Vers une nouvelle crise de la dette en Afrique subsaharienne ?

dette-grece-colosse-mai-2011Les annulations de dette consécutives à l’atteinte du point d’achèvement des PPTE (entre 2001 – 2012) ont offert aux pays africains[1], ceux d’Afrique subsaharienne en particulier, une fenêtre d’opportunités pour financer leur développement, qu’ils semblent pour la majorité avoir saisi [2]. Pour financer ces dépenses, les pays se sont appuyés sur de nouveaux emprunts. La dette publique des pays d’Afrique subsaharienne qui est passée de 104% du PIB fin 2000 à 39% à fin 2012[3], a d’ores et déjà atteint 50,6%, soit une augmentation annuelle moyenne de 4 points de %[4]. Cette forte croissance de la dette dans les pays africains, qui excède celle de l’accélération de la croissance suscite aujourd’hui plusieurs interrogations. Devrait-on réellement s’en inquiéter ? Cet article revient sur la politique de financement du développement la dette des pays africains et les risques potentiels liés à cette stratégie.

A la lecture des statistiques disponibles (WEO du FMI) – même les plus pessimistes –  sur la performance économique et le niveau de la dette des pays africains, on est tenté d’exclure tout risque que pourrait induire la dette sur les économies africaines. Cependant, en considérant les facteurs qui soutiennent cette performance économique, la capacité limitée des pays africains à collecter davantage les ressources domestiques et le rythme soutenu de croissance de la dette, la question se pose avec pertinence[5]. Dans un article précédent, il a été montré que la dette n’est profitable à une économie que si elle permet de financer des activités permettant d’accélérer la croissance à un niveau excédant les taux d’intérêt escomptés et si l’Etat est suffisamment capacité pour collecter les fruits de ces investissements. Ce qui n’est pas encore forcément le cas dans les pays africains.[6] La capacité de mobilisation des ressources intérieures (et donc de la richesse créée) est faible et repose sur une petite partie de l’économie alors que la croissance générée est davantage le fruit d’investissements étrangers dans des secteurs qui ne favorisent pas la transformation structurelle de l’économie.

A juste titre, les analyses de viabilité de la dette (AVD) réalisées[7] par le FMI et la Banque Mondiale, montrent que le profil de risque d’endettement des pays africains a rapidement évolué entre 2012 et 2015. Sur les 39 pays bénéficiaires de l’IPPTE, 7 ont déjà atteint un risque élevé d’endettement (contre 5 en 2012), 18 sont classés en risque modéré (13 en 2012) et 5 sont classés en risque faible (contre 11 en 2012).  Il apparaît donc évident que l’évolution de la dette dans les pays africains n’est pas sans risques que plusieurs facteurs contribuent à accentuer. 

Premièrement, le profil de la dette dans les pays africains a beaucoup changé. En plus d’un recours accru aux marchés financiers locaux, et pour certains pays aux marchés financiers internationaux, les pays africains se tournent de plus en plus vers les pays émergents, notamment la Chine, l’Inde et la Turquie. Ces nouveaux emprunts, s’ils répondent à un besoin de diversification des partenaires et des risques, paraissent toutefois onéreux pour les économies africaines. Sur les marchés financiers internationaux et locaux, les taux d’intérêts varient entre 5 et 10% – cas des récentes émissions effectuées par la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigéria, le Sénégal ou encore la Zambie. Auprès des émergents, non soumis aux règles d’APD de l’OCDE, les emprunts se font à des conditions dit semi-concessionnels – soit à des taux variant entre 0.5 et 1%.

Deuxièmement, la dynamique économique des pays africains tend à s’estomper certes (à degré variable entre les pays). La chute des cours des matières premières[8], induits par le ralentissement économique des pays émergents, affectent les pays africains[9] et va se traduire par des entrées moins importantes de devises, nécessaires pour assurer le service de la dette extérieure notamment. Aussi la fin de la récente crise financière, et donc de la politique monétaire conciliante menée par la Fed américaine en réponse à cette crise et qui a poussé les investisseurs à s’intéresser aux marchés africains, va induire une baisse des investissements à destination du continent. Dans ce contexte, un effet de change pourra rendre plus onéreux le service de la dette libellé en devises, absorbant ainsi une bonne partie des ressources des pays et accentuant les pressions sur les finances publiques.

Si le ré-endettement s’est constitué comme une option aux pays d’Afrique sub-saharienne, notamment pour ceux ayant bénéficié de l’IPPTE, pour financer leur développement ; il ne s’est pas forcément appuyé sur une politique de financement global alliant mobilisation des ressources domestiques et externes. Il apparaît plutôt comme un outil utilisé mécaniquement par les Etats pour compenser l’insuffisance des ressources domestiques et financer leurs investissements. Cette stratégie est aujourd’hui porteuse de risques, révélant par la même occasion les limites de la politique économique menée par les pays durant la dernière décennie. Si une nouvelle crise de la dette n’est pas envisageable à court terme, la poursuite de cette stratégie peut s’avérer très contraignante pour les économies africaines à moyen-long terme d’autant plus que la perspective d’une nouvelle IPPTE est à écarter au regard du profil des créditeurs. Il apparaît dès lors nécessaires pour les pays africains d’inclure dans leur stratégie de développement une politique propre de gestion de l’endettement mais aussi de renforcer la collecte des ressources internes.

Foly Ananou


[1] Fin 2012, le nombre de pays africains ayant bénéficié de l’IPPTE s’établissait à 39.

[2] La réduction de la dette se traduit de fait par une di munition du service de la dette, créant donc des marges de manœuvre budgétaire pour déployer la politique publique.

[3] Cette donnée cache de fortes disparités. La Côte d’Ivoire et la Guinée qui ont bénéficié de l’initiative fin 2012, tire cette moyenne vers le bas ; certains pays ayant bénéficié de l’initiative assez tôt dès la première moitié de la décennie ont fait croître leur dette entre temps. Toutefois, elle révèle assez bien comment cette initiative a permis de réduire considérablement le poids de la dette des pays africains.

[4] Cette donnée s’applique à un pays moyen. Une analyse plus fine par pays révèle de forte disparité et des trajectoires différentes. Les pays exportateurs de matières premières ont une situation plus critique que les autres (cas du Ghana)

[5] En effet, ce qui inquiète, ce n’est pas tant le niveau de la dette mais son accélération qui se fait dans des conditions non maitrisées.

[8] Qui ne devrait pas se résorber à court terme selon les estimations de la Banque Mondiale (Commodity Market Outlook)

[9] Durement les exportateurs et les gains sont modérés pour les importateurs

Développement des Comores : il faut (aussi) regarder au-delà des facteurs économiques!

En 2016, l’Union des Comores présente un profil de développement particulièrement préoccupant. Son Indice de Développement Humain (IDH) s’établit à 0,497, ce qui la classe dans la catégorie des pays à développement humain faible, au 159ᵉ rang sur 188 pays évalués par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Cet indicateur synthétique traduit à la fois la faiblesse de l’espérance de vie, du niveau d’éducation et du revenu national par habitant.

L’urbanisation du pays s’accélère sans pour autant s’accompagner de politiques d’aménagement maîtrisées : plus de 69,6 % des citadins vivent dans des bidonvilles, révélant une pression croissante sur les infrastructures et les services publics urbains. Cette urbanisation informelle, souvent liée à l’exode rural et à la concentration des opportunités dans les centres urbains, génère une fragmentation socio-spatiale et renforce les inégalités d’accès aux services de base.

Sur le plan énergétique, seulement 74,6 % de la population a accès à l’électricité en 2015.& Ce déficit énergétique structurel nuit gravement à la productivité des entreprises locales, limite l’accès à l’éducation (notamment en milieu rural), et compromet le fonctionnement optimal des centres de santé.

La croissance économique, quant à elle, reste modeste : +1,15 % en 2015 selon les données de la Banque mondiale. Un tel taux est bien inférieur aux seuils requis pour absorber les dynamiques démographiques du pays et générer un impact réel sur la réduction de la pauvreté. À titre comparatif, le seuil de croissance nécessaire pour impacter significativement l’emploi en Afrique subsaharienne est estimé à 6 % par an selon les études de la Commission économique pour l’Afrique (CEA).

La jeunesse comorienne – qui constitue près de 60 % de la population – est particulièrement vulnérable. Le taux de chômage des jeunes âgés de 15 à 24 ans atteint 19 % en 2015, un chiffre sans doute sous-estimé si l’on prend en compte le sous-emploi massif et l’informalité du marché du travail. Ce chômage structurel alimente une désillusion sociale, une tentation migratoire et une perte de confiance dans les institutions.

Ces indicateurs confirment l’existence d’un triple verrou structurel aux Comores : vulnérabilité humaine, précarité urbaine et stagnation économique. Pour le débloquer, il ne suffit pas d’ajuster les instruments macroéconomiques ; il faut également repenser les fondements culturels et comportementaux du développement national.

Le rôle du comportement humain dans le développement : une approche cognitive

Les politiques de développement économique en Afrique, et plus particulièrement aux Comores, tendent encore à reposer sur une vision strictement rationaliste de l’individu. Pourtant, les avancées contemporaines en psychologie cognitive et en sciences comportementales démontrent que les décisions humaines ne sont que rarement prises de manière pleinement délibérative, informée et autonome.

Les travaux de chercheurs comme Daniel Kahneman, Richard Thaler ou encore Esther Duflo montrent que les individus raisonnent selon trois mécanismes majeurs : l’automaticité, la norme sociale et le filtre culturel. D’une part, les choix sont souvent effectués dans l’urgence ou la routine, en mobilisant ce qui vient immédiatement à l’esprit. D’autre part, les comportements sont régulés par ce que l’on attend socialement de l’individu – on coopère si les autres coopèrent, on consomme ou on investit selon ce que notre entourage juge pertinent. Enfin, les modèles mentaux façonnés par l’histoire, la religion et la tradition déterminent ce que les individus perçoivent comme acceptable, légitime ou même possible.

Aux Comores, où les normes communautaires restent particulièrement puissantes, ces dimensions prennent une ampleur déterminante. Le respect des aînés, l’obéissance aux structures coutumières et religieuses, le rôle central de la famille élargie, influencent fortement les choix économiques : consommation ostentatoire dans les cérémonies, choix éducatifs dictés par l’environnement social, ou rejet de certaines pratiques jugées « importées ».

Ainsi, l’échec de certaines politiques de développement ne réside pas tant dans leur contenu technique que dans leur inadéquation avec les systèmes de représentations locaux. Pour être efficaces, les politiques publiques doivent intégrer ces logiques comportementales : concevoir des incitations sociales plutôt que monétaires, valoriser des récits inspirants ancrés dans la culture locale, et créer des « environnements de choix » qui orientent les comportements sans les contraindre.

Il s’agit donc de passer d’une approche normative du développement – qui cherche à corriger les individus – à une approche transformationnelle, qui accompagne les communautés dans une évolution des comportements, respectueuse de leurs référents culturels.

Le ‘Anda’ : entre fierté culturelle, redistribution diasporique et construction communautaire

Le ‘Anda’, ou Grand Mariage, est bien plus qu’un événement privé : il est l’un des socles de l’organisation sociale comorienne. Codifié, hiérarchisé et largement ritualisé, il incarne à la fois l’accomplissement individuel et la reconnaissance publique d’un homme dans la société. Ce rite d’élévation sociale assure une légitimité symbolique dans l’espace communautaire, notamment en ouvrant l’accès aux cercles décisionnels locaux (décision villageoise, gestion des conflits, participation aux assemblées des notables).

Mais au-delà de sa portée sociale, le ‘Anda’ agit comme un puissant catalyseur économique, activant de multiples circuits de production et de consommation. En 2016, le coût moyen d’un ‘Anda’ oscille entre 7 000 et 15 000 euros, selon la notoriété de la famille, l’envergure de la cérémonie, et les exigences traditionnelles. Ce montant considérable est en partie financé par l’une des principales sources de revenu national : les transferts de fonds de la diaspora, estimés à environ 24,6 % du PIB comorien en 2015, soit plus de 120 millions USD (Banque mondiale).

En effet, la diaspora comorienne – implantée notamment à Marseille, Paris et Mayotte – joue un rôle central dans le financement des ‘Anda’. Elle mobilise à la fois les ressources familiales et les réseaux d’entraide communautaire à l’étranger. Ces envois de fonds ne sont pas uniquement destinés à des dépenses ostentatoires : ils soutiennent aussi l’activité économique locale, par effet d’entraînement.

Le ‘Anda’ génère ainsi une économie circulaire locale, en activant des chaînes de valeur informelles : traiteurs, musiciens, agriculteurs, éleveurs, décorateurs, couturiers, menuisiers, vidéastes… Des dizaines de professions sont temporairement mobilisées autour de l’événement, dont beaucoup sont issues de l’économie informelle. Cette dépense, bien que concentrée sur un temps court, irrigue toute une micro-économie communautaire.

Mais l’impact du ‘Anda’ dépasse la seule consommation. Dans de nombreux cas, ces cérémonies contribuent à la réalisation d’infrastructures collectives. L’homme qui organise son Grand Mariage doit souvent réhabiliter la place publique, construire ou rénover la maison familiale, cofinancer la mosquée ou apporter une contribution au développement du village (achat d’un générateur, forage, route secondaire, éclairage public). Ainsi, le ‘Anda’ fonctionne aussi comme un levier de développement local auto-organisé, parfois plus structurant que les interventions publiques.

Ce système repose sur une logique de redistribution : les individus investissent dans leur prestige personnel en réinjectant massivement des fonds dans la sphère collective. Cette mécanique économique et symbolique repose sur la valeur de l’honneur social, moteur essentiel des dynamiques communautaires dans une société où l’État reste partiellement absent.

Néanmoins, la pression économique du ‘Anda’ est réelle et mérite d’être interrogée. Le coût élevé du rite, lorsqu’il devient un passage obligé, peut engendrer des endettements privés chroniques, voire des conflits familiaux. Il devient alors impératif de réconcilier tradition et soutenabilité économique. Certains collectifs villageois commencent déjà à proposer des formes de « Grand Mariage collectif » ou à limiter les dépenses somptuaires, sans altérer la valeur symbolique du rituel.

Dans cette perspective, il ne s’agit pas de déconstruire la tradition, mais de l’inscrire dans un modèle plus résilient, où la fierté culturelle devient compatible avec la rationalité économique. En ce sens, le ‘Anda’ peut être perçu non comme un frein, mais comme un dispositif de développement endogène à fort potentiel, dès lors qu’il est repensé comme outil de construction communautaire et de réactivation des circuits de solidarité locale.

L’islam : socle spirituel, ordre social… et levier ambigu du développement

Aux Comores, l’islam constitue à la fois la matrice spirituelle de la nation et l’ossature normative de la vie sociale. En 2016, environ 98 % de la population se déclare musulmane sunnite, selon le Pew Research Center. Cette centralité religieuse s’exprime dans l’organisation communautaire, les relations sociales, les mécanismes de solidarité et les normes juridiques. La mosquée, au-delà de sa fonction liturgique, demeure un espace de régulation sociale, de médiation des conflits et de transmission intergénérationnelle.

Cette affiliation religieuse dépasse d’ailleurs les frontières nationales : les Comores sont membres à part entière de la Ligue des États arabes depuis 1993, une appartenance qui les inscrit dans un espace géopolitique et spirituel partagé, regroupant des économies musulmanes avancées. Cette intégration offre un cadre de coopération potentielle sur les plans économique, éducatif et financier, mais reste encore sous-exploitée dans les politiques publiques nationales.

Pour autant, la prégnance de l’islam dans la vie sociale ne se traduit pas mécaniquement par une dynamique de développement. Dans le discours courant, les épreuves individuelles ou collectives sont fréquemment interprétées à travers un prisme fataliste : crises économiques, maladies, ou catastrophes naturelles sont souvent perçues comme des manifestations de la volonté divine, écartant ainsi toute lecture structurelle et institutionnelle des problèmes.

Cette lecture métaphysique des faits sociaux, lorsqu’elle devient hégémonique, affaiblit la conscience critique, dilue la responsabilité des élites, et empêche l’émergence d’un véritable contrat social. Ce n’est pas l’islam en tant que tel qui pose problème, mais son instrumentalisation sociale dans un contexte de faible éducation religieuse et d’analphabétisme structurel.

