger : échanger au téléphone ou par mail avec eux m’a permis de pouvoir me revêtir du costume de l’entrepreneur qui a la maîtrise de toute la chaîne de production. Le challenge a révélé au grand jour que le Congo a des gens compétents, porteurs de projets qui peuvent être réalisés avec succès.  Avant le challenge, cela faisait 15 ans que je cherchais des financements ! Grâce au Challenge, j’ai pu être connu et par exemple participer à la semaine agricole avec la Chambre de commerce Pointe-Noire.

Est-ce que cela a changé votre image de l’entreprenariat au Congo ?
Je ne me représentais pas ce que voulait dire notre mauvais classement au Doing business et  la notion d’environnement des affaires. Aujourd’hui je le vis : quand une banque prend un mois pour exécuter un virement, on ne peut pas entreprendre avec ce genre de problèmes ! Il y a de nombreux aspects à prendre en ligne de compte lorsque l’on passe dans le secteur formel : la qualité du produit pour assurer sa compétitivité, les questions d’hygiène, de santé, de sécurité, d’environnement…Il n’y a pas de contrôles quand on vend sur un marché populaire. De même, l’on n’est pas soumis à l’impôt, il n’y a pas de règlementation… le passage au formel soulève des problèmes que l’on n’avait pas au départ.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres porteurs de projets ?
Grâce à l’expérience que j’ai vécue à travers le Challenge, je me suis rendu compte qu’il y a de nombreuses personnes qui ont de très bons projets au Congo. Mais pour leur concrétisation, il faut faire des efforts au quotidien. Dans mon cas, je dois préparer les documents nécessaires pour convaincre le RICE que l’argent va être utilisé dans l’avancement de l’entreprise. Je suis issu d’une famille d’enseignants et je sais ce qu’est la rigueur, mais c’est vraiment très dur !

Chris Mabiala, jeune ingénieur de la diaspora, co-créateur de la start-up de motorisation électrique de pousse-pousse, "Pousselec"

Où en êtes vous de votre projet ?
Nous venons de finaliser l’étape du prototype après avoir réalisé tous les tests en condition de production à Brazzaville : tests à charge, à vide, de freinage, de guidage. Aujourd’hui nous sommes à la recherche d’un investisseur qui puisse nous permettre d’industrialiser ce produit afin de le fabriquer en série. Cela nous permettrait de pouvoir créer des emplois.

Qu’avez-vous retiré du Challenge ?
C’est une bonne aventure et je suggèrerais d’organiser souvent ce genre d’initiative. Nous avons appris à réaliser nos rêves. Mais j’aurais préféré que l’intégralité des fonds de la dotation soit gérée directement par l’équipe afin de gagner en flexibilité.

Est-ce que cela a changé votre image de l’entrepreneuriat au Congo ?
En tant qu’ingénieur notre métier est d’avoir des idées. Mais nous n'imaginions pas tout ce que l’on peut avoir comme soucis dans la gestion d’une entreprise. La simple ouverture d’un compte bancaire par exemple nous a pris quatre mois, d'août à décembre, alors même que nous avions à nos côtés dans nos démarches un notaire !

Quels conseils donneriez-vous à d’autres porteurs de projets ?
Il est indispensable d’avoir un bon réseau au niveau local pour entreprendre et savoir où passer pour débloquer des situations. Il faut être disponible à 100% et présent sur le terrain car gérer un projet de loin n’est pas évident, surtout lorsqu’il faut concilier avec une occupation professionnelle à l’étranger en parallèle. Avec le décalage dans le versement des dotations tous les porteurs du projet ont désormais un emploi salarié et il nous faudrait un gérant sur place au Congo, une personne de confiance qui puisse nous représenter totalement.

Sandy Mbaya Mayetela, entrepreneur, directeur d'Africa Solaire


Où en êtes vous de votre projet ?
Nous allons lancer les travaux du local que nous avons choisi à Bacongo  afin d'accueillir l’unité de production ainsi que les premières commandes d’équipements.

Qu’avez-vous retiré du Challenge ?
Que des gens apprécient le projet et le financement, nous a rassuré sur la valeur de ce que nous entreprenons, cela donne envie d’aller de l’avant ! En Afrique il n’y a pas de catalyseur pour concrétiser un projet alors qu’il existe beaucoup de potentiel humain. Le Challenge RICE permet de donner la possibilité aux jeunes de croire en leurs rêves. Ce qui est vraiment génial avec le Challenge RICE, c’est que nous bénéficions d’un accompagnement à la concrétisation de notre projet. On nous donne une méthodologie, un cadre de travail.

Est-ce que cela a changé votre image de l’entrepreneuriat au Congo ?
Être entrepreneur au Congo, c’est un peu abstrait car tout le monde est plus ou moins entrepreneur. Mais remporter le challenge, fait de nous des entrepreneurs au vrai sens du terme, cela a été un plus.


Rose-Marie Bouboutou, article initialement paru dans les Dépêches de Brazzaville du 7 février 2015

Challenge entrepreneurial au Congo : évaluation à N+1

Le Réseau international des Congolais de l’extérieur (RICE) a organisé  à Brazzaville du 21 au 23 novembre 2014 le « Challenge entrepreneurial du bassin du Congo », une manifestation destinée à inciter les Congolais à entreprendre. Rose-Marie Bouboutou, journaliste aux Dépêches de Brazzaville, a souhaité envisager l’impact du concours sur les quatre entrepreneurs lauréats un an après. Un premier article revient sur l’organisation d’un challenge entrepreneurial dans un pays classé parmi les derniers dans le rapport Doing Business de la Banque mondiale. Un second dressera le portrait des quatre lauréats, en envisageant leur développement depuis le Challenge.

A son échelle, le Challenge a permis de souligner que le Congo est prêt pour l’entrepreneuriat et qu’une fois les moyens de base donnés, les entrepreneurs congolais sont capables de changer rapidement d’échelle. Un format d’accompagnement à dupliquer ?

Véra Kempf, responsable de la Rubrique Entrepreneuriat


Le « Challenge entrepreneurial du bassin du Congo », organisé début 2014 à Brazzavile mais ouvert aux entrepreneurs du Congo, de la RDC et du Gabon, était destinée à encourager l’entrepreneuriat local et à inviter les talents de la sous-région, mais aussi de la diaspora, à investir dans les filières porteuses de croissance et d’emplois au Congo.

À l’issue du processus de sélection, quatre porteurs de projets de création ou de développement d’entreprise avaient été récompensés : Destiny Loukakou, chercheur en génie électrique et informatique industrielle, et ses trois amis ingénieurs avec leur projet de motorisation électrique des pousse-pousse ; Sandy Mbaya Mayetela et son entreprise d’installation de stations d’eau potable alimentées par l’énergie solaire dans les quartiers populaires des grandes villes ; l’ingénieur agronome Parfait-Anicet Kissita et son activité de transformation des fruits et légumes locaux et Jean-Christian Diakanou-Matongo, producteur de miel.

Les quatre gagnants constituent un panel varié, représentatif de l’entrepreneuriat congolais : des jeunes issus de la diaspora qui montent une start-up, un entrepreneur local déjà bien installé et deux candidats opérant dans l’informel qui avaient besoin de passer dans le secteur formel pour plus de développement. Chaque lauréat avait remporté une prime pouvant aller jusqu’à 50 000 euros (32.500.000 FCFA) en fonction de la taille des projets et de l’avancement de leur réalisation, ainsi qu'un accompagnement personnalisé.

"Faites confiance au savoir-faire local"

Soutenus par les ministères des Grands Travaux et des PME et de l’artisanat, les Chambre de commerce de Brazzaville et de Pointe-Noire ainsi que le groupe SNPC, le 1er « Challenge entrepreneurial du bassin du Congo » est un pari réussi pour les organisateurs du RICE et les lauréats.

« Le secteur privé suscite de l’engouement et c’est une bonne chose car l’État ne peut pas tout faire. Les Congolais sont en attente de ce genre d’initiatives, ils sont disposés à révéler leurs talents. Il y a une « congolese touch » qui ne demande qu’à être mise en avant », analyse Edwige-Laure Mombouli, présidente du RICE. « Il existe des business très viables dans l’informel, tout à fait rentables, mais qui sont limités dans leur potentiel de croissance parce qu’ils n’ont pas de comptabilité ou de statuts qui leur permettent d’aller voir une banque », renchérit Frédéric Nzé, longtemps conseil en évaluation et gestion des risques financiers et directeur d’une société spécialisée dans le crédit à la consommation.  Il regrette cependant le manque d’investissements du secteur privé congolais car « le monde académique et les administrations ont répondu présents, mais afin de créer un vrai moteur pour le secteur des entreprises au Congo, nous aurions aimé avoir plus d’intervenants du privé ».

Ambroise Loemba, trésorier du RICE, avait dans un premier temps des appréhensions sur la quantité de talents d’entrepreneurs disponibles au Congo. « Nous avions peur d’avoir trop peu de candidats congolais, ce qui nous a d’ailleurs conduit à élargir le challenge à la sous-région. Mais à notre grande surprise, les Congolais ont envie d’entreprendre et ont vraiment du talent, de l’imagination. Il leur manque simplement un peu d’organisation et de la méthode », explique-t-il.

Pour Frédéric Nze, qui a participé à la sélection des candidats, les Business plans les meilleurs étaient ceux des Congolais du Congo et non ceux de la diaspora. « Il manque peut-être une culture d’entreprise même au sein de la diaspora » observe-t-il, car « certains candidats pensent qu’une idée seule, par exemple implanter une enseigne qui marche bien en Europe au Congo, est un business.  D’autres participants ont réalisé des documents qui étaient à la limite de la demande d’aide ou de sponsoring. Les activités sociales ne sont pas une mauvaise chose en soi mais ce sont des activités qui ne sont pas pérennes faute de perspectives de profits.»

Le climat des affaires, une dure réalité au Congo

Le Challenge a été une occasion d’avoir une meilleure appréhension des « réalités » du pays pour les « enfants prodigues » du RICE de retour au Congo. « Le résultat est positif : les Congolais de la diaspora ont pu se rendre compte que ce n’est pas facile de réaliser des choses au pays. Des choses qui peuvent paraître simples à réaliser, vu de l’occident, comme faire une demande de virement ou la création d’une entreprise, constituent au Congo une procédure administrative compliquée. C’est un apprentissage de la patience, les choses se font mais à leur rythme. Il y a différentes notions du temps », observe, philosophe, Edwige-Laure Mombouli.

Autre confrontation avec les réalités de terrain, l’accompagnement de la Banque mondiale via ses programmes PADE et FACP, visant à favoriser la diversification du secteur privé. Pourtant bien engagés et publiquement annoncés, ces partenariats du RICE et de la direction de la promotion du secteur privé, destinés à renforcer le challenge entrepreneurial et appuyer les lauréats n’ont malheureusement jamais abouti. « Leurs procédures extrêmement bureaucratiques et lourdes rendent plus que complexe l’aboutissement des projets. Si malgré notre expérience nous avons été rebutés par la lenteur et la complexité de leurs mécanismes, je n’imagine pas comment les jeunes entrepreneurs locaux peuvent effectivement passer par eux ! », s’étonnent les membres du RICE.

Ambroise Loemba, qui a accompagné les lauréats dans la concrétisation de leurs projets, vit à travers eux les nombreux obstacles qui peuvent freiner les énergies entrepreneuriales au Congo.  « Les lauréats ont rencontré de nombreux problèmes dans les démarches administratives que ce soit l’immatriculation de société, ou les déclarations fiscales, car le cadre législatif est bon mais pas appliqué. De même ils ont eu du mal à concevoir de bons business plans car il est très difficile d’avoir accès aux données statistiques nécessaires pour réaliser des études de marché », explique-t-il.

Ce manque d’accès à l’information est d’ailleurs un aspect du climat des affaires souvent négligé pour Muriel Malu-Malu Devey, organisatrice du Colloque du Challenge entrepreneurial : « Dans le domaine économique, l’information de service public indiquant aux Congolais dans quels secteurs il est possible d’investir, notamment pour tout ce qui relève de la sous-traitance, est très insuffisante. Les études de marché et de faisabilité réalisées par les autorités publiques sont souvent proposées aux investisseurs étrangers mais rarement aux entrepreneurs locaux ».

