Quelle approche pour une politique énergétique efficace en Afrique ?

Les énergies renouvelables ont le vent en poupe. Presque 300 milliards de dollars US ont été investis au cours de l’année 2015 dans le monde, soit autant que le produit intérieur brut de l’Egypte qui est la troisième économie du continent africain. En Afrique, les projets et initiatives fleurissent. Pourtant, ce relatif espoir ne lève pas les inquiétudes dans ce continent où le secteur de l’énergie connait une profonde crise avec un niveau de détresse élevé. Quelle approche choisir donc pour une politique énergétique efficace ?

Cet article s’inscrit dans le cadre de la préparation du Forum International sur le Green Business qui sera organisé à Pointe Noire du 17 au 19 mai 2016.

1. Insuffisance et inadéquation de l’offre

La problématique de l’accès à l’énergie, en Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud, est complexe et demeure entièrement posée. L’accès à l’électricité progresse dans les zones urbaines mais à un taux inférieur à la croissance exponentielle de la demande. Cette progression est encore moins significative en zone rurale tant le coût d’extension des réseaux est onéreux face au consentement à payer des bénéficiaires. Nous avons mis en exergue dans un article traitant du financement de l’accès à l’énergie en zone rurale la complexité de couverture de l’étendue des territoires nationaux ; obligeant les décideurs publics à se tourner de plus en plus vers des solutions de proximité.

Les rapports Africa Energy Outlook (2014) et Power Tariffs de la Banque Mondiale (2011) indiquent que la consommation d’électricité en Afrique est fortement axée sur les secteurs résidentiels et les services. Les pays dotés de ressources fossiles concentrent une quantité non négligeable de leur production d’énergie thermique pour les consommations de base et de pointe pendant que les pays les moins dotés exploitent des unités de production à faible rendement à des couts très élevés. Une subvention étatique est souvent nécessaire pour rendre utile l’énergie électrique aux usagers finaux conduisant à une adoption massive de la tarification progressive par tranches avec une forte subvention pour les tranches de première nécessité.

Loin de satisfaire les simples besoins de base, l’offre énergétique en Afrique subsaharienne est insuffisante pour le besoin industriel entravant par le même effet l’industrialisation du continent. L’absence des résultats malgré les importantes allocations des ressources via les subventions, laisse penser que les approches adoptées ne sont pas les mieux adaptées.

2. Absence de vision et d’innovation ?

En effet pour répondre à la problématique de la crise énergétique, l’Allemagne autrefois leader dans la production de modules photovoltaïques a développé un marché gigantesque de l’énergie solaire, malgré l’irradiation peu élevée comparée aux pays du Sud. La France, depuis le choc pétrolier des années 70 s’est tournée vers le nucléaire avec des géants tels que Alstom ou Areva. La Corée du Sud, principal fabricant de méthanier grâce à Samsung a un avantage comparatif très avancé dans les infrastructures gazières plaçant ainsi le pays comme le second importateur de gaz naturel liquéfié après le Japon. Ces Etats ont développé des politiques stratégiques efficaces qui leur ont permis, au délà des technologies adoptées de créer des valeurs ajoutées importantes capable de répondre à des considérations sociales et techniques (emploi, brevets, retour d’expérience) sur le moyen et le long terme.

Malheureusement, les Etats d’Afrique subsaharienne sont loin de ce compte. L’espace subsaharien n’a pas intégré toute la chaine de valeur du marché de l’énergie et très peu de technologies sont développées pour le marché régional et local. La plupart des pays sont de simples consommateurs dont les populations s’adaptent sans cesse aux produits importés (lampes de 100W répandus sur les marchés, régulateur de tension pour pallier aux baisses de tension, transformateurs 110/220V et vis-versa pour faire fonctionner les équipements US-Chine-Europe, etc…).

Par ailleurs des nombreux rapports mettent en exergue par exemple le coût très élevé de l’énergie non fournie pour cause des récurrents délestages ou de son indisponibilité dans les zones rurales. Les formes actuelles de substitut semblent peu économiques et moins durables compte tenu des externalités négatives sur l’environnement et la santé (fumée du pétrole lampant, bougie, charbon de bois…). Des alternatives plus durables telles que les pico PV prennent une place de plus en plus importante mais demeurent limités quant à l’usage. Malgré une baisse drastique du prix du watt-crête, les installations solaires sont couteuses car leur déploiement répond à une logique de hors-réseau.

La crise énergétique que connait l’Afrique subsaharienne est due à une absence de vision politique en la matière. La solution passe par la création d’un véritable marché intégré d’énergie grâce à la technologie et à l’innovation.

3. Pour une approche intégrée 

Pour que l’Afrique puisse résoudre sa crise énergétique, le développement du secteur se doit d’être intégré : intégré sur le plan technologique et social par le biais d’incubateurs, de centres de formation et de recherche et développement avant-gardiste des technologies du futur et créateurs d’emplois ; intégré sur les normes et règlementations car le continent ne peut continuer d’importer à foisons des produits souvent déclassés sous d’autres hémisphères.

L’avènement des nouvelles formes d’énergie offre une opportunité en terme de création de valeurs avec en prime une solution au chômage avec des corps de métiers allant de l’ingénierie, de la spécialisation environnementale et juridique, du génie civil aux manœuvres qualifiés. Les produits issus de cette révolution seront adaptés au marché local et régional et garantiront par des labels, un savoir-faire susceptible d’être exporté vers d’autres régions du monde où la question de l’énergie est loin d’être résolue.

4. Des solutions immédiates en attendant

Plusieurs sociétés en charge du secteur sont si endettées et non compétitives qu’elles ne sont pas en mesure d’attirer les financements octroyés. Au-delà des grandes réformes préconisées ci-hauts, des mesures concrètes sont pourtant à la portée des décideurs publics. Il s’agit entre autre d’instaurer des objectifs de performance périodique pour les dirigeants des sociétés étatiques en mettant en place par exemple des reports sur la quantité d’énergie fournie et la planification des délestages. Il s’agit également de restaurer l’image de ces sociétés par des campagnes de communication et de sensibilisation de tous les acteurs.

Grâce aux nouvelles technologies, les mécanismes de règlements des factures pourraient être simplifiés, les taux de recouvrement améliorés, le traitement des plaintes accélérés, les suggestions des usagers prises en compte. Grace à ces améliorations et en mettant en place un système de financement participatif via des banques populaires, les usagers eux-mêmes pourraient être incité à devenir actionnaires des leurs infrastructures énergétiques. 

Leomick SINSIN

Comment améliorer l’impact des IDE sur l’économie sénégalaise ?

Abstract business 3d  illustrationMalgré sa stabilité socio-politique et une position stratégique due à son accès à la mer faisant de lui une porte d’entrée privilégiée sur le continent africain et une destination sûre pour les investissements directs étrangers du fait des multiples opportunités qu’il peut offrir, le Sénégal peine à attirer les IDE comme le démontrent les chiffres. En effet, sur la dernière décennie, le flux d’IDE à destination du Sénégal s’est stabilisé autour d’une moyenne de 300 millions de dollars alors que dans des pays comparables comme la Mauritanie, ils sont passés de 101 millions de dollars en 2003 à 1126 millions de dollars en 2013[1].

Attirer les investissements étrangers est d’une importance capitale pour les autorités sénégalaises, qui misent sur le secteur privé (notamment étranger) pour atteindre les objectifs du Plan Sénégal Émergent (PSE), le nouveau cadre de gestion de la politique économique sénégalaise. En effet, une place de choix est accordée au secteur privé dans ce plan. Sur les 12 000 milliards nécessaires pour l’exécution de ce plan, les deux tiers devraient provenir du secteur privé. Ceci justifie les  efforts engagés par les autorités afin d’attirer davantage d’IDE, notamment à travers différentes réformes ; réformes qui ont permis au pays de gagner trois places au classement Doing Business de la Banque Mondiale, passant ainsi de la 156ème à la 153ème position sur les 189 pays classés. En dépit de ces efforts, l’investissement privé étranger durable ne semble pas suivre et cet engouement des autorités pour en attirer davantage suscite des interrogations quant à l’impact des IDE sur la croissance de l’économie sénégalaise mais aussi sur les stratégies mises en place pour attirer les IDE.

S’il est généralement admis sur la base de certaines études que les investissements directs étrangers peuvent entrainer la croissance économique (Seetanah et Khadaroo 2007), nombreux sont les analystes qui stipulent que la question du développement  n’est pas seulement économique mais aussi sociale car elle doit tenir compte des phénomènes environnementaux. Pour ces derniers, les investissements directs étrangers ne sont que sources de pollution pour les pays en voie de développement et ne constituent donc pas une source de développement harmonieux.

En s’inspirant du modèle de Solow[2], une analyse faite sur l'impact des IDE sur la situation socioéconomique du Sénégal[3] révèle que ces ressources, n’ont pas d’influence systématique sur la situation socio-économique du Sénégal. Deux raisons expliquent cette situation :

  •  les IDE entrant dans le pays sont faibles. En effet, le Sénégal perçoit par an en moyenne depuis 2012 au moins 300 millions de dollars au titre des IDE, un montant relativement faible comparé aux 1,2 milliard de dollars investi par l’État ou au 1,6 milliard de dollars en moyenne, perçu sur la même période par le pays au titre d’envoi des migrants ;
  •  une mauvaise orientation des IDE. L’essentiel des IDE entrants au Sénégal est investi dans le secteur secondaire et se concentre sur l’activité des entités existantes, ce qui ne se traduit pas en une amélioration systématique des performances de ce secteur ou en création d’emplois. De plus au Sénégal, la croissance économique est tirée principalement par le secteur tertiaire (65,3% du PIB en 2014)[4], alors que le secteur primaire, qui emploie 45% de la main d’œuvre[5] disponible  contribue très peu à la création de richesse. Le manque d’investissement dans ce secteur constitue donc un manque à gagner considérable pour l’économie sénégalaise.

Cependant, les résultats montrent qu’associés à d’autres facteurs (capital humain, taux d’ouverture…), les IDE ont un impact plutôt significatif sur la situation socio-économique du Sénégal.

Dans ce contexte, le défi majeur aujourd’hui pour le Sénégal n’est pas tant d’entreprendre des réformes pour améliorer l’environnement des affaires et d’avoir un meilleur classement au Doing Business, mais plutôt d’améliorer les facteurs internes pour maximiser l’impact des flux intrants.

D’abord, il faudrait réorienter les IDE vers les secteurs à forts potentiels mais  qui apparaissent sous exploités. Les secteurs porteurs de croissance souffrent d’une carence en investissement privé durable, comme c’est le cas du  secteur primaire, qui est pourtant celui qui absorbe la plus grande partie de la main d’œuvre disponible

Ensuite, il faudrait améliorer la qualité de la main d’œuvre. En effet, l’État doit rendre plus efficace les dépenses publiques destinées à l’éducation et  à la santé afin de renforcer les capacités des ressources humaines tout en recherchant une adéquation entre la formation et le marché du travail. Selon les résultats du recensement général de la population de et l’habitat  (RGPH) de 2013, à peine 1 actif sur 10 au Sénégal aurait bénéficié d’une formation professionnelle, situation qui ne favorise pas  l’attractivité du pays.

Enfin, mettre en œuvre une bonne politique d’ouverture du Sénégal qui peut lui permettre de profiter des effets des IDE à l’aune de la marche de l’émergence. Pour ce faire, il faut réussir la transition fiscale en adoptant une politique fiscale plus attractive et qui favorise le développement du secteur privé.

Dans une compétition ardue entre pays en développement se disputant le volume d’IDE disponible sur le marché international, les pays qui seront moins attrayant sur le plan du climat des affaires et de l’investissement subiront la loi de la concurrence.

Mais les efforts ne sont pas à faire seulement au niveau national et doivent s’étendre également au niveau régional. Ainsi, pour renforcer les IDE dans la zone CEDEAO, zone économique à laquelle appartient le Sénégal, afin d'en maximiser l'impact sur l'économie et améliorer les conditions de vie des populations, des efforts  en terme de politiques économiques et de mesures incitatives sont à faire. Entre autres, on peut en citer :

  • la mutualisation des efforts des agences de promotion des investissements ;
  • L’effectivité d’un marché commun de la sous-région ;
  • L’adoption du code communautaire d’investissement.

En définitif, il faut retenir que : i. les IDE seuls exercent une faible influence sur la croissance économique sénégalaise, mais associés à d’autres facteurs (capital humain, taux d’ouverture…), ils ont un impact plutôt significatif sur la situation socio-économique du Sénégal ; ii. les différentes politiques d'ouverture économique du Sénégal  n'ont pas eu les effets escompté sur l’attractivité des IDE. La nouvelle politique des autorités doit donc s'attacher à une mise en valeur des secteurs porteurs peut financer à l'état actuel afin d'assurer une réorientation des IDE, permettant ainsi d'accroître leur rentabilité et de positionner le Sénégal comme une terre d'opportunités.

