Quels sont les risques et les enjeux de l’intégration financière en Afrique francophone ?

Depuis 1988 et la création de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières en zone UEMOA, l’Afrique francophone a tenté d’intensifier son intégration financière et de se doter d’institutions permettant de garantir le financement autonome des entreprises et des Etats de la région. Toutefois, si la BRMV représente un symbole de réussite pour l’intégration des services financiers de la zone franc, les marchés financiers de la région demeurent inefficaces[1] et peu adaptés aux besoins de financement des acteurs de l’économie locaux. Lors des réunions des ministres de la zone franc en avril dernier, les ministres ont désigné le renforcement de l’intégration financière au sein des deux sous-régions comme une priorité de leur feuille de route. L’intégration financière est un processus de renforcement des interactions entre systèmes financiers nationaux, au niveau global ou régional. Tous les indicateurs de profondeur financière montrent que celle-ci est faible dans l’UEMOA et dans la CEMAC comparée à la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne. Si l’intégration financière s’est accélérée au cours des dernières années dans la zone franc (augmentation de l’intensité des paiements entre pays, le développement rapide du marché régional des titres publics), elle reste décevante en raison notamment de l’hétérogénéité du développement financier au sein des deux zones monétaires, de l’hétérogénéité des conditions bancaires, de la fragmentation du marché interbancaire et des marchés financiers peu actifs hors dette publique. Pourtant des instruments pour favoriser l’intégration financière tels qu’une loi bancaire unique, une surveillance bancaire régionale et des bourses à vocation régionale existent.

Le présent article présentera les enjeux de l’intégration financière en Afrique notamment en matière de réduction des coûts des transactions financières et reviendra également sur les risques de contagion financière que comporte une telle intégration en cas de crise financière.

1. Enjeu de l’intégration financière en Afrique

Les gains de l’intégration financière sont élevés en Afrique. Elle permet de lever les deux contraintes majeures du développement financier que sont la faible taille des marchés et le niveau élevé des coûts de l’intermédiation financière. Par ailleurs, l’intégration financière peut aider à compléter une épargne interne insuffisante ou mal mobilisée, améliorer l’allocation des financements en faveur d’investissements productifs, contribuer à accroître l’accès aux services financiers, inciter à des politiques de stabilisation macroéconomique plus efficaces. Elle peut également améliorer l’efficience du système bancaire, par l’intensification de la concurrence et la diffusion de bonnes pratiques, y compris en matière de supervision.

L’intégration financière permet aux entreprises et aux ménages de partager le risque financier et favorise la spécialisation de la production dans les différentes régions.  Elle favorise également la diversification des portefeuilles et le partage du risque idiosyncrasique d’une région à l’autre grâce à la disponibilité d’instruments financiers supplémentaires. Une intégration financière approfondie renforce la croissance économique car les ressources financières sont libérées pour les activités économiques sous l’effet du développement financier. Elle renforce la concurrence entre les institutions financières locales et étrangères, ce qui permet d’améliorer l’efficacité des institutions financières car les ressources financières sont libérées pour les activités productives.

Toutefois, l’intégration financière peut également contribuer à une allocation sous-optimale des flux de capitaux, à une perte de la stabilité macroéconomique, à des effets de contagion et de plus forte volatilité des flux de capitaux et à la montée des risques liés à la pénétration des banques étrangères. Une intégration financière approfondie serait un outil de développement efficace pour les pays de la zone franc. Seulement la stratégie d’accélération de cette intégration financière devra prendre en compte la gestion des risques associés à celle-ci.

2. Recommandations

2.1. Renforcer l’intégration financière en Afrique

La mise en place de projets d’investissement régionaux, et le renforcement des institutions régionales, notamment de supervision est nécessaire pour ancrer durablement l’engagement politique en faveur de l’intégration. Dans ce contexte, l’intégration financière va de pair avec une amélioration du climat des affaires (qui peut contraindre le développement financier) et la mise en œuvre de politiques axées sur un meilleur accès aux services financiers. Les réglementations financières nationales doivent assurer une égalité de traitement des établissements financiers en supprimant toute barrière à l’entrée, toute discrimination dans leurs activités, et en harmonisant les conditions de la concurrence (réglementation bancaire, supervision, fiscalité). Enfin, l’amélioration des infrastructures financières est essentielle pour un abaissement rapide des coûts de transaction. Cette  optimisation concerne aussi bien les moyens de paiement, les systèmes de compensation interbancaires, la promotion des services innovants ou la gestion du risque.

Dès novembre 2013, un rapport de la Banque mondiale[2], recommandait de faciliter l’intégration financière par la mise en place de réglementations et de mécanismes de supervision bancaire transfrontaliers, de marchés de titres régionaux, du crédit commercial intra-régional et d’une intégration régionale des infrastructures financières. Enfin, la création dans chacune des deux zones de véritables marchés des changes, dans le strict cadre du système de change, permettrait une plus grande fluidité d’accès aux devises étrangères et constituerait ainsi un accompagnement utile du développement du secteur financier.

2.2. Gérer les risques associés à l’intégration financière

L’intégration financière est soumise à des risques, en particulier lors des épisodes de crises financières. Elle renforce les risques de contagion entre pays, mais aussi entre le système bancaire et États. Pour atténuer les risques d’une intégration financière, il convient de :

  • Renforcer les instruments régionaux de gestion des risques
  • Compte tenu de la forte complémentarité entre la régulation et la supervision, donner aux autorités de contrôle les moyens de faire appliquer les réglementations
  • Porter une attention particulière à la prévention et à la gestion des bulles financières et immobilières pour contenir leur ampleur
  • Adapter la régulation des marchés financiers au contexte africain pour accompagner leur émergence et réduire la procyclicité des normes prudentielles. En effet, l’efficacité de la régulation dépend de l’équilibre entre l’objectif de maîtrise des risques systémiques (renforcement des exigences prudentielles) et celui de ne pas peser sur le financement de l’économie. D’une part, le renforcement des exigences prudentielles est nécessaire, à la fois pour se rapprocher des bonnes pratiques internationales et pour s’adapter à l’évolution des systèmes financiers (banques panafricaines, banque mobile, microfinance). D’autre part, la régulation doit concilier l’objectif central de stabilité financière et celui d’une meilleure inclusion financière, notamment dans l’accès aux financements pour les petites et moyennes entreprises et l’octroi de financements longs. Elle doit également être adaptée à la capacité de supervision des autorités.

Viviane Bondoma

Bibliographie

Acalin, Julien and Cabrillac, Bruno and Dufrénot, Gilles and Jacolin, Luc and Diop, Samuel, Financial Integration and Growth Correlation in Sub-Saharan Africa (July 2015). Banque de France Working Paper No. 561

Cabrillac, Bruno, et Emmanuel Rocher. « Les perspectives des unions monétaires africaines », Revue d'économie financière, vol. 110, no. 2, 2013, pp. 99-125

Guérineau Samuel, « Les bénéfices de l’intégration monétaire et la théorie des Zones Monétaires Optimales : l’expérience de l’UEMOA et de la CEMAC », Institut de formation pour l’Afrique (IFA), Fonds Monétaire International (FMI), et la Banque de France Maurice, 8-9 mars

Guérineau Samuel, Jacolin Luc, « Réussir l’intégration financière en Afrique », Synthèse de la conférence organisée par la Banque de France et la Ferdi le 27 mai 2014


[1] https://www.afdb.org/fr/blogs/integrating-africa/post/regional-financial-integration-and-monetary-coordination-in-the-west-african-monetary-zone-and-the-east-african-community-13603/

 

[2] http://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2013/11/11/New-World-Bank-Group-Report-Charts-Road-Map-for-Financial-Inclusion

 

L’Afrique face aux grands défis environnementaux

On a célébré ce 5 juin la journée mondiale de l’environnement, sur le thème « rapprocher les gens de la nature ». Cette année, cette journée reste entachée par la décision du président TRUMP de sortir les Etats-Unis de l’accord cadre de Paris sur les changements climatiques du 12 décembre 2015, dont l’enjeu est de contenir le réchauffement climatique « bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels» et si possible de viser à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C »[1].

L’Afrique, bien que pionnière à travers l’Union Africaine dans la protection de l’environnement[2], doit maintenant faire face à de nouveaux défis environnementaux avec des problématiques ciblées et une action limitée face aux changements climatiques.

La prise en compte des problématiques environnementales en Afrique

Depuis l’adoption en 1968 de la première convention africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles, les problématiques d’ordre environnemental du continent n’ont pas changé. A la protection de la nature et des ressources naturelles, s’ajoute celle de la préservation de la couche d’ozone détériorée au fil des ans par la croissante industrialisation des pays du Nord. Nombreux sont donc les défis environnementaux que ce continent doit relever pour les générations futures.Cette bataille passe notamment par la préservation de certains sites géographiques, essentiels à la protection de notre écosystème. Il s'agit entre autres de :

-La sauvegarde du bassin du Congo : Vaste région forestière d’environ 230 millions d’hectares, le bassin du Congo, regroupant une dizaine de pays[3] pour 77 millions d’habitants est la seconde forêt tropicale au monde en termes de surface après l’Amazonie. Sa superficie représente environ 6% de la superficie forestière mondiale et c’est l’une des plus grandes réserves biologiques de la planète. Les forêts du Bassin du Congo génèrent l'oxygène qui contribue à la qualité de l'air que nous respirons, jouent un rôle déterminant dans le ralentissement du réchauffement climatique en stockant et séquestrant du carbone et servent à l’alimentation des populations riveraines.

Malheureusement, des millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année du fait de son exploitation par une population en forte croissance. Cette disparition provoque des émissions de gaz à effet de serre, avec des répercussions sur le changement climatique mondial.

Dans le cadre de sa sauvegarde des actions régionales et internationales sont menées. Le bassin du Congo, c’est également 29 organisations gouvernementales et non gouvernementales dont la COMIFAC[4], les Initiatives de Type II (IT II) qui ont pour objectifs la mise en œuvre de l’Agenda 21[5] adopté au Sommet de la Terre de Rio en 1992[6]. Lors du sommet africain de l’action[7], les chefs d’Etats africains ont préconisé la mise en place d’un « fonds bleu pour le bassin du Congo » qui s’appuiera sur la mise en œuvre de micro-projets touchant aux domaines liés au développement durable tels que les projets hydro-électriques, le traitement des eaux, l'irrigation des terres cultivables.

-La grande muraille verte contre l’avancée du désert : Dans les terroirs sahéliens notamment agro-sylvo-pastorale[8], le développement socio-économique, la sécurité alimentaire et les besoins domestiques sont fortement tributaires de la disponibilité des terres arables, des ressources hydrauliques, forestières et pastorales. Les zones arides et semi-arides du Sahel représentent un ensemble de patrimoines culturels et biologiques remarquables qu’il convient de conserver, restaurer et valoriser. Cependant, les effets de la désertification, la variabilité climatique et la pression anthropique ont fortement dégradé, voire détruit cet important patrimoine naturel.

L’Agence Panafricaine de la Grande Muraille Verte est créée en 2005 par les Chefs d’État et de Gouvernement de 11 Etats sahéliens[9] sous l’égide de l’Union Africaine par Convention internationale[10]. Son objectif global est, d’une part, de lutter contre l’avancée du désert par les pratiques éprouvées de gestion durable des terres, de renforcer la protection des ressources naturelles et des systèmes de production et de transformation, d’assurer le développement socio-économique des Communautés locales par des plateformes polyvalentes d’Activités Génératrices de Richesses, de renforcer l’accès aux services sociaux de base et de gestion de la transition vers l’économie verte, d’éradiquer la pauvreté et l’insécurité alimentaire et de renforcer les capacités d’adaptation et de résilience d’autre part[11].

-La réhabilitation du bassin du Tchad[12] : Le bassin du Tchad est un bassin hydrographique de 2.381.636 kilomètres carré au cœur de l’Afrique soudano-sahélienne en bordure sud du désert du Sahara et il offre des écosystèmes très riches dans un environnement marqué par l’aridité. Les principales activités économiques dans la région sont la pèche, l’élevage, l’agriculture et le commerce pour une population estimée à près de trente millions d’habitants. Le cours du Lac a beaucoup changé depuis 1973 et même si son assèchement est dû à sa surexploitation (demande en eau pour l’irrigation), le changement climatique est aussi l’un des facteurs.           

En 1964, la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT)[13] a été créée avec pour mandat, la gestion durable et équitable dudit Lac et des autres ressources en eaux partagées du bassin éponyme, la préservation des écosystèmes du bassin conventionnel, la promotion de l’intégration et la préservation de la paix et de la sécurité transfrontalières dans le Bassin du Lac Tchad.

De ce qui précède, nous constatons que la question de la préservation et de la sauvegarde des ressources naturelles demeurent cruciale en Afrique. Des actions nationales, régionales et internationales sont menées dans ce sens. En sus de ces défis environnementaux le changement climatique reste le combat essentiel de ce siècle, combat dont l’Afrique est en marge à cause de ses moyens sont limités.

Vers une  préservation de la planète : l’Afrique et ses moyens. 

L’Afrique est le continent le plus durement touché par le changement climatique, bien qu’il soit moins responsable que d’autres régions de la planète, de ses facteurs causals.

Etant l’un des facteurs majeurs de dégradation de l’environnement, plusieurs rencontres internationales ont été tenues en vue de sa préservation. C’est ainsi qu’au Sommet de La Terre, Rio 1992, outre l’adoption de l’Agenda 21, une convention sur le climat a été adoptée. Elle a été entérinée par le protocole de Kyoto de 1997[14] et l’Accord de Copenhague de 2009[15]. L’Accord de Paris adopté en 2015 sur le climat et les changements climatiques est donc le résultat d’un long processus.

Lors de la conférence de Copenhague, la question de la répartition financière avait cristallisé les oppositions Nord/Sud. En effet, pour les pays en développement, le soutien financier des pays industrialisés était une condition nécessaire à leur engagement dans la lutte contre le changement climatique. Les pays développés souhaitaient en retour que les pays en développement et surtout les plus avancés participent aux efforts financiers. Lors de la Conférence de Paris, outre l’accord unanime des 195 pays de contenir le réchauffement climatique « bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels»  et si possible de viser à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C », il a été convenu  d’affecter  des fonds aux  efforts  d’adaptation et d’atténuation du changement climatique des pays en développement. Toutefois, selon l’accord, s’il est vrai que les pays riches devront débourser davantage de fonds, les pays en développement sont aussi tenus d’y apporter une contribution[16].