Pourtant, plusieurs exemples internationaux montrent que l’islam, compris comme système éthique de gouvernance, peut devenir un vecteur de progrès. Les Émirats arabes unis, avec un PIB par habitant de 37 622 dollars en 2015, ou le Qatar, qui culmine à 59 331 dollars par habitant, ont su mobiliser la richesse et la religion pour bâtir des États performants, où l’innovation coexiste avec les valeurs islamiques. La Malaisie, leader mondial de la finance islamique, atteint un PIB par habitant de près de 10 000 dollars en 2015 tout en maintenant un modèle de société inclusive, fondé sur l’équilibre entre tradition et ouverture.

Ces trajectoires rappellent que l’islam n’est pas un frein ontologique au développement, mais que son influence dépend du cadre institutionnel, de l’interprétation dominante de ses textes, et de la capacité des dirigeants à en faire un levier de transformation. Aux Comores, la promotion d’un islam éclairé, fondé sur le savoir (‘ilm), la concertation (shûra) et la justice sociale (‘adl), est une condition essentielle pour restaurer la confiance collective, refonder les responsabilités politiques et donner du sens à la participation citoyenne.

La jeunesse comorienne : une bombe à retardement ou une promesse à activer ?

Avec plus de 60 % de sa population âgée de moins de 25 ans, l’Union des Comores est l’un des pays les plus jeunes du continent africain. Cette jeunesse massive, dans un contexte de faible croissance et de transition démographique partiellement engagée, constitue un paradoxe stratégique : à la fois risque majeur de désordre social et réservoir inépuisable de potentiels économiques, culturels et civiques.

En 2016, les jeunes comoriens font face à une marginalisation multidimensionnelle. Sur le plan économique, le taux de chômage des 15-24 ans atteint 19 %, un chiffre qui ne rend pas compte de l’ampleur réelle du sous-emploi et de l’économie informelle où ces jeunes évoluent souvent sans protection ni statut juridique. L’accès au crédit demeure très limité, le système éducatif est déconnecté du marché du travail, et les infrastructures de formation technique sont sous-développées. Le sentiment de déclassement est renforcé par un exode migratoire croissant, en particulier vers la France, où les jeunes espèrent trouver une meilleure insertion.

Politiquement, bien que très présents dans les mobilisations communautaires, les jeunes sont tenus à l’écart des sphères de décision. Leur engagement se limite souvent à des rôles d’exécution, dans des campagnes électorales marquées par des logiques clientélistes, sans véritable accès à la formulation des politiques publiques. Ce déficit de participation alimente un sentiment d’invisibilité sociale.

Pourtant, des signaux faibles mais porteurs d’avenir émergent. Des jeunes créent des micro-entreprises artisanales, agricoles ou numériques, investissent les réseaux sociaux pour exprimer leurs revendications, ou s’organisent dans des collectifs citoyens autour de l’environnement, de la culture ou de l’éducation. Ces initiatives, bien que dispersées, témoignent d’une volonté de réinventer les règles du jeu et de s’approprier le devenir du pays.

À condition d’être reconnue, accompagnée et protégée, cette énergie peut devenir le principal levier de transformation socio-économique du pays. Cela implique de repenser les politiques de jeunesse à partir de leurs réalités concrètes : mettre en place des dispositifs de microcrédit adaptés aux jeunes ruraux, renforcer les centres de formation professionnelle et artisanale, connecter les jeunes à la diaspora via des programmes de mentorat, et surtout leur ouvrir des espaces de dialogue structurant avec les institutions publiques.

Enfin, la jeunesse comorienne ne peut se construire dans un vide symbolique. Il est nécessaire de revaloriser les récits d’émancipation, d’honorer les figures de réussite locale, et de bâtir une culture de la confiance intergénérationnelle. Sans cela, le capital humain risque de se muer en désenchantement chronique, avec pour issue l’exil ou la radicalisation.

« Jeunesse comorienne, n’attendez pas que l’histoire vous invite à la table du destin : imposez votre place par l’audace, le travail et la solidarité. Le développement de demain dépend de vos actes aujourd’hui. » 

La jeunesse n’est pas une menace en soi. Elle est un révélateur. Si elle s’impatiente, c’est parce que le système social et économique ne répond pas à ses aspirations. Si elle s’engage, c’est qu’elle croit encore en la possibilité d’un futur comorien à hauteur d’homme.

Valoriser les normes sociales tout en initiant une réforme douce

Le développement ne repose pas uniquement sur l’accumulation de capital physique ou l’augmentation du PIB. Il est aussi et surtout un processus de transformation des représentations, des comportements et des normes sociales. Aux Comores, comme dans de nombreuses sociétés postcoloniales à forte cohésion communautaire, les normes culturelles façonnent profondément les choix individuels et collectifs. Elles déterminent ce qui est socialement valorisé ou stigmatisé, ce qui est permis ou impensable, ce qui est aspiré ou interdit.

Ces normes, issues d’un héritage islamique, africain et insulaire, ont permis aux Comores de préserver une forte identité collective et une stabilité sociale relative. Le respect de la hiérarchie, la centralité de la famille élargie, la solidarité villageoise et la préservation des traditions sont des atouts culturels majeurs. Mais ces mêmes normes peuvent, dans certains contextes, freiner l’innovation, figer les rapports de pouvoir, ou bloquer les initiatives individuelles qui dérogent aux schémas établis.

Le défi n’est donc pas d’opposer tradition et modernité, mais d’engager un processus graduel de réforme endogène, qui part des pratiques existantes pour en corriger les dérives et les rigidités. Il s’agit de pratiquer une réforme douce, selon l’idée que les comportements humains sont plus facilement transformés par la persuasion, l’expérimentation et la démonstration, que par la contrainte ou la rupture brutale.

Les sciences comportementales offrent aujourd’hui des outils concrets pour accompagner cette transition : les « nudges », par exemple, permettent de modifier les choix en ajustant subtilement l’environnement décisionnel. Des études de terrain dans plusieurs pays d’Afrique montrent que l’exposition à de nouveaux récits, la valorisation de figures de changement issues du même contexte social, ou l’encouragement à l’apprentissage expérientiel peuvent modifier durablement les comportements.

Dans notre pays, l’Union des Comores, cela pourrait passer par :
– La mise en récit de traditions réinterprétées, comme un ‘Anda’ plus sobre mais plus équitable.
– L’encadrement des pratiques religieuses dans des cadres pédagogiques ouverts, intégrant sciences sociales et théologie.
– Le soutien aux innovations culturelles locales, notamment portées par la jeunesse, les artistes, les diasporas ou les entrepreneurs sociaux.
– La valorisation des savoirs traditionnels, non comme folklore figé, mais comme ressources adaptables aux défis contemporains (agriculture, pharmacopée, architecture, gestion des communs).

Il ne s’agit pas d’un « big push » culturel visant à faire table rase du passé, mais d’un réajustement collectif du sens, un aggiornamento lent, respectueux mais décisif. Car comme l’a montré Amartya Sen, le développement, au fond, est la capacité des individus à élargir leurs libertés réelles : choisir, expérimenter, remettre en cause, et reconstruire.

Dans une société comorienne marquée par la pluralité des influences, le respect des anciens et l’émergence d’une jeunesse mondialisée, il est possible de construire une modernité enracinée, capable de mobiliser le capital culturel existant pour produire un développement souverain, juste et durable.

 

Pour un développement comorien fondé sur la transformation endogène des comportements

En 2016, l’Union des Comores fait face à une conjonction de vulnérabilités économiques, sociales et institutionnelles. Faible croissance, chômage des jeunes, urbanisation informelle, dépendance énergétique, stagnation des indicateurs humains… Ces symptômes structurels ne peuvent être compris sans une analyse plus profonde des comportements sociaux, des représentations collectives et des normes culturelles qui les sous-tendent.

Car le développement ne s’impose pas uniquement par des investissements, des infrastructures ou des transferts financiers. Il se construit aussi par des décisions individuelles, par des croyances partagées, par des formes d’aspiration et de coopération. Il est le produit d’un système de sens, autant que d’un système de production.

Dans ce contexte, il ne s’agit ni de nier les traditions comoriennes – comme le ‘Anda’, véritable pilier culturel et moteur de redistribution locale –, ni de rejeter la centralité de l’islam, socle éthique et institutionnel de la société. Il s’agit plutôt de les réinterpréter, de les mobiliser comme ressources, en les inscrivant dans un projet national de transformation, à la fois lucide et enraciné.

La jeunesse comorienne, souvent présentée comme une menace, apparaît ici comme l’acteur central de cette reconfiguration. Elle incarne à la fois les tensions du présent et les promesses d’un futur à inventer. Mais encore faut-il lui offrir des espaces d’expression, des instruments d’action, des récits d’émancipation.

Le véritable changement ne viendra pas d’un plan unique ni d’un modèle importé. Il viendra d’un ajustement profond des comportements collectifs, d’une élévation des consciences, et d’une capacité, en tant que peuple, à se penser autrement. Il viendra de cette « modernité intérieure » que chaque société doit inventer à sa manière.

« Un pays ne se développe pas par décret. Il se développe quand sa population croit à nouveau que demain peut être meilleur, et que chacun porte une part de cette espérance. »

Les Comores ont tous les ingrédients d’un modèle original : une culture forte, une diaspora puissante, une jeunesse dynamique, des traditions d’entraide, une foi structurante. Mais ces ressources ne produiront aucun miracle si elles ne sont pas converties en énergie transformatrice, par la réflexion, le courage et l’organisation collective.

Ce travail commence maintenant – au sein des villages, des familles, des mosquées, des écoles, des marchés, des réseaux sociaux. Il commence par un regard critique sur nous-mêmes, et par une volonté partagée de faire advenir une société comorienne digne, souveraine et pleinement en mouvement

Par Omar Ibn Abdillah

Le transport et la mobilité dans les villes africaines: Enjeux et défis!

urbaLa promotion d’une mobilité « intelligente et « intégrée » qui prend en compte les attentes variées et évolutives des populations, positionne au cœur des enjeux contemporains la question du : « comment mieux-vivre ensemble avec un système de transport efficient ? », dans les villes africaines. Les populations africaines, par l’usage des modes de transport « classiques » – du taxi à l’autobus, en passant par la voiture individuelle et des systèmes de covoiturage informels – se déplacent classiquement pour la courtoisie, le travail, les soins, etc. Aujourd’hui, avec l’émergence de nouveaux besoins en transports et mobilités, liée à la forte urbanisation (40% en 2015, selon la Banque Mondiale) à la croissance démographique (solde naturel[1] et solde migratoire[2] relativement élevés) et le développement des activités dans les grands pôles urbains, les attentes des populations se redéfinissent en fonction des exigences de la modernité et de la mondialisation. Le système de transport classique (un bon indicateur de développement de la ville africaine, car étant en forte corrélation avec le niveau de développement socio-économique des pays et l’hétérogénéité des niveaux de vie) n’est plus forcément adapté et suffisant. Cet article revient sur le système de transport des villes africaines et les enjeux et défis auxquels elles font face.

Le système de transport et de la mobilité dans les villes africaines.

Le circuit des transports et de la mobilité a donc besoin d’être réactualisé et étudié en profondeur pour comprendre sa complexité, mais cela nécessite, dans un premier temps, une analyse du système de transport existant. Le système de transport africain n’est pas une exception. Son analyse nécessite la prise en compte – comme partout ailleurs – de trois éléments : les services, les équipements-infrastructures et les usagers.

D’abord, les services sont les moyens de transports : les véhicules déployés par les pouvoirs publics ou par les entrepreneurs privés pour la mobilité des usagers, la voiture individuelle, le bus, le vélo, etc.

Sur le continent africain, les services de transport peuvent être répartis en fonction du niveau de développement socio-économique des pays : plus un pays est développé, plus il dispose de ressources technico-financières pour bien s’équiper en services de transport efficaces. À l’échelle du continent, les plus grandes villes se situent sur le long des littoraux (Atlantique et Méditerranéen), notamment un premier ensemble « Afrique maghrébine- Afrique Australe » qui se distingue grâce à un niveau de développement économique plus affirmé par rapport à un deuxième ensemble de villes littorales relativement développées (Afrique de l’ouest : Dakar, Abidjan, etc.) et un troisième ensemble composé de villes de l’Afrique continentale, peu dynamiques économiquement. L’inventaire des services de transport disponibles nous permet de lister quelques pays qui ont le tramway (Maroc, Algérie, Afrique du Sud, Rwanda, etc.) avec bien-sûr les autres services de transport (bus, taxi, etc.) et la quasi-totalité des pays africains qui a le bus, le taxi ainsi que d’autres services de transport hérités de la culture locale (calèche d’âne dans les villages, etc.).

 Ensuite, les équipements et les infrastructures sont des moyens techniques, des voies de circulation sur lesquelles circulent les services de transport. C’est la route pour la voiture individuelle (les particuliers) et collective (le bus, le taxi, etc.) ; le rail destiné au train et au tramway, des parkings pour le stationnement des véhicules, enfin, des passages piétons pour les passagers piétons. Le niveau de ces équipements dépend fortement du développement économique du pays et des politiques publiques de planification des transports.

Enfin, les usagers (les piétons, les conducteurs automobiles, les cyclistes) sont les utilisateurs des services et des infrastructures de transport qui expérimentent la mobilité. Nous avons deux ensembles d’usagers : les usagers « complets » et les usagers « réduits » (les personnes à mobilité réduite : handicapés, femmes enceintes, personnes âgées, etc.). Généralement, dans la planification des transports, ces derniers sont négligés, à cause la non-maîtrise de leurs attentes liée à l’absence d’études sociologiques, de l’informalité, mais aussi et surtout du manque de volonté politique. En revanche, l’avènement du numérique avec le développement de nouveaux services de transport et de mobilité (système de covoiturage de proximité – bien que informel, l’informatisation de la location de voiture, le déploiement croissant de nouveaux mobiliers urbains « intelligents », la recrudescence de nouvelles entreprises innovantes dans le secteur du transport grâce à la « Main Invisible » des ingénieurs et concepteurs de la diaspora africaine en Europe et aux États-Unis), les usagers « réduits » sont de plus en plus pris en compte dans le circuit de la mobilité.

Au regard des attentes de populations, il est donc difficile d’appréhender un système de transport efficient sans une bonne maîtrise des usagers et leurs besoins en terme de mobilité. Les usagers représentent le barycentre sur lequel toutes les innovations et toutes les politiques publiques et privées en matière de transport prennent source. La prise en compte des attentes des usagers est une condition sine qua none dans les différentes politiques publiques de transport.

En somme, les services de transport disponibles pour les différentes catégories d’usagers façonnent le niveau de vie socio-économique des espaces urbains africains. Aujourd’hui, plus une ville est développée économiquement, plus elle dispose de façon déterministe une population hautement qualifiée, plus elle a une propension à miser sur des moyens pour favoriser le développement de services innovants en matière de transport et de mobilité. L’existence d’applications mobiles (Talibi – Un GPS développé par des ingénieurs sénégalais), modifie positivement les manières et les raisons de se déplacer, les tarifications des services, etc.

L’efficience d’un système de transport dépend aussi fortement de sa planification.

 

 Une planification défaillante des transports dans les villes africaines.

La planification d’un système de transport nécessite la prise en compte des disparités spatiales qui caractérisent les territoires : les dualités rural/urbain, centres/périphéries, etc. ; les besoins quantitatifs (besoin en quantité d’infrastructures) et qualitatifs (préférence des unes par rapport aux autres, une bonne gestion) des usagers. La réalité africaine montre une complexité de la mobilité, notamment dans les zones urbaines : le système de transport y est globalement mal maitrisé. En effet, en plus de la forte urbanisation (40% en moyenne dans les pays africains) et de l’accélération du taux de motorisation (taux de motorisation de 27% et une croissance de 2% en moyenne depuis 10 ans, Echos, 2015); la non-prise en compte des réalités socioéconomiques des populations et la mauvaise qualité des voies de circulations – des routes bitumées et étroites, héritées généralement de la colonisation, causant une mobilité anarchique et des congestions urbaines chroniques – entrainent des pertes de temps ne serait- ce que pour faire un petit trajet. Cette situation provoque des externalités négatives sur le social, l’économie et l’environnement des villes, car plus une ville est encombrée, plus elle devient moins attractive à cause de la pollution sonore et atmosphérique, moins elle est compétitive sur le plan international.

Au Sénégal, les mouvements pendulaires, avec les déplacements campagne-Dakar et le sens inverse, sont une conséquence de l’urbanisation et de l’étalement urbain de la région de Dakar. En effet, la polarisation des activités et des services dans la capitale positionne la ville comme la centralité et le terminus de multiples trajets au quotidien.