Abdoulaye Diallo


[1] Données banque mondiale

[2] Le modele de Solow est basé sur 05 équations macroéconomiques à savoir : Une fonction de production ; Une fonction comptable sur la création d richesse ; Une fonction sur le capital ; Une fonction sur le facteur travail ; Une fonction d’épargne.

[3] Les résultats du modèle sont disponibles sur demande.

[4] Banque de France

[5] Banque mondiale

Septième édition du FIGB de Pointe Noire

CaptureL’Afrique des Idées poursuit son partenariat avec la Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture et des Métiers de Pointe-Noire et s’associe pleinement à l’organisation de la 7ème édition du Forum International Green Business (FIGB) qui se déroulera du 17 au 19 mai 2016 et dont le thème est : Comment l’innovation et la technologie peuvent-elles contribuer au développement de l’économie verte en Afrique Subsaharienne ?

Véritable cadre d’échanges d’idées et de bonnes pratiques, le FIGB est devenu le plus grand laboratoire de création et d’initiatives encourageant le développement de l’économie verte en Afrique.

Rassemblant plus de 500 participants venus des quatre coins du monde, cette édition abordera un thème capital à l’expansion de l’économie verte. A travers les nombreux ateliers et tables rondes, les participants grâce à leur expertise, contribueront à réfléchir à tous les aspects de cette problématique.

Comme lors des éditions précédentes, L’Afrique des Idées lance dès à présent une campagne de sensibilisation sur l’économie verte à travers la publication d’une série d’articles abordant différents aspects de cette thématique. Des sujets tels que la place de la RSE en Afrique, les défis et opportunités de financement du Green Business, les politiques énergétiques favorable à développement durable ainsi que les innovations au service de l’économie verte sont traités.


Vous pouvez suivre les actualités du FIGB et contacter les organisateurs sur:   http://www.figb-pnr.com/
Facebook : https://www.facebook.com/EconomieVerteAuCongoForumGreenBusiness
Twitter : @forumpointe
LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/cciampnr

Le développement du capital humain comme facteur de croissance économique et de progrès social : cas du Sénégal

Microsofts-education-project-in-Senegal.Sur des marchés où les biens, les services, les capitaux et les technologies circulent et s’échangent librement, les ressources humaines  constituent l’un des facteurs permettant de  marquer la différence entre les performances des pays. Dès lors, la politique éducative participe structurellement à la politique économique, car  elle contribue à déterminer l’avenir à moyen terme du pays. En d’autres termes, l’éducation permet l’accumulation du capital humain ce qui stimule la productivité du travail et accélère la croissance économique – le capital humain est un est un facteur important de la croissance endogène (Robert Lucas). Au Sénégal, même si le système éducatif est considéré comme l’un des meilleurs dans la sous-région ouest africaine, il reste encore beaucoup à faire pour le rendre performant. C’est ainsi que dans le cadre du Plan Sénégal Émergent (PSE), où des réformes structurelles sont entamées et s’étalent sur la durée, le gouvernement sénégalais a décidé de construire un système éducatif capable de répondre aux exigences de développement du pays en faisant de l’éducation un point clé de ce plan. Cet article se propose de revenir sur les réformes en cours pour améliorer la qualité du système éducatif au Sénégal.

1. Un système malade de ses précédentes réformes non abouties

Toute analyse exige d’abord un état des lieux du système éducatif sénégalais. Comme dans la plupart des pays africains francophones, celui-ci a peu progressé en dépit des efforts fournis par les différents gouvernements successifs. Le monde de l’enseignement et de l’éducation sénégalais souffre toujours d’un manque criant de moyens. Et les grèves incessantes des enseignants ou des étudiants dans le but de réclamer de meilleures conditions de travail n’ont rien donné : leurs situations demeurent inchangées.

A la surpopulation des amphithéâtres causée par un système d’orientation défaillant s’ajoute un manque d’infrastructures éducatives avec la vétusté des bâtiments universitaires, sans oublier les lycées et les collèges. Ces problèmes sont davantage accentués dans les régions éloignées de la capitale du pays, c’est-à-dire le Sénégal profond, à l’exemple de la région de Matam et de Tambacounda où le manque de professeurs et d’éducateurs est devenu un problème banal au fil des années. On y note aussi un faible taux d’alphabétisation, particulièrement chez les filles. Toute politique éducative ou réforme du système éducatif doit donc prendre en compte l’ensemble  des défaillances de celui-ci. Pour remédier, à tous ces problèmes, l’état sénégalais dans le cadre du PSE a mis en place le PAQUET, un programme de réforme du système éducatif.

2. Le Programme d'Amélioration de la Qualité, de l’Equité et de la Transparence (PAQUET)

Le PAQUET (2013-2025) est le programme mis en place dans le cadre du PSE afin d’améliorer le système éducatif et constituera le socle de la politique nationale en matière d’éducation et de formation   . Il a été élaboré avec la collaboration de nombreux acteurs du système éducatif, tel que le ministère de l’éducation nationale et les inspections académiques, mais aussi les collectivités locales, les organisations de la société civile, les syndicats d’enseignants ainsi que les partenaires techniques et financiers. Ce programme se décompose en différents points à savoir :

  • mettre en place un cycle fondamental d'éducation de base de 10 ans ;
  • éradiquer l'analphabétisme et promouvoir les langues nationales ;
  • développer une offre d’enseignement supérieur diversifié et de qualité ;
  • renforcer l’utilisation des TIC dans les enseignements (interconnexion des établissements d’enseignement supérieur) ;
  • développer une gouvernance efficace, efficiente et inclusive du système éducatif ;
  • promouvoir la formation professionnelle orientée vers le marché de l'emploi ;
  • etc.

Certains de ces points ont déjà plus ou moins été spécifiés dans une réforme précédente, le PDEF (Le Programme Décennal de l’Éducation et de la Formation), programme qui  devait à l’origine corriger les lacunes observées dans le système éducatif. Parmi ses objectifs figuraient notamment l’introduction de l’enseignement des langues nationales dans les programmes scolaires ainsi que la mise en place des Cases des Tout-petits, un nouveau modèle de prise en charge de la petite enfance. Ces éléments apportent certes un renouveau au système éducatif, mais ne règlent pas le fond du problème : à tous les niveaux, la qualité de l’éducation demeure hétérogène et reste un privilège réservé à une  certaine partie de la population. Or, dans un pays où le nombre d’habitants augmente 2,8 % par année et le nombre d’enfants en âge d’être scolarisé progresse de façon similaire, des dispositions ou précautions plus sérieuses doivent être prises.

Ainsi, afin de faire de la mise en œuvre du PAQUET un succès, les autorités sénégalaises doivent avant tout se concentrer sérieusement  sur l’accès à l’éducation. Ceci passe par la construction de nouvelles salles de classes, l’investissement dans la formation et le salaire des enseignants, la mise à disposition de matériel didactique et l’extension de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, partout sur le territoire – des mesures qui permettraient d’améliorer la gestion de l’enseignement et de renforcer sa qualité à tous les niveaux.

3. L’adaptation de l’enseignement supérieur aux besoins du marché du travail et le recours à la formation professionnelle et continue

Il faut noter qu’aujourd’hui le pourcentage des jeunes en situation de chômage de longue durée est de 74% pour les diplômés du supérieur, 52% chez les diplômés du secondaire, 62% pour ceux qui ont le niveau primaire et 41% pour ceux qui n’ont aucun niveau d’instruction d’après les chiffres du ministère de l’éducation

Par conséquent, le gouvernement doit, d’une part identifier le secteur clé et porteur d’emploi ainsi que les domaines– et d’autre part y créer ou implanter des pôles d’excellence afin d’adapter l’enseignement supérieur au besoin du marché. De plus, dans un monde où le marché de l’emploi est en perpétuelle progression, la formation professionnelle et continue doit occuper une place importante dans le système éducatif. Plus exactement, l’objectif doit être de former les étudiants et de les préparer à des situations professionnelles futures  à travers la mise en place d’enseignements spécifiques et ciblés ou adaptés au marché local et les secteurs vers lesquels se tournent le pays à travers les réformes structurelles engagées dans le PSE. En outre, la disponibilité de ces ressources humaines, à savoir les techniciens et ingénieurs locaux, favorise le recours aux nouvelles technologies, augmente l’employabilité des individus et améliore la productivité et la compétitivité des entreprises locales.

L’Université doit également être impliquée dans le domaine de l’entrepreneuriat ou de la création d’entreprise. Et cet aspect entrepreneuriat, qui est devenu crucial de nos jours avec la tension sur le marché de l’emploi, a été négligé dans le PAQUET. En effet aucun des axes du PAQUET ne fait référence à l’entrepreneuriat. Or, aujourd’hui, l’entrepreneuriat est considéré comme un important vecteur de croissance, et cela s’explique notamment par son incidence sur l’insertion professionnelle des jeunes et la création d’emplois. Ainsi , lorsque l’enseignement comporte  un  apprentissage  à  l’entreprenariat,  les  probabilités  de  création  de  nouvelles  entreprises  et  d’exercice   d’un   travail   indépendant   s’accroissent, tandis   que   les   récompenses   économiques   et   la   satisfaction personnelle des individus ayant créé leur entreprise augmentent (Kauffman Center Charney et Libecap, 2000) .

En définitive, le rôle joué par l’éducation dans les pays en développement est très important dans le processus de développement économique et social, et ce au même titre que l’amélioration de la productivité du travail, l’amélioration de la condition de santé et de nutrition, la réduction des disparités et des inégalités entre les différents groupes de la société notamment les inégalités liées au genre, les inégalités entre les riches et les pauvres ou encore  entre zones urbaines et rurales. Mais l’éducation, plus encore, est essentielle pour réduire les inégalités en accordant plus de chances aux groupes les plus vulnérables, renforcer la cohésion sociale et pour la construction d’une société plus démocratique. De façon objective, cet objectif est réaliste au Sénégal dans les deux décennies à venir, si sa réforme éducative (le PAQUET) est menée à bon escient. A l'inverse, elle resterait un travail de Sisyphe.

Hamidou Cissé

Innovative Africa for a better tomorrow

shutterstock_162828188Despite a decade of strong growth, Sub-Saharan Africa still faces a number of social and economic challenges. These range from access to education, off-the-grid electricity, clean water, job creation and public infrastructure. While there is no silver bullet, one word is inspiring millions – innovation.
 
Of course, innovation doesn’t just happen, it takes government will. In short, the region needs to reform its economic structures to make enterprise easier. The international community also has its part to play as do foreign governments and global bodies – one piece of the jigsaw is a fair deal on climate change.
 
The COP21 conference in Paris last year laid bare the dual threats to African economic growth in relation to global warming. The first is that by asking African countries to greatly reduce their carbon output, we are asking the region to compromise economic development.
 
Moreover, climate change is, and will continue to impact Africa disproportionately through flooding, drought and starvation.  It is the ultimate injustice that African development should be threatened in this way. Francois Holland said at COP21 that the world owes “…an ecological debt…” to Africa. Such vocal support was much needed and it just that the final COP21 deal states that developing countries are entitled to international support in the development of new technologies. If the international community meets these obligations, African innovators will stand a much greater chance of building sustainable businesses.
 
Young Africans overwhelmingly prefer to work for themselves than for an existing company. They are tech-savvy with high mobile phone penetration and the continent has a growing middle-class that is hungry for high-end products and services. COP21 also provided Africa with an opportunity to showcase home-grown technologies that provide new ways to bring clean water and energy to the poorest rural communities. Energy and water support one of the region’s most important industries – agriculture. It employs millions.
 
Organizations such as Gorta-Self Help Africa are supporting rural farming communities across sub-Saharan Africa, helping them to find new ways of yielding crops. These include developing drought tolerant crop varieties and ‘climate smart’ technologies that help to keep moisture in the soil. Home-grown innovations such as these reduce reliance on purchasing foreign technologies, they create jobs and help to create supply chains that are the building blocks of a diverse small and medium enterprises (SME) sector. The COP21 deal also mandates that developed countries pool capital in order to provide poorer nations with at least $100 billion per year by 2020.
 
It is within this context of international support that young innovators can realise their potential – and it is not confined to agriculture or the environment. Mobile money solutions have helped millions of unbanked Africans enter the banking system by enabling the transfer of funds or shopping through a simple mobile phone. In the healthcare sector, new technologies are being created that have a high social impact in the prevention and treatment of disease. Professor Lesley Erica Scott won the Innovation Prize for Africa’s ‘Special Prize for Innovation’ with the development of the Smartspot TBCheck – a device that is designed to assess whether or not machines used to diagnose TB function properly. This is a technology that will greatly aid accurate diagnosis and help to curb the TB epidemic in Africa.
 