Au regard de l’impact du changement climatique sur l’Afrique, l’objectif pour les pays africains consisterait à exploiter les vastes ressources énergétiques renouvelables du continent[17].

L’Initiative Africaine pour les Energies Renouvelables (AREI) menée par la Commission de l’Union Africaine et bien d’autres organismes, vise à permettre l’installation d’une capacité énergétique renouvelable à grande échelle sur le continent africain d’ici 2020, ce qui aurait un impact considérable sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre du continent.

En outre le Fonds Vert pour le Climat (FVC), mécanisme financier de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatique a pour objectifs de limiter ou de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les pays en développement et d’aider les communautés vulnérables à s’adapter aux impacts déjà ressentis du changement climatique.

La décision du président des Etats Unis, Donald TRUMP, de se retirer de l’Accord de Paris remet donc en cause ce Fonds car les Etats-Unis de Barack OBAMA étaient un grand contributeur[18].

Mais, comme le rappelle le président Emmanuel MACRON dans son discours du 2 juin 2017 en réponse à la décision du président américain de sortir de l’accord de Paris, « MAKE OUR PLANET GREAT AGAIN ». L’Afrique doit être en marche pour la préservation de la planète pour les générations futures. Donnez-nous les moyens et donnons-nous les moyens.

                                                                                                                                                                                                                                                         Corinne Alida KABRE

 

 

 

 


[1] Article 2 de l’accord de Paris.

 

 

 

[2] Convention Africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles de 1968.

 

 

 

[3] Angola, Burundi, Cameroun, Gabon, République centrafricaine, République du Congo, Guinée équatoriale, République démocratique du Congo, Rwanda et Tanzanie.

 

 

 

[4] La Commission des forêts d'Afrique centrale (COMIFAC) est le principal organe de l'autorité qui supervise, au niveau régional, les décisions sur la conservation du Bassin du Congo.

 

 

 

[5] C’est une déclaration de propositions juridiquement non contraignantes. Ce programme pour le XXIe siècle liste les grands principes d’actions dans des domaines très diversifiés : l’éducation, la participation des femmes, l’économie, la gestion des ressources naturelles, afin de s’orienter vers un développement durable de la planète.

 

 

 

[6] La Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement, encore appelée premier sommet de la Terre, a eu lieu en juin 1992 à Rio. Il s'est tenu vingt ans après la conférence de Stockholm, la première consacrée aux questions d'environnement  et il a été adopté la « Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement» ou « Agenda 21 ». Ont été en outre adoptées à Rio deux conventions-cadres, l'une sur la biodiversité et l'autre sur le climat.

 

 

 

[7] Tenu le 16 novembre 2016 à Marrakech, cette réunion de haut niveau, organisée en marge de la COP22, connait la participation de chefs d'Etat, de gouvernement et de délégations de 50 pays africains.

 

 

 

[8]La méthode de culture concilie les arbres, la production végétale et la production animale.

 

 

 

[9] Burkina Faso, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Soudan, Tchad

 

 

 

[10] http://www.grandemurailleverte.org/, consulté le 11/06/2017 à 23h16.

 

 

 

[12] Le cours d'eau est partagé par le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Nigeria.

 

 

 

[13]Les pays membres sont : le Cameroun, le Niger, le Nigeria, le Tchad, la République Centrafricaine et la Libye.

 

 

 

[14] Signé en 1997 puis ratifié en 2005, le protocole de Kyoto a défini des objectifs légalement contraignants et quantifiés de réduction des gaz à effets de serre. Les Etats se sont engagés à réduire leurs émissions de GES de 5,2% en 2012, par rapport au niveau de 1990.

 

 

 

[15]Considéré comme l’une des conventions majeures en matière de changement climatique, la conférence de Copenhague avait pour objectif de définir la période post-2012 une fois la période d’engagement du protocole de Kyoto terminée. La déclaration finale réaffirme l’objectif de limiter le réchauffement de la planète à 2°C par rapport à 1850 devenant ainsi un objectif collectif avec 183 pays signataires.

 

 

 

[16] Le deuxième rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) sur l’écart de l’adaptation en Afrique  indique que les pays africains devront mobiliser jusqu’à 3 milliards de dollars par an entre 2016 et 2020.

 

 

 

[17]Energie solaire, énergie éolienne, etc.

 

 

 

[18] Près de trois milliards de dollars soit 23% des contributions.

 

 

 

Le numérique au secours de la santé en Afrique

Ces dernières années, l’adoption progressive des services numériques en Afrique a eu des effets positifs incontestables sur le développement socio-économique des pays. Disposant d’un parc de près de 300 millions[1] de smartphones et de nombreux réservoirs d’entrepreneuriat et d’innovations technologiques, l’Afrique présente de sérieux atouts dans le domaine. Le secteur de la santé africain n’a pas échappé à cette digitalisation.

La m-santé africaine

De nombreuses initiatives innovantes en matière d’e-santé tentent de palier la faiblesse des systèmes de soin du continent. Les exemples ne manquent pas, et ce, à toutes les étapes.

Prévention et éducation : L’application Prévention Ebola (Côte d’Ivoire) a ainsi permis aux populations d’accéder à des informations de prévention contre l’infection en langues locales. Kasha (Rwanda) permet aux femmes de commander des produits d’hygiène et de contraception.

Diagnostic : Les utilisateurs de Matibabu en Ouganda peuvent, grâce à l’application, effectuer leur autodiagnostic du paludisme. Le projet IKON du Mali permet la transmission des radiographies depuis les cliniques isolées vers les spécialistes, faisant gagner un temps précieux au processus de diagnostic.

Traitement : Malisanté (Mali) et MedXCare facilitent la mise en relation entre professionnels de santé et patients. La problématique de la gestion des médicaments est quant à elle traitée par des startups telles que mPharma (Ghana) et Jokkosanté (Sénégal).

Suivi médical : SMS et messages vocaux permettent aux femmes enceintes un suivi de l’évolution de leur grossesse à travers l’application M@SAM (Burkina Faso).

Particulièrement adapté aux contraintes propres au contexte africain, le mobile s’impose peu à peu comme un outil stratégique en matière de santé.

L’hôpital numérique, opportunité et défi

Aujourd’hui, l’hôpital numérique en Afrique relève plus du défi que de la réalité de terrain. En effet, se limitant encore à la gestion des entrées et des sorties des patients, la gestion informatique des hôpitaux est encore insuffisamment développée. Rares sont les pays qui, à l’instar de la Côte d’Ivoire et du Bénin ont mis en place de tels systèmes, bien qu’ils renferment un fort potentiel en matière de gestion hospitalière et donc d’efficacité du système de santé.

Un constat similaire peut être fait en matière de formation des étudiants et professionnels de santé, à laquelle le numérique, via l’e-learning, ne contribue encore que de manière très sporadique.

Les initiatives existent mais restent pour la plupart isolées et en dehors de tout projet d’envergure ou de coordination à grande échelle. Ainsi, dans un contexte de contraintes budgétaires et d’explosion de la croissance démographique et des maladies chroniques, les africains continuent de pâtir d’inégalités dans l’accès aux soins et aux médicaments, des infrastructures défectueuses et du manque de personnel qualifié. Si le numérique apparaît comme un véritable levier d’amélioration du secteur de la santé, le continent ne pourra en tirer des bénéfices qu’à condition que les autorités publiques s’assurent de créer des conditions favorables : en développant l’accès aux réseaux et à l’outil numérique des professionnels de santé et des citoyens d’une part, et en se présentant comme les instigatrices d’un cadre réglementaire dans le domaine d’autre part.

Indispensable connectivité

Les pays africains ont connu ces dernières années une croissance impressionnante de la couverture du territoire en réseaux mobiles et d’utilisation des services numériques. Toutefois, si 46% de la population africaine a souscrit à un service mobile, seulement 29% des africains ont accès à internet mobile[2]. De plus, la fracture numérique entre zones rurales et zones urbaines sur le continent reste prégnante. L’amélioration de l’accès des professionnels et des citoyens à l’outil numérique est ainsi un enjeu important de l’e-santé et concerne aussi bien le développement des réseaux mobiles en zones non couvertes et des infrastructures d’électricité que l’accès à un équipement mobile ou informatique et la formation à l’utilisation des outils numériques.

L’impulsion politique comme enjeu majeur de l’e-santé

Le développement de mécanismes de gouvernance appropriés assurant redevabilité, transparence et leadership est un véritable défi de la e-santé en Afrique[3]. Il est primordial qu’un environnement favorable soit créé – aux niveaux régional et national – pour que le secteur de la santé puisse tirer le meilleur parti du numérique.

Plusieurs recommandations en ce sens, à l’égard des autorités africaines et autres parties prenantes du secteur de la santé sur le continent, peuvent être faites :

  • Encourager la collaboration entre les différentes parties prenantes, afin d’assurer la cohérence, la pertinence et l’efficacité des programmes.
  • Améliorer le cadre réglementaire pour établir un climat de confiance et assurer la sécurité des usagers et des différents acteurs.
  • Faciliter l’investissement pour dynamiser le secteur et favoriser l’innovation, à travers la mobilisation de fonds publics, la mise en place de cadres législatifs favorables à l’innovation et à l’investissement et des Partenariats Public-Privé favorisant le passage à l’échelle des projets d’e-santé.
  • Développer la formation aux outils numériques afin d’améliorer les compétences et leur utilisation.[4]

La mobilisation devra s’effectuer à tous les niveaux : des Etats aux opérateurs en passant par les professionnels de santé et les citoyens.

Aude Schoentgen

Pour aller plus loin, participez à la conférence ici


[1] 296 millions de smartphones, Afrique, Q4 2016 (Source : GSMA Intelligence)

 

 

 

[2] 2016, GSMA Intelligence

 

 

 

[4] L’Afrique des Idées, L’impact du numérique sur l’amélioration de la santé en Afrique, Etude annuelle, 2017​

 

 

 

Une autonomie socio-culturelle serait-elle l’avenir de la démocratie en Afrique ?

figures féminines d'Afrique - amazones du Dahomey
Amazones du Dahomey – Crédits : DR / Collectie Stichting Nationaal Museum van Wereldculturen / Commons

L’un des principaux objectifs de la démocratie de proximité est le rapprochement des populations à la gestion de la chose publique. Il est moins compliqué pour un citoyen de surveiller et d’influer sur l’action de l’exécutif communal de son lieu de résidence que sur les décisions prises au niveau gouvernemental.

Rapportée à l’Afrique, la décentralisation – une des manifestations de la démocratie de proximité -peut jouer un rôle relativement différent pour l’amélioration du système démocratique de certains pays. Le continent africain a en effet, une histoire particulière avec le système démocratique. Il est difficile de parler de ce système politique sans évoquer l’occupation occidentale de l’Afrique vers la fin du 19ème siècle.

La conférence de Berlin de 1884 reste dans l’histoire, l’évènement qui a véritablement marqué le début de l’impérialisme européen. Elle a surtout tracé des frontières arbitraires au gré des intérêts économiques des colons. Encore aujourd’hui, ces frontières produisent d’importantes conséquences dans l’administration territoriale de nombreux Etats en Afrique[1]. L’ancien premier ministre Malien, Moussa Mara affirmait, lors d’une rencontre organisée par l’Afrique Des Idées, que l’un des principaux problèmes du nord Mali est relatif à l’administration de cette région[2]. Cette région a en effet besoin d’une autonomie relativement poussée et elle ne peut être administrée de la même manière que l’est le reste du territoire.

Certains Etats ont tenté de réparer les torts de l’histoire en adaptant l’administration du pays avec plus ou moins de difficultés. D’autres ont testé le fédéralisme mais se sont très vite rétractés. C’est le cas par exemple du Cameroun qui a opté pour le fédéralisme entre 1961 et 1972 avant de revenir au système unitaire. La crise actuelle du Cameroun anglophone trouve l’une de ses causes dans ce retour à l’Etat unitaire qui n’a pas pris en compte la spécificité de cette région tant dans son histoire que dans son administration.

A contrario de son voisin, le Nigéria a gardé la structure fédérale mise en place au cours de la colonisation britannique ; seul gage d’un semblant d’unité dans une telle diversité socio-culturelle.[3]

Et si l’avenir démocratique de ces Etats crées de toute pièce pour des intérêts impérialistes, résidait dans une autonomie ethnico-culturelle poussée ?

Plusieurs notions qui vont s’entremêler dans ce propos devraient être clairement définies. C’est le cas de la notion de décentralisation. Par la décentralisation, le pouvoir central délègue un certain nombre de compétences à des autorités locales élues par les populations. L’élection de ces autorités au suffrage universel permet de différencier le système de décentralisation de la déconcentration. En effet, dans le cadre de cette dernière, les autorités déconcentrées ne sont qu’un prolongement du pouvoir central au niveau local. C’est le cas par exemple des Préfets nommés par décret.

Les organes décentralisés sont organisés tels des « mini Etats ». Ils disposent de ressources propres, d’organes de décisions qui leur sont propres, afin de mener à bien la politique locale pour laquelle ils sont élus.

En France par exemple, c’est par les lois Gaston Deferre de 1982 que la décentralisation a été institutionnalisée. Plusieurs garde-fous ont été pris pour éviter que les collectivités décentralisées ne poussent un peu trop loin la soif d’autonomie en réclamant par exemple des sécessions ou quasi indépendance du pouvoir central.  Inversement, c’est pour éviter ces désirs d’indépendance que la décentralisation dans de nombreux pays africains doit être poussée pour pallier certaines tares de l’histoire.

La prise en compte des spécificités locales.

La décentralisation est  un système d’administration qui permettrait la prise en compte  des originalités d’une région donnée[4]. L’exemple du Nigéria qui est allé au bout de la logique de ce respect des originalités régionales en optant pour le fédéralisme est édifiant. Le fédéralisme se distingue de la décentralisation par l’absence de dénégation des caractères étatiques. Tout comme aux Etats-Unis ou au Canada, le fédéralisme consiste en une Union d’Etats qui, pris individuellement, auraient pu être souverains.  Ils possèdent donc quasiment toutes les caractéristiques d’un Etat à l‘exception de certains pouvoirs régaliens. Ces différences de caractéristiques varient en fonction des Etats et de leur histoire.

Au Cameroun où le fédéralisme n’a pas fait long feu, une décentralisation ou autonomie poussée pourrait être une solution aux problèmes rencontrés entre le pouvoir central et les régions anglophones du nord du pays.

