Impressions d’Addis-Abeba : la jeunesse et le cinquantenaire de l’union africaine

panafricanisme-300x283J’étais à Addis-Abeba du 23 au 26 mai 2013, pour participer aux célébrations du cinquantenaire de l’Union africaine. Sous l’invitation conjointe de la Commission de l’Union africaine, de la Commission Economique pour l’Afrique des Nations Unies et de la Banque Africaine de Développement, j’ai participé avec environ deux cent jeunes gens provenant de l’ensemble du continent à un débat intergénérationnel avec des présidents africains, le 24 mai. L’intérêt pour moi était triple : participer « en live » à un moment historique de réjouissance et de projection du projet panafricaniste ; rencontrer des jeunes Africains de mon âge avec des cultures et des parcours différents des miens, discuter avec eux pour juger de ce qu’ils pensent, ce qu’ils projettent de faire, ce qu’ils sont ou compte devenir ; enfin visiter Addis-Abeba, une ville à la fois mythique et dynamique dont beaucoup de personnes m’avaient dit le plus grand bien.

Qu’il me soit permis de commencer par le principal élément négatif de ce séjour : le manque d’organisation. Mis à part l’accueil à l’aéroport et le fait de nous avoir déposés dans des hôtels dont certains, dont le mien, se situaient dans des périphéries lointaines et perdues de la ville, les organisateurs nous ont littéralement lâchés dans la nature.

Cette question du manque d’organisation et de préparation en amont s’est également ressentie sur la qualité du débat du 24 mai, entre les jeunes, les chefs d’Etat et de gouvernement présents (Ethiopie, Kenya, Liberia, Malawi, Zambie, Sénégal, Botswana), la présidente de la Commission de l’Union africaine (Mme Dlamini-Zuma) et le secrétaire exécutif de la Commission Economique pour l’Afrique (M. Carlos Lopes).  Le fait est qu’il s’agissait plus d’un ensemble de monologues que d’un dialogue.

IMG_1633La rencontre avait pourtant bien commencé. Dans son propos introductif, Carlos Lopes rappelait l’importance de la jeunesse en Afrique, de par son poids démographique dans nos sociétés actuelles, mais également par le rôle historique qu’elle a déjà été amené à jouer : les pères des indépendances, les fondateurs des Etats modernes africains, les grands romanciers et artistes qui font aujourd’hui la fierté du continent avaient pour la plupart (Kwamé Nkrumah, Patrice Lumumba, Frantz Fanon, Amilcar Cabral) commencé à bâtir l’œuvre qui allait les rendre célèbre à un très jeune âge.  Un propos confirmé par Mme Dlamini-Zuma qui a plus particulièrement insisté sur le leadership féminin et la nécessité d’offrir les conditions d’épanouissement aux jeunes filles et femmes africaines.

Invité d’honneur de la célébration du cinquantenaire des indépendances, l’ancien président Zambien, Kenneth Kaundra, l’un des rares pères fondateurs de l’Organisation de l’Union Africaine à être toujours en vie, a rappelé les conditions d’indépendance des Etats d’Afrique australe, les chemins différents poursuivis suivant que la contestation pouvait se faire de manière pacifique, comme en Zambie, ou contrainte à la violence, comme en Afrique du Sud, au Zimbabwe ou au Mozambique. Le président Kaundra a rappelé le devoir de solidarité qui s’imposait de manière naturelle aux chefs d’Etat de la région pour soutenir leurs frères qui combattaient dans la clandestinité des régimes colonialistes, racistes, puissants et particulièrement violents. Ce devoir de solidarité est l’un des liens forts qui a soudé les pères fondateurs du panafricanisme.

La rencontre a diminué en intérêt à partir du moment où l’on est passé aux questions-réponses entre les jeunes et les responsables politiques présents. Il y avait clairement un problème de format : dans la même salle, des enfants de 8 à 12 ans posaient leurs questions (écrites à l’avance, qu’ils lisaient sur un papier) en même temps que les « jeunes » de 20 à 40 ans… Le résultat était prévisible : un ensemble hétéroclites de questions et de remarques individuelles, sans liens les unes avec les autres, sans orientation d’ensemble. Les questions étaient suffisamment générales (« comment comptez-vous promouvoir la jeunesse ? » ; « comment réduire la pauvreté ? » ; « Que faites-vous pour aider d’autres jeunes femmes à obtenir des positions de leadership ? » « Est-ce que c’est dur d’être président ?») pour que les réponses des chefs d’Etat et de gouvernement, lorsqu’ils voulaient bien répondre directement à une question et non faire un speech pré-écrit à l’avance, restent évasives et sans conséquence.

Je saluerai toutefois les interventions du nouveau Président kenyan, Uhuru Kenyatta, de loin le plus concentré, intéressé, construit et pertinent dans son discours des leaders africains présents. Le président kenyan s’est montré le plus crédible lorsqu’il a dit faire de l’épanouissement de la jeunesse de son pays la priorité de son gouvernement. Un gouvernement qui ne compte pas de « ministre de la jeunesse », mais est resserré autour de 15 ministres qui ont chacun des objectifs identifiés pour lesquels ils lui rendent compte régulièrement ; le premier de ces objectifs serait de justifier de leur action vis-à-vis des jeunes. Et, puisqu’il y a un premier de la classe, il faut sans doute un dernier : le bonnet d’âne reviendrai sans conteste au président zambien en exercice, Michael Sata, qui a radoté et grogné pendant l’essentiel de la rencontre, éclairant à son corps défendant le gap générationnel et l’incompréhension mutuelle entre certaines personnes âgées du continent et les jeunes africains de ce début de XXI° siècle.

La rencontre était sans doute à l’image de l’Afrique contemporaine : chaotique mais dynamique. Les jeunes présents ont participé avec beaucoup d’énergie et n’ont pas hésité à bousculer les leaders, à mettre les pieds dans le plat. Les questions de la corruption, de la distance entre les gouvernants et les gouvernés, du manque d’inclusivité politique et économique des sociétés africaines, ont été évoquées sans détours et sans déférence. Il a manqué à l’assemblée des jeunes de parler de manière plus structurée, plus constructive, pour que cette rencontre ne soit pas un nouveau coup d’épée dans l’eau, mais le prélude à un nouveau pacte social et politique. Il faut espérer que cela sera pour la prochaine fois. D’ores et déjà, dans ce tumulte général, certaines organisations de jeunes ont quand même réussi à faire entendre leur musique et faire montre d’un premier effort d’organisation. C’est le cas d’Africa.2.0, qui forte d’une délégation nombreuse sur place, a distribué largement son manifeste sur sa vision d’avenir de l’Afrique et a amené le président kenyan à s’engager à signer la charte de l’UA sur la jeunesse que son pays n’a pas encore ratifié.

Dlamini ZumaOn retiendra surtout de cette rencontre la proposition faite par la Présidente de la Commission de l’Union Africaine, en fin de séance,  de créer un Parlement des jeunes africains, afin de rendre l’institution panafricaine plus participative et de promouvoir l’inclusion politique de jeunes leaders. Une idée qui, si elle est correctement mise en œuvre, peut incontestablement contribuer à améliorer la situation actuelle, tant au regard des critiques sur le « syndicat des présidents » que serait l’Union africaine, que du problème de la participation politique des citoyens, jeunes et moins jeunes, aux débats publics qui concernent le présent et l’avenir du continent.

Si ce projet de Parlement des jeunes africains n’aboutit pas, ce ne sera en tout cas pas faute de « jeunes leaders » disponibles et motivés.  Je retiendrai surtout de ce séjour éthiopien les noms, les visages et les histoires des jeunes hommes et femmes avec lesquels j’ai échangé. Des personnes qui vous persuadent d’un avenir meilleur pour l’Afrique. Pour le francophone que je suis, cette rencontre aura été une occasion inespérée de faire la connaissance de membres des sociétés anglophones et lusophones de notre continent. Ainsi de Manuel de Araujo, jeune maire de Quelimane, quatrième ville du Mozambique, qui incarne un nouveau type de leadership politique, pragmatique, réfléchi, honnête, ouvert à l’international, conscient des forces et des faiblesses de sa société, et résolument ambitieux pour l’avenir. Ou encore Vimbayi Kajese, du Zimbabwe, première journaliste noire africaine de la télévision chinoise CCTV, qui m’a donné à réfléchir à une autre image de son pays, ne se réduisant pas au seul cas Mugabe. Il faudrait encore citer Iyadunni Olumide, du Nigeria, qui dirige avec passion l’ONG Leap Africa, ou Teddy Warria, du Kenya, qui dirige une start-up innovante (smsvoices) qui souhaite révolutionner les moyens de télécommunication intra-africains. La liste pourrait encore continuer, de ces nouvelles énergies d’Ouganda, de Tanzanie, d’Afrique du Sud, décidées à agir et à innover, sans complexes.

Enfin, il y avait la découverte d’Addis-Abeba et des éthiopien(ne)s. Ce fut un réel plaisir. Qui demande à être prolongé. Il faudra donc retourner à Addis-Abeba. 

Emmanuel Leroueil

Une heure dans la vie de Jean Ping***

Jean Ping me reçoit dans cette suite du Pullman qui est son quartier général parisien. Pourquoi pas la résidence de l’ambassadeur ? Léger sourire en coin : « plus maintenant. » Comprendre « Ce serait déplacé, après mon passage à l’Union Africaine » Je doute que l’ancien cacique du Boulevard du Bord de Mer, à Libreville, ait jamais préféré les auspices de l’ambassade aux hôtels parisiens. Je laisse passer. Trop tôt pour engager les hostilités. Grâce au réseau des anciens de Sciences Po, j’ai pu décrocher une heure avec l’ancien président de la Commission de l'Union Africaine. Il faudrait être fou pour la gaspiller en salamalecs. Allons au cœur du problème.
 
Quel bilan dresse-t-il de son action à la tête de l’UA. Il botte en touche. Ce sera aux autres de faire le bilan de son action. Ce qu’il sait « en tout cas », c’est que grâce à lui, la légitimité de la Commission est fermement établie – ce qui n’était « pas gagné d’avance et n’est pas le cas d’autres institutions de l’Union ». Je lui rappelle que ces « institutions en panne », comme il dit, étaient censées consolider les pouvoirs juridiques de l’Union. Autre sourire. Jean a appris, jusqu’à l’usure les codes des communicants américains. Devant une question ou un interlocuteur difficile, souriez et répondez à votre guise. Qu’importe, il a l’air moins tendu qu’avant. Je me souviens du visage fermé, sévère de l’ancien diplomate (il réprimandera à plusieurs reprises mon utilisation de ce terme : « pas ancien diplomate ! Non, alors pas du tout ! Je suis encore en fonction » Auprès de qui ? Il ne le dira jamais. N’est-il pas davantage « en représentation plutôt qu’en fonction» ? Aucun sourire…) durant la crise postélectorale en Côte d’Ivoire ; et cette artère palpitante qui ne quittait pas son front, au plus fort de la bataille contre Dhlamini-Zuma. Pense-t-il qu’elle fera un bon leader ? Il me renvoie au discours de « concession » rédigé après l'élection. A-t-il pardonné l’affreuse pique de Jacob Zuma plaidant pour un candidat ayant « d’avantage d’envergure » à la tête de l’UA. Pas un mot de plus. Loyal. Il se contente de me rappeler qu’elle non plus, ne souhaite pas l’extradition d’El-Béchir. Certaines choses ne changent pas à Addis-Abeba.
 
Son staff lui a fait une note sur Terangaweb… «Pas terrible!» La note ou le Think-tank ? Conciliant « la note ! Evidemment » sourire. L’entretien sera constamment interrompu par divers personnages, plus ou moins jeunes et pressés : un jeune homme, plutôt mince, lunettes à rayure, oreillette Bluetooth vissée à l’oreille droite, des airs de conspirateur  en manque d’ennemis, "Jean-Pierre, mon neveu" ; une femme, trente-trente-cinq, veston beige, Jupe bleu nuit, rouge à lèvres léger, yeux très clairs, pénétrants – « Michèle » me dira-t-il suivant mon regard, « ma chargée de communication. C’est elle que vous avez eu au téléphone ! ». Je baisse les yeux. Reprenons.
 