The challenge for such innovators is often limited access to capital. A region of disparate economies and financial systems means that Sub-Saharan Africa does not have the capital markets needed to support entrepreneurs. However, some countries, such as Angola, are pushing ahead with economic reforms that include public-private partnerships. Angola has also launched a unique state-backed venture capital fund, FACRA, which acts as a conduit between growing Angolan businesses and foreign investors. Through FACRA, businesses and investors from developed countries have an opportunity to meet financially viable, growing Angolan enterprises – providing foreign firms with investment opportunities whilst creating a new pathway for Angolan entrepreneurs to reach the capital they need to grow.
 
As we look ahead to a year of economic uncertainty – where low oil prices and a slump in commodities are the new normal – Sub-Saharan African nations and the international community must push ahead and do everything possible to support African innovators. Capital markets must mature, banks must be liberalised, governments must find new ways of enabling innovation and the global community must continue to do its fair share.
 
Africa has what it takes to create a tomorrow that helps it to meet its climate change obligations and innovators that will go on to build robust, diverse economies. Economic growth and environmental responsibility are not mutually exclusive and in order to support economic growth, the world must unite so that African entrepreneurs can develop financially viable businesses that provide African solutions to African challenges.

 

This article was published for the first time by TEODORO DE JESUS XAVIER POULSON on the website of the World Bank.

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                   Rubrique Analyse Economique

Controlling inflation in the WAEMU

1000179_blogspot-quels-futurs-pour-la-politique-monetaire-et-la-croissance-economique-94771-1The need for coordination of economic policies in a monetary union is widely accepted, in order to adress various issues (inflation, debt, GDP, etc.), necessary to ensure the union viability. In a monetary union, macroeconomic targets can be managed according to its characteristics, whether by a specific authority (monetary authority or fiscal authority), or by two authorities. In the latter case, it performs the policy mix to handle the target. In this article based on a study[1] on the coordination of economic policy in the WAEMU, we are particularly interested in the control of inflation. For that aim, we will start by the analysis the inflation history in the area. After that, we will study the inflation determinants to finish by deducing the right policies to control inflation.

1. Inflation in the WAEMU : an overview

The chart below show the evolution of inflation in WAEMU between 1970 and 2015 except for Guinea-Bissau which joined the union in 1997.

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Source: Author based on the BCEAO data.

Three main periods can be noticed in the evolution of inflation WAEMU:

  • 1970-1994: This is the period before the birth of the WAEMU, characterized by a relative high volatility and significant amplitudes (from -15% to 30%);
  • 1994: At the approach of the WAEMU birth (in 1994), there is a convergence of inflation levels. However, the devaluation occurred in the same year has resulted in historically high inflation levels. We can also notice that Guinea-Bissau had the highest desynchronized inflation until its admission to the union in 1997;
  • 1994-2015: A clearer inflation convergence but sometimes there are inflation rate in double digits and negative inflation rate.

If the inflation was not stable over the time in the WAEMU, what are the factors behind the different variation during that period?

2. Inflation determinants in the WAEMU

The control of inflation within the WAEMU[2] is mainly entrusted to the Central Bank, BCEAO (Article 8 of the statutes) since countries independence (1962). At the birth of the economic union in 1994, governments have been associated in this management through the definition of convergence pact which imposed a maximum annual inflation rate of 3% in each member States (see Ouedraogo, November 2 2015, for details on the convergence pact criteria). The previous historical analysis clearly shows that inflation management remains difficult. Using an econometric approach to decompose inflation into short-term and long-term components, we inferred that the short-term component inherent to transitory items are most relevant to explain the inflation level. This explains the inflation volatility. This short-term component is affected by several shocks. On one hand, there are two common shocks in 1994 and 1987. The devaluation of the CFA franc in January 1994 led to higher prices (imported inflation) in all countries. The 1987 shock is attributable to the fall in the price of oil which has affected domestic prices. On the other hand, there are many idiosyncratic shocks (which affect a specific country). These idiosyncratic shocks are due to political instability (for example forced introduction in 1990 of multiparty politics in Cote d’Ivoire or military coup in 2003 which led to lower demand components in Guinea-Bissau), climate shocks in Benin (1985), in Burkina Faso (1976), in Mali (1992), in Niger (1991) or in Togo (1984). We can also notice that these idiosyncratic shocks have the most significant effects. In addition, inflation in the WAEMU is mainly determined by idiosyncratic shocks.

3. What is the appropriate policy to control inflation in the WAEMU?

The WAEMU inflation was initially managed by the BCEAO and in a second time by the policy mix since the birth of the economic union. Both management practices do not appear to have allowed inflation full control. Indeed, non-monetary origin of inflation is inferred in the literature. An article previously published (Ouedraogo, June 29, 2015) allowed to show the monetary transmission difficulties in the WAEMU and the marginal influence of monetary policy on economic activity. Inflation mostly explained by idiosyncratic shocks, so its control by a single and common tool is not efficient. That is why the period 1970-1994 was marked by significant levels of inflation and high volatility. If any shock affects and destabilizes a member State’s inflation, it is difficult for the BCEAO to change its monetary policy to only stabilize this inflation. This policy could destabilize inflation in other countries. It is the result of policy failures during the period 1970-1994. The policy mix does not seem very effective because it alternates periods of high inflation and disinflation since the BCEAO remains the main actor in inflation managing. It only remains the control of inflation by the governments. This management seems most efficient. Indeed, if inflation is mainly due to specific shocks, it should be handled with the domestic (national) tools that will respond quickly and efficiently. However, to ensure harmony within the union, the national management should be coordinated through the definition of an optimal threshold to be necessarily met by member States.

The proper control of inflation is necessary in a monetary union because inflation can influence other macroeconomic targets. High inflation may slow economic growth and deteriorate employment. Similarly a persistent negative inflation rates may lead to deflationary spiral that will lead to negative effects on growth and employment. This article shows that inflation should be managed by governments in the WAEMU because it is inherent to idiosyncratic items. Coordination of fiscal policies in order to ensure similar levels of inflation is also recommended. Furthermore, it should be noted that despite all these facts, the WAEMU area remains the most homogeneous area in Central and Western Africa.

                                                                                                                                                        Daniel E. T. Ouedraogo


[1] Proofs are available upon request from the author (daniel.ouedraogo@dauphine.fr).

[2] The Monetary Union (WAMU) preceded the Economic Union (WAEMU).

Gouvernance et adaptation au changement climatique : rôles et enjeux pour les pays africains

chaIl est admis aujourd’hui que les risques liés au changement climatique constituent une menace sérieuse pour nos sociétés. C’est dans cette optique, que le concept de gouvernance climatique est apparu dans le jargon des experts climatiques. Gouverner le climat ? Cette question peut laisser doublement perplexe. Sur l’objet comme sur l’action ou le verbe qui s’appliquent à cet objet. Pour quelles raisons ? Par quel processus historique ? Selon quelles modalités ? L’objet climat relevant d’abord de la géographie, ensuite des sciences physiques et atmosphériques, est-il devenu un objet de gouvernance à la fin du XX ° siècle ? Mais le climat est-il gouvernable ? Alors que circulent chaque jour sur nos écrans des images de tornades, d’inondations et de dérèglements extrêmes en divers points de la planète.

En effet, la gouvernance s’applique à plusieurs niveaux. Et on peut retenir trois dimensions. Une dimension internationale, nationale ou régionale avant d’avoir une dimension locale. On parle de gouvernance locale, gouvernance territoriale, gouvernance d’entreprise, de l’emploi et mondiale. En plus, le mot gouvernance vient du latin « gubernare » qui traduit gouverné, piloter un navire. Il s’agit donc de l’art ou de la manière de gouverner, en favorisant un modèle de gestion des affaires. Selon Jacques Theys la gouvernance est : « une conception managériale des systèmes publiques et il s’agit essentiellement de trouver des solutions pragmatiques à des défaillances de marchés ou à des défaillances d’intervention publique » (Theys, 2002).

L’objectif de cet article est de déterminer les enjeux climatiques en Afrique et le rôle des Etats africains dans la gouvernance climatique mondiale.

Tout d’abord, l’Afrique est un continent qui consomme peu d’énergie avec 621 millions d’individus n’ayant pas accès à l’électricité. Ensuite, d’un pays à l’autre, les différences sont considérables. Par exemple en RDC l’accès à l’électricité est de 16%, 53% au Botswana et 85% en Afrique du Sud. C’est d’ailleurs en Afrique Subsaharienne, hormis l’Afrique du sud, que la consommation s’élève à hauteur de 139 milliards de KWH avec une population de 860 millions d’habitants, bien moins que l’Espagne qui consomme 243 milliards de KWH avec une population de 47 millions d’habitants (Le Monde, 2016). Ainsi, un tanzanien par exemple, mettra huit ans à consommer autant d’énergie qu’un américain en un mois. Par ailleurs, en Grande Bretagne une bouilloire utilisée par une famille consomme cinq fois plus d’électricité que la consommation moyenne annuelle d’un malien.

 

Cependant, si l’Afrique est le continent qui contribue le moins au réchauffement climatique à l’échelle mondiale, 4 % contre 15 % pour les États-Unis, et 26 % pour la Chine, il faut dire qu’elle subit de plein fouet les effets du changement climatique avec la multiplicité sur ces dernières années d’inondations et de sécheresses sur le continent. Il est donc urgent d’agir pour s’adapter au changement climatique sachant qu’une hausse des températures de deux degrés pourrait occasionner une baisse de la productivité agricole, jusqu’à moins 20 % en 2050 ce qui aggraverait la crise alimentaire. Cette adaptation doit être à la fois politique et environnementale pour se prémunir des risques majeurs du changement climatique. En effet, la définition de l’adaptation des systèmes humains au changement climatique la plus communément utilisée est celle du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), à savoir une « démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences, de manière à en atténuer les effets préjudiciables et à en exploiter les effets bénéfiques ». Cette définition fait référence aussi bien aux conditions climatiques actuelles que futures, et considère tant les changements climatiques d’origine naturelle que ceux anthropiques.

L’Afrique a-t-elle les moyens de s’adapter et de gouverner les risques climatiques ?

Selon l’ONU, le coût d’adaptation de l’Afrique au changement climatique s’élève à 45 millions d’euros par an d’ici 2050. La question de la finance climatique des pays du Nord au bénéfice des pays du sud était un des enjeux de la COP21. En effet, un fond de soutien permettrait de trouver par exemple des alternatives au charbon de bois qui est très utilisé en Afrique, 4 africains sur 5 en utilisent pour la cuisine.  Les conséquences de cette utilisation sont écologiques mais aussi sanitaires. Chaque année, 600.000 africains meurent de l’inhalation de ce combustible, c’est presque autant que le paludisme et autant que le VIH.  Les énergies renouvelables sont une nouvelle alternative, c’est pour cela que de plus en plus de pays africains misent sur les énergies vertes. C’est ainsi qu’un pays comme l’Ethiopie a décidé de développer les énergies renouvelables de manière à réduire les risques climatiques.

Résoudre les problèmes liés au changement climatique, c’est aussi initier une gouvernance à l’échelle mondiale et locale qui permettra de trouver des solutions adaptées aux risques climatiques. Quel est le rôle de l’Afrique dans la gouvernance climatique mondiale ? La conférence de Paris sur le climat en décembre 2015 a démontré une nouvelle fois encore, la place dérisoire du continent africain dans les différents enjeux de négociations autour du climat. Ceci peut s’expliquer par le fait que pour les pays africains, le principal objectif est le développement économique. Mais, un développement économique sans préoccupations environnementales, est-il soutenable ?  La question du changement climatique est donc considérée comme aspect secondaire dans la hiérarchie des besoins en Afrique. Assez pour qu’on ne retienne qu’un seul point sur les différentes préoccupations climatiques africaines, l’aide aux pays pauvres pour s’adapter au changement climatique et réallouer 1000 milliards de dollars d’investissements privés vers l’économie de bas carbone.

Tout compte fait, le continent africain reste fragile face aux différentes menaces liées au changement climatique. Même si d’importantes initiatives autour d’une économie verte s’érigent dans certains pays qui sont en avance dans les politiques énergétiques comme le Maroc avec le plus grand parc solaire mondial. Il faudra également faire un travail au niveau local. Pour propulser une véritable dynamique dans la lutte contre les changements environnementaux. Et cela commence par une émancipation des consciences citoyennes locales et régionales. Cette vulgarisation des consciences citoyennes écologiques en vers la nature permettra une meilleure considération des préoccupations environnementales dans les préoccupations africaines. Cela ouvrira la voie à une meilleure valorisation des initiatives locales et régionales africaines dans l’élaboration des programmes environnementaux à l’échelle mondiale. Car jusqu’ici l’influence de l’Afrique dans cette géopolitique climatique est très limitée.  