Depuis les années 60, l’une des principales revendications de ces régions porte sur la reconnaissance de leur spécificité culturelle héritée de l’occupation britannique. En désengorgeant le pouvoir central, les autorités locales pourraient prendre des décisions à l’aune des réalités locales. Des solutions pratiques à cette crise sont apportées dans un article publié par Thierry Santime pour l’Afrique Des Idées. La Partie anglophone pourrait avoir un statut tel celui de la région de l’Alsace en France. L’Alsace a en effet conservé un régime juridique propre, mis en place par les autorités allemandes avant qu’il ne devienne territoire français. Ces dispositions sont de nature diverse et vont des problématiques sociales, aux dispositions relatives au crédit, à la réglementation professionnelle etc.

Dans la majeure partie des pays africains, la décentralisation mise en œuvre correspond à la conception classique de cette organisation administrative. Une telle conception ne semble pas appropriée à tous les Etats, d’autant plus que le passif colonial appelle à une prise en compte poussée de la spécificité de certaines régions. C’est le cas par exemple de la plus grande province de la République Démocratique du Congo(RDC), le Katanga. Avant l’occupation Belge, le Katanga était peuplé par les Bantous depuis l’âge de Fer. La conférence de Berlin  cèdera cette région au roi belge et  le Katanga intègrera dès lors la RDC.[5] Cette région n’a jamais caché ses désirs de sécession. Le Katanga a d’ailleurs proclamé son indépendance en 1960 à la suite de l’indépendance du Congo. Des guerres civiles  impliquant même l’ONU ont martyrisé cette région de l’Afrique centrale pendant de longues années avant qu’elle ne soit contrainte à un rattachement définitif à la RDC en 1967.

Une telle région devrait également bénéficier d’une autonomie poussée au-delà même du spectre de la simple décentralisation. En matière foncière par exemple, jusqu’à 2009 en RDC, le pouvoir central avait tout pouvoir et passait par des décrets pour créer des circonscriptions foncières. Les autorités foncières issues de ces découpages étaient complètement déconnectées des réalités vécues par les paysans vivant dans les dites localités[6]. Une décentralisation plus intelligente devrait pallier de telles problématiques en délégant à des autorités locales ces responsabilités.

La nécessité d’une décentralisation intelligente.

Nombreux sont les pays africains qui ont enclenché des processus de décentralisation à des rythmes  plus ou  moins différents[7]. Parfois, par contrainte car certaines aides sont dorénavant conditionnées : elles seraient désormais directement versées à des acteurs locaux maitrisant les problèmes locaux. L’un des problèmes liés à la décentralisation réside justement dans le financement des collectivités décentralisées. Le principe voudrait que les collectivités s’autofinancent à travers différents revenus tels que les impôts locaux ou la valorisation commerciale du patrimoine local. La conséquence de cet autofinancement est la constitution de collectivités décentralisées très disparates en termes de richesse.

La décentralisation ne sera utile que si elle permet un équilibre politique et social.  En aucun cas, elle ne doit être la source de nouvelles déstabilisations fondées sur les différences économiques des collectivités décentralisées d’un Etat unitaire. Une décentralisation intelligente s’impose. Elle devrait ainsi se matérialiser par une solidarité accrue et obligatoire entre différentes collectivités décentralisées, gage de stabilité et d’unité du pays. Faute de quoi, le caractère unitaire de bon nombre de pays pourrait être remis en cause.

Une solidarité entre collectivité décentralisée implique que le pouvoir central garde la main non seulement sur la gestion globale du pays mais également sur celle des entités décentralisées. D’où la nécessité d’une autonomie poussée et non d’un fédéralisme.

 

                                                                                                                                                                     Giani GNASSOUNOU

 

 

 

 

 

 


[1] Le conflit ayant opposé le Nigéria au Cameroun concernant la péninsule de Bakassi tire son origine des frontières tracées au cours de la colonisation. Les problèmes sociaux ethniques ayant conduit à la guerre du Biafra peuvent s’expliquer en partie par la création d’un Etat du « Nigéria » avec pour objectif l’exploitation des ressources des terres occupées par la puissance coloniale britannique.

 

 

 

[4] Définition Larousse

 

 

 

The private sector: A strong vector for Morocco’s economic integration in Africa

During the 27th African Union summit in Kigali of 18th July 2016,King Mohammed VI declared that ‘’Morocco is already the second investor in Africa but aims to become the Continent’s foremost investor very soon”. Indeed, between 2003 and 2013, more than 1.5 billion dollars have been invested by Moroccan companies in West and Central Africa. This only represents half of the direct foreign investments launched by Morocco, in the last few years.

In the early 2000’s, many Moroccan companies of the private sector started businesses in Africa in a wide range of sectors. For example, bank branches of BCP (Banque Centrale Populaire), BMCE Bank of Africa and Attijariwafa Bank have been opened in about fifteen African countries. More so, the insurance company Saham has also been planted in about twenty countries since the takeover of the Nigerian company Continental Reinsurance in 2015.  In the telecommunications sector, Maroc Telecom increased its influence on the continent through the takeover of 6 African branches from their Emirati shareholder Etisalat.

Moreover, many holdings such as Ynna Holding and the National Investment Company through its mining branch Managem, have operations in the African continent.  In the property business, the company named Alliances Développement Immobilier, has signed partnership agreements with the Cameroonian and Ivorian governments in order to build thousands of council housing. The company, Palmeraie Développement, has launched building projects in Gabon, Ivory coast and recently in Rwanda. Attracted by the important investments in infrastructure (highways, bridges, ports, council housings, universities, etc.), the Addoha group pitched its tent on the continent too via two of its companies: Addoha and CIMAF (Ciments de l’Afrique). They have been recently joined by LMHA (LafargeHolcim Maroc Afrique), a company held jointly by LafargeHolcim and the national investment company which is a Royal Holding.

So, the private sector plays a key role in the economic integration process of the continent. The mobilization of private investments is essential to economic integration as it helps to create jobs, improve productivity and increase exports. The economic integration between Morocco and other African countries put in place by the King Mohammed VI invites the companies of the Kingdom to share their expertise and to strengthen their partnership relations with the African countries.

The Moroccan private sector will now play an important role in skill transfer, while enhancing its production capacity. It will then improve its competitiveness on an international level. Concerning inter-regional trade, it will boost the commercial exchanges, which are still weak and reduce the structural deficit of the Moroccan trade balance. The economic potential is huge. The Economic Community Of West African States (ECOWAS) and The Economic Community of Central African States (ECCAS) have altogether more than 300 million consumers, that is to say a market which is  nine times the size of the Moroccan population.

The Role of Economic-stimulus Groups in the Reinforcement of Economic bilateral relations

Whenever King Mohammed VI makes an official visit to  a Sub-Saharan country, his country Morocco makes advantageous agreements that includes customs facilities and tax concessions. The aim is to promote commercial exchanges and to develop intra-African investments. Recently, economic relations between the Moroccan Kingdom and other African countries are ruled by a legal frame of more than 500 cooperative agreements. This is so important to the Moroccan Kingdom that the King Mohammed VI called a meeting of his government, during the first ambassador conference that took place in August 2013, to work with the different economic operators from the public and the private sectors in order to grab investment opportunities in countries having strong economic potentialities. Thus, the last trips of King Mohammed VI allowed mainly to create economic-stimulus groups on the between Morocco-Senegal and Ivory Coast. These groups, co-chaired by the foreign ministers and the presidents of employers of each country, aim to promote partnerships between the private sectors and to boost commercial trade and investments [1].

With a total population of 22 million inhabitants, Ivory Coast is the first economy in the West African Economic and Monetary Union (UEMOA) area and is also the second economic power in the ECOWAS area. Also, the investment options are numerous: industry, infrastructure, construction industry, mines, energy, and so on. Senegal is also not left behind. There are so many reasons that encourage investment in the country. These include political stability, economic opportunities and new infrastructures. A guarantee is also given to the Moroccan investors through notably mutual protection and promotion agreements of investments and non-dual taxation agreements. The Memorandum of Understanding concerning the creation of a joint venture between the Moroccan group, La Voie Express and the Senegalese company Tex Courrier signed on 9th  November 2015 at the ceremony to present the work of the Moroccan-Senegalese EIG – chaired by King Mohammed VI and President Macky Sall, is a good example of the instrument's driving role in boosting private-private partnership[2].

Exchanges between the Moroccan kingdom and the African continent have increased clearly during the last decade. Between 2004 and 2014, global exchanges have quadrupled, going from 1 billion dollars to 4.4 billion dollars. The study '' Structure of trade between Morocco and Africa: An analysis of trade specialization '' produced by OCP Policy Center in July 2016 shows that West Africa remains the first destination of Moroccan exports[3]. This region has indeed welcomed around 50.08% of exportations in 2014, the equivalent of 1.04 billion dollars[4]. However, an analysis of the export structure reveals that Moroccan exports to the other African countries are dominated by intensive goods in raw materials and natural resources[5]. A strong potential is to be developed to boost more Moroccan exports. The Directorate of Studies and Financial Forecasts (DEPF), attached to the Moroccan Ministry of Economy and Finance, stressed in its study "Morocco-Africa Relations: the ambition of a new border" that "Moroccan companies targeting the African market should focus on a penetration strategy based on cost considerations from targeted sectorial choices, in the light of the current and, above all, future needs of African populations. Demographic growth, the rise of the middle class and the rampant urbanization of the continent are all factors to be taken into consideration, in order to anticipate the rising configuration of these emerging economies ".

In this sense, Moroccan exporter companies had better anticipate the dynamics of economic, social and cultural transformations that are on the horizon in Sub-Saharan Africa by setting up adaptation strategies in order to capture a higher market share and catch up their delay in this fast-growing region.

Economic Action at the Heart of Morocco's Integration Strategy in Africa

Economic integration is important for both Morocco and the African continent.  The recent trips of King Mohammed VI to Rwanda, Tanzania, Senegal, Ethiopia, Madagascar and Nigeria is designed to reinforce this notion. The Eastern part of Africa is the fastest growing region in Africa. Added to that, its economic potential  is still unexploited. If Morocco wants to reinforce its influence on the African continent, a number of options have to be investigated. First, the internationalization of Moroccan companies and their investment in African countries have to be encouraged by putting at their disposal a real database on the specificities and the potential of each economy. Second, export flows to African countries have to be fostered. Both public and private actors are involved in the promotion of Moroccan products. The new Moroccan agency for the development of Investment and Export, as well as the ASMEX (Moroccan Association of Exporters), will have to conduct trade missions to various African deposits and offer national companies the necessary support to develop their exports and / or carry out their development project in the continent. Finally, strengthening trade integration with the various African countries is important. The consumer market is growing with the emergence of a middle class more interested in manufactured goods with a high added value. The negotiation of advanced partnerships with ECOWAS and CEMAC, including the creation of free trade areas, is in turn an ideal gateway to this large market of more than 300 million people.

In the era of globalization and fierce international competition, the growing interest of emerging countries towards the African continent is marked by rivalries: China, India, France, Japan or Germany have all unveiled their African ambitions. Facing this international context, Moroccan diplomacy is more ambitious and aggressive. King Mohammed VI declared at the opening of the Moroccan-Ivorian Forum the 24th of February 2014: "Diplomatic relations are at the heart of our interactions. But, thanks to the profound changes that the world is undergoing, their mechanisms, their scope and even their place in the architecture of international relations are forced to adapt to new realities.”

In the wake of this , Morocco would win by organizing a Moroccan-African business summit. The latter would be a continuation of the Africa Action Summit and would focus on the economic development potential of the continent. The Summit would bring together governments, businesses, the public and private sectors, around the economic, social and human development of Africa. The challenge is to reaffirm the strategy of influence of Morocco on the continent.

Translated by:

Pape Djibril Diagne


[1] Economic impetus groups include 10 sectors identified as priorities: banking-finance-insurance, agri-business-fisheries, property-infrastructure, tourism, renewable energy-energy, transport- Logistics, industry-distribution, digital economy, social and solidarity-craft economy, human capital-training and entrepreneurship

[2] Christophe Sidiguitiebe, Four new agreements signed between Morocco and Senegal, Telquel.ma, 10.11.2016: www.telquel.ma/2016/11/10/quatre-nouveaux-accords-signes-maroc-senegal_1523082

[3] Four of Africa's top five trading partners (Algeria, Mauritania, Senegal, Côte d'Ivoire and Nigeria) are part of West Africa.

[4] With regard to imports, the weight of North Africa accounted for nearly all Moroccan imports, with a share of 82% in 2014 compared with 53% in 2004, mainly by importing natural gas, manufactured gas, petroleum and related products.

[5] Moroccan exports consist mainly of food and living animals (25%), machinery and transport equipment (18.5%), chemicals and related products (18.1%), manufactured goods 15.9%) and mineral fuels, lubricants and related products (11.7%).

 

La crise au Cameroun anglophone : un mal profond aux racines lointaines

L’euphorie qui a suivi la victoire des Lions Indomptables lors de la CAN 2017 ne devrait pas faire oublier la crise anglophone et ses plaies encore purulentes et qui ne demandent qu’à être cicatrisées. Depuis fin 2016, les régions anglophones du sud-ouest et du nord-ouest du Cameroun sont vent debout pour protester contre ce qu’elles estiment être un traitement inégal en leur défaveur, de la part du gouvernement camerounais. Les manifestants soutiennent que le pouvoir est déconnecté de leurs réalités et ne semble opposer à leurs revendications, sinon des mesures répressives, un désintéressement ou un silence assourdissant. Pourtant, les protestataires font remarquer qu’ils expriment ces revendications via des canaux reconnus par la Constitution et les textes légaux en vigueur. Notons que la minorité anglophone représente environ 20% des 22.5 millions de Camerounais.

Bref rappel historique

Il est important de faire un bref rappel historique pour mieux appréhender les revendications actuelles.

Initialement, le Cameroun était une colonie allemande. Après la première guerre mondiale, le Cameroun fut placé sous la tutelle de la Société des Nations (ancêtre de l’ONU), et confié à la double administration française et britannique. Le territoire sous domination française acquit son indépendance en 1960. Peu de temps après, le territoire sous administration britannique s’émancipa lui aussi de sa subordination vis-à-vis de la Couronne. Dans ce contexte, anglophones et francophones avaient convenu en 1961 de constituer une fédération à deux États. Le Cameroun Occidental (anglophone) et la République du Cameroun (francophone) décidaient en ce moment-là de constituer la République fédérale du Cameroun et donc de se réunifier. Amadou Ahidjo de la République du Cameroun devint président de la République fédérale du Cameroun et John Ngu Foncha du Cameroun Occidental son vice-président. Toutefois, la fédération ne fit pas long feu, en ceci que le Cameroun retrouva le statut d’État unitaire, suite au référendum organisé par le président Ahidjo en 1972. Ce retour à l’unitarisme étatique, sur fond de marginalisation de la minorité anglophone fut le déclencheur d’un vent fluctuant, ondoyant mais solide d’animosités et de protestations des anglophones vis-à-vis du pouvoir central.  

