Vers un monde sans PMA

Réduire de moitié le nombre de Pays les Moins Aavancés d’ici 2020. C’est l’objectif ambitieux fixé à la quatrième conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés, qui vient de s’achever à Istanbul. La conférence, qui a réuni des centaines de participants sur les rives du Bosphore (notamment plusieurs chefs d’Etats et le Secrétaire Général de l’ONU), a été l’occasion de dresser un bilan sur la situation des PMA depuis la dernière conférence qui s’est tenu en 2001 à Bruxelles, et d’adopter un programme d’action pour la décennie actuelle.

Le concept de pays les moins avancés (PMA) a été élaboré par l’ONU en 1971, pour désigner vingt cinq pays qui connaissaient de grandes difficultés en termes de développement. Le « club » compte aujourd’hui 48 membres (dont 33 pays Africains) qui remplissent les trois critères retenus par l’ONU : un revenu bas, de faibles ressources humaines, et une forte vulnérabilité économique. Le groupe de pays a été identifié afin de mette en place des mesures de soutien spécifiques.  Une brochure diffusée par le bureau du Haut Représentant de l’ONU pour les PMA identifie ainsi  les sept domaines d’engagements mis en avant pour améliorer la situation de cas pays : http://www.unohrlls.org/UserFiles/File/LDC%20Documents/Advocacy%20brochure%20French%20for%20Web.pdf

En ce qui concerne les pays Africains, qui ont le triste privilège d’être surreprésentés au sein des PMA, un rapport a été publié pour évaluer la mise en œuvre du programme d’action élaboré il y a dix ans à Bruxelles. Si la situation reste alarmante et les mesures adoptées insuffisantes, il faut reconnaitre que certains progrès ont été accomplis (que le rapport juge toutefois « lents et inéquitables »). Néanmoins, de « nouveaux problèmes » ont été soulevés durant la décennie, notamment les crises alimentaires et énergétiques, le changement climatique, ainsi que les crises économiques et financières qui ont accru la vulnérabilité des PMA. Le document, qui comprend également une série de recommandations, est accessible sur : http://www.un.org/wcm/webdav/site/ldc/shared/ARR%20Final%20document%20French.pdf

Face à ce constat, la quatrième conférence a élaboré à Istanbul un programme d’action qui sera appliqué pendant la décennie 2011-2020. Celui-ci a notamment adopté une approche « plus stratégique, globale et soutenue » que le précédent.  Après avoir évoqué les insuffisances des précédentes initiatives et les nouveaux enjeux à prendre en compte, le plan  rappelle l’objectif primordial qui est de créer les conditions nécessaires pour pouvoir quitter la catégorie des PMA (le groupe étant ironiquement un club auquel on adhère en espérant pouvoir le quitter au plus vite, et dont l’objectif suprême est de s’auto-dissoudre…). Le programme regroupe ainsi les mesures à adopter par domaines d’actions prioritaires, afin d’accompagner une dynamique de développement suffisante et durable, promouvoir les partenariats régionaux et internationaux, et avancer vers un monde sans PMA : http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/CONF.219/3&referer=/english/&Lang=F

Nacim KAID-SLIMANE

Contribution: Matières dernières

« L’Afrique est riche, on a du diamant, de l’or, du manganèse, du coltan » etc. J’entends souvent ces paroles que j’ai moi-même parfois tenues. Le grand Thomas  Sankara également disait devant les chefs d’Etats de l’OUA à Addis Abeba en 1987 que « notre sol et notre sous-sol sont riches ». Les Jeunes intellectuels africains, dont je crois faire partie, répètent à l’envie les chiffres qui font de tel ou tel pays africain « le premier producteur mondial de ceci » comme la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo et de Alassane Ouattara pour le cacao ou encore « le dixième producteur mondial de cela » comme le géant nigérian de Goodluck Jonathan en ce qui concerne le pétrole. Ces deux exemples, même s’ils n’ont pas été pris au hasard, auraient pu être remplacés par une dizaine d’autres (la Guinée et sa Bauxite, la République Démocratique du Congo et son Colombo Tantalite ou Coltan, le Gabon et son bois, etc.) vu que pour la plupart d’entre eux, nos pays sont richement pourvus en matières premières.

Depuis quelques années que je réfléchis à la situation du continent, j’ai fini par avoir la conviction suivante : si notre sol et notre sous-sol sont riches, nous ne sommes pas riches et si d’aventure nous l’étions, nous serions plutôt des producteurs de matières dernières et non de matières premières. Dernières, car hormis quelques rares exceptions où leur valorisation apporte un véritable plus (Botswana, Ghana), ces matières n’enrichissent qu’une faible minorité de gens (les hauts dirigeants politiques, militaires, et quelques entrepreneurs un peu bizarres). Une question se pose : Alors que nous disposons de matières premières dont le monde entier a besoin, pourquoi n’arrivons nous pas à en tirer de grands bénéfices?

Cette question, comme chaque problématique posée en Afrique, ne peut être traitée avec une seule réponse. Les facteurs sont multiples : corruption, cupidité, faible coût sur les marchés mondiaux etc.  Mais laissons ce type d’analyse auto-flagellante à d’autres. Intéressons-nous plutôt à d’autres éléments qui à mes yeux accentuent ce paradoxe du « dernier de la classe riche en matières premières ».

En effet si l’Afrique ne tire pas de grands bénéfices de ses matières premières, c’est d’abord et avant tout parce que ses intellectuels n’ont pas opéré de révolution conceptuelle depuis que nous sommes sortis de la barbarie qu’était la colonisation. Cette élite, dont certains d’entre nous vont constituer le vivier de renouvellement, a filièrisé les cultures de rentes que le colon avait développées sur nos territoires : typiquement c’est ce que fait la Côte d’Ivoire avec son cacao. Elle fait grandir ses fèves et comme à l’époque coloniale, les exporte dans la Métropole (France, Suisse) qui les transforme (en Y’a bon banania à l’époque et en Lindt de nos jours) avant de les revendre à des prix exorbitants dans l’ex-colonie qui constitue ainsi un marché pour les produits finis de l’ancien maitre. Dans ce petit cercle que l’on vient de décortiquer, qui, d’après vous, empoche réellement une part conséquente de valeur ajoutée ? Sûrement pas le paysan ivoirien… Enfin, si l’on sait que c’est l’élite locale élevée à la sauce occidentale qui va dépenser une partie de son salaire pour acheter ces chocolats de « haut niveau », on sait qui en réalité perpétue le mal… En résumé, l’élite a institutionnalisé la culture de rente (par peur ou ignorance ou autre), s’en gargarise dans les salons et continue à enrichir le concurrent en rachetant au prix fort les produits qu’il fabrique. Cela mène à une autre question : Si l’élite n’est pas consciente des intérêts du groupe, constitue-t-elle réellement une élite ? Formons-nous des intellectuels qui servent réellement leurs pays ou formons-nous plutôt des porteurs de diplômes? 

Outre la perpétuation des cultures de rentes, la faible industrialisation est également à mettre en cause. L’un et l’autre pourraient d’ailleurs être équivalents car l’un, en l’occurrence la faible industrialisation, est la réciproque de l’autre. Cependant, il est préférable de les distinguer pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’au-delà de créer de la richesse, l’industrialisation en aval des filières de matières premières permet de sécuriser l’approvisionnement d’un pays en biens essentiels à son fonctionnement. Qu’est-ce à dire ? Que si le Nigéria avait veillé à ce que ses capacités de raffinage se développent à une vitesse proche de celles de son industrie extractive, on n’assisterait pas aux scènes affligeantes de pénurie d’essence dans Lagos. Oui, le 10ème producteur mondial de pétrole rencontre des problèmes d’approvisionnement en essence…Il vend beaucoup de pétrole, donc fait rentrer beaucoup de devises (65% du budget de l'Etat), mais n’en a pas assez pour aller racheter de l’essence en quantité suffisante pour son approvisionnement. La conclusion que toute personne lucide devrait en tirer est la suivante : il ne sert à rien de se dépêcher de développer ses capacités d’extraction en minerais, en hydrocarbures ou d’étendre la surface de ses terres cultivables si en bout de chaine on ne transforme pas une partie suffisante de ce qui est extrait pour sa propre consommation. Nous devons arrêter d’extraire pour vendre, et commencer à extraire, raffiner, transformer etc. en quantité suffisante pour satisfaire la demande intérieure. En termes de stratégie, les faits prouvent au quotidien que les pays africains, leurs dirigeants et la plupart de leurs intellectuels échouent royalement.

Troisième élément pouvant expliquer le paradoxe des matières dernières, le refus de l’emploi de la technologie dans ces filières. L’emploi du mot refus n’est pas fortuit. En effet, nos pays ont depuis quelque temps adopté la fâcheuse habitude de fournir des cadres de (très) haut niveau aux sociétés étrangères (américaines, françaises, australiennes, hollandaises) pour que l’on nous exploite avec nos cerveaux et du matériel hi-tech qui lui, ne nous appartient pas. L’Etat du Sénégal, par exemple, investit 40 % de son budget dans l’Education nationale (chiffres officiels), même si l’essentiel de ce pactole est mobilisé pour des dépenses de fonctionnement, cela fait tout de même beaucoup pour l’éducation. Des étudiants sont envoyés à l’étranger avec des bourses nationales (en 2007 on recensait 8 992 étudiants sénégalais dans le supérieur en France), ceux qui restent au pays ont une bourse automatique et des conditions financières, certes maigres mais avantageuses pour poursuivre leurs études. Si parmi tout ce beau monde on forme des ingénieurs géologues, des ingénieurs agronomes mais que ceux-ci travaillent pour des sociétés étrangères car seules celles-ci ont un niveau technologique suffisant pour les accueillir dans leurs structures, à quoi cela sert-il de former ces ingénieurs et de dépenser autant d’argent pour eux ? Une partie de cet argent doit être redéployée dans l’acquisition de technologie.

