La vision fantasmée de l’entrepreneuriat en Afrique : un mirage dangereux et déresponsabilisant ?

L’entrepreneuriat est depuis quelques années présenté comme l’opportunité miracle pour résoudre le défi du chômage de masse qui menace l’Afrique subsaharienne et en particulier l’Afrique de l’ouest francophone. Soumises à une forte pression démographique, ces régions sont en effet en quête de solutions pour offrir des perspectives aux millions de jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Faute de quoi, ce phénomène démographique inédit est souvent présenté comme une « bombe à retardement ».

L’entrepreneuriat est alors évoqué comme une panacée capable de régler cet épineux problème du chômage des jeunes mais également de solutionner de nombreux défis sociaux (inclusion financière, accès à l’énergie, etc.) en faisant émerger une nouvelle classe de « champions éclairés ».Néanmoins, cette obsession pour l’entrepreneuriat est au minima illusoire voire déresponsabilisante et dangereuse.

Illusoire, tout simplement car il faut bien admettre que, par nature, l’entrepreneuriat a un fort taux d’échec et qu’il est donc déraisonnable de croire en une « société d’entrepreneurs ». L’entrepreneuriat sera indéniablement une source d’emplois, et l’objectif de cet article n’est en aucun cas de nier son importance, mais c’est la focalisation extrême sur ce sujet qui est dangereux. Pourquoi ?

Un transfert des responsabilités 

C’est la dynamique de déresponsabilisation impliquée par ce discours fantasmé sur l’entrepreneuriat qui est en réalité une menace sévère pour l’avenir de la région. En effet, la promotion de l'entrepreneuriat entraine naturellement un dangereux glissement politique de déresponsabilisation autour du problème du chômage des jeunes. Le discours quasi-incantatoire autour de « l’avenir c’est l’entrepreneuriat, chaque jeune doit créer son entreprise et devenir son propre patron », met de facto sous pression ces jeunes sur qui repose alors l’entière responsabilité de leur chômage. Si leurs projets échouent et qu’ils se retrouvent sans emploi, ce ne peut être que leur propre échec. Le danger de la croyance dans le miracle de l’entrepreneuriat est, dans une approche très libérale, de tout faire reposer sur le succès individuel. Cette dynamique de désengagement nie en réalité deux aspects fondamentaux de l’entrepreneuriat :

  • L’entrepreneuriat nécessite des réformes structurelles pour connaitre un essor. Ce climat de déresponsabilisation est d’autant plus dangereux qu’il implique un désengagement politique au niveau de réformes structurelles qui favoriseraient l’entrepreneuriat, en premier lieu l’éducation (primaire, secondaire et supérieure) et une politique de formation des jeunes. L’air du temps ne retient en effet des success stories américaines que des jeunes qui évoluent en autodidactes. Mais peu retiennent que la plupart des grandes révolutions dont ils se targuent sont issues des grandes universités américaines (Google à Stanford, Facebook à Harvard). Le plus agaçant est de voir pousser un peu partout des concours de pitch et de business plans, ersatz de formations à des jeunes que l’on séduit avec toute une panoplie de buzzwords excitants.
  • L’entrepreneuriat ne se décrète pas, cela nécessite une formation, formation que l’on peut obtenir en travaillant dans une entreprise plus « traditionnelle ». Or cette idéologie folle de l’entrepreneuriat à tout prix finit par évacuer une politique d’emploi ambitieuse qui favoriserait le salariat « traditionnel », pivot crucial de la formation des jeunes. Le sommet de l’hypocrisie consistant à éluder que les réussites africaines sont dans leur immense majorité le fruit d’individus qui ont fait leurs armes pendant des années avant de se lancer. Il est inutile de rêver, les succès sont forgés durant les expériences professionnelles en entreprises, à l’image de Jean-Luc Konan, fondateur de Cofina après une carrière bancaire de plus de 15 ans.

Enfin, le paradoxe atteint son comble lorsque ces discours parviennent toujours à promouvoir l’entrepreneuriat africain sans proposer aucune solution de financement. Il est effrayant de constater qu’il n’existe quasiment aucun fonds de VC ou groupes de business angels pour financer les jeunes pousses ouest-africaines. Encore une fois, c’est aux structures publiques de résoudre en partie ce problème en facilitant l’investissement dans la région.

Un rejet des cadres traditionnels 

Cette idéologie s’enracine dans une réaction quasi épidermique au cadre classique du travail : le salariat et le fonctionnariat. Ces deux mots sont devenus de véritables épouvantails dans la région, associés à la fainéantise, au clientélisme et aux emplois fictifs. Aujourd’hui, la réussite doit nécessairement passer par la réussite entrepreneuriale et il ne faudrait rien attendre des cadres classiques, présentés comme caducs voir décadents. Ce discours a deux écueils : tout d’abord il est la négation même de l’apport d’expériences professionnelles classiques dans la réussite de beaucoup d’entrepreneurs. D’autre part, il favorise un mouvement de rejet des institutions publiques à un moment où elles devraient s’affirmer comme acteurs déterminants.

Au niveau de la fonction publique il faut bien noter que ce mouvement de rejet est lié aux problèmes réels de gouvernance dont pâtissent encore beaucoup de pouvoirs publics. Néanmoins, écarter les jeunes talents de la fonction publique sous prétexte qu’elle dysfonctionne est-il une idée pertinente ? Décrédibiliser la capacité des pouvoirs publics à relever les défis sociaux et environnementaux de la région par rapport aux initiatives privées est un pari dangereux dans des pays où ces défis sont aigus et demandent des réponses justes et inclusives. Or beaucoup de discours actuels prônent un « capitalisme africain éclairé » qui serait, par nature, bienveillant envers les populations et qui chercheraient, au-delà du profit, des solutions aux grands défis actuels (logement, transport, éducation, santé). Croire rêveusement que des initiatives privées et découplées d’une gouvernance et d’une responsabilité publiques sont une solution miracle à une gouvernance actuellement en quête de renouveau est une erreur majeure. Croire que les entreprises privées vont s’occuper équitablement de populations diverses et défendre la diminution des inégalités au lieu de les creuser est illusoire.

En ce qui concerne le rejet du salariat comme cadre dépassé du travail, cela est d’une part dangereux (on ne solutionnera pas le chômage uniquement avec l’entrepreneuriat) et déresponsabilisant (il faudrait plutôt favoriser une réforme structurelle permettant aux PME de former et d’employer davantage)  mais cela nie surtout l’apport des expériences professionnelles aux réussites entrepreneuriales. Ce discours est en effet d’une certaine mauvaise foi quand on observe les trajectoires des différents entrepreneurs « champions » : par exemple Tony Elumelu (1), l’un des hommes les plus puissants du continent, chantre de « l’afrocapitalisme » et de l’entrepreneuriat africain. Il se veut le parangon d’une Afrique qui entreprend et qui fait naitre les « champions » de demain, qui pourront rivaliser avec les occidentaux. Son objectif, via sa fondation, est de permettre à 10 000 jeunes africains de créer leur entreprise et, d’ici dix ans, créer 1 000 000 emplois. Et lui ? L’entrepreneur a en réalité réalisé une scolarité d’excellence dans les plus grandes universités du monde (dont Harvard) avant de débuter une carrière de plus de dix ans dans la banque. Il va y acquérir des compétences, tisser son réseau pour, en 1995, finalement prendre la tête de la Standard Trust Bank. Ce qui le mènera, dix ans après, à la consécration de sa carrière, la fusion avec UBA en 2005 pour créer l’une des plus grandes banques du continent, plus de vingt ans après le début de sa carrière.

Recommandations

Et après cela, l’on veut faire croire que l’entrepreneuriat est un modèle spontané et que l’on peut se contenter de sessions de pitch comme formation et d’un concours de business plans comme expérience professionnelle ? Ce discours n’a qu’une conséquence sur le court terme : décrédibiliser le salariat et l’emploi traditionnel et déresponsabiliser les leaders politiques sur les questions d’éducation, d’emploi et de l’investissement.

Une politique ambitieuse pour l’entrepreneuriat devrait se concentrer sur les problèmes de fond qui sont :

  • La formation et l’enseignement supérieur et professionnel
  • L’épineux problème du financement d’amorçage et la mise en place d’une politique qui favorise le capital-risque. Une fiscalité adaptée est nécessaire ainsi que l’apport de fonds publics qui rassureraient les investisseurs privés
  • Une politique pour l’emploi qui favorise les PME et leur permet de former et d’employer les jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Cela passe notamment par un programme qui facilite la formalisation de ces PME (notamment via une fiscalité adaptée et un abandon des arriérés) et leur accès au financement (notamment en mieux connectant les agences d’accompagnement des PME avec les financeurs). Les véritables pépinières de l’entrepreneuriat africain sont ces PME qui, tous les jours, affrontent des problématiques nouvelles.
  • Enfin, l’entrepreneuriat africain sera surtout un intrapreneuriat, au sens où les projets qui décollent sont issus d’anciens salariés qui innovent et prennent des initiatives ambitieuses car ils ont été exposés à des problématiques lorsqu’ils étaient salariés.
  • En finir avec le dénigrement constant du salariat et, encore pire, du fonctionnariat. Il est complètement utopique de rêver un capitalisme africain éclairé qui s’occuperait des plus démunis. Le renouveau du secteur public africain est une priorité et ce secteur nécessite un apport vital de talents. 

               

Gilles Lecerf

Sources

(1) http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2016/02/19/tony-elumelu-le-banquier-africain-a-qui-tout-sourit_4868595_4497186.html

Article mis en ligne le 24 mars 2017, revu le 26 mars 2017

Redéfinir « l’innovation » dans la technologie médicale en Afrique

L'innovation – le mot à la mode peut-être le plus utilisé dans le monde du développement international – se présente de plusieurs façons mais, dans la plupart des cas, il fait référence à une variante d'une nouvelle technologie. Il peut s'agir d'une lanterne alimentée par la puissance solaire, d'un dispositif portable de filtration d'eau ou d'un test de diagnostic en temps réel. Il est cependant rare que l'innovation se concentre sur des systèmes nécessaires à la durabilité et à l'efficacité de ces technologies. Autrement dit, l'innovation porte trop souvent sur le produit et non sur le process

Pour les futurs entrepreneurs sociaux étudiant des sujets tels que la science, la technologie, l'ingénierie et les mathématiques, il est tentant de se concentrer sur l'innovation au sens traditionnel et orienté sur le produit, particulièrement en Afrique. Après tout, dans un continent confronté à des défis sociaux, économiques et environnementaux, des technologies innombrables pourraient avoir un impact immédiat et de grande portée. Par conséquent, pourquoi ne pas mettre ses talents à l'œuvre pour concevoir et développer de nouveaux produits ?

« Parce qu'il est moins important d'avoir une nouvelle technologie qu'une technologie qui fonctionne », affirme Francis Kossi, un entrepreneur social et ingénieur biomédical togolais, qui s'est lancé dans la redéfinition du terme « innovation » en Afrique de l'Ouest. « Ce dont nous avons besoin, ce sont des systèmes de distribution et de réparation des produits dont nous disposons ».

Il se trouve qu'en Afrique, pratiquement 8 dispositifs médicaux sur 10 sont en panne et hors d'usage – la plus grande partie étant des dons ou des appareils d'occasion. Il en résulte que les équipements existants ne sont d'aucune utilité pour les patients auxquels ils sont destinés – non pas en raison de quelque limitation technologique, mais simplement parce qu'il n'y a pas de pièce de rechange ou qu'ils nécessitent un simple réglage qui les rendraient fonctionnels. Comme l'affirme Kossi, « les gens en Afrique ne pensent pas à des choses comme l'entretien, et de nombreuses vies sont perdues à cause de cela ».

 

Kossi est un type d'entrepreneur rare. Issu d'une grande famille modeste de 10 enfants, à l’extérieur de la ville de Lomé au Togo, il étudie la physique et les maths jusqu'à ce que des envies de théâtre en Europe le démangent. Mais il change de trajectoire après quelques années.

Une opportunité se présente pour étudier en Europe et poursuivre son éducation scientifique et technique, et il laisse expirer son visa – se retrouvant temporairement dans un camp de réfugiés belge.

 

Un champ d'équipements médicaux en panne au Malawi

Il se fraye toutefois un chemin vers une école d'ingénierie où il est le seul Africain. C'est alors qu'il découvre une nouvelle voie : ramener son acuité technique en Afrique de l'Ouest et transformer les vies au moyen de la technologie – mais non pas dans le sens conventionnel.