En 1964 – donc avant même le Référendum de 1972 qui a consacré l’unitarisme-, dans un article intitulé « Construire ou détruire » paru dans la revue culturelle Abbia qu’il a fondée, un ancien ministre et universitaire issu de la province du nord-ouest, Bernard Fonlon, par ailleurs fervent défenseur du bilinguisme, faisait déjà remarquer: « Après la réunification, on conduit sa voiture maintenant à droite, le franc a remplacé la livre comme monnaie, l'année scolaire a été alignée sur celle des francophones, le système métrique a remplacé les mesures britanniques, mais en vain ai-je cherché une seule institution ramenée du Cameroun anglophone. L'influence culturelle des Anglophones reste pratiquement nulle ». Ce diagnostic poignant et incisif traduisait le malaise ressenti par de nombreux ressortissants des régions anglophones à propos de cette supposée volonté des autorités du pays de gommer de vastes pans de l’héritage culturel de la minorité anglophone pour assurer la prépondérance des régions francophones majoritaires.

Avec la fin du fédéralisme et l’instauration d’un État Unitaire en 1972, la méfiance vis-à-vis du pouvoir central qui commençait à sourdre après la réunification de 1961 et ses corollaires jugés défavorables aux régions anglophones n’a fait que se renforcer. Les velléités centrifuges et sécessionnistes apparaissent en ce moment-là.   

Crise actuelle et recommandations

Les autorités camerounaises ont souvent minoré l’importance, pour ne pas dire l’existence d’un « problème anglophone ». Pourtant, il suffit de mettre en veilleuse son positionnement partisan et procéder à un diagnostic objectif et désintéressé pour s’apercevoir du problème. Les évêques Camerounais des régions anglophones ont justement fait ressortir dans leur mémorandum adressé au chef de l’État en décembre dernier quelques-uns des traits ou éléments corroborant l’idée d’une politique deux poids, deux mesures, au détriment des régions anglophones et qui ont poussé les anglophones à manifester. Ces facteurs sont, entre autres[1] :

-La sous-représentation des anglophones dans les jurys des concours d’entrée aux grandes écoles, à la fonction publique, dans le gouvernement et les grandes instances décisionnelles en général;

– la non-utilisation (ou un recours approximatif) de l’anglais (pourtant langue officielle, au même titre que le français) dans les examens d’État et les documents publics;

– l’affectation d’une majorité de magistrats, personnel enseignant ou sanitaire francophones dans les régions anglophones;

– La négligence des infrastructures de l’ouest anglophone.

Les revendications de ces derniers mois ont d’abord été assez apolitiques avant de se muer en une véritable poussée de fièvre politique contre les velléités ou pratiques jugées sectaires et assimilationnistes du pouvoir de Yaoundé. Au départ, il s’agissait d’une série de grèves organisées par les enseignants et avocats anglophones pour dénoncer le peu d’intérêt que les autorités réservent à leurs desiderata. Ensuite, le conflit s’est généralisé et les revendications revêtent désormais un caractère militant et politique. Les ressortissants des régions anglophones qui manifestent ne veulent plus que le régime continue aisément à marcher sur leurs plates-bandes et à favoriser les régions francophones majoritaires. Ils veulent avoir voix au chapitre et jouir d’une certaine autonomie dans la gestion de leurs territoires. Ils estiment en grande partie que le fédéralisme serait une meilleure option que l’unitarisme actuel, même si une relative minorité aux visées sécessionnistes n’hésite pas à sonner le tocsin en brandissant la carte séparatiste. Mais, dans le chef des revendications exprimées, l’option la plus plausible et en tout état de cause la plus défendue par les manifestants reste celle du fédéralisme. En effet, dans un État fédéral, les compétences sont partagées entre le pouvoir fédéral et les entités fédérées. Il y a donc une plus grande autonomie et des pouvoirs plus importants concédés aux entités fédérées, qu’elles soient dénommées régions, provinces ou États.

En effet, il faut bien se rendre compte que malgré la promulgation d’une loi de décentralisation, en pratique, le Cameroun demeure un État fort centralisé. Ce qui n’est pas sans poser de problèmes dans un pays à multiples sensibilités ethniques et culturelles. Certains auteurs et le parti politique de l’opposition SDF se déclarent pro-fédéralistes et pensent que pour éviter de fragmenter encore plus le pays, le gouvernement gagnerait à organiser une consultation populaire ou référendum sur la question du fédéralisme.[2] D’autres estiment qu’à défaut du fédéralisme, il est impérieux que le gouvernement Camerounais s’emploie à exécuter son plan de décentralisation. De l’autre côté, le gouvernement et les défenseurs de l’État unitaire battent en brèche l’idée de fédéralisme soutenue par certains et insistent que l’unité nationale reste le gage de la paix et de la stabilité nationales et que cette unité nationale n’est mieux entretenue et garantie ailleurs que dans le cadre d’un État unitaire au Cameroun.[3]

Thierry SANTIME


[2] Alain Nkoyock. 2017. « Le fédéralisme est-il porteur d’espoir » Jeune Afrique. http://www.jeuneafrique.com/396895/politique/crise-anglophone-cameroun-federalisme-porteur-despoir/

Célestin Bedzigui. « Le fédéralisme est la solution au Cameroun ». http://www.camer.be/56685/30:27/celestin-bedzigui-le-federalisme-est-la-solution-au-cameroun-cameroon.html

« Cameroun : le SDF se dit favorable au fédéralisme ». BBC Afrique. http://www.bbc.com/afrique/region-39402226

 

[3]  « Cameroun : pas de retour au fédéralisme ». BBC Afrique. http://www.bbc.com/afrique/region-38232646

« Cameroun, Vincent Sosthène Fouda : « Non au fédéralisme et encore moins à la sécession » http://www.camer.be/57477/30:27/cameroun-vincent-sosthene-fouda-34non-au-federalisme-et-encore-moins-a-la-secession34-cameroon.html

« Le fédéralisme au Cameroun : une arme à double tranchant ». http://www.camernews.com/le-federalisme-au-cameroun-une-arme-double-tranchant/

 

Les usages du numérique en Afrique : Impacts économiques, sociaux et politiques

Résultat d’une étude réalisée en partenariat avec le Comité Colbert, cette note rend compte de l’adoption des services numériques en Afrique, avec un accent particulier sur quelques pays dont la Côte d’Ivoire, le Nigéria, le Kenya et le Sénégal.

Le fait que l’adoption progressive des services numériques ait eu des effets positifs sur les dimensions économique, sociale et politique du développement en Afrique est indéniable. A partir des résultats d’études menées dans certains pays africains, cette note met en exergue l’effet positif du numérique sur les dimensions économiques, sociales et politiques du développement en Afrique. Lisez l’intégralité de cette étude.

Equipe de recherche:

Georges Vivien HOUNGBONON, Economiste, Institut d’Economie Industrielle, TSE

Amadou Beydi SANGARE, Ingénieur Télécom SudParis

Aude SCHOENTGEN, Consultante Indépendante, Telecom Paristech

Hamidou CISSE, Ingénierie Mécatronique au CNAM Paris

Experts locaux : 

Onyinyechi ANANABA, Project Manager chez The Springfield Schools

Réassi OUABONZI, MBA Marketing Digital

 

« L’avenir de l’Europe est lié à celui de l’Afrique »

“Tournons la page”, c’est le mot d’ordre d’une campagne de la société civile qui intervient dans sept pays africains – Congo-Brazzaville, RDC, Gabon, Tchad, Niger, Burundi et Cameroun – afin de promouvoir l’alternance et dénoncer les potentats africains. Ce groupement d’associations a notamment appelé au boycott de la Coupe d’Afrique des Nations après la réélection controversée d’Ali Bongo au Gabon. Laurent Duarte, l’un des coordinateurs de ce mouvement, explique cette démarche à L’Afrique des Idées.

Pourquoi faut-il “tourner la page” en Afrique ?

Dans de nombreux pays africains, notamment francophones, des familles pour certaines au pouvoir depuis cinquante ans confisquent l’avenir politique de la jeunesse. Plus de 85% des Gabonais ou des Togolais n’ont connu qu’une famille au pouvoir. Nous, on considère que le développement c’est un développement inclusif, total, que parmi cela il n’y a pas simplement la croissance économique mais également l’apaisement politique. Il faut tourner la page des dictatures bien entendu, mais aussi écrire une nouvelle page de paix et de stabilité dans ces pays.

N’est-il pas réducteur de demander un changement à la tête du pays si c’est tout le système qui est vicié ? Qui nous dit que la situation ne va pas rester la même avec un nouveau dirigeant ?

L’alternance démocratique, ce n’est qu’une porte d’entrée. Après, elle est décisive car elle ouvre les champs des possibles. Sans le départ de ces gouvernants, il ne peut y avoir de changements durables. Bien entendu, notre travail au quotidien ne se limite pas à dire qu’Ali Bongo doit être renversé par Jean Ping, Faure Gnassingbé par Jean-Pierre Fabre ou que sais-je encore… L’idée, ce n’est pas simplement un changement de tête. C’est pour ça que notre dernier rapport concerne la fiscalité. Car il ne peut pas y avoir de démocratie sans justice fiscale. En même temps, quand on est un militant de la société civile, il est intéressant d’accompagner les coups de projecteurs médiatiques qu’il peut y avoir sur l’Afrique, notamment pendant les élections qui sont un moment décisif. Bien sûr, le combat ne se réduit pas à ça. Quand bien même on arrive à faire tomber les dictatures, on n’aura pas réglé les problèmes de corruption ou de développement.

La vague d’alternances qui a pu avoir lieu en Afrique de l’Ouest vous fait-elle dire qu’on est à un moment charnière ?

Complètement. Entre 2015 et 2017, environ trente pays africains ont connu ou vont connaître des élections présidentielles. A première vue, on peut dire que ça n’a pas marché partout. En Afrique de l’Ouest, ça avance même s’il reste le Togo qui est l’exception qui confirme la règle. On concentre nos efforts sur l’Afrique Centrale, qui est le nœud dictatorial en Afrique et le nœud des Etats rentiers. Le lien entre dictature et rentes n’est d’ailleurs pas anodin. On sent qu’il y a une lame de fond dans la société civile. Si ce n’est pas pour demain, ce sera pour après-demain. En RDC, depuis 2006 il y a une montée en puissance des mouvements citoyens qui est indéniable. Au Gabon, qui aurait cru que l’archétype du gouvernement “françafricain” aurait pu vaciller comme ça aussi fortement ? Qui aurait pu croire qu’au Tchad, Idriss Déby allait devoir enfermer ses opposants de la société civile les plus importants pour réussir son coup de force électoral ? Pour nous il y a des avancées, même si bien sûr ce n’est pas linéaire.

Quelles sont les situations qui vous inquiètent le plus aujourd’hui ?

Il y a inquiétude et importance, ce sont deux choses différentes. Clairement, le Burundi est dans une situation qui nous effraie. La FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme), qui est membre de notre réseau, a tiré la sonnette d’alarme avec un rapport sur les dynamiques génocidaires à la tête de l’Etat. Les membres de notre campagne travaillent en exil depuis Kigali, ils ne peuvent plus travailler sur place. Cela montre la dureté du régime. En termes d’inquiétude il y a bien sûr le Tchad où Idriss Déby fait face à une grogne sociale. On connaît sa capacité à décapiter la société civile en emprisonnant ses opposants, voire en passant parfois à l’acte. Et puis le Cameroun qui depuis quelques semaines montre qu’on n’est pas seulement dans une dictature “soft” comme on a tendance à présenter le régime de Paul Biya, et où quand il s’agit de réprimer, Biya est aussi doué malheureusement que ses collègues de Brazzaville ou de N'Djamena. Après, en termes d’importance politique, il y a deux pays qui vont être au cœur de notre travail dans les deux prochaines années. C’est la RDC bien sûr parce que c’est un pays continent et décisif. Nous croyons à l’effet domino en Afrique Centrale. Lorsqu'il y en a un qui aura basculé, ça fera un précédent. On espère que Kabila partira dans un climat apaisé et avec un vote respecté. L’autre c’est le Cameroun en 2018, il va y avoir toutes les élections locales et présidentielles, on sent bien qu’il y a une tension sociale qui est énorme et qu’on est face à un régime à bout de souffle.

Le risque de votre discours n’est-il pas d’entretenir une confusion entre mouvement de la société civile et opposition ?

On a toujours été très clair. Il n’y a aucun mouvement politique dans notre organisation. On est opposé à des dictatures, c’est certain, mais nous ne sommes pas des opposants politiques. C’est complètement différent. On ne peut pas nous accuser d'être complaisant à l’égard de quelconque opposant que ce soit. Si je prends le cas de Jean Ping au Gabon, notre position, qui est incarnée par Marc Ona Essangui sur place, est très claire. Aujourd’hui, Jean Ping est le président élu dans les urnes aux dernières élections comme le montrent les rapports de l’Union Européenne. Néanmoins, si demain il arrive au pouvoir et qu’il fait les mêmes choses qu’Ali Bongo – et on a des craintes potentielles vu d’où il vient – il nous trouvera sur son chemin.

Pendant la Coupe d’Afrique des Nations, vous avez appelé au boycott de la compétition au Gabon. Dans un de vos communiqués, il y a même eu pendant un moment un appel au sabotage. Ce type d’actions font-elles partie de votre registre ?

Il y a eu véritablement un couac, ça arrive dans un mouvement de la société civile qui réunit 200 associations. Nous, on était contre le sabotage. Cela a été ajouté par une association qui a cosigné l’article. On n’a pas été assez ferme dans la relecture. Nous étions vraiment sur du boycott. Sabotage ça fait penser à des attaques armées, il n’a jamais été question de cela. On est pacifique, on est non-violent. Toutes les formes de non-violence, et il y en a des centaines, sont dans notre répertoire d’actions. On n’appellera jamais à la violence, au contraire. S’engager sur le chemin de la violence par rapport à des régimes dictatoriaux, c’est forcément perdre, c’est là où ils sont les plus forts.