Cet homme, installé depuis trente ans au cœur de la diplomatie africaine, reste difficile à cerner. Aimait-il vraiment son bienfaiteur, son beau-père de facto (il a eu deux enfants avec Pascaline Bongo, fille de Vous-Savez-Qui) ? Quelles relations entretient-il avec Ali Ben ? Les rumeurs persistantes sur une guerre de succession, entre ces deux hommes ambitieux, alors que la dépouille du Patriarche était encore tiède ? Ragots ! Rien que des ragots. Il a toujours été loyal au Président ! Lequel ? Autre rictus.
 
Revenons en eaux moins troubles. Se considère-t-il comme libéral ? L’auteur d’une thèse de doctorat intitulée « quelques facteurs externes du freinage de la croissance et du blocage du développement : le cas du Gabon » et du très plat « Mondialisation, paix, démocratie et développement en Afrique : l'expérience gabonaise », est aussi l’homme qui ouvrit le plus l’économie gabonaise au commerce international. La solution du développement se trouverait-elle dans l’échange ? « Absolument ! » Et il se lance dans une longue diatribe sur les freins au commerce régional en Afrique. Les 153 frontières à franchir. Le manque d’infrastructures routières. Ce sujet semble le passionner. S’imagine-t-il jouer un rôle au sein des exécutifs régionaux d’Afrique centrale ? « Quelle régression ! » souffle-t-il. Au sein de la BAD, alors ? Moue dédaigneuse. La voix rocailleuse se fait soudain plus sèche : l’Afrique centrale a eu son tour. La référence à Donald Kaberuka, le rwandais à la tête de la BAD est acide. Ping y avait vu un autre coup de la diplomatie-canon de Kagamé. Ces deux-là se haïssent.
 
La trajectoire de ce métis était-elle tracée d’avance ? Fils de l’Ogooué et du Wenzhou, villes-régions portuaires, bons augures, Jean voyagera, beaucoup. A Wenzhou, la région d’origine de son père, il retrouvera même sa tante de 90 ans, incrédule, à moitié sourde. Et il sera fêté comme un héros. Quel souvenir en garde-t-il ? Cet homme sévère s’attendrit, hésite un instant puis lâche : « poignant ».  C’est l’adjectif le plus chaud que l’ancien diplomate aura utilisé durant notre entretien. Il abandonne, je peux garder « ancien diplomate » si j’y tiens. Un dernier mot ? « Pourquoi ‘l’Afrique des Idées’ ?» Parce que le discours général sur l’Afrique manque d’idées. De bonnes en tout cas ! N'est-ce pas prétentieux… ? Si même Jean Ping vous trouve « prétentieux ». Je promets de transmettre le message à Simel et Leroueil.
 
*** Interview fictive évidemment.

La CEMAC : l’anti-modèle de zone d’intégration africaine

Siège de la CEMAC à Bangui (Centrafrique)

Portée officiellement sur les fonds baptismaux en mars 1994, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (composée du Cameroun, de la Centrafrique, du Congo-Brazzaville, du Gabon, de la Guinée-Equatoriale et du Tchad) n’est cependant entrée en vigueur qu’en juin 1999. 5 longues années pour arriver à trouver un consensus politique a minima et mouvoir le projet d’intégration régionale voulu par les pays membres. Un démarrage laborieux qui semble avoir durablement déteint sur le fonctionnement de la CEMAC. Entre lenteurs et désaccords, querelles de clochers et projets communs mis au placard, scandales et climat de méfiance, la CEMAC doit près de 20 ans après sa création relever nombre de défis pour enfin s'imposer comme un acteur régional crédible en Afrique centrale. 

Un projet d'intégration mal en point

Après plus de 2 ans d’atermoiements, la 11e session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat de la CEMAC à Brazzaville, tenue le 25 juillet 2012, était très attendue, tant les sujets de contrariété et les motifs de dissension abondent. Certes, il y a eu incontestablement quelques avancées dans la voie de l’intégration. Les institutions communautaires ont été, ou mises en place (Cour de Justice, Secrétariat exécutif, Commission interparlementaire) ou consolidées (Banque des Etats de l’Afrique centrale et Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale). Une zone de libre-échange ainsi qu’un tarif extérieur commun ont été institués, et des règles communes ont été adoptées en matière d’investissement et de concurrence. Mais au-delà des déclarations circonstanciées des uns et des autres, restent les actes. Et ceux-ci donnent à voir une réalité moins attrayante. 

Ainsi, en dépit du cadre réglementaire mis en place, les dispositions communautaires ne sont le plus souvent que partiellement appliquées par les états membres. Derrière une façade lisse de discours fédérateurs, chaque pays défend farouchement ses prérogatives nationales et considère avec suspicion toute réglementation commune qui pourrait empiéter sur sa souveraineté. Cas emblématique entre tous, la question de la libre-circulation des biens et des personnes : bien que théoriquement garantie au sein de la zone CEMAC pour les ressortissants des pays membres, elle n'a jamais été mise en œuvre. Un blocage dû tant à un manque de volonté politique qu'à la crainte nourrie par les nations les plus favorisées (Guinée-Equatoriale et Gabon notamment) d'être "submergées" par un flot incontrôlé de migrants non désirés. Du reste, le passeport CEMAC commun à tous, ambition vieille de plus d'une décennie, n'est toujours pas opérationnel. Une illustration éclatante des limites du projet d'intégration de la CEMAC en l'état actuel des choses. 

Tableau comparatif entre organisations régionales africaines

Quant aux principaux projets communautaires, ils sont eux aussi en panne. Annoncé depuis plusieurs années, le rapprochement entre la bourse camerounaise du Douala Stock Exchange (DSX) et la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (BVMAC, située à Libreville) est enlisé dans d'interminables contretemps. La fusion, si elle devenait effective, donnerait naissance à une Bourse régionale unique dont le siège serait à Libreville (Gabon). Une décision politique qui aura fait l'objet d'intenses tractations, et qui passe très mal auprès des intervenants financiers. Ces derniers pointant du doigt (à juste titre) la primauté du DSX (volume de transactions, taille du marché, vivier plus important de personnel qualifié) sur son homologue gabonais. Toutes les grandes institutions financières internationales (Banque africaine de développement, Fonds monétaire international et Banque mondiale) ont été sollicitées pour proposer un plan de rapprochement accepté par les deux parties. Mais pour l'heure, pas d'avancée significative. En somme, la partie est loin d'être gagnée. 

Air Cemac, le futur transporteur aérien régional, attendu là-aussi depuis longtemps, devait pour sa part démarrer ses activités avant l'été 2010. Mais la compagnie en devenir est toujours clouée au sol. La faute principalement à une absence d'accord entre toutes les parties prenantes. Tant de la part des Etats membres de la CEMAC que des partenaires privés (l'opérateur South African Airways qui devait initialement s'engager comme partenaire stratégique de la compagnie communautaire a opté pour une simple assistance technique, avant de finalement jeté l'éponge au profit d'Air France). Aux dernières nouvelles cependant, le démarrage des activités serait proche. Après tant de faux départs, un espoir raisonnable semble permis. 

Autre cheval de bataille de l'intégration : le plan de développement régional qui passe par des programmes économiques communautaires. Sur ce point, on ne pourra que constater également le retard de l’Afrique centrale. Notamment lorsque la CEMAC est comparée à son homologue ouest-africaine, l'UEMOA. Ainsi, sur la période 2006-2010, l'UEMOA a financé pour près de 6 milliards de $ de projets d'intégration régionale, alors que la Cemac n’a adopté son premier programme économique régional qu’en 2010, et en est toujours à lever des fonds pour financer ce plan qui vise à faire des pays de la zone des économies émergentes à l’horizon 2025. Il est parfois des comparaisons qui s'avèrent cruelles. 

Des affaires qui font tâche

En plus de son immobilisme, la CEMAC se distingue tristement par un certain nombre de scandales. Responsable de la politique monétaire de la zone CEMAC, la Banque des États de l'Afrique Centrale (BEAC) a ainsi été éclaboussée par un retentissant scandale de détournement de fonds, dévoilé pour la première fois par l'hebdomadaire Jeune Afrique en septembre 2009. Un vol à grande échelle portant sur plus de 31 millions d'euros et qui aura impliqué de près ou de loin la plupart des hauts dirigeants de l'institution. Depuis, le ménage a été fait, de nombreuses têtes sont tombées (notamment celle de l'ancien président de la BEAC, Philibert Andzembé) et les procédures de contrôle ont été renforcées. Mais le grand procès rêvé par certains n'aura probablement jamais lieu. Sans parler de l'argent public volatilisé, définitivement perdu. Une regrettable histoire qui vient jeter encore un peu plus le doute sur la BEAC, déjà fréquemment décriée pour les récurrents problèmes de pénurie de monnaie dans la zone CEMAC.

Dernière affaire en date, "l'affaire Ntsimi", du nom du président camerounais de la Commission de la CEMAC. Déclaré persona non grata par les autorités centrafricaines qui refusaient depuis mars 2012 de le voir à Bangui, pourtant siège de la CEMAC, Antoine Ntsimi a finalement été débarqué. En vertu du principe de la rotation alphabétique qui permet à chaque pays membre de la CEMAC de pouvoir placer à tour de rôle ses ressortissants à la tête des principales institutions, la présidence de la Commission devait échoir à un ressortissant centrafricain à la fin du mandat de Ntsimi. C'est à dire cette année. Mais faisant fi de son précédent engagement de ne pas se représenter, Antoine Ntsimi a fait campagne pour pouvoir obtenir un second mandat. C'était trop en demander pour nombre de Chefs d'Etats, à commencer par le centrafricain François Bozizé. Et c'est finalement la candidature de compromis du congolais Pierre Moussa qui a été choisie. Une arrivée à la tête de la CEMAC qui se fait dans une atmosphère délétère. 

Pierre Moussa, le nouveau président de la Commission de la  CEMAC

La nouvelle équipe dirigeante aura assurément fort à faire. Près de deux décennies après son instauration, la CEMAC connaît une crise profonde et se cherche toujours. Non pas que le modèle d'intégration régionale soit devenu inadéquat et anachronique. Bien au contraire, dans un contexte mondialisé et concurrentiel, cette logique d'intégration est plus que jamais indispensable. Mais aussi longtemps que la CEMAC subira un mode de fonctionnement qui la dessert plus qu'il ne la sert, les meilleures intentions seront vaines. C'est la méthode qui est à revoir de fond en comble.

Une méthode où les intérêts individuels doivent s'effacer devant le bien commun, et les considérations managériales prévaloir sur les agendas politiques des uns et des autres. C'est l'efficacité d'ensemble qui est recherchée et non l'obtention d'avantages personnels. Un sacrifice consenti qui ne va cependant pas de soi. Le cas de la CEMAC est là pour nous le rappeler. En Afrique centrale, derrière les communiquées officiels lénifiants et les effets d'annonce, c'est encore le règne du chacun pour soi. Les vieux crocodiles (ou leur progéniture) qui occupaient les premières places dans le marigot politique au moment de la création de la CEMAC sont toujours là (Biya, Obiang Nguema Mbasogo, Sassou Nguesso, Deby Itno, Bongo fils). Des chefs qui s'observent et se jaugent, défendant jalousement leur pré carré. Et pour qui le maintien du statut quo sera toujours préférable à tout changement impromptu.  