Pour Frédéric Nze, le manque d’offre comptable et bancaire sont deux autres outils qui manquent également aux dirigeants de PME. « Les lauréats ont du mal à s’outiller sur la partie comptable. L’offre de qualité sur place se limite à des prestataires très chers accessibles aux seules grandes entreprises … Le secteur bancaire également est encore très peu engagé dans le crédit vers l’économie congolaise », analyse ce membre du RICE.

L’ambition du RICE est de créer une émulation autour du challenge, pour favoriser la création de business locaux rentables au Congo. Par l’accompagnement personnalisé des lauréats, c’est toute une initiation à la culture d’entreprise que le réseau souhaite maitre en place, avec l’idée que les lauréats d’aujourd’hui puissent devenir à leur tour les mentors des lauréats d’un prochain Challenge entrepreneurial.

Vous pourrez découvrir leur vision et leur approche dans un prochain article.


Rose-Marie Bouboutou, article initialement paru dans les Dépêches de Brazzaville du 7 février 2015

 

Pour en savoir plus sur le Challenge : http://www.challengerice.com/

Map Kibera: first step towards bottom-up slum upgrading

When writing about slum upgrading, I’ve said that I dreamt of a participatory process in which every individual slum dweller could express their needs and ambitions for the slum. Through this process, these people could come up with a master plan that would enable NGOs and public organizations to work hand in hand for the coordinated upgrading of Kibera. Such process does not exist yet. However, I know of one organization that collects and synthetizes data on Kibera, using participatory processes and enhances the work of dozens of civil society organizations. This organization is Map Kibera and is one of my favorite organizations working in the slum.

 

security-map

 

Map Kibera Genesis

Map Kibera was created in 2010 to fill in Kibera’s ‘information gap’. Its founders noticed that Nairobi City Council mapped the slum as a forest, and that it was absent from online mapping resources such as Google Maps and Open Street Map. In addition, even though many NGOs and public institutions are involved in collecting data on the place, none of this data is displayed at the local level. By introducing participatory mapping in the slum, Map Kibera aims at bridging that gap.

Beyond the envy of improving the information of the field, the organization aims at empowering citizens and giving them a say in the process of governance by teaching them how to report on their own environment. In the informal areas, more resources, reports and studies do not involve community participation in data collection. Teaching people from the community how to collect data is also a way of teaching them how to use that information to report on the hardship they face themselves. It allows greater participation of local people in the democratic process.

Empowering through mapping

The association decided to train 13 young people from the 13 villages of Kibera on how to use OpenStreetMap. During three weeks, and with the assistance of local GIS professionals, Map Kibera collected data through the use of GPS using open source software.

 

datacollection

 

The project started with a feasibility assessment allowing the youth-led organization to locate appropriate places and partners. The incoming partners received training and went into unmapped areas to collect data. They then uploaded data onto the open street map. Afterwards, the partners printed the map and introduced it to the local people. These meetings were aimed at raising awareness and allowing better cohesion between the various villages. In addition, Map Kibera stared with a blog on featuring a wiki space allowing stakeholders to discuss the project’s planning.

One year after its creation, Map Kibera implemented a strategy to allow people to access the information, displaying maps to the rest of the community. Maps are painted on the walls to show people where to access public services. Gathering the data helped members of the community meeting with the local leaders and the various social workers in the slum. Through this, they created a wide network to distribute the maps even more accurately. They also get to know more people who can help gathering more accurate data.

Impacts

Amongst others, Map Kibera created a security map. This map is extremely useful for the community as it indicates black spots – the areas where it is dangerous to walk by day and night. Thanks to the grassroots knowledge of young people, the mappers were able to locate the places where other unemployed youngsters wander. The lack of income and opportunities in Kibera push them into crime. They take drugs and attack people, usually causing serious injuries or death. This map serves the general interest as it allows Kibera dwellers that are coming from a different village to be aware of the places where not to walk.

If the maps serve the community, interestingly they also had an impact on improving the urban environment. Maps have an indirect impact on the urban space. In 2010, UNICEF funded another map on water and sanitation in Kibera. However, some of the villages did not have water. Map Kibera was able to partner with the NGO WASUP in order to locate the places with lacked adequate sanitation. With the information, WASUP was able to build water tanks in these areas.

Sustainability at core of the project

The project is economically, socially and environmentally sustainable. Economically, the Trust is working as a firm, selling maps to the various stakeholders and paying young mappers – providing them with employment. They also manage to get income for themselves when funds are available.

The sustainability of the project is also ensured by its ability to improve the state of young people (to a small extent as only a few youth are necessary to collect data for each map) and making each mapper an actor in the development of the slum. At the community level, the information is useful both to the slum dwellers as they are provided with useful information on where to walk or where to find adequate sanitation services. Indirectly, providing other organization with these information has allowed planning for more adequate services throughout the informal settlement.

From coordinating service provision to upgrading the slum

By developing a network of local stakeholders, Map Kibera has managed to become an unavoidable actor in the field. They gather all necessary information for NGOs to work efficiently. They have the necessary information to maximize their impact on the slum and work in a coordinated manner. In that regard, Map Kibera has proven information management to be actually useful in impacting both the community and its urban environment.

 

Article originellement paru sur le blog de l’auteur : http://carolineguillet.com/2014/05/18/map-kibera-first-step-towards-bottom-up-slum-upgrading/

Map Kibera Website: www.mapkibera.org

Le Woelab: le Fablab qui dit « Fais-le »!

C’est à l’occasion d'une présentation de sept projets innovants, organisée à Lomé au quartier Djidjolé par le Woelab, un incubateur de technologies que nous avons rencontré l'un des promoteurs du lieu.

fablab togo 

Bonjour Dodji, merci de nous recevoir, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Woelab (Dodji H.) : Bonjour, tout le plaisir est pour moi. Je suis Dodji Honou, Manager exécutif du Woelab, le premier FabLab implanté au Togo.

Qu’est-ce qu’un FabLab et comment est né le Woelab ?

logo fablab togo

Woelab (Dodji H.) : FabLab, pour « Fabrication Laboratory », est un espace où l’on retrouve des machines-outils, telles que des imprimantes 3D, des fraiseuses mises à la disposition de tout venant pour développer des projets. C’est un lieu de partage d’idées et surtout de travail collaboratif. A la base, le FabLab est un label décerné par le MIT (Massachussetts Institute of Technology). Pour l’obtenir, il faut respecter des conditions que nous jugeons par ailleurs contraignantes, telle que la mise à disposition de certaines machines coûteuses à acquérir.

Le Woelab a été initié par l’ « Africaine d’Architecture », une association créée par un jeune togolais, Sénamé Koffi Agbodjinou architecte et anthropologue de formation, dont l’ambition est de créer des hubCités ; c'est-à-dire des villes qui allient technologie et savoir faire local. Suite à un « Archicamp », évènement organisé à Lomé par cette association, est né le Woelab en août 2012. Le FabLab défend le concept de LowHighTech, la haute technologie à moindre coût et celui de l‘open source. L’exemple qui illustre le mieux cette philosophie est l’imprimante 3D fabriquée à partir d’objets de récupération.

La première imprimante 3D «made in Africa » sort en effet de votre FabLab ; comment est né ce projet et comment avez-vous financé sa fabrication ?

Woelab (Dodji H.) : La W.Afate, le nom de cette imprimante 3D, est une idée d’Afate Gnikou, un membre du Woelab, développée en collaboration avec une vingtaine de jeunes membres de la communauté. Il s’agit d’une machine conçue essentiellement à partir de débris informatiques tels que les UC, les imprimantes, les scanners etc. récupérés sur les dépotoirs et de quelques composants (introuvables sur place) achetés sur internet. Tout est parti de l’Archicamp de 2012 où un modèle d’imprimante 3D a été monté à partir d’un kit importé. Aujourd’hui ce projet dont la documentation en cours de finalisation et disponible en Open-source, rend possible la reproduction d’imprimantes 3D sans kit.

Il a été financé essentiellement par l’Africaine d’Architecture et par une levée de fonds via une plateforme de Crowdfunding (Ulule.com) ; l’objectif de départ était de lever 3500 Euros. Pour notre plus grande joie, le projet a rencontré l’adhésion d’un grand nombre de personnes de par le monde; ce qui a permis de finalement collecter exactement 4316 Euros.

La W.Afate reste un bel exemple de projet collaboratif, dont la vingtaine de jeunes y ayant participé peuvent être fiers.

Quelles sont les différentes activités menées au sein du Woelab ?

Woelab (Dodji H.) : Le Woelab est un espace de démocratie technologique au sein duquel sont menées plusieurs activités. L’objectif étant de rendre les nouvelles technologies accessibles à tous, des modules de formation ont été instaurés. Il s’agit d’un pan important des activités. Toute personne peut développer des projets technologiques ; il suffit d’y croire pour le faire, c’est cela le Woelab, « Woe » signifiant en langue Ewé « Fais-le ». La Woe-academy a ainsi été mise en place afin de coordonner l’organisation de cours hebdomadaires gratuits en programmation, en technologie libre, en impression 3D, en fabrication d’ordinateurs (projet Jerry) au sein de nos locaux. Aujourd’hui les participants à ces cours sont des jeunes dont la moyenne d’âge est de 19 ans. On intervient également dans les écoles afin d’initier les élèves à l’informatique, à l'impression 3D, et bientôt aux bases de la programmation, car l’analphabète de demain est celui qui ne saura pas écrire une ligne de code. L’incubation de startups est également un axe clef. Cinq startups ont été incubées à ce jour, dont l’une« TERRES » spécialisée sur les questions agro urbaines, a été primée lors de l’édition 2013 du Forum des jeunes entrepreneurs du Togo. Beaucoup de projets sont en cours ; mais le travail collaboratif reste au cœur de toutes les activités.

fablab2

Dans tous projets, se pose souvent la problématique du financement ; comment le Woelab finance-t-il ses besoins de fonctionnement ?

Woelab (Dodji H.) : Les besoins de fonctionnement (loyers des locaux, les charges courantes, les voyages pour assister aux différents concours et forums) sont financés pour l’essentiel par l’initiateur du projet, l’Africaine d’Architecture. Les revenus générés par les startups incubées au sein du FabLab contribuent également à amortir les charges. En gros, le Woelab tourne sur fonds propres.

Vos inventions ont elles déjà été commercialisées ?

Woelab (Dodji H.) : La plupart de nos inventions notamment l’imprimante 3D et l’UC Jerry sont fabriquées à partir de composants appartenant à des compagnies telles que Microsoft, IBM, etc. Ce qui  exposerait le Woelab à des poursuites judiciaires en cas de vente. Des solutions existent pour rendre disponibles ces machines au plus grand nombre, en réduisant ce risque. L'objectif serait d'avoir un partenariat avec des structures publiques et/ou ONG nationales ou internationales à travers un programme national social, afin de vulgariser leur utilisation. Dans la même logique, le Woelab prévoit de s’associer à des écoles pour toucher le plus grand nombre de jeunes. Le business model sera de se positionner comme consultant dans le cadre de ces partenariats, en offrant des services de formation et de maintenance.

Le Woelab s’est associé récemment à une école d’architecture au Mali (ESIAU) pour lancer un FabLab ; cette initiative s’inscrit-elle dans un programme de partenariat avec les instituts supérieurs africains ?

Woelab (Dodji H.) : Effectivement nous avons assisté l’école d’architecture ESIAU dans l’installation d’un FabLab. En fait le partenariat a été signé avec l’Africaine d’Architecture. Leurs  étudiants sont souvent invités à assister aux Archicamps. Les outils comme les imprimantes 3D sont essentielles pour l’élaboration de projets en architecture, ce qui rend utiles les FabLabs. Une des pionnières dans ce modèle est l’école d’architecture  IAAC de Barcelone. On espère que le modèle rencontrera l’adhésion des écoles africaines ; pas seulement les écoles d’architecture mais plus largement, de tous les instituts d’enseignement. Le Woelab s’investit à rendre accessibles les FabLabs partout en Afrique ; tout partenariat allant dans ce sens sera le bienvenu.

Vous avez remporté l’Award du “Best Exploration Mission Concept” de la NASA et plusieurs autres distinctions à l’international dont le prix de “Meilleure Innovation” à l’Africa Innovation Summit ; ces récompenses sont-elles une source de motivation supplémentaire ?