Quel est l’état de l’intégration en Afrique ?

drapeau-union-africaineAprès la 2ème guerre mondiale, les États africains en revendiquant leur souveraineté politique, économique et culturelle développent un nationalisme[1] virulent fondé sur le mythe dit de « l’autosuffisance[2] ». Soutenu entre autres par les tiers-mondistes du développement autocentré, il est considéré tout d’abord comme un facteur positif contribuant à l’unité des peuples, mais aussi comme une théorie du développement et de la croissance économiques dans un monde volatile, instable et non sécuritaire (Boulanger, 2002). L’essor de la mondialisation et du régionalisme à la fin des années 1980 le présente plutôt comme un élément redoutable de dissociation. Le nationalisme se dresse ainsi en obstacle[3] à l’intégration[4] qui elle permettrait d’amorcer un véritable processus de développement économique. En soulignant l’incapacité de la communauté internationale à créer des conditions favorables au développement de l’Afrique, René Kouassi affirme lors du 10ème anniversaire de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1973 que l’Afrique doit d’abord pouvoir compter sur elle-même. D’où l’importance de la solidarité africaine mise en avant comme fondement de l’intégration lors de l’entrée en vigueur du Traité d’Abuja – instituant la Communauté Économique Africaine (CEA) en 1994 – et plus récemment lors de la création de l’Union Africaine (UA) en 2003.

Principal objectif des États africains depuis les indépendances, l’intégration régionale que l’UA doit renforcer et accélérer permettra à l’Afrique de jouer le rôle qui lui revient dans l’économie mondiale tout en faisant face par la mutualisation de ses capacités, de ses ressources et par la mobilisation des énergies aux problèmes économiques et sociaux multiformes aggravés par les effets négatifs de la mondialisation. Ainsi, d’un point de vue théorique, l’intégration régionale en Afrique est supposée apporter des avantages économiques et sociaux plus larges. Plus particulièrement, elle est supposée générer, sur les fondamentaux des économies, des effets :

  • Statiques : création d’opportunités commerciales, intensification des échanges intra zones, baisse des prix des produits originaires, modification de la structure des recettes fiscales, etc.
  • Dynamiques : économies d’échelle, meilleures dotations factorielles, opportunités d’emploi, emprunt[5] de capitaux à des taux d’intérêt concessionnels, suppression des monopoles locaux existants, augmentation des IDE, convergence économique réelle, stratégie essentielle pour la solution des problèmes d’instabilité politique, etc.

Dans le souci de réaliser son objectif d’intégration et de mettre en place un ordre socioéconomique, l’Afrique s’est définie un modèle de développement basé sur l’intensification de la coopération régionale et sous régionale. Plusieurs programmes et instruments conséquents se sont alors succédés du Plan d’action de Lagos au Programme Minimal d’Intégration en passant par le NEPAD[6] pour ne citer que ceux-là.

Le processus d’intégration prévoyait que la CEA soit mise en place en 6 étapes[7] et, conformément au traité d’Abuja, les États membres de l’UA devaient prioritairement s’efforcer de renforcer les Communautés économiques régionales en y assurant la coordination, l’harmonisation et l’intégration progressive de leurs activités. Actuellement, la CEA se trouve à la 3ème étape, celle de la mise en place d’une zone de libre-échange et d’une union douanière au sein de chaque bloc régional exigeant la mise en place d’un tarif extérieur commun (TEC). A ces jours, certaines CER s’efforcent toujours de mettre en place leurs zones de libre-échange, tandis que d’autres sont partiellement des zones de libre-échange ou partiellement des unions douanières. Les progrès dans ce domaine varient considérablement selon les régions. Si le COMESA et la CAE ont lancé leurs unions douanières avec succès (CUA, 2011), les progrès de la CEN-SAD et de l’IGAD sont au point mort. Ils avancent lentement pour la CEDEAO et, la CEEAC et la SADC en sont encore à une étape préliminaire. Toutefois, les échanges entre pays ont connu dans l’ensemble une croissance plus rapide en Afrique que dans les pays développés et dans les autres pays en développement avec une progression à un rythme soutenu de 8,2 % par an depuis 1996 (CUA, 2011). Il faut de même souligner que ces échanges sont plus élevés dans les CER à pays non-exportateurs de combustibles que dans les CER à pays exportateurs de combustibles. En dépit de ces avancées, ce niveau reste faible pour créer des emplois,  stimuler l’investissement et encourager la croissance en Afrique.

D’autres progrès[8] ont été faits par les CER notamment en ce qui concerne les infrastructures, la gestion de l’énergie et de l’eau, la santé, la libre circulation des personnes, la promotion de la paix et de la sécurité, l’agriculture et la sécurité alimentaire, les transactions financières, la convertibilité des monnaies, etc. Toutefois l’approche pratique de l’intégration africaine diffère de ce qui a été pensé et synthétisé dans les protocoles d’accord. On note d’une part un retard par rapport au calendrier pré défini et d’autre part une incohérence dans le processus d’intégration. À titre illustratif, la CEEAC consent des efforts importants en vue de l’harmonisation, de la coordination des politiques économiques et de sa transformation en une zone monétaire unique ; mais dans cette CER, l’union douanière, la libre circulation des personnes et le marché commun sont encore loin d’être réalisés.

L’exemple africain montre qu’en réalité certaines CER sont plus proches de l’union économique et monétaire, même si elles n’ont pas encore réalisé l’union douanière ou le marché commun. Contrairement aux attentes, il n’y a donc eu que peu d’avancées significatives dans le processus d’intégration en Afrique. Malgré les améliorations dans certaines CER, la création de la CEA reste fortement entravée par les conflits, les défis relatifs à la gouvernance,et par le trop grand nationalisme – juridique, politique et économique – des États. En effet, nonobstant la signature des traités, on note toujours une absence de mise en œuvre des protocoles par certains États membres et, les textes internes à chaque pays expriment toujours un repli sur soi. Les rivalités stratégiques entre pays perdurent  avec les États économiquement plus avancés voulant imposer un certain nombre de choses aux autres.  Les déséquilibres économiques et sociaux entre pays[9], les priorités différentes en matière d’intégration sous régionale[10], la faible industrialisation, la xénophobie et la persistance des barrières tarifaires et non tarifaires, sont autant d’autres éléments qui freinent l’intégration sous régionale et régionale.

Pourtant, les économies africaines sont plus intégrées et ouvertes aux pays occidentaux, américains ou asiatiques. Ce qui ne leur est pas profitable puisqu’ils ne sont pas suffisamment efficaces pour affronter la concurrence étrangère. Enfin, malgré le principe de rationalisation[11] des CER adopté par l’Union Africaine en 2006, on constate toujours la coexistence de plusieurs communautés économiques et l’appartenance  des États à plusieurs CER dans une même région. Cette situation est un handicap pour l’intégration dans la mesure où ces CER ont recours aux mêmes partenaires pour le financement des projets similaires et que leurs programmes se chevauchent. À titre illustratif, la CAE est déjà un marché commun qui a cependant quatre États membres en commun avec le COMESA et un en commun avec la SADC. Cinq États membres de la SADC sont membres de l’union douanière d’Afrique australe (SACU). Dix pays de la région appartiennent déjà à des unions douanières mais sont toutes engagées dans des négociations visant à créer des unions douanières différentes de celle dont elles sont actuellement membres.

En somme, beaucoup de progrès restent encore à faire pour aboutir à une Afrique à la fois efficace et influente par l’intégration. Il devient donc impératif de promouvoir le développement d’une intelligence politique[12], économique[13], sociale, scientifique, technologique, ainsi que le développement d’une culture humaine de l’intégration plus perspicaces et plus actives et des espaces communs d’action pour l’industrialisation pour réussir le processus d’intégration en Afrique.

Claudine Aline Zobo


[1] Principe politique né à la fin du 18ème siècle et qui met l’accent sur le contrôle interne de l’économie.

[2] Chacun revendique ses industries nationales et la couverture de ses besoins vivriers par l’offre nationale.

[3] Le nationalisme africain est considéré comme un facteur de promotion de l’autarcie; de la guerre militaire et/ou commerciale; de la richesse de l’État au détriment du bien-être individuel et des libertés fondamentales; du collectivisme et du totalitarisme; du protectionnisme et du contrôle du commerce extérieur (Eric Boulanger, 2002).

[4] L’intégration économique dont il sera question dans cette note est définie par Jacques Pelkmans comme étant la suppression des frontières économiques entre pays

[5] Les liquidités des marchés de capitaux élargis augmentent et la diversification qui en résulte réduit les risques qui accompagnent les investissements intensifs.

[6] Instrument de planification du développement chargé de mobiliser les fonds pour la réalisation des projets continentaux ou régionaux.

[7] i: (qui doit s’achever en 1999) Création de blocs dans les régions qui n’en ont pas encore ; ii: (qui doit s’achever en 2007) Renforcement de l’intégration à l’intérieur des CER et harmonisation entre les CER ;  iii: (qui doit s’achever en 2017) Mise en place d’une Zone de Libre échange et d’une Union Douanière au sein de chacun des blocs régionaux ; iv: (qui doit s’achever en 2019) Coordination et  harmonisation des systèmes tarifaires et non tarifaires au sein des CER en vue de la mise en place d’une zone de libre échange, devant déboucher sur une union douanière continentale ;  v. Cinquième étape : (qui doit s’achever en 2023) Création d’un Marché Commun Continental Africain MCA) ; vi: (qui doit s’achever en 2028) Mise en place d’une Union Économique et Monétaire continentale et d’un Parlement.

[8] Pour une présentation plus détaillée de ceux-ci, voir le rapport de la CUA « Etat de l’intégration en Afrique ».

[9] Certains pays sont très endettés tandis que d’autres souffrent de déstabilisation sécuritaire, d’absence de démocratie, d’épidémies, etc.

[10] Paix et sécurité pour la CEEAC, le développement et la croissance pour la SADC, intégration économique pour la CEDEAO, etc.

[11] Par ce principe, l’Union Africaine a officiellement réduit le nombre des CER de 15 à 8.

[12] Capacités des autorités à gérer les situations globales de leurs pays pour le bien être des peuples.

[13] Capacité de produire ensemble des richesses, de les vendre, de les consommer ou de les faire consommer dans le cadre de l’économie de marché.

Votre pays est-il un état fragile ?

???????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????Le Nigeria et le Cameroun, sont-ils des états fragiles ? Que dire du Malawi ou du Kenya sur le même sujet ? Cet article se propose de revenir sur l’expression « état fragile » utilisée pour caractériser certains pays afin de  mieux appréhender les enjeux auxquels font face ces derniers.

Un concept difficile à cerner !

Le mot « fragile » est défini dans le dictionnaire de langue française comme «quelque chose qui se brise facilement, quelque chose qui est précaire ». Il est donc aisé de dire d’un œuf ou de la porcelaine qu’ils sont fragiles. Mais quand il s’agit de faire référence à ce mot pour qualifier un pays, cela devient plus complexe. En effet, si l’expression « état fragile » est utilisée pour désigner certains pays, il faut dire qu’il est aujourd’hui très difficile d’établir une liste concrète d’états fragiles. Cette complexité provient du fait qu’il est aujourd’hui difficile de définir avec exactitude l’expression « état fragile ». Pour y voir un peu plus clair sur le sujet, commençons par regarder de près ce qu’on peut considérer comme un état stable ou non fragile.

La stabilité d’un pays fait généralement référence à l’absence de conflit armée sur son sol, une situation politique calme, apaisée et inclusive. Économiquement, un état stable se caractérise par une croissance durable et inclusive. C’est aussi un état qui dispose d’institutions solides, qui pratique la bonne gouvernance, un état où les règles démocratiques sont respectées, où il existe la liberté de la presse, où les minorités sont représentées à tous les niveaux de la société. Au vu de ces critères, un état fragile peut être considéré comme un état qui ne présente pas les caractéristiques d’un état non fragile. Selon l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), « une région ou un état fragile a une faible capacité à exercer des fonctions de base de la gouvernance, et n'a pas la capacité de développer des relations mutuellement constructives avec la société. Les régions ou États fragiles sont également plus vulnérables aux chocs internes ou externes tels que la crise économique ou les catastrophes naturelles. En revanche, les états plus résistants présentent la capacité et la légitimité pour gouverner une population et son territoire. »

Si un consensus général se dégage sur les aspects politiques, économiques et sociaux caractérisant les états fragiles, il faut souligner également que certaines variables permettent parfois de prédire le risque que court un pays de devenir un état fragile.

Fragilité : une approche universelle pour traiter des sources très diverses !