Revenant à Lomé, avec un petit conteneur d'outils et de matériels, Kossi démarre Homintec, une entreprise de services en génie biomédical (GBM), avec pour mission l'amélioration des soins de santé dans la région en assurant le fonctionnement continu de l'équipement des hôpitaux. Tout comme les dispositifs médicaux fonctionnels, les entreprises de service GBM sont, en Afrique de l'Ouest, rares et éloignées. La plupart des hôpitaux font part de leurs difficultés à trouver des techniciens biomédicaux ou des ingénieurs d'entretien, ce qui a des conséquences graves sur leur capacité à fournir des services de santé de qualité.

« Nous souhaitons que nos médecins et infirmiers puissent fournir des soins de qualité – afin que les enfants soient traités et que les femmes accouchent en sécurité – mais que peuvent-ils faire lorsqu'une pièce manque sur un appareil et qu'ils ne savent pas qui est le fabricant ? Remarques de Kossi. « Comment peut-on espérer qu'un appareil nous aide à traiter des os cassés si nous ne pouvons pas traiter l'appareil cassé ? »

Ces questions motivant son travail, Kossi déménage Homintec au Bénin voisin en 2013, où l'économie est plus stable mais où les cimetières d'équipements médicaux hors d'usage s'accumulent dans les salles des hôpitaux et les espaces aux alentours. C'est devant ce décor qu'Homintec commence à progresser, autant sur le plan commercial que sur le plan social. En l'espace de quelques années seulement, la société passe de cinq à trente employés, et signe des contrats avec des dizaines d'hôpitaux en Afrique de l'Ouest, la plupart d'entre eux desservant les communautés les plus vulnérables de la région. Les intervenants en matière de santé commencent rapidement à s'appuyer sur Homintec pour son support d'équipements, avec ses techniciens devenus des experts fiables dans la technologie allant des machines d'anesthésie aux équipements de diagnostic et aux appareils de radiologie.

Kossi posant dans une salle d’opération à Cotonou, Bénin

Homintec est désormais une société multinationale, bien établie dans le processus d'ouverture d'une école de formations spécialisées en GBM, travail du bois, mécanique, électromécanique, ingénierie et automatisation, et apportant son réseau, son expertise et sa vision à l'avènement de la nouvelle génération d'ingénieurs biomédicaux en Afrique de l'Ouest. Kossi croit que « Peu de choses contribuent plus au développement social et économique qu'une population que des professionnels hautement qualifiés, particulièrement dans une spécialité telle que le GBM ». « Et nous avons un rôle important à jouer dans cet effort ».

Pour un entrepreneur social comme Francis Kossi, la technologie est toujours reine, mais l'innovation réside dans les petites choses de l'écosystème qui entourent cette technologie. En créant une équipe de techniciens d'entretien des équipements médicaux, Homintec garantit le fonctionnement fiable de ces équipements, de façon à ce que les docteurs et infirmiers puissent se concentrer sur les soins de santé et maintenir leurs patients en bonne santé, au lieu de se soucier des machines en pannes qu'ils ne savent pas réparer. Le résultat est une nouvelle approche avec pour objectif d'assurer le fonctionnement correct des équipements médicaux et, dans ce cas, une nouvelle définition de « l'innovation ».

 

Par Adam Lewis, Gradian Health Systems®

Gradian Health Systems est une société d'appareils médicaux à but non lucratif qui équipe les hôpitaux à ressources limitées pour l'administration d'une chirurgie sûre. Gradian fournit l'équipement approprié, la formation clinique et technique et un service continu à la clientèle afin de garantir que les hôpitaux des pays en développement puissent dispenser des soins chirurgicaux et anesthésiques de haute qualité. La technologie centrale de la société, la Machine d'Anesthésie Universelle (UAM), est un poste de travail d'anesthésie marqué CE, conçu pour fonctionner sans électricité ni oxygène, et permettant aux utilisateurs de l'utiliser en toute confiance quel que soit leur environnement.


Malkin R, Perry L. Efficacité des dons d'équipements médicaux pour améliorer les systèmes de santé : combien d'équipements médicaux sont en panne dans le monde en développement ? Medical & Biological Engineering & Computing, 2011, Volume 49, Édition 7, pages 719 à 722.

Cordero I. Dons de dispositifs médicaux : considérations sur les sollicitations et l'approvisionnement. Organisation mondiale de la santé : Genève, 2011. [accès au site ici (en anglais) : http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/44568/1/9789241501408_eng.pdf]

Mullally, S. Efficacité de l’ingénierie clinique dans les hôpitaux des pays en voie de développement. Carleton University: Ottawa, 2008. [accès au site ici (en anglais) :https://curve.carleton.ca/system/files/etd/51fd9e39-238e-4060-81b7-1c85d95617b2/etd_pdf/04d6de4ce03a151f3351c5e4f7a4ec51/mullally-clinicalengineeringeffectivenessindeveloping.pdf]

Baromètre Mondial de l’Innovation: quels enseignements sur les pays Africains ?

Le Baromètre Mondial de l’Innovation, dont l’édition 2016 a été publiée en avril, est un sondage international des dirigeants d’entreprises sur leur perception des processus d’innovation et de créativité. Parmi les pays concernés dans cette étude (commandée par GE) figurent trois pays Africains qui représentent les premières économies du continent : Afrique du Sud, Algérie et Nigéria.

L’analyse des réponses permet d’identifier les moteurs et les freins en matière d'innovation, et ce dans une double approche comparative : d’abord entre les pays africains et d’autres régions du monde, ensuite entre les pays africains eux-mêmes, et plus globalement entre les grands pôles qu’elles représentent  (Afrique de l’Ouest, Afrique du Nord et Afrique Australe)

Les réponses des centaines de cadres dirigeants interrogés dans ces pays donnent ainsi un très bon aperçu de l’évolution de l’environnement économique, ainsi que les processus de prise de décisions et de gestion de la stratégie d’innovation dans les entreprises.

En dépit des obstacles auxquels font face les acteurs économiques et du manque de ressources auxquels ils peuvent être confrontés, la créativité et l’innovation semblent représenter de puissants leviers de développement pour les économies africaines. Quelles leçons peut-on tirer de ce baromètre ?

UN OPTIMISME ELEVE SUR LES ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES FUTURES

Le Baromètre Mondial de l’Innovation s’est penché sur la perception des évolutions annoncées dans l’environnement économique, en particulier sur la perspective d’une « quatrième révolution industrielle » (basée sur les objets connectés et les potentialités que cela offre). La tendance mondiale est à l’optimisme, puisque plus des deux tiers (68%) des dirigeants interrogés expriment leur confiance dans ces changements annoncés. Les pays africains étudiés sont encore plus optimistes et sont même parmi les plus optimistes !

Les pays africains sont parmi les plus optimistes au monde sur la perspective d'une nouvelle révolution industrielle.

Le Nigeria est à la troisième position mondiale, avec 86% d’optimistes par rapport à la quatrième révolution industrielle, suivi par la Turquie et l’Algérie (84%). L’Afrique du Sud est juste au-dessus de la moyenne mondiale, avec 70% de réponses positives.

Cette confiance dans l’avenir peut conforter la perception de l’innovation comme opportunité, à l’inverse de certains pays anciennement industrialisés qui peuvent la percevoir comme menace. Au Japon, seuls 33% des dirigeants se déclarent optimistes, alors même que le Japon est considéré par les autres comme un champion mondial de l’innovation, juste après les Etats Unis. Même sentiment en Allemagne (39%), et dans en moindre mesure, en Corée du Sud (50%).

L’impact de l’innovation sur l’emploi, sujet anxiogène de longue date avec la peur d’être « remplacé par des machines », n’est pas perçu négativement dans cette enquête : plus des deux tiers (75%) des intéressés considèrent que le changement aura un impact positif ou neutre sur l’emploi.

LES TECHNOLOGIES DE RUPTURE: MENACE OU OPPORTUNITÉ ?

Le baromètre de l’innovation dresse un constat intéressé sur les technologies de rupture, c’est-à-dire sur une innovation technologique qui ne fait pas qu’améliorer un produit ou un service existant, mais modifie fondamentalement le marché en détrônant la technologie dominante. Le lecteur MP3 a ainsi constitué une technologie de rupture sur le marché par rapport aux cassettes et CD, de même que la photographie numérique a constitué une rupture par rapport à la photographie argentique (auquel des entreprises leaders depuis des décennies, comme Kodak, n’ont pas su faire face).

Les dirigeants interrogés ont ainsi été amenés à se positionner sur le concept de « darwinisme digital », à savoir sur la possibilité de devenir « obsolète » (et éventuellement de disparaitre) en devenant inadapté à un environnement qui a subi des changements très rapides. Dans l’ensemble du panel, 81% des acteurs partage cette crainte. Les pays Africains sont globalement en ligne avec cette tendance, même si cette crainte semble plus ressentie en Afrique du Sud et au Nigeria (respectivement 86% et 85%) qu’en Algérie (75%).

Cette crainte par rapport aux technologies de rupture peut influencer une volonté de protéger son « cœur de marché », à savoir les produits et les services qui font le succès actuel de l’entreprise et dont il faut préserver les revenus et la rentabilité le plus possible, éventuellement pour les investir dans l’innovation ensuite.

Ce comportement est nettement plus présent dans les pays Africains qu’ailleurs. L’Afrique du Sud est ainsi le pays dans lequel la proportion observée est la plus élevée au monde : 77% des dirigeants interrogés considèrent que la protection du cœur de marché est une priorité. Elle est suivie de près par le Nigeria (4éme rang mondial), puis de l’Algérie, qui se situe dans la moyenne mondiale avec 64% de réponse positive.

QUELLES STRATÉGIES D'INNOVATION ?

La perception des stratégies d’innovation au sein des entreprises est moins évidente dans les pays Africains… Les trois pays concernés se situent nettement en dessous de la moyenne mondiale dans la réponse à la question : « Votre entreprise a-t-elle une stratégie d’innovation claire ? ». Alors que 68% de l’ensemble des dirigeants interrogés répondent par l’affirmative (un « oui » qui culmine en France avec 88%), seuls la moitié des dirigeants africains pensent que c’est le cas (56% en Afrique du Sud et au Nigeria, 49% en Algérie). Fait étonnant, le Japon se situe encore plus loin, à 38%…

Enfin, une dernière indication sur la perception du temps de retour sur investissement : les entreprises africaines acceptent moins l’idée d’un retour sur investissement éloigné dans le temps que dans d’autres régions du Monde. Alors que 40% des entreprises en Allemagne et 37% aux États-Unis se disent prêtes à accepter d’investir sur une technologie dont ils récolteraient les fruits sur le long terme, seuls 9% des entreprises algériennes seront prêtes à l’accepter (17% en Afrique du Sud, 16% au Nigeria). Des positions en dessous de la moyenne mondiale (21%), mais proches de celles du Japon (4%) et de la Corée du Sud (14%).

L'AVENIR DE L'INNOVATION EN AFRIQUE

Le principal enseignement du Baromètre Mondial de l’Innovation en 2016 sur la perception des dirigeants Africains peut être résumé en un triple constat prometteur: nous observons tout d’abord un optimisme affiché sur le futur et ses potentialités (supérieur à la moyenne mondiale), une insatisfaction manifeste sur la performance actuelle (indiquant volonté de faire plus et mieux), et une lucidité sur les menaces qui peuvent se poser, notamment avec les technologies de rupture (en ligne avec la moyenne mondiale).

Un triple constat prometteur: optimisme sur le futur, insatisfaction sur la performance actuelle, et  lucidité sur les menaces.

C’est donc avec un état d’esprit équilibré, à même de saisir les rapides changements à l’œuvre et de parer les risques qu’ils comportent, que les cadres d’entreprises Africains peuvent être en mesure d’anticiper, d’orienter et de maitriser des processus d’innovation pour en faire une source de développement économique et d’amélioration de la qualité de vie de leurs concitoyens.

Nacim KAID SLIMANE

 

Ce qu’apportent les fablabs aux écosystèmes numériques et entrepreneuriaux africains

Il y a dix ans, Neil Gershenfeld ouvrait le premier « fabrication laboratory » au Massachussetts Institute of Technology. Très vite et un peu partout dans le monde de nombreux « fablabs » ont vu le jour, en 2011 on en dénombrait déjà 50 dans 16 pays. Sur le continent africain, plus d’une vingtaine sont référencés. Que font ces fablabs et quel(s) rôle(s) jouent-ils dans les écosystèmes numériques et entrepreneuriaux africains?

fab

 

La carte ci-dessus répertorie tous les établissements respectant la charte du MIT mais il existe de nombreux autres établissements qu’on dénomme « fablab » par abus de langage.