Il faut donc que nous les futurs dirigeants, car les actuels me désespèrent, soyons au fait de la chose suivante : investir dans les ressources humaines sans investir dans la technologie c’est comme aller faire un appel à la prière du vendredi en pleine soirée ladies night au Duplex, c’est du temps perdu… Il faut certes former des cadres, des ingénieurs surtout, mais il faut également que nos pays et nos secteurs privés se sacrifient financièrement pour moderniser la production agricole (cf. PanAAC http://www.panaac.org) et progressivement acquérir la technologie pour leurs compagnies nationales d'extraction minière, gazière, ou pétrolière. Et si ces sociétés n’existent pas, il faut les créer ! L’Aramco, société nationale du pétrole en Arabie Saoudite, n’attends plus l’appui technologique de Total, Shell ou BP pour explorer et exploiter le pétrole saoudien. Au Venezuela, le Président Chavez a également préféré avoir moins de maitrise technologique en nationalisant le secteur pétrolier, plutôt que de continuer à tout le temps demander la technologie étrangère pour extraire le pétrole de son pays. Et quand on sait que celui qui vous prête sa technologie, veut avoir les trois quarts des retombées financières, il devient préférable de gérer avec ce que l’on a.

Pour prendre un exemple africain, sous le magistère du Président Sassou Nguesso, faux marxiste de surcroît,  l’Etat congolais touchait seulement 17% de la manne pétrolière, le reste allant essentiellement dans les caisses d'ELF, l’exploitant qui apporte sa technologie. Alors soit nous faisons ce que tout le monde fait (notamment les chinois) en incluant des clauses de transfert de technologies dans nos permis d’exploitation, soit nous continuons à offrir gratuitement nos matières premières pour permettre à des boites comme Total de faire 13 milliards d’euros de bénéfice en un an. En résumé, tant que le tryptique Ressources Humaines + Sociétés Nationales + Transferts ou achats de technologie ne sera pas atteint, il ne sert à rien d’exploiter nos matières premières. Autant les laisser dans le sous-sol…

Je voudrais enfin terminer en lançant un appel aux jeunes étudiants africains : développez l’esprit entrepreneurial en vous car hormis les grandes sociétés étrangères, il n’existe pas encore de structures suffisamment fortes pour vous accueillir et vous fournir un niveau de salaire conforme aux standards occidentaux de vos diplômes. Il faut certes des réformes politiques et structurelles comme j’ai essayé de le démontrer dans cet article mais il faut également un secteur privé fort et organisé pour soutenir nos Etats. Ils sont bien trop petits et bien trop faibles économiquement pour réaliser ces changements tous seuls. Entreprenez avec obligation de réussite et interdiction de découragement, avec le temps vous pourrez apporter votre pierre à l’édifice et contribuer à faire de nos matières dernières des matières premières. 

Fary NDAO

Membre de l’Association Njaccaar Visionnaire Africain

L’Afrique et ses minorités : (1) Situation des Albinos en Afrique

Parler de « minorités » en Afrique ne va pas de soi. D’abord parce que ce terme a été confiné, dans le discours contemporain, aux situations spécifiques de communautés ethniques, religieuses, culturelles ou sociologiques vivant en Occident. Ensuite, parce que l’histoire politique du continent reste encore profondément marquée par les affres des pouvoirs minoritaires (coloniaux, raciaux, ethniques, religieux, économiques etc.). De fait, la « protection des minorités » apparaît moins urgente que la « défense contre les minorités ». Si l’on entend bien qu’il faille protéger les populations Pygmées d’Afrique Centrale, défendre la « minorité » Afrikaner d’Afrique du Sud paraît moins évident. Enfin, parce que la prise en compte des  minorités apparaît bien souvent comme un luxe. Les droits des minorités seraient des privilèges surnuméraires, des caprices dont la satisfaction paraît moins urgente que, par exemple, l’urgence de lutter contre le VIH ou la pauvreté.

La série d’articles que propose TerangaWeb entend pourtant démontrer que le sort réservé aux minorités en Afrique – comme ailleurs – est un puissant révélateur, un miroir grossissant des travers, faiblesses et impasses, de l’état général d’une société, d’un continent. Nous montrerons que la situation des Albinos dans certains pays africains est intrinsèquement liée aux questions d’éducation, de santé publique et de protection des Droits de l’Homme. Nous explorerons les ramifications économiques, politiques et sociales du statut réservé aux groupes ethniques minoritaires ou indigènes. Nous verrons ce que la persécution des homosexuels peut enseigner sur l’état de la laïcité, le respect des normes constitutionnelles ou même l’influence des États occidentaux, de l’Union Africaine ou de l’ONU en Afrique.

Situation des Albinos en Afrique

La mutation génétique qui cause l’albinisme, étrangement, est l’une de celles qui permirent la colonisation de l’Europe par l’homme moderne, il y a 35.000 ans[1]. Sous le climat glacial de l’époque, faiblement éclairé, la peau noire de l’homo sapiens sapiens l’empêche de produire suffisamment de vitamine D, nécessaire à la minéralisation des os. L’altération de sa capacité à produire de la mélanine (qui pigmente la peau, des cheveux et des yeux, entre autres), « évolution » qui se fera sur 10.000 ans lui permit de s’adapter à cette région – et explique aujourd’hui, une grande partie de la différence phototypique de l’humanité. Dans le même temps, La mélanine aide à protéger des rayons ultraviolets. Son absence expose à des complications médicales graves : photophobie, baisse de l'acuité visuelle, myopie incorrigible par des lunettes, hypopigmentation de la rétine et de l'iris, nystagmus pathologique (mouvements spontanés et involontaires des yeux) et risques accrus de cancers cutanés[2].

L’incapacité à produire de la mélanine (définition simplifiée de l’albinisme) fut une bénédiction pour l’homo sapiens sapiens lors de la conquête de l’Europe. Aujourd’hui encore, dans les pays occidentaux, les personnes souffrant d’albinisme peuvent bénéficier des soins et de l’attention médicale nécessaires et mener des vies relativement ordinaires – l’espérance de vie des Albinos en Occident est sensiblement égale à celle du reste de la population. Tel n’est pas le cas en Afrique où aux ennuis médicaux s’ajoutent préjugés, croyances archaïques et danger de mort.

Entre 2007 et 2009, une soixantaine d’albinos ont été exécutés et démembrés au Burundi et au Kenya. Ces homicides ont poussé plus de 10.000 Tanzaniens, Kenyans et Burundais souffrant d’albinisme à abandonner leurs villages pour se réfugier en zones urbaines ou vivre en cachette[3]. L’origine de ces persécutions est aussi simple que sordide : des croyances traditionnelles attribuent des vertus magiques au sang et aux organes des albinos, intégrés à des décoctions et potions rituelles, ils permettraient de réussir en affaires, de gagner le cœur de l’être aimé, voire… de remporter des élections. On évaluerait ainsi, en Tanzanie, à 1000 dollars, une main d’albinos, un corps entièrement démembré et revendu pouvant rapporter jusqu’à 75.000 dollars[4]

La tentation est forte d’arrêter l’analyse au caractère abject et proprement horrifiant de ces actes. Il est nécessaire pourtant de l’élargir, d’abord à la question de « l’altérité », de sa compréhension et de son acceptation en Afrique, ensuite à la dimension marchande que ces croyances acquièrent dans certains pays, et enfin au problème plus général que pose la persistance de croyances animistes en Afrique contemporaine (« voleurs de sexe », « maris de nuit », sorcellerie, etc.).

Même lorsqu’il n’est pas aussi tragique que dans les cas évoqués plus haut, le sort des Albinos est loin d’être enviable. Le rejet par son père, à sa naissance, du chanteur Malien Salif Kéita est emblématique de la situation de nombre d’albinos Africains, souvent marginalisés, élevés dans la plupart des cas par des mères seules, soupçonnées, comme toujours, d’être à l’origine de cette « anomalie[5] », pauvres, n’ayant pas accès au suivi médical indispensable vu leur vulnérabilité et n’ayant pas pu bénéficier d’une scolarisation même élémentaire. Au fardeau de la maladie s’ajoute celui de la discrimination sociale. L’altérité n’est pas comprise, ni acceptée. Les Albinos ne sont «ni Blancs ni Noirs », ils ne sont pas « reconnus » : ils sont rejetés. À un problème de santé publique – la nécessaire prise en charge médicale des complications dues à l’albinisme – s’ajoute une crise d’éducation « à l’autre » – d’éducation tout court.