Woelab (Dodji H.) : C’est véritablement une grande source de motivation de remporter ces distinctions. De toutes ces récompenses, celle qui, je pense, a marqué le déclic est l’award du Best Exploration Mission de la NASA. Un concours préparé en très peu de temps, avec une connexion internet instable. Nous avons donc été d’autant plus surpris du succès de notre projet, « La W.AFATE to MARS ». Il s’agit concrètement d’un programme spatial écologique. Mais être lauréat du « Global Fab Awards » organisé en juillet dernier à Barcelone, parmi toutes les FabLabs du monde boost encore plus. Cela donne l’envie de poursuivre. Je pense qu’on peut réussir des choses extraordinaires à partir de rien, il suffit d’être motivé et rigoureux.

Pour terminer cet entretien,  quels sont vos projets d’avenir ?

Woelab (Dodji H.) : Au-delà de l’incubation de startups, le développement de l’impression 3D dans les systèmes scolaires représente le projet phare. A travers le programme « 3DprintAfricaEducative», on compte initier et amener les jeunes  à concevoir des programmes adaptés aux imprimantes 3D, afin de produire des objets qui leur seront utiles. Cela devra passer par la vulgarisation de ces imprimantes. Le président Barack Obama affirmait lors de son discours sur l’Etat de l’Union en 2013, que l’impression 3D révolutionnera la manière dont nous fabriquerons les choses. Il pense que quinze centres placeront les USA à l’avant-garde de cette nouvelle technologie et  a  ainsi annoncé dans la foulée le lancement de trois centres de fabrication, en plus de celui existant à Youngstown dans l’Ohio. Le Woelab a pour ambition de prendre le contre-pied du président Obama, en installant au Togo des imprimantes 3D  dans tous les cyber-cafés du pays. La phase de test débutera avec les cyber-cafés du quartier de Djidjolé de Lomé où se trouvent nos locaux. Le  mapping de ces cyber-cafés a déjà  été fait. Le projet est réalisable.

Un autre projet, qui n’est pas le moins important, est le développement de FabLabs aussi bien au Togo que dans les autres pays du continent. C’est dans cette optique que j’ai personnellement participé cette année au lancement d’un FabLab à Dakar, avec l’appui de l’OIF et de l’association « Ker Thiossane ». Nos objectifs sont clairs et nous savons où nous voulons aller.

Larisse Adewui

Les filles, la technologie et l’Afrique – APPS&Girls

Projet porté par deux étudiantes de Sciences Po Paris, Mathilde Thorel et Bérengère Daviaud, Why-Not Women a pour objectif de promouvoir l'entrepreneuriat social féminin et de soutenir les entrepreneures sociales dans le développement de leur entreprise. Pendant un an, Mathilde et Bérengère effectuent 6 missions de conseil auprès de femmes entrepreneures sociales en Afrique et en Asie afin de mettre en place les stratégies et outils pertinents pour leur entreprise. Why-Not Women souhaite inspirer les jeunes générations à l'entrepreneuriat social tout en donnant une voix aux actrices du changement social. Elles nous présentent ici Apps & Girls, l’entreprise sociale qu’elles ont suivie en Tanzanie.

En Tanzanie, comme partout ailleurs, les femmes utilisent moins les nouvelles technologies (TIC) que les hommes. Ces disparités d’accès et de maitrise des nouvelles technologies creusent d’autant plus les inégalités entre hommes et femmes. App&Girls s’attaque à ce gender gap technologique et permet aux jeunes filles de devenir actrices de changement en maîtrisant le langage informatique.

 

App&Girls : les filles s’emparent des nouvelles technologies

apps and girls

Carolyne Ekyarisiima est une jeune entrepreneure, passionnée par l’enjeu des nouvelles technologies, et fermement décidée à en faire profiter les jeunes filles Tanzanie. Originaire de Kampala, Uganda, elle vit aujourd’hui à Dar Es Salaam, capitale économique de la Tanzanie. Carolyne est diplômée en informatique et a enseigné cette matière à la Kampala International University of Dar Es Salaam. Que ce soit en tant qu’étudiante ou enseignante, Carolyne s’est toujours désolée de voir si peu de jeunes filles dans les classes d’informatique. D’autant plus désolée que selon elle, les nouvelles technologiques sont de formidables outils pour lutter contre les inégalités de genre et donner plus de visibilité aux femmes. Carolyne prend rapidement conscience que le travail d’éducation et d’information doit être effectué auprès des jeunes élèves. Or, les cours de technologie sont délaissés dans les écoles primaires et secondaires. Pis, les jeunes filles croient que l’informatique est une matière de garçons. Convaincue qu’en tant que femme, elle peut agir pour faire changer les mentalités, Carolyne démissionne de son poste d’enseignante et crée Apps and Girls. Son objectif? Une égalité d’accès et de maitrise des nouvelles technologies entre hommes et femmes.

Apps and Girls est une organisation Tanzanienne, basée à Dar Es Salaam, dont l’activité principale est de dispenser gratuitement des cours de code et d’informatique à des jeunes filles âgées de 10 à 18 ans. Apps and Girls a été créé avec l’objectif de participer à la réduction des inégalités d’accès aux TIC entre les hommes et les femmes. En permettant aux jeunes filles du primaire et secondaire de développer des compétences en informatique, Carolyne Ekyarisiima espère réveiller une génération des jeunes femmes conscientes de leur potentiel d’action en tant qu’ingénieurs, entrepreneurs et leaders.

Après un an et demi d’activité, Apps and Girls intervient dans 9 écoles de Dar Es Salaam (et trois partenariats de plus attendus en janvier 2015), et a formé plus de 240 jeunes filles à utiliser un ordinateur et coder leur propre site Internet. Apps and Girls compte aujourd’hui une dizaine de formateurs bénévoles et deux salariés à temps-plein qui se relayent pour animer cours hebdomadaires de code, Hackaton, Boot Camps et compétitions annuelles.

Les défis actuels d’Apps and Girls sont plus complexes qu’on ne pourrait le croire à première vue. Bien évidemment, l’association a un besoin urgent de se doter de plus d’ordinateurs afin d’être en capacité d’accueillir plus de jeunes filles aux formations et de ne plus dépendre du matériel fourni par les écoles primaires et secondaires. Pourtant, « le plus grand défi, nous confie Carolyne Ekyarisiima, ce sont les parents ». Certains parents d’élèves refusent d’investir du temps et de l’argent dans l’éducation de leurs filles.

Carolyne souligne la difficulté de les convaincre du potentiel des nouvelles technologies : « Beaucoup de parents pensent que c’est une affaire de garçons, et que des filles n’y comprendront rien. Certains parents pensent même qu’Internet est un outil dangereux qui portera préjudice à leurs filles. Parfois, il suffit de leur expliquer ce que nous enseignons pendant les formations pour les faire changer d’avis. Mais parfois, des jeunes filles doivent abandonner la formation en cours ». Le plus grand défi pour Carolyne est donc de parvenir à faire évoluer les mentalités et de faire prendre conscience aux adultes des avantages qu’offrent les TIC à leurs enfants.

Nous avons pu observer deux principaux facteurs expliquant ce « gender gap ». D’une part, les parents sont traditionnellement moins enclins à investir temps et argent dans l’éducation de leurs filles que dans celle de leur fils. Les jeunes filles étudient moins longtemps que les garçons, disposent de moins de supports pédagogiques, et de libertés d’adhérer à des clubs d’informatique. D’autre part, comme l’explique Steve Henn, dans son article When Women stop Coding [1], il semble que les garçons soient naturellement plus attirés par les outils multimédias en raison du marketing des TIC. Les jeunes garçons grandissent avec des jeux vidéos designés pour eux : logique donc qu’ils s’approprient plus facilement l’outil informatique. Permettre aux femmes d’accéder aux nouvelles technologies, c’est opérer un mouvement de conscientisation de leurs droits, améliorer leur visibilité en ligne et favoriser leur émancipation grâce à de nouveaux outils [2].

Chaque année au mois de décembre, Apps and Girls organise une Compétition rassemblant près de 150 jeunes filles venues défendre un projet d’utilité sociale. Les mois précédant la compétition, les équipes d’étudiantes élaborent des solutions IT pour répondre à des besoins sociaux ou environnementaux. Elles mettent ainsi en pratique les compétences acquises lors des formations de code dispensées par Apps and Girls. Cette année, Apps and Girls comptait plus de 40 projets en lice.

Why-Not Women a rencontré une dizaine d’équipes (ref. video ‘Hackaton and Competition Teaser) lors de sa mission à Dar Es Salaam. Parmi tous ces beaux projets, celui de Winnie Godlove, jeune collégienne de 15 ans, a particulièrement retenu notre attention. Ecœurée par le traitement infligé aux femmes souffrant de fistules [3] après un accouchement difficile ou un viol, elle veut en finir avec les tabous qui oppressent les victimes. Chaque année, on décompte plus de 3 000 cas de femmes souffrant de fistules en Tanzanie. Celles qui ne sont pas opérées rapidement, sont rejetées de leur communauté et meurent d’infection dans les jours qui suivent. Or des traitements existent et pourraient sauver des milliers de vies. Forte de ses nouvelles compétences en informatique, Winnie décide de créer une plateforme de discussion en ligne – Fanikisha Mama – pour permettre aux rescapées de témoigner, partager leurs expériences et conseils avec d’autres femmes souffrant de fistules. D’autre part, la plateforme devrait permettre aux visiteurs d’effectuer un don en ligne pour aider une femme à se reconstruire en démarrant une activité génératrice de revenus. Winnie espère pouvoir aider des milliers de femmes à se reconstruire, ou simplement empêcher la mort de centaines d’entre elles. Si la plateforme n’est pas encore active sur le web, Winnie a remporté la Compétition Apps and Girls le 12 décembre dernier.

Pour voir le témoignage des jeunes filles :

Apps and Girls ne se contente ainsi pas de former des jeunes filles à rédiger des lignes de codes. Carolyne, et les autres formateurs bénévoles leur permettent de mettre leurs connaissances au service de causes sociales ou environnementales, et ainsi de se positionner en tant qu’actrices de changement pour leur pays. De ce fait, Apps and Girls participe à l’émergence d’une génération de jeunes femmes engagées, compétentes et responsables.

 

Bérengère Daviaud et Mathilde Thorel – Why-Not Women

 

Présentation Why-Not Women : https://www.youtube.com/watch?v=47pB2AwwqCo

Site internet : www.whynotwomen.wordpress.com

Blog : www.wnwomen-blog.tumblr.com

Facebook : https://www.facebook.com/pages/Why-Not-Women/207965672733912

 

[1] Steve HENN, October 2014, When Women Stop Coding [disponible en ligne], Disponible sur http://www.npr.org/blogs/money/2014/10/21/357629765/when-women-stopped-coding, (page consultée le 5.12.14).

[2] The UN Fourth Conference on Women, Platform for Actions, Beijin, 1995, Art. 237.

 

 

[3] Fistule : descente des organes génitaux de la femme qui provoque de sévères infections et la mort, si une intervention chirurgicale n’est pas pratiquée rapidement.

 

 

Journal d’un entrepreneur #volet2

Je m’appelle Emmanuel Leroueil. Je suis consultant en stratégie et travaille actuellement au Gabon, à partir duquel j’interviens dans plusieurs autres pays africains. J’ai participé à la création il y a quelque années de Terangaweb – l’Afrique des idées. Depuis un an et demi, date d’un déménagement et du début d’une nouvelle expérience professionnelle, je n’ai plus beaucoup contribué au site et à la vie de l’association, ce que je regrette. Certains camarades me l’ont reproché à juste titre. Ma réponse était que je n’arrivais pas à concilier le « faire » et le « dire » : il m’était plus facile d’écrire et de parler de l’Afrique quand je n’y étais pas ; maintenant que j’y suis revenu, je suis absorbé par toutes les activités dans lesquelles je m’implique et n’ai quasiment plus l’énergie pour participer au débat d’idées. Ce « journal d’un apprenti entrepreneur » est ma tentative de réconciliation du « faire » et du « dire ». Je le dédie à Réassi Ouabonzi, pour son exigence constante.

La Genèse de mon projet entrepreneurial

Mon projet d’agriculture maraîchère sous serre n’a en soi rien de très imaginatif ni innovant. Ce projet ne m’est toutefois pas venu tout seul : il a fallu une conjonction de rencontres et une maturation de mes convictions sur la manière de lancer un business, pour que je décide de me lancer dans le grand bain de l’entrepreneuriat. 