Les potentialités de la région sont pourtant évidentes : abondance des ressources naturelles, cours des matières premières structurellement bien orientés, vaste territoire, pression démographique faible…. Sur la simple comparaison du PIB par habitant, les ressortissants de la CEMAC sont ainsi plus riches (environ 1500 $) que ceux de la zone UEMOA (environ 800 $) ou de la Communauté d'Afrique de l'Est (500 $). Mais les chiffres ne sont pas tout. On l'aura bien compris, la volonté de coopérer et de faire résolument avancer les chantiers communautaires importe plus que toute autre considération. Aussi longtemps que les dirigeants actuels de la CEMAC douteront du bien-fondé de cette démarche "solidaire", il y a tout lieu de craindre que la CEMAC reste à la traîne. Puisse l'avenir infirmer cette prédiction.

Jacques Leroueil 

Le bilan de l’UEMOA

 

Pays membres de l'UEMOA.
 
Le 10 janvier 1994 à Dakar, les Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays de l’Afrique de l’Ouest ayant en commun l’usage du franc CFA (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali, Niger, Sénégal et Togo, auxquels viendra s’ajouter la Guinée-Bissau à partir de 1997) signaient un traité de portée historique : l’instauration de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), prolongement de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA). Le lendemain, le franc CFA était dévalué, prenant totalement de court des consommateurs qui virent les prix passer du simple au double du jour au lendemain. Un choc terrible, politiquement mal géré (bien qu’économiquement nécessaire) et dont la mémoire populaire a gardé des traces vivaces. Entachée de ce « pêché originel », l’UEMOA n’aurait pu commencer sous de plus mauvais auspices. Sur ce point, nul doute que la concomitance des deux événements aura joué en défaveur de la jeune institution ouest-africaine. Le caractère malencontreux du timing initial ne saurait cependant faire oublier la pertinence évidente de la création de l’UEMOA. Bien plus encore que le bien-fondé du projet, son caractère de nécessité. 
 
Une union indispensable
 
Ce besoin d’union économique et monétaire à l’échelle ouest-africaine repose sur un constat simple : jusqu’en 1994, il n’existe qu’une union monétaire (UMOA) regroupant les pays de la zone ayant pour devise le franc CFA, dont la gestion est pilotée par la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Mais la dimension uniquement monétaire de l’union limite de facto les ambitions et le champ de compétence de l’UMOA.  Surtout, elle néglige l’importance cruciale d’une intégration économique élargie et effective au sein de la zone. Un préalable indispensable à une dynamique durable de croissance et à une convergence économique structurelle des pays membres de l’Union à long terme. A la différence par exemple de l’Union européenne qui a opté pour une approche gradualiste visant dans un premier temps à assurer une intégration économique avancée avant de mettre en place une union monétaire (avec l’euro), l’instauration d’une union monétaire ouest-africaine a d’abord acté un fait historique (l’existence d’une monnaie commune, le franc CFA pour les anciennes colonies françaises) avant de consolider ce socle commun par une approche globale d’intégration économique : l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).   Le traité instituant l’UEMOA en 1994 complète ainsi celui de l’UMOA (qui date de 1962) et fait de la BCEAO et de la BOAD (Banque ouest-africaine de développement) des institutions spécialisées autonomes.
 
Avec près de deux décennies de recul et une approche nuancée des évolutions économiques  qui ont depuis pris place, l’heure du bilan est désormais venue. Confronter de façon objective et balancée les réalisations de l’UEMOA à l’aune des intentions initiales affichées : un exercice que se propose ce présent article. Tant pour mesurer le chemin accompli que pour percevoir les insuffisances et blocages rencontrés.
 
Un bilan en demi-teinte
 
Evoquant son mandat de près de 8 ans à la tête de la Commission de l’UEMOA au cours d’une conférence de presse tenue à Bamako en juin 2011, Soumaïla Cissé (remplacé depuis par le sénégalais Cheikh Adjibou Soumaré. Voir ici son interview-bilan) remarquait en guise de préambule que « l’UEMOA revenait de loin », faisant directement allusion au contexte économique tendu consécutif à la dévaluation du franc CFA au moment de la création de l’union en 1994. Il fallait trouver dans cette situation délicate les mécanismes les plus appropriés (système de compensations financières notamment pour les pays touchés par cette dévaluation)  pour faire face à la nouvelle donne. Passé ce premier cap difficile, restait à mettre en place les différents nouveaux organes de l’UEMOA : la Cour de Justice, la Cour des Comptes, le Comite interparlementaire (amené à devenir le parlement de l’Union), la Chambre consulaire régionale (lieu privilégié de dialogue entre l’UEMOA et les operateurs économiques privés). Enfin, jeter les bases d’une intégration économique effective. Dix huit ans plus tard, l’UEMOA peut à bon droit se targuer d’un certain nombre de réalisations.  Même si il reste encore nombre de chantiers en suspens.


 
Siége de l’UEMOA à Ouagadougou (Burkina-Faso)
 
Les principaux organes (Commission, Cour de justice, Cour des Comptes, Comité interparlementaire, Chambre consulaire) et institutions autonomes (BCEAO et BOAD) de l’UEMOA fonctionnent de façon satisfaisante et la plupart des observateurs s’accorde à reconnaitre la relative efficacité des politiques et mesures mises en œuvre.  L’UEMOA dispose en outre d’un budget de fonctionnement convenable, gage d’une certaine marge de manœuvre.  Ses ressources pour 2011 s’élevaient ainsi à 140 milliards de francs CFA (environ 280 millions de $), moyens budgétaires équivalents à ceux de l’Union africaine (UA) et à comparer avec les 67 milliards de francs CFA (environ 130 millions de $) de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). L’UEMOA a cependant les défauts de sa jeunesse : son potentiel d’actions n’est pas encore pleinement exploité et sa communication institutionnelle est perfectible. La Cour de Justice traite ainsi peu d’affaires (malgré les avantages évidents d’avoir un juge en dernier ressort capable d’arbitrer les conflits à l’échelle de toute la zone UEMOA) et les travaux de la Cour des Comptes tout autant que du Comité interparlementaire restent relativement confidentiels.
 
La coordination des politiques sectorielles nationales a fortement progressé et est devenue une réalité dans nombre de projets à vocation régionale, qui se présentent sous la forme de programmes d’investissements portant sur les infrastructures, les télécoms, l’exploitation énergétique…Ainsi, sur la période 2006-2010, leprogramme économique de l’UEMOA a financé 63 projets d’intégration régionale pour un montant total de près de 3.000 milliards de francs CFA (environ 6 milliards de $). Et le prochain plan sur 2011-2015 promet d’être en hausse sensible, tant en raison de la reprise économique que du grand retour de la Côte d'Ivoire sur la scène économiques ouest-africaine après plus de dix ans de blocage interne. Nul ne contestera cependant que les besoins en la matière sont immenses et que les efforts communautaire de l’UEMOA, combinés aux programmes individuels de chaque pays, ne comblent pour l’heure que très partiellement les attentes des populations.
 
Entré en vigueur le 1er janvier 2000, le tarif extérieur commun (TEC) a pour sa part permis une meilleure protection de la production communautaire et un accroissement incontestable des échanges commerciaux au sein de la zone UEMOA, même si la part du commerce intra-communautaire reste faible (environ 15 %). De ce point de vue, il y a bel et bien eu un renforcement de la compétitivité des pays membres à l’intérieur de l’UEMOA, ces derniers étant partiellement protégés de la concurrence étrangère grâce au tarif extérieur commun. En revanche, sur les marchés internationaux, on ne peut encore parler d’une progression significative de la compétitivité ; les données empiriques ne validant pas en l’état actuel des choses une amélioration significative de celle-ci. Le TEC constitue en tous les cas les prémices inédites d’une politique commerciale extérieure commune qui permet à l’UEMOA de disposer d’une compétence quasi-exclusive dans la conclusion d’accords internationaux et de défendre ainsi au mieux les intérêts de l’ensemble de la zone.
 
Enfin, axe majeur de l’ambition de l’UMEOA, le marché commun basé sur la libre circulation des personnes, biens et capitaux est quant à lui un succès partiel. Certes, l’UEMOA a pris l’ensemble des dispositions permettant aux ressortissants d’un Etat membre de bénéficier sur le territoire de l’Union de la liberté de circulation, de résidence et de droit d’établissement. Le principe est globalement appliqué et la circulation est de facto plus fluide qu’avant la création de l’UEMOA. Mais dans la pratique, tracasseries administratives et barrières en tous genres sont encore fréquentes aux frontières. Tant pour les personnes que pour les marchandises. La situation est comparativement bien meilleure pour les flux de capitaux. La mise en place de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) à partir de 1996, a de plus permis de disposer d’un marche financier structuré (actions et obligations) au sein de la zone. 
 
Une union qui reste à affermir
 
Près de 20 ans après sa création, l’UEMOA a incontestablement fait du chemin. La liberté de circulation des personnes, des biens et des capitaux, en dépit de quelques contrariétés, est dans l’ensemble effective. Les institutions communautaires fonctionnent convenablement. Les cadres juridiques, fiscaux, commerciaux et douaniers ont été harmonisés. Et la coopération communautaire, sur bien des aspects essentiels (commerce, programmes d’investissements sectoriels), est une réalité. Sans parler de ce qui semble depuis fort longtemps une évidence dans la zone UEMOA, mais qui reste pour beaucoup encore un rêve inaccessible sous d’autres latitudes : l’usage d’une monnaie commune.  Comparée à d’autres expériences sous-régionales africaines (CEDEAO, UMA, CEMAC, SADC), l’UEMOA  tire assurément son épingle du jeu. Dans le cas en l’espèce de l’Afrique de l’Ouest, et malgré sa relative jeunesse, l’UEMOA a ainsi mis en œuvre avec plus ou moins de succès sur le plan économique ce que la CEDEAO se propose de réaliser depuis près de 40 ans (entre autres missions). Un parallèle cruel pour la grande organisation intergouvernementale basée à Abuja (Nigeria). Aussi, de l’avis de la plupart des observateurs, l’UEMOA constitue l’une des intégrations régionales les plus avancées et prometteuses du continent (le cas de la communauté d’Afrique de l’Est est aussi instructif).
Tableau comparatif des organisations regionales africaines
Tableau comparatif des organisations régionales africaines
 
Reste in fine la question essentielle : jusqu'à quel point la mise en place de l’UEMOA a-t-elle permis d’enclencher un cercle vertueux de croissance et d’intégration, objectif ultime de l’Union ? Sur la période allant de 1980 à 1994, les membres de l’UMOA (remplacée depuis par l’UEMOA) ont enregistré une croissance économique annuelle de 2.4 %. Les pays adhérents à l’UEMOA ont pour leur part vu celle-ci être portée à 4.3 % en moyenne annuelle sur la période 1994-2008 (lire aussi à ce sujet un précédent article sur la question). Un quasi-doublement, mais qui doit cependant être restitué dans un contexte plus large. Cette croissance tendanciellement supérieure peut aussi être constatée sur le reste du continent, en dehors de la zone UEMOA, et s’explique principalement par une modification des termes de l’échange en faveur de l’Afrique (hausse prolongée du cours des matières premières, principales ressources des pays africains, à partir du début des années 2000). En revanche, une plus grande stabilité macro-économique est vérifiée dans la durée au sein de l’Union. Des résultats qui laissent à penser que si l’Union économique et monétaire ouest-africaine n’accélère intrinsèquement pas sensiblement la croissance, elle constitue à tout le moins un filet stabilisateur qui lisse partiellement les aléas de la conjoncture.
 
En revanche, il existe toujours de profondes disparités économiques structurelles entre pays pour parler d’une réelle convergence au sein de la zone. Certains pays tels que la Côte d'Ivoire ou le Sénégal sont ainsi sensiblement plus favorisées que d’autres sans accès à la mer, à l’image du Burkina Faso ou du Niger. Une asymétrie qui perdurera probablement pendant encore longtemps.
 