Dans son rapport intitulé État de fragilité 2015, l’OCDE distingue cinq dimensions principales qui caractérisent la fragilité d’un état : la violence, la justice, les institutions, les fondements économiques, et la résilience.  Les cinq dimensions de la fragilité proposées révèlent des profils de vulnérabilité différents. En effet, d’après l’OCDE, il faut aborder la fragilité selon une approche plus universelle, qui n’enferme pas les états fragiles dans une seule et même catégorie, mais repose au contraire sur des mesures rendant compte des diverses facettes du risque et de la vulnérabilité surtout dans la période post-2015 marquée par les Objectifs de Développement Durable (ODD). Utilisant un diagramme de Ven regroupant les cinq dimensions de la fragilité évoquées plus haut, l’OCDE conclut qu’une approche universelle pour appréhender la fragilité présente de multiples avantages. Elle peut faciliter la détermination des priorités en faisant apparaître les pays qui sont vulnérables à des risques spécifiques et qui sont susceptibles de perdre des acquis du développement ; elle peut éclairer les priorités de la communauté internationale afin de réduire conjointement la fragilité ; elle peut continuer d’axer les efforts sur la réalisation de progrès dans les situations de pauvreté et de fragilité extrêmes. Une approche par groupe remédie en outre à certains des inconvénients d’une liste unique d’États fragiles. Par exemple, les pays eux-mêmes ne voient pas toujours l’intérêt d’être inscrits sur la liste. Un indicateur unique peut en outre passer à côté de risques importants qui interagissent avec la faiblesse des institutions et la fragilité, comme le changement climatique, les risques de pandémie et le crime organisé transnational.

Quel état est donc considéré comme fragile ?

Le rapport de l’OCDE sur l’état de fragilité en 2015 identifie 28 pays africains. On retrouve évidemment dans cette liste des pays comme le Mali, la République Centrafricaine, la République Démocratique du Congo, la Somalie, pays marqués par de l’instabilité politique et des conflits armés auxquels il faut ajouter une situation économique difficile. On y retrouve également des pays comme le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Nigeria, le Rwanda ou encore le Togo. Le Nigéria, à cause des tensions communautaires entre le Nord et le Sud, de la violence sur son sol avec le groupe terroriste Boko Haram ainsi que des institutions minées par la corruption, le Rwanda à cause de l’exposition et de la vulnérabilité du pays aux phénomènes extrêmes liés au climat et à d’autres chocs et catastrophes d’ordre économique, social et environnemental, le Togo à cause d’un système judiciaire ne respectant pas encore les standards et des fondements économiques encore à bâtir et à consolider.

D’autres organisations multilatérales comme la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développent et la Banque Asiatique de Développement se sont également penchées sur le sujet. Ces dernières ont développé une liste harmonisée d’états fragiles qui est révisée chaque année. D’après la liste harmonisée de ces trois institutions, un pays est considéré comme fragile s’il a une moyenne des scores de l’évaluation de la politique et des institutions nationales (CPIA) des trois organisations inférieure ou égale à 3,2 et/ou s’il y a eu la présence d'une mission régionale et/ou des Nations Unies de maintien ou de consolidation de la paix au cours des trois dernières années sur son territoire. Ainsi pour le compte de l’année 2015, le Burundi, le Tchad, le Madagascar sont considérés comme des états fragiles conformément à la liste de l’OCDE. Par contre, avec le classement de la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développent et la Banque Asiatique de Développement, le Cameroun, le Nigeria, le Kenya par exemple ne figurent plus parmi les états fragiles.

Fragile ou pas, les défis restent les mêmes !

Si le consensus n’est pas définitif sur la classification des états fragiles, beaucoup de pays restent marquer par l’instabilité politique et les conflits armés, la mauvaise gouvernance, les tensions communautaires et font maintenant face au risque climatique. Le chômage, les inégalités , la pauvreté, l’exclusion sont autant de sources de fragilité dans un pays .La fragilité est aujourd’hui une question importante pour la communauté internationale, raison pour laquelle celle-ci en a fait un des objectifs de développement durable à travers son objectif 16, qui est de « Promouvoir des sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable, l'accès à la justice pour tous et bâtir des institutions efficaces, responsables et inclusives à tous les niveaux », en vue de relever ce défi. Si une vingtaine d’états fragiles dont la Guinée-Bissau, le Libéria, le Togo, ont effectué des progrès en atteignant une ou plusieurs cibles des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), les États fragiles sont restés tout de même à la traîne dans l’atteinte des OMD pour l'ensemble des 8 objectifs. En moyenne, les États fragiles ont affiché un retard de 18% par rapport aux états non fragiles en ce qui concerne le nombre de pays ayant atteint chacune des cibles des OMD.  Par conséquent, les états fragiles doivent s’atteler à relever les défis de la sécurité et de la stabilité politique, de la bonne gouvernance, de l’inclusion, de la résilience et construire des institutions fortes. Dans le même temps, les états stables ou non fragiles doivent, quant à eux, continuer de maintenir le cap de la bonne gouvernance, de la sécurité, de l’inclusion et de la résilience.

L’intégration financière en Afrique: encore un long chemin à parcourir!

mf2L’intégration financière désigne l’ensemble des processus liant les marchés financiers d’un pays à ceux d’autres pays de la même région ou de reste du monde.  Le fonctionnement optimal des marchés financiers est la condition préalable à l’accroissement des échanges, à la répartition efficace des facteurs de production et à la diversification du risque.  Sur le continent africain, le marché des capitaux souffre pour l’heure d’un manque de liquidité et d’une faible capitalisation. De plus, la vision à court terme qui prévaut en matière d’instruments financiers et de financement bancaire nuit à la stabilisation du marché financier continental. En outre, le manque d’intégration des marchés financiers ne permet pas aux autorités bancaires régionales de disposer d’instruments de politiques monétaire et budgétaire efficaces de régulation des marchés.

S’il est admis que les marchés financiers contribuent positivement à la croissance économique comme le montre les travaux de Rousseau et Sylla (2001), ils restent encore très peu développés en Afrique. Pour y remédier, les communautés économiques régionales (CER) en Afrique ont ainsi fait de la consolidation des marchés financiers et de la mise en commun des ressources financières le fer de lance de leur action. Dans le cadre d’un marché régional africain parfaitement intégré, les réseaux bancaires nationaux et les places boursières seraient constamment interconnectés, ce qui favoriserait une meilleure allocation régionale du crédit et de l’épargne en faveur des investissements les plus performants. Cela suppose un desserrement des contraintes liées à la libre circulation des capitaux ainsi qu’une harmonisation des règles financières et fiscales au sein d’un même sous-groupe régional. Une telle intégration permettrait aux pays africains  les moins compétitifs d’accéder aux marchés financiers des communautés économiques régionales et de financer leur développement économique.

Lors de la conférence “Réussir l’intégration financière de l’Afrique” organisée par la Banque de France  en mai 2014, Ronald Mc Kinnon a souligné la volatilité des mouvements de capitaux récemment investis dans les pays émergents. Cette volatilité peut fragiliser les états africains particulièrement sensibles à l’évolution du niveau général des prix des matières premières.

Pour Richard Agenor, chercheur associé à l’Université de Manchester, le principal enjeu de l’intégration financière de l’Afrique est de parvenir à faire converger les économies régionales afin de permettre une mobilisation de l’épargne internationale vers des investissements de développement économique.  En palliant à l’insuffisance de l’épargne interne,  l’intégration financière permettra de rendre plus efficace l’allocation des financements et de renforcer le cadre de l’accès aux services financiers.

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Dans ce contexte le développement des banques transfrontières incitera à une meilleure coordination des superviseurs ainsi qu’à une plus grande convergence des règlementations financières. Le renforcement des cadres règlementaires régionaux et nationaux reposera sur une modernisation structurelle et le développement des innovations financières telles que la finance islamique, la microfinance ou le mobile banking.

La Bourse régionale des Valeurs Mobilières: un pas vers l’intégration financière de l’Afrique ?

On dénombre aujourd’hui plus de vingt bourses des valeurs sur le continent africain. La région ouest-africaine fait d’ailleurs figure de pionnière avec la création de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) constituée de huit pays d’Afrique de l’Ouest. Ces groupements permettent aux places boursières africaines d’atteindre une masse de flux financiers importants et d’attirer les investissements privés tout en gagnant en visibilité sur le marché financier mondial. En outre, une telle fusion pose les jalons pour la mise en place d’une Autorité de régulation boursière régionale et ainsi une harmonisation de la règlementation en matière de cotation et d’échanges.

Plusieurs pays – dont le Botswana, le Ghana et le Nigeria – se sont ainsi engagés dans la voie des privatisations d’entreprises publiques et des reformes structurelles afin de stimuler leurs marchés boursiers. L’étude publiée par Magnusson et Wydick en 2002 démontrait  ainsi, grâce à une analyse économétrique portant sur l’incidence des prix sur les données disponibles relatives aux entreprises et à l’environnement financier, que l’efficacité des marchés financiers du Nigeria et du Botswana est actuellement comparable à celles des pays émergents d’Asie et d’Amérique latine.

Par ailleurs, parallèlement à la performance de la bourse sud-africaine qui se classe au premier rang en Afrique en terme de capitalisation de montant des échanges et de nombre de sociétés cotées[1], la BRVM créée à Abidjan en 1998 permet aux États membres (Benin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) et aux opérateurs étrangers d’échanger des titres financiers. Cette place boursière permet aussi la cotation des entreprises transfrontalières.  En effet, il faudrait dans les années à venir multiplier les cotations croisées permettant aux États membres de multiplier les cotations multilatérales au sein d’une même CER sans toutefois renoncer aux organismes de régulation nationaux.  Grâce aux cotations croisées, des introductions en bourse hors du cadre strict des frontières nationales seraient possibles. De même, les entreprises transnationales pourraient développer simultanément des cotations de leurs titres sur toutes les places boursières du continent. Enfin, les investisseurs privés tireraient également profit de ce système transnational qui leur permettrait de mobiliser des ressources hors des frontières de leur pays de résidence.  L’acte constitutif de l’Union Africaine (2000) a ainsi fait de la mise en place d’un marché boursier panafricain, l’un de ses principaux objectifs.

Daphnée Sétondji


[1] CEA African Security Exchange Association Year Book 20014, African Stock Market Review PNUD

 

Le pari éthiopien d’une économie verte : vers l’émergence d’un modèle africain?

 L’accord survenu lors de la conférence de Paris en décembre 2015 marque, une avancée positive quant aux menaces  et aux défis liés aux modifications météorologiques de notre planète. En effet, le texte adopté est le premier accord universel sur le dérèglement climatique car celui-ci a été signé par les 195 pays ayant participé à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUC) de 1992. De plus, ils se sont engagés à limiter le réchauffement de la terre à 2°C, voire même à 1,5°C, à partir de 2020.  En revanche, des zones d’ombre subsistent, notamment sur comment atteindre ce but. Toutefois, certaines nations n’ont pas attendu un accord au niveau international  pour s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique en mettant en place des plans cherchant à limiter l’impact de leurs activités économiques sur l’environnement au niveau national. À cet égard, un état mérite certainement que l’on s’y attarde.

Alors qu’il y a encore une génération, l’Ethiopie, qui subissait entre autres la guerre et une forte mortalité infantile, a connu une métamorphose impressionnante au cours des 30 dernières années. À l’instar de sa capitale Addis-Ababa qui se projette dans le 21ème siècle à coups de grands chantiers,  immobiliers, routiers et même ferroviaires –  deux lignes de tramways ont récemment vu le jour dans cette ville, fait très rare en Afrique sub-saharienne -, ce pays de plus de 96 millions d’habitants a vu son économie croître de manière substantielle avec un taux de croissance d’approximativement 10 % en moyenne par an depuis 2006 (ce qui lui vaut d’être considéré aujourd’hui comme l’une des 5 économies les plus dynamiques du monde par le Fonds monétaire internationale (FMI).  De plus, beaucoup de secteurs clés ont enregistré des résultats remarquables, comme l’industrie (14% du PIB) qui a affiché une croissance annuelle de 18,5% en 2013 et 21,2% en 2014. Mais, il y a aussi l’agriculture (40.2 % du PIB) ou le secteur des services (46.2 % du PIB) qui ont suivi une voie similaire avec une hausse de 5.4% et 11.9% respectivement. Cette mise en orbite économique s’est accompagnée d’une demande en énergie qui ne cesse d’augmenter. Selon les analyses publiées par le Ministère de l’énergie de l’Ethiopie, ce pays d’Afrique de l’Est a actuellement besoin d’accroître sa production électrique de 20 à 25% par an pour se développer. Cette croissance a aussi provoqué une augmentation de la pollution. À l’heure actuelle, elle émet 150 millions de tonnes de CO2 par an. Les experts estiment que ses émissions pourraient plus que doubler, pour monter jusqu’à 400 millions de tonnes, au cours des 15 prochaines années. Dans ce contexte, les autorités éthiopiennes   ont conçu, en 2011,  une stratégie pour une économie verte résistante aux changements climatiques (CRGE) qui favorise le développement durable. Son principal objectif consiste à faire de l’Ethiopie un pays à revenu intermédiaire, dont le revenu national brut  (RNB) par habitant s’élève entre 1035 et 4085 dollars par an, en 2025 tout en limitant le taux national des émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau actuel. Celui-ci s’appuie sur plusieurs piliers comme l’agriculture, la foresterie, les transports et l’énergie, pour lesquels une profonde transformation est prévue afin d’éviter une augmentation de 250 millions de tonnes des émissions de CO2 d’ici à 2030. Mais, quelles sont les raisons derrière ce choix et comment seront menés les changements ?