Un certain nombre de ces pays ont des liens avec la France. Quel bilan tirez-vous du quinquennat finissant de François Hollande ?

C’est un bilan assez décevant, il faut le dire. Il y avait ce moment important en 2015-2016 avec une ligne rouge infranchissable qui était la question du tripatouillage constitutionnel à des fins personnelles. C’était quelque chose d’indéfendable pour nous. On attendait que François Hollande soit ferme sur ces questions. Il ne l’a pas été, notamment sur le Congo-Brazzaville. On ne l’a pas entendu sur le Tchad malgré une élection non transparente. C’est une déception. Si on compare à ce qui s’est passé avant, on est sorti du schéma classique de la Françafrique de Papa qui était quand même encore assez présent avec Nicolas Sarkozy.

Néanmoins, on aurait attendu – un peu comme les Etats-Unis ont pu le faire parfois de manière cynique – un discours très clair sur les droits humains. Ça n’a pas été le cas. Il y a un problème d’alignement de la politique africaine sur la politique de défense de la France. Jean-Yves Le Drian (ministre de la Défense) a eu beaucoup plus d’influence que les ministres des Affaires étrangères Laurent Fabius ou Jean-Marc Ayrault. Quand on voit le Tchad d’Idriss Déby c’est vraiment l’exemple type de l’échec de la politique africaine de la France. Un dictateur qui était dans une situation délicate aussi bien socialement que politiquement ressort du mandat de François Hollande renforcé, considéré comme le grand défenseur de la stabilité de l’Afrique. Et le premier ministre Bernard Cazeneuve pour son premier voyage à l'étranger lui rend visite…

Sur le Gabon, la position française ne vous a pas semblé plus équilibrée ?

On a cru à un moment donné qu’il allait y avoir une vraie inflexion sur le Gabon. Et puis il y a eu un rétropédalage assez clair, matérialisé par la visite de Manuel Valls au Togo, où endossant la casquette de présidentiable, il dit qu’Ali Bongo est le président en place et un interlocuteur légitime. Cette inflexion aurait dû être contestée par le président de la République. Ça n’a pas été le cas, cela montre que bon an mal an on s'accommode de cette position.

La coordination de votre campagne a lieu depuis Paris. Ne risquez-vous pas un procès en néocolonialisme ?

C’est souvent l’argument préféré des dictateurs aux abois, ces mêmes dictateurs qui au quotidien bradent leur indépendance et leur souveraineté à des entreprises. Donc ça nous fait un peu rire jaune. Pourquoi Tournons la page a une coordination en France ? Premièrement parce qu’ici on a la liberté d’expression et la possibilité de parler en toute tranquillité. Et les moyens financiers aussi pour faire avancer ces mouvements citoyens qui ont des conditions économiques fragiles en situation dictatoriale. On est la caisse de résonance de ce qui se passe en Afrique.

Avec ces dirigeants qui s'accrochent au pouvoir depuis tant d'années, ne craignez-vous pas une lassitude du grand public sur ce type de sujets ?

Il n’y a pas de lassitude du public africain quand il entend les mouvements citoyens se battre. Un sondage vaut ce qu’il vaut mais en RDC, une enquête lancée par Freedom House montre que 80 % des Congolais veulent voir Kabila partir et une transition se mettre en place. La lassitude au niveau africain n’est pas là. C’est un mauvais procès. Sur la France et l’Europe, c’est vrai. Mais il faut avoir en tête que l’avenir démocratique et politique de l’Afrique ne concerne pas simplement l’Afrique. Si on veut comprendre les vagues migratoires massives depuis l'Erythrée ou le Soudan, il faut regarder les régimes politiques qui y sévissent. Pour comprendre la résurgence du terrorisme dans la bande sahélienne et autour du Lac Tchad, il faut aussi regarder la situation de ces jeunes qui voient depuis des décennies le même pouvoir leur voler leur avenir politique. L’avenir de l’Europe est lié à celui de l’Afrique.


Propos recueillis par Adrien de Calan

 

L’Afrique peut-elle s’inspirer de l’Asie du sud-est pour accroître son intégration régionale ?

UEMOA, CEDEAO, SADC, CEMAC, CEEAC, UMA, UA ; autant  d’organisations qui bien qu’importantes par leur nombre présentent une efficacité discutable et ont eu peu d’impact sur l’intégration régionale en Afrique notamment en raison de batailles de leadership entre les poids lourds économiques et politiques de ces régions.  [1]

Cet article analyse  les causes du retard africain en termes d’intégration régionale et appelle à la diversification des partenaires commerciaux du continent. S’appuyant sur le modèle de développement sud-asiatique les Etats africains auraient tout intérêt à intensifier les flux  commerciaux intra-continentaux et à développer les relations économiques qu’ils entretiennent avec leurs voisins.

 

  1. Le partage d’une monnaie commune ne permet paradoxalement pas aux pays membres de la CEDEAO de renforcer leurs liens commerciaux.

L‘exemple de la CEDEAO illustre ce phénomène. Cette zone est composée de quinze pays dont la moitié utilise une monnaie commune, le franc FCFA. Si l’objet de cet article n’est pas de débattre sur les avantages ou les inconvénients du FCFA, une question concernant cette monnaie attire l’attention : En plus de 70 ans d’utilisation, pourquoi le FCFA  n’a-t-il pas permis de faciliter le commerce entre les pays de la CEDEAO ?

En matière d’exportations et d’importations, les principaux partenaires économiques des membres de la CEDEAO sont aujourd’hui extra-continentaux et majoritairement européens. Les principaux pays de destination de produits tels que le cacao, le café, le coton et même les produits de pêche, sont en majeur partie des pays européens. Concernant les importations, en 2014, environ 40 % des biens importés viennent d’Europe et seulement 18 % des importations viennent d’Afrique. Ces biens importés incluent même des produits alimentaires basiques comme le blé ou le lait.[2]

Ce problème peut être généralisé sur l’ensemble de l’Afrique. En effet, les pays africains commercent peu entre eux. En 2013, seuls 12% des exportations africaines étaient dirigées vers d’autres pays africains. En dépit de ses zones monétaires et des tentatives de régionalisation, l’Afrique demeure un continent commercialement cloisonné.[3]

 

  1. Les pays africains ne bénéficient pas toujours d’accords commerciaux favorables et devraient diversifier l’origine de leurs partenaires.

La  crise du secteur avicole en Afrique du sud suite à l’importation massive de poulet à bas prix en provenance de l'Union européenne, pose plusieurs questions.[4] En effet il convient de s’interroger sur le réel impact économique et social que peuvent avoir des accords tels que l’Accord de partenariat économique (APE) sur les populations et les agriculteurs locaux.

Depuis la fin des années 1960 l’Afrique continue à privilégier les relations marchandes avec l’Union Européenne sans achever son intégration régionale pourtant nécessaire pour peser dans le commerce internationale.

Dans Les damnés de la terre, Frantz Fanon proposait déjà une analyse des difficultés qu’affronteraient les Etats africains au lendemain de leur indépendance. En effet du fait d’un manque de coordination et d’une volonté de développement court-termiste les dirigeants africains auraient bâti leur stratégie commerciale sur les circuits existant par le passé espérant ainsi faire face à la fuite des capitaux. Ceci pourrait partiellement expliquer les liens commerciaux forts existant entre les pays d’Afrique notamment de la CEDEAO et l’Europe.

  1. Les Etats africains ont tout intérêt à s’inspirer de la stratégie de développement des pays d’Asie du sud-est en intensifiant leur commerce intra-continental.

Le Japon, Singapour ou la Corée du sud, pays ayant peu de matière première ont pu développer fortement leur économie après la seconde guerre mondiale. Par exemple, la Corée du Sud qui en 1960 avait un PIB par habitant de 260 dollars, soit le même niveau que de nombreux pays africains, a réussi à devenir la septième puissance mondiale en 2016.

La très forte intégration économique en vigueur dans la région est l’un des facteurs du développement de ces pays asiatiques. En effet, la Chine continentale compte parmi ses dix premiers partenaires commerciaux, cinq Etats asiatiques (Hong-Kong, le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et la Malaisie).

De même, le Japon a mis en place un système d’aide publique au développement. Celle-ci qui se situait au 1er ou 2e rang mondial selon les années, était pour plus de la moitié destinée à l’Asie. Dans les années 2000, le Japon était le premier investisseur étranger dans la plupart des pays asiatiques.[5]

En dépit de rivalités et de rancœurs historiques les liens économiques sont très forts entre les trois piliers de l’économie sud-asiatiques que sont la Chine, le Japon et la Corée du Sud. En effet, la Chine et le Japon s'échangent technologies, capitaux et même main d'œuvre.  Et la Corée du Sud grâce à sa stabilité économique permet de recueillir les capitaux de ces deux pays. [6] Afin de faciliter les échanges économiques, le Japon a toujours mené une politique de stabilisation de ses voisins via des investissements ou des aides.

  1. Recommandations

L’Asie du sud-est est un excellent exemple pour l’Afrique dans la mesure où elle illustre depuis cinquante ans l’intérêt qu’ont les pays en développement à renforcer leurs relations commerciales avec leurs voisins afin d’être plus puissants économiquement et d’avoir une plus grande influence dans le monde.  En effet, les similitudes culturelles entre Etats d’une même région garantissent la stabilité et l’équité des relations économiques et diplomatiques.

Pour l’heure cependant, le tissu industriel africain et notamment ouest-africain est encore dominé par des entreprises extra-continentales qui logiquement ne font pas du commerce intra-africain une priorité. L’émergence de champions nationaux tels que l’entreprise nigériane Dangote ainsi que les efforts de coopération sud-sud menés actuellement par le Maroc permettront d’accentuer l’intégration régionale.

Les plans d’émergence qui se multiplient à travers l’Afrique doivent prendre en compte cette donnée. Une croissance exclusivement basée sur l’exportation de matières premières ou de ressources naturelles vers les régions occidentales avec peu de création d’emploi [7] n’est ni souhaitable ni efficace sur le long terme comme l’illustrent les crises actuellement engendrées par l’effondrement du prix des matières premières. L’exemple asiatique montre qu’une émergence est très complexe sans un minimum d’intégration régionale.

Sans verser dans le protectionnisme ou le repli sur soi, l’Afrique doit songer à limiter sa dépendance commerciale à l’égard des régions occidentales et accroître de façon significative les flux commerciaux intra-continentaux  afin de garantir une plus grande stabilité régionale.

Une meilleure confiance entre les africains permettra d’établir une véritable intégration régionale comme l’appelaient déjà de leurs vœux les dirigeants Kwame Nkrumah ou Sekou Touré au lendemain des indépendances.

 

Souleymane Coulibaly

[1] http://www.jeuneafrique.com/165089/politique/cedeao-cemac-sadc-quels-sont-les-points-forts-et-les-faiblesses-des-organisations-africaines/

[2] http://www.bceao.int/IMG/pdf/rapport_sur_le_commerce_exterieur_de_l_uemoa_en_2014.pdf

[3] http://terangaweb.com/quelle-integration-regionale-pour-le-developpement-et-la-stabilite-en-afrique/

[4] http://www.jeuneafrique.com/399169/economie/aviculteurs-sud-africains-rue-contre-dumping-europeen/

[5] https://www.tresor.economie.gouv.fr/File/413946

[6] http://www.lexpress.fr/actualite/monde/chine-japon-coree-les-freres-ennemis-d-extreme-orient_472394.html 

[7] https://www.contrepoints.org/2014/02/14/156636-le-paradoxe-de-la-croissance-africaine

 

L’état des démocraties en Afrique : mi-figue, mi-raisin

En ce début d’année 2017, que peut-on dire globalement de la situation démocratique des États africains? Alors que certains pays consolident bon an mal an les acquis démocratiques obtenus souvent de haute lutte et au prix de moult sacrifices, d’autres n’arrivent pas encore à se défaire des relents encore bien vivaces et prégnants de l’autoritarisme. Alors qu’on assiste à des passations de pouvoir pacifiques et des alternances démocratiques dans certains pays, on a encore affaire à des dirigeants qui, avec leurs affidés et sinistres thuriféraires pas assez repus des ors de la République et autres avantages dantesques, s’emploient à user des procédés retors pour prolonger indûment leur bail à la tête de l’État. Preuve s’il en est que la hantise du pouvoir demeure un tropisme vivace dans le chef de bien d’autorités politiques en Afrique. Précisons déjà que nous ne mesurons pas la bonne santé démocratique des pays africains à l’aune de la seule tenue d’élections libres et transparentes dans ces pays. Ce serait là une conception fort minimaliste et subjective de la démocratie.

Les bons élèves de la démocratie en Afrique

Le Ghana et le Bénin ont connu l’année dernière des élections apaisées et une alternance démocratique pacifique au sommet de l’État. Dans ces deux pays, le pluralisme politique est perçu comme une force et n’est pas étouffé. Les syndicats sont bien organisés, et constituent un moyen de pression vis-à-vis du gouvernement. C’est également le Bénin qui organisa la première conférence nationale sur le continent en 1990. Il est  aussi le pionnier dans l’établissement  d’une commission électorale nationale autonome. Le mérite du Bénin est qu’il n’est pas resté sclérosé dans une sorte d’exaltation de ce rôle historique de précurseur démocratique mais comme le souligne à juste titre l’analyste Constantin Somé dans son mémoire de maîtrise : «Le Bénin s'illustre par sa capacité d'innovation dans un souci d'équité et de transparence, signe de progrès refusant l'usurpation du pouvoir par tout groupe ou toute faction qui n'émanerait pas d'un choix du corps électoral. C'est pourquoi il a été mis sur pied «un arbitre» chargé des consultations électorales, qui revendique toute son autonomie et son indépendance.  Il semble cultiver le pacifisme par une gestion de plus en plus saine des compétitions électorales à travers une institutionnalisation progressive des organes chargés de réguler les élections et surtout leur indépendance vis à vis du gouvernement, du parlement et des pouvoirs publics ».[1]

En ce qui concerne le Ghana, il occupe la deuxième place en Afrique après la Namibie et la 26ème au niveau mondial du classement 2016 de Reporters Sans Frontières (RSF) sur la liberté de la presse.[2] Cette place de choix dans ce classement international traduit le souci constant de garantir à la presse ses prérogatives d’indépendance éditoriale et de liberté de ton et d’opinion. Sur le plan politique, le vote populaire est respecté et les perdants acceptent leur défaite. Lors de la présidentielle de 2012, la Cour Constitutionnelle avait déclaré Dramani Mahama vainqueur face à Akuffo Addo, après recours de ce dernier devant ladite cour. Face à ce verdict, il avait reconnu sa défaite et appelé Mahama pour le féliciter. En 2016, le président sortant Mahama a été battu lors des élections par Akuffo-Addo et a reconnu aussitôt sa défaite. Tout ceci porte à croire que la démocratie ghanéenne se consolide inéluctablement.   `

Toujours en Afrique de l’ouest, le Sénégal est également avant-gardiste en matière de démocratie sur notre continent. Même si ce pays a connu des épisodes ponctuels de « crise », il a toujours su se ressaisir. La longue et solide tradition de militantisme dans les sphères politique, associative et syndicale (Ex : Collectif Y’EN A MARRE, Raddho, Forum Civil ainsi que d’autres organisations de la société civile et des partis politiques alertes et engagés) constitue un garde-fou non-négligeable contre les velléités autoritaires et anti-démocratiques.  La défaite du président Wade contre son adversaire Macky Sall en 2012, le référendum constitutionnel organisé par ce dernier en 2016 sont illustratifs de la bonne santé démocratique de ce pays et de la volonté de ses citoyens et dirigeants de préserver l’ethos démocratique sénégalais. Les États insulaires que sont le Cap-Vert et Maurice méritent aussi d’être évoqués comme des démocraties exemplaires sur le continent. Ces pays connaissent une stabilité politique qui est notamment le fruit d’une institutionnalisation et du respect des règles et pratiques démocratiques qui encadrent aussi bien l’action publique que la sphère privée.