De même, les déplacements inverses, Dakar-espaces périphériques et campagnes, deviennent importants, car la capitale s’étale, les infrastructures se développent et les candidats à l’exode rural gardent généralement des liens affectifs avec leur localité d’origine et n’ont pas forcément le choix à cause de la rareté et la cherté du foncier à Dakar. Par conséquent, les voies de circulation s’encombrent pendant les week-ends et les périodes de grandes fêtes culturelles et religieuses (Tabaski[3], etc.). Cet encombrement se conjugue avec une informalité dans les différents réseaux de circulation : la présence de marchands ambulants sur le long des routes, le non-respect du code de la route par certains automobilistes et la corruption entre ces derniers et les agents de régulation, une certaine insouciance des dangers de la circulation de la part des piétons : traversées anarchiques des voies routières, etc.

En outre, nous notons une primauté du transport routier, donc une absence de diversification des réseaux. Le réseau ferroviaire assurait une bonne qualité de desserte et de circulation des personnes et des marchandises au Sénégal, mais il est aujourd’hui délaissé au profit du réseau routier qui ne suffit plus, au regard de l’augmentation des besoins en mobilité des populations aux catégories socioéconomiques variées.

Les services et les infrastructures de transport dépendent d’un choix politique opéré par les décideurs publics, résultant généralement d’enquêtes sociologiques réalisées en fonction des réalités socio-culturelles du pays. Cependant, face au tarissement des finances publiques et un système de décentralisation inachevée et vulnérable (les collectivités locales ne disposent pas de moyens financiers solides pour financer certains services locaux essentiels), plusieurs pays africains ne disposent pas suffisamment de moyens pour mettre en place des projets tangibles de construction d’infrastructures de transport.

 

Enjeux et défis.

Les différents contextes du transport et de la mobilité dans les villes africaines, soulèvent des enjeux et défis environnementaux, économiques, culturels, sociétaux.

D’un point de vue économique, la diversité et l’augmentation des services de mobilité plus innovants en fonction des besoins des populations ainsi que l’évolution des différents acteurs et usagers font que l’offre de mobilité se transforme au niveau des prix, des coûts et des modèles économiques. De plus, le secteur privé apparaît de plus en plus comme un relais pour compenser les limites financières du secteur public en terme d’innovation et de créativité des services de transport et de mobilité pour les différentes catégories de populations.

De plus, les transports et la mobilité présentent des effets structurants dans le développement économique d’une ville. En effet, plus les populations sont motorisées, plus elles sont mobiles et – corrélativement – plus l’économie est dynamique.

Sur le plan environnemental, l’innovation dans le transport et la mobilité, notamment les usages numériques, participe à la lutte contre la consommation d’énergie, à la réduction des coûts de la mobilité, et la lutte contre la pollution atmosphérique. L’hybridation entre le numérique et les services de transport favorise donc une certaine sobriété énergique dans la mobilité.

Les enjeux sociétaux concernent, d’une part, l’émergence d’une nouvelle forme d’urbanité, de sociabilité à distance avec notamment les communications à distance à la place de la mobilité physique et d’autre part, les nouveaux comportements liés aux usages d’équipements de passe-temps en plein voyage, l’usage de nouveaux modes de transport « smart », économiques et conviviaux (système de covoiturage – même si encore informel, location de voiture en groupe, etc.).

Nous estimons finalement que les services, les usagers, les équipements-infrastructures définissent le système de transport pour la mobilité des différentes catégories de population dans les villes africaines. Ce système de transport, au regard de ses différentes ambiguïtés, nécessite une maîtrise de la part des pouvoirs publics, en répondant mieux aux attentes variées des populations.

Par ailleurs, moyens de création d’emplois, de la richesse, de rapprochement entre les populations, le système de transport est consubstantiel au développement économique. Face au défi de la modernité, à la volonté de créer une cohésion sociale entre les différentes classes sociales, à l’ambition de favoriser une équité territoriale, l’innovation dans le transport et la mobilité, notamment l’émergence des mobiliers urbains « smarts » et des usages numériques, redonne une nouvelle lecture à la planification urbaine, en accordant par exemple un périmètre de « Providence » aux usagers à mobilité réduite (handicapées, les personnes âgées), en désenclavant les territoires « périphériques » des zones urbaines.

En définitive, révélatrice des disfonctionnements urbains, la question des mobilités et des transports est centrale en Afrique et sa maîtrise est présentée comme une alternative efficiente dans une perspective de développement durable des villes.

 

Cheikh CISSE

 


[1] Différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès dans un espace donné.

 

 

[2] Différence entre les entrées et les sorties de populations dans un espace donné.

 

 

[3] Traduction wolof de l’Aïd – Kabir, une grande fête des musulmans

 

 

L’entrepreneuriat en Afrique de l’Ouest … So cool ?

entrepVous avez sans doute, vous aussi, appris l’existence de tel ou tel concours de business plans, de tel incubateur ou d’espace de co-working. Autant d’anglicismes à la mode qui fourmillent sur les panneaux publicitaires et les encarts Facebook. Quelle est la portée de ces évènements ? Quelle est la réelle importance de l’entrepreneuriat sur le développement et l’économie des pays ? Cet article brosse les actions initiées pour impulser le développement de l’entrepreneuriat en Afrique de l’Ouest et les limites de leurs portées.

 

Dans la myriade des initiatives en Afrique de l’Ouest, quel est le bilan des actions favorisant l’émergence et la croissance d’un écosystème entrepreneurial solide ? Les concours entrepreneuriaux organisés par des multinationales se multiplient. De même, des acteurs dédiés s’emparent de cette tendance pour organiser des évènements le temps d’un weekend, au niveau national ou panafricain. Les réseaux pullulent, centrés autour des NTIC ou des femmes. Enfin, les espaces de co-corking sont aussi à la mode, entre inspiration de la Silicon Valley et adaptation à la sauce africaine.

 

Des résultats encore très mitigés …

Néanmoins, au milieu de cette fièvre entrepreneuriale, le bilan est en demi-teinte. Peu d’organisations sont opérationnelles et peuvent présenter des résultats durables d’accompagnement. Nombreuses sont les structures à avoir joué d’effets d’annonce sans que leurs portes n’aient été foulées par des porteurs de projets. Tout comme sont pléthores les acteurs vendant de la poudre d’entrepreneur sans savoir vraiment de quoi il retourne.

Pour ceux pouvant se targuer d’une certaine expérience, beaucoup se contentent d’un copié-collé de présentations trouvées sur internet ou glanées d’incubateurs étrangers sans vraiment prendre en compte les besoins et enjeux locaux. Enfin, et non des moindres, rares sont les concours et évènements suivis d’un accompagnement de long-terme, à même de créer un véritable renforcement des capacités et de constituer un tremplin qualitatif pour ces jeunes entreprises. Or, ce sont pourtant ces ingrédients qui sont capables de fournir un terreau fertile pour ces pousses entrepreneuriales. Rien ne sert de conter fleurette aux porteurs de projets, il faut les accompagner, les comprendre et leur offrir des outils spécifiques.

 

… qui ne doivent pas inciter à renoncer mais plutôt favoriser un meilleur suivi !

A l’inverse, on assiste à une certaine course aux concours parmi les entrepreneurs. Qui les blâmera ? Le chômage demeure majeur, avec une jeunesse qui compte pour 60% de l’ensemble des chômeurs en Afrique Subsaharienne. L’entrepreneuriat apparaît alors comme une voie de survie. L’Afrique présentant un record dans le domaine avec la plus forte proportion mondiale de potentiels jeunes créateurs d’entreprise (60%)[1]. L’engouement actuel alimente cette frénésie où, aux dires d’un entrepreneur ivoirien, « écument toujours les mêmes à courir après les prix ». Gros chèque, notoriété, réseau, les carottes sont affriolantes tandis que peu de concours proposent une formation à la clef.

Or, en Afrique plus qu’ailleurs, les jeunes entreprises ont besoin de formation technique. Elles sont les premières à le reconnaître et à  le réclamer. Alors que la Côte d'Ivoire a inscrit l’entrepreneuriat au programme scolaire, il faut plaider pour que la sensibilisation dès le plus jeune âge se concilie à la fois avec un enseignement technique et professionnel et avec une offre d’assistance technique (AT) accessibles et de qualité. Là encore, des efforts sont à poursuivre : l’éducation professionnelle est marginale, et les fournisseurs d’AT sont encore trop peu visibles, et souvent trop peu outillés pour fournir un appui efficient. De même, l’offre en financement manque la cible qui en requiert le plus. Le paysage est compartimenté entre micro-finance, banque et quelques fonds d’investissement avec des taux d’intérêt et des demandes de garanties trop élevés et des tickets inadaptés aux besoins, tandis que les PME africaines ne disposent bien souvent pas d’une éducation financière suffisante pour construire un solide dossier de financement.

On ne citera personne mais il faut cependant conclure en reconnaissant que se construit, doucement mais sûrement, une communauté entrepreneuriale engagée et expérimentée et que des entreprises championnes émergent, portées par de jeunes leaders ambitieux pour leur pays et leur continent. Les partenaires de développement l’ont compris également, en cherchant à mieux connaître ces pépites encore embryonnaires pour mieux y investir. Ainsi, la Société Financière Internationale entend participer à hauteur de 20 à 25% dans un programme d'investissement de 250 millions de dollars dans des fonds de capital-risque dédiés aux PME en Afrique.

Ainsi, la donne a changé. Rangez votre cravate, le fonctionnariat est en train de passer de mode. Au milieu de la fièvre, l’engouement est réel. Reste à ne pas perdre de vue que l’entrepreneuriat, même sans patron, est un travail à part entière.

 

Pauline Deschryver

 


[1] Global Entrepreneurship Monitor, Youth Business International (GEM/YBI) sur l’entrepreneuriat chez les jeunes, Rapport 2013

Interdiction des emballages plastiques : Pourquoi certains pays échouent ?

embalCette dernière décennie, plusieurs pays africains,  Rwanda en 2008, Gabon en 2010, Cameroun en 2012, Côte-d’Ivoire en 2013 ou encore au Burkina Faso en 2014, ont règlementé la fabrication, l’importation, la détention, la commercialisation ou la distribution gratuite d’emballages plastiques. Si les motivations sont similaires, les textes et les résultats sont par contre différents.  Cet article revient sur les motivations ayant conduit à l’interdiction de l’utilisation des emballages plastiques en Afrique et les limites qu’on constate dans l’application des dispositions imposées pour faire respecter cette interdiction.

Justifications de l’interdiction de l'utilisation des emballages plastiques

L’impact négatif de ces emballages sur les populations et la nature constitue la motivation majeure des règlementations établies. En effet, comme indique le document sur la « Dangerosité des emballages plastiques » préparé par le Ministère du Développement Durable au Cameroun, le temps de dégradation de sacs plastiques dans la nature varie entre 100 et 500 ans. Cette détérioration lente a pour conséquence le ralentissement de l’infiltration de l’eau dans le sol, nuisant ainsi  à l’agriculture par exemple. Jetés dans la nature, ils sont consommés par les animaux, provoquant leur mort par étouffement. Ils obstruent également  les canalisations, provoquant des inondations. Brulés, les sacs plastiques dégagent des gaz qui sont susceptibles de provoquer des affections respiratoires.

Sur un continent touché par des problèmes de santé publique et réputé vulnérable aux risques écologiques,  la menace est encore plus accrue. Toutefois, les réponses réglementaires apportées varient d’un pays à un autre. 

Divergences sur l’objet de l’interdiction de l'utilisation des emballages plastiques

Au Cameroun et au Burkina-Faso, l’interdiction concerne les emballages plastiques non-biodégradables à basse densité (moins de 60 et 30 microns respectivement). Au Rwanda il s’agit d’une interdiction pure et simple des sacs plastiques. Le Rwanda s’inscrit ainsi parmi les pays les plus restrictifs en la matière. Cette approche radicale est néanmoins plus pragmatique au regard de l’objectif recherché de réduire les dommages environnementaux. De plus, ce dispositif laisse moins de place à l’interprétation. Enfin, sa mise en œuvre est simple car ne nécessite pas le déploiement de ressources complémentaires.

L’approche du Burkina-Faso et du Cameroun semble plus flexible et progressive mais n’apporte qu’une solution partielle au problème. Car, si les emballages tolérés sont plus facilement réutilisables, les chances pour qu’ils finissent leur vie dans la nature restent néanmoins élevées. De plus, pour garantir l’observance des règles de densité, les administrations et les entreprises doivent investir en équipements, expertise et sensibilisation des populations.  Ces coûts supplémentaires peuvent constituer un obstacle à l’application des textes. Enfin, dans des contextes marqués par la corruption, de tels textes peuvent favoriser l’arbitraire de la part des organismes de contrôle.

Disparités dans les sanctions imposées pour le non-respect de l'interdiction de l'utilisation des emballages plastiques

En général, une sanction vise la répression, la dissuasion et la prévention. Au Burkina-Faso et au Rwanda des amendes et/ou des peines de prison sont prévues alors que le Cameroun institue la saisie et la destruction des emballages au frais du contrevenant. Dans ce dernier modèle, la prévention et la dissuasion semblent prendre le pas sur la répression. Sur un plan hiérarchique, la saisie et la destruction de produits interdits seraient le plancher des sanctions car après tout c’est un minimum. Les amendes arriveraient en second et les peines de prison couronneraient le tout. Cette option pour le minimum sans mesures supplémentaires porte en elle-même les germes de l’inefficacité. De plus, dans une économie marquée par l’importance du secteur informel et la faiblesse des infrastructures d’élimination, la destruction au frais du contrevenant est un défi. Or, au regard des enjeux de l’interdiction, une approche fortement répressive aurait été plus objective et porteuse de résultats.

Des résultats mitigés : si le Rwanda réussit, le Cameroun et le Burkina-Faso sont à la traîne

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur l’interdiction des sacs plastiques au Rwanda en 2008, la salubrité et l’aspect écologique de la ville ont été reconnus par de nombreuses institutions. La ville de Kigali a en effet été classée la ville la plus propre d’Afrique par l’ONU et figure dans le top 10 des endroits où il fait le mieux vivre en Afrique par le magazine Jeune Afrique. Elle apparaît dans la liste des plus belles villes d’Afrique établie par le site The Culture Trip ou encore est classée 3ème destination la plus verte au monde par le World Travel Guide.

La réduction de la pollution liée aux sacs plastiques y a certainement contribué. Et il est facile d’imaginer les impacts de tels classements sur l’économie d’un pays. Selon le réseau international d’experts Plateforme Resources, le succès de la réforme au Rwanda tient aussi à l’implémentation des mesures telles que les fouilles à l’aéroport et autres postes frontières, la traque des réseaux de trafic et la  distribution d’autres types d’emballages biodégradables. Le Rwanda détient donc la palme d’or dans ce domaine, devançant de loin le Cameroun et le Burkina-Faso.

Des mesures portant en elles-mêmes les germes de leur inefficacité 

Au Cameroun, malgré l’entrée en vigueur du texte en 2014, la présence des emballages plastiques interdits est notoirement observée sur le territoire. Les raisons en sont nombreuses. La mesure a été fortement décriée par les entreprises du secteur. Elles dénonçaient une période transitoire insuffisante,  une sensibilisation inefficace, la concurrence déloyale due à l’absence de lutte sérieuse contre la contrebande des emballages interdits.  De plus, les campagnes de sensibilisation des populations et la disponibilité de solutions alternatives n’ont pas été perceptibles. Or le document sur la « Dangerosité des emballages plastiques » prévoyait des alternatives comme les paniers en raphia, emballages en papier, tissu, etc. Au contraire, les populations se sont vues facturer les sacs plastiques dits « non-biodégradables », sans vraiment en comprendre les motivations profondes. Les nombreux contrôles et saisies d’emballages non conformes effectués en leur temps ont pu réduire temporairement la présence des sacs plastiques à basse densité sur le territoire. Mais ceux-ci sont réapparus quelques mois plus tard, démontrant ainsi l’inefficacité du dispositif.

Quant au Burkina-Faso, en juillet 2015 soit un an après le texte, le réseau Plateforme Ressources constate: la difficulté à distinguer le « biodégradable » du « non-biodégradable », l’utilisation de critères de distinction peu techniques, l’absence de sensibilisation des populations et le déficit de promotion de solutions alternatives. Le réseau a donc suggéré entre autres une communication plus intensive, la formation des parties prenantes clés comme la police, la douane, les administrations du commerce, la promotion des emballages écologiques, ou encore la défiscalisation des emballages conformes.