Le cas des minorités albinos questionne également la mansuétude teintée de condescendance envers l’inconcevable persistance de croyances, rites et pratiques animistes en Afrique subsaharienne au XXIe siècle. Si les lynchages sporadiques de soi-disant « rétrécisseurs de sexe[6] » n’ont pas suffi à alerter les autorités publiques en Afrique, sur la nécessité de mettre en place des programmes de sensibilisation à grande échelle sur l’inanité et la dangerosité de telle croyance, peut-être que les massacres d’Albinos en Afrique de l’Est les en convaincront. Ceci est d’autant plus urgent que l’animisme s’adapte et évolue. Ainsi, la pandémie du VIH/Sida a fait naître une nouvelle croyance au Zimbabwe : avoir des rapports sexuels avec une femme souffrant d’albinisme guérirait de la maladie[7]

La monétarisation et la marchandisation de ces croyances est certainement l’un des aspects les plus étonnants et effarants des exactions commises contre les Albinos en Afrique de l’Est. La prégnance de superstitions archaïques sur les populations de ces pays, le difficile rapport à l’altérité ont certainement servi de terreau à la transformation de « simples » préjugés animistes en folie meurtrière. L’appât du gain a fait le reste, parfois, aux limites de l’imaginable. Des cas d’enfants Albinos vendus par leurs parents, livrés par ceux-ci à une mort certaine et ignominieuse ont été reportés. La pauvreté n’explique pas tout mais lorsque certaines conditions sont réunies, elle peut mener à tout.

Comme souvent confrontés à des problématiques complexes quoique pressantes, les responsables politiques choisissent la solution la plus sommaire. Ainsi, la réponse trouvée à cette barbarie est une autre barbarie : le gouvernement Tanzanien punit les attaques contre les albinos par… la peine de mort.

Joël Té Léssia



[5] Alors que l’albinisme est dû à des mutations génétiques récessives, c'est-à-dire qu’il faut que les deux parents soient porteurs du gène malade pour qu'il y ait une possibilité -une chance sur quatre en fait- que l'enfant soit albinos.

[6] Ce trouble psychologique caractérisé par la conviction ou la sensation que le pénis est en train de se rétracter dans l’abdomen, connu sous le nom de « Koro » (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21511718 )  n’est pas spécifique aux Africains. Il a été d’abord identifié et étudié en Chine.

Omar El Mokhtar, le Lion du désert

S’il existe une figure majeure dans l’Histoire mouvementée de la Libye, c’est bien Omar El Mokhtar, leader de la résistance anticoloniale. Il constitue dans son pays le héros et le martyr d’une époque fondatrice, alors que son parcours et sa personnalité restent une référence pour l’ensemble du monde arabo-musulman. Si Mouammar Kadhafi y a souvent fait référence, les opposants à son régime  n’hésitent pas aujourd’hui à brandir les portraits d’Omar El Mokhtar comme un symbole de leur liberté à reconquérir.

Les premières batailles

Omar El Mokhtar est né vers 1861 dans le village de Janzour en Cyrénaïque, dans l’Est de la Libye. Ayant grandi dans un milieu tribal, il reçoit une éducation religieuse auprès des maîtres soufis de sa région qui appartiennent à la puissante et influente confrérie Senoussie. Alors que son père disparait lors d’un pèlerinage à la Mecque, il est adopté par un cheikh de la confrérie et en fréquente les mosquées et les écoles.

Omar El Mokhtar progresse rapidement au sein des Senoussis, parmi lesquels il est particulièrement reconnu pour son humilité et ses aptitudes oratoires et dirigeantes. Le chef des Senousis à l’époque, Cheikh El Mahdi El Senoussi aurait même déclaré à son égard que « si nous en avions dix comme Omar El Mokhtar, cela nous aurait suffit ». Il fut alors désigné comme cheikh d’une zawiya (« monastère » soufi), partageant avec les habitants de la région ses connaissances religieuses et s’efforçant de  régler les fréquentes querelles tribales. Parallèlement, il démontre de grandes aptitudes militaires lorsqu’il est envoyé avec un groupe de Senoussis en 1899, pour combattre l’armée Française au Tchad et assister le souverain local Rabih az-Zubayr. Dés cet époque, son courage est légendaire : son surnom de « Lion du désert » lui aurait d’ailleurs été donné quelques années plus tôt lors d’un voyage vers le Soudan durant lequel il réussit à tuer à lui seul un lion qui terrorisait les caravanes passant dans les parages.

La Libye est alors le dernier territoire de la région à ne pas être colonisé par les Européens: l’Algérie et la Tunisie voisines sont passées depuis plusieurs décennies sous la domination de la France alors que l’Égypte est entre les mains des Anglais. La Libye reste le dernier bastion Ottoman en Afrique du Nord, et ce jusqu’en 1911, date à laquelle les Italiens s’engagent dans la conquête d’une terre qui leur parait être une proie facile et  espérant ainsi s’étendre et « rattraper » leur arrivée tardive dans la course coloniale. 

Un corps expéditionnaire de 20 000 hommes est débarqué, faisant face à une garnison turque de quelques milliers d’hommes seulement (dont faisait partie Mustapha Kemal, fondateur de la Turquie moderne). C’était sans compter sur la détermination de la garnison et la mobilité des bédouins qui s’y rallièrent, infligeant une série de revers qui obligea les Italiens à quintupler leur corps expéditionnaire et à engager des négociations avec l’Empire Ottoman, lui accordant des contreparties territoriales en Méditerranée pour renoncer à sa souveraineté sur la Libye.

La Libye devient officiellement une colonie Italienne, mais ne sera jamais pacifiée pour autant. En effet, les tribus locales poursuivent leur résistance de manière quasi-ininterrompue et adoptent des techniques de guérillas auxquelles les Italiens ont du mal à faire face. Ces derniers contrôlent le littoral, qu’ils occupent et dont ils s’approprient les terres. Mais l’arrière pays désertique et la région montagneuse et boisée du Djebel Akhdar à l’Est servent de refuge à Omar Mukhtar et ses hommes. Ceux-ci utilisent leur excellente connaissance de la géographie locale et leur mobilité pour harceler les troupes italiennes, tendre des embuscades, attaquer des postes isolés et couper les lignes de ravitaillement. Omar Mukhtar, qui n’était qu’un simple enseignant dans une école coranique avant l’invasion Italienne, s’avère un excellent tacticien dans la guérilla du désert et enregistre des succès qui étonnent et exaspèrent les Italiens.

Le combat contre les Fascistes

L’arrivée au pouvoir des Fascistes en Italie complique davantage le conflit en Libye. Mussolini entend éteindre à tout prix cette « rébellion de bédouins » qui tient en échec l’armée Italienne depuis plusieurs années et qui limite ses projets expansionnistes en Afrique. Les Italiens tentent d’abord d’acheter la paix en proposant une pension conséquente et des terres aux principaux meneurs du mouvement de résistance. Alors que le chef de la confrérie Senoussie accepte de signer un accord avec les Italiens, Omar El Mokhtar refuse catégoriquement de déposer les armes en invoquant que la lutte armé est un devoir religieux. Contrairement aux calculs peu scrupuleux des gouverneurs Italiens, le mouvement ne faiblit pas.

Mussolini décide alors d’employer la manière forte et d’envoyer des généraux aux méthodes radicales pour mater la résistance. Les Italiens se concentrèrent sur les ravitaillements pour affaiblir un ennemi insaisissable, en déployant des barbelés aux frontières (notamment avec l’Egypte) et en employant des moyens de terreur pour dissuader la population d’aider les hommes d’Omar el Mokhtar.

En particulier, le Général Graziani s’employa à regrouper la population dans de véritables camps de concentration dans lesquels périrent des Libyens par milliers à cause du manque de vivres ou de maladie. Des exécutions sommaires « pour l’exemple » sont fréquentes, les récoltes et certains villages sont brulés afin d’intimider les tribus qui chercheraient à se rallier à la résistance. L’armée Italienne emploie également des moyens militaires lourds, notamment l’aviation et les blindés (qu’elle sera la première à employer dans le désert). Enfin, la conquête de plusieurs oasis dans le sud (notamment Koufra en janvier 1931) infligea de sérieuses difficultés à Omar el Mokhtar, dont l’armée manque cruellement de vivres et de munitions.

En septembre 1931, après prés de deux décennies de résistance, Graziani parvient enfin à capturer son adversaire Omar el Mokhtar au cours d’une embuscade dont ce dernier est le seul survivant. Le vieux cheikh (il a alors environ 70 ans) est rapidement transféré à Benghazi et jugé dans les jours qui suivirent. Après un procès qui dura à peine une heure, il fut condamné à mort par pendaison, et exécuté dés le lendemain matin devant plusieurs milliers de personnes. Il déclara juste avant sa mort : « Ma vie sera plus longue que celle de ceux qui me pendent ».

Omar el Mokhtar deviendra ainsi la figure centrale de la Libye indépendante, et continue d’être célébré comme un héros de la lutte anticoloniale par les nouvelles générations. Un film intitulé « Le Lion du désert » lui a même été dédié, avec Anthony Queens dans le rôle d’Omar el Mokhtar et Oliver Reed dans celui du Général Graziani, et est devenu un chef d’œuvre du cinéma.

Nacim KAID SLIMANE

La difficile réforme foncière en Afrique : Cas du Lesotho

La difficile réforme foncière au Lesotho est un article écrit en 1986 par I.-V. Mashinini dans le magazine Politique africaine. Il est frappant par le fait qu’il reste d’actualité, par son à-propos et sa précision dans l’analyse de la situation agricole africaine et dans la position des problèmes.

L’article commence par le constat de la baisse de la production agricole africaine au cours des années 70 et la pénurie alimentaire aigüe qui en a résulté malgré l’importation de denrées alimentaires. Après avoir décrit les méfaits de cette politique d’importation sur l’agriculture locale, I.-V. Mashinini traite de l’ampleur prise dans les années 70 – 80 par la crise agricole africaine sur les plans social, économique et politique.