D’un côté, cette décision répond à une logique financière. En effet, bien qu’un gisement de gaz ait été récemment découvert dans le bassin de l’Ogaden, cette nation possède très peu de réserves liées aux énergies fossiles. Cette situation l’oblige à les importer, notamment le pétrole, pour répondre aux besoins de son essor économique, avec un impact conséquent sur les dépenses publiques.  Selon l’Observatoire de la complexité économique du  Massachussetts Institute of Technology (MIT),  l’Ethiopie a importé pour 1.6 milliards de dollars de pétrole raffiné en 2013, ce qui place ce produit à la première place dans ses importations. De l’autre, son choix est aussi dicté par des raisons climatiques car elle doit faire face à de longues périodes de sécheresse alternées avec des fortes précipitations. Récemment, elle a même rejoint le club des dix pays les plus exposés aux périls climatiques selon un rapport publié par le cabinet de conseil, Maplecroft. Face à ces circonstances, les autorités éthiopiennes se sont tournées vers les technologies vertes à commencer par l’hydroélectricité car leur territoire dispose d’un potentiel parmi les plus grands d’Afrique qui s’élève à 40.000 mégawatts et est aussi la source de plusieurs fleuves, notamment le Nil. C’est donc sans surprise que des barrages hydrauliques ont vu le jour et ceux-ci assurent actuellement plus de 98% de la production électrique. Néanmoins, ces immenses édifices sont dépendants du débit de l’eau et en période sèche, lorsque ses cours d’eau sont à des niveaux bas, les turbines ne peuvent fonctionner à plein régime. Afin d’atténuer les risques liés au problème de l’eau dû au déficit de pluviométrie, Addis-Ababa a aussi misé sur l’énergie éolienne. En effet, les périodes de vent dans ce pays coïncident avec les saisons sèches, ce qui permet aux éoliennes de compenser les pertes liées à l’activité hydraulique. Cette complémentarité n’est pas passée inaperçue aux yeux des hommes politiques, lesquels ont jugé bon  d’investir massivement  dans cette filière en bâtissant, notamment, l’une des plus grandes fermes éoliennes d’Afrique,  Adama II.  Le pays dispose également d’importantes ressources d’énergie géothermique et solaire.

Ces différents investissements permettent déjà aux autorités fédérales d’exporter de l’électricité vers les pays limitrophes tel que le Djibouti. Toutefois, l’énergie ne représente que 3% des émissions totales éthiopiennes. En effet, ce sont surtout l’agriculture et la foresterie qui prennent une grande part dans la pollution de l’atmosphère. Elles représentent à elles seules plus de 85% des émissions GES. La pratique de l’agriculture sur brûlis ou l’utilisation de combustibles biomasses telle que le charbon pour la préparation des aliments sont autant d’éléments qui contribuent à la dégradation environnementale. C’est pourquoi, il est prévu qu’une reforestation massive à hauteur de 15 millions d’hectares ainsi que l’introduction de nouvelles technologies dans les milieux ruraux soient effectuées. Toutefois, dans cette bataille face au dérèglement climatique, un facteur important est à prendre en compte : l’argent, nerf de beaucoup de guerres dans le domaine du développement. Effectivement, le CRGE nécessitera la mobilisation de 150 milliards de dollars (80 milliards pour les investissements et 70 milliards pour les dépenses liées au fonctionnement) pour sa réalisation. En termes d’investissements, la plus grande part devra être réservée au développement de l’électricité et de l’infrastructure énergétique, dont le coût avoisine les 38 milliards de dollars. Bien que l’état éthiopien s’est engagé à couvrir une tranche de ce montant et qu’une partie du peuple, dont le revenu national brut (RNB) par habitant s’élève à 550 dollars[i], ait été sollicitée, notamment pour le financement du barrage de la « Renaissance », la vision du feu Président Melenes Zenawi ne pourra être menée à terme sans aides financières extérieures, qu’elles soient publiques ou privées. Selon les estimations, les ressources financières, locales et internationales, s’élèvent à 18 milliards de dollars, ce qui sous-entend que plus de 50% doivent être encore trouvés  pour pouvoir développer l’électricité. De ce fait, une partie des 100 milliards de dollars que les pays industrialisés ont promis de mobiliser par an à partir de 2020 pour aider les pays en développement à combattre le réchauffement climatique, pourrait certainement contribuer à aider de manière significative cet état d’Afrique de l’Est. De plus, la probabilité que cet argent soit perdu est faible car, comme le démontrent les différents ouvrages déjà réalisés tels que les fermes éoliennes Adama I et II ou les barrages Gibe I et II, il fait partie des pays en développement ayant mené à bien des grands projets d'infrastructures. 

Depuis 1960, la température moyenne a augmenté entre 0.5 et 1,3 degré[ii] en Ethiopie, engendrant une érosion et une dégradation importante des sols, notamment dans le nord du pays. Les spécialistes prévoient aussi que ce pays pourrait connaître une hausse supplémentaire de 1,2 degré d’ici à 2020, ce qui allongerait les périodes de sécheresse et augmenterait le risque de famine pour des millions de personnes. Conscient de cette menace, l’état éthiopien s’est engagé à transformer sa politique énergétique en investissant dans les énergies renouvelables pour favoriser une croissance verte. Bien qu’il soit encore trop tôt pour prédire les résultats que produira le CGRE,  celui-ci inspire déjà d’autres pays comme le Mali ou le Nigéria qui se sont renseignés sur son processus. Mais fait plus important, si les objectifs mentionnés dans ce projet titanesque peuvent être atteints, cette nation, qui devrait compter 120 millions d’habitants en 2030[iii], pourrait émettre presque autant de CO2 que l’ensemble des pays scandinaves aujourd’hui dont les émissions de CO2 s’élèvent à 135 millions de tonnes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


[i] “Ethiopia’s Economic Overview.” Rapport de la Banque Ethiopia’s Economic Overview mondiale. 23 septembre 2015.

 

 

 

 

 

 

 

[ii]Climate Trends in Ethiopia.” Rapport de l’Africa Climate Change Resilience Alliace 5ACCRA). 2011.

 

 

 

 

 

 

 

Stimuler le commerce intra-africain

ob_923c49_d-commerce-intermaghrebin-que-de-barriCompte tenu de la situation économique mondiale, le développement des échanges entre les pays africains devient un enjeu majeur. La structure du commerce mondial, « oblige » les pays africains à traiter entre eux. Les partenaires principaux de l’Afrique, sur le plan économique, sont les Etats-Unis et surtout l’Union Européenne. Deux zones géographiques gravement touchées par la crise, qui sévit depuis plus de quatre ans maintenant, mais qui ravagé leur économie tout particulièrement en 2011. Maxwell Mkwezambala, Commissaire aux Affaires économique de l’Union Africaine, estime que les 5,2% de croissance moyenne (2011) sur le continent sont intéressants, compte tenu de la crise. Néanmoins, commercer essentiellement avec des économies en récession doit pousser, selon lui, les pays africains à revoir leurs prévisions de croissance, à la baisse pour 2012. Par ailleurs, la croissance appelant la croissance, la combinaison d’économies en bonne santé permettrait de connaître un développement plus rapide. L’UA escompte donc une intensification des échanges intra-africains pour réduire le recours à la solution exogène pour régler les problèmes économique internes au continent noir.

Comment faire ?

Les politiques macroéconomiques doivent être orientées vers l’attraction d’investisseurs étrangers, selon Cyril Enweze, ex-vice président de la Banque Africaine de Développement, interrogé pour l’occasion par Afrique Relance. L’attraction de grands groupes du continent, ou étrangers à celui-ci, sont indispensables pour donner de la consistance à ce projet. En complément de cela, il est nécessaire pour les différents gouvernements, de créer des conditions favorables à l’entreprise privée locale. Les TPE et PME sont trop peu développées sur le continent et le caractère dirigiste des économies africaines ne facilite en rien ce développement. Pour Jean Ping, Président de la Commission de l’Union Africaine, il faut se servir des fruits des échanges avec le reste du monde pour intensifier le commerce intra-africain. Pour exemple, en 2010, les produits miniers, qui représentent 66% des exportations des pays africains, ont rapporté 500 milliards de dollars au total. L’objectif 2012 de l’UA est d’augmenter la part des échanges intra-africains dans les échanges globaux des pays d’Afrique, la faisant passer de 12,5% à 25%.

Quelles barrières au projet ?

Les freins à l’intensification des échanges intra-africains sont nombreux et de natures différentes. Le poids de l’Histoire est un premier blocage au développement du projet. La colonisation a habitué les pays africains à traiter en premier lieu avec leurs ex-colonies avant de commercer ensemble. Le premier partenaire du Sénégal est la France. Celui de la Gambie : la Grande-Bretagne. Or, les échanges entre Sénégal et Gambie sont très faibles alors même qui le second est enclavé dans le premier. Des raisons économiques et politiques viennent également remettre en cause le projet. Du fait des nombreuses contraintes douanières, engendrées en grande partie par la corruption, les coûts de transports des matières et produits manufacturés sont en moyenne 63 fois plus élévés lors des échanges intra-africains que lors d’échanges Afrique-Union Européenne. De plus, si la libre circulation des biens et des personnes est officiellement acceptée, elle ne se vérifie pas dans la réalité ; la faute notamment aux pots de vin et à la faiblesse des infrastructures.

C’est précisément ce dernier point qui suscite le plus de questionnement. En effet, si les villes côtières sont très bien aménagées, les infrastructures restent très largement insuffisantes en ce qui concerne l’intérieur des terres. Que l’on parle de la jonction entre villes d’un même pays ou la liaison entre deux pays limitrophes. Selon la Banque mondiale, 75% du commerce intra-africain est assuré par 5 pays : Ghana, Côte-d’Ivoire, Nigéria, Kenya, Zimbabwe. C’est également ce déséquilibre que le continent doit s’attacher à résoudre. Faire de tous les pays africains des acteurs et des partenaires du développement du continent. La régionalisation économique est la clef de la réussite. L’extension des prérogatives pour des organisations telles que la CEDEAO ou encore la Coopération de l’Afrique de l’Est, peut être la solution.

Giovanni Djossou

L’Afrique dans le monde : regard sur les accords de partenariat des pays africains

1186312_omc-les-ministres-du-commerce-accouchent-dune-souris-web-0215713872161. De la diversité des accords internationaux sur le continent 

Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges (AFE) : accord de Bali

La Conférence ministérielle de Bali de décembre 2013 a vu les membres de l’OMC adopter par consensus, le premier accord multilatéral conclu depuis la création de l’OMC. Il s’agit de l’accord sur la facilitation des échanges (AFE) qui n’entrera en vigueur qu’à sa ratification par les deux tiers des membres de l’OMC. Au 16 décembre 2015, 63 ratifications sur 162 avaient été obtenues. Sept pays africains ont ratifié l’accord : le Botswana, la Côte d’Ivoire, le Kenya, la Mauritanie, le Niger, le Togo et la Zambie.  L’accord est organisé en trois sections et aborde entre autres, la mainlevée et le dédouanement des marchandises, la coopération entre les organismes présents aux frontières et la coopération douanière en générale. Il prévoit en outre, des mesures relatives à un traitement spécial et différencié (TSD) qui permettrait aux pays en développement (PED) et aux pays les moins avancés (PMA) de déterminer leur rythme de mise en œuvre des dispositions et de notifier tout éventuel renfort extérieur dont ils auraient besoin. De plus, il prévoit des comités de la facilitation des échanges. Un mécanisme lancé le 22 juillet 2014 par le Directeur général de l'OMC Roberto Azevêdo, et devenu opérationnel le 27 novembre 2014, a pour objectif d’accompagner les PED et les PMA dans le processus de mise en application de cet accord.

Le rapport sur le commerce mondial 2015 entièrement consacré à l’analyse de l’AFE, estime que la mise en œuvre de l’accord aurait notamment pour effets, une hausse annuelle des exportations mondiales de l’ordre de 1000 milliards de dollar et une réduction des coûts du commerce entre 9,6% et 23,1%. Les PED et les PMA sont pressentis comme les plus bénéfiques de l’AFE. En effet, au-delà d’une réduction des coûts du commerce d’environ 16% (18 % pour les produits manufacturés et de 10,4 % pour les produits agricoles), ces pays pourront tirer un avantage significatif d’une diversification de leurs exportations en termes de produits et de partenaires, favorisée par l’accord.