 

Faire émerger des solutions adaptées aux besoins du continent africain et y faciliter l’accès et l’appropriation des nouvelles technologies…

Atelier de fabrication numérique, un fablab est un lieu librement accessible où l’on doit pouvoir trouver de quoi confectionner à peu près tout et n’importe quoi en bénéficiant d’une assistance opérationnelle, technique, financière et logistique. Voilà ce qu’exige la charte du MIT, qui se résume en tout et pour tout à cinq articles. Innovation et partage en sont les maîtres mots. Ainsi, chaque fablab est un lieu unique dont le destin ne dépend que de ceux qui s’y rendent. Cela en fait un espace idéal pour concevoir des solutions à des problèmes locaux, des produits « made in & for Africa » comme l’application GBATA développée à OVillage, en Côte d’Ivoire, pour fournir des informations sur l’immobilier à Abidjan. Il n’est plus besoin de présenter la désormais célèbre W. Afate, première imprimante 3D conçue à partir de matériaux recyclés, au sein du Woelab au Togo. Cette imprimante 3D low cost, primée à l’internationale, rend imaginable la diffusion d’une technologie de pointe sur le continent africain. Woelab se revendique d’ailleurs comme un espace de démocratisation technologie et vulgariser et faciliter l’appropriation des outils numériques est bien une spécificité des fablabs en Afrique. Ils jouent à ce titre un rôle important dans la formation des plus jeunes aux technologies d’aujourd’hui et de demain. Les membres du Ouagalab n’hésitent d’ailleurs pas à se déplacer et à consacrer des jours (et des nuits blanches !) à des formations dans les écoles du Burkina Faso.

Offrir des perspectives pour l’industrialisation du continent…

Si chaque fablab est unique et a sa propre identité, il est, à travers le label du MIT, intégré à un réseau au sein duquel des rencontres sont organisées. Entre les fablabs africains, des ponts se mettent progressivement en place, des échanges entre membres se font, la propagation d’innovations d’un pays à l’autre s’opère, des opportunités apparaissent. A Dakar, au sein du Defko Niek Lab de Ker Thiossanne, l’imprimante 3D jumelle de la W.Afate ainsi qu’une fraiseuse numérique, ont suscité l’intérêt des artisans sénégalais. Avec de tels outils, leur travail pourrait être mécanisé, l’industrialisation se substituerait alors à l’artisanat, une perspective porteuse pour un continent qui souffre précisément de son manque d’industrialisation.

…Ou servir de relais pour agir sur les écosystèmes numériques….

Enfin la visibilité et la crédibilité que peut donner un label octroyé par le MIT font des fablabs des relais intéressants pour qui entend conduire des politiques publiques dans le numérique. Le plan « développement et numérique » lancé par le gouvernement français en décembre 2015 et, qui est presque exclusivement orienté vers l’Afrique, les perçoit comme des leviers possibles de son action.

A condition de trouver le bon business model

Néanmoins, les fablabs peinent aujourd’hui à trouver le bon modèle économique. Acquérir du matériel informatique et électronique, qu’il faut importer, coûte cher. Les fablabs, en Afrique comme ailleurs, vivent dans la majorité des cas de subventions versées par les pouvoirs publics ou les ONG ou encore des prix qu’ils reçoivent. Cela rend leur survie fragile à l’instar de l’Atelier de Beauvais qui n’a pas survécu au changement de couleur politique de son département.

Sur le long terme, deux choix semblent donc s’offrir donc aux fablabs : être rattaché à une entreprise ou une école (auquel cas ils ne seront plus des fablabs au sens du MIT) ou parvenir à une autonomie financière à travers la vente de prestations (conseils aux entreprises, formations) ou de produits. Cette dernière option passe par la professionnalisation des membres des fablabs et la commercialisation des productions qui en sont issues. Le défi est de taille mais il en vaut la chandelle.

 

Cet article est issu de TechofAfrica.com, site d'actualités sur les nouvelles technologies et les startups en Afrique.

Comment l’innovation progresse en Afrique

Le Global Innovation Index, publié conjointement par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), Cornel University et l’INSEAD est devenu un classement de référence dans le domaine de l’innovation. Il constitue une source d’information indispensable non seulement pour évaluer la situation, mais aussi pour construire des programmes visant à soutenir l’innovation.

Dans sa septième édition, centrée sur le facteur humain, le rapport s’intéresse plus spécifiquement à l’action des individus et des équipes dans le processus d’innovation, ce qui constitue un défi en raison de la difficulté à appréhender ce phénomène en statistiques. En compilant plus de 80 indicateurs pour 143 pays, le Global Innovation Index offre une image particulièrement intéressante de l’environnement dans lequel évoluent les entreprises, en particulier les startups et les PME.

Sans surprise, les dix pays les mieux classés au monde sont des pays développés dans lesquels les dépenses de recherche et développement sont parmi les plus élevés. On y retrouve les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Suède, les Pays Bas ou la Finlande. On retrouve également dans ce top 10 quelques ilots d’innovation, tels que Singapour ou Hong Kong. L’Allemagne se retrouve au 13ème rang, la France au 22ème rang, alors que le premier pays Africain (Afrique du Sud) arrive au 53ème rang. Le haut du classement est resté en fait relativement inchangé au cours des années (la Suisse est ainsi à la première place depuis plusieurs années), avec des évolutions mineures dans les progressions. En revanche, l’évolution est beaucoup plus dynamique s’agissant des pays africains.

Une progression remarquable des pays Africains dans le classement 2014

L’Afrique Subsaharienne a été la région qui a le mieux progressé dans le classement. En 2014, la Cote d’Ivoire a progressé de 20 places, enregistrant le plus grand bon du classement. L’Afrique du Sud progresse de 5 places.  Le Kenya, l’Ouganda, le Botswana, le Ghana, le Sénégal et le Cap Vert, font partie du top 100. Même si la plupart des pays Africains progressent, 24 pays d’Afrique Subsaharienne se retrouvent au bas du tableau. Le Togo et le Soudan clôturent le classement 2014, respectivement à la 142ème et 143ème place.

S’ils se retrouvent assez proches dans le classement, les pays Africains se distinguent entre eux sur plusieurs aspects. Le rapport note ainsi les domaines dans lesquels certains se détachent : le capital humain et la recherche pour le Ghana ou la sophistication du marché pour l’Afrique du Sud.

Par ailleurs, les résultats semblent avoir été favorisés par des politiques et programmes lancés ces dernières années dans certains pays (avec des succès variables) et visant à encourager l’innovation. C’est en particulier le cas du Rwanda, qui a mis en place un fond de soutien à l’innovation (Rwanda Innovation Endowment Fund) avec l’appui des Nations Unies. Ce fond placé sous la tutelle du Ministère de l’Education a pour mission de soutenir des projets innovants dans l’agriculture, l’industrie, les TIC et l’énergie, permettant ainsi aux startups et PME qui ont introduit des idées nouvelles de bénéficier d’un appui public décisif.

Les « Innovation Learners », statut privilégié de plusieurs pays d’Afrique Subsaharienne

L’Afrique Subsaharienne compte de plus en plus de pays qui font partie du groupe dit des « innovation learners », défini comme l’ensemble des pays dont les indices relatifs à l’innovation sont d’au moins 10% supérieurs par rapport à ce qui est attendu vu leur niveau de PIB (autour de 2000 USD en PPA). Il inclue une douzaine de pays, dont la Chine, l’Inde, le Vietnam, la Thaïlande, la Malaisie, la Jordanie … et le Sénégal.

En 2013, le Rwanda, le Mozambique, la Gambie, le Malawi, et le Burkina Faso, ont rejoint ce groupe, qui compte désormais six pays Africains. D’après les analyses du Global Innovation Index, cette « surperformance » dans les niveaux d’innovation est notamment due à une main d’œuvre relativement bien formée, à de bonnes possibilités de crédits d’investissement, et à un environnement des affaires plus sophistiqué qu’ailleurs en Afrique (notamment dans le secteur tertiaire). Le Nigeria, plus grand économie du continent, passe de la 120ème à la 110ème place, et reste loin du Kenya (85ème).

Il est important de noter que l’appartenance au groupe des innovation learners n’est pas lié à un classement par rapport aux autres, mais plutôt par rapport à ce qui est attendu vu ses ressources internes. Ainsi le Rwanda (102ème), le Mozambique (107ème), et le Burkina Faso (109ème), sont très proches du Nigeria, mais se distinguent par leur très bonne performance au regard de leurs ressources beaucoup plus limitées et de ce qui serait attendu d’eux en termes d’innovation. 

L’importance du facteur humain

Comment certains pays s’en sortent ils mieux que d’autres dans le domaine de l’innovation? D’après le Global Innovation Index, les diplômés du supérieur constituent « un point de départ essentiel » dans le processus d’innovation, même si leur présence ne garantit pas forcément des résultats. En effet, d’autres facteurs entrent en jeu et sont tout aussi important que les compétences techniques : la créativité, l’esprit critique, la tolérance du risque et l’esprit entrepreneurial sont des facteurs « au moins aussi importants », et constituent l’environnement le plus favorable à l’innovation. La mise en place de ce type d’environnement, qui porte efficacement de nouvelles idées, reste un défi complexe, en particulier pour les pays en développement dont les moyens sont limités. Il est d’autant plus compliqué par la concurrence internationale et la mondialisation.

En effet, « les talents de haut niveau restent rares », malgré le développement de l’éducation supérieure. De plus, ils tendent « à se regrouper autour des meilleurs institutions », dans la mesure où la mobilité du capital humain a beaucoup progressé au cours des dernières décennies. Ces évolutions constituent ainsi à la fois des menaces et des opportunités pour les pays Africains, d’autant plus qu’une « fuite des cerveaux inversée » commence à se mettre en place (à l’instar de l’Inde ou de la Chine).

Des processus d’innovation peuvent néanmoins trouver leur voie plus spécifiquement en Afrique, environnement dans lequel les besoins sont immenses et les possibilités de rattrapage accéléré existent réellement. La success story du paiement mobile, qui a trouvé en Afrique un terrain de croissance beaucoup plus favorable qu’ailleurs précisément en raison des carences des réseaux classiques, constitue un exemple particulièrement frappant et encourageant pour l’avenir.

Lire le rapport complet (en anglais)

 

Nacim KAID SLIMANE

L’internet des objets : quel intérêt pour l’Afrique ?

 

jirayaLes noix de coco sont assez édifiantes de par leur forme. En effet une fois les couches supérieures retirées avec plus ou moins de difficultés, l’on peut enfin profiter du fruit du combat. Internet, c’est un peu la même chose, une fois que l’on a réussi à l’apprivoiser, il peut nous livrer toutes ses merveilles. L’une d’entre elle, est ce qui est aujourd'hui dénommé "l’internet des objets". L’internet des objets c’est l’ensemble des services autour de matériels physiques connectés au web. Pourquoi l’Afrique devrait elle s’intéresser à l’internet des objets à l’heure où l’approvisionnement en eau et en électricité restent encore pour le moins problématique. Selon l’entreprise Cisco, l’Afrique a 500 milliards de bonnes raisons de se pencher sur la question dans les 10 prochaines années. De nombreuses possiblités sont aujourd'hui offertes par l'internet des objets, dont certaines d'entre elles pourront permettre au continet d'accélérer son développement socio-économique. Il serait, par exemple, inadéquat d’affronter les braconniers avec des montres connectées telles que la smartwatch mais avec des dispositifs de localisation connectés implémentés sur les  espèces rares, il serait plus aisé de lutter contre le braconnage à grande échelle. Avec des drones les foyers de braconniers seraient repérés avant même qu’ils s’en rendent compte. Selon le dernier rapport publié par DHL et Cisco concernant les tendances sur l'Internet des Objets (IdO), le marché global est estimé à  1,9 milliards de dollars en terme d’opportunités. Le rapport estime que 50 milliards d’appareils seront connectés à Internet d’ici 2020 contre 15 milliards aujourd’hui. L’ensemble pour une valeur de 8 000 milliards de dollars. Un marché, sur lequel les pays africains pourraient se positionner en tant qu'acteurs. 