L’élément déclencheur aura été mes discussions avec René NGIRIYE, agriculteur que j’avais interviewé pour Terangaweb, et qui a suscité mon intérêt pour une agriculture maraîchère périurbaine à proximité des grandes agglomérations africaines. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la population urbaine africaine devrait passer d’environ 300 millions de personnes aujourd’hui à 600 millions dès 2030[1]. Une proportion croissante de cette population devrait rejoindre la classe moyenne, avec les changements de consommation, notamment alimentaire, que cela implique. Toutefois, l’agriculture africaine ne s’est pas encore mise au diapason de ces évolutions ; l’agriculture vivrière, qui alimente les marchés de consommation locaux, n’a connu que de très faibles augmentations de ses rendements, ce qui ne permet pas de faire face à ces nouveaux besoins. De sorte que l’Afrique continue à importer massivement pour se nourrir. Pour le seul cas du Gabon, pays pourtant peu peuplé et bien doté en terres arables, les importations alimentaires se sont élevées à 250 milliards de F CFA en 2013.

Pourtant, les solutions techniques qui permettent d’augmenter la productivité des exploitations existent, et sont mêmes disponibles à des prix abordables. René NGIRIYE avait ainsi attiré mon attention sur un fournisseur de kits agricoles (serres + graines sélectionnées + engrais + pesticides + conseils agricoles), Balton, qui propose à des prix abordables des solutions de production à haut rendement dans plusieurs pays d’Afrique anglophone, notamment d’Afrique de l’Est.

Une autre rencontre aura été nécessaire pour me décider à me lancer. Une rencontre non pas avec une personne, mais avec une ville : Bukavu, capitale du Sud Kivu, en République Démocratique du Congo. Cette ville, juchée sur d’imposantes collines verdoyantes et bordant le paisible et magnifique lac Kivu, a connu une transition démographique accélérée particulièrement douloureuse. Bien qu’il n’existe pas de statistiques fiables reposant sur des enquêtes démographiques récentes, certains habitants de la contrée estiment que la population de la ville a doublé en à peine 3 ans, passant d’environ 750 000 habitants en 2010 à environ 1,5 millions aujourd’hui. Une série de conflits et la prolifération de milices armées terrorisant les populations rurales a conduit à un vaste mouvement migratoire vers Bukavu, capitale régionale. Le résultat ne s’est pas fait attendre : les collines et vallons de la ville ont été rapidement couverts de bidonvilles d’un dénuement extrême, où les habitations sont faites de planches pourries, humides, les toits de bâches plastifiées. Juché sur un taxi-moto qui me faisait faire le tour de la ville, je découvrais la transformation effarante de cet ancien lieu de villégiature des princes belges, qui dispose toujours sur les bords du lac Kivu d’un quartier surréaliste où la douceur du climat, la beauté du lac et la magnificence des villas pourrait vous faire croire que vous vous trouvez en Suisse, à Montreux sur les bords du Léman.

Un autre élément a particulièrement retenu mon attention pendant ce bref séjour à Bukavu : la très faible offre en produits alimentaires des marchés locaux, où l’on ne trouve quasiment que de la banane et des tubercules, et quasiment aucun légume, même les plus consommés comme les tomates, piments, oignons, etc. En questionnant les vendeuses, j’appris que la migration des populations rurales avait coupé la ville de son approvisionnement naturel en produits agricoles, les agriculteurs de la région étant devenus les habitants des bidonvilles de la ville. Désormais, les vendeuses traversent tous les matins la frontière avec le Rwanda, vont parfois jusqu’au Burundi, pour s’approvisionner en bananes et tubercules, qu’elles portent sur leur tête généralement. Les régions du Sud-Ouest du Rwanda et du Nord-Ouest du Burundi sont essentiellement des régions de production de cultures d’exportation, de thé et de café.  D’où la faible disponibilité de produits maraîchers pour le marché de Bikavu.

Cette expérience m’aura ouvert les yeux sur l’impact social déterminant de la production agricole sur la qualité de vie de communautés humaines importantes. Produire des tomates et des légumes à un prix compétitif à proximité de Bukavu pourrait non seulement apporter des revenus supplémentaires aux vendeuses locales, mais également améliorer le régime alimentaire de plus d’un million d’habitants. Et pour cela, pas besoin de faire de la charité, juste du business. A ce moment, déterminant, je me suis convaincu que j’avais un rôle à jouer à ce niveau.  

Faire de la production intensive de légumes grande consommation à destination des marchés urbains africains

DSC04247

Mon ambition est d’approvisionner en légumes frais plusieurs grandes villes africaines, à destination de consommateurs haut de gamme (consommateurs fortunés, supermarchés), moyen de gamme (restaurants et hôtels) et bas de gamme (marchés populaires). Je souhaite à la fois produire moi-même, sur de petites surfaces (entre 2 à 5 hectares) de manière intensive (production sous serre, avec semences améliorées, usage raisonné d’engrais et pesticides naturels si possible), et agglomérer autour de moi d’autres producteurs intensifs de légumes, en prenant en charge le conditionnement, stockage, labellisation et distribution. La particularité que je souhaite donner à mon entreprise est une compréhension fine des besoins de consommation des populations de ces villes, une éducation de certains consommateurs (proposition de nouveaux légumes et produits naturels – brocolis, tain, melons, etc – aux restaurateurs par exemple),  un marketing sophistiqué de mes produits et une supply chain et capacité de distribution souple et efficace. Vaste programme !

Ayant des moyens financiers relativement limités, essentiellement constitués d’économies sur mon salaire, et n’ayant pas encore d’expertise technique dans le secteur, j’ai décidé de commencer petit. Mon choix s’est rapidement arrêté sur la ville de Kigali pour commencer mon activité. C’est tout d’abord le lieu où habite ma mère, retraitée, qui a un vaste jardin qu’elle peut mettre à ma disposition gratuitement. Kigali est également une ville dynamique, de plus d’un million d’habitants, avec une forte communauté de membres de la diaspora retournés au pays ainsi que d’expatriés, entraînant de nouvelles attentes de consommation alimentaire. C’est enfin la capitale d’un pays où le climat des affaires est réputé l’un des meilleurs d’Afrique et qui connait une dynamique économique remarquable.

J’ai donc mis à profit mes vacances d’août 2014 au Rwanda pour installer une première serre de 8 mètres sur 25, achetée à la représentation rwandaise de l’entreprise Balton, dans le package du Amiran Farmer Kit, qui prévoit un accompagnement conseil de 8 mois. Le tableau ci-dessous détaille les coûts entraînés par l’achat et l’installation de cette serre, exprimé en francs rwandais et convertis en francs CFA.  Cet investissement a été entièrement financé sur fonds propres personnels.

article_manu_1Au regard des trois premiers mois d’activité et au titre des frais de fonctionnement, les principaux postes de dépenses sont les suivants :  

tableau2Nb : le salaire du jardinier n’est que partiellement pris en charge par le projet de serre à tomates, et exprimé sur 11 mois

Mon choix de culture s’est porté sur la tomate, qui est une culture simple, rapide, et un produit de grande consommation. Une entrée simplifiée pour une première maîtrise de culture maraîchère intensive puis du cycle de distribution/vente. Il faut compter entre trois à quatre mois entre le moment où l’on installe la serre et plante la semence, et le moment où les premières tomates pourront être ramassées. Une serre de 200 m² comme celle que j’ai achetée peut produire 8,8 tonnes de tomates sur une saison continue de 8 mois, soit environ 1,1 tonne par mois. Ainsi sur une surface exploitable d’1 hectare, où l’on pourrait mettre pratiquement 50 serres de 200 m², il serait théoriquement possible de produire 50,5 tonnes de tomates/mois.

la serre

Le prix du kilos de tomates est de 350 Fr Rwandais (260 F CFA) sur les marchés populaires en bonne saison (saison sècghe) et proche de 500 Fr Rwandais (378 F CFA) en mauvaise saison. Sur le segment moyen de gamme, avec des tomates plus grosses et mieux présentées, que l’on peut vendre à des restaurants, le prix moyen de la tomate est de 700 Fr Rwandais (530 F CFA), et peut aller à 1000 Fr Rwandais (757 F CFA) sur le segment haut de gamme. La qualité de ma semence de tomates devrait me permettre de viser le segment moyen de gamme. Théorique, mon business plan sur une serre de 200 m² est donc le suivant pour ma première saison : 

Revenus : 8800 kilos * 700 Fr Rwandais = 6 160 000 Fr Rw (4 665 740 FCFA)

Investissement : 3 892 000 Fr Rw (2 948 352 FCFA)

Frais de fonctionnement : 773 100 Fr Rw (602 574 FCFA)

Bénéfice : 1 494 900 Fr Rw (1 165 162 FCFA)

Si tout se passe comme sur le papier, la première saison de production devrait permettre non seulement de rentabiliser l’investissement initial, mais de générer un retour sur investissement de 32%, bien plus que ne pourrait vous proposer n’importe quelle banque ou fonds de placement. L’histoire est tellement belle sur le papier qu’elle semble improbable et qu’il me fallait la tester, l’éprouver. Il y aura sans doute des imprévus, sans doute sera-t-il compliqué d’écouler les 8800 kilos de tomates au prix de 700 Fr Rwd.  Le prochain billet devrait décrire les premiers pas dans le circuit de commercialisation et préciser si cette histoire est un conte de fée ou l’amorce d’un business model avec un grand avenir.

Emmanuel Leroueil

 


[1] : VIMARD P. & FASSASSI R., 2013, Changements Démographiques et développement durable en Afrique, L’Harmattan, Paris

 

 

 

 

Aphrodice Mutangana, entrepreneur social au Rwanda

"Quand on veut aller vite, on y va seul. Quand on veut aller loin, on y va ensemble"

Entrepreneur rwandais actif dans les nouvelles technologies, Aphrodice Mutangana est à l'image de cette jeune génération du pays des Mille Collines qui rêve de « faire la différence » et d'être actrice du changement.  Une ambition qui ne relève pas que de la rhétorique.  À 29 ans, Aphrodice peut déjà se prévaloir de quelques belles réalisations : à la tête de son entreprise, il a lancé m-Health[1], une application mobile qui propose des conseils de santé à ses abonnés ainsi qu’un suivi personnalisé avec des professionnels du corps médical. De quoi impressionner les membres du jury de Seedstars World[2]– une organisation basée en Suisse qui récompense les meilleures start-up dans les pays émergents- pour que ces derniers lui attribuent en 2013 le premier prix régional en Afrique de l’Est. Mais le jeune entrepreneur, non content de développer sa seule affaire, cherche aussi à apporter sa pierre à l’édifice du nouveau Rwanda en construction. En parallèle à son activité professionnelle, il a co-initié bénévolement Incike[3], un site de financement participatif qui vient en aide aux victimes du Génocide ayant perdu tous leurs enfants.  Une contribution symbolique de plus pour cet autodidacte de la high-tech – il a étudié l’agronomie-, cité en exemple dans le prestigieux Washington Post[4], et qui se définit d’abord comme un entrepreneur social.  Entretien.  

APHRODICE MUTANGANA

Aphrodice, pourrais-tu brièvement te présenter ?

Je suis un entrepreneur rwandais, créateur d’une entreprise positionnée sur le segment des nouvelles technologies, et dont le produit phare est une application mobile dédiée aux conseils de santé, m-Health.  Ma formation initiale est cependant l’agronomie – l’horticulture-, bien loin donc de mon environnement professionnel actuel, les technologies de l’information et de la communication. C’est un univers que j’ai découvert comme un à-côté, en autodidacte. Intéressé depuis longtemps par le secteur de la santé, je me suis finalement lancé dans l’aventure entrepreneuriale. Une façon comme une autre d’assouvir mon inclination par des voies autres que celles suivies par les praticiens de cette filière -médecins, infirmiers, pharmaciens-. Au final, je me définis d’abord comme un entrepreneur social, qui développe une activité à la fois profitable et utile à l’ensemble de la communauté.