Session de rattrapage : nécessité de donner corps à la vision

Le Burkina Faso et le Cameroun doivent encore s’efforcer de concrétiser la vision de la réduction des impacts négatifs des emballages plastiques dans leurs environnements respectifs. Car au-delà des retombées sur l’écologie et la santé des populations, cette lutte constituera également un vivier pour la création d’emplois nouveaux dans la collecte et le recyclage des déchets plastiques.

En plus de la mise en pratique des propositions de Plateforme Ressources, il faut soutenir et encourager les initiatives  privées déjà existantes.  Tel est le cas de l’utilisation des matières plastiques pour fabriquer des pavés ou encore des broyeurs de plastiques en vue de la revente des granulés aux industries qui les incorporent dans la fabrication de biens. Il s’agit de créer un sentiment de bénéfice mutuel et d’équité entre toutes les parties prenantes. Si la loi sans force est impuissante, l’adhésion des intervenants est gage d’efficacité.

 

 

Caroline Ekoualla

Financer l’urbanisation en Afrique : de la nécessité d’une fiscalité locale forte !

urbnL’urbanisation massive sera la transformation la plus importante de l’Afrique au 21ème siècle, selon le directeur du développement durable de la Banque Mondiale. La démographie galopante du continent combinée à l’exode rural engendre une forte croissance de la population urbaine des pays africains. La population urbaine devrait représenter 84% de la population du continent d’ici 2040 (contre 40% en 2010), selon la BAD. Cette dynamique urbaine, qui selon certains analystes, traduit l’émergence d’une classe moyenne dans les villes africaines, est porteuse de plusieurs défis ; notamment dans les domaines sociaux (assainissement, éducation, adduction d’eau et accès à l’électricité, alimentation, …). 

Faire face à ces défis nécessitera des ressources financières que les administrations centrales ne pourront à elles seules supporter à travers leur budget. De plus, les ressources dont disposent les administrations locales, provenant pour l’essentiel des transferts reçus de l’Etat, de quelques bailleurs et de leurs partenaires dans des grandes villes occidentales, ne pourraient suffire pour apporter une réponse adéquate à ces besoins. Les administrations locales doivent donc être capables, dans ce contexte, de mobiliser les ressources nécessaires pour assurer le développement de leurs collectivités. 

Alors que la mobilisation de ressources sur les marchés financiers (solution utilisée par plusieurs grandes villes au monde pour financer des projets rémunérateurs) semblent contraintes en Afrique – du fait de la forte dépendance des administrations locales aux administrations centrales –[1], les villes africaines pourraient renforcer davantage la collecte des ressources fiscales locales. En effet, bien que des dispositions légales en la matière existent dans la plupart des pays africains, les ressources fiscales locales ne constituent qu’une part congrue des budgets des collectivités. Plusieurs facteurs expliquent cette situation :

  • Un engagement politique faible des administrations locales : si la décentralisation s’est imposée dans les pays africains comme une approche participative pour développer les collectivités, les élus locaux ne prennent pas toujours la pleine mesure de la nécessité de mobiliser les ressources fiscales au niveau local pour asseoir leur autonomie financière. Selon des études du Fonds Mondial pour le Développement des Villes, les prélèvements obligataires des collectivités sur leurs économies locales atteignent à peine 1%, dans les pays africains.
  • Le manque d’un système d’information au niveau local : la difficulté persistante des pays africains à mettre en place un système statistique viable et significative à l’échelle nationale n’offre que peu d’opportunités pour la production de statistiques locales nécessaires pour la planification à l’échelle locale. Cette difficulté est exacerbée par la prédominance de l’informelle, mettant ainsi en exergue la nécessité pour les administrations locales de disposer de systèmes d’information permettant de suivre ces entités.
  • Une faible maitrise de la chaine fiscale : dans la plupart des pays africains la définition des taux et la composition de l’assiette fiscale est faite a priori par les administrations centrales. La collecte est dans la majorité assurer par les services du ministère des Finances, qui n’ont pas de relations formelles avec les collectivités locales, empêchant ces dernières d’avoir un contrôle sur les ressources prélevées pour elles.
  • Une dépense publique dont l’efficacité reste à prouver : dans les pays africains, le manque de transparence dans la gestion des finances publiques et la réponse mitigée apportée par les autorités (centrales et locales) à la demande sociale ont fini d’éroder la confiance des contribuables dans la capacité des élus à améliorer leur condition de vie, ce qui ne favorise par leur consentement au paiement des impôts.

Améliorer la capacité des administrations locales à mobiliser les ressources locales passera donc essentiellement par la résolution de ces défis. Les voies et moyens pour y arriver sont divers et varient en fonction des législations régissant la décentralisation de chaque pays mais quelques points mériteraient une attention particulière.

A l’échelle nationale, le processus de décentralisation à l’origine de la mise en place d’administrations locales, doit être approfondi, notamment en ce qui concerne l’autonomie financière de collectivités. La gestion et la mise en œuvre de la politique fiscale locale (fixation des taux, de l’assiette et du recouvrement) devrait ainsi être confiée aux administrations locales, avec un encadrement pour prévenir le dumping entre collectivités et la concurrence avec la politique fiscale nationale. Ceci nécessitera un engagement politique fort au travers d’un dialogue concerté entre les différentes administrations afin de convenir d’un cadre commun, au lieu que les décisions soient prises au niveau central et imposées aux administrations locales. En outre, les autorités nationales doivent consentir un effort pour mettre en place des systèmes d’informations viables et qui permettraient aux collectivités d’avoir une meilleure connaissance de leur potentiel économique et de mieux planifier leur développement.

Dans les collectivités, il sera nécessaire de mettre en place une administration fiscale locale qui sera en charge de piloter la politique fiscale, et plus généralement des services en charge de la finance de ces collectivités qui exerceront de façon concertée avec les services déconcentrés et centraux de l’administration centrale.

Plusieurs villes africaines engagées dans de telles stratégies ont vu leur capacité financière s’améliorer significativement au cours des dernières années. A Dakar par exemple, la mise en place d’une division dédiée aux taxes municipales (gérées directement par la ville) et sa collaboration avec les services centraux de la Direction Générale des Impôts et des Domaines (DGID) ont permis de porter la part de la fiscalité locale à 90% du budget de la ville en 2014 (contre moins de 80% en 2010). A Johannesburg, l’introduction d’une fiscalité locale a conforté les finances de la ville et à approfondir son urbanisation.

Si les autorités africaines ont pris la mesure de la nécessité de la décentralisation pour accélérer le développement de leurs pays, l’absence de moyen financier et la dépendance des administrations locales vis-à-vis des administrations centrales en matière de mobilisation des ressources locales, constituent une contrainte forte au rôle que ces administrations locales peuvent jouer dans le processus de développement. Il apparaît dès lors nécessaire de renforcer leurs capacités, notamment en ce qui concerne la gestion de leurs finances, et plus particulièrement en matière de fiscalité locale, pour leur permettre de participer pleinement aux efforts d’émergence du continent.

Foly Ananou


[1] La ville de Dakar a tenté en février 2015 d’émettre sur le marché financier local (20 Mds XOF au taux de 6,6% sur 7 ans) pour financer un centre commercial. Bien que l’opération est reçue l’accord des instances régionales chargées de la surveillance du marché financier, que la ville est notée A/A1 par l’agence de notation Bloomfield, basé à Abidjan et que les ressources financières que généreraient le projet permettraient de couvrir cet emprunt ; l’intervention des autorités sénégalaises (MEF), qui évoquaient la crainte d’une augmentation de la dette de l’Etat avec cette opération en cas de défaillance de la ville, a suffit pour annuler l’opération.

Les nouveaux modèles de financement du développement en Afrique

fonds-souverainsDambisa Moyo, William Easterly, ou encore Jeffrey Sachs sont des noms qui reviennent souvent dans les débats sur l’aide au développement. À coup de théories économiques et d’exemples de cas d’école, chacun d’entre eux, et de nombreux autres économistes du développement, apportent leurs perspectives à la question de l’efficacité de l’aide, et son impact réel sur le développement. Pourtant, les alternatives à l’aide au développement attirent également de plus en plus l’attention des économistes comme substitut ou complément à l’aide au développement, car ayant le potentiel de limiter la dépendance à l’aide ou de combler certaines de ses lacunes. Cet article a donc pour objectif de présenter certains de ces nouveaux moyens de financement du développement, notamment les partenariats publics privés,  et l’autofinancement à travers le recours aux ressources internes et à l’endettement sur les marchés financiers. Ces modèles ont également leurs limites, qui seront présentées dans un second temps.

 

 

  1. Quels nouveaux modèles de financement pour le développement ?
  1. Les Partenariats Public–Privé (PPP)

Les Partenariats Public–Privé (PPP) sont principalement utilisés pour financer des infrastructures, et ont été imaginés pour éviter certaines difficultés posées par les modèles traditionnels de financement des infrastructures. En effet, le modèle de marché public, dans lequel une entreprise produit une infrastructure qui sera ensuite gérée par l’État, fait peser sur celui-ci des risques liés à un manque de contrôle sur la qualité de l’infrastructure, et sur les coûts que cela peut engendrer. Le modèle de la concession publique, où c’est l’État qui est en charge de la construction de l’infrastructure qui sera gérée par une entreprise, fait peser ces risques entièrement sur l’entreprise.

 Les PPP représentent donc un nouveau modèle de financement, censé permettre une meilleure répartition des risques. Même si le terme de PPP peut être utilisé pour désigner différents type de projets, c’est en général la réalisation et l’entretien par une entreprise, pour le compte de l’État d’un ouvrage ou un service public, qui produit ensuite des recettes qui servent à rémunérer l’entreprise. C’est par exemple le cas de l’autoroute à péage Dakar-Diamniado, réalisée par la société Eiffage au Sénégal ou le pont Henry Konan Bédié réalisé par la Socoprim en Côte d’Ivoire. Dans les deux cas, l’entreprise a été chargée par le gouvernement de concevoir et réaliser l’ouvrage, ainsi que de l’exploiter et de l’entretenir, pour une durée de 30 ans.

Le modèle des PPP permet un meilleur équilibre des risques, avec un État garantissant des compensations au cas où l’équilibre financier prévu pour le projet, n’est pas atteint. Ce modèle de financement assure également en général des ouvrages de qualité, dans les délais, d’une part car le partenaire privé qui le réalise possède une expertise en la matière, de l’autre car elle doit bénéficier des recettes qui en découlent.

  1. Les marchés financiers

L’autofinancement du développement représente une autre alternative à l’aide au développement. Elle permettrait aux États de rompre une situation de dépendance à l’aide, souvent critiquée, et de moins subir les chocs externes. On peut s’intéresser d’une part à l’emprunt sur les marchés financiers, et d’autre part  aux ressources que sont l’épargne privée intérieure (c’est-à-dire celle des populations), et l’épargne publique, qui découle des impôts sur les particuliers et les entreprises.

L’émission d’emprunts sur les marchés se développe depuis quelques années, avec de plus en plus de pays africains qui se tournent vers l’émission d’emprunts sur les marchés financiers, comme moyen de financer leur développement. Ces émissions consistent en des titres de créances émis par les États africains, sur des marchés étrangers, qui seront remboursés en totalité et avec intérêts. Le Ghana était ainsi le premier à émettre des obligations souveraines d’un montant total de 750 millions de dollars à un taux d’intérêt de 8,5%. En Octobre 2015, il émettait à nouveau des obligations, cette fois pour un montant de 1 milliard de dollar US, à un taux d’intérêt de 10,75%.

D’autres pays ont rapidement suivi le Ghana, parmi lesquels la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Gabon, le Cameroun ou encore le Tchad. Derniers en date, le Sénégal en  Mars et l’Algérie en Avril. Avec des taux de croissance importants et des profils de risque qui se sont améliorés, les États africains peuvent apparaitre comme particulièrement attractifs pour certains investisseurs. Du côté des États, l’intérêt de ces émissions d’emprunt est qu’elles les laissent autonomes dans la gestion des fonds obtenus, contrairement aux prêts bilatéraux et multilatéraux. Cependant, ce modèle remplace les créanciers traditionnels des États africains que sont les bailleurs de fonds, par de nouveaux créanciers.

  1. Les ressources internes

En revanche, d’autres ressources internes gagneraient à être davantage exploitées par les États africains, notamment l’épargne. D’après le rapport économique sur l'Afrique 2010, publié par la Commission économique pour l’Afrique, « le taux d’épargne en Afrique est très faible par rapport à ceux d’autres parties du monde en développement », avec moins de 20% du PIB. Les ressources comme l’épargne privée ou les impôts sont donc clairement sous exploitées par les États, malgré le potentiel important qu’elles représentent.

C’est notamment le cas de l’épargne privée, alors que la microfinance a montré que même les populations les plus pauvres sont capables d’épargner. En cause : des systèmes financiers qui excluent la majorité des citoyens. À cause d’un nombre d’agences insuffisant surtout dans les zones rurales, de versements minimum demandés trop élevés, de taux d’intérêt peu intéressants ou encore une documentation à fournir, trop importante, les conditions nécessaires à l’ouverture d’un compte d’épargne sont souvent des barrières rendant ceux-ci peu attractifs pour les particuliers.

Du côté des ressources publiques, les systèmes fiscaux gagneraient à être développés. Les impôts collectés par les États africains ont pourtant augmentés, selon le rapport Perspectives Économiques en Afrique publié en 2010. Le rapport montre ainsi qu’ils sont passés de 113 milliards de dollars USD en 1996, à 479 milliards en 2008. Cependant, ces impôts sont souvent issus de la taxation des ressources minières et naturelles. Or, les crises successives des matières premières ont montré les limites de ce type de fiscalité ; de plus, cette source de revenus est souvent montrée du doigt comme facteur contribuant à la mauvaise gouvernance et à l’instabilité politique. Enfin, elles peuvent représenter un obstacle à la mise en place de systèmes fiscaux plus complexes, car représentant une source de revenus faciles.

En revanche, la mise en place d’impôts directs sur les populations et les sociétés, et indirects (TVA et autres taxes commerciales) permettrait de mobiliser de nouvelles ressources. Certains économistes argumentent par ailleurs que la taxation des particuliers peut rendre la population plus regardante sur la gestion des ressources publiques lorsque celles-ci sont issues de ses propres revenus, en comparaison avec l’aide extérieur, qui n’exerce pas la même pression sur les populations.

 

  1. Limites et risques des nouveaux moyens de financement

Ces nouveaux moyens de financement du développement ne sont pas exempts de risques et de coûts, qu’on ne retrouve pas forcément avec l’aide au développement.

  1. Les Partenariats Public–Privé (PPP)

Dans le cas des PPP, les États ne maitrisent pas forcément les risques liés à la demande. En effet, le niveau futur de demande ou d’utilisation par les usagers de l’ouvrage, est estimé lors de la signature du PPP. Si ce niveau n’est pas atteint, l’État doit verser des compensations financières au partenaire privé, ce qui représente donc des dépenses supplémentaires pour l’État. Par ailleurs, le risque de mauvaise gouvernance, liés aux marchés publics et aux concessions lorsque ceux-ci ne sont pas attribués de manière transparente et équitable, reste présent dans les PPP. Pour limiter ces risques, le développement d’un cadre réglementaire des PPP pourrait favoriser leur réussite. La Banque Africaine de Développement et la Banque Mondiale encouragent les États africains à aller dans ce sens, et c’est de plus en plus le cas. Les États de l’UEMOA travaillent ainsi à la mise en place d’un cadre régional des PPP, et nombreux sont les États qui ont déjà un cadre national, comme le Sénégal, le Niger ou la Côte d’Ivoire. Pour que ce cadre devienne réellement opérationnel, il sera important de renforcer les capacités des organismes en charge de gérer les PPP, et l’aide au développement pourrait y contribuer directement en facilitant des transferts de compétences dans ce domaine.