Les vents conjoncturels actuels semblent pourtant s’annoncer favorables à l’UMEOA. Après le creux de la récession de 2008-2009, la croissance a repris de plus belle. Il est vrai que celle-ci est toujours portée par les mêmes bons fondamentaux (cours des matières premières bien orientés, accroissement de la consommation et des investissements, environnement macro-économique stable) que ceux précédant la crise. Une situation favorable qui pousse la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à  tabler sur une croissance d’au moins 5.3 % cette année dans l’ensemble de la zone. Encore plus optimiste, une étude de la banque Ecobank va même jusqu'à pronostiquer une croissance moyenne annuelle de 7.8 % au cours des trois prochaines années pour la zone UMEOA.
 
Une quasi-euphorie qui malgré les incertitudes actuelles pesant sur le Mali et la Guinée-Bissau, s’expliquent avant tout par un facteur décisif : le retour au premier plan de la Côte d'Ivoire sur la scène ouest-africaine. Après plus d’une décennie de crise interne, la relance de la locomotive ivoirienne (plus de 30 % du PIB de la zone) promet d’entrainer dans son sillage l’ensemble du train de l’UEMOA. Une reprise forte et durable de l’éléphant ivoirien qui doit encore être confirmée, mais dont la réalisation permettrait de consolider encore un peu plus les réalisations déjà accomplies par l’UEMOA. 
 
                                                                                                                                                         Jacques Leroueil

Nkosazana Dlamini-Zuma, une nouvelle tête pour l’Union Africaine

L’épreuve de force était attendue et redoutée. Elle a bien eu lieu, mais son issue aura créé la surprise… et des remous. Jean Ping, président sortant de la Commission de l’Union africaine (UA), et favori présumé à sa réélection, a finalement concédé sa défaite au terme du 19e sommet de l’UA à Addis-Abeba le 15 juillet dernier. Le diplomate gabonais a pourtant cru jusqu’au bout qu’il pourrait emporter la décision. En vain. C’est donc Nkosazana Dlamini-Zuma, candidate de la nation Arc-en-ciel qui a prévalu. Mais l’épisode aura laissé des traces dans la mesure où l’Afrique du Sud a délibérément piétiné certains codes jusque-là en vigueur dans l’univers diplomatique feutré de l’institution panafricaine. Il avait ainsi toujours été entendu de façon tacite que la présidence de la Commission reviendrait à une « petite » nation. Subterfuge trouvé pour neutraliser les intérêts parfois antagonistes et préjugés égoïstes des poids lourds du continent (Afrique du Sud, Nigeria, Egypte…). De même assez étrangement, ce poste était en général la chasse gardée de l’Afrique francophone.

Ces codes volent en éclat puisque c’est désormais une ressortissante anglophone du géant économique africain qui dirigera l’Union africaine. Un changement d’époque et de style qui fait dire à certains que c’est la Force qui dicte sa loi au détriment des règles de bienséance non-écrites. Et qui nourrit une appréhension quant aux intentions réelles de l’Afrique du Sud, que d’aucun voit utiliser l’UA pour servir ses propres intérêts, et non ceux de l’Afrique dans son ensemble. Un procès d’intention qui devra tôt ou tard être confronté à la réalité des faits. Cette victoire à la Pyrrhus de Nkosazana Dlamini-Zuma est néanmoins une authentique consécration quant à l’accession des femmes au pouvoir. La sud-africaine rejoint ainsi d’autres illustres représentantes (Ellen-Johnson-Sirleaf, Fatou Bensouda, Joyce Banda…) dans le cercle encore restreint des femmes africaines de pouvoir. Le passage de flambeau entre Ping et Nkosazana Dlamini-Zuma traduit en tous cas une forme de rupture, ne serait-ce qu’au niveau du style de ce que pourrait être l’exercice du pouvoir. En revanche, il y a tout lieu de penser que les faiblesses intrinsèques de l’Union africaine continueront de perdurer pendant encore longtemps.

Un changement de style

Avec l’arrivée de Nkosazana Dlamini-Zuma, il y a tout lieu de penser que la méthode va changer. Pédiatre de formation et militante active de l’ANC durant l’Apartheid, la nouvelle présidente de la Commission de l’Union africaine aura été de tous les gouvernements depuis les premières élections multiraciales de 1994 en Afrique du Sud. Ministre de la Santé sous Mandela (1994-1999), des Affaires étrangères sous Mbeki (1999-2009), avant de finalement prendre le portefeuille de l’Intérieur (2009-2012) sous la houlette de son ex-époux, l’actuel président Jacob Zuma. Elle est sans conteste une apparatchik de l’ANC. La femme probablement la plus influente du pays après la figure tutélaire qu’est Winnie Mandela, ancienne compagne de Nelson Mandela et figure de proue de la lutte anti-Apartheid. Surnommée la « Dame de Fer », Nkosazana Dlamini-Zuma est connue pour sa poigne et sa détermination… tout autant que pour son manque de tact et son refus de compromis. Un caractère qui pourrait s’avérer à double tranchant.

Elle arrive à la tête d’une Union africaine en manque de repère et qui se cherche plus que jamais. Elle a pour elle une solide expérience à la tête de ministères régaliens de la première puissance du continent, et une bonne connaissance des dossiers internationaux. Bien qu’étant un exercice périlleux et hautement incertain, il serait tentant d’extrapoler une possible gouvernance Dlamini-Zuma à la tête de l’Union africaine à l’aune de ses actes passés, de son bilan. S’agissant de sa longue période ministérielle en Afrique du Sud (depuis 1994), la plupart des observateurs s’accorde à dire qu’il s’agit d’un inventaire en demi-teinte. Au ministère de la Santé, elle aura lutté en faveur des pauvres avec des soins gratuits pour les moins de 6 ans, interdit la publicité pour le tabac, et favoriser l’importation de médicaments génériques moins chers. Sans pour autant réussir à réformer en profondeur le système de santé, qui s’est progressivement délité. Un temps attaquée par les médias suite à un scandale (avec la commande par son ministère d’une comédie musicale visant à lutter contre le sida, payée par le contribuable mais jamais montée) et très sensible à la critique, Dlamini-Zuma avait alors souvent paru sur la défensive, prête à limoger quiconque élevait la voix autour d’elle plutôt que d’admettre ses erreurs.

Aux Affaires étrangères pendant une décennie (1999-2009), elle aura privilégiée une diplomatie tranquille, fondée sur la stabilité et le bon voisinage avec ses voisins, notamment le Zimbabwe de Mugabe qui se voyait progressivement mis au ban de la communauté internationale. Et dont les habitants émigraient par millions vers le grand voisin du Sud. A son actif doivent être citées la négociation d’un accord de paix en RDC (signé à Sun City en 2002), et la nomination de nombreuses femmes à des postes d’ambassadeur. En revanche, elle a confirmé sa réputation de ministre intraitable et autoritaire, usant jusqu’à la corde directeur de cabinet après directeur de cabinet. Adepte aussi de la politique du fait accompli, prenant souvent des décisions sans consulter ses différents partenaires. Enfin, avec l’accession de Jacob Zuma à la présidence en 2009, elle a héritée du ministère de l’Intérieur, chargée à ce titre de remettre de l’ordre dans l’une des administrations les plus inefficaces et corrompues du pays. Un poste qu’elle quitte après seulement 3 ans pour la présidence de la Commission de l’Union africaine. Avec là aussi des résultats en demi-teinte (le taux de criminalité sud-africain reste parmi les plus élevés de la planète).

De grands défis à relever 

Nul ne pourra dire que le nouveau poste de Dlamini-Zuma est une sinécure. A la mesure des besoins du continent, les défis à relever sont immenses. Et la marge de manœuvre très faible. Portée sur les fonts baptismaux en juillet 2002 à Lusaka (Zambie) à l’initiative des anciens présidents du Nigeria Olusegun Obasanjo, d’Afrique du Sud Thabo Mbeki et du guide libyen Mouammar Kadhafi, l’Union africaine était censée faire oublier son aînée agonisante, l’Organisation de l’unité africaine (OUA). La nouvelle institution panafricaine s’était fixé des objectifs très ambitieux: promotion de la démocratie et des droits de l’homme, stratégie ambitieuse de développement à travers le continent (notamment au travers du programme NEPAD). 

Une décennie a passé et les chefs d’Etat initiateurs de l’UA ont depuis disparu de la scène politique. Mais les difficultés précédemment rencontrées par l’OUA ont elle perduré. En dépit de l’élan initial et de la bonne volonté affichée par les principaux dirigeants africains, la nouvelle mouture de l’organisation continentale n’a guère convaincu jusqu’à présent. Et le pouvoir du président de sa Commission est en l’état actuel des plus réduits. Contrairement à la Commission européenne dont la fonction principale est de proposer et mettre en œuvre les politiques communautaires, son homologue africaine n’a aucun pouvoir. La dénomination de Secrétariat exécutif lui conviendrait sans doute mieux. Ce recadrage sémantique peut sans doute paraître cruel, mais c’est malheureusement la façon dont la plupart des chefs d’Etat du continent perçoivent la Commission de l’UA. Et la force de caractère ainsi que l’opiniâtreté de Dlamini-Zuma ne seront sans doute pas de trop pour tirer de l’inertie l’institution panafricaine. Son dynamique prédécesseur Alpha Oumar Konaré, premier président de la Commission de l’UA, paré de son statut d’ancien chef d’Etat et chantre d’une Afrique forte et unie, s’y était en son temps déjà essayé. Sans succès. Jean Ping aura eu le bon goût de ne pas jouer les troubles-fête et de se contenter de jouer le rôle de caisse-enregistreuse des décisions prises par d’autres. On a le bilan qu’on peut. 

A cette faiblesse patente de pouvoir de la Commission de l’UA, on ajoutera le fréquent immobilisme des chefs d’Etat et le manque criant de moyens de l’institution (le budget prévu de l’UA, qui représente un continent d’un milliard d’habitants, est de 280 millions $ pour l’exercice 2013, financé en grande partie par les partenaires étrangers. A titre de comparaison, la Commission européenne dispose d’une enveloppe de 147.2 milliards € en 2012 pour gérer les intérêts d’une communauté regroupant 500 millions d’individus, intégralement financée par ses états membres). Le siège flambant neuf de l’UA, inauguré fin janvier 2012 à Addis-Abeba et d’un coût de 200 millions $, a ainsi été intégralement financé et construit par la Chine. On reconnaîtra là certainement la générosité (pas forcément désintéressée) de l’Empire du Milieu. Mais on s’étonnera surtout de constater qu’aucun des 54 pays du continent n’est jugé bon de contribuer, si modestement soit-il, à ce projet censé représenter une Afrique fière et souveraine. Cette combinaison de facteurs (pouvoir réduit de la Commission, immobilisme et influence centrifuge des dirigeants du continent sur les grandes questions, faiblesse des moyens) aboutit à une difficulté structurelle réelle lorsqu’il s’agit de se positionner et d’agir de façon décisive sur les événements impactant certaines régions (Mali, RDC, Soudan, Zimbabwe, Madagascar, Printemps arabe…). 

On l’aura bien compris, les dossiers brûlants ne manquent pas pour les débuts de Nkosazana Dlamini-Zuma à Addis-Abeba. A 63 ans, elle a certes l’expérience et la poigne que nécessite son nouveau poste. Mais sa véritable réussite résidera dans sa capacité à pouvoir donner (enfin) un vrai pouvoir effectif à la Commission qu’elle dirige. Et sans se mettre à dos les chefs d’Etat, habitués à être traités en seigneur et attachés à conserver leurs prérogatives. Une vraie gageure, aux difficultés évidentes, mais qui si elle était relevée, permettrait à la nouvelle présidente de la Commission de définitivement faire entrer son institution dans le grand jeu géopolitique continental. Et d’inscrire son nom dans l’Histoire. Le vœu d’une « Afrique dotée institutions fortes et non plus d’hommes forts », cher au président Obama (discours d’Accra en 2009) aurait alors été réalisé.