L’entrepreneuriat social justement. Peux-tu nous décrire les différentes initiatives que tu as prises dans ce domaine ?

foyomLa première concerne bien entendu m-Health. L’idée de base était de fournir, via le téléphone mobile, des conseils de diététique et de santé aux personnes souffrant de certaines maladies chroniques (diabète, insuffisances respiratoires…) ainsi qu’un suivi personnalisé avec des professionnels de la santé. L’application automatise les réponses aux questions les plus fréquemment posées par nos abonnés, et le cas échéant, permet d’interroger à distance un spécialiste sur une requête plus spécifique. Un service utile et pratique qui permet bien évidemment de dégager un revenu. Mais l’entrepreneuriat social va bien au-delà. Dans le cadre de l’initiative Incike, un programme soutenu par les autorités et destiné à soutenir les personnes âgées ayant perdu tous leurs enfants pendant et après le Génocide,  nous avons développé avec d’autres bénévoles un site de financement participatif afin de collecter les fonds nécessaires à ce type d’action. C’est là un exemple typique de ce que peut faire l’entrepreneuriat social : mettre en commun des compétences en vue de fournir une prestation qui exercera un impact positif sur la collectivité, et ce sans avoir nécessairement un retour financier immédiat.  Dans la même veine, mon site personnel Mutangana.rw[5], lancé il y a peu, cherche quant à lui à agréger et faire partager gratuitement certaines idées d’affaires à développer, tous secteurs d’activité confondus. Celle ou celui qui se sent en mesure de reprendre à son compte une idée de business, et d’en faire une activité profitable, tant mieux.  Sur le long terme, une idée n’a de valeur pour la société que si elle est suivie d’une exécution réussie qui profite au plus grand nombre. Le site n’est qu’une plateforme, un outil au service de tous.

Des initiatives qui ont en tous les cas contribué à te faire connaître d’un plus grand public. Prix de la meilleure start-up régionale, couverture dans les médias locaux et internationaux (France 24, Washington Post). Quel est ton sentiment par rapport à cette visibilité grandissante ? 

De la fierté bien sûr, mais en même temps, beaucoup d’humilité. Je sais d’où je viens, me souviens des difficultés et obstacles surmontés, des sacrifices consentis. Il y a beaucoup de travail pour en arriver là, on apprend donc à remettre les choses en perspectives et à savourer l’instant présent. Mais sans jamais perdre de vue le chemin à venir, les projets qui restent encore à accomplir.

Parle-nous de tes projets en cours.

A court terme, je vais continuer à développer mon application mobile en tâchant de la dupliquer sur une plus large gamme de systèmes d’exploitation (Android, Windows Phone, iOS d’Apple). Cela reste la meilleure façon de toucher une clientèle plus large, et pas uniquement au Rwanda. Si le produit est bon, il peut a priori être répliqué ailleurs. J’attends beaucoup aussi de mon site Mutangana.rw de partage d’idées. Contacts multiples, mentorat, possibilités de financement, c’est l’essence de l’entrepreneuriat social. Enfin, je souhaiterais développer une activité plus centrée sur l’événementiel, telle que l’organisation de colloques et forums portant sur les opportunités d’affaires au Rwanda et dans la sous-région. Ce qu’il faut, c’est un point de rencontre entre investisseurs et entrepreneurs, une plateforme où chacun pourrait obtenir ce qu’il est venu chercher. Des capitaux et une méthode managériale pour les entrepreneurs, des équipes compétentes et de bonnes idées sur lesquelles se positionner pour les investisseurs.  En clair, mettre à disposition tous les ingrédients nécessaires à la réussite.

Un dernier mot sur ces facteurs de réussite. En tant que chef d’entreprise, quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui se souhaitent se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ?

Il faudrait idéalement toujours faire ce que l’on aime. Ce sera d’autant plus utile lorsque les choses se compliqueront et que les difficultés, immanquables, surviendront. A ce titre, dans le contexte souvent précaire et changeant qu’est l’entrepreneuriat, la persévérance, la débrouillardise et la flexibilité sont incontestablement des qualités qui peuvent faire la différence. La créativité peut aussi être un plus indéniable, mais elle devra, pour être efficace, se baser sur les besoins concrets de vos clients, fournisseurs et partenaires. Il faut donc être constamment à l’écoute, sensible aux signaux donnés par le marché, tout en se concentrant sur l’essentiel et en connaissant ses limites. Dernier point enfin, et probablement le plus important : savoir travailler avec d’autres personnes, c’est indispensable. Quand on veut aller vite, on y va seul, mais quand on veut aller loin, on y va ensemble.  

Propos recueillis par Jacques Leroueil à Kigali

Pour aller plus loin : https://www.youtube.com/watch?v=B_84fPKNORQ

 


[1] http://www.foyo.rw/

 

[2] http://www.seedstarsworld.com/

 

[3] http://www.incike.rw/

 

[4] http://www.washingtonpost.com/world/africa/20-years-after-the-genocide-rwanda-looks-to-a-tech-revolution/2014/04/04/bbde2df2-bb4a-11e3-80de-2ff8801f27af_story.html

 

[5] http://mutangana.rw/

 

Le potentiel des start-ups sociales pour répondre au défi de l’électrification rurale

1,3 milliards de personnes dans le monde vivent actuellement sans électricité, et dépendent de carburants traditionnels aux prix élevés et aux effets néfastes afin de satisfaire leurs besoins énergétiques de base.

La majorité des foyers dépourvus d’accès à l’électricité vivent dans les régions rurales des pays en voie de développement. Ces régions, souvent isolées et parfois difficiles d’accès, sont largement laissées pour compte dans les grands plans étatiques pour étendre les réseaux nationaux de distribution[1]. Ce problème de grande échelle se révèle aujourd’hui être un terreau fertile pour le développement de start-ups sociales, dont les initiatives privées offrent une alternative de plus en plus crédible aux projets humanitaires.

Les organisations à but non-lucratif ont certes remporté de beaux succès avec la réalisation de projets ayant eu un impact significatif sur les conditions de vie de millions de bénéficiaires. Cependant, elles se heurtent également à de nombreuses difficultés, au premier rang desquelles figure le caractère limité de leurs ressources, qui ne leur permet pas d’atteindre une échelle véritablement significative en regard de l’immensité des besoins. La multiplication de leurs projets passerait en effet nécessairement par une multiplication correspondante de leurs financements, ce qui est extrêmement difficile dans le cadre d’un paradigme philanthropique. 

Et de fait, le nombre de personnes dépourvues d’accès à l’électricité reste extrêmement élevé. Selon les prévisions de l’IEA, ce nombre restera même relativement stable au cours des prochaines années, notamment en raison d’une croissance démographique plus rapide que le rythme des nouvelles connexions.

tableau poweronPrévisions de l’Agence Internationale de l’Energie

Vers un changement de paradigme

Un changement de paradigme est donc nécessaire. Un consensus semble se créer progressivement autour de l’idée que ce problème pourrait être éliminé dans la prochaine décennie s’il était démontré que la fourniture d’électricité aux communautés isolées pouvait être réalisée de façon durable et rentable. Le déclin continu du prix des technologies renouvelables au cours des dernières décennies a en effet rendu les solutions de marché accessibles aux habitants les plus pauvres de la planète, qui consacrent aujourd’hui jusqu’à 30% de leur budget à l’énergie.

L’implication du secteur privé dans ce secteur d’intérêt général nécessite cependant de nouveaux business models, adaptées aux populations les plus pauvres (Base of the Pyramid). Les pratiques traditionnellement adoptées par les grands acteurs en place ne prennent pas en compte leur contexte particulier et ne peuvent ainsi pas répondre à leur besoin en énergie.

Ces nouveaux business models sont actuellement principalement développés par de jeunes start up sociales innovantes, dont les premières expérimentations contribuent progressivement à la structuration d’un nouveau marché de l’électrification rurale[1].

D.light a distribué 8 millions de lampes solaires en 7 ans


Une première vague de ces start up à fort impact s’est matérialisée à partir de la deuxième moitié des années 2000, avec la multiplication d’entreprises distribuant des lampes et kits solaires. Certaines de ces entreprises sont extrêmement performantes, à l’image par exemple de d.light qui annonce avoir vendu 8 millions d’appareils solaires en 7 ans d’existence.


Ce mouvement est encouragé et coordonné par les grandes organisations internationales dont la vocation est de faciliter la réalisation des objectifs millénaires du développement, telles que la Banque Mondiale à travers le programme dédié Lighting Africa. Le développement de ces start-ups est par ailleurs soutenu par des investisseurs intéressés par le potentiel à la fois social et financier de ces entreprises.

 

Structuration d’un nouvel écosystème, au service de l’innovation sociale

« Les lampes solaires ne suffisent pas à éliminer la pauvreté. Il faut réussir à alimenter des usages productifs » – K. Yumkella, UN Under-Secretary-General – Special Rep & CEO – Sustainable Energy for All

Ceci étant, ces entreprises sont loin de régler totalement le problème de l’accès à l’électricité. Les solutions qu’elles proposent permettent en effet de révolutionner les usages énergétiques domestiques dans les foyers BoP off-grid, et ce faisant d’améliorer radicalement leurs conditions de vie. Malgé tout, elles ne suffisent pas à répondre à une demande plus intense concernant les usages collectifs et économiques (alimentation électriques de centres de santé, de petites entreprises et ateliers, qui demandent des puissances qu’un kit solaire ne pourra jamais délivrer).

Ce sont pourtant ces usages qui in fine enclencheront un réel développement dans les zones rurales. Pour y répondre, une deuxième vague a émergé, qui s’attaque à des solutions d’électrification d’une autre ampleur, à même de fournir des puissances électriques capables d’alimenter des appareils et machines jusque dans les régions les plus reculées. Ce besoin a là encore été bien compris par les grandes
institutions internationales, à l’image des Nations Unies à l’origine de l’initiative Sustainable Energy For All qui s’attache à mettre en réseau les acteurs de cette nouvelle industrie et à leur fournir des données et ressources susceptibles de faciliter leur action.

Husk Power System – Success story du nouveau paradigme de la fourniture d’électricité pour le BoP

Le meilleur exemple de ces start-ups dédiées à l’électrification rurale est à mes yeux celui de Husk Power Systems. A l’aide de leur technologie de gazification de biomasse (cosses de riz) associé à du solaire photovoltaïque et de réseaux de distribution low cost en bambou, la start up indienne a pu construire près d’une centaine de minigrids depuis 2007 et commence aujourd’hui à s’implanter en Afrique de l’Est. Ses minigrids sont capables de produire une électricité à un prix très attractif pour les habitants des régions les plus pauvres du monde. Les bénéficiaires les plus pauvres sont impliqués durablement dans leur électrification.

Plusieurs grands groupes industriels du secteur électrique traditionnel développent de leur côté des initiatives tournées vers le BoP s’inscrivant pour la plupart dans le cadre de politique de responsabilité sociale et environnementale (comme par exemple le programme BIPBOP de Schneider Electric). Mais la dynamique globale dans ce domaine est surtout portée par quelques dizaines de start-ups qui développent leurs propres modèles dans différentes régions à travers le monde, chacune expérimentant différents choix technologiques et différents modèles d’affaires susceptibles de rendre les projets à la fois durables et rentables.

Frilosité des financeurs…

La plupart des projets sont encore relativement récents et ne sont guère au-delà de la phase pilote. C’est bien en raison de cette incertitude fondamentale que ce mouvement reste pour l’heure soutenu majoritairement (et assez paradoxalement) par des acteurs issus du secteur philanthropique. Ce sont en effet les fondations (parfois issues de grands groupes de la filière comme la Fondation Shell), les donneurs privés et certains fonds public dédiés à l’aide au développement qui assument le financement d’une l’innovation sociale jugée encore trop risquée ou pas assez rémunératrice par les financeurs de l’économie traditionnelle.

D’un point de vue d’ensemble, cette situation est assez regrettable dans la mesure où en renonçant à jouer leur rôle, à l’image des fonds de capital risque traditionnels, les « Venture Philanthropists » privent nombre de start-ups des fonds qui leur seraient nécessaires pour émerger. Ces derniers préfèrent en effet se concentrer sur le créneau du capital développement, afin d’accompagner des entreprises déjà établies (et situées dans la première vague citée plus haut) dans leur changement d’échelle. Pourtant, les montants pour lancer un pilote, relativement limités par rapport aux tickets moyens dans les deals avec les start-ups, leur permettraient de prendre des positions intéressantes dans de nouveaux projets tout autant, voire plus prometteurs.