  1. Les marchés financiers

Les émissions d’emprunt sur les marchés financiers, elles, si elles représentent une alternative intéressante à l’aide au développement, envoyant des signaux positifs quant au développement économique de l’Afrique, peuvent également être à double tranchant. Dans un article publié en 2013 dans le journal les Échos, l’économiste Joseph Stiglitz met en garde contre un enthousiasme exagéré vis-à-vis de ces émissions. En effet, elles ont un coût supérieur à celui des prêts bilatéraux ou multilatéraux, car ces derniers ont des taux d’intérêts bas voir nuls, ce qui n’est pas le cas des obligations. Elles contribuent ainsi à l’endettement des pays africains : alors qu’il y a une dizaine d’années, les émissions d’obligations des États africains représentaient 1% de la dette extérieure des pays en développement, elles sont passées aujourd’hui à 4%.

  1. Les ressources internes

Le développement d’un système fiscal efficace parait de loin plus avantageux, car permettant à l’État de rester autonome et de mobiliser sa population. Le potentiel parait énorme, notamment avec la possibilité de taxer le secteur informel. Pourtant les réformes du système administratif devraient être profondes, avec notamment un besoin de décentralisation de l’administration pour assurer une collecte dans toutes les zones des pays. Les nouvelles technologies peuvent ici jouer un rôle efficace dans cette collecte, avec le potentiel de systèmes comme les paiements mobiles ou la plateforme eZwick au Ghana qui permet à ses utilisateurs d’atteindre des instruments financiers peu importe leur situation géographique. 

Cependant, la mise en place d’une fiscalité efficace nécessitera des réformes plus profondes des systèmes en place. Parmi celles-ci, l’allocation d’une part plus importante des ressources collectées aux des dépenses productives, plutôt que pour couvrir les dépenses de fonctionnement, qui représentent aujourd’hui 85% des ressources internes collectées. Enfin, pour qu’un tel système fiscal fonctionne, la confiance de la population dans le système et une gestion transparente des fonds seront des prérequis, ainsi qu’une société civile engagée et vigilante par rapport à l’utilisation des fonds. Cette évolution ne pourra se faire qu’avec des États prêts à dialoguer davantage avec leurs populations, et des populations plus regardantes sur le modèle de gouvernance de leurs États.

 

MC 

 

Gaspillage des cerveaux au delà de la fuite des cerveaux

fuite_cerveauxBeaucoup de pays Africains investissent dans la formation de leurs élites (en offrant des bourses) sans pourtant obtenir les retours sur investissements escomptés, car rares sont les diplômés africains bénéficiaires  de ces bourses des États qui retournent effectivement exercer dans leur pays d'origine ; la plupart préférant travailler dans leur pays hôte ou ailleurs dans le monde. Ce qu'on appelle communément la "fuite des cerveaux" ou « exode des cerveaux ». On note par exemple qu’entre 1990 et 2000, la migration des diplômés de l'enseignement supérieur a augmenté de 123 % en Afrique de l'Ouest contre 53 % pour les non-qualifiés. Abdeslam Marfouk, chercheur à l'université de Louvain estime que plus de dix pays africains ont plus de 40 % de leur main-d'œuvre hautement qualifiée hors de leur pays : 67 % au Cap-Vert, 63 % en Gambie, 53 % en Sierra Leone, etc. et que près d'un chercheur africain sur deux réside en Europe.[i]

L’effet pervers de cette fuite de cerveau est le « brain waste » ou « gaspillage de cerveaux ». Il s’agit des compétences qui sont sous-appréciées et sous-utilisées. Cela est fréquent dans tous les pays, mais les immigrés dans les pays développés sont les plus touchés. Selon Joëlle Paquet (2010)[ii], s’il est vrai que les travailleurs immigrés qualifiés peuvent  théoriquement améliorer leurs revenus et leur bien-être dans leur pays d’accueil ; cette augmentation est cependant limitée par les problèmes d’intégration auxquels font face certains immigrants. Caglar Ozden, économiste à la Banque Mondiale, constate qu’aux Etats-Unis, les migrants qualifiés ne parviennent pas souvent à trouver des emplois correspondant à leur niveau d’instruction.[iii]

 

«Brain Waste » absolu et « Brain Waste » relatif

En général, à niveau d’instruction égal, les immigrants dans les pays développés occupent des emplois moins compétitifs que les « autochtones ». Cependant, il faut distinguer le «Brain Waste » absolu et le « Brain Waste » relatif. Le «Brain Waste » absolu correspond aux travailleurs qualifiés exerçant le métier d’ouvrier ou d’autres métiers non qualifiés. Selon Souhila Benali, 6% des immigrés algériens « qualifiés » exercent le métier d’ouvrier en France. Le « Brain Waste » relatif, c’est la situation qui équivaut à la déqualification des diplômés, en les affectant à des postes de niveaux inférieurs à leurs qualifications. Un nombre important non mesurable d’immigrés serait dans ce cas.[iv]

 

Pourquoi les immigrants sont affectés par le gaspillage des cerveaux ?

Beaucoup de pays comme le Canada exigent une compétence élevée afin d’obtenir une immigration. Le programme de travailleurs qualifiés se base sur un système de points. Le candidat à l’immigration doit satisfaire une certaine compétence basée sur les diplômes, les expériences de travail, les spécialités qui procurent des points. Cependant, le pays d’accueil ne dispose pas toujours ou pas assez des métiers correspondant aux compétences des immigrés. En outre, les diplômes et les qualifications professionnelles de nombreux migrants ne sont pas reconnus. Joëlle Paquet (2010)[v] explique le gaspillage des cerveaux par le fait que les diplômes et les qualifications professionnelles de nombreux migrants ne sont pas reconnus, en particulier lorsque ceux-ci proviennent de pays en développement. Certains immigrants sont obligés de refaire une formation dans le pays d’accueil afin d’espérer un métier correspondant à leurs compétences.

La langue constitue, dans bien de cas, un facteur entrainant ce gaspillage des cerveaux. Selon Maurice Schiff, économiste à la Banque mondiale, il ressort des données relatives aux États-Unis que les migrants scolarisés venant de l’Inde ou du Royaume-Uni ont plus de chances de trouver des emplois correspondant à leur niveau de compétence aux États-Unis. « L’une des principales raisons qui expliquent cette situation est la langue. Les diplômés d’université de l’Inde et du Royaume-Uni s’expriment en anglais, ce qui leur confère bien entendu un grand avantage lorsqu’ils arrivent aux États-Unis », précise Maurice Shiff.[vi]

Aussi, faut-il signaler que certains emplois qualifiés sont réservés exclusivement aux  citoyens : ces emplois excluent les immigrants non citoyens et pour d’autres emplois, la priorité est accordée aux citoyens. Il est admis qu’il y’a une grande concurrence pour l’obtention des travaux qualifiés. Cette grande concurrence conjuguée avec la non priorité dans les emplois peut entraîner un gaspillage des cerveaux des immigrants dans les pays développés.

 

Que faire avant de s’engager pour une immigration ?

Il faut cependant noter que le gaspillage des cerveaux n’est pas seulement l’apanage des immigrants dans les pays développés. Le gaspillage des cerveaux existe même dans les pays en développement, les pays d’origine des immigrants et serait l’une des causes de l’immigration et qui décourage le retour de certains immigrants vers leur pays d’origine. L’une des causes majeures du gaspillage des cerveaux des immigrants est le manque d’informations. Beaucoup de travailleurs qualifiés s’engagent dans le processus d’immigration sans réellement connaître l’environnement du point de chute. Il est du devoir de tout candidat qualifié à l’immigration de bien observer l’environnement du point d’accueil avant de s’engager.

Les candidats à l’immigration doivent se renseigner des possibilités d’emplois qualifiés dans les pays d’accueil potentiels. Ils pourront se renseigner auprès de plusieurs immigrants déjà installés pour diversifier les sources de renseignement. Il est conseillé également aux candidats qualifiés à l’immigration, une fois engagés, de prendre une disponibilité de service si possible au lieu d’une démission afin de ne pas fermer la porte pour un retour potentiel. Ainsi, une fois installé dans le pays d’accueil,  à la fin du délai de la disponibilité de service, le candidat pourra arbitrer entre sa situation actuelle et sa situation précédente afin d’éviter le gaspillage des cerveaux.

 

Que doivent faire les pays pour empêcher des gaspillages de cerveaux de leurs émigrants ?

Pour éviter les gaspillages de cerveaux, les États africains doivent procurer des bourses conditionnelles, mais aussi combattre les gaspillages des cerveaux dans leur propre pays. Ces bourses conditionnelles doivent être effectives et accessibles à tout le monde. Ainsi, les États doivent non seulement garantir des emplois pour les diplômés, mais aussi créer une situation favorable pour le retour des diplômés. En même temps qu'on investit dans le capital humain, il faudra investir aussi en capital physique pouvant favoriser l’accueil des diplômés. Aussi, pour faciliter le retour des migrants et leur insertion dans leur société d’origine, les États doivent tout faire pour garantir un emploi aux migrants diplômés après leur retour à l’instar de certains pays asiatiques et latino-américains.

 

 

Ali Yedan

 


[ii] PAQUET, Joëlle. Favoriser le développement économique des pays d’origine des immigrants : une responsabilité partagée. Québec, Laboratoire d’étude sur les politiques publiques et la mondialisation, ENAP, 2010, 16 p. (Rapport évolutif. Analyse des impacts de la mondialisation sur l’économie au Québec; Rapport 8)

 

[v] PAQUET, Joëlle. Favoriser le développement économique des pays d’origine des immigrants : une responsabilité partagée. Québec, Laboratoire d’étude sur les politiques publiques et la mondialisation, ENAP, 2010, 16 p. (Rapport évolutif. Analyse des impacts de la mondialisation sur l’économie au Québec; Rapport 8)

 

Comment concilier industrialisation et changements climatiques?

1172609_cop21-les-entreprises-face-au-defi-du-changement-climatique-web-tete-021458152988« Aucun pays ni aucune région du monde n’a atteint la prospérité et une vie socio-économique décente pour ses citoyens sans le développement d’un secteur industriel robuste » soutiennent les chefs d’État et de gouvernement africains lorsqu’ils adoptent le Plan d’action pour le développement industriel accéléré de l’Afrique (AIDA) lors de la dixième Conférence de l’Union africaine en janvier 2008 consacrée à l’industrialisation de l’Afrique. Or l’industrialisation rime avec exploitation intensive des ressources naturelles sans réel souci de durabilité. Comment les pays africains réussiront-t-ils à harmoniser le développement industriel avec la préservation de l’environnement et une gestion durable des ressources ?

Affronter les défis

Les économies des Etats africains subsahariens reposent essentiellement sur les secteurs d’extraction pétrolière, miniers et agricoles. Les principaux défis consistent à concilier les obligations en matière d’adaptation et  d’atténuation du changement climatique avec l’objectif d’atteindre « la prospérité et une vie socio-économique décente» à travers l’industrialisation au regard des moyens dont dispose ces pays. Contraints par les normes environnementales, ces Etats ne disposeront pas de beaucoup de marge de manœuvre pour construire un système industriel compétitif.

Un des principaux freins est le déficit d’infrastructures d’énergie et de communication qui entrave la compétitivité en augmentant les coûts de production et de transport. Ces déficits sont en partie entretenus par des difficultés liées à l’accès aux financements qui demeurent essentiels pour le développement industriel. En effet, beaucoup d’incertitudes et des risques perçus ou réels sont associés à la situation des pays subsahariens. Ils sont souvent associés à l’instabilité politique, la corruption endémique, l’absence de cadre légal, une relative fragilité institutionnelle et un manque de débouchés.

La faiblesse des systèmes financiers du continent empêchant l’éclosion d’un écosystème capable d’engendrer des champions industriels dans les pays subsahariens, le cercle est vicieux. En plus de ces éléments, l’absence d’intégration régionale effective limite la croissance d’un marché régional qui stimulerait un investissement massif dans le secteur industriel.

Par ailleurs, les grandes multinationales qui possèdent les concessions des principales mines des pays africains et contrôlent de fait des pans entiers de ces secteurs ne sont pas africaines. Ce sont des capitaux étrangers dont la vocation principale n’est pas d’offrir d’emplois aux africains ou de se soucier particulièrement de leur bien-être. Cette responsabilité qui incombe aux gouvernements doit les inciter à s’approprier le contrôle de leurs ressources en prenant une plus grande participation dans ces entreprises ou en favorisant la création des champions locaux. Les gouvernements africains sont déjà passés par toutes les phases de désillusion. Alors qu’ils n’ont pas consolidé leurs systèmes industriels naissants à l’époque post-indépendance, ils sont passés aux ajustements structurels des années 80-90 les amenant dans une dynamique de desintrustrialisation massive. Ils ont enfin le recul nécessaire pour prendre les décisions à même d’apporter plus de bien-être à leurs populations.

L’insuffisance des capacités techniques et le retard technologique ont limité la compétitivité industrielle du continent. L’une des contraintes actuelles est la nécessité de répondre aux normes internationales tant sur le plan environnemental que sur la qualité des produits. L’incapacité de certains pays africains à répondre aux normes qualitatives fixées par les pays développés le réflexe protectionniste de ces derniers qui imposent toujours plus de normes, parfois de manières déraisonnée pour protéger leurs produits sont des véritables freins au « made in Africa ».

Ces contraintes peuvent être allégées, notamment en concentrant l’effort – d’industrialisation sur des segments de valeur où le potentiel existe déjà et en consolidant un véritable marché intérieur.

Libérer le potentiel local par des approches novatrices

La voie vers un développement économique passe par un système industriel non polluant, peu générateur de carbone et basé sur des énergies renouvelables. Il est nécessaire de prendre en main les ressources naturelles et de ne plus les exporter sous forme brute mais après transformation locale. La chute actuelle des cours de matières premières qui a entrainé beaucoup de pays subsahariens dans des difficultés budgétaires accrues rappelle l’urgence de diversifier les économies africaines en captant une plus grande valeur de leurs ressources minières et agro-industrielle. Cette occasion, jusque-là manquée, peut être saisie  en tirant parti du dérèglement climatique actuel grâce à l’économie verte. Elle appelle à des transformations structurelles importantes au niveau des Etats : une transformation économique en adaptant des technologies rationnelles, écologiques aux conditions locales et en associant les savoirs-faire autochtones. Chaque pays peut, en fonction de ses ressources naturelles et humaines et dans un cadre régional harmonisé, concevoir une stratégie centrée sur leur utilisation durable et efficace. Les pays qui s’y sont déjà engagés seront fortement encouragés. Les efforts de l’Union Africaine et des institutions sous-régionales doivent être pris à bras le corps par chaque Etat et les dispositions telles que les suppressions des barrières douanières dans le marché commun correctement appliquées.

C’est en concevant des stratégies de développement durable et en orientant les actions publiques dans ce sens, que le défi de créer un système industriel robuste à même d’apporter la prospérité aux populations africaines pourra être atteint. Pour cela, il faudra innover dans les approches de réflexion tout comme celle de fonctionnement. Une meilleure approche consiste à privilégier le financement du développement industriel par un apport de sources intérieures aux pays ou au continent car cela conduirait à une meilleure appropriation locale du processus avec une meilleure chance d’atteindre efficacement les résultats escomptés.

L’investissement dans les énergies renouvelables, l’éducation et la technologie est à la base de la transformation réclamée. Il ne s’agit pas forcement de développer une industrie à forte valeur ajoutée mais de se concentrer pour chaque pays et chaque sous-région sur  des secteurs clés où les ressources existantes peuvent permettre le lancement d’un processus industriel capable de peser positivement sur le balance commercial. Le travail consiste à se réapproprier des secteurs prioritaires tels que les mines et les bois et encourager la transformation agricole locale. Il exige de se débarrasser des investissements non écologiques car les externalités négatives qu’ils engendrent annihilent tout l’effort consenti.

Pris un à un, les pays africains ne pourraient être compétitifs. C’est l’intégration régionale qui favorisera le développement d’un secteur industriel compétitif. L’industrialisation de l’Afrique dont les chefs d’Etat appellent de leur vœu passe par une approche économique verte portée par une politique de concertation régionale misant sur les ressources locales et le marché intérieur.

Djamal Halawa

Regards croisés sur le FCFA : que faut – il retenir ?

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Lors d’une conférence de presse faisant suite à la réunion des ministres des finances qui s’est tenue à Paris en Octobre 2015, Michel Sapin déclare à propos de la zone CFA[1] : « La France est entièrement ouverte à toutes les discussions. Tous les membres de cette zone monétaire sont libres et indépendants, ils peuvent donc demander à rediscuter les accords monétaires qui les lient avec la France. Rien n’est figé ni tabou ». Cette annonce a d’avantage amplifié la spéculation autour du F CFA soutenue depuis quelques années par la montée en force d’un panafricanisme qui se dit avisé.