Jacques Leroueil
 

La SADC : Géant ou nain africain ?

 

Un récent article de l’hebdomadaire britannique The Economist intitulé « Africa Rising » (l’Afrique qui monte) constatait qu’au cours de la dernière décennie, 6  des 10 économies ayant enregistré les taux de croissance les plus élevés de la planète étaient africaines. Avant de rajouter que sur 8 des 10 dernières années, le taux de croissance global de l’Afrique avait été supérieur à celui de l’Asie de l’Est. Pourtant, en dépit des nombreux progrès enregistrés, le poids relatif de l’Afrique à l’échelle de la planète demeure encore négligeable. En 2010, celui-ci représentait 2.7 % du PIB mondial (63 billions de $). Un ordre de grandeur qui bien que devant être considéré avec circonspection à bien des égards, situe le continent et son milliard d’habitants derrière l’Italie (60 millions d’habitants) ou le Brésil (190 millions d’habitants).

De la nécessité d'une intégration africaine

On l’aura bien compris, sous l’angle économique et pour des raisons précédemment évoquées à Terangaweb, la totalité du continent pèse peu, même pris «théoriquement » comme un ensemble homogène. Divisé aussi le plus souvent par les forces politiques centrifuges des pays qui le compose, son influence se réduit alors à la portion congrue sur la scène internationale.

A cet égard, l’intégration au sein de sous-ensembles régionaux constitue une sérieuse option dans la résolution de cette double difficulté africaine qu’est la faiblesse du continent à l’échelle économique et l’absence de réel projet fédérateur entre pays. Une approche inclusive, globale et gradualiste qui sans être parfaite, ni dénuée d’inconvénients, n'en constitue pas moins une réelle alternative de sortie par le haut. Probablement la meilleure en l’état actuel des choses. Le continent dispose déjà d'un certain nombre d'organisations intégrées économiquement et politiquement (UMA, UEMOA, CEMAC, SADC, EAC…). Chacune de ces entités ayant sa propre histoire, son agenda distinct, ses méthodes et moyens spécifiques, ainsi que son bilan caractéristique.

 

Une emblématique organisation régionale africaine : la SADC

 

Parmi ces communautés intégrées africaines, la SADC (acronyme pour Southern African Development Community ou Communauté de développement d’Afrique australe en français) occupe une place à part, celle qui revient au primus inter pares. Géant géopolitique et économique, la SADC cristallise les attentes et espoirs, mais aussi les doutes et craintes liés à la question de l’intégration africaine. Est-elle une structure interétatique qui fait la différence ou une coquille vide ? Fait-elle figure de modèle à émuler ou au contraire de contre-exemple à éviter ? In fine, au-delà du poids théorique de la SADC, quelle influence réelle sur la scène africaine ?  Une problématique à la mesure des enjeux de l’intégration sur le continent.

 

 

 

Etats membres de la SADC 

La SADC est officiellement née le 17 août 1992 au sommet de Windhoek (Namibie), en remplacement de la SADCC (Southern African Development Coordination Conference) fondée en 1980. Ce passage de flambeau avait alors valeur de symbole, car la SADC du début des années 80 était d’abord et avant tout une organisation inter-gouvernementale de 9 états d’Afrique australe (Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, Swaziland, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe) dirigés par la majorité noire, et qui luttaient collectivement contre la domination blanche de l’Apartheid sud-africaine. L’intention initiale était donc clairement politique. La fin des lois de ségrégation raciale en Afrique du Sud une décennie plus tard modifie de facto la donne et la nouvelle SADC qui est portée sur les fonts baptismaux réoriente son credo en tenant compte des temps nouveaux. Un changement de paradigme qui consacre la primauté de la dimension économique sur le volet politique.

 

Un géant économique aux pieds d'argile

 

La SADC d’aujourd’hui, c’est près de 260 millions d’habitants (le quart de la population africaine) sur une superficie de près de 10 millions de km2 (un tiers du continent) et pour un PIB d’environ 650 milliard de $ (environ 40 % du PIB continental). D’un point de vue pratique, l’intégration économique est réellement effective depuis 2000, date à laquelle une zone de libre-échange est progressivement instaurée. L’établissement de celle-ci n’a cependant pas de valeur contraignante puisqu’elle se fait sur la base du choix individuel de chaque état à la rejoindre. A ce jour, seuls 3 états membres sur les 15 que compte l’organisation ne l’ont pas encore fait (Angola, RD Congo et Seychelles).  Alors, la SADC géant économique africain ? A l’aune de la part relative de celle-ci au niveau du continent, assurément. Mais les chiffres ne disent pas tout. Les deux tiers de la richesse produite par la zone le sont en fait par le vrai géant, l’Afrique du Sud. Certains états membres de la SADC pourraient même être considérés comme des satellites relevant de l’aire d’influence de la nation arc-en-ciel (Lesotho et Swaziland notamment). Et à la différence d’autres organisations régionales africaines plus homogènes, les disparités socio-économiques entre nations sont parfois abyssales. Un seychellois dispose ainsi d’un revenu en moyenne 50 fois supérieur à celui d’un congolais. Une convergence économique à brève échéance est dès lors illusoire.  Enfin, on notera qu’il existe une juxtaposition d’autres ensembles sous-régionaux qui chevauchent, au gré de leurs pays membres, l’aire occupée par la SADC. Il en est ainsi de la SACU (Southern Africa Customs Union),  la COMESA (Common Market for Eastern and Southern Africa) et l’EAC (East African Community). Une situation parfois équivoque, et potentiellement génératrice d’intérêts conflictuels.  

 

 

Un bilan politique encore imparfait

 

Car au-delà de la dimension économique, l’autre aspect essentiel de la SADC est la gestion politique commune des intérêts de l’ensemble régional.  Education, santé, armes à feu, corruption… La SADC a progressivement instauré un ensemble de protocoles sur des enjeux collectifs spécifiques. Protocoles qui conditionnent ensuite la mise en place des politiques à l’échelon national. Un processus d’uniformisation qui est cependant à géométrie variable puisque nombre de domaines ne font l’objet d’aucune convention et continuent à relever exclusivement des gouvernements nationaux. A ce titre, bien plus que d’intégration, il faudrait plutôt ici parler de simple coordination politique. Un mécanisme allégé de coordination et de coopération, qui limite de facto la portée réelle du pouvoir de la SADC sur certaines questions contemporaines relevant de sa sphère (Madagascar, Zimbabwe, Congo…). 

 

Au final, quel jugement porté sur la SADC ? Un géant économique et un nain politique ? Une organisation régionale qui est le jouet d’intérêts politiques nationaux divergents, mais qui peut néanmoins s’avérer décisive pour jeter les bases d’une intégration économique réussie, vecteur de la prospérité de demain ? C’est tout cela à la fois et à ce titre, elle incarne bien les défis de l’intégration africaine. Avec sa part de possibilités et ses limites, ses espoirs et ses illusions.   

 

                                                                                                                                                                 Jacques Leroueil

                                                                                                                                                                     

                                                                                                                                                             

Pourquoi il faut renouveler le projet de l’Union africaine

Les évènements politiques de l’année 2011 et de ce début d’année 2012 illustrent une fois de plus l’inaptitude de l’Union africaine à la gestion de crise. L’émergence d’un vrai marché d’otage au Sahara avec les rebelles Touaregs comme agents économiques (très actifs) et des innocents comme biens et services ; la transformation de la Guinée-Bissau en narco-Etat susceptible de bouleverser la stabilité des régions environnantes ; la situation de la Somalie, « modèle même de l’Etat désintégré, tombé en faillite sous le coup de vingt-trois ans de guerre civile attisée par ses voisins, pays abandonné de tous, en proie aux démons des divisions ethnico-tribales » : autant de dossiers cruciaux où les institutions régionales africaines n’apportent aucune réponse crédible.

Un retour sur l’histoire de l’Organisation de l’Unité Africaine, créée en1963, devenue l’« Union Africaine » en 2002 et les perspectives qui s’étaient dessinées, montre que plus de quatre décennies après sa mise sur pied, l’institution se trouve encore dans sa phase de balbutiement. S’agit-il d’un dysfonctionnement lié au projet originel ou d’un simple manque de responsabilité des leaders nationaux ? Cette question revêt une importance particulière à l’heure où les populations africaines, après avoir pris conscience des abus et malversations dont elles sont les victimes depuis trop longtemps, se révoltent de part et d’autres du continent. Alors que les citoyens renouent avec l’engagement politique, l’union africaine est-elle une institution has been ?

Sur tous les sujets politiques chauds, l’absence de l’UA est criante, ce qui peut conduire à questionner la légitimité de cette institution. En Janvier 2008, face aux violences (ayant fait au moins 780 victimes dont le marathonien Wesley Ngetich tué par une flèche empoisonnée) qui ont suivi l'annonce de la réélection contestée du président Mwai Kibaki devant son opposant Raila Odinga, l’UA ne s’est-elle pas effacée devant une médiation internationale conduite par Koffi ANNAN ? Les Forces de Sécurité de l’Union Africaine ne font-elles pas profil bas face aux actions désastreuses perpétrées par les rebelles somaliens ? La mauvaise gestion de la crise Ivoirienne n’est-elle pas révélatrice de cette incapacité de l’UA à prendre ses responsabilités devant des situations alarmantes nécessitant une action rapide et efficace ?

A l’aune de tous les errements de l’UA, force est de se demander dans quelle mesure pourrait-on affirmer que « l’union fait la force » ? De fait, cette union n’est pas en mesure d’assurer la paix dans une quelconque région du continent africain. Et que dire lorsque, face aux conflits qui gangrènent ce continent, l’union africaine fait la « sourde oreille» pour se contenter d’un second rôle (derrière l’ONU et L’OTAN). Nos chers leaders déploient plus d’énergie à essayer de diriger les organes de l’institution qu’à régler les problèmes politiques de court et moyen terme du continent. Incapacité ou irresponsabilité de l’UA ?

Le danger est que l’inefficacité de l’UA vienne entacher et remettre en cause le projet politique panafricain. Or, aucun pays ne peut répondre seul aux défis économique (investissements en infrastructures, marché étendu), défis sécuritaires (menaces transfrontalières) et sociaux (migrations de population) qui se posent à l’Afrique aujourd’hui. Dès lors, il convient de trouver des solutions innovantes pour redynamiser l’Union africaine. De nouvelles pistes doivent être sérieusement explorées. Démocratiser les institutions panafricaines devient une priorité. Cela doit passer sans doute par des élections au-delà de l'échelle nationale, qui rendent responsables de leurs actions les dirigeants de l'UA et créent un vrai débat public panafricain. Des instances de représentation des corps de la société civile sont également envisageables et souhaitables. Pour que l'Union africaine ne soit plus une coquille vide, il devient plus qu'important de démocratiser et responsabiliser cette institution.

 

Papa Modou Diouf

Pour ou contre l’adhésion d’Haïti à l’Union Africaine ?

La nouvelle est passée inaperçue. Les Chefs d’Etat africains réunis lors la dernière conférence annuelle de l’Union Africaine accédaient à la demande de la République haïtienne d’intégrer l’Union Africaine. Une adhésion qui peut surprendre… à la fois évidente et inédite. Passage en revue des dangers et opportunités de ce rapprochement.

1804, naissance de la République d’Haïti après le soulèvement des esclaves de Saint-Domingue qui vainquent les troupes napoléoniennes. Haïti devient la première république indépendante de population majoritairement noire. Un peu plus de 200 ans plus tard, en juin 2012 plus précisément, Haïti rejoindra l’Union Africaine. Une première pour l’organisation panafricaine, en faveur d’un pays de sa « diaspora ».