Afin de juguler cette crise, les chefs d’Etat africains ont adopté en 1980 le Plan de Lagos. Ce plan admet que le système de propriété foncière « communautaire » existant est une entrave à la croissance agricole. Ce plan a conduit à quelques projets de réforme foncière (Kenya, Botswana, Lesotho) dont la tendance principale est la privatisation. L’article analyse le cas du Lesotho.

En effet, afin d’augmenter sa trop faible production agricole, le Lesotho lance une réforme foncière en 1979. Trois formes de régime sont alors prévues :

        La concession : des droits sur la terre sont attribués d’après les procédures coutumières et sont cédés par héritage. Aucun fermage n’est demandé pour les biens concédés mais la concession peut être révoquée en cas de mauvaise gestion de la terre.

        Le bail : le bailleur dispose de droits personnels complets sur la terre qu’il peut donc vendre, sous-louer ou hypothéquer.

        La licence : qui ne s’applique que dans le cas de terres à usage agricole enclavées dans des zones urbaines.

La mise en œuvre de cette réforme foncière dans les zones rurales a été bloquée pour plusieurs raisons parmi lesquelles, on peut citer :

        une opposition entre les intérêts des leaders politico-administratifs traditionnels et ceux des politiciens et bureaucrates modernes

        le fait que cette réforme ait été imposée au pays par le haut (communauté internationale, groupe réduit d’entrepreneurs modernistes)

        l’absence de ressources financières et techniques nécessaires à la mise en œuvre.

Enfin, l’auteur expose les risques de la mise en œuvre d’une telle réforme foncière au Lesotho, avec au premier chef, une aggravation de la pénurie des terres du fait de la concentration de celle-ci dans quelques mains avec peu de possibilités de reconversion pour les 20 000 familles qui se retrouveraient sans terre.  D’autre part, les incitations à produire des surplus pour ceux qui accèdent à la terre seraient négligeables sans une réforme agraire qui toucherait à d’autres stimulants indispensables : les prix et la commercialisation. Cependant, la protection de la production locale au Lesotho semble difficile du fait de l’intégration de l’Afrique australe.

Retrouvez l’intégralité de cet article très intéressant et très instructif en suivant le lien : http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/021054.pdf

Tite YOKOSSI

L’Afrique possède-t-elle une véritable classe moyenne?

Au cours des 10 dernières années, l’Afrique a enregistré un taux de croissance économique de 5% en moyenne. Le continent a ainsi tourné le dos à des taux de croissance négatifs au cours des années 1980, presque nuls dans la décennie 1990, pour afficher un niveau de progrès économique honorable d’autant plus que les prévisions de croissance demeurent optimistes.

Au delà des revenus tirés des ressources minières et agricoles du continent, cette croissance a été sous tendue par le développement sans précédent des classes moyennes africaines. C’est ce que révèle une étude http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/The%20Middle%20of%20the%20Pyramid_The%20Middle%20of%20the%20Pyramid.pdf qui vient d’être publiée par la Banque Africaine de Développement (BAD) et intitulée The Middle of the Pyramid : Dynamics of the Middle Class in Africa. D’après les experts de la BAD, le nombre d’africains figurant dans cette classe moyenne a plus que doublé en passant de 151 millions en 1990 à 313 millions en 2010, soit 34,3% de la population aujourd’hui contre 27% il y a 20 ans. La BAD insiste aussi sur le fait que les classes moyennes constituent un levier fort et un indicateur particulièrement pertinent du développement économique de l’Afrique. Surtout, le renforcement de cette classe de la population africaine, mieux que le taux de croissance du PIB, permet d’apprécier les avancées enregistrées dans la réduction de la pauvreté en Afrique. Il permet aussi au continent d’assurer un progrès économique plus endogène du fait de la consommation des ménages et moins dépendante des exportations.

Il reste que, comme toujours dans ce genre d’études, la pertinence des chiffes est tributaire des critères retenus dans la définition des classes moyennes. Les personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour étant considérés comme pauvres, la BAD a notamment retenu dans son acception des classes moyennes les personnes dépensant entre 2 et 20 dollars par jours. Il en ressort que 60% des 313 millions que compte aujourd’hui la classe moyenne africaine se situe juste au dessus de ce seuil de 2%, ce qui amène à relativiser l’importance de cette partie de la classe moyenne.

Au delà de ces éléments quantitatifs, il semble plus intéressant de noter la corrélation entre l’émergence des classes moyennes et les exigences de démocratie, de bonne gouvernance et de qualité des services publics. Il y aurait d’ailleurs un lien entre développement des classes moyennes et nature clientéliste ou pas des Etats africains. C’est ce que suggère un document http://conte.u-bordeaux4.fr/DocsPdf/CMA.pdf de septembre 2010 publié par des chercheurs de l’Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux. Dans cette hypothèse, l’évolution des classes moyennes africaines ne serait pas linéaire ; elle suivrait plutôt « un cycle d’expansion-recession de type U inversé ». 

Nicolas Simel NDIAYE

Le développement de l’Afrique passe t-il par une révolution agricole ? (3ème partie)

Un vrai débat existe sur les priorités et les étapes à suivre pour le développement. Il parait naturel de penser qu’elles sont différentes suivant les régions et les pays du monde et suivant les époques. L’on est cependant tenté de se demander s’il y a des constantes ou des règles immuables pour le développement et si l’essor du secteur agricole en fait partie. Plus modestement, nous nous intéresserons ici à la question de l’importance d’une révolution verte pour le développement de l’Afrique. Il nous a d’abord paru intéressant et instructif d’avoir en tête des exemples de révolution du secteur primaire et de voir la place que celle-ci a eu dans l’amorçage du développement de pays aujourd’hui considérés comme économiquement développés (1ère partie) ou émergents (2ème  partie). Nous nous focalisons à présent sur le continent africain (3ème partie).

Dans les années 70, la plupart des pays africains ont décidé d'ignorer l'importance capitale pour le développement de l’essor du secteur agricole. Ils ont fait une croix sur l’objectif de sécurité alimentaire qu’ils s’étaient fixés et ont choisi comme priorité l’exportation des ressources minières, l’industrialisation et la monoculture de rente qui ont déséquilibré et fragilisé l’agriculture. Les résultats de ces choix ont été catastrophiques. Aujourd’hui, l’on reconnait de plus en plus que sans l’agriculture, il n’est point de salut. Pour l’Afrique actuelle, la révolution verte est une urgence, une nécessité et une priorité.

L’urgence est celle de la sécurité alimentaire. Le problème de la faim persiste. Pourtant, son élimination n’est pas seulement un impératif d’ordre moral ou éthique, c’est aussi une nécessité économique. La sous-alimentation affaiblit les capacités physiques et cognitives, favorise la progression de nombreuses maladies et entraîne une forte baisse de la productivité. Selon une étude de la FAO portant sur 110 pays entre 1960 et 1990, le produit intérieur brut (PIB) annuel par habitant en Afrique subsaharienne aurait pu atteindre, s’il n’y avait pas eu de malnutrition, entre 1 000 et 3 500 dollars en 1990, alors qu’il n’a pas dépassé les 800 dollars. Il est aisé de comprendre l’énorme avantage, pour les producteurs de biens et de services, de la transformation de 200 millions d’affamés en consommateurs avec un pouvoir d’achat effectif.

Sur les 53 pays africains, 43 disposent d’un faible revenu et connaissent un déficit alimentaire. Non seulement ils ne produisent pas assez pour nourrir leur population, mais ils n’ont pas les ressources suffisantes pour importer les aliments qui combleraient l’écart. L’Afrique, où les moins de 15 ans représentent environ 45 % de la population, devra nourrir une population qui avoisinera 2 milliards d'habitants en 2 050. Pour relever ce défi, il lui faudra accroître à la fois la production et la productivité agricoles.

La nécessité concerne l'objectif du développement. Actuellement, l’agriculture emploie 57 % de la population, assure 17 % du PIB et procure 11 % des recettes d’exportation. Elle pourrait devenir le moteur du développement économique et social si une partie plus importante des allocations budgétaires nationales et des investissements privés lui était accordée. En effet, une augmentation de la production agricole ne permettrait pas seulement de nourrir les populations, elle réduirait les prix des produits agricoles, tout en augmentant le revenu des agriculteurs. Le pouvoir d’achat s’en trouverait sensiblement augmenté. D’autre part, quand on sait que les surfaces actuellement cultivées en Afrique subsaharienne, ne représentent qu’un quart de l’espace potentiellement utilisable pour l’agriculture et que la productivité d’un agriculteur du Sud du Sahara est environ deux cent fois inférieure à celle de son confrère européen, on imagine aisément les rendements importants qu’auraient une augmentation des investissements dans le secteur agricole .

Enfin, pour le développement, on ne peut passer outre le maillon agricole. C’est la leçon qu’on peut tirer des décennies 1970-2000. L’industrialisation sans les matières premières agricoles est illusoire. Les services même s’ils se développent ne sauraient à eux seuls permettre l’importation des biens de première nécessité à des prix internationaux – très volatiles et qui atteindront encore des sommets – et garantir une croissance durable. Surtout, ils ne résoudraient pas les problèmes de la pauvreté et de l’emploi. Car, on oublie trop souvent que l’agriculture – qui inclut, dans une acception large, les productions végétales, la transformation agroalimentaire, l’élevage, la pêche et l’exploitation forestière – est l’activité première pour plus de 60 % de la population africaine.