            Alors que l’opinion publique s’attendait à l’ouverture du débat sur les mutations des mécanismes de fonctionnement et / ou à une éventuelle sortie des économies africaines de la zone CFA, le comité ministériel lors de sa dernière session de travail – qui s’est tenue à Yaoundé du 8 au 9 Avril dernier – semble affirmer sans ambages que la zone CFA reste un instrument approprié pour les pays membres.  

            Pour rappel, la zone CFA repose depuis plus de 50 ans sur des accords qui définissent d’une part les modalités de la coopération monétaire entre pays africains et, d’autre part sur les modalités de la coopération monétaire avec la  France –  articulés autour de la fixité du F CFA  arrimé d’abord  au franc français puis à l’euro en vertu de l’article 234 alinéa 1 du traité de Maastricht.  

            Grâce à l’originalité de son mécanisme de fonctionnement, cette « construction originale » a à plus d’un titre traversé les décennies en conservant sa convenance et son dynamisme (Noyer, 2012,5). De la sorte, elle a su résister aux évolutions du Système Monétaire International, à la décolonisation, à la globalisation, à la dévaluation, à l’avènement de l’euro qui offrait l’opportunité de mutations profondes et, récemment aux différentes crises financières internationales.

            Bien que la zone CFA relève avec brio le défi de la pérennité, les réalités socioéconomiques de la CEMAC et de l’UEMOA posent de façon permanente la question de la pertinence de la coopération monétaire avec la France et donc de la monnaie unique et des changes fixes.

  1. Avantages théoriques et critiques réelles

            Théoriquement, la monnaie unique et les changes fixes suppriment à la fois les coûts de transaction et l’incertitude liés au taux de change (Ripoll, 2000) ; accroissent la transparence des prix dans les pays suffisamment ouverts (Benassy-Quéré et Coeuré, 2010). En ce sens, ils simplifient les calculs économiques et rendent les transactions internationales moins risquées. En ce sens, ils permettent de réaliser des gains d’efficacité monétaire (Krugman et Obstfeld, 2008).  

            Avec la garantie monétaire, ces conditions sont également supposées favoriser l’afflux des IDE dans les régions Ouest et Centre Africaine. Mais, selon les statistiques financières internationales, la plus grande part des IDE de la France – principal partenaire commercial et financier de la zone CFA – en Afrique est orientée vers le Maroc.

                Néanmoins, les changes fixes restent favorables au commerce et à l’attrait des capitaux extérieurs. Durant la phase initiale de sa mise en place, l’arrimage à l’euro a permis la hausse des recettes d’exportation et des flux de capitaux de plus de 30% et 100% respectivement au Cameroun, en Côte d’ivoire et au Sénégal[2].

            Cependant, la prééminence de la défense du taux de change fixe entre le F CFA et l’euro favorise  la constitution excessive des réserves[3] de change au détriment du financement des économies (Kako Nubukpo, 2015). Aussi, pour les économies permanemment sujettes à des chocs extérieurs, la fixité du taux de change handicape lourdement le processus de l’ajustement alors que la volatilité de la parité euro-dollar – préoccupation mineure pour la BCE à cause de l’importance du commerce intra-zone euro – se répercute intégralement sur la parité du F CFA et contraint le taux de change réel. Zafar (2005) montre qu’en provoquant des appréciations réelles d’environ 8% en zone UEMOA et  7%  en zone CEMAC  entre 1999 et 2004, un euro fort – un F CFA fort – réduit  la  marge de manœuvre de la compétitivité-prix des pays membres.

            Or, la probabilité d’abandonner un régime de change fixe augmente avec l’appréciation du taux de change et le degré d’ouverture des économies. Ce d’autant plus que la perte de compétitivité est l’une des causes principales du déficit du compte courant – plus important pour les pays ayant une stratégie d’ancrage du taux de change (Ghosh et al., 1997). Ceci suggère une influence forte de la compétitivité (Berger et al., 2000) dont le maintien est important pour le développement économique des pays.

            Puisqu’elle ne permet donc pas d’atténuer la vulnérabilité aux effets externes, la zone CFA est loin de garantir et de maintenir la stabilité macroéconomique comme attendu. Tout  au contraire, le F CFA du fait de sa fixité à l’euro permet de transférer les chocs et les fluctuations sur les autres variables macroéconomiques ; Levy-Yeyati et Sturzengger  (2000)  l’associent  à  une volatilité plus élevée[4].

            De ce fait, le taux de change effectif réel, les termes de l’échange et le PIB[5] réel sont en moyenne[6], plus volatiles que dans les autres pays d’Afrique Subsaharienne[7]. En s’arrêtant temps soit peu sur la volatilité trimestrielle du PIB réel en Afrique Sub-saharienne entre 2001 et 2010, on constate que les pays de la zone CFA sont d’environ 1,5 fois plus volatiles que les autres pays d’Afrique Sub-saharienne qui n’ont pas opté pour un taux de change fixe depuis 2001. D’ailleurs, la fixité de change expliquerait environ 14%[8] de cette volatilité.

            Plus encore, grâce à ses principes de convertibilité et de libre transférabilité, la zone CFA favorise les sorties des capitaux financiers indispensables à la construction des économies et s’oppose à la formation de l’épargne intérieure au profit de l’endettement extérieur dont le remboursement contraint les populations (Agbohou, 2013).

            Telles sont les principales critiques à l’égard du F CFA. Mais, la structure même de ces économies et leur fonctionnement sont entre autres autant d’éléments qui obligent à relativiser.

            Il convient alors de souligner que le F CFA – c’est-à-dire la monnaie en elle même – n’a aucune influence sur l’activité économique. Son efficacité dépend de l’usage qu’on en fait et donc de sa gestion. C’est d’ailleurs pour cela que le choix d’un régime de change dépend essentiellement des conditions socio économiques et des nécessités des économies ; les principales nécessités étant relatives à la solidarité et à la crédibilité.

  1. Le F CFA n’est pas l’alpha et l’oméga du développement économique des pays

            Les développements récents de la théorie des zones monétaires privilégient une analyse en termes  d'économie politique et mettent l'accent sur l’importance de la crédibilité de la politique monétaire. Le F CFA confert aux pays qui l’ont adopté une crédibilité internationale du fait de son lien fort avec l’euro et, le plus grand bénéfice lié à l'appartenance à la zone est la rigueur et la discipline qui découlent des engagements institutionnels pris au niveau supranational (Alésina et Barro, 2002). Elles permettent de lutter efficacement contre l’inflation dont la maitrise est un atout dans le contexte des économies à faible niveau de revenu. A cet effet, la permanence de la zone CFA et la relative stabilité qu’elle autorise contrastent avec l'instabilité économique et politique de l'ensemble du continent africain.

            En instituant un ensemble de règles communes, la zone CFA est aussi un catalyseur de la solidarité entre pays. Cette solidarité est vue comme une condition nécessaire et suffisante de l’optimalité de la zone, en tant qu’elle constitue la finalité d’une union monétaire (Ondo Ossa, 2000). Par solidarité, il faut entendre l’aptitude d’un pays à supporter le coût de gestion d‘un autre. Elle permet aux pays en difficultés économiques et financières d’être soutenus par les pays « sains ». D’où la mise en commun des fonds dans les comptes d’opérations permet aux pays déficitaires de continuer à régler leurs achats extérieurs.

            Un exemple illustratif est relatif à la période 1985 – 1991, période au cours de laquelle tous les pays membres de la zone CFA avaient un solde commercial déficitaire à l’exception du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Congo et du Gabon. Plus récemment, la RCA (2004-2009) et le Tchad (199-2003) ont également connu une persistance de leur déficit commercial dont les conséquences ont pu être atténuées par le biais de cette même solidarité.

            En assurant la convertibilité illimitée des F CFA en euro, la France participe également à cette solidarité ; ce d’autant plus qu’elle accorde par son trésor national une garantie de non dépréciation de l’euro par rapport aux DTS[9] pour les 50%[10] des avoirs extérieurs que les pays africains sont tenus de déposer dans les comptes d’opérations (rémunérés) pour garantir leur valeur.

            Quant on parle de 50% des avoirs extérieurs déposés dans les comptes d’opérations, l’imagerie populaire africaine ne peut s’empêcher de dénoncer un hypothétique mécanisme de détournement de leurs ressources au profit de la France. Il est donc opportun et de judicieux de souligner que les avoirs des pays africains dans les dits comptes d’opérations sont peu signifiants pour leurs économies et pour celle de la France. En effet, entre 2011 et 2012, le solde du compte d’opération de la CEMAC au du trésor français représentaient en moyenne 0.32% de la masse monétaire de la France et 0.00652% de la masse monétaire de la CEMAC. On peut donc convenir que la mise à l’écart de ces fonds n’entrave en rien le financement des économies.

            Avec un niveau de masse monétaire plus élevé que celui de la France, on s’attendrait à ce que les actions de la politique monétaire en zone CFA se fassent véritablement ressentir dans les économies, ce d’autant plus que les différents taux directeurs sont inférieurs à 3%.

            Mais, les modifications des taux débiteurs des banques ne suivent pas systématiquement les  variations des taux directeurs et restent élevés compte tenus des risques. Ainsi, le financement des économies par le biais des banques est beaucoup plus régi par les considérations externes que par les conditions internes au système bancaire d’où le double rationnement de crédit (rationnement par les prix et par les conditionnalités d’accès au crédit) permanent dans ces économies. L’existence d'un système monétaire stable et unifié n'a malheureusement pas permis l'émergence d'un système bancaire et financier efficace dans les pays africains de la zone franc.

            Pour revenir au cas réserves extérieures des pays membres, force est de constater que leur niveau est bien inférieur à celui des autres pays africains à niveau de développement comparable. C’est dire que les pays de la zone CFA gagnent peu dans les échanges avec l’extérieur. Leur faible compétitivité prix (qu’on attribue l’arrimage à l’euro) en est la cause. Pourtant, lorsqu’on compare la moyenne[11] des taux de change effectifs réels de la CEMAC et de l’UEMOA à ceux du Nigéria et du Ghana sur la période 1999 – 2012, on constate que la différence est négligeable (l’UEMOA étant d’ailleurs en moyenne plus compétitive que le Ghana et le Nigéria).

            La conception[12] du taux de change effectif réel d’Edwards (1989), montre qu’il dépend fortement des politiques économiques et des facteurs internes (politique fiscale, productivité, niveau des dépenses publiques, etc.). C’est donc dire que d’autres facteurs relatifs à la compétitivité hors prix influencent les échanges avec l’extérieur et notamment la structure des économies.

            Pour ce qu’il en est, aussi bien pour les économies de la CEMAC que pour celles de l’UEMOA, la propension marginale à importer est plus forte que la propension marginale à exporter. Les importations sont élastiques par rapport au revenu et au taux de change effectif réel. Les élasticités-revenu et prix estimées valent respectivement 1.36 (1.26) et 3.12 (1.62) pour la CEMAC (l’UEMOA). Ainsi, une amélioration du revenu de 1% augmente les importations de 1.36% et 1.26% en CEMAC et en UEMOA respectivement tandis qu’une appréciation du taux de change effectif réel de 1% qui rend les produits étrangers moins chers augmente les importations de 3.12% et 1.62% en CEMAC et en UEMOA respectivement.

            Dans le même temps, les exportations elles sont inélastiques par rapport au taux de change effectif réel. Elles n’augmentent que faiblement (0.27% en moyenne) suite à une modification de 1% des prix  relatifs favorables aux pays de la zone CFA.  

            Ces faits sont attribués entre autres à la faible diversification des productions domestiques (concentrées sur le pétrole, le cacao, le coton, entre autres), au caractère embryonnaire des industries locales et à la forte extraversion des habitudes alimentaires qui, rendent les revenus de ces économies tributaires des fluctuations des prix internationaux des matières premières et les maintiennent fortement dépendants des biens alimentaires et manufacturés extérieurs. Ainsi, même lorsque les prix relatifs deviennent défavorables et que les importations baissent, la pression qu’exercera la demande interne sur l’offre tendra plutôt à augmenter en interne les prix à la consommation.

  1. Des reformes concrètes à mener en attendant (peut – être) un nouveau système de change

            Les défis des économies africaines de la zone CFA sont donc plus structurels que conjoncturels et un simple changement de monnaie ou de régime de change ne suffira à les relever. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les avantages de la monnaie unique et des zones monétaires n’ont jamais pu être optimisés au sein de la zone. Puisque le régime de change et les conditions économiques interagissent, la question qui demeure est celle de savoir quels changements faut-il initier pour que la zone CFA en plus d’être soutenable puisse être efficace et améliorer le niveau développement des économies?

            Les recommandations vont prioritairement dans le sens de l’amélioration de l’environnement des affaires, de la promotion et de l’accélération de l’intégration économique (intra et inter sous régions) et de la convergence, de la coordination des politiques économiques (programmation monétaire et  programmation budgétaire pour l’élaboration d’un Policy Mix adéquat), et de la diversification des structures productives.

                Le choix du régime de change approprié quant à lui exige au-delà d’une telle analyse de comparer dans le temps le bénéfice net de la fixité de change du F CFA par rapport à l’euro relativement à celui qui résulterait des régimes de change alternatifs dans un scénario de simulation.

 

Bibliographie:

AGBOHOU, N. (2012): « Le fonctionnement du F CFA, l’arme monétaire de la France contre l’Afrique », Word Press Infos.

BEAC (1973): Convention du compte d’opération.

BCEAO (1973): Convention du compte d’opération.

BEAC (2013): Rapport Spécial sur le Contrôle du Compte d’opération.

Edwards, S. (1989): ‘Exchange rate misalignment in Developing Countries’. Baltimore: John Hopkins University Press.

Ghosh, A. R., Gulde, A. M., Ostry, J. and Wolf, H. (1997): « Does the Nominal Exchange Rate Regime Matter? », NBER Working Paper, n° 5874.

 


[1] Coopération  financière  en  Afrique  Centrale  et  communauté  Financière  Africaine  en  Afrique  de  l’Ouest.  La zone franc CFA compte la France et quatorze pays d’Afrique Sub-saharienne regroupés en deux sous régions (la CEMAC :  Cameroun,  Gabon,  Tchad,  Congo,  RCA,  Guinée  Equatoriale  ;  l’UEMOA :  Sénégal,  Cote  d’ivoire, Bénin,  Burkina,  Mali,  Niger,  Togo,  Guinée  Bissau)  représentées  dans  les  accords  de  coopération  par  leurs Banques Centrales respectives (BEAC et BCEAO).

 

 

[2] Calculs de l’auteur

 

 

[3] Les avoirs extérieurs nets s’élèvent au 31 décembre 2014 à 5 208 milliards de francs CFA (7,9 milliards d’euros) pour la BCEAO, soit un taux de couverture de l’émission monétaire de 84,3 %. Pour la zone de la CEMAC, les avoirs extérieurs nets s’élèvent à la même période à 8 387 milliards de francs CFA (12,4 milliards d’euros) pour la BEAC, soit un taux de couverture de l’émission monétaire de 89,8 % via le mécanisme dit « du compte d’opérations » (Kako Nubukpo, 2015).

 

 

 

 

[4] L’Argentine et l’Uruguay en avaient été durablement frappés à la fin des années 1990.

 

 

[5] Dont les fluctuations sont liées aux fluctuations de l’emploi et du chômage (Saludjian, *).

 

 

[6] Cameroun, Gabon, RCA, Guinée Equatoriale, Togo, Cote d’ivoire, Sénégal à cause de la disponibilité des données.

 

 

[7] Nigéria, Ghana, Afrique du Sud, Burundi, Gambie, Malawi, Ouganda, Zambie.

 

 

[8] Coefficient de détermination obtenu de la régression par les MCO de la volatilité du PIB réel sur le type de régime de change.

 

 

 

[9] Droits de triages spéciaux

 

 

[10] Ce taux a évolué au cours du temps. Il était de 100% à l’origine jusqu’en 2005 où la quotité a été définit à 65%, de 60% jusqu’en Juin 2008, 55% jusqu’en Juin 2009 et de 50% depuis Juillet 2009.

 

 

[11] En logarithme, 4.60 pour la CEMAC, 4.57 pour l’UEMOA, 4.59 pour le Ghana et 4.58 pour le Nigéria.

 

 

[12] Selon laquelle le taux de change réel dépend des fondamentaux des économies.