L’Afrique est aujourd’hui au cœur des conflits d’intérêts qu’ils soient d’ordre économique, géopolitique et même technologique. L’internet des objets en tant que tendance naissante pourrait devenir une niche parmi tant d’autre comme l’agriculture ou les énergies renouvelables sur laquelle l’Afrique s’appuiera dans le but de gagner en puissance sur la balance des échanges internationaux. En Afrique subsaharienne, le marché est relativement vierge, et les coûts de production d’un même produit ou service sont souvent 10 fois inférieurs à ceux pratiqués dans les pays OCDE. Les entrepreneurs africains devraient se pencher sur la question et créer aux quatre coins du continent des projets dans ce sens. Les applications concevables dans le cadre de l’internet des objets sont littéralement infinies. En effet, il suffit d’un zeste de créativité pour imaginer des solutions inédites.

En Afrique, seul  MTN (Afrique du Sud) dispose d'une plateforme dédiée à l’internet des objets. L’ébullition autour de l’internet des objets est telle que des groupes américains comme Microsoft et Google ont décidé de créer des programmes de  développeurs entièrement consacrés à ce mouvement. Avec des micro-processeurs connectés il est désormais possible de surveiller le rythme cardiaque de patients afin de détecter des problèmes d’hypertension. En Angleterre, les drones sont utilisés comme soutien médical pour couvrir de larges distances en peu de temps et fournir les premiers soins à des blessés. Dans le contexte africain où il y a parfois 2 médecins pour 10 000 habitants selon l’OMS contre 32 pour 10 000 en Europe, cette solution pourrait constituer une opportunité à explorer. En Espagne, des agences de voyage utilisent  les drones pour produire des images inédites de Barcelone et ainsi promouvoir le tourisme local. Au Gabon, l’internet des objets a fait ses preuves lors de la construction d’infrastructures et a permis d'effectuer une cartographie. En effet, la compagnie Perenco a utilisé des drones au Gabon pour cartographier les zones pétrolières. Les drones sont  utilisés partout ailleurs pour faire des mesures topographiques et évaluer les risques lors de la construction d’infrastructures. Peu d’entreprises africaines sont sur ce segment, ce qui crée une dépendance auprès de prestataires de services étrangers et par conséquent un problème de souveraineté étatique. McKinsey estime que les applications de l’internet des objets auront un impact sur l’économie mondiale de l’ordre de 3,9 à 11 mil milliards par an dès 2025. A son apogée, cette influence représenterait 11% de l’économie planétaire. L'Afrique se doit de tirer partie de ce nouveau marché, au lieu de se positionner comme consomateur ; la technologie n'étant plus une contrainte, surtout dans le domaine du numérique. 

L’internet des objets constitue, cependant, une menace sérieuse en terme de cyber sécurité. En effet la plupart des dispositifs connectés sont conçus pour être facilement déployés et accessibles par des usagers qui sont certes technophiles mais peu informés sur les risques en jeu. Des serrures connectées à des applications mobiles sont déjà déployées pour simplifier l’accès au domicile. Cependant,  aucune précision n’est donnée sur les risques encourus si un hacker mal intentionné s’attaque au système et pénètre dans une résidence privée. Les constructeurs de matériel connectés légers ont pour objectif de faire du chiffre avec des économies d’échelle. Dans cette lancée, ils réduisent au maximum les coûts de recherche et développement. Pour extrapoler une fois que la connexion a pu être établie entre le dispositif « A » et « Internet », le matériel est mis sur le marché. Les mêmes mots de passe et noms d’utilisateurs sont répliqués à la chaine, par conséquent à un moment ils finissent par être connus des hackers. La question de la sécurité et des failles devient accessoire là où elle devrait être prioritaire.

Les caméras connectées sont si peu sécurisées dans le monde qu’il existe un moteur de recherche qui permet de trouver en un clignement des yeux des millions de caméras connectées dans des organisations autant privées que publiques. Des sites internet partagent déjà en temps réel des images qui viennent de caméras de domiciles privés en toute impunité. Les drones même s’ils peuvent réduire les coûts de la cartographie peuvent aussi être utilisés à mauvais escient par des personnes mal intentionnées pour préparer des opérations dangereuses ou même survoler des espaces aériens sensibles sans autorisations préalables. Cette faille offre aussi une opportunité pour les entrepreneurs du secteur des TIC, qui pourraient se focaliser sur le développement de procédés de sécurisation. Aussi,  il devient impératif pour les pays africains d’envisager une législation en matière d’internet des objets pour protéger leur population des excès que peut introduire ce phénomène, ceci même si l’Afrique n’est pas encore un grand consommateur. L’Afrique ne doit pas devenir une éponge à tendances technologiques. Le Big Data et l’internet des objets sont certes des avancées notables qui peuvent contribuer au développement du continent  mais l’un comme l’autre, sans mesures de cybersécurité, ne feront qu’exposer à des menaces grandissantes à la fois les données et les vies des usagers. L’innovation doit s’adapter au contexte dans lequel elle souhaite s’épanouir. L’Afrique est une terre rougie par le climat et le sang des enfants surexploitées dans les mines de Coltan au Congo au nom de progrès technologiques dans des pays étrangers, l’internet des objets pourrait changer la donne et rendre l’Afrique aux africains.

Somme toute l’internet des objets apparait comme un piste parmi tant d’autres pour combler le fossé technologique mais aussi économique entre l’Afrique et les pays dits développés. Au fil des années les pays africains commencent à adopter les technologies  et les mouvements novateurs déployées au quatre coins du monde en temps réel. On parle de FabLab au Togo, de DIY ( Do it yourself) au Sénégal, de Big Data au Kenya et désormais de l’Internet des objets en Afrique du Sud. Ceci dit ces  tendances doivent être contextualisés et prendre en compte les réalités locales propres à chaque pays d’Afrique. L’enjeu de l’Internet des objets en Afrique comme partout ailleurs n’est  donc plus celui de son utilité mais de la sécurité des données qu’il exploite. Le flux constant d’innovations venant du continent  africain annonce un avenir optimiste pour les TIC. D’ici peu, peut-être verront nous le ciel d’Afrique couvert de drones « Made in Africa ».

William Elong

Penser l’Afrique pour repenser le monde.

fablab africa

L’Afrique connaît une période charnière de son histoire. Derrière les Unes prometteuses de magazines se cache la rude bataille des idéologies qui souhaitent avoir voix au chapitre du continent, désormais qualifié de « dernière frontière ». Loi des marchés, développement durable, entrepreneuriat sociale et solidaire, sont ainsi devenus les nouveaux chantres face à l’urgence de la survie. Nos capitales et leur architecture à deux vitesses l’illustrent bien.

Dans une ville comme Dakar par exemple, un bilan sanguin peut coûter jusqu’à 76 000 FCFA, soit une centaine d’euros, autrement dit à peu près l’équivalent de 2 fois le SMIC. Cherchez l’erreur …

Dans le même temps les signes des temps modernes : quartiers huppés, complexes de loisir, centres de beauté, ou équipements en tous genre font florès. Récemment une vidéo virale montrait ainsi un badaud s’amusant dans les rues inondées d’Abidjan … en jet sky. Quelle joie de n’avoir pas eu le système d’évacuation nécessaire ! Dans la même veine il n’est pas rare de voir déambuler à Ouagadougou quelques Girafes géantes à l’orée des maquis ; non pas un mirage, mais des peluches confectionnées mains que son créateur espère vendre à bon prix à quelques clients portés par l’ivresse de la nuit.

Face à ces tableaux un brin burlesques et tragi-comiques du quotidien urbain naissent de nombreuses questions : la valeur et le coût du travail, l’avènement de nouveaux systèmes de solidarité, l’accès à la formation, l’attrait de l’indispensable et l’évaluation du nécessaire. Mais aussi, le silence d’une élite intellectuelle garante d’un cadre moral, ou encore la notion de réussite sociale. La liste pourrait être longue tant le défi est majeur et la réalité frontale, dans un contexte nouveau où l’abondance côtoie de plus en plus la pauvreté.

Mais, au fond, la plus prégnante et la plus urgente ne serait-elle pas : mais comment tout cela tient-il ?

La révolution silencieuse d’un continent.

A cette question, l’une des réponses est indéniablement à trouver dans la solidarité familiale, au sens large du terme. Les « responsables » de famille et les parents partis vivre à l’étranger, ou tout simplement le bon cœur des citoyens avertis d’une situation difficile à travers une petite annonce aident à passer les périodes de vache maigre ou les coups durs. Les quotidiens nationaux sont familiers avec les appels au don pour financer une opération. Finalement le crowdfunding, en Afrique, on connaît bien.

Mais que peut-on apprendre de plus au monde qui nous entoure ? A y regarder de plus près, nombre de modèles qui connaissent actuellement une envolée théorique rencontrent déjà un berceau fertile sur le continent. Par exemple : l'auto-entrepreneuriat, le multi-emploi, le statut d’indépendant, le financement participatif, le recyclage ou le ré-usage, la vie en copropriété … Confrontés à un environnement hostile et face à des États souvent faibles, voire absents, les citoyens ont ainsi depuis longtemps développé des stratégies de survie et pensé un monde différent. Des apports notamment théorisés dans la notion d’innovation « jugaad ».

Qu'est ce que la philosophie jugaad ?

L’esprit jugaad est issu d’un mot Hindi qui signifie « débrouillardise » ou « Système D », selon Navi Radjou1, l’un des théoriciens phare du concept. Il désigne l’idée de faire plus avec peu, ou moins. La philosophie jugaad invite ainsi à ne pas renoncer face aux barrières rencontrées dans l’innovation : manque de financement, d’équipement, ou d’infrastructure. Mais, au contraire, à rebondir face à un environnement restreint pour trouver, à problèmes inédits, des solutions inédites, voire inattendues. Si le mot est d’origine indienne, l’approche est de plus en plus répandue en Chine, au Brésil et en Afrique.

On la désigne désormais plus globalement sous le terme d’innovation frugale.

En Afrique, les illustrations en sont nombreuses. Le nombre de FabLab explose, les entreprises innovantes se multiplient, l’an dernier l’initiative JugaadaAfrica a même consacré un tour des initiatives dans le domaine. Et les grandes entreprises s’en inspirent. Comme par exemple Coca-cola qui vend dans certains pays d’Amérique Latine sa célèbre boisson en sachet plastique, pour s’adapter aux usages locaux, mais aussi générer des économies de production. Enfin, l’esprit jugaad s’illustre aussi depuis de nombreuses années dans le domaine de l’art, omniprésent dans de nombreuses capitales africaines où les toiles se vendent à même la rue. On identifie ainsi le courant du vohou-vohou, initié par les étudiants de l’école des beaux arts d’Abidjan dans les années 80, à une période d’avarie du matériel importé nécessaire à leur travail. Basé sur la technique de la récupération et du recyclage de matériaux en tous genre, elle s’est depuis répandue et est à l’image du monde qui vient : hybride, protéiforme, multi-usage.

La part des anges.

Enfin, fait difficilement quantifiable, mais visible au quotidien, celles qui mettent particulièrement en œuvre cette philosophie, par nécessité, volonté ou devoir, sont souvent les femmes : qui entreprennent à hauteur de 25% en Afrique2, plus que partout ailleurs dans le monde. Et elles ont du bagout nos mamans et nos tanties. Les consommateurs sont devenus paresseux ? Elles ne se contentent plus de vendre les matières premières, elles les transforment en jus locaux, sirops ou poudres prêtes à l’emploi vendus dans des bouteilles de boisson recyclées. Pour rappel, les sacs plastiques tuent jusqu’à 30% des cheptels au Burkina Faso ! Elles inventent une technique pour tisser le plastique et le transformer en cabas, vestes, et paniers tendances exportés en Allemagne, en France ou ailleurs dans le monde. Transformation, revalorisation, ré-usage, recyclage sont ainsi des concepts qu’elles maîtrisent bien.

L’envolée que connaît actuellement le continent est une chance formidable. Ne nous y trompons pas ! Car nous ne l’aurons pas deux fois. D’ailleurs, ce n’est sans doute pas par hasard si l’Afrique figure depuis quelques années au palmarès des régions les plus optimistes au monde3. Aussi, serait-il dans ces conditions dommage de se contenter d’importer des modèles déjà pensés. Au contraire, ayons de l’audace, n’ayons pas peur de l’échec et démultiplions la résonance du mot jugaad.