Les accords commerciaux régionaux (ACR) africains

Les ACR sont des accords commerciaux réciproques entre deux partenaires ou plus. Selon les statistiques de l’OMC, les accords de libre-échange (ALE) et les accords de portée partielle représentent 90% de ces ACR, contre 10% pour les unions douanières. Les huit CER africains reconnus par l’OMC sont enregistrées et notifiées sous la forme d’ACR.

Certains Etats ou régions de l’Afrique ont conclu des accords inter régionaux avec d’autres Etats ou régions inscris à l’OMC. Ainsi, l’Union Européenne (UE) et l’Afrique du sud ont signé le 11 octobre 1999, un accord bilatéral de libre-échange portant sur les marchandises. Cet ACR reconnu par l’OMC qui est entré en vigueur le 1er janvier 2000, couvre entre autres les contingents tarifaires, les procédures douanières et les mesures relatives à la balance des paiements. La Côte d’Ivoire a également conclu avec l’UE, un ALE dont la portée et le champ sont similaires à ceux de l’accord UE-Afrique du Sud. Cet accord signé le 26 novembre 2008 est entré en vigueur le 1er janvier 2009. Il en de même pour l’accord UE – Etats de l'Afrique orientale et australe signé le 29 août 2009.

Les arrangements commerciaux préférentiels (ACPr) visant l’Afrique 

Les ACPr sont des préférences commerciales unilatérales. Les états africains bénéficient de plusieurs ACPr sous la forme d’arrangements au profit des PMA.  Entre 2002 et 2012, les PMA africains ont exporté au moins 72% de leurs produits vers des partenaires avec lesquels ils ont conclu un ACPr[1]. Ceux-ci étaient, par ordre décroissant, l’Union européenne (UE), les États-Unis, la Chine,  l’Inde et le Japon. L’UE accorde un accès de près de 100 % à son marché en franchise de droits et hors quota à tous les PMA depuis 2001. La Chine offre depuis 2010, l’accès en franchise de droits et hors quota à 60 % des lignes tarifaires à quarante PMA. L’Inde accorde un accès progressif en franchise de droits et hors quota pour arriver à 85 % des lignes tarifaires en 2012. Le Japon quant à lui, accorde depuis 2008, une admissibilité en franchise et hors quota à près de 98 % des lignes tarifaires.

Si les Etats-Unis n’ont pas conclu d’ACPr visant particulièrement les PMA, ils ont mis en place un régime unilatéral au profit des Etats de l’Afrique sub-saharienne à travers l’ « African Growth and Opportunity Act » (AGOA), loi sur la croissance et les et les possibilités économiques de l’Afrique. Cet acte promulgué le 18 mai 2000 et notifié au GATT/'OMC le 10 janvier 2001, accorde l'admission en franchise de droits aux produits relevant du code "D" dans la colonne "Spécial" du Tarif douanier harmonisé des États‑Unis, pour autant qu'ils respectent la règle d'origine applicable. 

Alors que l’AGOA venait à expiration le 30 septembre 2015, le Conseil général de l’OMC  en a autorisé la prorogation. Il s’agit de l’AGOA 2.0 dont les défis pour sa réussite, sont multiples[2].

2. Les conflits éventuels entres accords et les défis de l’Afrique face aux accords internationaux

Contradictions entre les ACR fondements des CER africains

Les accords régionaux donnent naissance à des règlements, notamment dans le domaine du commerce régional, censés s’appliquer à tous les pays les ayant signés, mais il est constaté dans la pratique que la multiplication de régimes commerciaux peut soulever des incohérences ou constituer un frein à leur efficacité. Ainsi, en 2011, la SADC, l’EAC et le COMESA avaient des Etats membres qui appartenaient aux trois organisations, mais ils appliquaient le régime commercial de l’une, aux dépens de ceux des autres. 14 membres du COMESA sur 19 obéissaient aux règles du traité de libre-échange, 4 membres sont restés au stade du droit précédent la zone de commerce préférentielle[3].  Au niveau de l’EAC, les 5 Etats membres évoluaient dans l’union douanière du CER dans le but de mettre en place un marché commun. Enfin, 12 des 15 membres de la SADC appliquaient les conditions de l'accord de libre-échange, lancé en 2008. La reconnaissance de ces chevauchements va pousser les trois CER à lancer des discussions en vue de créer une zone de libre-échange commune.

De manière générale, les traités régissant les organisations régionales montrent comment les différents régimes de droits pourraient entrer en contradiction, comme l’illustre le cas de l’UEMOA et de l’OHADA qui regroupe 17 Etats, dont 7 de l’UEMOA. Les traités de ces 2 organisations considèrent en effet que les actes arrêtés dans chaque organisation a primauté sur le droit national (article 6 du traité de l’UEMOA et art 10 du traité de l’OHADA), sans qu’il n’existe aucune mention de la primauté de l’un des deux traités sur l’autre[4]. Or, certains de leurs domaines de compétences se recoupent : l’OHADA est censé régir le droit des affaires, mais le traité de l’UEMOA autorise également celle-ci à adopter des règles lui permettant d’atteindre ses objectifs, dans le domaine des politiques économiques monétaires, sectorielles, ou le marché commun, domaines qui peuvent toucher le droit des affaires[5].

Des incompatibilités avec les systèmes internationaux

Si les organisations régionales sont encouragées par l’OMC car vues comme un moyen d’atteindre les objectifs de développement, elles doivent néanmoins respecter ses règles. En théorie, tous les Etats membres doivent appliquer le même traitement en matière commerciale aux autres Etats membres, même si en pratique les ACPr dérogent à ce principe.

La mise en place du Tarif Extérieur Commun (TEC) de la CEDEAO en 2015, a révélé comment il peut être difficile d’articuler engagements communautaires et internationaux. En effet, avant la mise en place du TEC, chaque pays membre de l’OMC s’était engagé à ne pas relever ses taux de droit de douane au-dessus d’un certain niveau, ce qu’on appelle le taux consolidé[6]. Les taux appliqués en réalité étaient souvent moindres, notamment en matière agricole. Ainsi le Nigeria avait un taux consolidé de 150% pour les produits agricoles, contre un taux appliqué de 33,6% ; le taux consolidé du Sénégal était de 29,8%, tandis que celui de la Côte d’Ivoire était à 14,9%. En appliquant le nouveau TEC de la CEDEAO fixé à 35% sur les produits agricoles, ces derniers pays se retrouvaient automatiquement au-dessus du taux qu’ils se sont engagés à ne pas dépasser[7]. Même s’ils existent des mécanismes comme le versement de compensation qui rendent possible la cohabitation des deux normes, l’on se rend compte aisément que les engagements régionaux  peuvent entrer en contradiction avec les engagements au sein d’autres systèmes.

Par ailleurs, dans la négociation des APE, l’Union Européenne semble à première vue, avoir fait preuve de plus de logique en négociant avec des groupes régionaux: Afrique centrale, Afrique de l’Est et australe, Afrique de l’Ouest, SADC et EAC. Cette multiplicité des interlocuteurs  soulève d'importantes limites : les membres du COMESA par exemple, sont répartis entre 3 groupes régionaux qui négocient séparément les termes de l’APE qui les concernent, alors que les pays du COMESA partagent un même objectif de marché commun. De plus, l’APE étant un accord réciproque (bien qu’asymétrique) entre l’UE et les pays africains, il vise à favoriser le commerce entre les deux zones en réduisant au maximum les barrières tarifaires. Même si les pays africains continuent de bénéficier de dérogations devant protéger leurs économies encore peu solides, d’une concurrence trop forte de l’Europe, l’on comprend qu’à termes, des droits de douane bas pourraient d’une part entrer en contradiction avec des règles telles que le TEC décidées par certaines régions, mais aussi être inférieurs aux tarifs pratiqués au sein d’une même organisation régionale, favorisant les échanges Afrique-Europe aux dépens des échanges intra régionaux.

Quel défi pour l'Afrique face à cette diversité d'accords ? 

Dans son rapport économique 2015 portant sur l’industrialisation par le commerce, la Commission Economique pour l’Afrique (Nations Unies), évoque l’importance voire l’urgence de la mise en œuvre des accords méga-régionaux propres à l’Afrique, pour booster son positionnement économique. En effet, les études de la Commission montrent qu’une application effective des accords commerciaux méga-régionaux non africains par nature, comme le Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement (PTCI), le Partenariat Transpacifique (PTP) et Partenariat Economique Global Régional (RCEP), aurait pour conséquence une augmentation d’un millier de milliards de dollars d’ici à 2020, des exportations des pays membres. A contrario, cela entrainerait une chute des exportations africaines de l’ordre de 2,7 milliards de dollars en raison de l’intensité de la concurrence et d’un attrait pour les marchés couverts par ces accords méga-régionaux. Toutefois, cette tendance pourrait radicalement s’inverser si l’Afrique se dotait de sa zone de libre-échange continentale (ZLEC), car elle verrait alors accroître ses exportations d’environ 40 milliards de dollars, ce qui s’expliquerait par une accélération du commerce intra-africain. La mise en place de la ZLEC est un projet actuel, les chefs d’Etat et de gouvernement africains se sont engagés en janvier 2012 pour l’accélération de sa mise en place à l’horizon 2017. 

Le 10 juin 2015, les chefs d’Etat et de gouvernement de la COMESA, de l’EAC et de la SADC, réunis à Sharm El Sheikh en Egypte, ont lancé la zone de libre-échange tripartite (ZLET) instaurant ainsi un marché intégré de 26 pays, d’une population de 632 millions d’habitants qui représentent 57% de la population africaine. Cette ZLET qui constitue à coup sûr une étape déterminante du processus de mise en place de la ZLEC africaine, représente aussi un PIB de 1,3 billion de dollars (2014) soit 58 % du PIB de l'Afrique. 

L'engagement des pays africains dans ces différents accords témoignent avant tout de la volonté manifeste de ces derniers de s'intégrer davantage dans le commerce mondiale et d'en tirer partie pour accélérer leur développement. Cependant, ils ne suffisent pas pour produire les effets escomptés, se constituant parfois en contraintes pour le continent. Le défi de l’Afrique désireux de bénéficier pleinement de cette ouverture sur le monde consiste notamment dans le renforcement de ses capacités de production, qui passe par la modernisation les infrastructures du commerce et la mobilisation des ressources financières.

MC


[1] Commission Economique pour l’Afrique, 2015,  « L’Industrialisation par le commerce », Rapport économique sur l’Afrique

[2] Nations Unis., Union Africaine., 2014, « Ce qui va être différent avec ‘AGOA 2.0’ »

[3] TradeMark Southern Africa, 2011, « Aid For Trade Case Story : Negotiating the COMESA ‐ EAC ‐ SADC Tripartite FTA », Pretoria

[4] IBRIGA (LM), 2006, « La juridictionnalisation des processus d’intégration en Afrique de l’Ouest », Université de Ouagadougou

[5] KONATE (IM), 2010, « L’OHADA et les autres législations communautaires : UEMOA, CEMAC , CIMA, OAPI, CIPRES etc. ».

[6] DIOUF (EHA), 2012, « Nouveau tarif extérieur commun de la CEDEAO et engagements individuels de ses membres à l’OMC: des incompatibilités surmontables », Passerelles, Volume 13 – number 3.

[7] Ibid

Entretien avec Tidjane Deme, Office lead pour Google Afrique francophone – Volet I

ADI : Comment Google accompagne le développement de l’écosystème digital en Afrique? Et surtout pourquoi le fait-il? 

Nous le faisons parce que nous sommes convaincus qu’il faut que se développe dans la région un écosystème internet qui soit à la fois dynamique et très ouvert. C’est-à-dire un internet où chacun est libre de consulter le contenu qu’il veut et de le consommer comme il souhaite sans entrave.  Malgré le développement que l’on observe actuellement avec l’internet mobile, cela reste insuffisant, nous ne remplissons pas tous les critères. Le débit est faible, le taux de pénétration est très faible. Je prends toujours l’exemple de la lecture d'une vidéo haute définition sans se poser de question de quotas ou de faire des pauses pour attendre que ça charge. On ne peut pas tout faire sur internet et cela coûte relativement cher.