…en dépit d’un vrai potentiel de disruption pour tout le secteur

Toujours est-il que nous assistons actuellement à la naissance d’une nouvelle classe d’acteurs, qui vient disrupter le secteur de la fourniture d’électricité par le bas, c’est-à-dire en s’attaquant à un segment du marché (les communauté off-grid situées à la Base de la Pyramide) qui est resté durant des années inaccessible aux acteurs traditionnels (si ce n’est totalement négligé).

Power:On, l’entreprise sociale dont je suis le fondateur, s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Power:On est un fournisseur d’électricité dédié aux villages isolés des pays en voie de développement, exploitant des minigrids hybrides photovoltaïque-diesel, efficients et intelligents, tirant parti de ressources renouvelables locales. Notre mission est de révolutionner le rapport de communautés rurales à l’énergie – pour un prix moins élevé́ que ce que nos clients dépensent actuellement en carburants fossiles de mauvaise qualité́.

Power:On vend des contrats prépayés, liés à des catégories d’usages énergétiques spécifiques tels que l’éclairage, l’utilisation d’un moulin électrique, d’un réfrigérateur ou d’une pompe électrique. Chaque client a donc accès à l’électricité́ en fonction de ses besoins et de ses ressources.

Nos systèmes sont ainsi optimisés et conçus sur-mesure, en réponse aux demandes exprimées par nos clients qui sont les entreprises, les foyers et les services publics. Nous avons également voulu tirer parti des nouvelles technologies pour affirmer notre crédo : le BoP n’implique pas le low cost et la faible qualité de service. Au contraire, les technologies numériques permettent de mieux communiquer avec les clients, de proposer une excellente expérience utilisateur et de promouvoir des usages responsables. Le contexte BoP représente une opportunité́ unique de transformer le métier de la fourniture d’électricité́, en adoptant des technologies de nouvelle génération sans pâtir d’un héritage d’installations obsolètes.

Grâce au déploiement de réseaux de compteurs intelligents, nos clients peuvent ainsi contrôler, payer leur consommation et recevoir des conseils d’efficacité énergétiques personnalisés directement sur leurs téléphones mobiles. Ces mêmes technologies de l’information et des communications permettent aussi à nos réseaux de devenir intelligents et d’optimiser leur fonctionnement en temps réel. Enfin, la gestion des systèmes isolés est facilitée par la mise en place d’une plateforme de maintenance et de formation technique en ligne.

Power:On est actuellement en pleine préparation d’un premier projet pilote au Bénin, pour la fin de l’année 2014.

Notre objectif à travers ce premier projet est de démontrer la viabilité de nos modèles technique et économique, et leur capacité à produire un impact social et des retours financiers significatifs. Ce faisant, nous participerons à la structuration d’un écosystème capable de mobiliser les ressources nécessaires au changement d’échelle de ces nouvelles solutions, notamment par le biais de l’impact investing. Power:On pourra alors répliquer l’initiative dans d’autres localités au Bénin et dans la sous-région en 2015.

Tristan Kochoyan, fondateur de Power:on



[1] voir les précédents articles de Power On publiés sur leur blog : The pricing issue et Smart subsidies to fight poverty

 

 

INSPIRATION #2 : PRESENTATION DU FADEV

Avec l’explosion de sa démographie (1,9 milliards d’habitants prévus en 2050), la jeunesse de sa population active, la croissance urbaine la plus rapide du monde, ses richesses naturelles convoitées par le monde entier, l’Afrique est un continent en pleine mutation, riche de fortes espérances économiques.

Dans ce contexte, l’accélération de la réduction de la pauvreté par la croissance économique de son secteur privé est un enjeu majeur. Les MPME (micro, petites et moyennes entreprises) qui dominent le tissu productif du continent représentent sans aucun doute le cœur d'un développement économique réussi et endogène ainsi qu’un levier majeur d’amélioration durable des conditions sociales du continent.

En zone urbaine, comme en zone rurale, les TPE, PME et PMI, qu'elles soient formelles ou informelles, fournissent l'écrasante majorité des emplois, et donc des revenus stables à de nombreuses familles, de même que l’accès à des biens et services indispensables à la communauté. Leur développement doit consolider les postes existants et créer des emplois qualifiés qui permettront d'absorber les dizaines de milliers de jeunes africains qui arrivent chaque année sur le marché du travail. Portées par des entrepreneurs ouverts et talentueux elles permettent aussi une large diffusion et adaptation des richesses culturelles et des savoir-faire traditionnels. Présentes sur l'ensemble des territoires, elles contribuent également à éviter les déséquilibres entre régions et ainsi à y amenuiser les tensions sociales.

Or, pourtant essentielles au développement de l’Afrique, les petites entreprises se trouvent majoritairement bloquées par la question de leur financement.

Le fondement de l'initiative du Fonds Afrique Développement (FADEV |www.fadev.fr) repose justement sur le constat d’un manque fondamental dans l'offre de financement aux MPME. Ce champ dit de la "mésofinance" reste encore très peu couvert par les institutions financières, à des conditions compatibles avec les besoins des MPME.

Créé en 2005, le FADEV est un fond d’investissement solidaire reposant sur un mécanisme « d’equity crowdfunding », il collecte l’épargne de particuliers et d’acteurs institutionnels et l’injecte dans le cœur de l’économie africaine, les MPME, en mutualisant les risques pour les souscripteurs.

Infographie-processus-FADEV-simple

 

Innovant et précurseur, le FADEV a adopté une démarche fortement ancrée dans l'économie sociale et solidaire, qui répond aux caractéristiques suivantes: 

  • Le FADEV investit exclusivement dans des PMEs en développement, pour un montant de financement où la demande est forte et l’offre faible ou encore peu adaptée (entre 10 000 et 100 000euros) et propose des prêts à conditions préférentielles. Ces PME sont identifiées par nos partenaires locaux ou postulent directement sur le site du FADEV : http://www.fadev.fr/obtenir-un-financement
  • Après s’être assuré que l’entreprise respecte les critères de sélection et de solidarité qu’il promeut, le FADEV en devient actionnaire minoritaire et met en place un accompagnement technique et technologique sur mesure en plus de son appui financier. Ce suivi est assuré par un cabinet local issu du réseau FADEV, sélectionné pour son sérieux, et qui peut également être appuyé par des souscripteurs bénévoles. C’est un véritable partenariat qui se tisse durant les 5 à 7 ans que dure l’investissement et à l’issue duquel est proposée une transition vers des partenaires financiers plus adaptés à la nouvelle stratégie de l’entreprise.
  • Le FADEV promeut une vision et des vocations solidaires. Enregistré comme une coopérative à intérêt collectif, son capital est détenu par des particuliers ou partenaires soucieux du développement économique et social de l’Afrique. Avec un risque mutualisé et des attentes de rentabilité modérées, les souscripteurs et les entreprises du portefeuille partagent la même ambition : la réussite des bénéficiaires. Son sérieux lui a également valu l’accréditation Finansol et le soutien de l’Agence Française de Développement.
  • Après avoir réalisé une vingtaine d’investissements sans aucune faillite, le FADEV s’est doté en 2014 d’une plateforme de crowdfunding afin de permettre à de nouveaux souscripteurs d’investir plus facilement et d’accroître ainsi sensiblement ses capacités.

Sph - photo2
Gamme de savon de la SPH

Si l’arrivée très commentée de fonds d’investissement sur le continent africain apparait en premier lieu comme une opportunité, peu d’initiatives y associent étroitement des objectifs sociaux et environnementaux ; et rares sont celles privilégiant l’investissement technique et financier dans des petites entreprises. La longévité du FADEV et la réussite de ses premières opérations sont pourtant le signal qu’un autre modèle est possible et même souhaitable pour les PME africaines.

Sph - photo1
Moumouni KONATE (au centre) et son equipe au centre de fabrication

Le dernier entrepreneur accompagné de bout en bout, la Savonnerie Parfumerie du Houet (Burkina Faso), en témoignait en ces termes dans le septième et dernier rapport d’exercice adressé au FADEV: « Je voudrais confirmer l’avenir promoteur de notre maison commune qu’est la SPH et profite de l’occasion pour exprimer ma reconnaissance vis-à-vis du FONDS AFRIQUE DEVELOPPEMENT pour le travail audacieux abattu ainsi que toutes les opportunités qui nous ont été offertes à l’occasion de ce partenariat ».

Régulièrement, nous vous proposerons de découvrir le portrait d’entrepreneurs africains accompagnés par le FADEV dans cette rubrique Entrepreneuriat !

Martin Fleury et Johann Fourgeaud, consultants FADEV

Pour aller plus loin : http://www.fadev.fr/

 

La diaspora, le Saint-Graal de l’Afrique

Le défi du retour

Nombreux sont les esprits brillants qui ont quitté le continent africain à la recherche d'une meilleure éducation ou de meilleures opportunités professionnelles. Il n'est guère difficile de comprendre ce choix et il est tout à fait normal et acceptable lorsque le but final est d’acquérir un savoir solide et utile pour revenir l'appliquer dans son pays et au service du développement économique de celui-ci. Il est cependant très fréquent de constater parmi les étudiants allés poursuivre leurs études à l’étranger, un complexe avéré, une hésitation, lorsqu'il s'agit de retourner dans leur pays d’origine au terme d'études achevées avec succès. Pourtant, peu importe ce que l'on puisse dire, le moyen le plus certain de développer l'Afrique est par le biais de ses fils et filles qui sont allés acquérir un savoir à l’étranger mais qui, ensuite, osent relever le défi du retour pour créer et développer leur pays. Le continent africain a besoin de sa diaspora-qui-revient.

Pour faciliter son retour et ainsi accélérer sa participation à la création de richesses, il est important de favoriser l’émergence d’opportunités véritablement attirantes. Il est impératif d'insister sur l'aspect «création de nouvelles richesses», car la dernière chose dont l'Afrique a besoin est un afflux de personnes sur-qualifiées dont la seule motivation de retour serait de trouver facilement un emploi sécurisé, stable, et qui s'y accrocheraient dur comme fer, contre vent et marrées. Un tel état d'esprit ne résoudra certainement pas les problèmes auxquels l'Afrique fait face aujourd'hui.

 

Insuffler l’esprit d’entreprendre

Ce dont le continent a réellement besoin pour son développement est sans aucun doute l'innovation et la créativité : la capacité à repérer un problème important dans la société et trouver une solution pour le résoudre. En Afrique, des idées considérées comme simples dans des écosystèmes plus matures peuvent devenir de véritables innovations dans la mesure où elles arrivent à être adaptées au contexte local et à prendre en compte les besoins de base des communautés.

Dans cette optique, l'entrepreneuriat serait la voie la plus évidente vers une explosion de la croissance économique du continent. Il n'y a rien de tel que la création d'entreprises et de start-up innovantes pour améliorer le quotidien des populations et par la même occasion créer des emplois sur le continent. Ceci, non seulement réduit le chômage, mais amène également d'autres membres de la diaspora à constater qu'en Afrique aussi, il est tout à fait possible de faire la différence avec un peu de consistance et un brin de créativité. Fort heureusement, il semblerait qu'il y ait progressivement une prise de conscience au sein des diasporas africaines. Bien que le mouvement soit encore plutôt timide, nous assistons à une augmentation considérable des initiatives entrepreneuriales mises en place par des jeunes diplômés de la diaspora: nous ne pouvons qu'en être fiers, et encourager au mieux ces comportements qui serviront de modèles à ceux qui hésitent encore à rentrer au pays pour se lancer.

 

Des entrepreneurs issus de la diaspora-qui-revient

Abdoulaye Touré, jeune ingénieur sénégalais diplômé de l'école Polytechnique – France en expertise énergétique a fondé, avec six autres jeunes diplômés pour la plupart sénégalais, diplômés de diverses institutions françaises, la startup Baobab Entrepreneurship; une jeune startup qui a pour mission de promouvoir l'entrepreneuriat au Sénégal à travers les TICs. Il confie que l'avantage indéniable dont dispose l'Afrique réside dans le fait que le continent présente beaucoup de problèmes à résoudre et de besoins non satisfaits faisant de ce dernier une terre d’opportunités pour tout entrepreneur. Par lui, le fait d’être ancré dans des standards professionnels occidentaux représente le frein majeur pour le retour de la diaspora en Afrique. Il dit aussi que cela pourrait être réglé en rendant beaucoup plus accessibles les opportunités de carrières et d'entrepreneuriat, depuis la France.