La priorité vient de l'importance de l'agriculture dans le processus du développement. Mettre l’agriculture en avant permettrait non seulement de la développer créant ainsi richesses et emplois mais aussi de développer autour et de façon significative les autres secteurs de l’économie. On ne peut penser l’essor de l’agriculture sans le développement des transports, des services – les marchés, les crédits et des infrastructures notamment de stockage. La révolution verte ne peut avoir lieu sans le développement corolaire d’activités économiques pour ceux qui doivent sortir de l’agriculture. Ces activités non agricoles se développeront à partir de la transformation des matières premières agricoles, à partir de services aux agriculteurs et de façon artisanale, sous la forme de PME, PMI et commerces, en milieu rural, dans les bourgs et en ville.

Le philosophe grec Xénophon disait que « l’agriculture est la mère de tous les arts : lorsqu’elle est bien conduite, tous les autres arts prospèrent ; mais lorsqu’elle est négligée, tous les autres arts déclinent, sur terre comme sur mer ». C’est pour l’avoir négligée, que l’Afrique se retrouve avec 200 millions de sous-alimentés et un tel retard de développement. Pourtant, le mode d’emploi pour enclencher la révolution agricole est bien connu. Nous avons eu dans les articles précédents consacrés aux pays développés et surtout émergents des éléments de réponse. Il faut investir dans le capital productif, la recherche, les infrastructures, les services publics, l’éducation et la formation. Mais cela ne suffit pas. Il faut un cadre institutionnel adéquat pour accompagner la production agricole. Là aussi, les bonnes recettes sont bien identifiées et parmi elles figurent des politiques commerciales incitatives couplées d’une réforme foncière.

Comme l’a dit Lionel Zinsou, «ne pas investir dans l’agriculture est un moyen sûr de rester dans le sous-développement ». Certains pays africains comme le Ghana – qui investit dans l’agriculture, dans des programmes d’alimentation scolaires et accorde des subventions aux petits agriculteurs – l’ont compris et agissent en conséquence. Qu’attendent les autres ?

  Tite Yokossi

Itinéraire d’un mécréant

Je me suis toujours demandé d’où m’était venue l’incroyance, à partir de quel moment, pour quels motifs, dans quelles circonstances, avais-je cessé de croire ?

Il aurait pu s’agir d’un moment de tragique lucidité ; un dimanche matin, « Le Jour du Seigneur » passe à la RTI, on voit la procession et on se dit « non, c’est vraiment trop con ! » et c’est fait, adieu Pierrot, Prêtres et Chanoines ?

Une soudaine indignation morale : dans la vie ordinaire, peut-on vraiment guider sa vie selon les indications d’un homme qui a enceinté une vierge, dans son sommeil, et abandonné son fils unique à deux inconnus ? Ce que je n’acceptais pas de la part du fils du boulanger, comment en excuser le Seigneur du Monde ? Et hop, je suis agnostique ?

Un jugement littéraire ? « Et voici, un homme s'approcha, et dit à Jésus: Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle? » (Mattieu 19 : 16) « Que dois-je faire de bon »… ça sonne tellement faux… C’est à ce genre de détails qu’on reconnaît un mauvais romancier. Et d’avoir eu une idée trop haute du style pour m’imaginer un Dieu Marc-Levy, je serais devenu mécréant ?

La mort ? L’idée de la mort ? Une douleur inconsolable, la perte, la peur de la perte d’un être cher ? En général, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Jack Bauer sur ce qu’il croit être son lit de mort se laissera « confesser » par un imam. « L’éternel est mon berger » ! Ainsi soit-il ! À moins que ce fait brut, inintelligible, injuste m’ait fait douter. Il se serait agi « de tout croire ou de tout nier », et j’aurais osé tout nier ?

Un mélange de tout cela a été le déclencheur d’une plus lente conversion qu’ont achevé : La foule braillarde et intolérante d’évangélistes qui voyaient le diable partout et hurlait dans un charabia insupportable qu’ils présentaient comme don de glossolalie ; l’exploitation sans vergogne de la détresse de pauvres gens, malades du Sida, veuves, handicapés qui abandonnaient tout au « pasteur » ; les inconséquences de certaines confréries religieuses au Sénégal ; le 11 Septembre et Bush et Aznar, nouveaux croisés en Afghanistan ; les conflits ethnico-religieux au Nigeria ; Sarah Palin, son fils, son sein et sa carabine. Et Simone Gbagbo…

Déchu, le couple présidentiel ivoirien était convaincu jusque dans les derniers moments qu’une armée d’anges viendrait les sauver. L’époux fait, aujourd’hui, des rondes dans un salon vide à Korhogo, gardé par des criminels de guerre, l’épouse, confinée dans une résidence à Odienné, reste prostrée nuit et jour dans la prière et le jeûne. Elle attend toujours l’arrivée des Chérubins. Tous ces fous de Dieu à la tête de ce pays. Tous ces gens convaincus que « Dieu a un plan pour la Côte d’Ivoire » et qu’ils ne sont que les instruments de la main du Père.  Tous ces généraux conduisant, en plein XXIème siècle, leurs troupes à une mort certaine, stupide et inutile, parce que Dieu est de leur côté. Tous ces Seigneurs de Guerre, fétichistes forcenés mais « bons musulmans », couverts de talismans et de grenades, qui égorgeaient, recueillaient le sang et enterraient vivant pour s’attirer les faveurs du destin….

Je suis devenu un incrédule vigilant, un chrétien découragé, comme on le dit d’un travailleur quand il abandonne toute recherche d’emploi.

Je ne crois pas en un autre monde où la vie serait plus que la vie, mais au néant après la mort. Je ne crois pas en la rémission des péchés, mais à la justice. Je ne crois pas en la résurrection des morts mais au pardon. Je crois en la passion, non celle du Christ, celle qui précède la résurrection ou celle commémorant la sortie d’Égypte. Mais celle que mettent les hommes à devenir un brin meilleurs aujourd’hui, demain, encore et toujours. Indifférents à l’attention du Ciel. J’essaie d’être un humaniste laïc. J’ai choisi le bonheur sur terre.

Joyeuses fêtes de Pâques.

Joël Té Léssia

Hausse des investissements dans les pays émergents d’Afrique

Ayant plutôt bien résisté à la dernière crise économique, certains pays émergents d’Afrique subsaharienne semblent en bonne posture  pour 2011. En effet, grâce notamment à la régulière croissance affichée  au cours des quinze dernières années, ces pays sont devenus des cibles de choix pour nombre d’investisseurs étrangers.

Le fonds monétaire international, dans un bulletin paru en février 2011 http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/survey/so/2011/car011211af.pdfprévoit un afflux de capitaux en provenance de l’étranger. Pour causes : une chute des rendements dans les pays industrialisés mais surtout une vigoureuse croissance en perspective dans de nombreux pays émergents. Parmi eux, les Etats composant l’ «Afrique émergente» selon l’expression de Steven Radelet, spécialiste de la mondialisation et qui regroupe 17 pays ayant affiché un taux de croissance par habitant supérieur à 2% au cours de la période allant de 1996 à 2008 et au rang desquels on compte entre autres le Mali, le Burkina Faso, l’Ethiopie, le Lesotho ou le Rwanda.

Les nouveaux  partenaires commerciaux de l’Afrique l’Inde et la Chine notamment, en quête constante de possibilités d’investissement direct dans le continent, saisiront certainement cette opportunité d’élargir leurs horizons. Par ailleurs, la manne financière engendrée pourrait à la fois améliorer les perspectives de croissance de ces pays et leur permettre de rattraper leur retard sur le plan des infrastructures.

Ces perspectives de financement  si elles sont bienvenues, s’accompagnent néanmoins de deux impératifs : une gestion prudente de leur nouvel endettement par ces pays, qui devront privilégier les projets à haut rendement, et la mise en place d’une politique macroéconomique cohérente leur permettant de faire face à ces importants flux de capitaux.

Boubacar DIAO

Jomo Kenyatta à l’épreuve du pouvoir : Harambee !*

 

Nous sommes le 12 décembre 1963. Il est  minuit au stade d’Uhuru, et  un nouvel Etat vient de naitre. En présence d’une foule nombreuse et de personnalités de haut rang, parmi lesquels Jomo Kenyatta et le duc d’Edimbourg (époux de la Reine Elisabeth II), le drapeau Kenyan est hissé ren remplacement des couleurs Britanniques. Au même moment, ce drapeau est planté sur les hauteurs du mont Kenya, pour qu’il puisse symboliquement flotter sur l’un des plus hauts points sur Terre. Le Kenya devient ainsi le 34éme Etat Africain à obtenir son indépendance. Pourtant, les défis restent colossaux pour la toute jeune nation.

Le temps des choix

Face à une société diverse et divisée par les violences qui ont marqués la fin de la période coloniale, la priorité absolue est de structurer la scène politique. En tant que Premier Ministre et leader du parti arrivé en tête des élections de mai 1963 (la KANU), Kenyatta a les coudées franches pour procéder aux choix qui impliqueront l’avenir de la nation. Dans le débat sur le degré de centralisation du système, Kenyatta impose ainsi sa vision d’un gouvernement central fort, et réussit même à convaincre son rival Ronald Ngala  (partisan d’un d’une certaine autonomie régionale), à dissoudre son propre parti pour l’intégrer à la KANU afin d’aboutir à une Assemblée Nationale unifiée et à un système de parti unique. Le 12 décembre 1964, après une période de transition qui aura duré exactement un an, la république est proclamée et Kenyatta en devient le président.