 

 

Un cas d’école d’afro-responsabilité dans le secteur de l’énergie : La SABER

image_energie-renouvelableLomé bénéficie d’une position géographique très avantageuse. A mi-chemin entre la pointe ouest du continent et le delta du Niger, la capitale togolaise relie aisément les autres régions du continent grâce à un réseau aérien en forte expansion. Elle accueille notamment un complexe des institutions sous régionales.  Au 9ème étage du bâtiment de la Banque d’Investissement de la Commission Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, sont installés les locaux de la Société Africaine des Biocarburants et des Energies Renouvelables (SABER). Sous l’égide de son président Directeur Général Thierno Bocar Tall, la SABER se veut le bras du déploiement opérationnel des énergies renouvelables en Afrique pour les décennies à venir. En quoi peut-elle être porteuse d’initiatives capables de faire face aux défis énergétiques ?

Cet article s’inscrit dans le cadre de la préparation du Forum International Green Business qui sera organisé à Pointe Noire du 17 au 19 mai 2016.

La SABER en quelques mots

La SABER est une institution internationale dont le capital est détenu par quinze Etats africains [i]et six institutions financières[ii]. L’institution est- un modèle de réussite de Partenariat Public-Privé (PPP) grâce à une étroite collaboration entre  Etats et bailleurs de fonds africains. Avec des capacités de production très réduites, la plupart des pays subsahariens sont victimes du coût de revient de l’énergie produite et d’un taux de disponibilité très bas de leur parc de production qui est le plus souvent dominé par des centrales thermiques.  Quelques-uns  comme la Guinée et le Congo qui sont dotés d’un potentiel hydraulique élevé, n’arrivent pas à en jouir compte tenu des ressources techniques et humaines nécessaires et de la difficulté à structurer le financement.

L’objectif de la SABER est donc de promouvoir et de financer les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique dans ses pays d’action, tout en favorisant le transfert de technologie. Et cela pour contribuer à la naissance d’un secteur industriel africain dans le domaine des Technologies de l’information et de la communication (TIC) et de l’énergie.

Une expérience consolidée

Depuis 2013, la SABER a signé un protocole d’accords avec la commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA)  qui lui délègue la maîtrise d’ouvrage  pour la mise en œuvre du Programme Régional du Développement Durable et de l’Efficacité Energétique(PRODERE). D’un portefeuille d’environ 20 milliards de Francs CFA, le PRODERE décline  la Politique Energétique Commune des Etats-membres de l’UEMOA. Il s’agit d’un programme pilote visant à stimuler l’investissement  dans les énergies propres. La SABER, bras technique de l’UEMOA, accompagne chaque Etat dans la mise en œuvre du programme.  Elle capitalise  les bonnes pratiques au niveau local et national en vue d’harmoniser le secteur des énergies renouvelables à l’échelle régionale. Ainsi, le PRODERE a permis d’installer des milliers de lampadaires solaires, des lampes à basse consommation, des adductions d’eau villageoise, des kits solaires et des mini-centrales. Grâce à l’expérience accumulée par  PRODERE, le Togo a emboité le pas de l’UEMOA en mettant sur pied un projet gouvernemental d’installation de 13 000 lampadaires solaires. De même,  le Bénin a mis en place le PROVES[iii] qui vise à l’installation de 15 000 lampadaires solaires et  105 mini-centrales solaires et adduction d’eau afin de viabiliser les chefs-lieux d’arrondissement non encore électrifiés.

Plusieurs autres programmes foisonnent comme la construction de centrales solaires, ou encore la gestion du Fonds Africain pour les Energies Renouvelables (FAER). Riche d’un portefeuille de plusieurs milliards de dollars, il s’agit de structurer le financement en vue de soutenir les initiatives bancables, dans la mesure où le secteur des énergies en Afrique subsaharienne a le vent en poupe.

Plusieurs Etats et partenaires techniques se manifestent donc, afin de bénéficier de l’expérience technique et financière de la SABER.

L’Afro-responsabilité comme exigence

Compte-tenu du potentiel non exploité d’énergie sur le continent, la SABER apparaît aussi bien comme un bailleur de fonds, qu’un accélérateur de compétences et de savoir-faire local dans l’espace subsaharien souvent décrié sur le plan énergétique. Si les premières expériences sont couronnées de succès, plusieurs défis demeurent néanmoins à l’ordre du jour.

D’une part, celui de la formation hautement qualifiante d’élites africaines. L’expansion du secteur énergétique doit être accompagnée par des formations locales dans les domaines croisés du droit, de l’ingénierie, et de la recherche. Ces formations porteront les cadres des générations futures à un piédestal équivalent à celui des écoles et universités occidentales.

D’autre part, la recherche doit occuper un rôle prépondérant dans la promotion des innovations. S’il est louable de faire des champions nationaux adjudicataires de marchés et d’appels d’offre, il est encore plus brillant de promouvoir des initiatives de conception locales. Les exemples foisonnent dans le domaine de la préservation de l’environnement avec les foyers améliorés et la noix de coque comme substitut abondant et compétitif pour lutter contre le charbon de bois, nocif pour l’environnement et dommageable à l’environnement.

Enfin, le dernier enjeu, et pas des moindres, concerne la communication digitale moderne. A l’image de l’industrie musicale africaine d’une certaine époque où l’engouement suscité à l’échelle nationale et régionale ne favorisait pas du tout l’essor des artistes dans les chartes internationales. Non pas qu’elles ne soient pas exportables, mais bien souvent par faute de moyens de communication et de soutien marketing efficace. Chaque initiative, aussi marginale soit-elle mérite un coup de projecteurs. Des forums, salons et concours d’envergure ne seront que des facteurs positifs pour faire retentir l’écho silencieux du génie créatif africain. Le CardioPad, le M-Pesa ainsi que le SAM10 en sont les porte-étendards.

Loin des effets d’annonce, la SABER apparaît comme un cas d’école – dans les partenariats publics privés. En avril 2016, Oragroup s’est joint à la SABER pour mettre en place une plateforme dédiée au financement des grands projets énergétiques d’un montant global de 130 milliards de Francs CFA  dont 50% en dette et l’autre moitié en fonds propres. La confiance dont jouit l’institution, jumelée aux retours d’expérience capitalisée, en font un levier déterminant de la politique d’accès à l’énergie pour tous sur le continent africain.

Leomick SINSIN


[i] Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Léone, Tchad et Togo.

[ii] BIDC, BOAD, Ecobank, FAGACE, IEL et Nexim Bank

[iii] http://www.agenceecofin.com/solaire/1601-25831-benin-lancement-de-l-installation-de-15-000-lampadaires-solaires-et-de-105-microcentrales-solaires

Le numérique, un atout pour le développement de l’économie verte en Afrique ?

clipboard06Le numérique, particulièrement la téléphonie mobile marque une rupture dans le quotidien des africains de par les opportunités qu’elle offre à toujours plus de personnes. Cette technologie a donné naissance à des innovations qui serviraient considérablement le développement de l’économie verte sur le continent.  

Cet article s’inscrit dans  le cadre de la préparation du Forum International sur le Green Business qui sera organisé à Pointe Noire du 17 au 19  mai 2016.

La pénétration du mobile en Afrique, un rattrapage à un rythme incroyable

La révolution numérique africaine s’initie certes avec quelques décennies de décalage par rapport aux autres régions du monde. Néanmoins, elle est bien enclenchée, portée par la « révolution mobile ».  La  percée de cette technologie depuis le début des années 2000 est fulgurante, au point que le continent connaît la plus forte croissance au monde de la téléphonie et de l’internet mobiles.  Aujourd’hui, 80% de la population[i] est équipée d’un téléphone mobile contre 1% en 2000 alors que moins de 30% de la population a accès à l’électricité.

Cette pénétration rapide de la téléphonie s’accompagne de la création de nouveaux usages adaptés aux contextes socio-économiques africains qui pourraient pallier les difficultés économiques structurelles du continent. Les agendas publics ont tout intérêt à intégrer ces innovations.

L’exemple de l’amélioration des pratiques agricoles grâce à la téléphonie

La téléphonie a donné lieu à plusieurs expérimentations en matière agricole, notamment pour l’amélioration de l’accès aux savoirs et savoir-faire, qui, à grande échelle pourraient servir l’agriculture verte. Par exemple, l’ONG SAILD[ii] développe depuis 2004 le programme Allô Ingénieur dans tout le Cameroun qui permet aux agriculteurs de bipper un ingénieur agronome qui les rappelle ensuite. Ce service a une incidence notamment sur le choix des productions agricoles et l’achat des équipements au démarrage d’un projet agricole. Les ingénieurs du programme sont également sollicités à propos de l’usage des intrants agricoles. La généralisation d’un tel service contribuerait de lutter contre les mauvaises utilisations des pesticides et engrais liés à la méconnaissance des modalités d’utilisation par les producteurs. Ce mode de vulgarisation interactif permet aussi de promouvoir de meilleures pratiques dans l’utilisation des intrants et de rationnaliser les productions.

En matière vétérinaire, la FAO a expérimenté en 2013 au Kenya une application mobile en partenariat avec le Royal Veterinary College et l'ONG locale Vetaid[iii]. EpiCollect permet aux vétérinaires de suivre les campagnes de vaccination et les soins prodigués aux animaux mais aussi de lancer des alertes précoces sur d'éventuels foyers de maladies animales. Si la phase teste s’avère concluante, ces outils peuvent être mis à la disposition des anciens d'un village et de réseaux bien établis de travailleurs communautaires s'occupant de santé animale.

Des entreprises kenyanes proposent aussi de souscrire à un service de diffusion d’information en temps réel par SMS sur les conditions climatiques mais aussi sur les conjonctures économiques régionales. Ces systèmes d’information relient les paysans, ceux les plus éloignés des points de vente,  aux marchés pour qu’ils puissent faire de meilleurs choix stratégiques et renforcent leur pouvoir de négociation[iv].

La téléphonie contribue ainsi dans le contexte du dérèglement climatique à améliorer les pratiques agricoles.

Le numérique au service de l’entreprenariat vert

L’avancée du numérique révolutionne l’entreprenariat en Afrique. En matière financière, elle améliore l’accès au service de paiement dématérialisé. C’est au Kenya que les services financiers par téléphone mobile se sont d’abord développés. Créé en 2007, par l’opérateur mobile Safaricom[v],  le service M-Pesa[vi] permet aux utilisateurs de déposer et de retirer de l’argent à partir d’un réseau d’agents certifiés, de transférer de l’argent à des tierces personnes et de payer des factures. Les avantages du m-paiement sont nombreux : quasi instantané, il réduit considérément la distance entre les utilisateurs ; son coût reste inférieur à celui que nécessite la gestion d’un compte bancaire. Il est surtout facile à appréhender et à appliquer, même dans un contexte d’analphabétisme.

Vecteur de flux financiers, le téléphone mobile, pallie le manque de canaux formels de transaction bancaire et accélère même la bancarisation d’une partie de la population. Grâce à des partenariats entre banques et opérateurs mobiles, de nouveaux services financiers plus sûrs et diversifiés sont développés : microcrédit, micro-épargne et micro-assurance. Ces services bancaires par mobile supposent la possession d’un compte en banque et s’adressent à des utilisateurs déjà habitués au m-paiement. Des dispositifs sont d’ailleurs mis en place pour aider les utilisateurs du m-paiement à migrer vers cette seconde offre.

L’entreprenariat en Afrique bénéficie aussi de la progression d’une autre technologie numérique, pas encore évoquée ici : l’internet. « Moins un pays est développé, plus Internet a des raisons d’exister », a dit d’ailleurs Sacha Poignonnec, cofondateur de Africa Internet Group. Encore faiblement développé sur le continent, Internet rend accessibles, aux classes moyennes en priorité, de nouvelles offres, via des market-places (plateformes de vente en ligne). Jumia[vii], le leader africain de l’e-commerce, propose des services similaires à ceux fournis en Europe ou aux Etats-Unis : téléphones, fours à micro-ondes, grilles pains, jouets et autres biens de consommation, sont livrés  à domicile dans une dizaine de  pays[viii], même dans les régions reculées ou peu sécurisées.

Fabuleux vecteur de bonnes pratiques entrepreneuriales, Internet permet à des initiatives telles que Rocket Africa de favoriser le développement de technologies et nouveaux concepts verts. Cet incubateur de start-up tire parti des opportunités créées par le net pour faciliter l’implantation en Afrique d’innovations qui ont déjà fait leurs preuves ailleurs.

En conclusion, les technologies numériques et les innovations dont elles sont porteuses sont au service de l’autonomisation des entrepreneurs et des producteurs agricoles. La téléphonie mobile, contribue à l’amélioration de la circulation de l’information alors que les infrastructures de base déficitaires isolent les territoires et entravent le fonctionnement des administrations publiques et privées. Elle offre davantage d’opportunités aux entrepreneures. De telles innovations appellent à de meilleures interactions entre les acteurs concernés par le développement durable.

Thiaba Diagne


[i]DAOUDI Dounia, « E-commerce, M-banking: l’Afrique s’investit », RFI, 22 février 2016, http://www.rfi.fr/economie/20160222-e-commerce-banking-afrique-investit-telephonie-mobile-internet-kenya-nigeria-rdc.

[ii] LEMOGO Jerry Laurence, TIC, agriculture et révolution verte en Afrique: le cas du Cameroun, Editions Universitaires Européennes, 2013.

[iii]FAO, « Les téléphones portables révolutionnent la filière élevage au Kenya », ttp://www.fao.org/news/story/fr/item/170808/icode/.

[iv] ICT UpDate, Bulletin d’alerte pour l’agriculture ACPWageningen, numéro 77, avril 2014, pages 6 à 9.

[v] La société de télécommunication britannique Vodafone est le principal actionnaire d Safaricom.

[vi] CHAIX Laetitia, TORRE Dominique, « Le double rôle du paiement mobile dans les pays en développement  », Revue économique 2015/4 (Vol. 66), p. 703-727.

[vii] KANE Coumba et MICHEL Serge, « L’Afrique, terre de conquête du e-commerce, entretien avec Sacha  Poignonnec  », Le Monde, 06 juin 2015, http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/03/06/l-afrique-terre-de-conquete-du-e-commerce_4588836_3212.html.

[viii]  Afrique du Sud, Algérie, Cameroun, Côte d'Ivoire, Egypte, Ethiopie Ghana, Kenya, Marocn Mozambique, Nigeria, Ouganda, Rwanda, Tanzanie.

Ce qu’apportent les fablabs aux écosystèmes numériques et entrepreneuriaux africains

Il y a dix ans, Neil Gershenfeld ouvrait le premier « fabrication laboratory » au Massachussetts Institute of Technology. Très vite et un peu partout dans le monde de nombreux « fablabs » ont vu le jour, en 2011 on en dénombrait déjà 50 dans 16 pays. Sur le continent africain, plus d’une vingtaine sont référencés. Que font ces fablabs et quel(s) rôle(s) jouent-ils dans les écosystèmes numériques et entrepreneuriaux africains?

fab

 

La carte ci-dessus répertorie tous les établissements respectant la charte du MIT mais il existe de nombreux autres établissements qu’on dénomme « fablab » par abus de langage.

 

Faire émerger des solutions adaptées aux besoins du continent africain et y faciliter l’accès et l’appropriation des nouvelles technologies…

Atelier de fabrication numérique, un fablab est un lieu librement accessible où l’on doit pouvoir trouver de quoi confectionner à peu près tout et n’importe quoi en bénéficiant d’une assistance opérationnelle, technique, financière et logistique. Voilà ce qu’exige la charte du MIT, qui se résume en tout et pour tout à cinq articles. Innovation et partage en sont les maîtres mots. Ainsi, chaque fablab est un lieu unique dont le destin ne dépend que de ceux qui s’y rendent. Cela en fait un espace idéal pour concevoir des solutions à des problèmes locaux, des produits « made in & for Africa » comme l’application GBATA développée à OVillage, en Côte d’Ivoire, pour fournir des informations sur l’immobilier à Abidjan. Il n’est plus besoin de présenter la désormais célèbre W. Afate, première imprimante 3D conçue à partir de matériaux recyclés, au sein du Woelab au Togo. Cette imprimante 3D low cost, primée à l’internationale, rend imaginable la diffusion d’une technologie de pointe sur le continent africain. Woelab se revendique d’ailleurs comme un espace de démocratisation technologie et vulgariser et faciliter l’appropriation des outils numériques est bien une spécificité des fablabs en Afrique. Ils jouent à ce titre un rôle important dans la formation des plus jeunes aux technologies d’aujourd’hui et de demain. Les membres du Ouagalab n’hésitent d’ailleurs pas à se déplacer et à consacrer des jours (et des nuits blanches !) à des formations dans les écoles du Burkina Faso.