 

 

Olabissi_AdjoviOlabissi Adjovi est d’origine béninoise. C’est un autre entrepreneur de la diaspora, basé en France mais faisant des affaires au Sénégal. Il a fondé, avec des associés sénégalais, OuiCarry, une startup qui permet d’envoyer et de réceptionner des colis entre Paris et Dakar. D’après lui, l’énorme potentiel qu’offre l’Afrique en termes de croissance constitue son principal avantage. Il avance également que l’un des facteurs qui stoppent considérablement le retour de la diaspora dans leur pays respectif, est, la plupart du temps le fait que ces jeunes quittent leur pays sans une ferme intention d'y retourner au terme de leurs études à l’étranger. Il est convaincu que plus de jeunes montreront l’exemple, plus  ceux qui hésitent sauteront enfin le pas.

 

Malick DioufMalick Diouf, un autre entrepreneur sénégalais, est le Co-fondateur de la startup LafricaMobile qui offre des solutions de communication entre les entreprises africaines et la diaspora à travers le monde. D’après lui, la flexibilité des clients, fournisseurs, employés etc. est l’avantage le plus saillant lorsque l’on décide d’entreprendre en Afrique, parallèlement à une main d’œuvre de plus en plus qualifiée et embauchable à prix compétitif. En revanche, il pense que le facteur principal de frein au retour de la diaspora est sans nul doute le manque d’infrastructure. Il nous confie également que pour les inciter à rentrer, il faudrait challenger les jeunes de la diaspora et clairement leur signifier le rôle qu’ils ont à jouer pour le développement économique de leur pays. Enfin, il est persuadé que l’Afrique ne se développera que par les africains eux-mêmes, d’où l’importance pour lui d’apporter sa pierre à l’édifice.

 

En somme, il est vraiment encourageant de voir autant d’initiatives mises en place par des d’entrepreneurs de la diaspora africaine qui daignent regarder au-delà des difficultés logistiques présupposées de l’Afrique et lancer leurs activités malgré les conditions du Doing Business parfois très contraignantes. On ose espérer que cette génération d’entrepreneurs inspirera un grand mouvement d’innovation à travers tout le continent.

 

Ibrahima Gabriel Mall, Sénégal

 

L’entrepreneuriat : modèle de développement pour l’Afrique?

Lors d'un échange passionnant avec Mr Bonaventure MVE ONDO, philosophe, ancien recteur de la Francophonie et de l'université Omar Bongo, nous nous sommes arrêtés sur des chiffres alarmants : plus de 120 millions de jeunes sortiront des systèmes éducatifs d'ici 2020 en Afrique subsaharienne et les 3/4 de ces jeunes ne trouveront pas d'emploi. Si le marché de l’emploi se raréfie en Europe par exemple, a t-il jamais existé en Afrique ? Quelles y ont les réelles perspectives d'emploi ? Les entreprises internationales joueront-elles le jeu en créant des emplois dans la sous région ? Les autorités africaines et internationales ont-elles prévu des plans d'actions opérationnels ? Est-ce que l'entreprenariat ne serait pas une solution efficace pour permettre à un plus grand nombre d'occuper une place d'acteur économique dans une Afrique en pleine croissance ?

Je crois personnellement que l'entrepreneuriat est une conséquence logique de la mutation de notre société. En quittant l'ère industrielle pour passer à l'ère de l'information, le nord et le sud se retrouvent dans une situation presque similaire : la nécessité de revoir leurs fondamentaux socio-économiques et l'obligation de concevoir de nouvelles approches dans le domaine du travail.  J’imagine parfois que dans un futur proche où nos petits-enfants et arrière-petits-enfants découvriront le « salariat » en allant visiter les musées ! En effet notre économie, fondée sur l’industrialisation et la consommation date du début du 19ème siècle, soit plus de 200 ans ce qui est infiniment petit à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Il y a eu d’autres modèles avant et il y a aujourd’hui l’opportunité de créer de nouveaux modèles durables. Ceci est un enjeu majeur pour l’Afrique et une grande responsabilité. Mais c’est surtout une grande chance car contrairement à l’époque industrielle qui nécessitait de gros investissements et des équipements lourds, on peut aujourd’hui créer son entreprise seul chez soi avec un téléphone, un ordinateur, une connexion internet et surtout de la matière grise ! C’est sans précédent. Et pendant que les monopoles perdus nous parlent de « la crise », il n’y a jamais eu autant d’initiatives et de success stories. Même si créer son entreprise nécessite certaines aptitudes et compétences, notamment la gestion, nous serons de plus en plus nombreux à tenter notre chance en « Terre entrepreneuriale ». De la révolution industrielle à la révolution individuelle, quelle sera le modèle de développement de l’Afrique à l’aube du 22ème siècle ?

C'est pour faire un tour d'horizon de la situation globale et des spécificités de chaque pays que je me suis tournée vers des opérateurs économiques confirmés ou débutants pour prendre le pouls de cette économie africaine qui fait l'objet de toutes les convoitises.

 

Episode 1 : Au Bénin les jeunes diplômés créent leur job !

 

Lors d'un séjour à Cotonou, j'ai eu le plaisir de rencontrer une équipe de jeunes diplômés qui a décidé de prendre son avenir en main en créant sa propre structure. Ils partagent leur expérience et leur vision du futur. Une génération ambitieuse qui est à l'écoute d'un monde qui bouge mais qui doit composer avec ses réalités et les usages locaux.

Entretien avec Steve Hoda, Directeur des opérations et Vianio Kougblenou Directeur Général du cabinet Intellect Consulting 

DSCF1286

Présentez-nous votre structure 

Intellect Consulting est le seul cabinet-conseil pluridisciplinaire du Bénin géré par de jeunes Béninois. Fondé en Janvier 2012, le cabinet propose ses expertises en vue de favoriser le développement économique des pays africains. Les activités du cabinet tournent autour de 7 départements (Recherche-Formation et Développement – Informatique – Communication et Stratégie – Ingénierie solaire – Management des Projets – Juridique – Évènementiel & Création) et repose sur les valeurs telles que la responsabilité, la réactivité, l’éthique et la qualité. Le cabinet, à ce jour, travaille en partenariat avec plus d’une dizaine de partenaires à travers le monde. (Consulter www.intellect-consulting.com pour plus d’informations)

 

Quelle est globalement la situation des jeunes diplômés au Bénin ?

La question de l’emploi est un véritable problème dans notre pays le Bénin. Il suffit simplement de voir le nombre de candidats lors des concours de la fonction publique pour s’en rendre compte.

 

Quels sont les dispositifs mis en place pour favoriser l'emploi ? Sont-ils opérationnels ?

Pour favoriser l’emploi, l’État a mis en place des Business Promotion Center (BPC) qui sont des cadres qui incitent les jeunes à la création de leur emploi. Ces BPC accompagnent les micro-entrepreneurs dans leur idée d’entreprise.

En dehors de cela, l’État a mis en place l’Agence Nationale pour le Promotion de l’Emploi qui accompagne également les jeunes dans la mise en œuvre de leur propre entreprise et aussi pour l’employabilité dans une entreprise qu’elle soit privée ou publique. Mais il faut noter que ces structures ne sont pas tellement opérationnelles.

 

Comment vous est venue l'idée de créer votre entreprise ?

Nous sommes pour la plupart membres de l’Association des Volontaires du développement Durable (AVD-Bénin) qui est une organisation non gouvernementale que nous avons créée en 2011. Vu qu’il était difficile d’avoir des financements et que la plupart d’entre nous étaient diplômés dans divers domaines, nous nous sommes dit « pourquoi ne pas mettre en place un cabinet-conseil pour financer nos activités ? » C’est ainsi que nous avons crée Intellect Consulting.

 

Comment ont réagi vos familles ?

La génération de nos parents ne sait rien de ce qu’on appelle « entrepreneuriat ». Ils préfèrent voir leurs enfants au sein d’une grande entreprise, signe de réussite pour eux. C’est donc normal qu’ils soient restés sceptiques au départ. Maintenant, ils nous apportent leurs bénédictions puisqu’ils sont conscients qu’il n’est plus facile de trouver un emploi.

 

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

Nous avons deux grandes difficultés. La première est qu’il est difficile pour les banques de nos pays d’accompagner les start-up. Vous êtes donc bien conscients qu’une jeune entreprise qui se bat seule risque de disparaitre. Ce qui fait que le taux de « mortalité » des entreprises est très élevé. À côté de cela, il faut dire que la fiscalité dans notre pays n’est pas une fiscalité de développement. Elle tue plutôt les entreprises.  

Deuxième difficulté : Nous sommes très jeunes et la génération des personnes aux affaires ne fait pas confiance à la jeunesse qu’elle estime immature et incompétente.

 

Comment a été accueillie votre initiative ? Que pensent vos camarades de promotion de votre projet ?

C’est une initiative qui a été bien accueillie et qui force l’admiration autour de nous. Nos amis de promotion sont fiers de nous même s’ils trouvent le pari trop risqué.

 

Quels sont vos atouts ?

Nos atouts : Nous sommes jeunes diplômés dans plusieurs domaines (droit, informatique, journalisme, économie, gestion, finance, ingénierie solaire, e-marketing…). Nous avons fait pour la plupart des expériences dans de grandes entreprises de la place.

Intellect-Consulting s’est également entouré de personnes qui ont du succès dans leur domaine d’expertise, afin de bénéficier d’une formation continue pour notre équipe car nous souhaitons apporter un service de haute qualité sur le marché africain. Nous avons noué des partenariats avec des entrepreneurs & des experts en France, en Suisse, au Sénégal, au Togo, au Canada et en Inde. Ils nous apportent leur concours sur le plan méthodologique et sur le plan des idées.

Pour nous faire connaître et vulgariser le métier de consultant et plus largement la prestation de service intellectuel, nous avons également un magazine économique en ligne « LeConsultant ».

redim

Qu'apportez-vous à vos clients ?

Nous accompagnons nos clients pour développer leur chiffre d’affaires tout en adoptant une attitude éco-responsables. Tout le monde fait du business au Bénin, mais combien d’entreprises sont vraiment rentables ? Nous les aidons à préparer l’avenir en étant plus performantes.

 

Quels objectifs souhaitez-vous atteindre ?

Notre objectif : Nous souhaitons accompagner sur les trois prochaines années plus de 100 entreprises à développer leurs activités et leur chiffre d’affaires dans la sous-région.

 

Vous êtes-vous déjà imaginé ce que vous deviendrez dans 10 ans ?

Dans 10 ans, nous envisageons devenir un grand groupe qui accompagne les chefs d’États africains dans les processus de développement économique. C’est pourquoi, nous avons travaillé sur la vision de l’Afrique à l’orée 2050 que vous pouvez lire en allant sur ce lien : http://stevehoda.over-blog.com/2014/04/quand-intellect-consulting-vous-plonge-dans-l-afrique-de-2050.html

 

Quelles sont les aptitudes indispensables pour réussir ?

Pour réussir, il faut avoir une vision, des objectifs clairs et mettre les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs. Cela demande beaucoup de discipline, de rigueur et surtout de persévérance.

 

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui veulent se lancer ?

Pour les jeunes qui veulent se lancer, nous les encourageons et nous leur disons qu’ils ont fait le meilleur choix. Maintenant, il leur revient de bien mûrir leur idée de projet, de s’entourer de personnes qui partagent la même vision qu’eux et de maintenir l’esprit d’équipe.

Ils rencontreront certainement des difficultés qui sont des marches vers le succès. Ils ont donc besoin d’un esprit guerrier pour avancer.

 

Quels sont vos prochains défis ?

  • Mettre en place différentes micro-entreprises à travers le projet CAFE (Conférence/Plan d’Action Africain sur l’Entrepreneuriat). À cet effet, nous travaillons avec Lawson Investissements pour la mise en place d’une ferme agricole à Zinvié au Bénin.
  • Servir de foyer d’opérationnalisation pour aider la diaspora à investir au Bénin.
  • Amener tous les professionnels, élèves et étudiants à maitriser les logiciels de leur domaine respectif.
  • Installer l’énergie solaire dans bon nombre de foyers béninois.