« Nommer c’est faire exister » disait Sartre. Alors usons de la force « performative du langage » pour inventer, créer, à notre façon, éclairer et faire advenir l’Afrique et le monde qui vient.

 

Christine Traoré

1 Navi Radjou, consultant et coauteur de l’innovation Jugaad : redevenons ingénieux ! (Diateino, 2013).

2 Global entrepreneurship monitor global report – 2014.

3 Baromètre mondial de l’optimise. Lire Les Africains, champions du monde de l’optimisme !

La télé-irrigation : une solution innovante au potentiel important

Nous avons rencontré Philippe Mingotaud1 , directeur de MTP-Editions, une société française d'informatique qui a contribué au développement d'un procédé de télé-irrigation innovant et adapté aux pays africains.

PhilippeMingotaud-TBADI : Vous avez développé un procédé de télé-irrigation. De quoi s'agit-il ?

Philippe Mingotaud: Le principe est simple. Un agriculteur peut, à l'aide de son seul téléphone fixe ou GSM, activer à distance les pompes à eau qui lui servent à irriguer ses champs et récupèrer les paramètres dont il a besoin pour déterminer les temps d'irrigation nécessaires à chacune de ses parcelles. Nous avons développé un système vocal interactif multivoix, multilingue et multimédia qui s’adapte à de nombreux contextes.

Au Niger, notre partenaire Tech-Innov2 utilise notre technologie pour proposer un système vocal mutualisé permettant de contourner l'analphabétisme encore présent dans les campagnes. Le système répond de la façon la plus simple au multilinguisme du pays et  permet de déclencher des pompes à eau sur tout le territoire en utilisant le réseau GSM en priorité mais aussi les ondes radio lorsque la couverture GSM fait défaut.

Dans d’autres contextes, le système peut également être déclenché par des emails ou SMS entrants en privilégieant l'écrit à la voix.

ADI : Comment le système fonctionne-t-il concrètement ?

Philippe Mingotaud: L'agriculteur se connecte à un serveur qui le détecte, l'identifie puis lui renvoie une information personnalisée ou déclenche une action appropriée.
Le système calcule automatiquement le temps d'irrigation nécessaire à chaque parcelle, en fonction du débit de la pompe à eau, du type de culture, des engrais utilisés et des nombreux relevés effectués par différents capteurs, comme le degré d'hygrométrie, l'indice UV, la nature et la porosité des sols, etc. En fonction de ces critères, il active la ou les pompes à eau concernées pour la durée déterminée par le demandeur ou par lui-même.

Tele-Irrigation-03ADI : Pourquoi est-il important d’améliorer l’irrigation ?

Philippe Mingotaud: Il y a urgence à agir. Les chiffres avancés par les experts qui travaillent sur le devenir de l'agriculture de part le monde devraient alerter. 40 % des terres émergées sont menacés de désertification dont 66 % sont déjà affectés. 37 % des terres arides sont en Afrique.3

La productivité des terres cultivées baisse continuellement. Le dépeuplement des campagnes en direction des villes et les flux migratoires de l'Afrique vers l'Europe ne cessent d'augmenter. Il faut se mobiliser sans attendre de nouvelles catastrophes. Il y va de l'intérêt de tous que les agriculteurs puissent rester dans les campagnes pour continuer à produire et à fournir aux populations des villes, les aliments dont elles ont besoin.

ADI : Que peut apporter la télé-irrigation aux économies africaines ?

Philippe Mingotaud: Le premier apport est une augmentation significative en terme de qualité et de quantité des productions obtenues qui varient selon les cultures, les régions et la conformité des installations d'irrigation.

La télé-irrigation ne se résume pas à installer une configuration informatique permettant à une pompe à eau de se déclencher à distance, pour une durée déterminée. Cela va beaucoup plus loin. A la composante informatique s'ajoutent des panneaux solaires, une mise en conformité du réseau d'irrigation, une meilleure gestion des ressources en eau disponibles et surtout une modification en profondeur des méthodes de travail.

En proposant un serveur de télé-irrigation mutualisé, capable de répondre simultanément à plusieurs demandeurs, on met en place une nouvelle organisation du travail qui incite les agriculteurs à se regrouper et à partager au delà de leurs matériels informatiques, leurs matériels agricoles, leurs expériences professionnelles, leurs infrastrucutures, bref tout ce qui peut contribuer à simplifier leurs conditions de travail et à optimiser leurs productions agricoles.

tele-irrigation-01ADI : Y a-t-il des avantages indirects à utiliser ce type de technologie?

Philippe Mingotaud: Indirectement, on s'aperçoit que mettre en place des solutions de télé-irrigation contribue à lutter non seulement contre la précarité économique mais aussi éducative. Nous avons pu constater à plusieurs reprises que la télé-irrigation permet une meilleure scolarisation des enfants là où elle est présente, du fait que ce sont souvent les enfants qui sont chargés d'aller dans les champs activer les pompes à eau et qu'ils le font au lieu de se rendre à l'école.

En s'appropriant les nouvelles technologies, les habitants des campagnes améliorent leur quotidien. En permettant une bien meilleure gestion de l'eau et une lutte efficace contre les déperditions, la télé-irrigation est un atout des plus précieux, là où l'eau se fait rare. La production d'énergie solaire qui se fait en même temps ne sert évidemment pas qu'à alimenter les pompes à eau dans les champs. Les serveurs d'information à la demande peuvent également servir à prévenir les risques,  à développer la sécurité sanitaire, à lutter contre l'isolement de certaines populations et à mieux organiser la vie en société.

Tele-Irrigation-02ADI : Quels sont les obstacles à la généralisation de la télé-irrigation ?

Philippe Mingotaud: Le principal obstacle est la pauvreté des populations auxquelles nous nous adressons. Ce n'est pas tant l'équipement informatique qui est un frein puisque le coût des matériels est mutualisable. Mais il ne sert à rien de vouloir améliorer le rendement des terres agricoles, sans chercher préalablement à mettre aux normes le réseau d'irrigation de l'agriculteur qui souhaite y parvenir. Cette mise en conformité peut, notamment dans un environnement difficile, revenir chère à des professions dont le pouvoir d'achat est faible.
Les petits agriculteurs se retrouvent trop souvent seuls face à des difficultés économiques et environnementales devenues insurmontables. Ils gagneraient à être accompagnés davantage par les Etats et les ONG. Tout le monde y gagnerait.

Propos recueillis par Tite Yokossi

1 Philippe Mingotaud dirige MTP-Editions, une société française d'informatique spécialisée dans des serveurs et projets innovants. La société recherche des partenaires locaux en Afrique pour diffuser ses solutions dont la télé-irrigation fait partie.

M.T.P. Editions  –  Tél. : (+33).1.39.60.82.82
Sites : www.servocall.com  www.servisual.com et www.serworker.com (exemples de pilotage interactif distant en temps réel)

2 Tech-Innov, le partenaire nigérien de MTP Editions, a reçu une belle distinction au salon mondial de l'eau qui s'est tenu du 12 au 19 Avril 2015 à Daegu en Corée du Sud récompensant son travail dans la conception, la réalisation et la mise en place de ce procédé de Télé-irrigation.
Site :  www.tele-irrigation.net

3 http://www.csf-desertification.org/combattre-la-desertification/item/desertification-degradation-des-terres

L’Afrique que nous voulons (suite et fin)

c68a72e0-2Nous évoquions la semaine dernière dans nos colonnes la nécessité d’une prise de recul critique face aux changements de paradigme qui s’opèrent sur le continent : plus riche, plus urbain, plus ouvert au monde, plus structuré ; mais  également plus déraciné, plus consumériste, plus « aculturel » et toujours aussi peu uni.  Posant les principes de base du concept d’afro-responsabilité, nous souhaitions en filigrane réaffirmer notre capacité à détenir les ressorts de notre propre bonheur et de notre propre émancipation.

Le propos n’étant pas d’aller à l’encontre de la marche de l’Histoire (pourquoi n’aurions nous pas, nous aussi, voix au chapitre de la modernité ?) ; mais plutôt de rester alertes pour ne pas céder aux sirènes d’un développement illusoire et d’un vernis temporaire. Heureusement, les acteurs de la construction de cette autre Afrique, durable, inclusive, en avance sur les problèmes de son temps, existent. Héros ordinaires d’un quotidien qui se cherche, ils bâtissent dans l’ombre une vision nouvelle de l’Afrique et dessinent ensemble, et souvent sans le savoir, les  contours de nouvelles utopies et de solutions inédites. Qui sont-ils ?

Nouvelle donne, les moteurs du changement.

En dépit des pesanteurs précédemment citées, qui sont le lot d'un continent qui a raté son départ post indépendance, des moteurs du changement existent. Et ce, dans un contexte de fertilité des outils et des idées, parfois hors du circuit classique de l’État et de ses démembrements.  Nous en identifions ici trois principaux : la société civile de plus en forte et influente qui émerge ; la jeunesse véritable potentiel et première richesse du continent qui s'organise et montre son envie pour le choix d'un nouveau braquet ; enfin la technologie qui permet d'imaginer un nouveau champ des possibles plus large et plus crédible.

Les acteurs culturels du continent qui, chaque jour, jouent leur rôle de moteurs importants dans le changement des sociétés. Pourquoi ? En raison de leur sensibilité à saisir l’ère du temps et le vent qui tourne. Qu’apportent-ils dans l’édification de cette autre Afrique ? De cette 3ème voie ? Trois éléments fondamentaux à tout projet d’envergure : l’audace d’y croire, la folie d’essayer,  l’énergie d’avancer. Les artistes africains n’y font pas exception et prennent de plus en plus en compte leur rôle avant-gardiste dans le changement qualitatif des pays. Véritables éclaireurs du temps présents, il dessinent les contours d’une société à venir et mettent en lumière les maux de notre temps, à l’image par exemple du projet Prophétie au Sénégal.

Dans un autre registre, les think tanks et instituts de mesure et d'influence positive, à l’instar de la Fondation Mo Hibrahim,  prennent leur  place dans l'architecture institutionnelle de l’Afrique en faisant avancer la démocratie et élargissant le cercle des outils d'aide à la décision pour les décideurs. Car pour insuffler des politiques adéquates, faut-il déjà mesurer de façon juste l’existant : nous l’avons vu avec le PIB du Nigéria par exemple, révisé à la hausse de façon considérable suite à un ajustement méthodologique.

Les réseaux sociaux enfin sont un moteur pour davantage de transparence, de réédition des comptes pour les gouvernants et de capacité de mobilisation et de lobbying pour avancer certaines causes justes. Désormais intrinsèquement ancrés dans les pratiques quotidiennes, ils deviennent également le lit d’une remise en question des structures hiérarchiques habituelles et donc le lieu d’une émancipation créatrice.

Le temps des solutions, vers un continent agile.

Afro-responsables, nous nous voulons également afro-optimistes. Car oui, ce n’est qu’au goût du risque et d’un brin de folie que nous aurons l’audace de penser une 3ème voie à la confluence des réalités actuelles et à la hauteur des défis qu’elle comporte. Oui il est aujourd’hui plus que temps de ne plus regarder dans le rétroviseur, de pardonner au passé ses serments pour achever un nécessaire et sine qua non travail de mémoire afin de bâtir un avenir fécond. Oui enfin ce n’est qu’au prix de nos efforts que nous parviendrons à lutter contre ce que La Boétie appelait « la servitude volontaire » pour construire l’Afrique que nous voulons.

Ce n’est qu’en adoptant une approche introspective que le continent, déjà adepte des sauts : technologiques, créatifs, humains ; pourra trouver les ressources nécessaires pour catalyser ses énergies et devenir un continent visionnaire.

Continent de tous les défis, serions-nous en train de devenir celui de tous les espoirs ? Nous l’espérons et le souhaitons. Ainsi, à problèmes inédits, solutions inédites. La restriction nous pousse à l’ingéniosité. Preuve en est, les innovations africaines sont aujourd’hui exportées hors de nos frontières. C’est le cas par exemple de la solution de M-banking M-Pesa, pensée au Kenya et commercialisée en Roumanie depuis 2014. Car, ne nous leurrons pas, face à l’immensité des défis qui nous attendent et à commencer par le premier d’entre eux, nourrir et instruire 1, 5 milliards d’âmes à l’horizon 2030[1], soit demain, les solutions devrons être « jugaad », c’est à dire agiles, innovantes, inédites ou ne serons pas.