Le deuxième choix majeur, qui est crucial dans un contexte de Guerre Froide, est de déterminer l’orientation du système économique. Sur ce point, Kenyatta adopte clairement une approche capitaliste plutôt pro-occidentale, ce qui le rend vulnérable aux critiques des partisans d’une option socialiste. En particulier, il se heurte à l’opposition de l’autre poids lourd de la scène politique, le vice-président Oginga Odinga, qui finira par quitter la KANU en 1966 pour former un parti résolument orienté à gauche, la Kenya People’s Union (KPU). On accusera d’ailleurs celui-ci de recevoir de l’argent des communistes Chinois pour accroitre son influence, ainsi qu’un appui des pays du bloc de l’Est.

Enfin, il reste la question des terres, qui avait servi de catalyseur à la lutte pour l’indépendance. Malgré des appels à la nationalisation des propriétés des colons blancs pour procéder à une redistribution, Kenyatta tente de lancer un programme de « Kenyanisation »  progressive tout en rassurant les fermiers européens sur leur avenir au sein de la nouvelle nation. Le problème se réglera essentiellement de lui-même, puisqu’une grande partie des colons finiront par quitter le pays. Le Kenya reste néanmoins confronté à des problèmes de développement très graves. Le magazine Time estimait ainsi à l’époque que le pays ne comptait que 750 médecins, alors qu’il lui en fallait au moins 9000, et que le problème se posait avec d’autant plus d’acuité du fait d’une croissance démographique de prés de 3,5% par an.

L’équilibre ethnique

Appartenant à l’ethnie la plus nombreuse (mais qui est loin d’être majoritaire dans le pays, puisqu’elle représente environ un quart de la population totale), Kenyatta doit sans cesse manœuvrer pour maintenir l’équilibre ethnique. Bien qu’il essaye de nommer des membres d’autres ethnies aux postes officiels, il apparait que l’essentiel du pouvoir est entre les mains des Kikuyus, l’ethnie du président. Les clivages politiques avec Odinga sont compliqués par le fait que celui-ci soit un Luo, de même que  Tom Mboya, ministre très populaire qui était même pressenti pour succéder à Kenyatta. Alors que Mboya se démarque d’Odinga et de nombreux Luos par ses opinions nationalistes et pro-occidentales, il reste fondamentalement identifié sur la scène politique comme Luo, ce qui montre que ce ne sont pas tant les opinions qui comptent mais l’origine ethnique. Par ailleurs, Kenyatta est accusé de sombrer vers une dérive autoritaire et de marginaliser les autres ethnies. Il n’hésite pas à menacer publiquement ses rivaux, et plusieurs opposants disparaissent ainsi dans des conditions mystérieuses.

L’assassinat de Tom Mboya, le 5 juillet 1969, par un Kikuyu (qui sera rapidement jugé et exécuté), provoque ainsi de violentes émeutes  et fait planer la menace d’une guerre civile entre Luos et Kikuyus. Le procès bâclé de l’assassin nourrit des spéculations sur les véritables commanditaires de l’assassinat, et  Kenyatta provoque la colère des Luos en adoptant une attitude intransigeante par l’imposition d’un couvre feu et l’arrestation de plusieurs leaders Luos (parmi lesquels Odinga, dont le parti est interdit).

Une autre victime de ces dérives sera un certain Barack Hussein Obama (1936-1982), père de celui qui sera le premier président afro-américain à la tête des Etats Unis, dont la carrière sera brisée en raison de son opposition au gouvernement de Kenyatta et à son origine Luo. Dans Dreams from my father, Barack Obama (junior) raconte la descente aux enfers de son père, qui à la suite d’un article critiquant la politique économique du gouvernement, sera limogé de son poste par Kenyatta et marginalisé jusqu’à la fin de sa vie. Il sombra alors dans la pauvreté, l’isolement et l’alcool et sera victime de plusieurs accidents de la route, qui le conduiront à de longues hospitalisations (dont une qui  conduira à l’amputation de ses deux jambes), et finalement à sa mort le 24 novembre 1982. 

L’héritage de Kenyatta

Malgré ces graves troubles, Kenyatta gagne les élections présidentielles en 1969 et 1974, et effectuera ainsi trois mandats jusqu’à sa mort en 1978. Il se présente avec un  bilan économique plutôt positif, bénéficiant d’une croissance soutenue et d’une hausse des exportations, ainsi que d’une aide étrangère conséquente. Kenyatta aura d’ailleurs l’habilité de rester ouvert à la fois aux aides financières et techniques occidentales qu’à celles du bloc de l’Est, en prônant une politique étrangère non alignée (même si dans les faits, elle est plutôt pro-occidentale). Il s’impose comme le grand leader dans la région et enregistre des succès diplomatiques significatifs, comme le fait d’avoir résolu un différend territorial entre la Tanzanie et l’Ouganda.

Si le Kenya devient un modèle de développement en Afrique, étant à la fois stable, prospère et avançant constamment dans les domaines de l’éducation et de la santé, les inégalités demeurent nombreuses. En particulier, il apparait que la famille de Kenyatta et ses alliés politiques se sont considérablement enrichis au détriment du reste de la population, alors que les Kikuyus sont accusés de devenir une élite privilégié par le régime (notamment dans la redistribution des terres).

Malgré la corruption et la dérive autoritaire, Kenyatta aura laissé un bilan globalement positif et sera salué comme un leader sage et pragmatique. Il aura réussi à  fonder des bases stables pour le Kenya, à mettre en place des instituions qui fonctionnent, et à faire avancer l’économie du pays et son développement. Sa mort survient durant son sommeil le 22 aout 1978 à Mombassa.

Néanmoins, les failles du système établi par Kenyatta, à savoir essentiellement le déséquilibre ethnique et la dérive autoritaire, continuent de se faire ressentir sur l’avenir du Kenya, comme l’ont montré les violences consécutives aux élections de décembre 2007, sur fond de rivalités ethniques entre Luos et Kikuyus. Comme à l’époque de Kenyatta, les leaders politiques (Mwai Kibaki et Raila Odinga) restent avant tout identifiés par rapport à leur origine ethnique, et tout conflit politique risque rapidement de dégénérer en violences interethniques. Les résultats montrent clairement un clivage ethnique et régional qui menace gravement l’unité du pays. Après plus de 1000 morts et des centaines de milliers de déplacés, un compromis fut finalement trouvé et fonctionne bon gré, mal gré. Mais les élections prévues en 2012 risquent à nouveau de réveiller les démons du passé et faire plonger le pays dans un nouveau cycle de violences. La devise Harambee ! reste  donc plus que jamais d’actualité.

Nacim KAID SLIMANE

*devise officielle du Kenya, lancée par Kenyatta, qui signifie approximativement en Swahili « agissons  tous ensemble »

Une affaire d’indépendances

 

Durant mes années au Sénégal, tous les 7 décembre, au matin, le drapeau ivoirien était hissé aux côtés des couleurs sénégalaises. L’armée sénégalaise célébrait l’indépendance d’un « pays frère » – à ceci près que la Côte d’Ivoire acquit son indépendance le 7… août 1960. C’est un des secrets les mieux gardés de l’histoire du Prytanée Militaire de Saint-Louis. La raison en est que la fête nationale signifiait pour les nationaux du pays célébré, dîner organisé par la princesse avec tout le gratin militaire, professoral et étudiant de l’école, jus de fruit à volonté et double ration de poulet-frites. L’amour que nous portions à notre pays était beaucoup moins chatouilleux qu’aujourd’hui – il supportait ce genre de coups de butoir. C’est seulement vers la fin qu’on comprit l’origine de la méprise : le 7 décembre était la date anniversaire de la mort d’Houphouët-Boigny. Un troufion à l’État Major avait dû intervertir les fiches. Personne n’avait vérifié les dates depuis 1993 …

Le souvenir de ce running-gag tellement militaire m’est revenu lundi dernier tandis que le Sénégal célébrait les cinquante-et-un ans de son indépendance. L’indépendance du Sénégal, un autre running gag. Les Sénégalais eux-mêmes font semblant d’y croire ; comme ils font semblant en tout d’ailleurs : de croire que le « modèle démocratique » sénégalais existe encore ; d’adhérer à la pantalonnade de « l’excellence éducative » sénégalaise, etc.

Il existe un Sénégal fantasmé dans l’imaginaire collectif sénégalais – on me dira qu’il existe également une France fantasmée, un Nigeria Fantasmé, un Burkina Faso fant… Non, soyons honnêtes, les hommes intègres sont assez lucides pour ne rien fantasmer de la réalité de leur pays – dans ce Sénégal, la philosophie et la culture sénégalaises font l’envie du MONDE ENTIER – littéralement – ; il n’y a que l’Egypte et l’Afrique du Sud qui en Afrique rivalisent, à peine, avec ce Sénégal ; dans ce Sénégal, Wade a tout fait avant tout le monde et tout compris ; il n’y a plus de poésie possible après Senghor, il n’y a pas de guerre en Casamance ; Gorée est le seul port négrier d’Afrique, les Sénégalais descendent des pharaons, la gastronomie sénégalaise est grasse juste ce qu’il faut, il n’y a pas de risques de crise alimentaire et… tout le monde jalouse le Sénégal.