Pour ce qui est de l’Afrique du Sud, c’est une démocratie qui fonctionne aussi bien en général.. On peut porter au crédit de cette nation et contrairement à beaucoup de pays sous nos tropiques que le pouvoir judiciaire est quand même indépendant de l’exécutif. Pour preuve, on peut citer les démêlés judiciaires du président Zuma empêtré dans des scandales de corruption et d’abus de pouvoir. On a tous en mémoire les rapports de l’ex-médiatrice de la République Thuli Madonsela qui a révélé en toute indépendance- même si elle a ensuite subi des pressions politiques- le « Nkandlagate » qui réfère à la rénovation d’une résidence privée du président avec l’argent public et aussi l’affaire concernant l’étroite collusion entre Zuma et la richissime famille Gupta. Même si les assassinats ciblés sont encore légion dans ce pays, on peut quand même voir que sur le terrain institutionnel, la liberté de parole est garantie et respectée, comme en témoignent les sévères récriminations des députés de l’EFF (Economic freedom fighters) de Julius Malema lors des sessions parlementaires en présence même du président Zuma.

Sao Tomé et Principe est aussi un modèle démocratique en Afrique. Même si ce petit pays, peu stratégique du point de vue géopolitique et économique suscite peu d’intérêt pour les observateurs et analystes internationaux, il reste que les fondamentaux de la démocratie y sont établis et valorisés. La même analyse peut être faite pour la Tanzanie.

Selon un classement de Reporters Sans Frontières (RSF) de 2014 sur la liberté de la presse, la Namibie est le seul pays d’Afrique à obtenir un score peu ou prou comparable aux pays scandinaves, en étant mieux notée (19ème  à l’échelle mondiale) que la France (37ème) et bien d’autres pays du Vieux Continent. Il est également le premier pays africain à organiser des élections présidentielles et législatives par vote électronique en Novembre 2014.

Le Botswana jouit également d’une assez bonne réputation en matière de démocratie. Ce pays organise des élections libres et transparentes de façon régulière, présente aussi un tableau plutôt reluisant en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption même si on ne peut pas ignorer les mesures coercitives et répressives prises à l’encontre de la minorité San, aussi appelée Bushmen. 

En Afrique du Nord, la Tunisie essaie de se démarquer de ses voisins. Elle s’est dotée d’une constitution progressiste et a organisé en 2014 des élections libres et transparentes. L’activisme de certaines organisations syndicales ou de la société civile telles que l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) et la ligue des droits de l’Homme en Tunisie (LTDH) a été sans contredit d’un apport capital dans ce sursaut démocratique.

Les régimes réfractaires à l’implantation durable des principes démocratiques

À côté de ces pays-à propos desquels, faut-il le rappeler on ne prétend aucunement une quelconque exhaustivité ni situation démocratique idyllique-qui présentent un profil démocratique assez remarquable, s’opposent des pays qui restent toujours prisonniers de régimes autoritaires ou peu démocratiques. En Afrique, nombreux sont les régimes qui instaurent des démocraties « cosmétiques » ou de façade. Nombreux sont les régimes qui feignent de s’enticher des fondamentaux de la démocratie comme le multipartisme, les élections libres et transparentes, un État de droit, une loi fondamentale, alors même que la gestion de leurs pays reflète nettement un pouvoir arbitraire, autocratique et/ou corrompu, c’est selon. L’Afrique des grands lacs (Ouganda, RDC, Rwanda et Burundi) et des pays comme l’Erythrée, la Gambie, le Zimbabwe, le Soudan, Djibouti, l’Ethiopie, l’Egypte, pour ne citer que ces quelques pays parmi bien d’autres sont encore loin d’avoir atteint les standards souhaitables ou escomptés d’une démocratie, pour parler en termes euphémiques. Il est évident que la situation démocratique de ces pays n’est pas tout à fait homogène. Certains de ces pays sont dirigés par des régimes tyranniques et jusqu’au-boutistes, frontalement réfractaires aux ambitions démocratiques des populations, alors que dans d’autres, malgré des lacunes démocratiques importantes, certains principes démocratiques de base sont relativement- parfois au gré des humeurs du régime- bien promus et appliqués.

Les populations africaines et notamment la jeunesse ont ardemment soif de démocratie pour exprimer librement leurs potentialités. Elles ne veulent plus que celles-ci soient étouffées par des dérives autoritaires surannées. Récemment, on a vu comment le régime de Yahya Jammeh en Gambie a tenté d’effectuer un coup de force illégitime pour demeurer au pouvoir malgré sa défaite. Cette mégalomanie de trop n’a fort heureusement connu que le destin qu’elle méritait : un échec. L’Union africaine ainsi que les organisations subrégionales se doivent de jouer un rôle actif pour enrayer les dynamiques autoritaires. Le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays, braillé à tue-tête surtout par les despotes et leurs irréductibles ne saurait résoudre ces organisations du continent à de l’attentisme pendant que des populations se voient arracher injustement leur humanité et dignité. Vivement que la démocratie africaine renaisse de ses cendres et s’engage résolument vers le progrès!

                                                                                                                                                                                       Thierry SANTIME

 

                                                                                            

 

 

 

 

 

 

 


[1] Somé, Constantin (2009, pp.31-32) : « Pluralisme socio-ethnique et démocratie : cas du Bénin ». Mémoire en vue de l’obtention d’une maîtrise en science politique à l’Université du Québec à Montréal.

 

 

 

 

 

 

[2] Classement RSF : https://rsf.org/fr/classement

 

 

 

 

 

 

Le secteur privé, maillon fort de l’intégration économique du Maroc en Afrique

Les deux chefs d Etat, Mohammed VI et Macky Sall, président le lancement du Groupe d impulsion economique entre le Maroc et le Senegal, le 25 mai 2015.
Le Maroc « est déjà le deuxième investisseur du Continent, mais pour peu de temps encore, avec sa volonté affichée de devenir le premier » déclarait le Roi Mohammed VI dans son Message au 27ème Sommet de l’Union Africaine à Kigali, le 18 juillet 2016. En effet, plus d’1,5 milliard de dollars ont été investis par les entreprises marocaines entre 2003 et 2013 en Afrique de l’Ouest et Centrale, soit la moitié des investissements directs étrangers du Maroc réalisés ces dernières années.

Dès le début des années 2000, plusieurs entreprises marocaines privées sont allées s’installer en Afrique, couvrant un ensemble diversifié de secteurs. A titre d’illustration, l’implantation de filiales bancaires de la Banque Centrale Populaire, de BMCE Bank of Africa et d’Attijariwafa Bank dans une quinzaine de pays africains. Le holding d’assurance Saham est également présent dans une vingtaine de pays du continent, depuis le rachat de l’opérateur nigérian Continental Reinsurance en 2015. Dans les télécommunications, Maroc Télécom a renforcé son emprise dans le continent avec le rachat de 6 filiales africaines de son actionnaire émirati Etisalat. En outre, plusieurs holdings comme Ynna Holding et la Société Nationale d’Investissement (SNI), à travers sa filiale minière Managem interviennent en Afrique. Dans le secteur immobilier, Alliances Développement Immobilier a signé des accords de partenariat avec les gouvernements camerounais et ivoirien pour la construction de milliers de logements sociaux, Palmeraie Développement a lancé des projets de construction au Gabon, en Côte d’Ivoire et récemment au Rwanda. Le Groupe Addoha a également jeté son dévolu sur le continent via ces deux entreprises : Addoha et Ciments de l’Afrique (CIMAF), motivé par les importants investissements en infrastructures (autoroutes, ponts, ports, logements sociaux, universités, etc). Rejoint depuis peu par LafargeHolcim Maroc Afrique (LMHA), filiale détenue à parts égales par le cimentier LafargeHolcim et le holding royal SNI.

Ainsi, le secteur privé joue un rôle primordial dans l’intégration économique régionale. La mobilisation des investissements privés y est essentielle pour la création d’emploi, l’amélioration de la productivité et l’augmentation des exportations. L’intégration économique maroco-africaine dessinée par le Roi Mohammed VI appelle les opérateurs nationaux à partager leurs expériences et à raffermir leurs relations de partenariat avec les pays africains. Le secteur privé marocain aura alors pour rôle de transférer ses connaissances, tout en exploitant le potentiel de production, contribuant ainsi à l’amélioration de sa compétitivité à l’échelle internationale. Pour sa part, le commerce interrégional offre une occasion de dynamiser les échanges commerciaux – encore faibles – et de réduire le déficit structurel de la balance commerciale marocaine. Le potentiel économique étant important. La CEDEAO (Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest) et la CEMAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale) comptent plus de 300 millions de consommateurs, soit un marché 9 fois supérieur à la population marocaine.

Rôle des Groupements d’impulsion économique dans le renforcement des relations économiques bilatérales

A chaque déplacement officiel de Mohammed VI, le Maroc conclut avec les autres pays africains des accords préférentiels prévoyant des facilités douanières et des avantages fiscaux afin de promouvoir les échanges commerciaux et développer les investissements intra-africains. Aujourd’hui, les relations économiques entre le Royaume et les autres pays africains sont régies par un cadre juridique de plus de 500 accords de coopération.

Ceci est tellement important que le Roi Mohammed VI a invité le Gouvernement – lors de la 1ère Conférence des ambassadeurs organisé en août 2013 – à œuvrer en coordination et en concertation avec les différents acteurs économiques des secteur public et privé en vue de saisir les opportunités d’investissements dans les pays à fortes potentialités économiques. Ainsi, les derniers périples royaux ont été marqués par la mise en place de Groupes d’impulsion économique (GIE) entre le Maroc et le Sénégal, d’une part, et le Maroc et la Côte d’Ivoire, d’autre part. Ces instruments, co-présidés par les ministres des Affaires étrangères et les présidents des patronats de chaque pays, visent à promouvoir le partenariat entre les secteurs privés et à booster les échanges commerciaux ainsi que les investissements[1].

Avec une population de près de 22 millions d’habitants, la Côte d’Ivoire est la 1ère économie de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine) et est également la 2e puissance économique de la CEDEAO. Et les opportunités d’investissements n’y manquent pas : l’industrie, les infrastructures et BTP, les mines, énergies, etc. Le Sénégal n’est d’ailleurs pas en reste. Il existe de nombreuses raisons qui encouragent les investissements dans le pays tels que la stabilité politique, l’ouverture économique et la modernité des infrastructures. La protection des investisseurs marocains est également assurée grâce notamment aux accords de promotion et de protection réciproque des investissements et des accords de non double imposition. Le protocole d’accord relatif à la création d’une joint-venture entre le groupe marocain « La Voie Express » et la société sénégalaise « Tex Courrier » signé le 9 novembre 2015 lors de la cérémonie de présentation des travaux du GIE maroco-sénégalais – présidé par le Roi Mohammed VI et le Président Macky Sall – témoigne à juste titre du rôle moteur joué par cet instrument pour la dynamisation du partenariat privé-privé[2].

Par ailleurs, les échanges entre le Royaume et le continent africain ont connu une nette augmentation durant la dernière décennie. Sur la période 2004-2014, les échanges globaux du Maroc avec le continent ont quadruplé, passant de 1 milliard de dollars à 4,4 milliards de dollars. L’étude ‘‘Structure des échanges entre le Maroc et l’Afrique : Une analyse de la spécialisation du commerce’’ réalisée par OCP Policy Center en juillet 2016 montre que l’Afrique de l’ouest reste la 1ère destination des exportations marocaines[3]. Cette région a notamment accueilli environ 50,08% de ces exportations en 2014, soit l’équivalent de 1,04 milliard de dollars[4]. Toutefois, l’analyse de la structure des exportations fait ressortir que les exportations marocaines vers le continent sont dominées par les biens intensifs en matières premières et ressources naturelles[5]. Un fort potentiel reste encore à développer pour dynamiser davantage les exportations marocaines. La Direction des études et des prévisions financières (DEPF), rattachée au Ministère de l’Economie et des Finances marocain, soulignait dans son étude ‘‘Relations Maroc-Afrique : l’ambition d’une nouvelle frontière’’ que « les entreprises marocaines, ciblant le marché africain, devraient privilégier une stratégie de pénétration basée sur des considérations de coûts à partir de choix sectoriels ciblés en fonction de l’évolution des besoins actuels et surtout futurs des populations africaines, l’essor démographique, la montée des classes moyennes et l’urbanisation rampante du continent sont autant de facteurs à prendre en considération pour anticiper la configuration ascendante de ces économies en voie d’émergence ». Dans ce sens, les entreprises exportatrices marocaines ont intérêt à anticiper les dynamiques de transformations économiques, sociales et culturelles qui se profilent à l’horizon en Afrique subsaharienne en mettant en place des stratégies d’adaptation afin de capter une part de marché supérieure et combler leur retard sur cette région dynamique.