C’est d’ailleurs sur cette incitation à l’ingéniosité collective et individuelle que nous souhaitons conclure cette réflexion en deux temps, dont la 1ère partie est accessible ici. A notre sens et en définitive le mot de la fin doit aller à la responsabilité individuelle, car l’Afrique, et au delà le monde de demain, habite un peu en chacun d’entre nous. C’est la fameuse théorie du colibri, cet oiseau qui face à l’incendie de la forêt a continué selon la légende indienne à apporter sa goute d’eau, aussi modeste fût-elle, pour contribuer à éteindre le feu, là ou tous les autres animaux fuyaient. Soyons colibris, soyons exigeants, soyons optimistes, soyons aigris mais surtout, soyons unis… Car, dans un monde globalisé, les propos de Fatou Diome doivent trouver une résonnance particulière : « nous serons riche ensemble, ou nous coulerons ensemble ». Ne rêvons plus simplement l’Afrique, rêvons là plus fort et surtout, construisons la, habitons la.

 

Hamidou Anne et Christine Traoré

 

A lire dans nos colonnes sur le même sujet :

La thématique de l’afro-responsabilité vous intéresse ? Poursuivez votre lecture sur le sujet  à travers une sélection de notes et analyses publiés récemment sur Terangaweb.com :

           

 

 

 


[1] Soit autant que l’Inde ou la Chine. Sur ce sujet voir l’ouvrage CHINDIAFRIQUE, Boillot et Dembinski (2013).

 

 

Le Woelab: le Fablab qui dit « Fais-le »!

C’est à l’occasion d'une présentation de sept projets innovants, organisée à Lomé au quartier Djidjolé par le Woelab, un incubateur de technologies que nous avons rencontré l'un des promoteurs du lieu.

fablab togo 

Bonjour Dodji, merci de nous recevoir, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Woelab (Dodji H.) : Bonjour, tout le plaisir est pour moi. Je suis Dodji Honou, Manager exécutif du Woelab, le premier FabLab implanté au Togo.

Qu’est-ce qu’un FabLab et comment est né le Woelab ?

logo fablab togo

Woelab (Dodji H.) : FabLab, pour « Fabrication Laboratory », est un espace où l’on retrouve des machines-outils, telles que des imprimantes 3D, des fraiseuses mises à la disposition de tout venant pour développer des projets. C’est un lieu de partage d’idées et surtout de travail collaboratif. A la base, le FabLab est un label décerné par le MIT (Massachussetts Institute of Technology). Pour l’obtenir, il faut respecter des conditions que nous jugeons par ailleurs contraignantes, telle que la mise à disposition de certaines machines coûteuses à acquérir.

Le Woelab a été initié par l’ « Africaine d’Architecture », une association créée par un jeune togolais, Sénamé Koffi Agbodjinou architecte et anthropologue de formation, dont l’ambition est de créer des hubCités ; c'est-à-dire des villes qui allient technologie et savoir faire local. Suite à un « Archicamp », évènement organisé à Lomé par cette association, est né le Woelab en août 2012. Le FabLab défend le concept de LowHighTech, la haute technologie à moindre coût et celui de l‘open source. L’exemple qui illustre le mieux cette philosophie est l’imprimante 3D fabriquée à partir d’objets de récupération.

La première imprimante 3D «made in Africa » sort en effet de votre FabLab ; comment est né ce projet et comment avez-vous financé sa fabrication ?

Woelab (Dodji H.) : La W.Afate, le nom de cette imprimante 3D, est une idée d’Afate Gnikou, un membre du Woelab, développée en collaboration avec une vingtaine de jeunes membres de la communauté. Il s’agit d’une machine conçue essentiellement à partir de débris informatiques tels que les UC, les imprimantes, les scanners etc. récupérés sur les dépotoirs et de quelques composants (introuvables sur place) achetés sur internet. Tout est parti de l’Archicamp de 2012 où un modèle d’imprimante 3D a été monté à partir d’un kit importé. Aujourd’hui ce projet dont la documentation en cours de finalisation et disponible en Open-source, rend possible la reproduction d’imprimantes 3D sans kit.

Il a été financé essentiellement par l’Africaine d’Architecture et par une levée de fonds via une plateforme de Crowdfunding (Ulule.com) ; l’objectif de départ était de lever 3500 Euros. Pour notre plus grande joie, le projet a rencontré l’adhésion d’un grand nombre de personnes de par le monde; ce qui a permis de finalement collecter exactement 4316 Euros.

La W.Afate reste un bel exemple de projet collaboratif, dont la vingtaine de jeunes y ayant participé peuvent être fiers.

Quelles sont les différentes activités menées au sein du Woelab ?

Woelab (Dodji H.) : Le Woelab est un espace de démocratie technologique au sein duquel sont menées plusieurs activités. L’objectif étant de rendre les nouvelles technologies accessibles à tous, des modules de formation ont été instaurés. Il s’agit d’un pan important des activités. Toute personne peut développer des projets technologiques ; il suffit d’y croire pour le faire, c’est cela le Woelab, « Woe » signifiant en langue Ewé « Fais-le ». La Woe-academy a ainsi été mise en place afin de coordonner l’organisation de cours hebdomadaires gratuits en programmation, en technologie libre, en impression 3D, en fabrication d’ordinateurs (projet Jerry) au sein de nos locaux. Aujourd’hui les participants à ces cours sont des jeunes dont la moyenne d’âge est de 19 ans. On intervient également dans les écoles afin d’initier les élèves à l’informatique, à l'impression 3D, et bientôt aux bases de la programmation, car l’analphabète de demain est celui qui ne saura pas écrire une ligne de code. L’incubation de startups est également un axe clef. Cinq startups ont été incubées à ce jour, dont l’une« TERRES » spécialisée sur les questions agro urbaines, a été primée lors de l’édition 2013 du Forum des jeunes entrepreneurs du Togo. Beaucoup de projets sont en cours ; mais le travail collaboratif reste au cœur de toutes les activités.

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Dans tous projets, se pose souvent la problématique du financement ; comment le Woelab finance-t-il ses besoins de fonctionnement ?

Woelab (Dodji H.) : Les besoins de fonctionnement (loyers des locaux, les charges courantes, les voyages pour assister aux différents concours et forums) sont financés pour l’essentiel par l’initiateur du projet, l’Africaine d’Architecture. Les revenus générés par les startups incubées au sein du FabLab contribuent également à amortir les charges. En gros, le Woelab tourne sur fonds propres.

Vos inventions ont elles déjà été commercialisées ?

Woelab (Dodji H.) : La plupart de nos inventions notamment l’imprimante 3D et l’UC Jerry sont fabriquées à partir de composants appartenant à des compagnies telles que Microsoft, IBM, etc. Ce qui  exposerait le Woelab à des poursuites judiciaires en cas de vente. Des solutions existent pour rendre disponibles ces machines au plus grand nombre, en réduisant ce risque. L'objectif serait d'avoir un partenariat avec des structures publiques et/ou ONG nationales ou internationales à travers un programme national social, afin de vulgariser leur utilisation. Dans la même logique, le Woelab prévoit de s’associer à des écoles pour toucher le plus grand nombre de jeunes. Le business model sera de se positionner comme consultant dans le cadre de ces partenariats, en offrant des services de formation et de maintenance.

Le Woelab s’est associé récemment à une école d’architecture au Mali (ESIAU) pour lancer un FabLab ; cette initiative s’inscrit-elle dans un programme de partenariat avec les instituts supérieurs africains ?

Woelab (Dodji H.) : Effectivement nous avons assisté l’école d’architecture ESIAU dans l’installation d’un FabLab. En fait le partenariat a été signé avec l’Africaine d’Architecture. Leurs  étudiants sont souvent invités à assister aux Archicamps. Les outils comme les imprimantes 3D sont essentielles pour l’élaboration de projets en architecture, ce qui rend utiles les FabLabs. Une des pionnières dans ce modèle est l’école d’architecture  IAAC de Barcelone. On espère que le modèle rencontrera l’adhésion des écoles africaines ; pas seulement les écoles d’architecture mais plus largement, de tous les instituts d’enseignement. Le Woelab s’investit à rendre accessibles les FabLabs partout en Afrique ; tout partenariat allant dans ce sens sera le bienvenu.

Vous avez remporté l’Award du “Best Exploration Mission Concept” de la NASA et plusieurs autres distinctions à l’international dont le prix de “Meilleure Innovation” à l’Africa Innovation Summit ; ces récompenses sont-elles une source de motivation supplémentaire ?

Woelab (Dodji H.) : C’est véritablement une grande source de motivation de remporter ces distinctions. De toutes ces récompenses, celle qui, je pense, a marqué le déclic est l’award du Best Exploration Mission de la NASA. Un concours préparé en très peu de temps, avec une connexion internet instable. Nous avons donc été d’autant plus surpris du succès de notre projet, « La W.AFATE to MARS ». Il s’agit concrètement d’un programme spatial écologique. Mais être lauréat du « Global Fab Awards » organisé en juillet dernier à Barcelone, parmi toutes les FabLabs du monde boost encore plus. Cela donne l’envie de poursuivre. Je pense qu’on peut réussir des choses extraordinaires à partir de rien, il suffit d’être motivé et rigoureux.

Pour terminer cet entretien,  quels sont vos projets d’avenir ?

Woelab (Dodji H.) : Au-delà de l’incubation de startups, le développement de l’impression 3D dans les systèmes scolaires représente le projet phare. A travers le programme « 3DprintAfricaEducative», on compte initier et amener les jeunes  à concevoir des programmes adaptés aux imprimantes 3D, afin de produire des objets qui leur seront utiles. Cela devra passer par la vulgarisation de ces imprimantes. Le président Barack Obama affirmait lors de son discours sur l’Etat de l’Union en 2013, que l’impression 3D révolutionnera la manière dont nous fabriquerons les choses. Il pense que quinze centres placeront les USA à l’avant-garde de cette nouvelle technologie et  a  ainsi annoncé dans la foulée le lancement de trois centres de fabrication, en plus de celui existant à Youngstown dans l’Ohio. Le Woelab a pour ambition de prendre le contre-pied du président Obama, en installant au Togo des imprimantes 3D  dans tous les cyber-cafés du pays. La phase de test débutera avec les cyber-cafés du quartier de Djidjolé de Lomé où se trouvent nos locaux. Le  mapping de ces cyber-cafés a déjà  été fait. Le projet est réalisable.

Un autre projet, qui n’est pas le moins important, est le développement de FabLabs aussi bien au Togo que dans les autres pays du continent. C’est dans cette optique que j’ai personnellement participé cette année au lancement d’un FabLab à Dakar, avec l’appui de l’OIF et de l’association « Ker Thiossane ». Nos objectifs sont clairs et nous savons où nous voulons aller.

Larisse Adewui

Deux intrants qui manquent à l’innovation en Afrique francophone

clipboard06Si l’on convient avec des penseurs comme Schumpeter J. et Aghion P. que le développement résulte de l’innovation, alors l’Afrique, quoique pauvre, devrait accorder une importance particulière à ses universités. Non pas pour accroître le nombre d’étudiants, ni pour augmenter le nombre de professeurs ou de chercheurs, mais pour accroître la qualité de la recherche qui y est menée. Cette préoccupation concerne bien entendu l’ensemble des pays Africains à l’exception peut être de l’Afrique du Sud, selon les classements internationaux des universités, comme celui de Shanghai. Cependant, la situation est plus critique dans les pays francophones pour deux raisons. D’une part, l’utilisation presque exclusive du français comme langue de travail dans les laboratoires alors que le monde académique devient de plus en plus anglophone. D’autre part, la faible numérisation des travaux de recherche dans un contexte où les moyens de recherches modernes reposent davantage sur le codage informatique et l’utilisation de l’internet.

Il ne s’agit pas d’une reproche faite à la communauté scientifique francophone d’Afrique, mais plutôt d’une mise en lumière de quelques défis qu’elle devra relever pour s’intégrer pleinement dans les réseaux de recherches mondiaux qui sont pour la plupart anglophones. On pourrait aussi tout de suite penser qu’il s’agit là d’une préoccupation secondaire dans une région en proie à l’extrême pauvreté et parfois aux troubles sociaux. Mais ce point de vue omet la possibilité que l’extrême pauvreté et les guerres soient tout simplement des conséquences d’un manque d’innovation.  Après tout, la recherche scientifique n’a d’autre but que d’apporter des solutions concrètes aux problèmes des Hommes, c'est-à-dire être au service de la société. Il n’est pas nécessaire de rappeler ici les principales inventions et découvertes qui ont été à l’origine des progrès significatifs dans l’agriculture et l’industrie dans les pays qui sont aujourd’hui développés. Comment faire donc pour inclure l’Afrique, en particulier l’espace francophone dans le train mondial de l’innovation par la recherche ?