Les Sénégalais se paient de mots. Ils les adorent (« les mots du français rayonnent de mille feux, comme des diamants » LSS) et en assomment tout le monde. Ils les aiment grands et plein de sens. Peut-être parce que la réalité du pays est rabougrie et monotone ? Lundi 4 Avril, le Sénégal célébrait ses cinquante-et-un ans d’autonomie territoriale. Comme dans l’histoire du 7 décembre, j’ai l’impression que personne n’ose lui dire qu’il lui manque encore l’autonomie administrative, politique, culturelle, militaire et financière. J’ai adoré vivre au Sénégal et j’aime ce pays, alors, si je peux être la voix amie qui rend les mauvaises nouvelles supportables

(Quand on est malheureux, on doit être méchant.) 

Joël Té Léssia

UA : les limites du rejet des « changements anticonstitutionnels de gouvernements »

 

Les récents bouleversements socio-politiques ayant occasionné le départ des Présidents Tunisien et Egyptien remettent-ils en question le rejet des « changements anticonstitutionnels de gouvernements », principe fondateur de l’Union Africaine datant de la Déclaration de Lomé (Juillet 2000) ? Telle est la question auquel le rapport Unconstitutional Changes of Government: The Democrat’s Dilemma in Africa(anglais – PDF) du South African Institute of International Affairs essaie de répondre.

Huit Etats africains ont été suspendus des instances de l’Union Africaine suite à un « changement inconstitutionnel de gouvernement » : Madagascar, le Togo, La Centrafrique, la Mauritanie, la Guinée-Bissau, le Niger, la Côte d’Ivoire et la Mauritanie.  La Tunisie et l’Egypte n’ont pourtant pas connu le même traitement. Pourtant, s’il est difficile de qualifier le pouvoir personnel de Mouammar Kadhafi comme étant celui d’un gouvernement élu démocratiquement – quelle que soit la définition donnée à ces termes – la destitution d’un gouvernement par la rue est clairement un changement non-constitutionnel du pouvoir, étant donné que dans une démocratie constitutionnelle, les changements de gouvernements passent par des élections.

Le fait est que la « démocratie constitutionnelle » est rarement en place avant le « changement anticonstitutionnel » et qu’il est extrêmement difficile d’établir une « démocratie réelle » par des voies pacifiques et démocratiques face à un pouvoir autoritaire. Le « constitutionnalisme démocratique » qui sous-tend l’architecture de paix et de sécurité de l’UA atteint ici ses limites : il ne permet pas de réponse adéquate aux mouvements populaires démocratiques.

La voie de contournement utilisée jusqu’ici par le Conseil de Paix et de Sécurité dans les cas tunisien et égyptien a consisté à s’en tenir à la lettre de la déclaration de Lomé qui définit les « changements anticonstitutionnels de gouvernement » de la façon suivante :

  • coup d’état militaire contre un gouvernement issu d’élections démocratiques ;
  • intervention de mercenaires pour renverser un gouvernement issu d’élections démocratiques ;
  • intervention de groupes dissidents armés et de mouvements rebelles pour renverser un gouvernement issu d’élections démocratiques ;
  • refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti vainqueur à l’issue d’élections libres, justes et régulières ;

Il est vrai qu’en Tunisie comme en Egypte l’armée s’est astreinte, dans les premiers temps, à une rare réserve, fournissant ainsi, au Conseil l’astuce juridique indispensable. Cet artifice ne peut être que temporaire. La crise libyenne devrait permettre de clarifier la jurisprudence de l’UA en matière de défense de la démocratie. Les premières déclarations du Conseil de Paix et de Sécurité  sur la Lybie[1] sont encourageantes – d’autant plus que la Guinée-Bissau, le Zimbabwe et le Tchad y siégeaient!

L’UA est, peut-être, en voie de passer son test d’adhésion à la démocratie et aux Droits de l’Homme, même s’il lui reste encore à construire un cadre juridique plus solide et durable que la condamnation indiscriminée de tous les changements non-constitutionnels de gouvernement. Règle qui l’empêche d’établir un dosage de sa réponse selon le contexte, de la simple et très formelle condamnation, à la suspension puis aux sanctions économiques.


[1] « Le Conseil … condamne fermement l’utilisation indiscriminée et excessive de la force et des armes contre les manifestants pacifiques en violation aux Droits de l’Homme et au Droit international humanitaire… et… Souligne que les aspirations du peuple libyen a la démocratie, a la reforme politique, a la justice et au développement socio-économique sont légitimes et exige a ce qu'elles soient respectées. Declaration du CSP le 23/02/2011

 

Éditorial: Pour une modernisation de l’État en Afrique au-delà des changements de régime

 

Les différentes crises politiques qui se jouent sur la scène africaine depuis quatre mois ne sauraient trouver de solutions idoines dans les réponses ponctuelles qui leur sont aujourd’hui apportées. On aurait ainsi tort de croire que la panacée résiderait dans le seul changement des régimes en place. Cette logique court-termiste est dangereuse en ce qu’elle élude le vrai problème, non pas celui des hommes mais celui des structures. En effet, les revendications politiques et sociales actuellement portées d’un bout à l’autre du continent appellent plutôt des solutions structurelles majeures. La plus importante est sans doute la modernisation de l’Etat. En Afrique, l’Etat mis en place aux lendemains des indépendances n’a pas su s’adapter aux évolutions majeures de notre époque ni répondre aux attentes des populations. La question de sa modernisation n’a d’ailleurs jamais fait l’objet de débat sérieux. Aujourd’hui, il faut de toute urgence réfléchir à la manière d’améliorer l’action des Etats pour qu’ils répondent enfin aux préoccupations des populations.

Les défis actuels peuvent être appréhendés à la lumière des quatre dimensions classiques sous lesquelles se décline l’Etat : l’Etat nation, l’Etat régalien, l’Etat de droit et enfin l’Etat fiscal-redistributeur.

On peut considérer effective en Afrique l’existence d’Etat-nations avec une identité collective ancrée. Si l’hypothèse souvent évoquée d’une scission de la Côte d’Ivoire ou de la Lybie au regard de l’actualité amène à nuancer ce propos, cette éventualité pour ces pays semble davantage s’expliquer par un rapport de force politico-militaire que par un réel déni de désir de vivre-ensemble de ces populations. On peut également considérer comme effective l’existence d’Etats régaliens exerçant une réelle souveraineté à l’intérieur de leurs frontières, quand bien même il se trouve toujours des personnes pour soutenir que le destin de bon nombre de pays du continent se trouve scellé à la Maison Blanche ou au Palais de l’Elysée. Sans perdre de vue la nécessité d’améliorer l’Etat en Afrique sous ces deux dimensions, une modernisation ambitieuse et courageuse gagnerait à mettre l’accent sur l’Etat de droit et l’Etat fiscal-redistributeur.

L’Etat de droit suppose une autonomisation de la politique, celle-ci étant entendue comme l’art de gouverner la cité, la cité-Etat étant le prototype des collectivités publiques modernes. Or, depuis 50 ans et à quelques exceptions près, le continent n’a pas réalisé d’avancées significatives dans l’autonomisation de la politique. Cette dernière y est encore trop fortement liée au régionalisme, à l’ethnicisation, à la religion ou encore au corporatisme. Aujourd’hui en Egypte, en dépit du départ de Moubarack, l’autonomisation de la gestion du pays vis à vis de l’armée est encore loin d’être gagnée ; en Côte d’Ivoire, certains acteurs posent le problème politique en des termes qui annihilent la frontière qui devrait exister entre sensibilité politique et appartenance ethnique, régionale, voire religieuse. Plus généralement, la démocratie n’est-elle pas une vue de l’esprit lorsqu’elle ne se résume qu’à une majorité mécanique en fonction de l’appartenance ethnique de tel ou de tel autre candidat ?

Dans l’essentiel des pays du continent, cette absence d’autonomie de la politique contribue à maintenir un clientélisme qui n’est pas favorable à une prise en charge par l’Etat des préoccupations communes à l’ensemble des citoyens, pas plus qu’elle ne favorise d’ailleurs l’accès à l’égalité devant la justice. Il faut en effet bénéficier pleinement de ses droits pour ester en justice, c’est à dire comparaître debout devant un tribunal. Or « l’homme debout est un défi, une menace pour les puissances installées sur leur trône, voire étalées sur leurs banquettes comme les empereurs romains »[1].

Quant à l’Etat-fiscal-redistributeur, il est quasi inexistant dans bien des contrées du continent. On en oublierait même que « les plus vieux vestiges fiscaux sont les nilomètres, ces pieux enfoncés dans le Nil qui mesuraient la hauteur de la crue et en déduisaient le volume des récoltes comme l’assiette de l’impôt »[2]. L’Etat doit en effet s’appuyer sur des recettes fiscales pour financer ses dépenses publiques, notamment en matière d’infrastructures, d’éducation, de santé et d’emploi, secteurs dans lesquels les besoins des Etats africains demeurent encore aujourd’hui considérables comme le prouvent les mouvements de protestations en cours. Il doit aussi jouer un rôle de redistribution d’autant plus que la croissance générale du PIB de l’ordre de 5% en moyenne sur le continent – et atteignant 11% dans certains pays –, loin de générer un progrès social homogène pour tous les citoyens, creuse davantage les inégalités. Dans tous ces domaines, répondre aujourd’hui aux préoccupations des populations nécessite pour chaque Etat de s’appuyer sur des politiques fiscales génératrices de ressources en mesure de se substituer à l’aide internationale au développement.