L’action économique au cœur de la stratégie d’intégration du Maroc en Afrique

L'intégration économique est aussi importante pour le Maroc que pour le continent. La récente tournée royale effectuée au Rwanda, Tanzanie, Sénégal, Ethiopie, Madagascar et Nigéria a vocation à la renforcer. L’Afrique de l’est est la région africaine la plus dynamique. Et le potentiel économique y est encore inexploité. Ainsi, afin que le Maroc puisse renforcer davantage sa présence sur le continent africain, il convient d’explorer un certain nombre de pistes. Tout d’abord, encourager l'internationalisation des entreprises marocaines et leur investissement en terre africaine en mettant à leur disposition une véritable base de données sur les spécificités et le potentiel de chaque économie. Ensuite, favoriser les flux d’exportations vers les pays africains. Les acteurs publics et privés sont tous les deux concernés par la promotion des produits marocains. La nouvelle Agence marocaine de développement des investissements et des exportations mais également l’ASMEX (Association marocaine des exportateurs) devront conduire des missions commerciales dans différents gisements africains et offrir aux entreprises nationales l’accompagnement nécessaire pour développer leurs exportations et/ou réaliser leur projet de développement sur le continent. Enfin, renforcer l’intégration commerciale avec les différents pays africains. Le marché de consommation est en train de se constituer avec l’émergence d’une classe moyenne davantage tournée vers les produits manufacturés et à forte valeur ajoutée. La négociation de partenariats avancés avec la CEDEAO et la CEMAC incluant la mise en place de zones de libre-échange, constitue à son tour une porte d’entrée idéale sur ce grand marché de plus de 300 millions d’âmes.

A l'ère de la mondialisation et de la concurrence internationale acharnée, la projection accrue des économies émergentes sur le continent africain est empreinte de rivalités : Chine, Inde, France, Japon ou encore l’Allemagne, tous ont dévoilé leurs ambitions africaines. Face à ce contexte international, la diplomatie marocaine se veut plus ambitieuse et agressive. Le Roi Mohammed VI déclarait à l’ouverture du Forum Maroco-Ivoirien du 24 février 2014 : « les relations diplomatiques sont au cœur de nos interactions. Mais, à la faveur des mutations profondes que connaît le monde, leurs mécanismes, leur portée ainsi que leur place même dans l'architecture des relations internationales, sont appelés à s'adapter aux nouvelles réalités. » Dans ce sillage, le Maroc gagnerait à organiser un sommet d’affaires maroco-africain. Ce dernier s’inscrirait dans la continuité de l’Africa Action Summit et porterait sur le potentiel de développement économique du continent. Le Sommet réunirait, ensemble, les gouvernements et entreprises, les secteurs public et privé, autour du développement économique, social, et humain de l’Afrique. L’enjeu étant de réaffirmer la stratégie d’influence du Maroc sur le continent.

Hamza Alami


[1] Les groupements d’impulsion économiques comprennent 10 secteurs d’activités identifiés comme prioritaires : il s’agit des commissions Banque-finances-assurance, agri-business-pêche, immobilier-infrastructures, tourisme, énergie-énergie renouvelables, transport-logistique, industrie-distribution, économie numérique, économie sociale et solidaire-artisanat, capital humain-formation et entreprenariat

[2] Christophe Sidiguitiebe, Quatre nouveaux accords signés entre le Maroc et le Sénégal, Telquel.ma, le 10.11.2016 : www.telquel.ma/2016/11/10/quatre-nouveaux-accords-signes-maroc-senegal_1523082

[3] Quatre des cinq principaux partenaires commerciaux africains (Algérie, Mauritanie, Sénégal, Côte d’Ivoire et Nigéria) font partie de l’Afrique de l’ouest.

[4] En ce qui concerne les importations, le poids de l’Afrique du nord a constitué la source de près de la totalité des importations marocaines, avec une part de 82% en 2014 contre 53% en 2004, en important principalement du gaz naturel, du gaz manufacturé, du pétrole et produits dérivés.

[5] Les exportations marocaines sont constituées essentiellement de produits alimentaires et animaux vivants (25%), les machines et matériels de transport (18,5%), les produits chimiques et produits connexes (18,1%), les articles manufacturés (15,9%) et les combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes (11,7%).

Peinture rupestre en Afrique : et si la première salle de cinéma était une grotte ?

peinture rupestre cinema
Peinture rupestre Bushman, Namibie.
Parler de peinture rupestre à notre époque revient à évoquer des peintures plus ou moins approximatives, des silhouettes d’hommes et d’animaux peints à même la roche des grottes de Lascaux, d’Amérique latine ou d’Afrique du Sud. Il est rare que l’on aborde ces oeuvres "primitives" autrement que comme la tentative de l’homme du paléolithique de rendre compte de son environnement. Pourtant, ceux qui ont observé cet art avec attention se sont aperçus qu’il était tout autre chose, de bien plus surprenant : une forme de récit évolutif. L’art rupestre, ancêtre du cinéma ?

Regarder en marchant

La première fois que j’ai entendu évoquer cette hypothèse, j’assistais à la présentation de projets innovants au domicile d’une Brésilienne férue de nouveautés. Benjamin Rassat, journaliste et réalisateur, nous a alors proposé de poser un regard nouveau sur les grottes peintes comme à Lascaux : « Il faut les visiter la nuit, avec une lampe torche. On avance pas à pas, éclairant à chaque pas les parois avec la lampe, et le récit d’une bataille épique, d’un exploit de chasse, ou d’un voyage, vous est raconté image par image. J’imagine les hommes de cette époque, un flambeau à la main, parcourant la grotte avec à leur suite un groupe d’enfants ou d’adultes qui regardent et écoutent le récit, comme nous allons au cinéma aujourd’hui. ».

Ce n’est pas tant le fait que les hommes du Paléolithique furent conteurs autant que chasseurs qui est étonnant ; c’est le fait qu’ils aient utilisé l’image comme instrument de récit, pour accompagner la parole. En cela, ils ne diffèrent guère de nos réalisateurs contemporains, si ce n’est qu’à la place des rochers et des grottes nous utilisions l’écran, à la place de la torche nous utilisions des projecteurs, et qu’au lieu de marcher nous restions assis.

Leroi-Gourhan et les symboles mouvants

André Leroi-Gourhan, anthropologue controversé des années 40, a longuement évoqué cette possibilité.

En étudiant l’art paléolithique de la graphie sur les parois des cavernes, il constate un fait : sur un dessin ou une peinture, les animaux sont placés selon une logique précise, prenant en compte une place qu’ils ont pu occuper, soit dans le quotidien des personnes, soit, plus intéressant, dans le récit qui a donné naissance au dessin.

En effet, dans plusieurs cavernes, on peut constater un schéma de ce type : bisons et chevaux au centre, bouquetins et cerfs sur les bords du cadre, lions et rhinocéros à la périphérie. Le placement nous force à comprendre qu’il ne s’agit pas d’une représentation accidentelle d’animaux de chasse, mais d’autre chose qu’une écriture ou un tableau. Il s’agit, pour Leroi-Gourhan*, d’un récit que l’on a conservé par un symbole matériel sur un objet matériel. Les dessins évoluent avec le récit : « derrière l’assemblage symbolique des figures a forcément existé un contexte oral avec lequel l’assemblage symbolique était coordonné et dont il reproduit spatialement les valeurs » (LG, Le geste et la parole, P. 273-274, fig 92 et 93).

Cela n’est pas sans rappeler le couple évolutif récit-graphie que l’on retrouve dans les dessins sur le sable des Chokwe en Angola, que les travaux de Paulus Gerdes* ont permis de mettre en avant. Ou, plus récemment, hormis le cinéma, nos pésentations Powerpoint et nos murs sur Pinterest…

De quoi regarder avec un œil nouveau nos ancêtres et notre rapport au temps et au progrès : et si le progrès n’était rien d’autre que la répétition par l’homme des mêmes actions, mais avec des matériaux différents selon les civilisations?

Pour aller plus loin : 

  • André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, 1983, Albin Michel. 
  • Paulus Gerdes, Une tradition géométrique en Afrique : les dessins sur le sable, L’Harmattan, 1995

L’Etat de droit a-t-il régressé en 2016 ?

L’Afrique a connu une année 2016 mouvementée sur le plan politique. Entre l’organisation de plusieurs scrutins électoraux et la lutte contre le terrorisme, la solidité des institutions des pays concernés a été testée. L’état de droit a-t-il été impacté par ces différents évènements ? En fonction des situations prévalant dans chaque pays, le sort réservé aux droits humains et au respect de la constitution n’a pas été le même. Le rapport annuel de Human Right Watch (HRW) nous donne des éléments intéressants à analyser.

Le Burundi et l’enlisement de la crise.

Au Burundi, la crise politique, qui a débuté en 2015 suite au refus du président sortant Pierre Nkurunziza de ne pas briguer un nouveau mandat, s’est poursuivie en 2016. A la suite de sa réélection, des affrontements meurtriers se sont déroulés entre les partisans de l’opposition et les forces de sécurité soutenues par des regroupements de jeunes proches du pouvoir en place.

Le régime en place n’a pas hésité à instrumentaliser les voies de droit afin d’arrêter le maximum de partisans de l’opposition. Plusieurs procédures judiciaires ont été enclenchées sur la base d’éléments peu fiables. D’autres procédures ouvertes contre les forces de l’ordre ou les agents de renseignement proches du pouvoir, ont été bafouées ou biaisées afin de disculper les éventuels responsables.

Selon le rapport annuel de HRW, plus de 325000 burundais ont fui le pays vers les pays voisins depuis le début de la crise.

La situation dans ce pays de l’Afrique de l’est est de plus en plus inquiétante. Ces dernières semaines, des propos flirtant avec des intentions génocidaires, émanant d’éminentes personnalités du pouvoir ont ramené le pays à la tragique nostalgie des heures les plus sombres qu’a connues cette région en 1994.

Le Nigéria, entre justice et lutte contre le terrorisme

Le Nigéria est loué par l’ONG HRW pour sa société civile et ses médias puissants et influents, qui jouent un rôle majeur dans la responsabilisation de la fonction publique du pays face au cancer qu’est la corruption. Cependant, HRW dénonce la rédaction de certains projets de loi qui pourraient porter un frein à l’activité des organismes de la société civile ; ces dernières constituant une menace pour le gouvernement. C’est le cas par exemple du projet de loi (. Bill to Prohibit Frivolous Petitions and Other Matters Connected Therewith .) introduit au Sénat en décembre 2015  et qui vise spécifiquement les utilisateurs des réseaux sociaux et médias électroniques.

Sur le plan sécuritaire, un rapport des autorités dénonce la recrudescence des exécutions arbitraires commises par les forces de sécurité. Une commission publique instituée par le gouvernement a, par exemple, demandé que les soldats responsables du meurtre de plus de 300 membres du mouvement islamique du Nigéria dans l’Etat de Kaduna soient déférés devant la justice. La lutte contre le terrorisme islamiste incarnée par la secte Boko Haram est la principale raison de l’utilisation de plus en plus importante de moyens illégaux par les forces de sécurité. Le gouvernement pourrait-il dans ce contexte enclencher un combat judiciaire à l’encontre de ces hommes et femmes en uniforme, censés affaiblir Boko Haram ? Avoir de l’optimisme pour la poursuite objective de ces enquêtes, relèverait d’une relative naïveté.

La RDC et son président « sortant par intérim »

Le mandat constitutionnel du président Kabila est arrivé à terme le 16 décembre 2016 sans que son remplaçant ne soit connu, faute d’organisation d’élections présidentielles. Le président sortant s’est donc maintenu au pouvoir malgré l’opposition de la majeure partie de la classe politique. Des affrontements ont eu lieu entre les forces de l’ordre et de jeunes congolais demandant le départ du président Kabila. Mais pouvait-il réellement partir ?

L’opposant historique Etienne Tshisekedi avait appelé les populations à une « résistance pacifique » sans pour autant expliquer ce qu’il voulait dire en ces termes. Un accord a finalement été conclu après d’âpres négociations entre le pouvoir et l’opposition sous la supervision du clergé catholique. Les acteurs se sont mis d’accord sur un certain nombre de points clés. D’autres points, bien que faisant partie de l’accord, posent toujours problème. C’est le cas de la date des échéances électorales que l’opposition voudrait organiser au plus tôt. Au niveau de la mouvance présidentielle, on persiste à dire que des élections libres et transparentes ne peuvent être organisées avant 2018. Nous ne sommes donc pas à l’abri de nouveaux rebondissements.

Le clergé catholique a quand même le mérite d’avoir pu réunir la classe politique autour de la table avec, à la clé, une solution à l’impasse juridique et constitutionnelle causée par la non tenue des élections. Malgré ses lacunes, l’accord trouvé sous l’égide des hommes de Dieu a permis une certaine décrispation de la situation dans le pays.

La Cote d’Ivoire et le Ghana, des exemples d’avancées démocratiques

D’après le rapport de l’ONG américaine, l’impressionnant redressement économique de la Cote d’Ivoire – qui a connu plus de dix ans de conflit armé –  a favorisé « une amélioration progressive de l’état de droit et de la réalisation des droits économiques et sociaux ».

L’événement symbolique de cette avancée reste sans ambages l’adoption d’une nouvelle constitution et le passage à la 3ème République. Cette nouvelle constitution, bien que critiquée par l’ONG pour sa vocation « hyper présidentielle », a supprimé la fameuse disposition relative à la nationalité. Disposition de la discorde qui a porté les germes des dix années de conflits ayant secoué ce pays.

Cependant, ces derniers jours, des mutineries d’une partie des corps habillés ont mis sur la scène publique l’une des faiblesses institutionnelles du pays. Il s’agit de la place réservée au pouvoir militaire dans la structure institutionnelle. Cette mutinerie pose un problème plus général en Afrique qui est celui du pouvoir effectif des forces armées dans nos institutions ; sujet traité par l’Afrique Des Idées au cours de l’année écoulée.

Enfin, la dernière élection présidentielle au Ghana a abouti à une alternance. Le président sortant John Mahama a été battu par l’historique opposant au NDC[1] ( National democratic congress), le chef du New Patriotic Party( NPP), Nana Akufo Addo. Ces élections, qui se sont déroulées dans la plus grande transparence, ont démontré encore une fois la solidité institutionnelle de ce pays. Le Ghana se hisse de plus en plus dans la lignée des grandes nations africaines réussissant l’épreuve de la sempiternelle équation de l’alternance pacifique en Afrique.