Très peu de statistiques existent pour mettre en évidence la proportion de chercheurs des universités d’Afriques francophones qui maîtrisent parfaitement l’anglais. Il suffit pourtant d’aller sur le site web de ces universités pour constater que très peu ou pas du tout de publications sont faites en anglais. Quant à l’appropriation de l’outil informatiques et des opportunités qu’offre l’internet, on constate déjà que le pourcentage de la population ayant accès à l’internet est plus faible dans les pays francophones et que très peu d’écoles ou d’universités disposent de salles d’informatiques équipées.[1] Or, de manière plus synthétique, l’appropriation de l’outil informatique devrait permettre d’augmenter les capacités d’innovation alors que la maîtrise de l’anglais favoriserait leur diffusion et de donc leur qualité.

En effet, le progrès fulgurant des capacités de calcul et d’édition des ordinateurs permettent aujourd’hui de tester des hypothèses scientifiques compatibles avec des situations réelles. Par exemple, dans les sciences sociales, il ne sera plus question de formuler des théories dans un laboratoire mais d’identifier des relations révélées par les comportements individuels et collectifs. Même dans les cas où des observations ne peuvent pas être faites, les capacités de calcul offertes par l’ordinateur permettent de simuler des situations réelles avant même leur mise en œuvre dans la pratique. Par ailleurs, cette expansion de l’informatique favorise actuellement l’accumulation de données massives qui vont sans doute bouleverser la pratique même de la recherche scientifique. C’est le cas par exemple du programme Data for Development lancé par Orange en Afrique sur l’utilisation des données anonymes du réseau mobile pour répondre à des questions sur la santé, l’éducation, l’agriculture, les transports et les infrastructures.

Un autre intérêt de l’appropriation de l’outil informatique est qu’elle facilite l’accès à l’internet et plus particulièrement à des ressources académiques qui peuvent être utilisées pour améliorer les résultats d’autres recherches en cours. Typiquement, un chercheur qui travaille sur l’amélioration de la productivité agricole a besoin d’accéder aux derniers résultats de recherche sur cette question. Cet accès se fait à moindre coût lorsque le chercheur dispose d’un accès à l’internet et d’une connaissance des ressources académiques disponibles en ligne. Nonobstant, combien sont-elles, les universités d’Afrique francophone connectées à l’internet haut débit accessible par tous les étudiants et chercheurs ?

En ce qui concerne l’anglais, sa maîtrise permettra de diffuser les résultats de recherches scientifiques et d’accroître leur qualité.  Il ne s’agit pas d’abandonner sa langue maternelle ni le français car en général certains sentiments voire certaines idées sont mieux exprimés dans une langue que dans d’autres. Cependant, cette richesse de la diversité linguistique ne doit pas nous empêcher de reconnaître l’importance de la maîtrise d’une langue internationale, en l’occurrence l’anglais, pour faire participer pleinement les chercheurs des universités d’Afrique francophone aux grands débats scientifiques qui auront une incidence décisive sur nos modes de vie à l’avenir.

Il existe certes de centres de recherche en Afrique francophone, souvent à l’extérieur des universités, qui entreprennent des recherches en anglais et qui promeuvent l’appropriation de l’informatique et de l’internet par les chercheurs. C’est notamment le cas du CODESRIA, du CRES au Sénégal, ou de l’African School of Economics qui vient d’ouvrir ses portes au Bénin. Cependant, ses deux intrants de la recherche scientifique que sont l’anglais et l’informatique ne sont pas encore accessibles au plus grand nombre des étudiants et chercheurs dans les universités d’Afrique francophone. C’est pour cela qu’il faut dès maintenant repenser la recherche scientifique dans cette région en mettant l’accent sur l’enseignement et les publications en anglais de même que la formation intensive des étudiants et chercheurs aux langages de programmation informatique de base et à l’utilisation des données massives générées par l’internet à des fins de recherche scientifique.

L’un des principaux obstacles à ce changement est la réticence des chercheurs séniors face à l’introduction de nouvelles technologies qu’ils ne maîtrisent pas et qui les rendraient obsolètes. Il pourrait donc s’agir d’obliger les jeunes étudiants et chercheurs à s’approprier l’anglais et l’informatique tout en encourageant les séniors à faire de même à travers des incitations à participer à des conférences de haut niveau en anglais.

Les logiciels de traduction n’aideront pas les chercheurs francophones puisqu’ils ne rendent pas compte de l’idée sous jacente à la structure d’une phrase. Par ailleurs, les obstacles liés à l’énergie que l’on évoque très souvent pour justifier la relégation de l’accès à l’internet au second plan sont très discutables dans la mesure où l’accès à l’énergie n’est qu’un moyen qui ne devient justifié que lorsque les fins pour lesquelles il sera employé sont établies. Les fins ici concernent l’accès à la connaissance moderne dont la production et la diffusion nécessite l’emploi des moyens de communication modernes dont le numérique et l’anglais.

Georges Vivien Houngbonon


[1] Selon les statistiques de l’IUT pour l’année 2013, seulement 4% de la population des pays d’Afrique francophone à l’exception du Sénégal (21%) de la Tunisie (44%) et du Maroc (56%) utilisent l’internet.

 

The Architect Project: Development through Architecture in Accra

Improving the living and housing conditions of developing metropolises is a challenge that lots of disciplines – engineers, urban planners, health and education specialists, to name a few – have undertaken. As an urban planner, I was inevitably convinced that planning was the key to identify and address the complex and intricate issues people living in slums are facing. Engaging with Juliet Sakyi-Ansah, the Founder of The Architects’ Project (#tap) in Accra opened my mind on the strength of architecture as a new tool for development. The Architects’ Project illustrates the eagerness of young people of Ghana to address relevantly the issues they are facing and highlights the importance of creativity in places characterized by numerous challenges.

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Accra and the failure of Urban Planning

Accra is one of the most populous cities in Africa, with 2.3 million dwellers in 2013, and with an estimated population increase of 4.3% per year, one of the fastest growing. Like many developing metropolises, the population increase applies immense pressure on city planning and an estimated 58% of the population lives in inadequate housing (UN-Habitat Ghana: Accra Urban Profile, 2009).

Yet, the lack of adequate housing and infrastructure cannot be explained by population pressure alone: it is also the result of huge urban sprawl and the weakness of city institutions. Unlike other cities where slum development has occurred close to the city centre, Accra expanded horizontally. The metropolitan area is now five times wider than the core and the inability of public institutions to respond to the rapidity of the sprawl explains many areas have insufficient access to water and sanitation, electricity, health and education.

Where planning is failing, architecture has emerged as an alternative focus for improving people’s living conditions through urban development. This is what the Architects’ Project, a non-for profit organization based in Accra, does.

The Architects’ Project: Rethinking Architecture as a tool for development

#tap offers to rethink the practice of Architecture to relevantly serve Ghana’s developmental needs. The Architects’ Project aims at improving the education and practice of architecture by adapting it to the local context. The not-for-profit organization aims at gathering local people, researchers and practitioners to develop “better and more innovative designs in their local context”.

tap redimThe organization was created less than a year ago by Juliet Sakyi-Ansah, a young architect graduated from the Sheffield School of Architecture. While studying in the UK, Juliet realized that architecture could be used as a tool for em  powerment. However, the core idea of the Architects’ Project only became clear after she returned to Ghana and started practicing architecture. By interacting with clients and practitioners, she realized that #tap was relevant for both Ghana as a developing country and for the discipline as a whole.

To achieve its goal, #tap runs three programs simultaneously. tap:Exchange is an exchange program where local and international practitioners and researchers gather to critically review the practice of architecture and come up with practical solutions through talks, workshops, exhibitions and other interactive activities. More practically, tap:Buildfacilitates learning through making”. It aims at creating innovative designs by working for and with real clients, around their needs and those of their community. Finally the tap:Journal is published every year and features practitioners’ and researchers’ perspectives on the challenges and agenda of architecture in Ghana, as well as the achievements of the organization.

So far, the tap:Exchange programme has carried out three activities including the collaborative design workshop ARCHIBOTS. ARCHIBOTS: Remaking Agbogbloshie aims at creating alternatives visions for Agbogbloshie, a dump site for electronic waste. Hundreds of workers collect, recycle and re-use electronic waste in very dangerous conditions. #tap, in collaboration with Agbogbloshie Makerspace Platform and MESH Ghana provided a design workshop session to engage with diverse expertise including designers, journalists, photographers, environmental researchers, material scientists, etc in the remaking of Agbogbloshie, an agenda to develop tools to empower the workforce at Agbogbloshie. In addition, #tap organized a symposium in collaboration with the government to improve the use of sustainable material. This way, the organization addresses all sectors of the architecture field, from concertaion to design to construction, to address development.

tap 2 redimArchitecture as a way to approach development?

Assessing the impact of The Architects’ Project in terms of development is difficult, as the organization was only founded recently.  Yet, there is definitely local and international interest for the project as it puts into question the practice of architecture and its importance in creating better communities. It also raises the importance of empowerment in facilitating the dissemination of good architectural practices for people living in informal settlements whose access to architecture services are limited. More importantly, the Architects’ Project reminds that innovation, even without proof of impact, is indispensable for the healthy development of Africa.

We can hope that the Architects’ Project will gather enough voices and project to improve the practice and education of architecture in Ghana and bridge the gap between doers and users, in a country that definitely needs it.

Caroline Guillet

Want to know more? http://thearchitectsproject.org/

Réalité Augmentée: la prochaine frontière en marketing numérique

Si vous demandez à l'internaute lambda ce qu'il pense de la Réalité Augmentée (RA), vous serez submergés par des réponses mentionnant les « Google Glass » et ô comment disgracieux ils nous font paraitre, le concept ingénieux des arrêts de bus récents de Pepsi…et on affirme qu’en réalité tout cela n’est qu’une mode passagère. En fait, vous serez confrontés à la tâche de définir la Réalité Augmentée.

Selon SDK Digital Lab Startup, créé par Atiyya Karodia et Christian Fongang, gagnant du Top 100 Technologies Awards, pionnier de la Réalité Augmentée et première agence à intégrer la Réalité Augmentée à la télévision, la meilleure façon de décrire ce concept est:

"La superposition de contenu numérique, dans un contexte réel, à l'aide de votre Smartphone, votre webcam ou tout autre forme informatique portable."

 

 

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La Réalité Augmentée en image

En Afrique du Sud, en tant que consommateurs, nous sommes largement ignorants du concept de la RA, et les marques sont, en toute franchise, hésitantes à sauter le pas (les principales exceptions étant Pond’s South Africa, SA Home Owner et Rolling Stone SA entre autres), préférant s'en tenir à l'alternative que d’essayer. Elles testent les services les moins cher proposés aux entreprises et qui, trop facilement, se transforment en rien de plus qu'un tableau d’affichage dans les Médias Sociaux. L'appréhension est compréhensible, mais cela signifie-t-il que nous serons toujours condamnés à porter l'étiquette du pays qui copie-colle des concepts numériques?

Un grand malentendu est généré dans le public, liant les RA uniquement au Google Glass, lui valant ce régard dubitatif alors qu'elle peut être disponible et abordable pour tout le monde car utilisable sur n'importe quel Smartphone. Il s'ensuit le problème du mauvais usage des RA quand on superpose du contenu qui offre peu ou pas d'interactivité.

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 Il est assez évident que le nombre de Smartphones augmente et, avec la croissance actuelle de la RA, 4 années après les médias mobiles, la question n'est pas tant de savoir si la RA est temporaire, mais plutôt, comment sa généralisation va nous affecter en tant que consommateurs à travers le marketing numérique.

 

Afin de comprendre l'impact de la Réalité Augmentée dans un cadre quotidien, vous aurez besoin de prendre quelques minutes pour visualiser l'image que je m'apprête à peindre :

« Imaginez un monde où vous vous réveillez, utilisez votre téléphone pour scanner votre environnement et obtenir des rapports de trafic en géolocalisation qui rendront votre trajet du matin plus facile. Vous déjeunez et avez besoin de plus de céréales pour demain, tout ce que vous faites est de scanner votre boîte, choisir votre produit, votre épicier, payez avec votre téléphone et savoir que lorsque vous rentrerez, vous aurez exactement ce dont vous avez besoin sans un détour ou un cargo ».