 

Article de Jenny-Jo Delblond : Coach financière et passionnée d’entrepreneuriat elle est spécialiste de l’éducation financière. Elle intervient en France, aux Antilles et en Afrique pour accompagner les entrepreneurs et les chefs d’entreprises. Conférencière, consultante et formatrice elle démystifie l’argent et permet aux gens de développer leur créativité financière pour augmenter leurs revenus et améliorer leur qualité de vie. Jenny-Jo a coutume de dire qu’elle est diplômée de la Haute École de la Vie, car autodidacte, c’est dans les entreprises qu’elle acquiert son expertise pratique dans le domaine des affaires et de la vente.

 

Journal d’un apprenti entrepreneur

Je m’appelle Emmanuel Leroueil. Je suis consultant en stratégie et travaille actuellement au Gabon, à partir duquel j’interviens dans plusieurs autres pays africains. J’ai participé à la création il y a quelque années de Terangaweb – l’Afrique des idées. Depuis un an et demi, date d’un déménagement et du début d’une nouvelle expérience professionnelle, je n’ai plus beaucoup contribué au site et à la vie de l’association, ce que je regrette. Certains camarades me l’ont reproché à juste titre. Ma réponse était que je n’arrivais pas à concilier le « faire » et le « dire » : il m’était plus facile d’écrire et de parler de l’Afrique quand je n’y étais pas ; maintenant que j’y suis revenu, je suis absorbé par toutes les activités dans lesquelles je m’implique et n’ai quasiment plus l’énergie pour participer au débat d’idées. Ce « journal d’un apprenti entrepreneur » est ma tentative de réconciliation du « faire » et du « dire ». Je le dédie à Réassi Ouabonzi, pour son exigence constante.

 

Ma vision de l’entrepreneuriat en Afrique

Comme un certain nombre de professionnels (banquiers, consultants, avocats d’affaires), je suis régulièrement amené à étudier des business plan de grandes, moyennes, et petites entreprises. Si ma profession me conduit plus à fréquenter des entreprises matures, dont l’activité est déjà pérenne et qui font face à des problématiques de croissance, la particularité du tissu économique africain fait que la question de la création d’entreprise est centrale à toute réflexion sur le développement de filières économiques, voire d’économie-pays tout simplement.

A cela j’ajouterai que j’ai moi-même la fibre entrepreneuriale et que, pour quelqu’un qui souhaite aider à répondre aux défis que rencontre l’Afrique (créer des emplois dans le contexte de boom démographique – créer des richesses et les redistribuer), la création d’entreprises dynamiques en Afrique est une préoccupation majeure. Je me suis construit des convictions sur le sujet que je souhaite partager ici.

Conviction 1 : Mieux vaut se concentrer sur des entreprises simples, qui répondent à des besoins basiques des populations (ex : maraîchage, boulangerie, élevage de poulet, cuisine, etc.), sur des marchés qui existent déjà, et sur lesquels il est possible d'apporter une petite amélioration dans le cycle production/vente. 

Cela peut paraître relever du bon sens, et pourtant cela se distingue de deux tendances fortes que j’observe.

La première, la plus courante, est que les petits investisseurs africains privilégient quasi systématiquement des petits business connus qu’ils copient à 100% et sur lesquels ils n’apportent aucune amélioration. Exemple : s’acheter un taxi. 

 

taxi redim

Tout le monde connaît le prix d’une voiture standard pour faire un taxi (entre 2 à 3 millions F CFA achetée d’occasion au Gabon) ; tout le monde sait comment marche le business model de la taxi-industrie (on fait payer au taximan une sorte de loyer : il doit rendre tous les jours un niveau de gain fixé ; le surplus lui appartient, le déficit sera payé de sa poche). Les gains sont connus même si la rentabilité est limitée (environ 75 000 F CFA/semaine au Gabon), les risques sont relativement faibles. En dix mois, un investisseur peut rentabiliser sa mise sur un marché qui continue à absorber l’augmentation de l’offre. Cet exemple est duplicable à merci : la mode des télécentres (téléphones publics payants, dans les années 1990), puis celle des cybercafés, etc. La majorité des investissements immobiliers se rapprochent également de ce modèle. Ces petits business créent certes de la richesse supplémentaire, mais ils n’ont quasiment aucun effet d’entraînement sur le reste de l’économie (pas de hausse de productivité).

La seconde tendance, plus récente en Afrique, est celle suivie par la plupart des incubateurs de start-up, qui privilégient les entreprises sur des segments très innovants et souvent inexistants : services liés aux télécoms ou à internet, énergies renouvelables, voire création d’appareils technologiques. Certains de ces business model peuvent évidemment marcher et sont utiles à l’économie et à la société. Ils  présentent cependant beaucoup plus de risques pour le porteur de projet/investisseur : il faut souvent créer la demande, acquérir la souplesse nécessaire pour faire évoluer son produit vers une demande solvable, trouver l’équilibre économique et opérationnel qui permettra de développer l’entreprise sans toutefois pouvoir s’inspirer de quelque chose qui existe déjà…Le taux d’échec de ces jeunes pousses est logiquement très élevé.

Klab

En Afrique, il y a toujours un océan d’opportunités à saisir dans les secteurs les plus simples où une demande de consommateurs existe déjà pour qui souhaite apporter de petites améliorations à l’existant et professionnaliser son organisation, ses compétiteurs étant souvent dans l’informel, ou tout simplement sous-productifs. Pour rapidement trouver un rendement, il faut se distinguer de l’offre existante par de petites innovations. Les leviers de changement sont multiples : avoir un outil de production un peu plus performant que les autres ; avoir des circuits de distribution/vente différents et plus proches des consommateurs ; avoir une exigence qualité supérieure ; améliorer le marketing de ses produits… De petites innovations qui apportent de la valeur ajoutée aux consommateurs et, in fine, à la société. Toutefois, l’intérêt majeur de ces business est de pouvoir ensuite changer très rapidement d’échelle, et donc d’avoir un modèle réplicable facilement.

Conviction 2 : Dès le début, il convient de porter son choix d’entreprenariat sur des projets duplicables et industrialisables.

Concrètement, cela veut dire que si l’on souhaite créer une boulangerie, il faut dès le début avoir l’intention de créer un « projet pilote » avec pour objectif d’en créer ensuite deux, puis trois, puis cinq…en s’inspirant du premier business créé, de ce qui a marché et de ce qui n’a pas marché. Cette ambition est le meilleur moyen de contourner le problème d’accès au financement, déterminant pour les entrepreneurs africains (http://www.omidyar.com/insights/accelerating-entrepreneurship-africa-report). L’idéal est d’abord de commencer le pilote sur fonds propres, ce qui nécessite de privilégier des affaires où l’investissement initial n’est pas trop important et où on peut commencer petit. Les flux de revenus du pilote doivent permettre de financer en partie la seconde vague d’investissement (nécessité de business avec des cycles de revenus courts et cash-flow positif), ils doivent surtout permettre de produire les données comptables sur la pertinence du modèle économique du projet et l’historique de l’activité, qui permettront d’attirer soit des investisseurs (private equity), soit de convaincre des banquiers pour accéder au crédit.

Bien entendu, la duplication du pilote ne sera pas évidente, puisque de nouveaux problèmes peuvent se poser : comment stocker une production plus importante ? Comment distribuer une production plus importante ? Comment répliquer le modèle sur de nouveaux marchés géographiques ? Comment faire face aux risques de malversation/détournement avec des équipes autonomisées et un contrôle plus faible du créateur/investisseur ? Si les difficultés sont réelles, ce sont les écueils du chemin de la croissance pour toutes les entreprises actuelles et à venir en Afrique. Des écueils surmontables.

Fort de ces convictions, je me suis lancé moi-même dans un projet de création d’entreprise il y a un mois. Je souhaite faire de la production maraîchère  intensive sous serre, aux alentours de Kigali, au Rwanda. Ce Journal d’un apprenti entrepreneur me donnera l’occasion de partager cette expérience et les leçons pratiques que j’en tirerai avec les lecteurs qui s’intéressent à la création d’entreprise dans des pays africains. Le prochain billet détaillera l’investissement que j’ai réalisé pour ce projet, et précisera en quoi il répond aux convictions détaillées ici.

 

Emmanuel Leroueil

The Architect Project: Development through Architecture in Accra

Improving the living and housing conditions of developing metropolises is a challenge that lots of disciplines – engineers, urban planners, health and education specialists, to name a few – have undertaken. As an urban planner, I was inevitably convinced that planning was the key to identify and address the complex and intricate issues people living in slums are facing. Engaging with Juliet Sakyi-Ansah, the Founder of The Architects’ Project (#tap) in Accra opened my mind on the strength of architecture as a new tool for development. The Architects’ Project illustrates the eagerness of young people of Ghana to address relevantly the issues they are facing and highlights the importance of creativity in places characterized by numerous challenges.

tap 3 redim

Accra and the failure of Urban Planning

Accra is one of the most populous cities in Africa, with 2.3 million dwellers in 2013, and with an estimated population increase of 4.3% per year, one of the fastest growing. Like many developing metropolises, the population increase applies immense pressure on city planning and an estimated 58% of the population lives in inadequate housing (UN-Habitat Ghana: Accra Urban Profile, 2009).

Yet, the lack of adequate housing and infrastructure cannot be explained by population pressure alone: it is also the result of huge urban sprawl and the weakness of city institutions. Unlike other cities where slum development has occurred close to the city centre, Accra expanded horizontally. The metropolitan area is now five times wider than the core and the inability of public institutions to respond to the rapidity of the sprawl explains many areas have insufficient access to water and sanitation, electricity, health and education.

Where planning is failing, architecture has emerged as an alternative focus for improving people’s living conditions through urban development. This is what the Architects’ Project, a non-for profit organization based in Accra, does.

The Architects’ Project: Rethinking Architecture as a tool for development

#tap offers to rethink the practice of Architecture to relevantly serve Ghana’s developmental needs. The Architects’ Project aims at improving the education and practice of architecture by adapting it to the local context. The not-for-profit organization aims at gathering local people, researchers and practitioners to develop “better and more innovative designs in their local context”.

tap redimThe organization was created less than a year ago by Juliet Sakyi-Ansah, a young architect graduated from the Sheffield School of Architecture. While studying in the UK, Juliet realized that architecture could be used as a tool for em  powerment. However, the core idea of the Architects’ Project only became clear after she returned to Ghana and started practicing architecture. By interacting with clients and practitioners, she realized that #tap was relevant for both Ghana as a developing country and for the discipline as a whole.

To achieve its goal, #tap runs three programs simultaneously. tap:Exchange is an exchange program where local and international practitioners and researchers gather to critically review the practice of architecture and come up with practical solutions through talks, workshops, exhibitions and other interactive activities. More practically, tap:Buildfacilitates learning through making”. It aims at creating innovative designs by working for and with real clients, around their needs and those of their community. Finally the tap:Journal is published every year and features practitioners’ and researchers’ perspectives on the challenges and agenda of architecture in Ghana, as well as the achievements of the organization.

So far, the tap:Exchange programme has carried out three activities including the collaborative design workshop ARCHIBOTS. ARCHIBOTS: Remaking Agbogbloshie aims at creating alternatives visions for Agbogbloshie, a dump site for electronic waste. Hundreds of workers collect, recycle and re-use electronic waste in very dangerous conditions. #tap, in collaboration with Agbogbloshie Makerspace Platform and MESH Ghana provided a design workshop session to engage with diverse expertise including designers, journalists, photographers, environmental researchers, material scientists, etc in the remaking of Agbogbloshie, an agenda to develop tools to empower the workforce at Agbogbloshie. In addition, #tap organized a symposium in collaboration with the government to improve the use of sustainable material. This way, the organization addresses all sectors of the architecture field, from concertaion to design to construction, to address development.

tap 2 redimArchitecture as a way to approach development?

Assessing the impact of The Architects’ Project in terms of development is difficult, as the organization was only founded recently.  Yet, there is definitely local and international interest for the project as it puts into question the practice of architecture and its importance in creating better communities. It also raises the importance of empowerment in facilitating the dissemination of good architectural practices for people living in informal settlements whose access to architecture services are limited. More importantly, the Architects’ Project reminds that innovation, even without proof of impact, is indispensable for the healthy development of Africa.

We can hope that the Architects’ Project will gather enough voices and project to improve the practice and education of architecture in Ghana and bridge the gap between doers and users, in a country that definitely needs it.

Caroline Guillet

Want to know more? http://thearchitectsproject.org/