Historiquement, les liens entre le continent africain et Haïti sont évidents. Séparés par la tristement célèbre traite négrière, ces peuples à l’histoire commune ont l’occasion de se retrouver. Ensuite, Haïti ayant accédé à l’indépendance en 1804, près de 150 ans avant le premier printemps africain des années 60, n’a pas ménagé ses efforts pour accompagner les futurs États africains dans leur quête d’indépendance, notamment par son appui au Rassemblement Démocratique Africain.

Mais plus que l’Histoire, ce qui unit aujourd’hui Haïti et les pays africains, ce sont bien le Présent et évidemment le Futur. Cet argument va sans doute donner du grain à moudre aux éternels afro-pessimistes. Car, de fait, malgré ses 150 ans d’ « avance » sur ses petits frères, Haïti est restée économiquement et socialement très proche d’eux. Le pays se traîne au milieu des pays d’Afrique Noire dans les classements de développement humain. Il présente la même jeunesse de population (40% de la population a moins de 14 ans). Le faible taux de croissance déjà peu reluisant a été fortement grevé par la catastrophe naturelle de 2010, conduisant à un chômage de masse.

Une lumière cependant au tableau qui ne manquera pas de susciter des réactions passionnées : Haïti est résolument ancrée sur le chemin de la démocratie. Au point que les récentes élections de mai 2011 ont porté au pouvoir Michel MARTELLY, plus connu pour ses chansons à succès et son rôle dans le carnaval annuel que pour ses prises de position visionnaires pour le bout d’Île… Ce dernier a remporté haut la main des élections jugées transparentes, en revendiquant être le candidat du peuple face à Mirlande Manigat, constitutionaliste de formation, et candidate de facto « des riches et cultivés ». Sans préjuger de la faculté du président élu à sortir Haïti de sa torpeur, on peut tout de même penser que celui-ci doit son élection plus à sa popularité qu’à son programme politique.

Doit-on dès lors critiquer la démocratie haïtienne qui a porté à sa tête un chanteur plutôt qu’une intellectuelle ? Je dirais que non ! Car on ne peut pas souhaiter la démocratie pour les pays africains dirigés par des dictateurs comme l’a été Haïti et critiquer ensuite le choix des haïtiens de confier leur destin à quelqu’un d’insuffisamment intellectuel à nos yeux. Sans doute que le traumatisme dû à la catastrophe naturelle a eu raison d’une classe politique soi-disant intellectuelle et éloignée des attentes des peuples. Difficile de prévoir pareil dénouement en Afrique quand on examine les récents cas Youssou N’Dour au Sénégal et Georges Weah au Liberia…

Sur le plan économique, l’histoire économique récente dominée par la crise de la dette européenne nous a rappelé la nécessité de réaliser des unions politico-économiques cohérentes. Le souvenir de la moribonde Grèce se goinfrant sur les marchés aux mêmes taux que la dynamique Allemagne, et entraînant aujourd’hui la zone Europe dans une zone de turbulences dont personne ne peut encore prévoir la fin, est tout frais. Dans cette optique, l’adhésion d’Haïti à l’Union Africaine est parfaitement cohérente. Même si ce n’est pas forcément flatteur pour Haïti, la réunion et la concertation de toutes les nations les moins avancées est souhaitable pour faire face à l’Union Européenne, aux Etats-Unis, et aux très dynamiques BRICS.

Pour autant, la stratégie de l’Union Africaine reste vague. L’intégration économique reste hétérogène entre les différentes zones monétaires. Comment l’intégration de la République haïtienne s’intègre-t-elle dans la vision des dirigeants africains ? Difficile à dire tellement les dirigeants africains ont souvent brillé par leur manque d’ambition commune. La vraie question à se poser d’ailleurs est : pourquoi Haïti a-t-elle voulu rentrer dans l’Union Africaine ? Peut-être parce que si les pieds des haïtiens étaient en Amérique, leur cœur n’a jamais réellement quitté le continent noir.

Ted Boulou

Crédits photo: socio13.wordpress.com

La Communauté d’Afrique de l’Est : une intégration prometteuse

La première décennie du XXIe siècle (2001-2010) aura consacré en matière géopolitique une tendance lourde qui était déjà à l’œuvre à la fin du siècle précédent : la montée en puissance des grands pays émergents (Chine, Inde, Brésil notamment) et le relatif déclin de l'Occident (le Vieux monde européen plus encore que le Nouveau monde américain). Elle aura aussi mis en relief la nouvelle dynamique de croissance africaine, porteuse d'ambitions et d'espoirs inédits, tout autant que d'une perception renouvelée du continent.

L'Afrique dans l’économie-monde : un continent au poids négligeable….

Pourtant, en dépit des progrès enregistrés au cours des dernières années, l'Afrique part de loin : un septième de l’humanité (1 milliard d'habitants sur les 7 milliards que comptent la planète) sur un cinquième de la surface terrestre (30 millions de km² sur 150 millions de km²) mais pour seulement 2.7 % du PIB mondial (1.7 trillions de $ sur une masse globale de 63 trillions de $ en 2010, bien que cette donnée soit à considérer avec circonspection car elle n’intègre pas l'économie informelle, significative sur le continent africain, et par définition non comptabilisée). L’Afrique jeune et dynamique, milliardaire en habitants, pèse toujours moins que l'Italie vieillissante et à bout de souffle avec ses 60 millions d’âmes (2 trillions de $ de PIB en 2010). La réalité factuelle fait ici office d'impitoyable rappel à l'ordre et elle ne saurait être ignorée.

Il est bon aussi de redire que l'Afrique, en tant qu’entité politico-économique unique et cohérente, n'existe pas. Le continent, loin d’être un ensemble monolithique, est d'abord un agrégat de 54 nations hétérogènes, caractérisé par des situations disparates et aux intérêts parfois contradictoires. Quel point commun entre les préoccupations algériennes et sierra-leonaises, les ambitions sud-africaines et gambiennes ? Et quid d'une comparaison des structures socio-économiques de l'ile Maurice et du Tchad ? L’unité africaine à l’échelle du continent, en tant qu'alliance effective de nations œuvrant résolument en faveur d'un objectif commun, reste pour l'heure une vue de l'esprit. En un mot comme en mille, la totalité du continent pèse peu, même pris "imaginairement" comme un ensemble homogène. Divisé par les forces centrifuges des pays qui le compose, son influence devient carrément négligeable à l’échelle du monde.

… qui gagnerait à renforcer son intégration économique et politique : la Communauté d'Afrique de l'Est comme modèle.

Il existe pourtant une solution à ce diagnostic de double difficulté africaine (faiblesse intrinsèque du continent à l’échelle macro-économique et absence de réel projet fédérateur entre pays) : l’intégration au sein de sous-ensemble qui réuniraient un certain nombre de nations autour d'un communauté de destin, fédératrice des forces vives de toutes les parties prenantes. Une approche inclusive et globale qui sans être parfaite, ni dénuée d’inconvénients, n'en constitue pas moins une sérieuse option. Probablement la meilleure en l’état actuel des choses. Le continent dispose déjà d'un certain nombre d'organisations intégrées économiquement et politiquement (UMA, UEMOA, CEMAC, SADC, COMESA…), mais les résultats obtenus jusqu’à présent sont, au mieux, incomplets et peu concluants. Une communauté intégrée se détache néanmoins progressivement du lot, et ce pour une raison simple : elle est globalement effective.

La Communauté d'Afrique de l'Est (plus connue sous son acronyme anglophone d'EAC (East African Community) comprend cinq pays de l'Afrique de l'Est qui sont le Burundi, le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie. Un ensemble géopolitique qui s’étend sur 1.8 millions de km² pour une population totale d'environ 140 millions d'habitants. Elle est entrée officiellement en vigueur le 7 juillet 2000, bien qu'une précédente tentative infructueuse d'organisation commune ait déjà existe par le passé (de 1967 à 1977). La vraie réussite de la Communauté d'Afrique de l'Est est cependant récente puisqu'elle date de 2010 avec l'instauration effective d'un marche commun permettant la libre circulation des biens, du travail et des capitaux sur tout son territoire. Ce marché est le premier du genre en Afrique et nul doute que son évolution sera attentivement suivie. Après moins de 2 ans d'existence, une chose est néanmoins sure : les effets de cette libre circulation se font d'ores et déjà sentir et les conséquences en sont globalement positives. Même pour des pays membres dont les spécificités (exiguïté du territoire, enclavement, relative faiblesse économique) pouvaient laisser penser que ce nouveau défi était à priori difficile a relever. Le Rwanda en est le meilleur exemple.

Signature des accords instituant la Communauté d'Afrique de l'Est

Un certain nombre de tendances récentes suggère que l'environnement économique évolue dans le sens d'une intégration réussie (voir à ce sujet le rapport "Doing Business in the East African Community" [en anglais] de la Banque Mondiale). A l’échelle de la sous-region, le commerce transfrontalier de biens et services enregistre partout des hausses significatives (allant parfois jusqu’à 50 % de progression) et ce mouvement d'accroissement n'en est encore qu'à sa phase initiale. L’Ouganda exporte avec succès ses compétences en matière de santé et d’éducation, tandis que les kényans sont les plus en pointe en matière de services financiers. La Tanzanie bénéficie de nombreux projets d'investissements liés à l'exploitation de ses terres et de son sous-sol, alors que le Rwanda cherche à compenser la faiblesse de son marché intérieur en devenant un hub régional de prestations à haute valeur ajoutée. Plus important encore est le nouveau sentiment partagé par le monde des affaires qui voit la Communauté de l'Afrique de l'Est comme une occasion historique de progresser, et non comme une menace au statut quo. Il s'agit désormais de raisonner non plus en lobbying protectionniste de défense des acquis nationaux, mais en économie d’échelle dans un cadre économique unique considérablement dilaté, et qui est le foyer de 1 africain sur 7. Au vu de l'influence que peut exercer cette caste dirigeante sur le reste de la société, on imagine sans peine les conséquences en cascade que cette inclination forte pourrait avoir dans le succès durable de ce nouvel ensemble.

Car au-delà de cette première étape réussie pointent déjà de nouvelles échéances destinées à renforcer encore un peu plus l’intégration de la Communauté d'Afrique de l'Est. Le prochain rendez-vous majeur n’étant rien de moins que l'instauration d'une monnaie unique. Le nom de cette devise commune en devenir est connue – le Shilling est-africain – et sa date de lancement initialement prévue aussi – 2012. La plupart des responsables proches de ce dossier reconnaissent volontiers en privé que cette date ne sera pas tenue en raison de la complexité de sa mise en place, mais que l'introduction de cette monnaie communautaire ne fait quant à elle aucun doute. Le lancement est simplement reporté, certains observateurs tablant désormais autour de 2016. Le contretemps est fâcheux, certes, mais si les réalisations déjà accomplies peuvent servir de caution à la bonne fois des parties prenantes, il semble alors raisonnable de leur accorder le bénéfice du doute.

Il serait cependant erroné de croire que le projet n'est qu’économique. Il est aussi, et surtout politique. Après l’adhésion du Burundi et du Rwanda en 2007, les dirigeants de la Communauté d'Afrique de l'Est se proposent aujourd'hui d'y inclure le Malawi, la République démocratique du Congo et la Zambie. Sans parler du Soudan du Sud, dernier pays africain à accéder a l’indépendance, et qui a d'ores et déjà posé sa candidature. Il est considéré par nombre d'analystes comme le prochain membre le plus probable, et ce dans un délai relativement court. La Communauté d'Afrique de l'Est est donc amenée à s’élargir et à se renforcer encore un peu plus. C'est le préalable nécessaire vers l'ultime objectif visé : la Fédération d'Afrique de l'Est. Une union politique qui agrégerait la totalité des pays membres en un état fédéral souverain (à l'image de l'exemple américain) et dont la date proposée d'instauration est fixée à 2015. En l’état actuel des circonstances, il y a tout lieu de penser que cette échéance ne sera là aussi pas respectée, car elle présuppose tant une consolidation économique avancée (qui n'est pas encore le cas, notamment s'agissant du retard rencontré avec la monnaie commune) qu'une volonté politique suffisamment forte pour pouvoir abandonner une logique de souveraineté nationale étroite au profit d'une démarche fédérative inédite. Deux conditions qui ne sont pas encore remplies à l'heure actuelle. Mais qui pourraient l’être dans un avenir pas si éloigné.