Offrir des perspectives pour l’industrialisation du continent…

Si chaque fablab est unique et a sa propre identité, il est, à travers le label du MIT, intégré à un réseau au sein duquel des rencontres sont organisées. Entre les fablabs africains, des ponts se mettent progressivement en place, des échanges entre membres se font, la propagation d’innovations d’un pays à l’autre s’opère, des opportunités apparaissent. A Dakar, au sein du Defko Niek Lab de Ker Thiossanne, l’imprimante 3D jumelle de la W.Afate ainsi qu’une fraiseuse numérique, ont suscité l’intérêt des artisans sénégalais. Avec de tels outils, leur travail pourrait être mécanisé, l’industrialisation se substituerait alors à l’artisanat, une perspective porteuse pour un continent qui souffre précisément de son manque d’industrialisation.

…Ou servir de relais pour agir sur les écosystèmes numériques….

Enfin la visibilité et la crédibilité que peut donner un label octroyé par le MIT font des fablabs des relais intéressants pour qui entend conduire des politiques publiques dans le numérique. Le plan « développement et numérique » lancé par le gouvernement français en décembre 2015 et, qui est presque exclusivement orienté vers l’Afrique, les perçoit comme des leviers possibles de son action.

A condition de trouver le bon business model

Néanmoins, les fablabs peinent aujourd’hui à trouver le bon modèle économique. Acquérir du matériel informatique et électronique, qu’il faut importer, coûte cher. Les fablabs, en Afrique comme ailleurs, vivent dans la majorité des cas de subventions versées par les pouvoirs publics ou les ONG ou encore des prix qu’ils reçoivent. Cela rend leur survie fragile à l’instar de l’Atelier de Beauvais qui n’a pas survécu au changement de couleur politique de son département.

Sur le long terme, deux choix semblent donc s’offrir donc aux fablabs : être rattaché à une entreprise ou une école (auquel cas ils ne seront plus des fablabs au sens du MIT) ou parvenir à une autonomie financière à travers la vente de prestations (conseils aux entreprises, formations) ou de produits. Cette dernière option passe par la professionnalisation des membres des fablabs et la commercialisation des productions qui en sont issues. Le défi est de taille mais il en vaut la chandelle.

 

Cet article est issu de TechofAfrica.com, site d'actualités sur les nouvelles technologies et les startups en Afrique.

Le foncier : une équation complexe au Sénégal

foncLes villes africaines, notamment les grandes capitales d'État, connaissent depuis quelques décennies, une urbanisation galopante. Selon la Banque Mondiale, malgré le fait que l’Afrique soit au début de sa transformation urbaine, son taux d’urbanisation est estimé à 40% en 2015. Cette forte urbanisation – bien que significative dans la croissance économique des villes grâce à la création de richesse et la disponibilité d'une main d'œuvre abondante – soulève une problématique fondamentale: l'occupation foncière. En réalité, plus les grandes villes accueillent des populations, plus elles ont besoin d'espaces supplémentaires pour faire face au grignotage accru du foncier urbain. Dans cet article, nous exposons dans un premier temps, les caractéristiques actuelles du système foncier au Sénégal. Ensuite, nous montrons les méthodes de gestion du foncier existant, en interrogeant les différents jeux d’acteurs qui interagissent autour de ce système. Enfin, nous esquissons quelques pistes de réflexion qui pourraient éventuellement résoudre l’équation complexe du foncier dans les villes sénégalaises.

 

État des lieux du foncier au Sénégal

 

          Une minutieuse observation du processus d’étalement urbain des grandes villes sénégalaises, notamment la région urbaine de Dakar, permet de comprendre comment la question du foncier présente des enjeux fondamentaux dans les dynamiques d'occupation du territoire. Si l'urbanisation, à travers l'usage accéléré du sol, explique en partie la rareté foncière au cœur des grandes villes sénégalaises (Dakar, Thiès, Touba, etc.), l’éparpillement des villes en morceaux étalés est très fortement lié à une volonté politique de réalisation de nouveaux lotissements moins chers et accessibles en périphérie des grandes villes. Aujourd’hui, c’est le cas de la région urbaine de Dakar. En effet, l’hypertrophie de la capitale sénégalaise a favorisé la création d’une ville nouvelle (Diamnadio) en périphérie, avec une viabilisation du foncier qui a entraîné le développement de nouveaux lotissements sur le long de chemin qui mène vers cette Ville Nouvelle (Zone d’Aménagement Concerté de Mbao, Këër Mbaye Fall, Tivaouane Pëël, etc.). De plus, la mise en place de nouveaux équipements et infrastructures rend ces zones accessibles. Nous pouvons donc retenir une volonté de l’État d’encourager une croissance urbaine horizontale à travers la viabilisation des terrains et la mise en place d’équipements et d’infrastructures. Cependant, malgré cette volonté de l'État, nous pouvons quand même remarquer son inaction sur d’autres aspects du foncier au Sénégal.

          En effet, l’État est censé être le garant de l’intégrité territoriale ; le gendarme du foncier à travers des taxes et des exigences normatives, mais face à l’émergence de nouveaux types de propriétaires privés, parfois très riches, on note, de plus en plus, une indifférence, un désengagement de l’État, au niveau du droit de propriété foncière. En d’autres termes, les propriétaires privés gèrent, au même titre que l’État, des lotissements entiers ; ce qui leur assure une certaine puissance vis-à-vis de l’institution publique. Par exemple, si l’État sénégalais a mis les conditions adéquates et favorables pour le développement de nouveaux lotissements sur le long de la périphérie dakaroise, la plupart de ces lotissements sont des propriétés privés (Cité Këër Doudou Bass Njaxiraat, etc.).         Ensuite, dans un contexte de décentralisation progressive de l’appareil étatique dans la gestion locale du foncier, les collectivités territoriales locales voient leur marge de manœuvre augmentée. En effet, les collectivités locales, le notaire et le préfet doivent jouer le rôle d’arbitre pour éviter les litiges. Mais parfois, la réalité est tout autre: les usurpations sont plus que jamais présentes dans la gestion foncière. Les collectivités locales qui sont censés protéger les acheteurs et sécuriser le foncier apparaissent faibles et parfois même complices ; une situation qui montre la vulnérabilité et le risque qui caractérisent ce secteur très complexe. Enfin, un des constats que nous pouvons faire sur la question foncière dans les villes africaines est sa planification. Le foncier est-il bien utilisé ou bien valorisé ? En réalité, dans les villes sénégalaises, l’occupation foncière présente parfois des risques environnementaux, économiques et sociaux avérés. Il arrive que les lotissements soient faits dans des zones à risque d’inondation, d'érosion marine, ou dans foyers de conflits intergroupes, etc. Ainsi, l’aménagement du terrain est mis au second plan, alors que les pouvoirs publics, notamment les collectivités locales, dans un contexte de décentralisation, doivent assurer une certaines sécurisation foncière en délivrant par exemple des permis de lotir et de construire que dans des zones constructibles.

 

L’administration foncière au Sénégal.

 

L’administration coutumière : pendant longtemps, dans les villes sénégalaises, la propriété de la terre est attribuée au « Buur »[1], autrement dit, n’appartenant à personne. Cette non-identification du foncier signifie que le foncier appartient à tout le monde. En revanche, il existe un chef de quartier ou de ville – généralement le « Buur » – qui assure son administration, sa distribution et sa sécurisation. Donc le foncier n’appartient en aucun cas, ni à l’État, ni à un propriétaire privé. Tout le monde, quel que soit son niveau de vie socio-économique, avait le droit de l’utiliser. Cependant, avec l’arrivée des colonisateurs, la gestion coutumière du foncier est délaissée au profit d’une gestion plus centralisée, plus administrée par l’autorité coloniale, considérée alors comme l’État.

 

La sécurisation foncière : étant le garant de la sécurisation foncière, le propriétaire majoritaire des terres, l'État rencontre différents problèmes avec ses populations. En effet, si dans la plupart des législations foncières, le terrain détenu par un propriétaire privé doit-être reconnu, cadastré (donc identifié) et sécurisé, il existe toutefois des problèmes, rencontrés principalement par les populations qui achètent des terrains sans connaître forcément les règles législatives du foncier à cause de la lourdeur des démarches administratives et le manque d’informations transparentes sur la question. Cette situation nécessite un questionnement lucide afin de trouver des solutions idoines pour les populations –acheteurs qui, au final, sont les grands perdants dans ce système.

 

Quelles solutions : faut-il prévoir ou faut-il faire avec en comblant le vide du système ?

 

         

Face à la lourdeur des démarches administratives, le favoritisme et le clientélisme qui existent au cœur de ce système foncier, il est très difficile de prévoir les éventuels problèmes. Pour prévoir quelque chose, cela suppose d’être d’abord à jour, donc en avance sur les problèmes présents. Or, l’administration est lente et parfois complice dans ce système. Ce qui fait qu’il n’est pas probable d’être dans une situation de prévention. Cette dernière est également compliquée dans un contexte de forte urbanisation, donc de demande accrue du foncier, et d’une méconnaissance avérée des législations foncières par certaines populations. Il suffit de voir comment l’habitat spontané s’est développé dans les années 1960-1970, à Guinaw Rail, un quartier populaire de la ville de Pikine, pour comprendre l'improbabilité de la prévention, sachant que l’administration est relativement faible et lente sur la question de la sécurisation foncière. N’ayant pas de solution, les collectivités locales sont obligées de subir, de céder face à la pression des populations. Donc, sans le vouloir, l’informalité est formalisée pour assurer une paix sociale et faire face à la forte pression démographique. En revanche, là où la formalité et la prévention prennent sens, c’est quand les autorités locales tentent d’assainir et d'équiper les habitats informels existants en mettant en place des services essentiels pour les populations : l’assainissement, l’eau, l’électricité, etc. Il y aurait donc une acceptation de l’informalité qui favorise une condition de prévention.

 

          En définitive, dans un contexte d’urbanisation accentuée, donc de grignotage accru du foncier dans les grandes villes sénégalaises, notamment la capitale, le foncier devient rare et est le nerf de plusieurs problèmes environnementaux, économiques et sociologiques à cause d’une gestion défaillante de la part de l’État et les institutions publiques locales. En effet, si l’État a balisé le terrain en mettant en place des équipements publics (infrastructures, etc.) pour encourager l’occupation des terrains situés en périphérie de Dakar, il existe tout de même un certain laisser-aller  de sa part sur les questions relatives à la sécurisation, à l’aménagement local, mais aussi et surtout à l’environnement.

 

 

Cheikh Cisse


[1] Le roi, le chef de quartier, etc.

Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) : Pour des actions plus efficaces dans les pays en développement

rseLa politique RSE d’une entreprise basée à Londres pourrait-elle s’appliquer purement et simplement à sa succursale établie au Cameroun ou au Ghana ? Aujourd’hui la question de l’adaptabilité des modèles de RSE des pays développés aux pays en développement se pose. L’interrogation garde toute sa pertinence surtout lorsqu’on sait à quel point les urgences et contraintes des pays en développement diffèrent de ceux des pays développés. En France par exemple, le volet social de la RSE va porter sur l’amélioration de la situation des salariés ou des relations avec les clients, les fournisseurs et la société civile (INSEE 2012) alors que dans les pays en développement, la RSE prend d’autres formes. Cet article revient sur la RSE telle que pratiquée dans les pays en développement notamment en Afrique, et propose des pistes pour la rendre plus adaptée au contexte local.

 

La RSE dans les pays en développement, une nécessaire adaptation

 

La RSE, concept et pratique d’origine occidentale, s’est  étendue aux pays en développement en raison de la mondialisation. Ainsi, de nombreux programmes de RSE dans les pays en développement mettent, l’accent sur des activités telles que la construction d’écoles, points d’eau, centres multimédias, bibliothèques, laboratoires, centres de santé équipés, etc. Toutefois, la pratique de la RSE dans les pays en développement par les multinationales occidentales nécessiterait une intégration forte du contexte local. En effet, le courant de pensée qui milite pour une RSE spécifique aux pays en développement a commencé à émerger dans les années 1990. Il pose  la question de la capacité des modèles de RSE occidentaux à résoudre les problématiques des pays en développement (pauvreté, vulnérabilité aux questions environnementales, déficit des infrastructures d’éducation, de santé ou de transport, etc.)

 

Or ces domaines relèvent de la compétence des États et les entreprises n’ont pas vocation, à travers la RSE, à résoudre les problèmes sociaux et environnementaux. Une implication trop prégnante du secteur privé dans ces questions est par ailleurs assez risquée.  En effet, en prenant ces questions en charge de manière récurrente et en y apportant des solutions concrètes, le secteur privé contribue à conforter l’image, si ce n’est la réalité, de l’incapacité des États. Ceci n’est pas pour le bénéfice à long terme des États qui hypothéqueraient ainsi une partie leur souveraineté. En plus, cela peut entrainer une perception de connivence  entre les gouvernements et les entreprises. Perception selon laquelle les entreprises bénéficieraient des privilèges fiscaux et autres ; ceci en contrepartie d’une prise en compte, plus ou moins efficace, des questions sociales et environnementales, sous couvert de RSE. Enfin, la RSE est susceptible de créer des attentes auprès des communautés. Attentes qui, faute d’être comblées, peuvent générer une désaffection pour l’entreprise, menaçant sa pérennité.

 

Ne pas rester insensibles devant l’urgence des problèmes locaux

 

Toutefois, au regard de l’urgence des questions de santé, d’éducation ou de la dégradation rapide de l’environnement, les entreprises ne peuvent s’exempter de la réflexion et de l’action sur les questions qui minent la société dans laquelle elles opèrent. Parce les entreprises tirent leurs richesses des communautés, ne se doivent-elles pas de leur rendre service en retour, à travers la RSE ? Et ceci, au-delà de la part déjà versée aux États sous forme d’impôts et pour les mêmes fins ? Les entreprises devraient par conséquent éviter d’être dans une posture purement légaliste en se contentant de la simple conformité aux contributions exigées par les textes.   Elles devraient être plus audacieuses et opter pour des politiques de RSE énergiques et volontaristes qui contribueraient au développement local et par là même au leur.

 

En effet, payer des impôts peut s’avérer suffisant dans les pays développés où les gouvernements jouent pleinement leur rôle en subvenant aux besoins élémentaires des populations tout en intégrant l’environnement.  Mais sous nos latitudes, les dons d’une école, d’un centre de santé, d’un point d’eau, de matériel agricole pour la culture de subsistance, dans le cadre des activités de RSE, ne sont pas négligeables.  En plus, l’assurance que les destinataires soient touchés directement est un avantage.

 

Prendre en compte la durabilité des réalisations de la RSE

 

Lorsqu’une entreprise construit une école dans une localité, en l’absence d’un point d’eau potable proximité, les enfants délaisseront l’école pour aller s’approvisionner en eau nécessaire à la subsistance de la famille. Pareillement, lorsque la famille est dans la pauvreté, les enfants constituent une main d’œuvre utile et les parents peuvent alors considérer l’école comme une option ou une activité facultative. Le rapport de l’ONU sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement de 2014 indique qu’ « une analyse de 61 enquêtes sur les ménages des pays en développement, entre 2006 et 2012, a montré que les enfants en âge de fréquenter l’école primaire des 20 % des ménages les plus pauvres étaient trois fois plus susceptibles d’être non scolarisés que les enfants des 20 % des ménages les plus riches. » Enfin, certains dons engendrent des coûts subséquents auxquels les bénéficiaires ne peuvent faire face. Un centre de santé par exemple doit être entretenu et ses équipements maintenus par des personnes compétentes.

 

Des limites à dépasser par la mise en place de relais fiables

 

Malgré ces limites, les actions menées par les entreprises à travers la RSE ne doivent pas être abandonnées pour autant.  Par contre pour assurer leur durabilité, il faut qu’elles soient menées de concert avec les autres parties prenantes notamment les gouvernements, ONG, associations, pour assurer en temps opportun un relais efficace. Ceci nécessite la mise en place d’un cadre pertinent de concertation et de responsabilisation entre les différents acteurs pouvant être traduits dans des Partenariats Public-Privé.

 

 

Caroline Ekoualla

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