Cette impérieuse nécessité de moderniser l’Etat en Afrique peut prendre différentes voies. Doit-on encourager une modernisation technocratique avec une présence plus forte mais aussi plus compétente de l’Etat ? Devrait-on plutôt préférer une modernisation libérale dans le sillage de l’Ecole de Chicago en réduisant le périmètre de l’Etat ? Faudrait-il exclure d’office une modernisation antidémocratique dans son exercice, un « despotisme éclairé » ? Existerait-il une quatrième voie qui pourrait être plus proche des valeurs et des cultures africaines ?

Il va sans dire qu’il est nécessaire de choisir une méthode et de se doter d’un agenda sérieux car, comme bien souvent, la méthode et le timing sont déterminants. Pour l’heure, l’un des principaux ennemis des Etats africains demeure hélas l’absence de leadership, qui se traduit par le règne sans partage du court-termisme et l’incapacité à se projeter vers l’avenir.

Nicolas Simel NDIAYE



[1] Odon Vallet, Petit Lexique des mots essentiels, Albin Michel, 2001

[2] Idem

Un espace vide

Hier sur Twitter : huit cent Ivoiriens morts (entendez « tués ») en une journée. Puis non, trois cent cinquante. Enfin… huit cent mais sur quatre mois. Trois cent, oui trois cent en deux jours. Mais on a encore trouvé pas mal de corps dans un puits, donc pour le moment personne ne sait. Et qui sont les coupables ? Les forces proches du Président… Quel Président ? La femme du président est au Ghana ! Non, je te dis que c’est le Président de l’Assemblée Nationale qui est au Ghana. Mais la sœur du directeur de cabinet… Etc. Pendant deux jours.

Et tout ce temps, je ne pense qu’à une chose : quelles sont leurs sources ? Voilà ce qu’on a fait de moi. J’ai donné tort à Senghor, encore une fois : je suis un homme qui pense, mais ne sent plus. La source a tari et nous n’y retournerons plus jamais. Les lamantins sont morts. Et mort est le murmure des lamentations. Ma génération ne fécondera plus d’ « Orphée Noir ». Le « saisissement d’être vu » est mien – celui du Roi nu, de la secrétaire surprise en pleine irrumation. Et s’il ne doit rester qu’une chose, que ce soit cette devise : rester économe de ses illusions. J’ai congédié demain – trop prétentieux, menteur et surfait.

C’est si étrange d’avoir un passeport, qui fixe une date, un lieu de naissance, une nationalité, une identité, une « reconnaissance » que l’on n’a pas demandés. Ce pays n’est plus tout à fait le mien. À peine un point sur une carte, un espace vide.  Je n’y connais qu’une famille d’anciens riches et de vrais pauvres, ma famille, et quelques anciens ou futurs soldats. Ce pays est mort, en train de mourir, je n’y pense plus. Je ne pense qu’aux miens qui y vivent.

Et s’il faut parler, encore, d’amour et d’espoir ; retenir qu’il faut toujours vivre en spéléologue, sans se soucier du retour, s’enfoncer toujours plus loin dans ces profondeurs pour trouver le réconfort paisible d’une solitude animée. Parce qu’au jour, là bas, plus haut, à la lumière, il y a huit cent, ou peut-être trois cent, trois cent cinquante regards qui ne « saisissent » plus grand-chose. Rien. Le noir.

Joël Té Léssia

L’exécutif sénégalais à l’épreuve du régime parlementaire (2ème partie)

 

Souvent présentée comme une simple querelle de leadership, l’accusation de tentative de coup d’Etat, qui conduit à la séparation entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia en 1962, semble plutôt tirer ses germes dans la constitution sénégalaise du 26 aout 1960. La nature du régime parlementaire et la dualité que celle-ci instaurait de fait à la tête de l’Etat laissaient déjà entrevoir une crise institutionnelle inévitable consacrant ainsi l’échec du régime parlementaire en Afrique. Cet article qu'on pourrait intituler "Constitution de 1960 : la consolidation du régime parlementaire ou l’annonce d’une crise institutionnelle inévitable?" est la deuxième partie de "L'éxécutif sénégalais à l'épreuve du régime parlementaire".

« Des grecs, jadis, demandaient au sage Solon, quelle est la meilleure constitution ? Il répondait, dites-moi d’abord, pour quel peuple et pour quelle période. »[1]

Eut égard à la décolonisation d’une part, et à son retrait de la Fédération du Mali d’autre part[2], le Sénégal avait besoin d’une Constitution qui intégrait les exigences de l’indépendance, mais surtout, qui allait s’évertuer à réaménager l’environnement institutionnel, notamment l’exécutif, où allaient se frotter deux fortes personnalités : Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia. C’est par la loi constitutionnelle du 26 Août 1960 que le Sénégal se dotera d’une nouvelle Constitution. Sur le plan idéologique, elle emboîte le pas à la Constitution de 1959. Mais sur le plan institutionnel, une nouveauté sera l’instauration de la fonction du Président de la République. D’où un chamboulement de l’organisation des pouvoirs au sein de l’exécutif autrefois monocéphale et devenu bicéphale. Ce qui d’emblée devait poser la question d’une dyarchie au sommet, c'est-à-dire d’une compétition entre les deux têtes de l’exécutif ; tel sera le cas lors de la crise de Décembre 1962.

Mise à part la guerre de leadership qui opposait Léopold Sédar Senghor, Président de  la République, et Mamadou Dia, Président du Conseil, l’aménagement assez ambigu des pouvoirs pouvait laisser présager cette dyarchie au sommet.                                                       

En effet, le Conseil des Ministres autrefois présidé par le Président du Conseil, sera, sous la Constitution du 26 Août 1960, présidé par le Président de la République qui devient aussi le gardien incontestable de la Constitution et le chef suprême des armées. Face à l’ensemble de ces prérogatives, non exhaustive du reste, se pose alors la question de savoir si le Président du Conseil n’est pas un « exécutant subalterne, un soliveau ? »[3] Une telle idée sera hâtivement  battue en brèche à la lecture de l’article 26 de la Constitution de 1960 qui prévoyait que le Président du Conseil détermine et conduit la politique de la nation. Dirigeant l’action du gouvernement, il dispose de l’administration et de la force armée. Des zones potentielles de conflit apparaissent dès lors qu’il est considéré d’une part, que le Président de la République est le Chef Suprême de armées, et qu’il est soutenu d’autre part, que le Président du Conseil est responsable de la défense nationale et qu’il dispose à cet effet de la force armée.

Mieux, le président, en dehors de sa chasse gardée (arbitre, gardien de la Constitution, défense de l’intégrité du territoire et de l’indépendance nationale…), devait soumettre tous ses actes, sous peine d’invalidité, au contreseing du Président du Conseil et le cas échéant, des ministres chargées de leur application. Bien que là règle du contreseing vise à engager la responsabilité du Président du Conseil et de son gouvernement, elle soulève le problème de la soumission du pouvoir de décision du Président de la République à la volonté du Président du Conseil. Nous n’avons plus ici deux pouvoirs qui se soutiennent mais plutôt qui s’étouffent sur le plan institutionnel en plus d’être asphyxiés par une guerre de leadership.

Il convient aussi de souligner que l’absence d’une opposition, c'est-à-dire le fait que tous les deux tenants de l’exécutif soient issus d’un même parti ultra majoritaire à l’assemblée, rendait difficile la résolution des crises au sein de l’exécutif car seule la motion de censure était en mesure d’être utilisée pour renverser le gouvernement. Ce qui n’était pas gagné d’avance vue la popularité de Mamadou Dia et de ses partisans à l’Assemblée. 

La motion de censure fut tout de même votée contre le gouvernement Dia dans des conditions que celui-ci et ses partisans ont toujours déploré. Accusé d'avoir voulu commettre un coup d’Etat qui lui vaudra la prison pendant 12 ans de sa vie, il répondra plus tard qu’il ne pouvait chercher à commettre un coup d’Etat alors que c’est lui-même qui avait tous les pouvoirs. D’où l’ambiguïté manifeste des rapports entre le chef de l’Etat et le chef du gouvernement.

En Décembre 1962, le Sénégal connait la crise institutionnelle la plus importante de son histoire. Mamadou Dia à qui on a prêté des intentions de coup d’état est arrêté. Il est hâtivement voté le jour de son arrestation, la loi Constitutionnelle 62-62 du 18 Décembre 1962 portant révision de la Constitution.[4] Donnant par dérogation au Président Senghor l’initiative de la Constitution, ce dernier fera rédiger par un Comité Consultatif Constitutionnel, la nouvelle Constitution approuvée par référendum et connue sous le nom de la Constitution du 7 Mars 1963. « La cause est entendu : plus jamais de régime parlementaire. »[5] Une nouvelle ère s’ouvre, celle du régime présidentiel, devenu par la suite, comme dans les autres anciennes colonies africaines, présidentialiste.  Le Sénégal n’a pas réussi ce qu’aucun autre pays n’a réussi non plus : un régime parlementaire sans multipartisme, c’est-a-dire dans un régime parlementaire avec un seul parti.

Maleine Amadou Niang


[1] Charles De Gaulle,Discours de Bayeux, 1946

[2] Ismaïla Madior. Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal, Paris, Karthala, 2009, P.28

[3] Georges Pompidou s’exprimant sur le rôle prêté au Président français sous la Vème République durant l’ère DE Gaulle.

[4] Ismaïla Madior Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal, Paris, Karthala, 2009, P.49

[5] Ismaïla Madior Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal, Paris, Karthala, 2009, P.52