                                                                                                                                   Giani GNASSOUNOU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


[1] Le parti du président sortant John Mahama qui avait lui-même succédé à John Attah Mills après son décès.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La RSE, un outil pour le développement de l’économie verte en Afrique

rse-ethiqueLa Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE- corporate social responsability en anglais) est un concept qui promeut une gestion éthique et civique des entreprises. C’est le cadre d’action par lequel est envisagée actuellement une économe verte. Au niveau africain, la RSE reste ambivalente.

Cet article s’inscrit dans  le cadre de la préparation du Forum International sur le Green Business qui sera organisé à Pointe Noire du 17 au 19  mai 2016"​

Forgée au niveau international[1], la RSE s’impose d’abord aux multinationales qui sont invitées à «appliquer dans leur sphère d’influence un ensemble de valeurs fondamentales, dans les domaines des droits de l’Homme, des normes de travail et de l’environnement et de la lutte contre la corruption »[2]. Il s’agit pour les entreprises de contribuer au développement durable et de considérer leur performance d’un point de vue global : financière, environnementale, sociale[3]. En Afrique, cette démarche est encore difficilement reprise. Elle est pourtant prônée par certains comme étant « un outil de développement », notamment pour le secteur privé.

La RSE en Afrique, un outil de développement ?

Les partisans de cette démarche y voient une opportunité pour le développement du continent.  Cet argumentaire repose sur une double volonté. Il s’agit d’une part de mettre au pas les filiales des multinationales dont beaucoup ont été indexées pour leur manque de considération pour les enjeux sociaux et environnementaux des contextes où elles sont implantées. De nombreux exemples suggèrent même des abus, notamment en matière d’appropriation des ressources sans consultation des populations locales, leur exploitation sauvage et la non-distribution des recettes générées. D’autre part, la promotion de la RSE auprès des entreprises implantées en Afrique répond à un paradoxe simple : ces dernières décennies, les taux de croissance et les bénéfices générés par les entreprises en Afrique contrastent avec le niveau de développement social. La RSE est donc un moyen de valoriser les entreprises dans leur rôle social et de maximiser les bénéfices pour la société et l’environnement de leurs activités.

L’accent est en particulier mis sur la nécessité pour les entreprises non seulement de respecter les droits de l’homme mais aussi de le promouvoir. Cet engagement en faveur des droits de l’homme concerne autant les relations et les conditions de travail des salariés que les impacts indirects liés au choix des clients, fournisseurs et collaborateurs. En contrepartie, les entreprises engagées dans cette démarche bénéficient d’un avantage concurrentiel qui les distingue pour leurs bonnes pratiques.

La démarche RSE apparaît aussi comme un outil de développement durable en ce qu’elle inclut une démarche de gestion de l’environnement. Les entreprises sont incitées à évaluer leur impact environnement ainsi qu’à agir pour le réduire. Cet aspect concerne essentiellement des enjeux qui peinent à être pris en charge par les autorités publiques africaines : la gestion des déchets, la lutte contre les pollutions et autres nuisances. D’autant plus que les entreprises, en particulier les groupes multinationaux, portent une lourde responsabilité dans la gestion des ressources, notamment dans les territoires les plus riches en matières premières. Ainsi, dans le Bassin du Congo, la RSE est un instrument clef pour garantir la légalité et la traçabilité des productions de bois, un prélèvement sélectif des arbres ainsi que des cultures agro-forestières raisonnées. Dans le secteur minier, la RSE contribue à renforcer l’application de dispositifs de protection de l’environnement et des riverains ainsi qu’à favoriser le réaménagement des anciennes mines et puits. La gestion des ressources est d’ailleurs pour l’Afrique une problématique cruciale dans la mesure où le changement climatique se manifeste de façon radicale dans beaucoup de régions (désertification, diminution de la biodiversité, salinisation des terres, montée des eaux etc.).

Par ailleurs, le démarche RSE participe à la démocratisation de la vie locale. En effet, cette démarche repose sur la concertation des parties prenantes dans la gestion des rapports de force liés aux divergences d’intérêts. A termes et par un effet d’entrainement, les plus optimistes affirment que la RSE contribue à la régulation et la structuration de l’environnement des affaires car la RSE nécessite une organisation et une formalisation des acteurs économiques[4].

Un outil pas encore adapté aux réalités africaines ?

Malgré son potentiel en terme de développement durable locale, les entreprises africaines peinent à s’approprier la démarche RSE. Notons d’abord que la RSE en Afrique pâtît encore quelque peu d’une notoriété négative. Celle-ci est liée aux pratiques de certaines multinationales qui ont instrumentalisé cette démarche à des fins de greenwashing [5].

Mais la difficile diffusion de la RSE est avant tout à mettre en rapport avec le contexte économique et culturel africain. L’importance du secteur informel est un premier obstacle à la mise en œuvre de la RSE tant pour les filiales de groupes étrangers que pour les entreprises locales. La culture de l’informel empêche les acteurs économiques de se doter du niveau d’organisation interne et externe ainsi que de la visibilité nécessaires à toute démarche RSE.

S’ajoute aussi d’autres comportements provoqués par la pauvreté. En effet, la pauvreté engendre un certain nombre de pratiques qui freinent la mise en place de la RSE au niveau individuel et collectif. Par exemple, l’imprévisibilité et la faible visibilité empêchent de dresser des perspectives à longs termes. En outre, la RSE nécessite de nombreux investissements que les entreprises sont réticeintes à financer, estimant que ces actions n’engendrent pas un retour sur investissement rapide.

La démarche RSE ne peut enfin être effective que si les parties-prenants des activités des entreprises ont le pouvoir nécessaire pour contraindre les entreprises à véritablement intégrer cette démarche dans leurs stratégies. Les partie-prenantes sont toutefois confrontées à un problème de représentation, notamment pour ce qui est de l’environnement et des populations locales. Ceci est d’autant plus le cas dans les régions où les tensions politiques sont vives et où les ressources sont captées par des factions politico-militaires.

Il existe à ce jour plusieurs initiatives visant à promouvoir la démarche auprès des entreprises. Des réseaux et instituts de sensibilisation (Initiative RSE Sénégal, Institut RSE Afrique, l’association Kilimandjao) ont été créés pour former les cadres des secteurs public et privé à cette démarque éthique et proposent la valorisation des bonnes pratiques par des labels. Quelques PME innovent aussi par le modèle de gestion qu’elles présentent. Reste peut être à impulser une dynamique à tous les échelons afin de créer des partenariats entre les autorités publiques et les acteurs économiques de toutes sortes. La RSE peut ainsi être une opportunité pour accélérer la formalisation de la scène économique et politique en Afrique.

Mame Thiaba Diagne


[1] La RSE est issue des  Principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales (1976),  Pacte Mondial des Nations Unies (2000), Principes directeurs des Nations Unies sur les droits de l’Homme et les entreprises  du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies (2011),  norme ISO 26000, 3e Communication de la Commission européenne sur la RSE (2010).

 

 

[2] Pacte Mondial des Nations Unies, 2000.

 

 

[3] La norme ISO 260000 décline le référenciel de RSE en 7 thématiques : sept thématiques : la gouvernance de l’organisation, les droits de l’homme, les relations et conditions de travail, l’environnement, la loyauté des pratiques, les questions relatives aux consommateurs, les communautés et le développement local – la dimension économique étant considérée comme transversale

 

 

[4] Voir TENE Thierry, « les enjeux de la RSE en Afrique », mis en ligne le 12 septembre 2012, consulté le 10 mars 2016 http://www.youphil.com/fr/article/05637-les-enjeux-de-la-rse-en-afrique?ypcli=ano.consulté .

 

 

[5] Soutenir ostentatoirement des projets de développement durable pour dissimuler les outrages humains et environnementaux provoqués par leur activité. Depuis, la RSE s’est dissociée des pratiques de mécénats. Voir YOUSSOUFOU Hamadou Daouda, « la Responsabilité sociétale des multinationales en Afrique subsaharienne : enjeux et controverses. Cas du groupe AREVA au Niger ». VertigO – la revue électronique en sciences de l'environnement, Volume 14 Numéro 1 | mai 2014, mis en ligne le 30 avril 2014, consulté le 10 mars 2016. URL : http://vertigo.revues.org/14712 ; DOI : 10.4000/vertigo.14712

 

 

Développement de l’énergie en Afrique : quel espoir au delà de la médiatisation ?

energies-renouvelables-scandale-financierQuelle que soit sa source, l’électricité est l’un des piliers de la compétitivité et de la prospérité partagée d’un pays. Revenu au cœur des débats publics, l’accès pour tous à l’énergie est devenu la marque de fabrique de multiples organismes institutionnels, gouvernements et fonds d’investissement compte tenu de la place que tendent à occuper les énergies renouvelables. Rappelons-nous qu’en 2013, le président des Etats Unis d’Amérique a annoncé la réalisation du mégalodron « Power Africa » qui consisterait en la concentration de 7 milliards de dollars USD dans l’installation de 10 000 MW supplémentaires pour connecter 20 millions de foyers et entreprises. En ce début d’année, le ministre français, Jean Louis Borloo était sous les feux des projecteurs pour présenter son plan Marshall qui vise à électrifier toute l’Afrique en dix années à hauteur d’un investissement de 200 milliards d’euros. Bien que ces initiatives soient louables, leur concrétisation et impact peuvent s’analyser de deux façons différentes :   d’une part, par le biais d’une nouvelle forme d’aides au développement dont l’action est davantage centrée autour de secteurs porteurs de richesses ou susceptibles d’affecter plus fortement la population  ; d’autre part, comme une opportunité à saisir par des multi nationales conscientes de l’amélioration du climat des affaires de nombreux pays du continent africain. Garants de l’afro responsabilité, nous avons décidé d’approcher sous trois angles différents cette médiatisation énergétique.

Une question pertinente, mais pas forcément prise sous le bon angle

Plusieurs articles de L’Afrique des Idées ont traité la question de l’énergie en général et de l’accès à l’énergie électrique de façon spécifique.  Malgré les multiples solutions qui existent de nos jours, les principaux obstacles au développement de la filière peuvent se résumer autour des trois points à savoir : (i) l’absence d’un cadre réglementaire propice au climat des affaires et en particulier dans un secteur où la rentabilité s’accorde sur le très long terme[1] ; (ii) la part importante des subventions qui semblent ne profiter qu’aux ménages les plus aisés[2] et (iii) la pérennité des projets par le coût d’accès abordable et durable[3] compte tenu du pouvoir d’achat. La question de l’énergie en Afrique semble donc plus corrélée au climat des affaires et aux disponibilités à payer des clients finaux hors subventions plutôt qu’à la question de capital-investissement qui est l’approche des initiatives évoquées ci-dessus.

Pourtant, plusieurs initiatives locales et sous régionales existent

A l’instar des espaces économiques, il existe aussi des pôles sous régionaux d’électricité (WAPP, EAPP, SAPP, etc..). Ces « Regional Power Pool » militent en faveur de l’intégration régionale. Il s’agira à long terme de créer des autoroutes de transport et de distribution de l’énergie produite. La complexité de la question du stockage jumelée à celle de l’intermittence des énergies nouvelles obligeront les parcs de production à se synchroniser en permanence pour répondre aux besoins de consommation, qui eux sont peu flexibles et ne cessent de s’accroitre.

En ce qui concerne l’électrification des zones rurales, il existe une institution baptisée « Club ER[4] » qui regroupe les agences et structures africaines en charge de l’accès à l’électricité en zone rurale. Basée à Abidjan depuis moins d’un an, le Club ER est une synergie des retours d’expérience des pays membres pour renforcer les institutions et le personnel par des solutions locales. Appuyée par l’Union Européenne pour sa première phase, l’institution est emmenée à voler de ses propres ailes dans les années à venir.

Un continent tourné vers lui-même et vers l’avenir et qui ne fait qu’écrire son Histoire

Dans une Afrique réputée pour son hétérogénéité, l’harmonisation des espaces régionaux a aussi accéléré la mise en œuvre des politiques énergétiques. A l’Ouest, la Commission de l’Union Monétaire Ouest Africaine finance depuis trois ans le Projet Régional de Développement des Energies Renouvelables et de l’Efficacité à hauteur de 20 millions d’euros dans sa phase pilote pour inciter les gouvernements à investir dans les énergies nouvelles. A l’Est, le Kenya et l’Ethiopie renforcent leur interconnexion pour combiner l’énorme parc géothermique et hydraulique en cours de construction. Au Centre, le projet Inga est encore à l’étude. Au Sud et au Nord, le travail a déjà été accompli, quand bien même la diversification des sources de production redéfinit la gestion du secteur. L’Afrique du Sud vient de lancer un Dossier d’Appel d’Offres de 500 MW supplémentaires.

Loin des projecteurs, le secteur de l’énergie en Afrique fourmille d’idées et de projets. Jean Raspail disait « que dans la guerre des ondes, le commentaire masque toujours l’événement[5] ». L’espoir est en déclin car si on ne veut se voir imposer des choix, nous devons être capables d’écrire notre avenir. C’est en cela que l’Afrique marque une révolution formidable car elle brûle certaines étapes ; elle mise autant sur le stockage et les réseaux intelligents sans passer par une industrie centralisée. Dangote souhaite diversifier ses investissements en signant un partenariat avec General Electric, pionnier dans la fabrication de turbines. Le groupe souhaite aussi faire de ses cimenteries des centrales à cycle combiné qui produiraient à la fois de l’électricité et de la chaleur en sus du ciment.

Enfin, l’espoir est en déclin parce qu’il ne s’agira pas simplement d’électrifier le continent. Il faudra garantir une énergie accessible à la masse dans un environnement où plusieurs centres d’accouchement n’ont qu’une bougie ou un téléphone portable pour s’éclairer, de multiples commerces, des hôpitaux et même des morgues ne peuvent respecter la chaine du froid faute d’une continuité de l’électricité, un avion en cours d’atterrissage est victime du délestage de l’aéroport ; ou simplement  ce pénalty d’une phase finale de coupe du monde écourté… C’est en cela que subsistent les défis de l’Afrique que nous voulons.[6]

Léomick Sinsin


[1] Le dilemme de l’électrification rurale

 

 

 

 

 

[2] Les subventions à l’énergie sont elles nécessaires ?

 

 

 

 

 

[3] Quelles sont les énergies les moins chères ?

 

 

 

 

 

[5] Le camp des saints, Jean Raspail

[6] http://terangaweb.com/lafriquequenousvoulons-2/