 

Jacques Leroueil

Les arguments économiques en faveur de l’intégration africaine (1) : les besoins

On peut qualifier à grands traits les différentes économies africaines d’économie d’autosubsistance sous-productive. Elles se caractérisent par une forte proportion de main d’œuvre présente dans le secteur primaire (agriculture, élevage) traditionnel, peu productif et générant peu ou pas de surplus qui pourrait être réinvesti. Les personnes qui travaillent dans ces activités produisent avant tout pour leur propre consommation, ce qui explique leur « stagnation », voire la dégradation de leurs conditions de vie en cas de renchérissement des prix des produits de première nécessité.

A côté de ce secteur primaire d’autosubsistance, le principal employeur de la force de travail africaine est le secteur informel. Ce dernier peut se définir comme l’ensemble des activités de service qui échappent aux normes et à la taxation de l’Etat et qui recouvrent un assez large spectre : services à la personne (femmes de ménage, coiffeurs, etc.), services alimentaires, petits commerces, récupération, recyclage, transformation et fabrication de produits artisanaux ou semi-industriels. Ces activités se caractérisent généralement par un faible coût d’entrée, par une faible productivité et par une concurrence féroce qui entraîne les prix à la baisse, limitant les profits et donc les capacités de réinvestissement. Comme l’explique l’économiste Philippe Hugon, « dans la mesure où l’argent est le facteur rare, les petits producteurs cherchent à maximiser les rendements par rapport aux dépenses monétaires. Ils subissent les aléas d’approvisionnement et de débouchés sur des marchés parcellisés et fluctuants. Ils cherchent dès lors à reporter sur l’environnement une partie du risque, à internaliser certaines transactions au niveau des unités domestiques et à amortir les chocs (utilisation de main d’œuvre familiale, logique de diversification…) ».

Les freins au développement endogène

L’agriculture vivrière, le petit commerce et les services à la personne font partie des piliers du développement endogène, c'est-à-dire l’écosystème qui voit la production interne absorbée par la demande interne. Or, en Afrique, ces secteurs échappent en grande partie à la logique d’accumulation capitaliste.
Comme Karl Marx a pu le décrire dans son maître-livre en trois tomes, Le Capital, le circuit d’accumulation comporte deux actes : la réalisation d’une plus-value sur la production (ce que Marx appelle le surtravail) ; la transformation de cette plus-value en profit monétaire après un acte de vente. Prenons une illustration simple. Un boulanger emploie 5 ouvriers dont la masse salariale représente la valeur de 10 000 pains vendus/mois, à quoi s’ajoutent les différents frais de fonctionnement ainsi que des coûts fixes, d’une valeur de 4000 pains vendus. Les 5 ouvriers produisent 20 000 pains par mois. Le boulanger réalise donc une plus-value sur la production équivalente à 6000 pains. Mais encore faut-il qu’il puisse convertir cette plus-value productive en profit monétaire, et donc trouver des clients pour ses 20 000 pains.

Enfin, pour que la définition du capitalisme soit complète, encore faut-il rajouter que l’accumulation monétaire doit être systématiquement réinvestie pour élargir le champ des profits futurs. « Ce qui, fondamentalement, caractérise le capitalisme, c’est la recherche du profit en vue d’élargir le champ des activités profitables ; pourtant l’accumulation n’est pas tout ; elle est enveloppée dans un puissant mouvement de marchandisation, stimulée par la concurrence et épaulée par l’innovation, la recherche de positions monopolistes et les projets toujours renouvelés des entrepreneurs. La logique capitaliste est une logique complexe porteuse d’incessantes dynamiques transformatrices. » Michel Beaud, dans Capitalisme, logiques sociales et dynamiques transformatrices.

Dans le cadre d’une économie d’autosubsistance sous-productive, notre boulanger ferait face à deux handicaps : du fait du manque de matériel, de capitaux ou de technique, sa plus-value productive serait faible ou inexistante et il aurait du mal à la monétiser, faute de clients solvables ou du fait d’une offre surabondante par rapport à la demande. Il est possible à cette aune d’identifier les principaux handicaps au développement endogène de l’Afrique : l’étroitesse des marchés solvables, la faible productivité des facteurs de production (terre, hommes, capitaux), la faiblesse de l’épargne locale mais surtout son non-réinvestissement dans le tissu économique. Voilà portraiturée le côté pile des économies africaines, en tant que système économique endogène. Mais ces économies sont également inscrites dans un faisceau des relations commerciales et financières avec le reste du monde, qui représentent le côté face qu’il nous reste à brosser.

L'Afrique dans l'économie-monde : des termes de l'échange défavorables

L’Afrique n’est pas, et n’a jamais été, un îlot isolé par rapport au reste du monde. Au contraire, elle est fortement imbriquée dans un réseau de relations humaines, commerciales et financières que l’on peut qualifier d’économie-monde. Concrètement, cela se traduit, outre les migrations intercontinentales de population, les échanges d’idées et de techniques, par des échanges de produits et des flux monétaires. Le problème du continent africain est que seule une faible proportion de son économie et de sa population tire profit de ces échanges, qui s’expriment particulièrement dans le secteur de l’agriculture vivrière, l’agro-business destiné à l’exportation (cultures hors saisons, produits exotiques), l’extraction minière et pétrolière, et une minuscule proportion de services à haute-valeur ajoutée (finance, ingénierie, commerce import-export, haute administration internationale, etc.). Mis à part ce dernier secteur, les autres secteurs, issus du secteur primaire, captent une faible proportion de la valeur ajoutée finale des processus dans lesquels ils sont impliqués. Si les acteurs locaux investis dans ces secteurs peuvent en tirer des bénéfices personnels, les économies africaines connaissent des termes de l’échange (rapport entre les prix moyens des exportations et des importations, pour déterminer le pouvoir d’achat d’un pays ou d’une zone) défavorables. 

La situation actuelle a ceci de paradoxale que ce sont des secteurs qui concernent une infime proportion de la population (pétrole, mines, services financiers, agro-industrie) qui tirent la croissance de la plupart des pays africains, et que les revenus de ces secteurs n’arrivent pas à être réinvestis sur place (exemple du Cameroun), pour les raisons déjà mentionnées concernant les handicaps au développement endogène. C'est pour cela que l'on peut qualifier ces pays d'économies rentières sous-productives, quand la majorité de la population locale continue à vivre dans un système d'autoconsommation. Le serpent se mord la queue. Quand bien même des entreprises africaines voudraient entrer dans la concurrence internationale sur les produits industriels à plus forte valeur ajoutée, elles devraient faire face à des handicaps importants : outre les déficits technologiques et l’accès au crédit plus coûteux et difficile, les coûts de production (énergie et transport notamment) sont beaucoup plus importants pour des services de moins bonne qualité. Du fait d’infrastructures déficientes et de contrôles douaniers répétés, un producteur béninois peux livrer sa marchandise plus rapidement à Singapour qu’au Tchad !

Enfin, à l’ensemble de ces handicaps, il faudrait rajouter des éléments comme la faiblesse de l’environnement réglementaire et de contrôle, qui incite à la corruption ; l’instabilité politique ; la faiblesse du leadership et la vision stratégique déficiente chez de trop nombreux acteurs-clé de la décision politique et économique continentale.
Telle est l’équation compliquée dans laquelle se retrouvent les pays africains, dont il semble difficile de s’extraire dans l’état actuel des forces institutionnelles. Tels sont les besoins auxquels des ensembles sous-régionaux intégrés politiquement et économiquement, solidaires et cohésifs, pourraient apporter des solutions pratiques déterminantes pour l’avenir du continent.

 

Emmanuel Leroueil

 

Vie(s) et mort du Colonel Khadafi

L’étonnante vague de sympathie que le Colonel Khadafi a réussi à créer en sa faveur, au cours des deux dernières décennies de son règne rend, pour certains, impossible d’évoquer sa fin sans immédiatement se raccrocher à leur sempiternel prêt-à-penser : l’anti-impérialisme. Qu’on ne s’y méprenne pas : ce n’est pas un anti-impérialiste que le CNT libyen a exécuté (nous reviendrons sur ce point) hier, c’est avant tout un dictateur fou, brutal et sanguinaire à la Amin Dada. Et ses excentricités ne doivent pas voiler la nature violente de son régime.
 
Derrière les insanités contenues dans son « Livre Vert »[1], les titres grandiloquents (« roi des rois et chefs traditionnels d’Afrique »), les amazones, la tente bédouine, ses travers de pétomane, derrière tout ça, il y avait un homme impitoyable avec ses adversaires et d’une brutalité inimaginable.
 
Comment croquer une personnalité aussi… multiple. Dans le même homme, il y avait :
 
le Khadafi des attentats de Lockerbie et le Khadafi qui soutint Mandela (un des petits-fils Mandela se prénomme… Khadafi) ; Khadafi, l’anticolonialiste, le nationaliste qui ferma les bases anglaises et françaises en Libye et Khadafi l’oppresseur des Libyens qui ordonna l’exécution de 1270 prisonniers politiques en 1996 ; Khadafi le héraut de l’unité africaine  et Khadafi le financier, le formateur des rébellions sierra-léonaises et libériennes ;
 
Khadafi l’Africain qui apportait 15% du budget de l’UA, payait les parts des pays les plus pauvres et Khadafi l’ami de Dada et de Mugabe, Khadafi qui giflait son ministre des Affaires étrangères en pleine réunion de l’Union ; Khadafi précurseur de Chavez et de ses mallettes de pétrodollars et Khadafi des 30% de chômeurs ; Khadafi le « théoricien social » et le Khadafi de la corruption, de la fin des libertés publiques, de la suppression de la représentation nationale ; 
 
Khadafi le « Guide » et Khadafi des femmes, Khadafi le violeur, Khadafi le tortionnaire des infirmières bulgares ; Khadafi le Père aimant et Khadafi le Patriarche cruel qui promettait de « nettoyer » les rebelles « ville par ville, rue par rue, cour par cour, jusqu’au dernier » ; Khadafi l’intraitable et Khadafi le fou. La tragi-comédie aura duré quarante-deux ans.
 
Les conditions de son décès sont ce qu’elles sont. Les sources divergent et se contredisent, mais un fait est établi : Khadafi a voulu se rendre, il a d’abord été blessé, dans le cafouillage qui a suivi, il semblerait qu’on ait pensé le conduire à l’hôpital puis que les rebelles se soient ravisés (ou aient affronté – c’est improbable – une attaque des dernières forces Khadafistes), l’aient descendu du pick-up et exécuté d’une nouvelle rafale avant de livrer un instant sa dépouille aux vandales, au milieu d’ « Allah Akbar » assourdissants. Tout cela dans une vision d’horreur : un homme en sang, agité presque dément et hurlant des phrases incompréhensibles qu’on tire d’une voiture puis qu’on abat et dont on martyrise la dépouille. Chacun se fera son opinion – certains considèreront qu'on ne bat pas un moribond et qu'on n'exécute pas un chef d'Etat…
 
Le CNT rétropédale aujourd’hui et annonce un enterrement discret, à l’abri des regards. C’est une sortie sordide. Et bouffonne. Elle arrange tout le monde (sauf les victimes) : les adversaires d’antan, les camarades de l’anti-impérialisme, les anciens griots du Khadafisme servant aujourd’hui le CNT et même les partisans de la dé-pariahisation.
 