Même ceux qui sont sur Internet n’ont pas encore un accès internet haut débit (broadband). Il y a des tendances à faire de l’internet limité qui favorise les sites web les plus populaires. Real Internet Certains fournisseurs d'accès à l'internet (FAI) proposent des packages qui ne donnent accès qu’à certains sites populaires. Par exemple si un entrepreneur quelconque lance un nouveau service, il n’est pas inclus dans le package et il n’est donc pas accessible à tout le monde. D’où notre volonté d’avoir un internet ouvert. Nous essayons donc de faire face à trois aspects :

  • Nous travaillons sur les problématiques d’accès à Internet, c’est-à-dire les problèmes d’infrastructures qui limitent l’accès, les problèmes de coût et les problèmes de politique publique (régulation) qui limitent le développement d’internet ouvert. Le haut débit à notre entendement permet un accès rapide et à tout contenu.
  • Notre deuxième aspect est le contenu. Aujourd’hui, il y a du contenu dans les médias. Mais ce contenu est sous-représenté sur internet.
  • Notre troisième aspect consiste à encourager les entrepreneurs à développer un secteur en croissance

Développement de l'internet en Afrique francophone / Quelle nuance entre les régions dans l’espace francophone ?

Il y a de nombreuses différences constatées en fonction des pays. Je dépasserai le cadre francophone pour aborder la situation de manière plus globale. Il est difficile de faire des généralités car il y a une cinquantaine de pays avec des spécificités et des contextes différents. Nous faisons des regroupements selon des caractéristiques précises. Et nous analysons des critères précis.

Un des premiers critères qui définit l’accès sur internet est l’état de la régulation et de la règlementation des opérateurs de télécommunications dans chaque pays. C’est cet environnement qui détermine souvent l’état du marché. Et sur cela, nous voyons énormément de différences entre l’Afrique de l’Est anglophone et l’Afrique de l’Ouest essentiellement francophone. De manière générale entre les pays francophones et anglophones, l’état de la régulation est très différent. Nous avons des régulations que je dirais très modernes. En effet, comme le secteur évolue très vite, la régulation doit avoir des mécanismes qui s’adaptent à un environnement qui change très vite, mais ce n'est pas encore le cas dans beaucoup de pays. En guise d'exemple, le Sénégal change sa régulation tous les dix ans. Il y a eu un code des télécoms mis en place en 2001 et un nouveau code des télécoms qui à ce jour n’a pas fait l’objet d’un décret d’application. Donc on évolue avec une loi de régulation qui date de 2001 sur un marché qui a beaucoup évolué depuis. La capacité du système de régulation de s’adapter au marché est un facteur de modernité

Un deuxième aspect sur la régulation qui est très important c’est la segmentation des licences. Les régulations très anciennes (il y a 20 ans) étaient basées sur des licences monolithiques. Une seule licence valait Contentpour être opérateur mobile. Aujourd’hui quand on regarde les marchés des télécoms, il y a beaucoup d’opérateurs qui font des choses très différentes. Par exemple il y a des opérateurs qui font de la data (ISP), les acteurs qui développent les tours mobiles, des antennes qui les partagent ensuite aux différents opérateurs. Vous trouverez également des opérateurs qui font les infrastructures, d’autres qui font de la voix sur IP (VoIP) sur le mobile, d’autres sur le fixe.

Un dernier critère de modernité dans les licences est lié au fait que les télécoms ont longtemps été conçus comme des concessions données à un tiers en vue que celui-ci donne des recettes à l’état. L’approche politique s'est longtemps focalisée sur les recettes et non pas sur l’impact du secteur des télécoms sur l’ensemble de l’économie en générale. Une régulation moderne va mesurer l’impact de chacun des actes de régulation sur le secteur des télécoms et sur l’ensemble de l’économie. Quand on regarde ces trois critères, les pays francophones restent sur des approches encore archaïques, pas très flexibles et qui ne permettent pas l’existence d’un grand nombre d’acteurs et ciblent un nombre restreint d’acteurs que l’on taxe très lourdement (Bénin, Mali, Sénégal, Cameroun, etc). Nous avons totalement l’inverse, avec un souci de bénéfices à long terme, en Afrique anglophone ou au Mozambique (en cours de procédure).

Le résultat de tous ces points crée deux critères qui distinguent les pays. Ensuite, c’est la structure du marché qui en résulte. Dans certains pays vous aurez un marché avec très peu d’acteurs qui gèrent, qui sont très intégrés verticalement et qui font tout. Prenons l’exemple du Sénégal, vous avez trois opérateurs mobiles et un FAI. Au Bénin vous avez cinq opérateurs. Prenons maintenant le Ghana : 5-6 opérateurs, une vingtaine de FAI, plusieurs acteurs qui font du contenu. Pour le Kenya, 13 fournisseurs de capacité internationale, 5 fournisseurs d’infrastructures, le secteur du mobile est peu compétitif avec Safaricom qui domine le marché (85%) mais en amont il y a plusieurs acteurs qui agissent énormément. On classe les pays selon ces trois critères : 1. l’état de la régulation, 2. la dynamique du marché et 3. L’état des infrastructures.

Le 4è critère sur l’état de l’écosystème est celui de l’ensemble des investisseurs qui occupent le marché, créent de l’emploi, de la valeur et que les gouvernements des pays Africains n’ont pas appris à appréhender et à encourager.

Sur les Marketplaces en Afrique francophone. Quels sont les moyens de paiement? Comment observez-vous l’arrivée de ces nouveaux acteurs?

On a longtemps dit que les solutions classiques du e-business ne pouvaient pas marcher en Afrique car il y avait des composants manquants dans l’écosystème digital africain comme le paiement. Quand on regarde l’arrivée de nouveaux acteurs comme Rocket International, Jumia, Kaymu, et Kangoo au Nigeria, il y a deux phénomènes qui expliquent leur développement. Tout d’abord, l’émergence d’une classe moyenne qui grandit dans les mégapoles africaines et qui vit de manière très proche de n’importe quelle classe moyenne en Europe ou aux Etats-Unis. Donc des populations qui possèdent des cartes de crédit, qui consomment en ligne par besoin en raison de leur modèle de vie. Quand cette classe moyenne s’épaissit suffisamment, un marché s’est créé pour dupliquer ce qui se passe en Europe. C’est une de ces raisons qui explique l’arrivée de Jumia, Kaymu, Jovago, etc. Ils ont aussi innové pour atteindre le reste de la population internaute par de nouvelles solutions de paiement. On a toujours pensé que le mobile allait être un relais intéressant pour le paiement. Mais aujourd’hui, quand on regarde ces acteurs, ils contournent le mobile en proposant un paiement à la livraison. Ils n’utilisent pas le mobile comme moyen de paiement. Cela veut dire que les opérateurs sont surement entrain loupé un coche.  Ils ont tous tardé à ouvrir leur interface de programmation (API) aux développeurs. Et cela ne concerne pas que l’Afrique francophone. Safaricom avec son outil populaire M-PESA peine à proposer une solution de paiement en ligne. Orange vient seulement d’annoncer qu’ils vont commencer à tester leur API avec des développeurs pour Orange Money*. Idem pour MTN Money. Donc je pense que les opérateurs n’ont pas encore exploré ce réservoir de développement du Mobile Money qu’est le paiement en ligne. Néanmoins, il y a une bonne base d’utilisateurs qui usent du paiement mobile pour les transferts d’argent et le règlement de facture. Ce n’est donc pas surprenant que ces solutions arrivent avec une classe moyenne qui se développe.

Copyright Photos Google – Will Marlow The real internet – Charles Roffey –

Le contexte de la société numérique Africaine. Interview de Tidjane Deme sur la stratégie générale de Google pour l’Afrique francophone. Propos recueillis en septembre 2015

Mots Clés : Google / Régulation des Télécoms / écosystème digital / Marketplaces / Mobile Money

(*) Propos recueillis en septembre 2015 dans le cadre d'une thése professionnelle sur les leviers du marketing digital pour la promotion des produits culturels africains – ILV Paris – MBAMCI

Le cadre juridique des activités transfrontalières en Afrique

La naissance de l’Union Africaine au tournant des annees 2000

Le 11 juillet 2000 à Lomé (Togo), 53 Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) résolus à relever les défis multiformes auxquels sont confrontés le continent et les peuples africains ; convaincus de la nécessité d’accélérer le processus de mise en œuvre du Traité instituant la Communauté économique africaine afin de promouvoir le développement socio-économique de l’Afrique et guidés par une vision commune d’une Afrique unie et forte, ont adopté l’acte, instituant l’Union Africaine (UA) en son article 2.

De par ses objectifs originels, l’UA s’emploie dans l’intégration africaine sur la base de fondements juridiques solides. Toutefois, ses actions sont progressistes et sont souvent portées par des visions ou programmes à long-terme, comme en témoigne l’agenda 2063. Parmi les objectifs généraux de l’UA énumérés à l’article 3 de son acte constitutif, certains se distinguent par leur fort lien avec l’intégration africaine. Ainsi, l’UA vise à :

  • accélérer l’intégration politique et socio-économique du continent ;
  • promouvoir la coopération et le développement dans tous les domaines de l’activité humaine en vue de relever le niveau de vie des peuples africains ;
  • coordonner et harmoniser les politiques entre les Communautés économiques régionales existantes et futures en vue de la réalisation graduelle des objectifs de l’Union.

Les chefs d’État et de Gouvernement de l’Union Africaine, réunis à Addis-Abeba (Ethiopie), lors de la vingt-quatrième session ordinaire de la Conférence de l’Union, en janvier 2015, ont adopté l’Agenda 2063 « l’Afrique que nous voulons », en tant que vision et feuille de route collectives pour les cinquante prochaines années. Sept aspirations ont été exprimées et vient en second rang la volonté d’« un continent intégré, politiquement uni, basé sur les idéaux du panafricanisme et sur la vision de la renaissance de l’Afrique ».

Réaffirmant que l’Agenda 2063 se fonde sur les réalisations et les défis du passé et prend en compte le contexte et les tendances aux niveaux continental et mondial, ils se sont engagés à accélérer les actions dans plusieurs domaines notamment:

  • la création rapide d’une Zone de libre-échange continentale d’ici 2017, d’un programme visant à multiplier par deux le commerce intra-africain d’ici 2022, à renforcer la position commune et l’espace politique de l’Afrique dans les négociations commerciales internationales et à établir les institutions financières dans les délais impartis : la Banque africaine d’investissement et la Bourse d’échange panafricaine (2016), le Fonds monétaire africain (2018), et la Banque centrale africaine (2028/34).
  • l’introduction un passeport africain, délivré par les États membres, en capitalisant sur la migration dans le monde par l’émission de passeports électroniques, avec la suppression de l’obligation de visa pour tous les citoyens africains dans tous les pays africains d’ici 2018.

Le role primordial des CER

Le 3 juin 1991, les chefs d’Etat et de gouvernements de l’Organisation de l’Unité Africaine (devenue UA) ont adopté le traité instituant la communauté économique africaine (CEA). Aux termes de l’article 4 dudit traité, la CEA devra assurer par étapes « le renforcement des communautés économiques régionales existantes et la création d’autres là où il n’en existe pas » et « la conclusion d’accords en vue d’harmoniser et de coordonner les politiques entres les communautés économiques sous régionales et régionales existantes et futures ». Un protocole d’accord signé en 2008 pose le contexte et le cade de la relation entre les CER et l’UA en vue de l’intégration continentale progressive. L’UA reconnaît et collabore avec les huit CER ci-après :

  • le Marché Commun pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique Australe (COMESA),
  • la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC),
  • la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC),
  • l’Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD),
  • la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO),
  • la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC),
  • l’Union du Maghreb Arabe (UMA) et,
  • la Communauté des États Sahélo sahariens (CEN-SAD)

Concernant l’objectif capital de la libre circulation des personnes dans les CER, les dispositifs du droit primitif ne sont pas très avancés et se présentent comme suit :

i
Source : Groupe de la banque africaine de developpement (2014), Rapport sur le developpement en Afrique 2014, p69.

Les activites financières et bancaires, connaissent une expansion transfrontalière importante sur le continent africain. Toutefois comme souligné dans un article publié par L’Afrique des Idées, il n’existe pas encore une réelle politique régionale encore moins continentale d’encadrement règlementaire et de supervision du secteur bancaire panafricain. La création prochaine de la Banque centrale africaine pourrait s’avérer un levier pour pallier ce vide règlementaire. L’Acte constitutif de l’UA a en effet, prévu en son article 19, la création de trois institutions financières suivantes, dont les statuts seraient définis par les protocoles y afférents :

CaptureDe façon globale, la régularisation des activités transfrontalières n'est pas encore inscrite comme un point prioritaire dans l'agenda des travaux de l'Union Africaine ; situation qui ralentit l'expansion de certaines entreprises sur le continent d'une part et qui n'offre pas d'outils aux pays face à des pratiques délictueuses de certaines entreprises d'autre part. L'intégration des pays, en favorisant les activités transfrontalières ne devrait pas engendrer des inégalités spatiales. Il urge donc que réflexion soit faite pour définir un cadre favorable au développement des entreprises à l'échelle du continent et qui s'attache à préserver les efforts des pays en matière de développement.

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