Il existe deux mondes : le monde en ligne où nous interagissons avec les publications, les marques et entre amis ; ensuite il y a le monde réel, où nos actions impactent les entreprises et les marques de façon plus tangible. La tâche pour les marques qui veulent rester dans les bonnes grâces et le portefeuille des consommateurs n'est pas seulement d'avoir une présence dans ces deux mondes, mais de trouver un moyen de mettre les deux ensemble. La plus grande erreur à commettre en tant que marketeur numérique est de penser que les marques détiennent encore assez de puissance pour contraindre par inadvertance les consommateurs à un engagement positif sans réel effort, parce que le nœud du problème, c’est que le symbole dièse (#) sur une affiche ne suffit plus tout simplement.

 

 

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Les progrès et réussites technologiques et de communication se sont souvent appuyés sur notre caractère évolutif qui nous incite à dépenser un minimum d'énergie et d’en tirer un avantage maximal. C’est aussi là-dessus que mise la Réalité Augmentée et d’autres technologies en développement.

Nous avons assisté à la montée en puissance de la téléphonie mobile, de l'Internet, des Médias Sociaux, et même à l’augmentation du Wifi public gratuit à Johannesburg. Monde réel et numérique semblent donc se rejoindre peu à peu. Ces évolutions font penser qu’un jour nous serons encore plus, et continuellement, en contact physique et actif avec les dispositifs qui nous relient au monde en ligne. Une formidable opportunité pour les entreprises qui ont misé sur le numérique. Mais si l’Afrique du Sud décide de rejeter la Réalité Augmentée et les technologies du monde réel, le seul impact des marques sur les consommateurs à l'avenir se limitera-t-il à de simples Tweet ?

Cedric Yamdjeu

Afrimarket : au délà du buzz médiatique, une potentielle réussite ?

Logo AfriMarket

Afrimarket est devenu en quelques mois la référence du « cash to goods » en Afrique. La startup française a su très rapidement se positionner  comme leader sur une niche du marché du transfert d’argent vers l’Afrique. Les mastodontes du secteur ont –ils des raisons de s’inquiéter de l’arrivée de cette innovante startup ?

L’environnement 

Le transfert d’argent vers l’Afrique : Taille du marché et contraintes

En 2014, les transferts de fonds de la diaspora africaine en direction du continent représenteront 32,5% du total des apports financiers à destination de l’Afrique (soit un volume de 60 Milliards en USD courants). Ce sera la plus grande source de revenus extérieurs de l’Afrique devant les Investissements Directs Etrangers (29,3%) et l’aide publique au développement (26,7%)[1]. Et encore, cette estimation ne tient pas compte des transferts informels (de particuliers à particuliers).

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 Apports financiers extérieurs et recettes fiscales en Afrique 2000-2014

Source : Calculs des auteurs d’après CAD/OCDE, Banque mondiale, FMI et les données des Perspectives économiques en Afrique.

Ces données mettent en évidence la taille colossale du marché de transfert de fonds que se partagent les deux (2) principaux acteurs du marché que sont Western Union (40% de part de marché) et Money Gram (25% de part de marché)[2]. D’après un article de Corine Moncel pour Mondafrique.com, « …cette situation « duopolistique » leur a permis de taxer au prix fort les transactions sur l’argent. En mai 2013, la Banque mondiale confirmait que les commissions pratiquées par les sociétés de transfert d’argent en Afrique étaient en moyenne de 12,2 % – mais avec des écarts très grands – contre 8,96 % pour le reste du monde. C’est sur les transactions entre pays africains que ces commissions sont les plus élevées : 20 %, voire plus, vers l’Afrique du Sud, le Ghana ou la Tanzanie ! Un manque à gagner considérable pour les Africains : si ces taxes baissaient de 5 %, l’Afrique recevrait 4 milliards de dollars de plus.« [3]

En plus des taux de commissions élevés, le transfert d’argent vers l’Afrique est confronté à d’autres contraintes parmi lesquelles on peut citer :

  • L’insécurité après encaissement des fonds réceptionnés. Les personnes sortant d’un bureau de transfert de fonds étant susceptibles de transporter d’importantes sommes en liquide, elles deviennent de potentielles victimes de vol.
  • Le taux élevé de potentiels bénéficiaires de transfert qui ne disposent pas des papiers d’identité requis pour le retrait de fonds. Cette situation oblige les expéditeurs à passer par des intermédiaires qui sont parfois peu scrupuleux ou qui prélèvent une commission supplémentaire.
  • Les fonds envoyés sont très souvent utilisés pour des raisons autres que celles pour lesquelles ils sont transférés.

Le cash to goods 

Contrairement au transfert d’argent classique, où le réceptionnaire reçoit le montant transféré en liquide et peut ainsi en disposer comme bon lui semble, le principe du cash to goods permet à l’expéditeur des fonds de contrôler l’usage de la somme envoyée en payant directement pour le  bien ou le service dont le besoin a été exprimé par le bénéficiaire. Ainsi,  les fonds transférés sont réceptionnés directement par le fournisseur du bien/service vendu.

Le cash to goods permet ainsi de lever les contraintes liées à la sécurité et à l’usage des fonds transférés. Demeurent cependant les risques de revente des produits reçus contre de l’argent liquide. 

Même s’il ne fait pas le bonheur de certains bénéficiaires, le principe du cash to goods a le potentiel pour séduire les expéditeurs dont 70%, d’après une étude réalisée par la Banque mondiale, souhaiteraient avoir davantage de contrôle sur les usages des fonds transférés. De nombreux bénéficiaires sont aussi sensibles à l’aspect sécuritaire et à la réduction de tracasseries.

Afrimarket…

La jeune startup a donc flairé un bon filon. Même si de petites initiatives de cash to goods  pour l’Afrique existaient déjà (congoprox, niokobok, etc.), elles étaient cantonnées à des communautés ou ciblées pays.  Lancée(?) en Juin 2013 par trois jeunes français avec le soutien de grands noms tels que Xavier Niel (Free), Jacques-Antoine Granjon (vente-privee.com) et David Foskett (ex cadre de Western Union),  Afrimarket est passé par l’accélérateur de Startup de Orange (Orange Fab France) et a très rapidement su se positionner comme la référence du cash to goods sur le continent.

Actuellement présente dans trois pays (Bénin, Côte d’Ivoire et Sénégal), la startup ambitionne progressivement couvrir tout le continent. Le Mali, le Cameroun et le Togo sont les prochains pays sur sa liste. Elle travaille aussi d’une part, à nouer différents partenariats pour étoffer sa gamme de biens et services offerts, et d’autre part, à développer un réseau de collecte de cash à travers divers points de vente. Selon Rania Belkahia, une des cofondatrices, l’objectif est de  capter 1% des flux circulant via Western Union.

Le fonctionnement

« Si par exemple 100 euros sont envoyés, cette somme sera allouée dans le réseau Afrimarket. Le consommateur peut ensuite aller dans un point de vente, effectuer ses achats, et lors de son passage en caisse, c’est le téléphone qui se substitue à la carte bancaire« , explique Rania Belkahia. « Et son authentification se fait grâce à un téléphone mobile classique : le marchand entre le montant de l’acheteur, son numéro de téléphone tandis que le consommateur entre un code PIN dans le terminal. « Si le compte du bénéficiaire est créditeur, le serveur appelle le téléphone du client qui émettra alors un son crypté qui sera entendu par le terminal. Cela permet de vérifier si le client est le bon et de rendre la transaction irrévocable« [4].

Fonctionnement et Technologie Afrimarket

La technologie

La technologie utilisée pour la sécurisation des transactions est celle du NSDT (Near Sound Data Transfer) développée par la société Tagattitude. Elle permet d’utiliser n’importe quel type de téléphone mobile (même les Feature phones) pour effectuer un paiement grâce à un échange de signal audio contenant des données cryptées avec un terminal approprié détenu par le marchand. Une technologie qui a déjà fait ses preuves dans plusieurs pays africains dont la Côte d’ivoire, le Mali, L’Afrique du Sud, etc.

… la future référence du transfert de fonds vers l’Afrique?

Bien qu’installée sur une niche à forte croissance (qui peut même devenir un vrai marché?), et offrant l’un des plus bas taux de transfert du marché (5%), Afrimarket ne représente actuellement pas une menace pour les mastodontes du transfert d’argent vers l’Afrique.  L’une des principales raisons du succès des leaders du marché est la taille de leur réseau de distribution.  Western Union et Money Gram ont su, grâce à des partenariats avec des banques, des postes, des petits commerces, etc., se rapprocher le plus possible des usagers.

Pour devenir un concurrent réel du duo du transfert d’argent sur le continent africain, la jeune startup devra donc multiplier les partenariats sur le continent africain, et faire adhérer un nombre très important de commerçants de proximité à son réseau.

Le futur d’Afrimarket pourrait aussi s’envisager dans un rachat par l’un des leaders du marché du transfert d’argent ou de la grande distribution en Afrique. Car, au vu de l’intérêt du concept, les acteurs traditionnels ne resteront certainement pas les bras croisés à observer la jeune startup leur grignoter des parts de marché.

Ismael Christian JEKINNOU

Profession de foi pour une rubrique entreprenante !

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Des idées, les entrepreneurs en ont souvent dix par minute. Là-dessus, l’Afrique n’est pas en reste. Le continent de l’informel abrite des dizaines de milliers d’entreprises, qui contribuent à la croissance économique et au développement, menées par des entrepreneurs désireux de changer le monde ou le regard porté sur leur pays, qui se débrouillent pour se faire financer et persévèrent pour faire fructifier leurs projets.  En somme, l’Afrique bouge et innove, et notre think-tank est bien décidé à le démontrer.

Dans cette nouvelle rubrique dédiée, l’Afrique des Idées souhaite explorer les différentes facettes de l’entrepreneuriat africain, confronter les idées et les tendances pour contribuer à faire émerger des idées innovantes. Dans le processus d’une pensée en construction, nous nous intéresserons à des acteurs très différents, pour décrire sans prétendre pour autant à l’exhaustivité, une réalité que nous savons d’avance complexe et différente dans chacun des pays du continent. Entrepreneurs bien sûr mais pas seulement : structures d’appui, politiques publiques, investisseurs, entrepreneurs sociaux, institutions mondiales, joint ventures… font aussi partie du paysage entrepreneurial africain. Il y aura de la matière, c’est sûr ! Nous nous attaquerons également à des sujets plus transverses, à des analyses plus poussées, pour par exemple discuter de la définition d’une PME en Afrique, du rôle de l’informel dans la création d’activité, ou encore de l’avenir de l’entrepreneuriat social sur le continent.

L’entrepreneuriat africain est en  effet pluriel, de plus en plus féminin et les entrepreneurs africains ne font pas forcément du business comme dans la Silicon Valley. Ils ont d’ailleurs des conceptions sociales et environnementales de l’entreprise que l’Europe ou les Etats-Unis redécouvrent avec béatitude. En plus de vous informer, nous essayerons de vous inspirer, de vous donner envie de suivre certaines entreprises, voire même, sait-on jamais, de les aider d’une manière ou d’une autre. Nous tâcherons de montrer le meilleur de l’entrepreneuriat africain, en analysant les faiblesses et les difficultés spécifiques au continent.

Plus que jamais, nous sommes ouverts aux tuyaux et autres suggestions, aux mises en contact et aux contributions irrégulières. Ici, on ne dira pas « Non » mais « Pourquoi pas ? ».

Rejoignez la team des Rédacteurs entreprenants !

Vous n’y connaissez rien aux affaires ? Tant mieux, vous découvrirez des perles rares loin des projecteurs. Vous êtes curieux ? Nous sommes bien partis pour nous entendre. Vous vous sentez trop idéaliste ou anticapitaliste pour parler d’entrepreneuriat? Qu’à cela ne tienne, vous vous épanouirez à interviewer tous les entrepreneurs sociaux d’Afrique et découvrirez une autre façon de penser l’activité lucrative. Vous avez une compétence particulière ou une connaissance spécifique sur un sujet donné ? Partagez cela avec nous. Vous avez un peu la tchatche et vous adorez refaire le monde ? Les entrepreneurs répondront encore plus volontiers à vos questions ! Si vous avez encore plein de questions, si vous hésitez encore à vous lancer dans l’aventure, écrivez un petit mail, ce sera l’occasion de faire connaissance : vera@terangaweb.com

La Rubrique Entrepreneuriat