La Guerre en Libye est « terminée » selon Alain Juppé, le ministre Français des Affaires Étrangères (déclaration assez irréelle sur Twitter sans consultation de l’OTAN). Les premières villes « soulevées » réclament aujourd’hui leur part, après le « parti des fusillés » en France, la Libye nous offre celui des « soulevés ». Une longue période grise s’annonce pour la Libye qui devra se reconstruire. Une plus lourde période de réflexion s’ouvre pour l’Union Africaine qui perd son Parrain et s’est ridiculisée tout au long du printemps Arabe. Une Union Africaine qui ne s’est toujours pas prononcée sur la mort du colonel…
 
Joël Té-Léssia

 


[1] Un de mes professeurs de relations internationales, en Colombie, nous conseillait très sérieusement de lire ce « livre » qui contenait des idées révolutionnaires. Je ne le nommerai pas ici, mais la liste est longue des cocus du khadafisme.

 

 

 

 

À quoi sert l’Union Africaine ?

L’Union Africaine (UA) est une organisation continentale à l’échelle de l’Afrique qui regroupe aujourd’hui 53 États. Ses objectifs principaux sont de permettre l’intégration politique et socio-économique du continent, de garantir la paix, la sécurité et la démocratie et d’être la voix de l’Afrique à travers le monde. Cependant, les intérêts des différents pays africains semblent aujourd’hui encore très divergents : ainsi, l’Union Africaine a-t-elle permis l’intégration continentale en dépit de la diversité de la situation africaine ?
 
Il apparaît dans un premier temps que l’Union Africaine se fixe clairement l’objectif de l’intégration continentale mais le contexte africain rend cette tâche complexe.La création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en mai 1963 à Addis-Abeba est portée par l’idéal panafricain de l’unité continentale. À sa naissance, l’OUA comptait 32 pays membres. Tous les pays africains (sauf le Maroc) sont aujourd’hui membres de l’Union Africaine (UA), l’organisation qui succéda à l’OUA lors du sommet de Durban (Afrique du Sud) en 2002. Trois pays sont aujourd’hui suspendus (Côte d’Ivoire, Érythrée et Madagascar) conformément à l’article 4 de la Charte de l’UA qui interdit les coups d’État au sein des pays membres.
L’OUA puis l’UA ont toutes deux poursuivi la volonté de l’unité politique à l’échelle continentale tout en affirmant la nécessité de la coopération au sein des différentes régions du continent.
 
Les premiers pas de l’OUA dans la réalisation de sa première vocation qui était de libérer le contient se sont avérés prometteurs. L’OUA a en effet accompagné la fin de la décolonisation de l’Afrique, prenant effet avec les indépendances des colonies portugaises en 1974-1975 (Angola, Mozambique, Guinée-Bissau). L’OUA a aussi combattu le régime de l’apartheid en Afrique du Sud, un pays qui était d’ailleurs exclu de cette organisation pour cause de racisme.
À la naissance de l’UA en 2002, le bilan de l’OUA était mitigé : il apparaissait clairement que les réalisations de cette organisation n’étaient pas à la hauteur des ambitions affichées mais son mérite aura été de permettre une prise de conscience des faiblesses du continent et de tracer les voies pour les améliorer.
 
Néanmoins, l’équilibre entre l’unité continentale et la coopération consolidée à l’échelle régionale est très complexe à instaurer.
 
En effet, l’Afrique se compose de plus de 50 États ; parmi eux, une vingtaine compte moins de 10 millions d’habitants, et près d’une dizaine moins d’un million. D’un point de vue tout à fait pragmatique, dans un contient où les États ont récemment accédé à leur indépendance, il paraît très compliqué que ces derniers soient prêts à consentir des abandons de souveraineté au profit de l’intégration continentale.
Par ailleurs, le paradoxe de l’Afrique est qu’il s’agit du continent qui compte le plus d’organisations régionales, sous-régionales, commerciales et sectorielles alors que dans le même temps l’intégration continentale en est encore à son stade embryonnaire.
 
Le modèle qui semble davantage fonctionner en Afrique est celui des organisations régionales qui poursuivent un but précis et qui regroupent un nombre réduit d’acteurs. L’Autorité du Bassin du Niger ou encore l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal ont par exemple permis d’éviter les conflits autour du partage de l’eau.
 
Aussi, en dépit des efforts pour tirer les leçons de ses échecs passés, l’UA ne semble pas aujourd’hui incarner l’Organisation de l’intégration continentale africaine.
 
L’exemple de l’Afrique du Nord est à ce titre frappant. Non seulement l’UA était totalement absente du débat et des décisions prises lors des révolutions tunisiennes et égyptiennes mais lors de la conclusion des accords bilatéraux entre l’Union Européenne et les pays du Maghreb, ces derniers ne semblaient guère prendre en considération l’UA.
De la même manière, l’UA est aux yeux des États-Unis tout sauf un interlocuteur, ces derniers multipliant les traités bilatéraux avec les pays africains sans en référer à aucun moment à l’UA.
 
L’élection du guide Kadhafi à la présidence de l’UA en 2009 et son intronisation en tant que « roi des rois traditionnels d’Afrique » nuit encore plus à la crédibilité d’une organisation déjà fragile. À l’instar de toute autre organisation régionale qui compterait parmi ses États membres un pays moteur, rares sont les pays africains qui disposent aujourd’hui des moyens, tant économiques que militaires, pour assurer ce rôle.
Au fil du temps, l’OUA et l’UA, hormis les quelques missions de maintien de la paix effectuées dans les années, ont surtout fait office de club de rencontre régulière entre chefs d’États africains. L’UA a été impuissante face aux coups d’État au Niger et à Madagascar ou encore lors du conflit post-électoral en Côte d’Ivoire.
 
En conclusion, il apparaît que L’UA est aujourd’hui une organisation politique, disposant d’une bureaucratie continentale mais dont l’efficacité est réduite. Elle a certes échoué dans nombre de ses objectifs mais elle a tenté de s’engager activement dans la résolution des conflits, dans le maintien de la paix et la promotion de la démocratie.
Il semble aujourd'hui que l’avènement d’une Afrique stable et unie politiquement passera par le renforcement des ensembles régionaux plus cohérents et reconnus.
 
 
Youssef Halaoua

UA : les limites du rejet des « changements anticonstitutionnels de gouvernements »

 

Les récents bouleversements socio-politiques ayant occasionné le départ des Présidents Tunisien et Egyptien remettent-ils en question le rejet des « changements anticonstitutionnels de gouvernements », principe fondateur de l’Union Africaine datant de la Déclaration de Lomé (Juillet 2000) ? Telle est la question auquel le rapport Unconstitutional Changes of Government: The Democrat’s Dilemma in Africa(anglais – PDF) du South African Institute of International Affairs essaie de répondre.

Huit Etats africains ont été suspendus des instances de l’Union Africaine suite à un « changement inconstitutionnel de gouvernement » : Madagascar, le Togo, La Centrafrique, la Mauritanie, la Guinée-Bissau, le Niger, la Côte d’Ivoire et la Mauritanie.  La Tunisie et l’Egypte n’ont pourtant pas connu le même traitement. Pourtant, s’il est difficile de qualifier le pouvoir personnel de Mouammar Kadhafi comme étant celui d’un gouvernement élu démocratiquement – quelle que soit la définition donnée à ces termes – la destitution d’un gouvernement par la rue est clairement un changement non-constitutionnel du pouvoir, étant donné que dans une démocratie constitutionnelle, les changements de gouvernements passent par des élections.

Le fait est que la « démocratie constitutionnelle » est rarement en place avant le « changement anticonstitutionnel » et qu’il est extrêmement difficile d’établir une « démocratie réelle » par des voies pacifiques et démocratiques face à un pouvoir autoritaire. Le « constitutionnalisme démocratique » qui sous-tend l’architecture de paix et de sécurité de l’UA atteint ici ses limites : il ne permet pas de réponse adéquate aux mouvements populaires démocratiques.

La voie de contournement utilisée jusqu’ici par le Conseil de Paix et de Sécurité dans les cas tunisien et égyptien a consisté à s’en tenir à la lettre de la déclaration de Lomé qui définit les « changements anticonstitutionnels de gouvernement » de la façon suivante :

  • coup d’état militaire contre un gouvernement issu d’élections démocratiques ;
  • intervention de mercenaires pour renverser un gouvernement issu d’élections démocratiques ;
  • intervention de groupes dissidents armés et de mouvements rebelles pour renverser un gouvernement issu d’élections démocratiques ;
  • refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti vainqueur à l’issue d’élections libres, justes et régulières ;

Il est vrai qu’en Tunisie comme en Egypte l’armée s’est astreinte, dans les premiers temps, à une rare réserve, fournissant ainsi, au Conseil l’astuce juridique indispensable. Cet artifice ne peut être que temporaire. La crise libyenne devrait permettre de clarifier la jurisprudence de l’UA en matière de défense de la démocratie. Les premières déclarations du Conseil de Paix et de Sécurité  sur la Lybie[1] sont encourageantes – d’autant plus que la Guinée-Bissau, le Zimbabwe et le Tchad y siégeaient!

L’UA est, peut-être, en voie de passer son test d’adhésion à la démocratie et aux Droits de l’Homme, même s’il lui reste encore à construire un cadre juridique plus solide et durable que la condamnation indiscriminée de tous les changements non-constitutionnels de gouvernement. Règle qui l’empêche d’établir un dosage de sa réponse selon le contexte, de la simple et très formelle condamnation, à la suspension puis aux sanctions économiques.


[1] « Le Conseil … condamne fermement l’utilisation indiscriminée et excessive de la force et des armes contre les manifestants pacifiques en violation aux Droits de l’Homme et au Droit international humanitaire… et… Souligne que les aspirations du peuple libyen a la démocratie, a la reforme politique, a la justice et au développement socio-économique sont légitimes et exige a ce qu'elles soient respectées. Declaration du CSP le 23/02/2011

 

Quel chemin vers l’Union Africaine ? (2)

Quel serait l’intérêt d’une union africaine structurée ? Trois objectifs semblent aujourd’hui primordiaux : construire un vaste marché intérieur réglementé, à même de produire la richesse nécessaire pour sortir l’Afrique du sous-développement économique ; pacifier les relations entre Etats et consolider les liens entre les différentes sociétés internes au continent africain, à travers des institutions politiques représentatives et intégrantes ; ancrer l’Afrique dans l’espace mondial et le processus de globalisation.

Pour répondre à ces défis, l’espace continental africain est pertinent à plusieurs égards : en plus de sa cohérence géographique, il existe une communauté de destin historique que l’on ne peut ignorer. Encore plus qu’au passé, l’Histoire africaine se conjugue au présent et au futur : le défi du développement socio-économique et du vivre-ensemble s’impose à l’ensemble des pays du continent.

Ceci étant dit, quel chemin vers l’union africaine ? J’ai déjà indiqué ma préférence pour la stratégie « gradualiste » par rapport à la vision « maximaliste » de l’unité africaine ; j’en expliquerai les raisons en me référant aux trois objectifs identifiés précédemment. Continue reading « Quel chemin vers l’Union Africaine ? (2) »

Quel chemin vers l’Union africaine ? (1)

Les médias ont principalement retenu du récent sommet de l’Union africaine, du 1er au 3 février dernier à Addis-Abeba, l’élection du leader libyen Mouammar Kadhafi à la présidence de l’UA, fonction essentiellement protocolaire d’un mandat d’une année. Fidèle à ses lubies, ce dernier a précisé au parterre de chefs d’Etat africains venant de l’élire qu’il convenait désormais de l’appeler “roi des rois traditionnels d’Afrique”. Les observateurs n’ont pas manqué de souligner le ridicule de la situation, qui ne rehausse pas l’image de cette institution, et plus largement du continent africain. Mais au-delà de cet évènement qui reste, somme toute, anecdotique, la 12e Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA s’est révélée autrement plus importante concernant un sujet essentiel : la stratégie à mettre en place pour un gouvernement d’union fédérale africaine.

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